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Gueule de mensonge<br />
« Mensonges, mensonges ! Est-ce que j’ai une gueule de mensonges? » m’avait<br />
asséné Simone sur la passerelle du canal. Comme une furie, elle était sortie de<br />
l’hôtel de l’Ouest dont j’avais descendu en trombe l’escalier pour la rejoindre.<br />
Dans son petit manteau d’arrière-saison en tweed élimé, elle faisait pitié à voir.<br />
Je n’allais pas la laisser ainsi. Elle risquait de replonger dans cette saleté, la<br />
drogue. J’en connaissais les ravages, ses sources d’approvisionnement, là-bas<br />
sous les piliers de fonte du métro aérien, vers Barbès. C’était pour elle une fuite<br />
en avant, j’en étais sûr, mais parviendrais-je à l’en débarrasser définitivement ?<br />
- Dis-moi la vérité, lui dis-je, tu devrais arrêter à la minute où je te parle.<br />
- J’ai essayé maintes fois, mais je suis tellement accro. Alors tu ne pourrais<br />
pas m’avancer cent balles : c’est ce qu’il me faut pour ma prochaine fixette.<br />
Toi qui économises comme un paysan, ça ne devrait pas faire un trou dans ton<br />
budget. Allez, vas y, ouvre moi ton cœur et ton portefeuille !<br />
- J’en connais un rayon de tes boniments fis-je. Arrêtons une bonne fois pour<br />
toute notre histoire qui devient un cauchemar !<br />
Clap de fin de séquence de Paul Halégrais, assistant du metteur en scène.<br />
Extinction des projecteurs. La dernière du film « Les Orgueilleux du Canal »<br />
était dans la boîte.<br />
Toute l’équipe aurait droit à un bon gueuleton dans un restaurant de luxe du<br />
quartier. Après ces deux mois de tournage dans les rues parisiennes, elle pourrait<br />
enfin souffler.<br />
Claude Wertheimer<br />
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