Grains orageux en traîne active et tornade dans les ... - Keraunos

I/Situation générale :
11 FEVRIER 2007 - GRAINS ORAGEUX EN TRAINE ACTIVE
ET TORNADE DANS LES VOSGES
Dans un flux d’Ouest bien établi, les dépressions défilent les unes après les autres sur
nos régions. Un vaste système dépressionnaire s’étend sur l’Atlantique, des îles
Britanniques au Québec. Le front froid de la dépression centrée sur l’Angleterre balaye le
Nord Est de la France en matinée du 11/02, associé à des pluies modérées et un vent
parfois soutenu (gradient de pression resserré).
II/ Coupe verticale :
La dépression s’accompagne d’une advection
douce à l’avant avec des températures encore
positives à 850hPa. Au sol, elles avoisinent les
10°C à 13°C à la faveur d’éclaircies à l’arrière
du front. Les Tx sont atteintes en mi-journée
(12°C à Nancy Essey, 13°C à Strasbourg).
Dès lors, une traîne active se met en place et
en particulier sur les régions allant de l’Est du
bassin parisien à l’Alsace. En effet, de l’air
froid en altitude se confronte à des
températures douces dans les basses couches.
Ce gradient vertical de températures (-26°C à
500hPa, 0°C à 850hPa, 12°C au sol) va être le
premier facteur d'instabilité.
Le gradient vertical de température sur coupe GFS réalisée sur la zone touchée par les
orages (Meuse - Bas Rhin) :
La tornade de Soulosse-sous-Saint-Elophe du 11 février 2007
© Christophe MERTZ – Observatoire Français des Tornades et des Orages Violents

Une anomalie de tropopause prononcée (moins de 7000m) accompagne cette traîne et
s’étend le long des frontières Nord et Nord Est du pays :
Celle-ci a pour conséquence de favoriser les ascendances par forçage.
La tornade de Soulosse-sous-Saint-Elophe du 11 février 2007
© Christophe MERTZ – Observatoire Français des Tornades et des Orages Violents

Les vents verticaux à 700hPa furent donc également prononcés, favorisant du même
coup la formation de nuages à développement vertical.
TPE à 850hPa :
La tornade de Soulosse-sous-Saint-Elophe du 11 février 2007
© Christophe MERTZ – Observatoire Français des Tornades et des Orages Violents

Analyse du radiosondage de Nancy 11/02 à 12h00 UTC:
La situation est bien dynamique dès 1500m avec la présence d’un vent fort d’altitude
(barbules à gauche). L’air est potentiellement instable sur toute l’épaisseur traversée,
mais surtout en basses couches et entre 600 et 550hPa (courbe bleue inclinée vers la
gauche par rapport à la courbe Theta’w 10). La saturation de l’air entre 700 et jusqu’à
400hPa témoigne d’une forte humidité à ces étages (les lignes bleues et rouges se
rejoignent ou sont très proches). La coupe GFS le montre :
La tornade de Soulosse-sous-Saint-Elophe du 11 février 2007
© Christophe MERTZ – Observatoire Français des Tornades et des Orages Violents

La zone de fortes ascendances se situe une nouvelle fois entre 700 et 400hPa puisque
c’est là que se concentrent les zones les plus humides et instables.
III/Autres forçages et indices :
La tornade de Soulosse-sous-Saint-Elophe du 11 février 2007
© Christophe MERTZ – Observatoire Français des Tornades et des Orages Violents

Un indice Li de -1 et un CAPE très modéré à moins de 600j/kg. On remarquera tout de
même que les valeurs les plus élevées se localisent très justement à l’endroit des orages
les plus forts (Ouest Lorraine).
Comme indiqué sur le radiosondage,
présence d’un jet relativement fort de
la Normandie au Jura. Le courant jet
favorise le développement des orages
ou leur intensification car il amplifie
les ascendances par phénomène
d’aspiration. Les tornades se forment
parfois juste sous celui-ci. Celui-ci a
donc joué un rôle important dans la
dynamisation de la situation.
Une situation finalement très
classique, voir typique de la
formation de tornades hivernales.
Très rapide flux d’Ouest entre
système dépressionnaire sur l’Atlantique Nord et hautes pressions sur les Açores, courant
jet sur le pays et traîne active à l’arrière d’un front sur l’Allemagne.
Activité orageuse de la journée :
A gauche, l’activité foudre totale enregistrée. A droite, analyse USAF de la fin d’après
midi.
Ces grains ont occasionnés plusieurs phénomènes violents. Des tornades tout d’abord
dont les F2 de Soulosse sous St Elophe (88) et d’Equeurdreville (50). Signalons d’autres
landspout de plus faible intensité à Villechétive (89) et peut être dans la Marne sans que
ces derniers aient été clairement identifiés dans ce département. Aucun élément dans les
articles qui suivent ne permet en effet de lever le doute sur le ou les phénomène(s) en
question.
La tornade de Soulosse-sous-Saint-Elophe du 11 février 2007
© Christophe MERTZ – Observatoire Français des Tornades et des Orages Violents

Captures vidéo de la tornade :
Les captures vidéo ont été réalisées à environ 5km au NO de la tornade :
Base du tuba très incurvée de couleur
blanche translucide (probablement du à
l’aspiration d’eau du ruisseau le vair qui
longe Brancourt). Certains spécialistes
comme Dean Gill ont comparé cette tornade
à celle de Minneapolis (1986 – F2) dans son
apparence à savoir un vortex très recourbé
formant presque une boucle et à une
couleur très claire.
La tornade de Soulosse-sous-Saint-Elophe du 11 février 2007
© Christophe MERTZ – Observatoire Français des Tornades et des Orages Violents

La tornade fait disjoncter les lignes électriques sur son passage.
Météo France confirme l’intensité F2 de la tornade quelques jours plus tard. Voici un
article pouvant prêter à réflexion paru dans la Liberté de l’Est :
Un phénomène pas si rare d'après Météo France
"C'est assez fréquent, il y en a eu en 1999 à Cornimont, en 2001 à Saint-Dié et Epinal,
etc.", explique Bruno Cunin, technicien au centre départemental de Météo France. Mais
de tels phénomènes à si petite échelle sont très difficiles à prévoir. Cette mini-tornade,
comme il convient de l'appeler, est associée à des phénomènes orageux et dans les
nuages d'orage, il y a des tourbillons.
"A Soulosse, ce tourbillon est descendu jusqu'au sol, formant une sorte d'aspirateur, ce
qui a provoqué tous ces dégâts", ajoute-t-il. D'une violence assez forte, sur une zone très
localisée, ces phénomènes ont une durée de vie très courte. Quant à pouvoir chiffrer la
force du vent, le spécialiste ne s'y risque pas. "A 5 km de là, la station de mesure a
enregistré des vents de 70 km/h", lance-t-il. Mais au cœur des tornades, la force est
amplifiée. Par exemple, aux Etats-Unis, des vitesses ont été mesurées à 400 km/h.
Difficile de savoir si les cas récents énumérés par le technicien étaient également des cas
de tornade ou d’autres phénomènes venteux.
La tornade de Soulosse-sous-Saint-Elophe du 11 février 2007
© Christophe MERTZ – Observatoire Français des Tornades et des Orages Violents

Edition de Soissons:
Sud de l'Aisne La tornade fait des dégâts
« Instantanée et violente ! » Jean-François Riteau résume ainsi la tornade qui s'est
abattue hier après-midi sur le territoire de deux communes du sud de l'Aisne, Viels-
Maisons et Marchais-en-Brie. Demeurant à Marchais-en-Brie, l'homme qui déjeunait avec
sa petite famille, n'a rien vu venir : « Ca n'a même pas duré deux minutes, mais tout
s'est mis à voler dans tous les sens ». Le sinistre passé, il détaille les dégâts : « des
trous dans la toiture, deux baies vitrées brisées, les voitures cabossées par les tuiles. ».
A quelques mètres de là, même spectacle de désolation chez Marie-Claude et Ghislain
Hoyon. Des tuiles jonchent la cour. Des morceaux de sapin s'entassent contre un muret.
Malgré tout, des hommes sont déjà arc-boutés sur la toiture pour remplacer les tuiles
cassées du garage et d'une chambre. « J'étais en train de passer l'aspirateur quand j'ai
entendu un gros bruit. Le sapin du voisin avait atterri dans notre cour sur ma Fiat Panda
! ».
Le voisin, Michel, attend les pompiers, au milieu des tuiles brisées : « Ils vont dégager la
cheminée qui s'est couchée sur la toiture et qui menace de tomber à tout moment ».
L'homme qui habite une coquette maison depuis quatre ans dit avoir eu « la trouille » : «
J'ai entendu un gros boum et les tuiles se sont mises à voler dans tous les sens.
Heureusement, il n'y a aucun blessé, ce ne sont que des dégâts matériels ».
(…) Les appels au secours ont surtout été lancés du hameau de Vallery à Viels-Maisons
où sept pavillons ont été touchés ainsi qu'à Marchais - ferme de Courmont, maison de
retraite, hameau de Coulgy - où une vingtaine de maisons et bâtiments ont été
endommagés.
Autour, des sapins sectionnés en deux, des arbres décapités, des panneaux de
signalisation couchés à terre ou des tonnelles démantibulées. Sans compter des lignes
électriques à terre. « On n'avait pas été aussi touchés par la tempête de 99 ! » indiquait
hier un habitant, les manches retroussées. A noter que plusieurs maisons ont aussi été
fortement touchées par cette tornade à Montmirail dans le département Marnais, tout
proche.
Le canton de Montmirail touché par une mini-tornade
Hier après-midi, la commune de Janvilliers et le hameau de Montcoupot ont essuyé
d'importants dégâts après le passage d'une mini-tornade sur le canton de Montmirail.
Aucun blessé n'est à déplorer.
« La dernière fois que j'ai vu de tels dégâts après le passage d'une mini-tornade, c'était
le 26 décembre 1999. Tout a été vraiment très vite. Les tuiles de mon toit se sont
envolées. Mes sapins ont tous été décapités et leurs cimes sont allées atterrir sur la
route. Heureusement, on a évité l'accident de la route. ».
Roger Mesnard n'en revient toujours pas. Hier après-midi, la mini tornade qui s'est
abattue sur une partie du canton de Montmirail n'a pas épargné la maison qu'il habite
depuis 1968 au lieu-dit « La Dorgeaterie » situé à proximité du hameau de Montcoupot.
Déjà bien présentes le matin, les rafales de vent sont allées crescendo dès le début de
l'après-midi et c'est vers 14 heures que l'alerte a été donnée par les habitants de
Janvilliers qui ont vu leur toiture s'envoler. La mini tornade a provoqué de nombreux
dégâts dans les communes et lieux-dits situés le long de la Départementale 933 sur l'axe
Montmirail/Châlons-en-Champagne.
A Janvilliers, plus précisément au lieu-dit « La Boularderie », au total, ce sont près de
100 m2 de tuiles qui se sont envolées, sans faire de victime parmi les riverains et les
automobilistes. Cinq maisons ont été fortement touchées par le vent (…).
Extrait de "l'Union" édition d'Epernay.
La tornade de Soulosse-sous-Saint-Elophe du 11 février 2007
© Christophe MERTZ – Observatoire Français des Tornades et des Orages Violents

Tentative de localisation :
Réalisation : Florent Planchon
On le voit bien, si il y a bien un axe Ouest-Est, les communes touchées sont disparates et
le couloir présentant des discontinuités est relativement étendu. Par ailleurs, d’autres
dégâts furent signalés 15km à l’Ouest en Seine et Marne.
Un observateur d’Info Climat nous a tout de même rapporté ce témoignage :
« Témoignage d'une personne habitant à Marchais-en-Brie: elle était dehors quand elle a
subi le coup de vent (20 secondes), elle s'est alors réfugié dans un hangar et là, elle a vu
distinctement les tuiles tourbillonner dans un sillage de 20 m de large, pas davantage.
Toujours selon ce témoin, la tornade (puisque selon moi c'en est une) a laissé un sillage
très net dans un bois (toujours près de Marchais) de 10/20 m de large; enfin elle s'est
déplacé d'Ouest en Est, vers 13h30/13h45. »
Il est donc bien difficile de se prononcer sur ce qu’il s’est passé dans ce secteur. La
grande étendue des zones touchées, le manque d’indices caractéristiques, et les
absences d’éléments nouveaux et de visites sur place me font donc pencher pour le front
de rafales, même si nous ne pouvons exclure définitivement l’hypothèse tornade.
La tornade de Soulosse-sous-Saint-Elophe du 11 février 2007
© Christophe MERTZ – Observatoire Français des Tornades et des Orages Violents