I« Repères - Acteurs de l'économie

Grand Prix / Nicolas Bourgerie
Entrepreneur heureux
I
l aurait aimé être pilote de chasse ou professeur
de mathématiques, mais une fois
le baccalauréat scientifique obtenu, Nicolas
Bourgerie a préféré une année préparatoire
HEC. Dans sa ligne de mire, une école et
une seule: EM Lyon. «J’avais repéré l’existence
d’un incubateur dans cet établissement.
C’était exactement ce qu’il me fallait
pour créer avant la fin de mes études », se
souvient le Pdg de Methodia. Il faut dire
qu’à dix-sept ans, Nicolas Bourgerie avait
déjà été frappé par le virus de la création.
«Je voulais établir le lien entre les grandes
marques et les jeunes, à travers un site de
jeux permettant de gagner des bons d’achat
», résume-t-il. Aussi, tout juste débarqué
sur le campus d’EM Lyon, ce Palois
cherche à concrétiser son projet. «J’ai pris
contact avec les responsables de l’incubateur,
dès ma deuxième semaine de cours. Ils m’ont
permis d’aller au bout de mon projet, sur
lequel j’ai travaillé pendant neuf mois ». Une
gestation vaine. L’éclatement de la bulle
Internet, conjugué à un trop important
besoin de fonds propres, ont eu raison de
cette première tentative.
Nicolas Bourgerie reprend donc le cheminement
plus classique de la vie estudiantine.
Et, en parallèle, travaille, se tournant
vers le soutien scolaire. «Très vite, je me suis
aperçu que tous ces enfants déploraient bien
plus un problème de méthode de travail
qu’un besoin d’approfondir certaines matières.
Alors en m’inspirant de ce que je faisais
pour moi-même en tant qu’étudiant et des
bonnes pratiques que je repérais, j’ai initié
des méthodes innovantes. Et plus j’avançais,
plus cela me passionnait », se souvient
Finalistes
Gérard Soula, fondateur de Flamel
technologies et qui pilote aujourd’hui
Adocia, Frédéric Faure et Christophe
Leservoisier, tous deux dirigeants de
l’agence de voyages Atalante - spécialisée
dans le voyage outdoor sur mesure, cette
entreprise a mis en place une Charte
d’éthique du voyage responsable -, et
enfin un trio : Jean-Michel Joyeux, Michel
Daubert et Michel Pages. Tous trois sont
aux commandes du Groupe Etape,
entreprise stéphanoise de sous-traitance
industrielle qui favorise la réinsertion de
personnes handicapées.
VI Supplément Grand Prix Acteurs de l’Economie / Juillet 2008
Nicolas Bourgerie. En suivant une trentaine
d’élèves, le futur Pdg du spécialiste du
soutien scolaire peaufine son offre. Et avec
quatre amis, fonde Methodia en 2003. Le
succès est immédiat. «Mais au bout d’un
an, alors que le nombre d’élèves croissait fortement,
nous n’avions toujours pas structuré
l’entreprise. Nous avions besoin d’argent ».
Et le jeune homme d’aborder alors
Philippe Marcel, président d’Adecco
France. «Je lui ai expliqué mon projet en
quelques secondes. Il m’a posé une seule
question: de combien avez-vous besoin? J’ai
prononcé un chiffre au hasard, et on s’est vu
le lendemain matin ».
Drogué par son métier
Cette rencontre décisive permet au créateur
de Methodia non seulement de boucler
son tour de table, mais également de
tisser des liens avec des personnes d’horizons
différents qui toutes apportent leur
concours à l’aventure entrepreneuriale.
«Cela ne m’empêche pas de faire des erreurs,
mais d’en faire moins », analyse le jeune
dirigeant, aujourd’hui à la tête d’un
ensemble actif (3,3 millions d’euros de
chiffre d’affaires en France et en Espagne)
dans le soutien scolaire, la formation professionnelle,
la garde ludo-éducative de
jeunes enfants et bientôt l’apprentissage
pour les seniors. Nicolas Bourgerie assure
Repères
A 26 ans, Nicolas Bourgerie est le dirigeant de Methodia,
spécialiste du soutien scolaire créé en 2003.
être parvenu à structurer son entreprise
pour se consacrer à ce qu’il aime vraiment:
la conception d’outils pédagogiques innovants.
Une manière aussi, pour cette « belle
gueule » d’origine modeste - un père cariste
et une mère vendeuse, qui lui confia une
partie du produit de la vente de son
pavillon pour financer Méthodia -, élevée
« dans l’esprit de partage » par ses grandsparents
marocains, responsabilisée très
jeune et qui en classe préparatoire travaillait
vingt heures par semaine chez
Décathlon, d’être «utile aux autres ». Et de
continuer «à tester » les supports qu’il
construit devant des enfants et des adultes.
«Si je m’isole des élèves, je me coupe de mon
métier », plaide-t-il. Se considérant « drogué
» par ce dernier, le jeune homme estime
ne pas savoir ce qu’il pourrait faire de
«plus passionnant ». Si ce n’est une carrière
politique pour continuer à œuvrer
« dans un métier qui a du sens au niveau
collectif et pour l’intérêt général ». Mais pour
l’heure, le Pdg de Methodia se satisfait pleinement
de son sort. «Alors que tous les
chefs d’entreprises cherchent à fidéliser leurs
clients, nous voulons leur apprendre à
apprendre seuls, donc à se passer de nous »,
plaisante-t-il. Ce paradoxe le comble.
D’ailleurs, n’a-t-il pas inscrit sur sa carte de
visite: «Nicolas Bourgerie, dirigeant fondateur
heureux? » ● Françoise Sigot
© R. QUADRINI/KR IMAGES PRESSE