I« Repères - Acteurs de l'économie
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I<br />
l est <strong>de</strong>s entreprises qui naissent<br />
non pas seulement d’une appétence<br />
capitalistique, mais qui<br />
matérialisent aussi une trajectoire<br />
favorablement rectifiée, une<br />
volonté <strong>de</strong> s’en sortir malgré les<br />
obstacles. Restim, contraction <strong>de</strong><br />
«restaurer l’estime et l’image »,<br />
une <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux seules agences <strong>de</strong><br />
conseil en addictologie pour les<br />
entreprises en France, c’est d’abord<br />
un pied <strong>de</strong> nez au <strong>de</strong>stin.<br />
Celui <strong>de</strong> François Nicaise, ancien<br />
directeur commercial employé<br />
dans une multinationale. Il était, à<br />
l’entendre, presque un autre<br />
homme, « l’un <strong>de</strong> ces cadres qui<br />
pensent tout savoir, toujours pétris<br />
d’assurance ». Mais en 1993, le<br />
groupe qui l’emploie ferme tous<br />
ses sites rhônalpins. François<br />
Nicaise a le choix: être muté en<br />
région parisienne ou bénéficier du<br />
plan social. Il choisit <strong>de</strong> reprendre<br />
sa liberté, et empoche une coquette<br />
somme <strong>de</strong> départ. Entrepreneur<br />
dans l’âme, il se lance alors dans la<br />
reprise d’une enseigne spécialisée<br />
dans le développement photographique<br />
et ouvre sept boutiques à<br />
Lyon. Mais la crise immobilière ne<br />
l’épargne pas. Et quatre ans plus<br />
tard, en 1997, tout s’écroule. «En<br />
tant que Pdg, j’étais le seul responsable,<br />
juridiquement et fiscalement.<br />
Ma vie a brutalement basculé. Je<br />
suis <strong>de</strong>venu seul, sans emploi, sans<br />
couverture sociale ni assurance chômage<br />
», décrit-il sans succomber<br />
au pathos, ajoutant qu’il avait, «en<br />
plus du reste », la responsabilité <strong>de</strong><br />
la perte <strong>de</strong>s emplois <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux<br />
filles et <strong>de</strong> leurs époux, tous les<br />
quatre salariés <strong>de</strong> son entreprise.<br />
Seul pour traverser le désert<br />
Plus <strong>de</strong> voiture, un studio minable, une<br />
montagne <strong>de</strong> <strong>de</strong>ttes, « mais j’étais toujours<br />
tiré à quatre épingles », insiste-t-il.<br />
L’homme tait le montant <strong>de</strong> ses traites,<br />
mais admet continuer d’en rembourser<br />
une partie aujourd’hui encore. Un far<strong>de</strong>au<br />
qui ne l’a pas empêché <strong>de</strong> rebondir. A l’époque,<br />
il retrouve très vite un emploi<br />
«comme simple commercial », grâce à son<br />
carnet d’adresses. Mais ce cadre déclassé<br />
Prix du rebond / François Nicaise<br />
Le conquistador<br />
<strong>Repères</strong><br />
François Nicaise a créé en 2000 le cabinet<br />
lyonnais Restim, contraction <strong>de</strong> « restaurer<br />
l’estime et l’image », une agence <strong>de</strong> conseil en<br />
addictologie pour les entreprises. Aujourd’hui<br />
il envisage <strong>de</strong> créer le métier d’alcoologue<br />
d’entreprise.<br />
Finalistes<br />
Jean-Clau<strong>de</strong> Lavorel, Pdg <strong>de</strong> LVL Medical,<br />
Alain Lapierre, dirigeant <strong>de</strong> la salle<br />
d’escala<strong>de</strong> Le Mur <strong>de</strong> Lyon,<br />
Fabrice Santoro, patron <strong>de</strong> W3D<br />
(machines d’impression).<br />
© R. QUADRINI/KR IMAGES PRESSE<br />
comprend vite que même après<br />
une carrière <strong>de</strong>nse et <strong>de</strong> nombreux<br />
contacts, « on se retrouve seul<br />
pour traverser le désert ». La solitu<strong>de</strong>,<br />
il en a rêvé d’ailleurs: il se<br />
voyait, au milieu <strong>de</strong> ses amis lors<br />
d’un déjeuner sous un arbre.<br />
L’orage éclate et ses proches lui<br />
disent: «On revient t’ai<strong>de</strong>r pour<br />
enlever la table ». Mais il ne les<br />
revoit pas, et se débrouille seul.<br />
Depuis ce songe, François Nicaise<br />
est habité d’une double conviction:<br />
il veut sortir <strong>de</strong> cette spirale<br />
et ne peut compter que sur luimême.<br />
Cette même année 1997, il<br />
a 51 ans et le décès d’un proche,<br />
victime <strong>de</strong> l’alcool, provoque un<br />
choc. C’est l’autre étape <strong>de</strong> sa<br />
reconstruction. Il déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> s’intéresser<br />
à « l’homme » au sens premier<br />
du terme et rejoint comme<br />
consultant RH Carrières, le cabinet<br />
<strong>de</strong> Jacques Pommier. «Assez<br />
vite, note-t-il, j’ai réalisé qu’on<br />
avait <strong>de</strong>s difficultés à faire <strong>de</strong> l’outplacement<br />
pour les salariés qui ont<br />
à la fois <strong>de</strong>s problèmes d’alcool et<br />
familiaux ». Deuxième déclic<br />
quelques mois plus tard : une<br />
émission <strong>de</strong> Paul Amar, tard le<br />
soir, lui souffle une idée : en<br />
Amérique du Nord, <strong>de</strong>s programmes<br />
sont développés pour ai<strong>de</strong>r<br />
conjointement les individus et<br />
leurs employeurs à résoudre les<br />
problèmes d’addiction. «Voilà ce<br />
qu’il faut faire, me suis-je dit ». Il<br />
rencontre l’alcoologue lyonnais<br />
François Gonnet, qui lui suggère<br />
<strong>de</strong> passer un diplôme universitaire<br />
spécialisé. Dont acte. François<br />
Nicaise, qui n’avait jamais pénétré<br />
dans un amphithéâtre, se retrouve à «plancher<br />
», au milieu <strong>de</strong>s autres étudiants <strong>de</strong><br />
mé<strong>de</strong>cine. «J’inventais un métier, ose-t-il,<br />
c’était une pério<strong>de</strong> passionnante ». Pas à pas,<br />
il tisse un réseau. Qui passe par EM Lyon et<br />
notamment Marie-Josée Bernard, professeur<br />
<strong>de</strong> développement personnel qui lui<br />
«permet d’entrer en contact avec <strong>de</strong>s personnalités<br />
fortes, qui ont cru en moi et en mon<br />
projet ». Il n’est alors plus seul. Et remonte<br />
à la surface. Restim peut voir le jour en<br />
2000. ●<br />
Audrey Henrion<br />
Supplément Grand Prix <strong>Acteurs</strong> <strong>de</strong> l’Economie / Juillet 2008<br />
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