Sauvons le campagnol amphibie - Althis
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Entrée d'un<br />
terrier de<br />
<strong>campagnol</strong><br />
<strong>amphibie</strong> avec<br />
fèces du rongeur.<br />
Le pelage fourni<br />
du <strong>campagnol</strong><br />
<strong>amphibie</strong><br />
dissimu<strong>le</strong> presque<br />
entièrement ses<br />
oreil<strong>le</strong>s.<br />
Ainsi, en se mobilisant pour sauver <strong>le</strong> <strong>campagnol</strong><br />
<strong>amphibie</strong>, il s'agit d'al<strong>le</strong>r au-delà d'un<br />
simp<strong>le</strong> sauvetage, car <strong>le</strong>s qualités humaines à<br />
déployer participent d'une réf<strong>le</strong>xion et de l'instauration<br />
de mesures beaucoup plus vastes,<br />
nécessaires à la survie de notre propre espèce.<br />
Nous osons donc affirmer que <strong>le</strong> spectac<strong>le</strong> d'un<br />
Arvicola sapidus, bien vivant et visib<strong>le</strong>ment heureux<br />
de l'être, en train de faire sa toi<strong>le</strong>tte sur une<br />
pierre moussue d'un ruisseau clair, mérite sans<br />
aucun doute un sursaut d'éthique de l'Homme.<br />
Présentation de l'espèce<br />
Le Courrier de la Nature n• 267 - M ars-Avril 2012<br />
Le <strong>campagnol</strong> <strong>amphibie</strong> ou rat d'eau est un<br />
mammifère appartenant à l'ordre des rongeurs<br />
et à la famil<strong>le</strong> des muridés (selon l'Inventaire<br />
national du patrimoine naturel). Il partage actuel<strong>le</strong>ment<br />
<strong>le</strong> genre Arvicola avec deux autres<br />
espèces qui sont :<br />
- Arvicola terres tris : <strong>le</strong> <strong>campagnol</strong> terrestre ou<br />
rat taupier ;<br />
- Arvicola amphibius: <strong>le</strong> <strong>campagnol</strong> aquatique.<br />
La classification de Linné (1758) décrivait<br />
deux formes chez <strong>le</strong> <strong>campagnol</strong> terrestre : une<br />
forme fouisseuse qui occupe la plus grande partie<br />
de la France et une forme aquatique visib<strong>le</strong><br />
dans <strong>le</strong> nord de notre pays et au Royaume-Uni<br />
qui peut être confondue avec <strong>le</strong> <strong>campagnol</strong><br />
<strong>amphibie</strong>. Tout récemment, en 2005, la forme<br />
aquatique a été proposée comme espèce à part<br />
entière (Arvicola amphibius), mais n'est pas encore<br />
acceptée comme tel<strong>le</strong> par l'ensemb<strong>le</strong> de la<br />
communauté scientifique.<br />
Le <strong>campagnol</strong> <strong>amphibie</strong> (Arvicola sapidus),<br />
quant à lui, est subdivisé en deux sous-espèces :<br />
- Arvicola sapidus tenebricus : de coloration<br />
marron sombre à roussâtre, il est présent en<br />
France er dans <strong>le</strong> nord de l'Espagne ;<br />
- Arvicola sapidus sapidus : de cou<strong>le</strong>ur plus<br />
claire, plus jaunâtre, il se situe au Portugal et<br />
dans <strong>le</strong> sud de l'Espagne.<br />
Avec un poids pouvant atteindre 280 g et<br />
une longueur pouvant dépasser <strong>le</strong>s 20 cm sans<br />
compter sa queue longue de plus de 10 cm, il<br />
est <strong>le</strong> plus grand des <strong>campagnol</strong>s. Il ne semb<strong>le</strong><br />
pas présenter d'adaptation morphologique particulière<br />
à son mode de vie aquatique, si ce n'est<br />
peut-être son pelage fourni (de cou<strong>le</strong>ur brun
SAUVONS LE CAMPAGNOL AMPHIBIE<br />
foncé en France), qui dissimu<strong>le</strong> presque entièrement<br />
ses oreil<strong>le</strong>s. Comme <strong>le</strong>s autres <strong>campagnol</strong>s,<br />
<strong>le</strong>s femel<strong>le</strong>s ont huit mamel<strong>le</strong>s.<br />
Ce rongeur semi-aquatique fréquente <strong>le</strong>s eaux<br />
stagnantes ou à faib<strong>le</strong> courant des ruisseaux,<br />
canaux, étangs et zones humides diverses situés<br />
du niveau de la mer jusqu'à plus de 2 000<br />
mètres d'altitude. Il creuse son terrier dans la<br />
berge, mais peut parfois construire un nid à<br />
l'aide de végétaux qu'il cache dans la végétation<br />
des berges ou sur des touradons. Il plonge très<br />
bien et nage aisément en surface et sous l'eau,<br />
jusqu'à y rester en apnée plusieurs minutes d'affilée<br />
: c'est pourquoi son terrier dispose habituel<strong>le</strong>ment<br />
d'une entrée immergée.<br />
Vivant en petits groupes familiaux, l'espèce<br />
peut atteindre dans des conditions « norma<strong>le</strong>s »<br />
une densité qui a été estimée à cinq individus<br />
pour cent mètres de rives.<br />
Contrairement aux autres petits rongeurs qui<br />
sont plutôt nocturnes, <strong>le</strong> <strong>campagnol</strong> <strong>amphibie</strong><br />
est actif de jour comme de nuit, en été comme<br />
en hiver. Les heures de sortie et d'entrée au terrier<br />
correspondent aussi bien au coucher qu'au<br />
<strong>le</strong>ver du so<strong>le</strong>il (à noter cependant que l'animal<br />
est davantage diurne dans l'ouest de la France).<br />
Ses pics d'activité se situent en fin de matinée<br />
et en première moitié d'après-midi, avec deux<br />
périodes de repos principa<strong>le</strong>s en milieu de journée<br />
et au crépuscu<strong>le</strong>.<br />
En ce qui concerne son régime alimentaire, <strong>le</strong><br />
<strong>campagnol</strong> <strong>amphibie</strong> est essentiel<strong>le</strong>ment végé-<br />
tarien. Il se nourrit des végétaux présents dans<br />
<strong>le</strong>s zones humides ou <strong>le</strong>s cours d'eau qu'il habite<br />
(joncs, roseaux, graminées des berges, cresson<br />
... ). Il ronge <strong>le</strong>s racines, <strong>le</strong>s parties vertes des<br />
plantes aériennes ou submergées, l'herbe des<br />
prairies proches. Toutefois, il ne dédaigne pas<br />
<strong>le</strong>s insectes, écrevisses, a<strong>le</strong>vins, <strong>amphibie</strong>ns et<br />
même <strong>le</strong>s charognes.<br />
Le <strong>campagnol</strong> <strong>amphibie</strong> vit en moyenne de<br />
deux à quatre ans et atteint sa m aturité sexuel<strong>le</strong><br />
vers l'âge de cinq semaines. La saison de reproduction<br />
se situe de mars à octobre. A la période<br />
des amours, mâ<strong>le</strong> et femel<strong>le</strong> se poursuivent dans<br />
l'eau en poussant de petits cris. L'accoup<strong>le</strong>ment<br />
a lieu dans l'eau ou à proximité immédiate. Les<br />
femel<strong>le</strong>s ont une période de gestation de trois<br />
semaines et mettent bas trois à quatre fois par<br />
an une moyenne de 3,5 petits par portée.<br />
Situation de l'espèce en France<br />
Une première enquête qualitative réalisée<br />
par l'auteur en 2006 auprès de naturalistes en<br />
France faisait état d'un déclin de l'espèce dans<br />
de nombreuses régions. El<strong>le</strong> a servi de base à une<br />
deuxième enquête, quantitative cette fois, menée<br />
par la SFEPM sur la période 2008-2012,<br />
dont <strong>le</strong> but est d'en savoir davantage sur la répartition<br />
du <strong>campagnol</strong> <strong>amphibie</strong>, l'état de ses<br />
populations et ses exigences.<br />
Cette enquête nationa<strong>le</strong> a deux grands objectifs :<br />
- Connaître la répartition détaillée du <strong>campagnol</strong><br />
<strong>amphibie</strong> en France.<br />
"<br />
Le <strong>campagnol</strong><br />
<strong>amphibie</strong> est un<br />
rongeur semiaquatique.<br />
Le Courrier de la Nature n ' 267- Mars-Avri/2012
SAUVONS LE CAMPAGNOL AMPHIBIE<br />
Ancien site<br />
à <strong>campagnol</strong><br />
aujourd'hui<br />
« stérilisé » par un<br />
canal bétonné.<br />
Il est nécessaire<br />
de protéger rég<strong>le</strong>mentairement<br />
<strong>le</strong>s<br />
milieux naturels<br />
dans <strong>le</strong>squels<br />
<strong>le</strong>s <strong>campagnol</strong>s<br />
<strong>amphibie</strong>s sont<br />
présents.<br />
"*<br />
Aiglun), <strong>le</strong> curage à l'aide de tractopel<strong>le</strong>s qui provoquent<br />
un écrasement des berges sur une rive et<br />
<strong>le</strong> dépôt des matériaux de curage sur l'autre rive<br />
(Mal<strong>le</strong>moisson), ou la fauche de toute la végétation<br />
du site (Ang<strong>le</strong>s). Pourtant, repoussons loin<br />
de nous l'idée de ne plus entretenir ces canaux,<br />
car l'évolution naturel<strong>le</strong> des canaux non entretenus<br />
pose éga<strong>le</strong>ment un problème de tail<strong>le</strong> ! En<br />
effet, si la végétation des berges se transforme<br />
en boisements de haute tige, el<strong>le</strong> empêche la<br />
végétation herbacée immergée ou installée sur<br />
<strong>le</strong>s berges de pousser par manque de lumière.<br />
Là encore ce sont des centaines de kilomètres de<br />
cours d'eau et de canaux qui deviennent hosti<strong>le</strong>s<br />
au <strong>campagnol</strong>, <strong>le</strong> privant de nourriture.<br />
Toujours pour des raisons anrhropiques, à<br />
cause de l'é<strong>le</strong>vage cette fois-ci, <strong>le</strong> piétinement<br />
du bétail près des cours d'eau est éga<strong>le</strong>ment un<br />
problème, car cela écrase <strong>le</strong>s nids du <strong>campagnol</strong><br />
(Marcoux, Estoublon, Reillanne).<br />
Le long des cours d'eau, nous avons par ail<strong>le</strong>urs<br />
localisé des obstac<strong>le</strong>s infranchissab<strong>le</strong>s tels<br />
que vannes, seuils, busages importants (Bras<br />
d'Asse, Estoublon).<br />
6- La trop grande variation des niveaux d'eau<br />
(barrages, assèchement estival) : toujours dans<br />
<strong>le</strong>s Alpes de H aute-Provence, prenons l'exemp<strong>le</strong><br />
de Barrême, l'une des stations <strong>le</strong>s plus fréquentées<br />
par l'espèce, où l'Adoux est coupé par des<br />
batardeaux destinés à maintenir <strong>le</strong> niveau d'eau.<br />
On imagine aisément la noyade des nids situés<br />
dans la berge avec des marnages importants. Par<br />
ail<strong>le</strong>urs, sur <strong>le</strong>s plans d'eau d'EDF et sur un certain<br />
nombre de canaux (Digne, Les Mées), on<br />
constate des variations de niveau importantes<br />
qui rendent la colonisation du <strong>campagnol</strong> <strong>amphibie</strong><br />
impossib<strong>le</strong>. Les vidanges massives de piscine<br />
à l'eau chlorée en automne dans des milieux<br />
récepteurs à petit débit doivent avoir éga<strong>le</strong>ment<br />
des conséquences sur l'ensemb<strong>le</strong> de la faune,<br />
<strong>campagnol</strong> <strong>amphibie</strong> inclus.<br />
7- L'impact de la pollution et d'éventuel<strong>le</strong>s<br />
épidémies.<br />
Campagne pour sauver l'espèce<br />
Depuis 2005, l'association Nature et humanisme<br />
et la SFEPM mènent campagne pour<br />
que <strong>le</strong> <strong>campagnol</strong> <strong>amphibie</strong> obtienne <strong>le</strong> statut<br />
d'espèce protégée. Ce combat a partiel<strong>le</strong>ment<br />
porté ses fruits puisque l'espèce a été qualifiée<br />
en 2008 de « Vulnérab<strong>le</strong> » dans la liste rouge<br />
européenne de l'Union internationa<strong>le</strong> pour la<br />
conservation de la nature (UICN). Malheureusement,<br />
el<strong>le</strong> n'a pas obtenu <strong>le</strong> même classement<br />
dans la liste rouge française ... L'amp<strong>le</strong>ur<br />
Le Courrie r de la Nature n• 267 - Mars -Avril 20 12