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<strong>Taxis</strong> <strong>associés</strong><br />
Perspectives <strong>européennes</strong>
MISE EN PERSPECTIVE…<br />
Gilles Boulin, Co-directeur du Groupement <strong>Gescop</strong>-Alpha <strong>Taxis</strong>.<br />
En<br />
février 2008, parmi les quelque trois cents mesures destinées à<br />
« libérer la croissance », la commission Attali préconisait l’augmentation<br />
de 6 500 autorisations de stationnement supplémentaires sur deux ans et<br />
l’ouverture du marché du transport de personnes aux véhicules de petite<br />
remise dans des proportions considérables.<br />
On peut bien dire que ces préconisations sont « tombées sur la tête » des<br />
professionnels du taxi, tant le secret avait été bien gardé. Jacques Attali<br />
lui-même avait veillé à éviter toute fuite. Cette conception de la réforme<br />
n’est pas la nôtre car, dans une démocratie moderne, nous considérons<br />
que la modernisation d’un secteur d’activité doit se faire en partenariat<br />
avec les acteurs concernés. Or, en France, trop souvent, on administre<br />
les réformes plus qu’on ne les concerte. La commission Attali n’a pas<br />
dérogé à cette règle non écrite lors de l’élaboration de ses propositions<br />
concernant l’activité du taxi. La concertation ne fut pas au cœur de<br />
son principe dynamique. D’où le ressentiment, les frustrations et, au total,<br />
l’incompréhension… La profession est donc entrée en résistance contre<br />
ces mesures inadaptées, fruit d’un constat approximatif et parfois erroné,<br />
qui révélait une outrageante méconnaissance de la complexité de notre<br />
métier et de son environnement.<br />
Notre opposition résolue aux oukases de la commission Attali signifi aitelle<br />
que, engoncés dans un conservatisme corporatif compassé, nous<br />
étions hostiles à toute réforme ? Si les « experts » de cette commission
2<br />
nous avaient consultés, ils auraient eu tout le loisir de constater que nous<br />
sommes, au contraire, de farouches partisans de la modernisation de notre<br />
activité. D’ailleurs, dès 2004, notre groupement coopératif publia un<br />
ouvrage, « <strong>Taxis</strong> parisiens, le pari des réformes », qui prônait un indispensable<br />
élan réformateur suffi samment raisonnable pour que Monsieur Rémy<br />
Enfrun, alors directeur des Transports à la Préfecture de Police, considère<br />
que nos propositions « représentent une base de réfl exion utile » pour<br />
éclairer le chemin de cette modernisation.<br />
Cette modernisation est d’autant plus indispensable que les modes de<br />
vie ont changé et, qu’en conséquence, les besoins en déplacement ont<br />
évolué. Comme le disent les sociologues patentés, nous sommes désormais<br />
à « l’ère de la mobilité » et le droit à la mobilité constitue une sorte<br />
de droit « générique » revendiqué comme tel. C’est dire que le rapport au<br />
temps et à l’espace n’est plus le même dans une société où le temps libre<br />
a augmenté de 20% en quinze ans et où les distances parcourues par les<br />
citadins se sont accrues de plus d’un tiers sur la même période. En outre,<br />
ces déplacements sont variés, multimodaux et les critères d’arbitrage des<br />
citadins entre divers modes de transport (métro, bus, vélo, taxi, etc.) changent<br />
selon les circonstances.<br />
Cette nouvelle donne, indissociable des préoccupations environnementales,<br />
façonne un nouveau rapport à la mobilité et une autre vision des<br />
villes qui toutes furent, peu ou prou, conçues au XX e siècle pour s’adapter<br />
à l’usage de l’automobile. Dans ce contexte, tous les opérateurs de<br />
transport sont questionnés sur leurs pratiques pour « fabriquer »<br />
les déplacements urbains de demain, au sein du Grand Paris notamment,<br />
tout en prenant en considération la diversité des demandes qui se<br />
sont fortement individualisées. En ce sens, et malgré ses imperfections,<br />
le protocole d’accord signé, le 28 mai 2008, entre la puissance publique
et les professionnels du taxi, qui vise à une amélioration qualitative et<br />
quantitative de l’off re de taxis, constitue un premier pas.<br />
Mais nous pensons aussi que pour fertiliser les défi s de ce nouvel horizon<br />
urbain, les professionnels de la mobilité (Sncf, Ratp, taxis), et demain<br />
de « l’éco-mobilité », devront mieux partager leurs informations pour favoriser<br />
l’intermodalité et mutualiser des moyens pour mieux s’adapter<br />
aux besoins des citadins qui, sur une même séquence de déplacement,<br />
peuvent à la fois utiliser le métro, un vélo et un taxi.<br />
Ces quelques réfl exions soulignent l’ampleur des mutations qui vont affecter<br />
les modes de déplacement urbain, ce qui représente autant de défi s<br />
et d’opportunités nouvelles pour les professionnels du transport que nous<br />
sommes. L’enjeu est donc d’importance. Pour tenter de défricher l’avenir, il<br />
nous a semblé nécessaire de porter le regard ailleurs pour observer comment<br />
nos collègues européens appréhendaient ces réalités. Et c’est ainsi<br />
que nous avons mis le cap sur Milan, capitale économique de l’Italie, où<br />
nous avions repéré des organisations dont les valeurs coopératives sont<br />
en adéquation avec les nôtres.<br />
Sur les politiques de libéralisation, de sensibilisation au véhicule propre,<br />
de développement du tramway, nous avons découvert que les problématiques<br />
du transport sont identiques au-delà et en deça des Alpes. En<br />
revanche, sur les modes de concertation et les réponses apportées, les<br />
diff érences sont sensibles et parfois édifi antes. Ce qui nous donne à penser<br />
que si, à l’échelle européenne, les logiques d’action sont globales,<br />
elles n’imposent pas pour autant des réponses uniques donc uniformes,<br />
quoi qu’en pensent certains.<br />
A l’issue de plusieurs rencontres fructueuses avec nos collègues milanais,<br />
nous avons donc décidé d’organiser une conférence en février dernier,<br />
dans le cadre du salon du taxi, pour faire connaître la richesse de nos di-<br />
3
4<br />
versités et de nos pratiques. Et puisque « les paroles s’envolent, mais que<br />
les écrits restent », nous avons souhaité en produire une synthèse.<br />
Emoustillés par ces premiers échanges, nous sommes bien résolus, avec<br />
nos amis transalpins, à élargir notre cercle de réfl exion européen avec<br />
d’autres organisations coopératives du taxi, pleinement conscients que<br />
nous devons nous engager pour maîtriser le devenir de notre activité et<br />
bâtir des partenariats afi n d’être co-<strong>associés</strong> au remodelage des politiques<br />
de mobilité urbaine.<br />
Il fut un temps pas si lointain où les élus nationaux vilipendaient les décisions<br />
venues de Bruxelles qu’ils feignaient de découvrir alors qu’ils en<br />
étaient les artisans. Puis il fut « ringard » d’inscrire sa démarche dans le seul<br />
cadre national en faisant fi de la dimension européenne. Aujourd’hui et<br />
pour demain, nos réfl exions stratégiques s’inscrivent à cette échelle. C’est<br />
dire aussi que l’inscription européenne dans nos démarches nécessitera<br />
de repenser les protocoles de concertation avec les élus pour cheminer<br />
vers l’harmonisation des bonnes pratiques <strong>européennes</strong> de l’exercice de<br />
notre métier, comme cela devrait se faire dans tous les secteurs d’activité.<br />
Fabriquer une Europe politique, donc citoyenne, c’est associer les<br />
acteurs aux décisions qui les concernent, mais c’est aussi tendre vers<br />
la mise en concordance de ces décisions afi n que l’on ne puisse plus dire<br />
comme Montaigne « vérité en deça des Pyrénées, erreur au-delà ».<br />
L’exemple du permis à point va me permettre d’illustrer le propos. La loi<br />
italienne crédite le permis de tous les automobilistes de 20 points, mais en<br />
raison de la spécifi cité de leur activité, les chauff eurs de taxi italiens disposent<br />
de 20 points supplémentaires. Ainsi, en cas d’infractions pendant leur<br />
service, c’est sur ce « permis professionnel » que les points sont retirés. Une<br />
législation qui prend en compte la réalité des situations nous paraît plus<br />
juste qu’un cadre législatif qui met tous les automobilistes sous la même
toise. En moyenne, un automobiliste français parcourt 15 000 kilomètres<br />
par an, un chauff eur de taxi parisien en eff ectue environ 80 000,<br />
soit deux fois le tour de la terre ! Ils sont donc évidemment beaucoup<br />
plus exposés, sans pour autant que ce « risque » accru soit pris en compte.<br />
Le groupement <strong>Gescop</strong>-Alpha <strong>Taxis</strong> demande donc la reconnaissance<br />
d’un « compte » professionnel de points de permis supplémentaires<br />
comme la législation italienne le prévoit pour les chauff eurs de taxi.<br />
Telle est, parmi d’autres, une mesure qui permettrait d’harmoniser « par le<br />
haut » des pratiques <strong>européennes</strong>, et l’on voit bien que des décisions de<br />
cette nature, parce qu’elles sont justes, auraient l’immense vertu de rapprocher<br />
les citoyens des instances bruxelloises. Chaque fois que l’Europe<br />
harmonisera ses politiques et ses décisions dans le sens de la justice,<br />
elle fera reculer le risque bureaucratique qui la menace.<br />
Comment réduire ce risque ? En associant les gens aux décisions et ce qui<br />
est vrai en politique l’est aussi dans la sphère économique. C’est par l’association<br />
des chauff eurs de taxi à la maîtrise de leur destin professionnel que<br />
s’est constitué notre groupement coopératif <strong>Gescop</strong>-Alpha <strong>Taxis</strong>, il y a plus<br />
de trente ans. Des chauff eurs <strong>associés</strong> sont plus impliqués, plus responsables,<br />
c’est un gage d’une meilleure qualité de service pour nos clients.<br />
Nous pensons aussi que, par ces temps de tourmente économique, nos valeurs<br />
de solidarité et nos pratiques démocratiques sont plus à même d’être<br />
des vecteurs de progrès social. Ce sont nos valeurs et nos spécifi cités<br />
coopératives que nous souhaitons mieux faire connaître à l’échelle<br />
européenne.<br />
En ce sens, notre rapprochement avec nos amis coopérateurs de Milan n’est<br />
qu’un premier pas…<br />
5
Les taxis<br />
milanais, un<br />
exemple<br />
dynamique<br />
Conférence organisée par<br />
GESCOP/ALPHA TAXIS (1)<br />
animée par Laurent Lasne,<br />
écrivain, auteur de <strong>Taxis</strong>, Paris solidaires (2)<br />
Laurent Lasne : Il y a un an jour pour jour la profession était en émoi<br />
en raison du rapport Attali qui préconisait la libéralisation de l’activité<br />
du taxi avec l’octroi de 6 500 licences supplémentaires sur deux ans<br />
et l’ouverture au marché aux VPR (véhicules de petite remise). La mobilisation<br />
de la profession mit en échec cette perspective funeste. En<br />
revanche, le rapport Chassigneux, qui fi t l’objet d’une réelle concertation<br />
préalable, proposa une réforme équilibrée, avec des propositions<br />
plus raisonnables. Ce rapport inspira en partie le protocole d’accord<br />
signé par les professionnels du taxi avec la puissance publique le 28<br />
mai 2008.<br />
(1) Conférence organisée le samedi 7 février 2009 lors du Salon des <strong>Taxis</strong>.<br />
(2) Editions le Tiers Livre, 2007
8<br />
Mais ne nous y trompons pas, l’ensemble de ces réformes s’inscrivent<br />
dans un contexte européen. En proposant cette conférence, <strong>Gescop</strong><br />
se propose d’examiner comment cette libéralisation a été vécue audelà<br />
des frontières, notamment en Italie, avec l’exemple de Milan et<br />
quelles réponses ont été apportées par les professionnels du taxi milanais.<br />
Participent à cette conférence :<br />
• Virginio Vargas, président de la société coopérative milanaise<br />
de services aux taxis La Fontana ;<br />
• Giovanni Valli, conseiller national de la Confcooperative<br />
et responsable du département taxi de cette organisation<br />
coopérative nationale ;<br />
• Raffaele Grassi qui siège à la Commission transports de la<br />
mairie de Milan ;<br />
• Gilles Boulin, co-directeur du groupement coopératif<br />
<strong>Gescop</strong> ;<br />
• Lucile Calmettes, directrice commerciale d’Alpha <strong>Taxis</strong> ;<br />
• Jean-Pierre Martin, conseiller national de la Confédération<br />
française des Scop, mais également vice-président de la Confédération<br />
européenne des Société coopératives de production.<br />
Pour mieux comprendre la réalité italienne, nous allons vous présenter<br />
quelques spécifi cités relatives à l’activité du taxi milanais.
Présentation des spécifi cités milanaises<br />
(par Emmanuelle Frezza, chargée de communication à <strong>Gescop</strong>)<br />
C<br />
apitale économique de l’Italie, Milan a été désignée pour<br />
accueillir l’Exposition universelle 2015. Les 5500 taxis milanais<br />
ont pour zone d’activité trois provinces de la Lombardie : Milan,<br />
Bergame et Varese. Chaque province à son aéroport. C’est dans<br />
cette région que se concentre la plus grande part de trafic aérien<br />
italien.<br />
CONDITIONS DE CIRCULATION. Depuis un an un péage urbain a été<br />
mis en place pour limiter l’accès au centre historique de Milan.<br />
Avec les bus, les taxis milanais disposent de voies « préférentielles<br />
», ce qui leur permet de se rendre du centre ville de Milan<br />
jusqu’à l’aéroport de Linate en voie directe. Par ailleurs, dans<br />
une logique de mixités des transports, les taxis peuvent circuler<br />
sur les voies du tramway qui est l’un des réseaux les plus importants<br />
d’Europe.<br />
CARACTÉRISTIQUES ITALIENNES. En Italie, il n’y a pas de sociétés de<br />
taxis puisque seule une personne physique peut détenir une<br />
9
10<br />
autorisation de stationnement c’est pourquoi il n’existe que<br />
deux statuts pour exercer le métier de taxi : artisan et sociétaire<br />
d’une coopérative (95% sont des artisans, 5 % des sociétaires).<br />
Les taxis italiens sont de couleur blanche, couleur unique qu’ils<br />
revendiquent. En outre, 85% des taxis milanais sont affiliés à un<br />
central radio (il en existe 7 à Milan).<br />
Le doublage est en expérimentation depuis peu, il est encore<br />
très peu utilisé et n’est autorisé qu’avec le conjoint, l’enfant ou<br />
le père ou la mère du détenteur de l’autorisation de stationnement.<br />
AUTORITÉS DE TUTELLE ET CONTRAT D’OBJECTIFS. Les taxis milanais ont<br />
deux interlocuteurs principaux : le délégué aux transports de<br />
la Région pour les tarifs (qui varient d’une région à l’autre) et la<br />
mairie qui est en charge de l’organisation de l’activité taxi (horaires<br />
de service notamment).<br />
Pour améliorer la qualité du service rendu, un contrat d’objectifs<br />
a été signé entre les représentants du taxi milanais et les<br />
autorités de tutelle (mairie, région), ce qui leur a permis d’éviter<br />
l’augmentation du nombre de licences contrairement à ce qui<br />
s’est produit à Rome (35% d’augmentation du nombre de licences).
Le contrat d’objectifs milanais : un accord exemplaire ?<br />
Laurent Lasne : A Milan, vous avez donc échappé à l’augmentation du<br />
nombre de licences en signant un accord avec la municipalité et la région.<br />
Pourriez-vous nous préciser les spécifi cités de ce contrat d’objectifs.<br />
Giovanni Valli : Tout d’abord bonjour à tous et merci de votre accueil.<br />
Nous avons réussi à faire admettre que l’émission éventuelle<br />
de nouvelles licences ne doit pas dépendre de l’émotion, de la<br />
conjoncture politique, de conflits, d’échéance électorale, mais de<br />
données objectives. Parmi ces données objectives, il y a l’appréciation<br />
de la qualité de service. Avec l’administration municipale,<br />
nous avons voulu parier sur une co-responsabilisation collectivités/profession.<br />
La façon de rendre plus souple et plus présente la<br />
flotte de taxis aux horaires de pointe a été d’introduire de la flexibilité<br />
dans les horaires de service et au moment où il y en a besoin.<br />
Ce pari a été pour le moment accepté par la municipalité.<br />
L’une des retombées positives de la loi Bersani (1) est cet accord<br />
régional qui a été formalisé sur 2006/2008. Avec cet accord, on<br />
innove grâce à une méthodologie de discussion. Ainsi, alors que le<br />
renouvellement des tarifs était épisodique et dépendait de contingences<br />
politiques, il intervient désormais annuellement, avec des<br />
11
12<br />
paramètres précis et cohérents discutés au sein d’une commission<br />
paritaire composée de représentants de la région Lombardie et<br />
de membres d’organisations de la profession. Les paramètres retenus<br />
ne sont pas uniquement liés au coût du travail, au coût du<br />
carburant ou de l’entretien du véhicule. 40% des paramètres qui<br />
déterminent l’actualisation des tarifs sont basés sur des critères de<br />
qualité tels que la possibilité du paiement par carte bleue (ndlr :<br />
20 à 30% des taxis milanais sont équipés de terminaux de cartes<br />
bleues contre 90% à Paris) ou la connaissance d’une langue étrangère<br />
afin de mieux accueillir les visiteurs de l’Exposition universelle<br />
de 2015. Nous nous sommes donnés sept ans pour atteindre<br />
ces objectifs.<br />
Laurent Lasne : Cet engagement qualité s’accompagne aussi d’une<br />
démarche en faveur du véhicule propre. M. Grassi, en tant qu’élu de<br />
la municipalité milanaise, vous siégez au sein de la commission<br />
transport, pouvez-vous nous préciser la politique de la ville en faveur<br />
de l’extension du véhicule propre…<br />
Raff aele Grassi : Bonjour, je vous remercie de votre accueil et j’en<br />
profi te pour vous transmettre les salutations de Monsieur Croce,<br />
adjoint au maire de Milan. Avant l’adoption du décret Bersani, les
organisations syndicales et l’administration communale<br />
ont conclu un préaccord avec le candidat à la mairie<br />
L’accord insiste<br />
(ndlr : il s’agit de Mme Letizia Moratti, qui a remporté les sur la nécessité<br />
élections) sur la base d’un partage des problèmes entre pour la fl otte de taxis<br />
de s’équiper de véhicules<br />
l’administration communale et les taxis. Cet accord in- propres à l’horizon 2015.<br />
siste sur la nécessité pour la fl otte de taxis de s’équiper Raffaele Grassi<br />
de véhicules propres à l’horizon 2015. Ce ne sont pas<br />
seulement les taxis qui ont été insérés dans cette stratégie<br />
« écologique ». Tous les transports publics ont pour objectif<br />
de réduire les émissions de polluants. Cet accord prévoit aussi une<br />
présence satisfaisante de taxis aux heures de pointe, le cas échéant,<br />
par des horaires de service supplémentaires. Une organisation du<br />
travail renouvelée, une meilleure dynamique des taxis ont permis<br />
de ne pas recourir à l’augmentation du nombre des licences.<br />
(1) Le décret Bersani porte le nom de l’ancien ministre du Développement économique<br />
du gouvernement de Romano Prodi, Pierluigi Bersani, qui vise à déréglementer<br />
des professions aussi diverses que les avocats, les boulangers et les<br />
chauff eurs de taxi. Pour cette dernière catégorie, il préconisait l’augmentation<br />
de licences et la libération du marché.<br />
13
14<br />
Le protocole d’accord signé par les taxis parisiens :<br />
le pari de la qualité de service ?<br />
Laurent Lasne : Maîtrise d’une langue étrangère, acceptation de la carte<br />
bleue dans les taxis… On comprend bien que la qualité dont vous parlez<br />
est axée sur le service au client. Monsieur Boulin : dans ce comparatif<br />
avec la réalité italienne, considérez-vous que le protocole signé en mai<br />
2008 avec la puissance publique est orienté vers le service au client ?<br />
Gilles Boulin : Eff ectivement, le protocole signé en mai 2008 va dans<br />
le sens d’une meilleure qualité de service. Par exemple, la nouvelle<br />
génération de « lumineux » apposés sur nos taxis va nous rendre plus<br />
facilement identifi able. Nous devons aussi continuer à améliorer notre<br />
qualité de service dans l’accueil du client par des moyens de paiements<br />
avec terminaux cartes bancaires qu’il faut absolument généraliser.<br />
Ce qu’on peut dire également c’est qu’à la diff érence de Milan,<br />
à Paris et en France nos autorités de tutelle sont multiples alors qu’à<br />
Milan la relation est plus directe. Toutefois, elle a aussi ses travers puisque,<br />
en raison de circonstances politiques, on a bien compris qu’en<br />
Italie le renouvellement des tarifs était plus aléatoire ce qui n’est pas<br />
le cas en France où l’augmentation régulière des tarifs permet d’être<br />
mieux lisible pour la clientèle.
Laurent Lasne : Puisque nous évoquons la qualité de service, j’aimerais<br />
que Lucile Calmettes nous dise si le fait pour <strong>Gescop</strong> d’être organisé<br />
en coopérative constitue un atout commercial identifi é comme<br />
tel par la clientèle ?<br />
Lucile Calmettes : Oui, l’atout coopératif dans l’action<br />
commerciale quand vous présentez une entreprise où<br />
l’ensemble des chauff eurs sont des actionnaires permet<br />
vraiment de sensibiliser la clientèle à notre philosophie<br />
et à la prestation que vous allez lui donner.<br />
Question de la salle : Je suis l’épouse d’un chauff eur de taxi qui exerce<br />
en Italie. J’aimerais que MM. Valli et Vargas nous donnent leur avis sur le<br />
VPR et notamment sur le central radio web qui concurrence les centraux<br />
radios et qui à Milan s’appelle « web taxis ».<br />
Virginio Vargas : Bonjour à tous, à mon tour je vous remercie pour votre<br />
accueil. Le problème des VPR, à Milan et en Italie, a été réglementé<br />
par une loi nationale qui est la loi-cadre du transport de personnes.<br />
Les VPR n’ont pas d’incidence sur notre activité de manière directe<br />
parce que le client qui veut un VPR doit appeler une société de location<br />
avec conducteur qui se trouve dans un garage. Les loueurs ne<br />
Oui, l’atout<br />
coopératif dans l’action<br />
commerciale permet<br />
de sensibiliser<br />
la clientèle à<br />
notre philosophie.<br />
Lucile Calmettes<br />
15
16<br />
peuvent pas aller et venir dans la ville à la recherche de clients, c’est<br />
le domaine des taxis, mais il est clair qu’il existe des abus que nous<br />
dénonçons. Il y a eff ectivement un « web taxis » qui est en phase<br />
initiale. Il ne fédère que 150 taxis alors que le central radio le plus important<br />
de Milan en compte 1 700. C’est une société qui s’est créée il<br />
y a quatre ans, mais qui s’est peu développée jusqu’à présent.<br />
Intervention dans la salle : Tout d’abord je voudrais saluer mes collègues<br />
français. Je suis chauff eur de taxi à Milan. A Milan, nous sommes tous<br />
artisans et nous avons eu le courage de nous organiser en consortium<br />
ou coopératives mais fondamentalement nous sommes des artisans.<br />
Je suis administrateur d’un radio taxi de 1 700 chauff eurs. Le taxiweb<br />
auquel fait allusion l’intervenante précédente, nous n’en voulons pas car<br />
nous ne voulons rien de ce qui n’est pas né de la volonté des chauff eurs<br />
de taxi. Nous sommes fi ers d’être taxis.<br />
Laurent Lasne : Monsieur Vargas, peut-être est-il utile de préciser la<br />
représentation coopérative du taxi milanais. Vous avez sans doute<br />
quelques chiff res…<br />
Virginio Vargas : J’assume la fonction de président d’un centre de<br />
services d’administratifs pour les taxis et nous avons 500 sociétaires
sur les 4 800 taxis milanais et 100 sociétaires temporaires qui utilisent<br />
certains de nos services. Au sein de notre centre de services il y a une<br />
coopérative de production où les taxis ne sont pas artisans et dépassent<br />
la centaine. Je vous laisse évaluer le pourcentage que nous représentons<br />
de la population taxi de milan à cette tribune.<br />
Question de la salle : Je suis taxi parisien, je voudrais connaître le gain<br />
moyen mensuel du taxi. Quelles sont les conditions de travail des chauffeurs<br />
et leur relation avec la police en général ?<br />
Virginio Vargas : Les conditions de travail sont de 10 heures d’exercice<br />
par jour, et les artisans comme les coopérateurs font le même<br />
quota d’heures car le règlement du service est égal pour toutes les<br />
catégories. Le gain est très relatif car il est déterminé par le nombre<br />
de courses et le nombre d’heures travaillées. Même s’il est très diffi -<br />
cile de donner un chiff re, on peut estimer que les gains voisinent les<br />
2000/2500 euros par mois.<br />
Giovanni Valli : En Italie, il y a des études de secteurs et sur la base<br />
de ces études on défi nit un revenu moyen pour les taxis en grandes<br />
et petites villes entre 27 000 et 37 000 euros bruts annuels, c’est une<br />
valeur moyenne.<br />
17
18<br />
Question de la salle : Bonjour, il y a un problème qu’il ne faut pas oublier<br />
c’est le problème de location qui existe à Paris. Ce système nuit à la qualité<br />
du service. Si l’on veut vraiment de la qualité, il faudrait bannir la location<br />
car c’est ce qui pourrit la vie des chauff eurs.<br />
Gilles Boulin : On ne va pas entrer dans un débat sur les diff érents statuts<br />
du chauff eur de taxi parisien. Quand on parle de qualité de service<br />
c’est l’accueil que le chauff eur de taxi va réserver à sa clientèle, on va<br />
s’arrêter à cela tout simplement. Lorsque l’on se rend en Italie, un chauffeur<br />
de taxi accueille son client de la manière la plus courtoise possible,<br />
il ne vous pose pas de question pour vous demander où vous allez, il<br />
charge le client quelle que soit sa destination sans poser de questions.<br />
Intervention dans la salle : C’est parce qu’il gagne bien sa vie. Si on calcule<br />
le taux horaire d’un locataire à Paris, il est en dessous du smic…<br />
Gilles Boulin : Quand on parle de qualité de service que l’on soit locataire,<br />
artisan ou sociétaire c’est le rapport avec le client qu’on va<br />
transporter dont il s’agit et dont on débat aujourd’hui.<br />
Intervention dans la salle : Le niveau de vie du chauff eur a une répercussion<br />
sur le service qu’il assure. Les chauff eurs milanais gagnent bien leur
vie, un locataire, il est très loin de la fourchette évoquée tout à l’heure, il<br />
faut le savoir.<br />
Laurent Lasne : Je suis désolé, mais les intervenants italiens ne sont<br />
pas là pour arbitrer un débat franco-français. Je souhaite que nous<br />
poursuivions la mise en perspective des pratiques milanaises qui<br />
nous occupent aujourd’hui…<br />
Intervention dans la salle : Je suis artisan taxi parisien depuis seize ans,<br />
je voudrais savoir de combien de points de permis disposent nos collègues<br />
italiens et s’ils ont une détaxe de carburant ?<br />
Raff aele Grassi : Tous les automobilistes ont 20 points et<br />
Tous les<br />
les chauff eurs de taxi possèdent 20 points supplémentai- automobilistes ont<br />
res attribués sur le CAP (certifi cat professionnel), le « se- 20 points et les<br />
chauffeurs de taxi<br />
cond » permis. En cas d’infractions et de contraventions<br />
possèdent 20 points<br />
pendant le service, les chauff eurs perdent des points sur supplémentaires.<br />
leur « second » permis.<br />
Raffaele Grassi<br />
En revanche, si les infractions sont commises en dehors<br />
du service, les points sont retirés sur le permis principal. Il y a donc<br />
possibilité d’avoir un double « compte ». Concernant la détaxe, l’Etat<br />
reconnaît en terme de crédit, au moment où le chauff eur va payer ses<br />
19
20<br />
impôts, un pourcentage calculé sur les consommations de carburant<br />
eff ectives et la taxation sur les coûts des carburants. Les taxis peuvent<br />
en défalquer un quota.<br />
Autorités de tutelle, des visions diff érentes<br />
Laurent Lasne : Les relations avec les autorités de tutelle, vaste sujet...<br />
Les chauff eurs de taxi milanais dépendent plus directement de la<br />
commune. Lors des dernières municipales, le maire de Paris a préconisé<br />
la création d’une agence du taxi qui associerait plus étroitement<br />
les collectivités territoriales à l’organisation et à l’activité du taxi.<br />
Gilles Boulin, cette préconisation vous semble-t-elle pertinente ?<br />
Gilles Boulin : Cette agence du taxi il faudrait déjà pouvoir en déterminer<br />
le rôle. A quoi va-t-elle servir ? Quelle autorité exercera-t-elle, avec<br />
quels partenariats ? Quels seraient ses domaines de compétences, ses<br />
pouvoirs et ses moyens ? Avant de pouvoir parler de quelque chose il<br />
faut en déterminer les contours. Aujourd’hui ces contours sont fl ous<br />
et le peu de contacts que la profession entretient avec la ville de Paris<br />
ne m’incite pas à penser que cela serait une idée très pertinente.
Laurent Lasne : Vous faites sans doute allusion au manque de<br />
concertation entre les professionnels du taxi et la ville à propos<br />
de la possibilité pour les taxis d’utiliser la plateforme du tramway<br />
comme cela se pratique à Milan et dans d’autres villes…<br />
Gilles Boulin : Exactement. Lorsque le premier tronçon de tramway<br />
a été projeté, nous avons participé à des réunions, à un « cahier<br />
d’acteurs » dans lequel nous demandions pour les taxis parisiens<br />
de pouvoir circuler sur les voies du tramway comme cela se passe<br />
à Milan et dans d’autres villes. Nos propositions ont été complètement<br />
ignorées. Sachez que pour le deuxième tronçon, qui est en<br />
cours de réalisation entre la porte de Bercy et la porte de la Chapelle,<br />
même constat.<br />
En Italie, il y a des règles précises qui encadrent cette co-circulation<br />
et je crois savoir que les choses se passent bien. Nous n’avons jamais<br />
pu faire valoir notre point de vue. Et lorsqu’il y a concertation,<br />
on veut bien nous écouter, mais on ne tient pas compte de nos<br />
remarques.<br />
Laurent Lasne : Monsieur Valli, l’utilisation par les taxis milanais<br />
des plateformes du tramway est-elle concluante ? A-t-elle<br />
été remise en cause ?<br />
21
22<br />
Les autorités<br />
municipales ont pris<br />
conscience du fait que<br />
le taxi est aussi un<br />
transport public qui<br />
doit être pleinement<br />
intégré à la chaîne<br />
des transports.<br />
Giovanni Valli<br />
Giovanni Valli : Les autorités municipales ont pris conscience<br />
du fait que le taxi est aussi un transport public. Il est pleinement<br />
intégré dans la chaîne des transports publics dont il<br />
constitue un complément. Si les autorités municipales n’ont<br />
pas cela à l’esprit, alors il est diffi cile pour les taxis de faire<br />
entendre leur point de vue. Mais nous ne sommes pas là<br />
pour faire la leçon à qui que ce soit. Chaque ville a son histoire<br />
et sa culture propre du transport public.<br />
Laurent Lasne : Monsieur Grassi, en tant que représentant de la ville<br />
de Milan, que pouvez-vous dire de la mixité d’utilisation des plateformes<br />
du tramway ?<br />
Raff ale Grassi : J’ai d’abord envie de dire que « l’herbe n’est pas plus<br />
verte ailleurs ». A Milan aussi les gens se plaignent et regardent avec<br />
intérêt Paris mais je suis content que les parisiens observent avec attention<br />
notre expérience à Milan. Si on parle d’un respect de chacune<br />
des parties, il est vrai que l’administration communale prend sérieusement<br />
en considération l’activité des taxis et ces derniers dialoguent<br />
de façon très transparente avec l’administration. On est arrivé ainsi à<br />
conclure un accord qui peut servir à améliorer la qualité du service<br />
et la mobilité des personnes. Les taxis milanais circulent sur les voies
préférentielles dans certaines directions, mais tout n’est pas paradisiaque.<br />
En revanche, il est important de souligner que l’approche est<br />
diff érente de la part de notre administration car, avec la région, elle<br />
est très attentive au développement de l’activité du taxi et elle met à<br />
disposition des moyens, des budgets pour les voitures écologiques,<br />
les systèmes de sécurité…<br />
Gilles Boulin : Je voulais juste dire que l’utilisation des<br />
voies de tramway par les taxis milanais c’est quand même L’utilisation des<br />
voies de tramway<br />
quelque chose d’assez considérable en gain de temps. La<br />
par les taxis milanais<br />
course moyenne d’un taxi à Milan est d’environ dix mi- c’est quand même<br />
nutes. En ayant cette facilité de rentrer et de sortir sur les quelque chose<br />
d’assez considérable.<br />
voies de tramway, même si la ville est d’une surface plus<br />
Gilles Boulin<br />
petite que celle de Paris, cela représente près de 250 km<br />
de voies utilisables par les taxis et sans compter les voies<br />
dédiées qui permettent de rejoindre les aéroports en particulier<br />
Milan Linate, c’est fabuleux. Nous, on en rêve…<br />
Question de la salle : Je me présente : Monsieur Beka de la CGT. Quelle est<br />
la vitesse moyenne d’un taxi à Milan et combien de kilomètres parcourtil<br />
? Aux heures de pointe, combien de temps doit patienter un client pour<br />
obtenir un taxi ?<br />
23
24<br />
Virginio Vargas : Hormis aux heures de pointe, le client attend à peine<br />
car dans les stations, il y a toujours des taxis en attente de clients.<br />
L’attente existe seulement dans la recherche du taxi à travers le système<br />
de radio taxi. Dans ce cas, le client attend le temps que l’aff ectation<br />
du taxi le plus proche soit faite. Mais je le répète le client dans<br />
la rue n’attend pas son taxi, il en trouve toujours un. Un taxi milanais<br />
parcoure 120 /130 km par jour. Notre zone d’activité est vaste, mais<br />
elle est concentrée dans le centre de Milan par rapport à Paris qui<br />
représente géographiquement un territoire plus vaste.<br />
Intervention dans la salle : Une précision : la vitesse du taxi parisien est<br />
en moyenne de 17 km à l’heure c’est pourquoi on ne trouve pas de taxis<br />
aux heures de pointe...<br />
Virginio Vargas : Nous aussi à Milan notre vitesse est de 17 km à<br />
l’heure…<br />
Raff aele Grassi : Avec la mise en place du péage urbain, la municipalité<br />
a voulu accroître de manière signifi cative la vitesse commerciale<br />
des taxis et des transports publics de manière générale. Mais à Milan<br />
comme à Paris, la vitesse commerciale n’est malheureusement pas<br />
très importante.
Question de la salle : Je suis taxi parisien et je me posais cette question :<br />
Quelle somme doit investir un chauff eur de taxi pour exercer sa profession<br />
? Les licences sont-elles délivrées gratuitement ou à titre onéreux ?<br />
Giovanni Valli : Depuis le vote de la loi Bersani, chaque commune<br />
à la possibilité d’émettre des licences et depuis cette loi, l’émission<br />
de licence peut être faite à titre onéreux alors qu’au préalable, elles<br />
étaient gratuites.<br />
Une partie des sommes récupérées du fait de la cession de ces licences<br />
est distribuée à un fonds de solidarité pour la profession ou à des<br />
infrastructures utiles aux taxis comme le développement des nouvelles<br />
technologies par exemple.<br />
Laurent Lasne : Il y a à Paris, deux sujets qui irritent particulièrement<br />
les professionnels du taxi : le VPR et les motos dites abusivement<br />
« taxis », taxés de concurrence déloyale. Paradoxalement, au pays de<br />
la vespa, il n’y a pas de motos taxis…<br />
Raffaele Grassi : Les motos taxis n’existent pas, mais en revanche<br />
nous subissons le problème des abus des voitures avec<br />
conducteur (VPR) qui viennent s’insérer dans le marché du transport<br />
public des taxis. C’est clair qu’il y a des sanctions mais les<br />
25
26<br />
Les motos taxis<br />
n’existent pas, mais<br />
en revanche nous<br />
subissons le problème<br />
des abus des voitures<br />
avec conducteur (VPR).<br />
Raffaele Grassi<br />
contrôles sont aussi limités. Les situations d’abus sont<br />
poursuivies et dans certains cas sont sanctionnées mais<br />
il y a une grande part de comportements incorrectes<br />
qui se manifestent dans les aéroports ou les gares. Les<br />
taxis se plaignent et naturellement les forces de l’ordre<br />
interviennent mais leur action n’est pas suffisante.<br />
Véhicule propre, des stratégies d’avenir<br />
Laurent Lasne : Dernière séquence de notre débat autour du véhicule<br />
propre.. Et sur le véhicule propre là aussi les stratégies sont<br />
diff érentes entre Milan et Paris. Je crois qu’à Milan vous avez reçu<br />
des aides de la municipalité et de la région pour les chauff eurs qui<br />
souhaitent s’équiper de véhicules hybrides.<br />
Raff aele Grassi : Le pourcentage des voitures écologiques augmente<br />
d’année en année. Depuis 2000, avec les aides fi nancières<br />
de l’administration régionale, puis avec celles, plus récentes de la
province et de la commune, sans parler des aides nationales, la situation<br />
a notablement évolué. 22% des taxis milanais sont « écologiques<br />
» aujourd’hui. S’agissant des aides, elles varient selon le modèle<br />
choisi (gpl, hybride). Pour vous donner un ordre de grandeur,<br />
elles sont ventilées de la manière suivante : environ 5 000 à 6 000<br />
euros d’aides de la part de l’administration régionale, 1 500 euros<br />
de l’Etat, 1 000 euros d’aides de la province et 1 000 euros de la<br />
commune de Milan. Un chauff eur de taxi peut ainsi obtenir 8 000<br />
ou 9 000 euros de subvention pour l’acquisition d’une voiture qu’il<br />
gardera trois ou quatre ans.<br />
Intervention dans la salle : A Paris, la situation est complètement différente.<br />
Le seul modèle hybride disponible est la Prius de Toyota, mais<br />
c’est un modèle essence sur lequel on ne récupère pas la TVA. Sur ce sujet,<br />
je trouve que les partenariats tissés entre les diff érents acteurs milanais<br />
sont plus intelligents et responsables, chacun se sent vraiment<br />
concerné.<br />
Gilles Boulin : A Paris, l’aide de la mairie pour les véhicules hybrides<br />
est soumise à condition. On peut en eff et obtenir une aide de<br />
3000 euros pour l’acquisition d’un véhicule hybride mais on est<br />
entièrement d’accord : sur le seul modèle existant, on ne peut pas<br />
27
28<br />
récupérer la TVA sur le carburant. A chaque fois que l’on se rend<br />
au ministère des Finances ou à l’Intérieur, nous évoquons la question.<br />
En outre, les conditions posées par la mairie de Paris sont telles<br />
qu’il n’est pas certain que vous puissiez bénéfi cier de cette aide<br />
de 3000 euros tout simplement parce que vous êtes contraint de<br />
garder ce véhicule trois ans (ou 300 000 km) et de transmettre un<br />
rapport annuel d’activité. Si vous ne remplissez pas ces conditions,<br />
si vous devez vous séparer de ce véhicule au bout d’un an et demi<br />
vous devrez restituer les 3000 euros. On est loin des partenariats et<br />
des aides évoqués par nos collègues italiens.<br />
Laurent Lasne : Si je comprends bien la version actuelle de l’hybride<br />
ne correspond pas aux attentes de la profession et concernant<br />
le véhicule électrique, dont Renault a fait sa priorité, il pose des problèmes<br />
en termes d’autonomie. Alors, dans ce contexte, quelle est la<br />
réfl exion de <strong>Gescop</strong> vis-à-vis du véhicule propre ?<br />
Gilles Boulin : Nous avons créé une « cellule de veille » sur ces<br />
sujets pour suivre les évolutions au plus près. Mais actuellement<br />
aucun véhicule ne répond aux critères de l’activité taxi. Nous ne<br />
pouvons pas récupérer la TVA sur les hybrides essence, quant au<br />
véhicule électrique, son autonomie limitée à 150 km est insuffi -
sante pour répondre à nos attentes. Les réponses des<br />
constructeurs sont donc insuffi santes. Nous attendons Actuellement, aucun<br />
véhicule propre ne<br />
la sortie de modèles hybrides diesel sur lesquels nous répond pleinement aux<br />
pourrons récupérer la TVA. Le véhicule électrique, nous critères de notre activité.<br />
Les constructeurs<br />
y serons favorables le jour où il répondra à nos critères<br />
ont pris du retard.<br />
d’exploitation. A savoir une autonomie suffi sante d’au<br />
Gilles Boulin<br />
moins 300 km par jour avec la possibilité de trouver<br />
des bornes afi n de recharger rapidement parce que<br />
nous n’avons pas la possibilité de faire revenir l’ensemble du parc<br />
automobile vers des points de charge comme peuvent le faire<br />
aujourd’hui les municipalités.<br />
Laurent Lasne : L’une des clauses du contrat d’objectifs signé avec<br />
la mairie de Milan prévoit une conversion de la fl otte taxis à l’hybride<br />
en vue de l’Exposition universelle de 2015. Monsieur Grassi,<br />
pourriez-vous nous préciser comment cet objectif va être atteint.<br />
Giovanni Valli : Cette question est d’actualité. Le nombre de taxi<br />
ayant opté pour l’hybride est bien supérieur à nos prévisions c’est la<br />
raison pour laquelle nous avons émis récemment une nouvelle demande<br />
à la région pour refi nancer l’année 2009, en plus des 2 millions<br />
d’euros déjà prévus, pour couvrir les personnes concernées<br />
29
30<br />
qui n’ont pas été pris en compte en 2008. Nous ne prévoyons pas<br />
que 100 % du parc soit équipé en hybride ou en électrique, mais<br />
nous souhaitons créer des conditions favorables pour que la majorité<br />
de la fl otte s’équipe graduellement de véhicules propres.<br />
Raff aele Grassi : Dans la perspective de 2015, les accords avec l’administration<br />
communale et les organisations syndicales ne parlent<br />
pas d’un renouvellement total du parc des taxis en mode hybride.<br />
Nous nous sommes donnés pour objectif que les véhicules répondent<br />
aux normes standard fi xées par l’Union européenne en matière<br />
d’émission de CO2 .<br />
Aujourd’hui, à Milan, 10% des taxis sont électriques, 9 % roulent<br />
au méthane et 3,40% au GPL. Une dynamique s’est mise en place et<br />
l’essentiel c’est que la fl otte taxi soit équipée des modèles les moins<br />
polluants.<br />
Laurent Lasne : Cette prise de conscience « écologique » est en train<br />
de modifi er notre rapport à la voiture et à la mobilité. Elle infl uera<br />
sur l’off re de service. Ceci nous ramène à la question de la qualité de<br />
la prestation. Comment percevez-vous cette évolution ? Ne doit-elle<br />
pas s’accompagner d’un eff ort accru en formation pour les chauffeurs<br />
?
Lucile Calmettes : Il n’y a pas de secret. Dès lors que l’environnement<br />
dans lequel évolue le chauff eur est favorable, sa prestation<br />
est de meilleure qualité.<br />
La possibilité de redescendre des aéroports sur des voies privilégiées,<br />
l’utilisation mixte des plateformes du tramway, la fl uidité de<br />
la circulation, tout cela contribue à la qualité. La formation est également<br />
un point essentiel.<br />
Justement, dans les modules de formation, lors de la préparation à<br />
l’examen ou dans le cadre de la formation continue, il serait intéressant<br />
de proposer aux chauff eurs des modules sur la « relation commerciale<br />
» ou la « gestion de confl it » pour faire face et savoir réagir<br />
face au stress d’une clientèle de plus en plus pressée.<br />
Virginio Vargas : Un des services auxquels nous tenons<br />
le plus dans notre coopérative c’est précisément la formation<br />
des nouveaux chauff eurs.<br />
Nous avons une école que nous gérons au sein de<br />
notre coopérative. Le socle de cette formation professionnelle<br />
est axé sur la dimension « commerciale »<br />
parce que nous considérons que la qualité de service<br />
est meilleure lorsque le chauff eur sait gérer sa relation<br />
avec les clients.<br />
Le socle de la<br />
formation professionnelle<br />
est axé sur la<br />
dimension commerciale<br />
pour que le chauffeur<br />
gère mieux sa<br />
relation avec les clients.<br />
Virginio Vargas<br />
31
32<br />
Fédération européenne du taxi associé, une utopie ?<br />
Laurent Lasne : Nous arrivons au terme de nos échanges. Il est temps<br />
de vous demander, Monsieur Jean-Pierre Martin, dont je rappelle que<br />
vous êtes vice-président de la Confédération européenne des coopératives<br />
de production, ce que vous inspire cet échange franco-italien. La<br />
dimension européenne est souvent abstraite, mais là nous voyons bien<br />
que des partenariats européens concrets pourraient se nouer entre des<br />
coopératives de taxis.<br />
Jean-Pierre Martin : Ce que j’ai envie de dire tout de suite<br />
Le fait d’échanger<br />
c’est qu’on retrouve dans un certain nombre de réunions<br />
entre professionnels de<br />
différents pays permet et dans d’autres secteurs professionnels autant de pas-<br />
d’avoir une réfl exion sion qu’on vient d’en trouver ici. Nous sommes en train de<br />
plus riche et de coordonner<br />
des réponses à changer de modes d’organisation, de moyens technologi-<br />
l’échelle européenne. ques et cela vient bousculer nos habitudes dans toutes les<br />
Jean-Pierre Martin<br />
professions.<br />
L’Europe est une chance unique pour progresser en comparant<br />
des pratiques. Aujourd’hui, on voit bien que le fait d’échanger<br />
entre pays peut permettre eff ectivement d’avoir une réfl exion plus riche<br />
et de coordonner des réponses à l’échelle européenne. Des partenariats<br />
peuvent être scellés autour d’une approche consensuelle et
transnationale. Il est important d’organiser des réunions comme celles-là<br />
car elles permettent de multiplier des échanges pour construire<br />
ensemble car notre horizon est européen.<br />
Laurent Lasne : Pourtant, et c’est paradoxal, l’Europe apparaît souvent<br />
comme une menace. Est-ce que cela signifi e que les organisations<br />
professionnelles n’ont pas suffi samment pris en compte la dimension<br />
européenne dans leur stratégie ? S’agissant des organisations coopératives<br />
du taxi, pensez-vous qu’au-delà des partenariats qui s’ébauchent,<br />
elles devraient créer une fédération européenne pour mieux faire prendre<br />
en compte leurs spécifi cités par Bruxelles ?<br />
Jean-Pierre Martin : C’est essentiel. Nos partenaires italiens sont<br />
d’ailleurs meilleurs que nous en ce qui concerne le lobbying bruxellois.<br />
Les Italiens vont s’installer à Bruxelles, nous, les Français, on prend<br />
le train et on revient le soir.<br />
Je n’ai pas d’information sur les organisations professionnelles de taxi<br />
au niveau européen, mais sur toute l’approche transport au sens général,<br />
qu’il soit public ou privé, il est nécessaire que les institutions<br />
<strong>européennes</strong> aient connaissance des propositions et des spécifi cités<br />
de vos organisations afi n de mieux les prendre en compte.<br />
D’ores et déjà, je peux vous dire que je vais faire part des échanges<br />
33
34<br />
d’aujourd’hui au sein du CECOP. Il est également nécessaire d’identifi<br />
er l’existence d’organisations coopératives du taxi dans d’autres<br />
pays européens afi n d’approfondir le travail que nos amis italiens et<br />
français ont déjà engagé.<br />
Laurent Lasne : Gilles Boulin, est-ce que les propos de Jean-Pierre<br />
Martin vont vous inciter à donner une réelle dimension européenne à<br />
cette ébauche de partenariats avec vos collègues milanais ?<br />
Gilles Boulin : Il est évident que nous allons poursuivre nos échanges<br />
parce que l’on a beaucoup appris en communiquant ensemble<br />
et en se rendant visite. Il nous faut désormais ap-<br />
Nous sommes<br />
profondir nos échanges pour examiner ce que nous<br />
conscients de la<br />
nécessité de nous rap- pourrions bâtir en commun à l’échelle européenne.<br />
procher d’organisations Nous sommes conscients de la nécessité de nous rap-<br />
coopératives d’autres<br />
procher d’organisations coopératives d’autres pays<br />
pays pour porter une<br />
réfl exion à Bruxelles. pour porter une réflexion à Bruxelles.<br />
Gilles Boulin<br />
Face à la « directive services », qui va impacter notre<br />
profession, il est indispensable que nous fédérions<br />
nos énergies pour faire entendre nos spécificités pour avancer,<br />
mais également pour protéger notre profession face à une<br />
concurrence pas toujours loyale.
Raff aele Grassi : En réponse aux propos de Jean-Pierre Martin à<br />
propos de lobbying en Europe, j’ai envie de dire que la conférence<br />
d’aujourd’hui constitue une première étape. Il serait opportun d’organiser<br />
dans les prochaines années un salon du taxi annuel itinérant<br />
une fois à Paris, une fois à Madrid, une fois à Milan pour chercher à<br />
coordonner les professionnels du taxi en Europe sur les idées plutôt<br />
que sur les protestations.<br />
35
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56, rue Albert - 75013 Paris<br />
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