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Les Manufactures des Gobelins : quatre sièc<strong>le</strong>s de création<br />
Manufacturi<strong>le</strong> Gobelins: patru seco<strong>le</strong> de creație<br />
8 | 12 | 2011<br />
26 | 02 | 2012<br />
Tapisseries roya<strong>le</strong>s (1600 - 1800)<br />
Tapiserii<strong>le</strong> rega<strong>le</strong> (1600 - 1800)<br />
Le renouveau de la tapisserie contemporaine, de 1950 à nos jours<br />
Reînnoirea tapiseriei contemporane, din 1950 până în zi<strong>le</strong><strong>le</strong> noastre<br />
organizatori parteneri principali<br />
cu sprijinul parteneri strategici<br />
parteneri media<br />
MNAC
2<br />
Les Manufactures des Gobelins :<br />
quatre sièc<strong>le</strong>s de création<br />
8 décembre 2011 – 26 février 2012<br />
Tapisseries roya<strong>le</strong>s (1600 - 1800)<br />
Musée National d’Art de Roumanie<br />
Le renouveau de la tapisserie contemporaine, de 1950 à nos jours<br />
Musée National d’Art Contemporain<br />
Tant par son sujet que par la période traités, l'exposition Les Manufactures des<br />
Gobelins : quatre sièc<strong>le</strong>s de création qui se dérou<strong>le</strong>ra du 8 décembre 2011 au<br />
26 février 2012 à Bucarest, revêt un caractère exceptionnel. Il s’agit d’une doub<strong>le</strong><br />
exposition qui sera présente dans deux musées de Bucarest qui, chacun dans <strong>le</strong>ur<br />
domaine traiteront du doub<strong>le</strong> travail de la manufacture, celui de préservation de<br />
grandes pièces historiques mais éga<strong>le</strong>ment celui d’une politique ambitieuse de création<br />
ouverte aux meil<strong>le</strong>urs artistes de <strong>le</strong>urs temps.<br />
Un choix significatif des meil<strong>le</strong>ures tapisseries françaises tissées aux Gobelins du XVIIe à<br />
l’aube du XIXe sièc<strong>le</strong>, conservées dans <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctions du Mobilier national sera présenté au<br />
Musée National d’Art de Roumanie. Mais la manufacture n’est pas uniquement un lieu du<br />
patrimoine, el<strong>le</strong> est aussi un lieu d’innovation et d’échanges avec <strong>le</strong>s plus grands artistes.<br />
C’est ainsi que <strong>le</strong> Musée National d’Art Contemporain accueil<strong>le</strong>ra <strong>le</strong>s œuvres de Picasso,<br />
Matisse, Le Corbusier, Erro, Schlosser, parmi d’autres, qui couvrent près de 60 ans de création<br />
esthétique française.<br />
L’Ambassade de France en Roumanie, l’Institut Français de Bucarest et <strong>le</strong> Mobilier national<br />
proposent ainsi à travers plus de cinquante pièces uniques, un parcours artistique d’une<br />
amp<strong>le</strong>ur inégalée, de Simon Vouet à Ségui, exprimée dans une technique particulière, cel<strong>le</strong><br />
du tissage de laine du licier, qui a permis de créer à travers <strong>le</strong>s sièc<strong>le</strong>s des œuvres origina<strong>le</strong>s<br />
explorant la cou<strong>le</strong>ur et la matière.<br />
Pour la première fois en Roumanie, une col<strong>le</strong>ction de cette richesse permettra au public de<br />
déc<strong>ouvrir</strong> ce dialogue entre l’artiste, créateur du modè<strong>le</strong> et de l’artisan, représentant d’un<br />
métier d’art ancien dont la Manufacture Nationa<strong>le</strong> des Gobelins a su préserver et développer<br />
spécificité.
3<br />
Mot de l’Ambassadeur de la France<br />
Les Gobelins : ce nom prestigieux symbolise à lui seul l’excel<strong>le</strong>nce française. Ce nom commun c’est<br />
d’abord celui d’un simp<strong>le</strong> artisan, Jean Gobelin, teinturier en écarlate, venu s’instal<strong>le</strong>r à Paris dans<br />
<strong>le</strong> quartier Saint-Marcel, en 1443. Avec <strong>le</strong>urs voisins, <strong>le</strong>s Canaye, originaires de Milan et éga<strong>le</strong>ment<br />
teinturiers, <strong>le</strong>s Gobelins fondent une entreprise prospère. En 1601, à la demande d’Henri IV, <strong>le</strong>s ateliers<br />
de tapisserie se développent avec l’arrivée de deux Flamands, François de La Planche et Marc de<br />
Comans. Ils créent la première manufacture de tapisserie du Roi. Rachetée par Colbert en 1662, el<strong>le</strong> devient<br />
la manufacture roya<strong>le</strong> des meub<strong>le</strong>s de la Couronne, appelée aujourd’hui manufacture des Gobelins. Cette<br />
manufacture fait aujourd’hui partie du Mobilier national, l’héritier républicain du Garde-Meub<strong>le</strong> royal.<br />
À l’instar de nombre de f<strong>le</strong>urons de notre patrimoine national, <strong>le</strong>s Gobelins sont d’abord <strong>le</strong> produit de<br />
créateurs venus de divers pays: des Français, des Italiens et des Flamands. Et surtout, l’histoire des Gobelins<br />
démontre avec éclat que la production et la préservation des œuvres d’art et de décoration sont <strong>le</strong>s missions<br />
anciennes d’un État qui place la culture au cœur de son identité nationa<strong>le</strong> et de ses relations diplomatiques.<br />
L’exposition exceptionnel<strong>le</strong> que <strong>le</strong> Mobilier national présente à Bucarest va bien au-delà d’une simp<strong>le</strong><br />
exposition patrimonia<strong>le</strong>, et j’en remercie l’administrateur, Bernard Schotter. Comme l’indique son titre - « Les<br />
Manufactures des Gobelins : quatre sièc<strong>le</strong>s de création » - il s’agit de montrer, dans deux grands musées, <strong>le</strong><br />
Musée national d’art de Roumanie et <strong>le</strong> Musée national d’art contemporain, des pièces historiques datant<br />
d’Henri IV, Louis XIV et Louis XV, mais aussi des pièces modernes conçues par de grands artistes du XXe sièc<strong>le</strong><br />
comme Picasso, Matisse, Miró, Le Corbusier et des artistes contemporains tels que Schlosser, Ségui ou Ping.<br />
Car l’enjeu majeur de cette doub<strong>le</strong> exposition est sans doute de montrer comment un art intimement lié<br />
à l’artisanat - <strong>le</strong> tissage manuel sur métier - a su se réinventer en alliant valorisation du patrimoine et art<br />
contemporain.<br />
Loin d’être une technique archaïque, la tapisserie est une source d’inspiration pour <strong>le</strong>s artistes<br />
d’aujourd’hui. Alliant patrimoine, artisanat et création artistique, el<strong>le</strong> est la preuve et la sp<strong>le</strong>ndide illustration<br />
que l’on peut être « moderne » tout en utilisant des techniques et des savoir-faire anciens. C’est en cela que<br />
présenter cette exposition en Roumanie, pays qui dispose d’une merveil<strong>le</strong>use richesse artisana<strong>le</strong> - ces « mains<br />
d’or » dont il est urgent d’assurer la pérennité et <strong>le</strong> renouvel<strong>le</strong>ment ! - revêt un intérêt particulier. Je suis<br />
persuadé que <strong>le</strong> public roumain répondra à l’appel de ces deux expositions jamais réalisées dans <strong>le</strong> monde, et<br />
je remercie <strong>le</strong>s prestigieuses institutions que sont <strong>le</strong> Musée national d’art de Roumanie et <strong>le</strong> Musée national<br />
d’art contemporain d’avoir accepté d’accueillir cet événement qui s’inscrit dans une collaboration de grande<br />
qualité entre nos deux pays.<br />
Henri Paul<br />
Ambassadeur de France en Roumanie
4<br />
Mot de l’administrateur du Mobilier national<br />
e me réjouis que, grâce au soutien actif de M. Henri Paul, ambassadeur de France en Roumanie, une doub<strong>le</strong><br />
manifestation permette de présenter au public roumain <strong>le</strong>s créations, tant anciennes que modernes, des<br />
manufactures françaises des Gobelins et de Beauvais.<br />
Je tiens avant tout à exprimer mes vifs remerciements à Mme Roxana Theodorescu, directeur<br />
général du Musée national d’art de Roumanie, M. Mihai Oroveanu, directeur général du Musée<br />
national d’art moderne, et <strong>le</strong>urs équipes, pour l’accueil qu’ils offrent à cette manifestation dont l’organisation<br />
reflète l’étroitesse des liens culturels qui unissent nos deux pays.<br />
Des présentations plus réduites de nos col<strong>le</strong>ctions et de nos créations avaient eu lieu en 1976 et en<br />
1985, il y a déjà plus d’un quart de sièc<strong>le</strong> ; mais par son amp<strong>le</strong>ur, qui a justifié son déploiement sur deux lieux,<br />
comme par <strong>le</strong>s publications qui l’accompagnent, cette manifestation va au-delà des précédentes.<br />
Peut-être n’est-il pas inuti<strong>le</strong>, en préambu<strong>le</strong>, de rappe<strong>le</strong>r brièvement l’histoire de nos anciennes<br />
manufactures roya<strong>le</strong>s, devenues nationa<strong>le</strong>s, et de <strong>le</strong>ur contribution à l’histoire de l’art européen. L’origine<br />
de la manufacture des Gobelins remonte à une initiative d’Henri IV que Louis XIV confirmera en plaçant la<br />
manufacture en 1663 sous la direction artistique du peintre Le Brun. La manufacture de Beauvais fut créée<br />
par Louis XIV en 1664. Au début du XVIIIe sièc<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> se spécialise dans la technique de la basse lisse (métiers<br />
horizontaux). Les manufactures*, réunies avec l’administration du Mobilier national en 1937, regroupent<br />
aujourd’hui près de cent trente lissiers. El<strong>le</strong>s produisent chaque année une douzaine de pièces. Essentiel à <strong>le</strong>ur<br />
activité est <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de l’atelier de teinture, qui crée <strong>le</strong>s cou<strong>le</strong>urs nécessaires à chaque tissage. Au XIXe sièc<strong>le</strong>,<br />
l’atelier fut dirigé pendant de longues années par <strong>le</strong> grand chimiste Chevreul, inventeur du célèbre «cerc<strong>le</strong><br />
chromatique». Cette invention, qui permit <strong>le</strong> classement scientifique de 14 400 coloris, a fait place aujourd’hui<br />
à un nuancier informatisé qui permet d’approfondir la « grammaire des cou<strong>le</strong>urs » et s’enrichit constamment<br />
de nouvel<strong>le</strong>s teintes (actuel<strong>le</strong>ment plus de 28 000 tons).<br />
Grâce à l’impulsion artistique de l’État, <strong>le</strong>s manufactures ont continuel<strong>le</strong>ment épousé l’art de <strong>le</strong>ur<br />
temps ; <strong>le</strong>s chefs-d’œuvre tissés d’après <strong>le</strong>s grands noms de la peinture française sous <strong>le</strong> règne des Bourbons<br />
<strong>le</strong>s hissent au premier rang de la production. Après l’académisme du XIXe J<br />
sièc<strong>le</strong>, un mouvement se fait en<br />
faveur d’un retour aux sources, l’emploi d’une gamme réduite de tons et la simplification du modè<strong>le</strong>. La<br />
collaboration avec des artistes tels que Chéret ou Odilon Redon amorce un profond renouveau du répertoire<br />
qui se poursuit avec Dufy, puis Jean Lurçat dans l’entre-deux-guerres. Cette nouvel<strong>le</strong> approche artistique, que<br />
<strong>le</strong>s Gobelins prolongeront bientôt avec Matisse et Gromaire, réaffirme l’autonomie de la tapisserie par rapport<br />
à la peinture et réinstal<strong>le</strong> la tapisserie au cœur de la modernité. Les manufactures nationa<strong>le</strong>s n’ont pas cessé<br />
depuis lors de prendre une part déterminante au renouveau de la tapisserie contemporaine.<br />
Un second tournant, décisif, est pris sous l’impulsion d’André Malraux à partir des années 60. Selon<br />
une méthode expérimentée dès 1946 avec La Femme au luth de Matisse, <strong>le</strong> carton n’est plus fourni par <strong>le</strong>
5<br />
peintre : il prend la forme d’un agrandissement photographique du modè<strong>le</strong>, éventuel<strong>le</strong>ment retouché par<br />
l’artiste. L’artiste garantit ainsi l’authenticité de la transposition tout en laissant toute sa place à la créativité<br />
du spécialiste des techniques de tissage qu’est <strong>le</strong> lissier.<br />
Le lissier occupe en effet un statut qui n’est ni celui du créateur initial ni celui d’un simp<strong>le</strong> exécutant,<br />
mais celui d’un interprète au sens <strong>le</strong> plus nob<strong>le</strong> du terme, participant à une co-création origina<strong>le</strong>. L’œuvre<br />
tissée n’est pas une copie, mais une création à part entière où s’actualise et se déploie <strong>le</strong> potentiel contenu<br />
dans <strong>le</strong> modè<strong>le</strong>. Une nouvel<strong>le</strong> matière, de nouvel<strong>le</strong>s dimensions, <strong>le</strong> travail des teinturiers et <strong>le</strong> ta<strong>le</strong>nt des<br />
lissiers concourent à lui conférer une véritab<strong>le</strong> originalité et une expressivité particulière.<br />
De nombreux chefs-d’œuvre sont alors tissés d’après de grands noms de la peinture, mais aussi<br />
des graveurs, des sculpteurs, des architectes. Depuis lors, <strong>le</strong>s choix artistiques restent ouverts aux courants<br />
artistiques contemporains <strong>le</strong>s plus variés, qu’ils relèvent de la figuration, de l’abstraction ou de l’art conceptuel.<br />
Les créateurs viennent désormais non seu<strong>le</strong>ment de France, mais aussi de l’Europe, voire de l’Asie ou de<br />
l’Amérique. Ce sont non seu<strong>le</strong>ment des peintres, mais, de plus en plus, des designers, des architectes, des<br />
photographes ou des vidéastes.<br />
Il est de bon augure de constater que pour <strong>le</strong>s créateurs <strong>le</strong>s plus actuels, l’ancienne technique artisana<strong>le</strong><br />
du tissage demeure toujours un mode d’expression qui fait sens. L’évolution récente démontre ainsi que l’art<br />
de la tapisserie ne cesse de se réinventer tout en restant fidè<strong>le</strong> à lui-même. L’art immémorial du tissage<br />
s’inscrit p<strong>le</strong>inement dans l’aventure de l’art contemporain.<br />
Bernard Schotter<br />
Administrateur général du Mobilier national<br />
et des manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie<br />
* Une troisième manufacture, cel<strong>le</strong> de la Savonnerie, éga<strong>le</strong>ment créée par Henri IV, a pour vocation de tisser des<br />
tapis de haute lisse.
6<br />
Les Manufactures des Gobelins :<br />
quatre sièc<strong>le</strong>s de création<br />
Tapisseries roya<strong>le</strong>s (1600 - 1800)<br />
Musée National d’Art de Roumanie<br />
8 décembre 2011 – 26 février 2012<br />
Le Musée national d’art de Roumanie a <strong>le</strong> bonheur de présenter une vingtaine de tapisseries – dont<br />
certaines sont d’une dimension impressionnante – qui constituent, dans <strong>le</strong> cadre de l’exposition dédiée<br />
à la manufacture nationa<strong>le</strong> des Gobelins, <strong>le</strong> vo<strong>le</strong>t d’œuvres créées aux XVIIe et XVIIIe sièc<strong>le</strong>s. Les<br />
pièces présentées dans <strong>le</strong> « chapitre » intitulé Tapisseries roya<strong>le</strong>s (1600-1800) trouvent à Bucarest,<br />
dans l’ancien Palais Royal, <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur emplacement possib<strong>le</strong> pour être contemplées, tandis que <strong>le</strong>s<br />
tapisseries modernes, qui constituent <strong>le</strong> deuxième vo<strong>le</strong>t de cette doub<strong>le</strong> exposition, sont exposées dans un<br />
endroit tout aussi adéquat, <strong>le</strong> Musée national d’art contemporain.<br />
Prêtées avec générosité par <strong>le</strong> Mobilier national de Paris, qui détient un des plus importants fonds<br />
d’arts décoratifs de France – tant en va<strong>le</strong>ur qu’en nombre –, <strong>le</strong>s tapisseries anciennes, qui s’ajoutaient aux<br />
sp<strong>le</strong>ndeurs des résidences roya<strong>le</strong>s, reflètent, par <strong>le</strong> choix attentif des pièces, <strong>le</strong> parcours thématique et<br />
stylistique de l’époque, soutenu par une réalisation technique constante et exceptionnel<strong>le</strong> de cet art en<br />
France. Les tapisseries « roya<strong>le</strong>s » viennent compléter l’image de la créativité artistique française, à laquel<strong>le</strong><br />
l’amateur d’art de Roumanie réserve depuis toujours une sensibilité à part.<br />
Une fois de plus, nous devons à l’Ambassade de France et à l’Institut français de Bucarest, deux<br />
vecteurs culturels des plus importants de notre pays, l’occasion d’avoir pu organiser à Bucarest cette bel<strong>le</strong><br />
exposition. Nous <strong>le</strong>ur exprimons toute notre gratitude, ainsi qu’à tous ceux qui se sont impliqués dans la<br />
réalisation de ce projet.<br />
Roxana Theodorescu<br />
Directeur général, Musée national d’art de Roumanie
7<br />
Les Manufactures des Gobelins :<br />
quatre sièc<strong>le</strong>s de création<br />
Tapisseries roya<strong>le</strong>s (1600 - 1800)<br />
Musée National d’Art de Roumanie<br />
8 décembre 2011 – 26 février 2012<br />
Fondée en 1602 par Henri IV afin de favoriser <strong>le</strong> commerce<br />
de la tapisserie, la manufacture du faubourg Saint-Marcel mit<br />
sur <strong>le</strong>s métiers de grandes séries à sujet antique tel<strong>le</strong> L’Histoire<br />
d’Artémise tissée pour la reine Marie de Médicis en 1607 (Le<br />
Colosse de Rhodes). Le règne de Louis XIII est marqué par l’apport<br />
de l’œuvre de Simon Vouet, auteur de nombreuses suites profanes<br />
ou religieuses destinées au roi. Parmi cel<strong>le</strong>s-ci figure une Histoire<br />
de l’Ancien Testament dont, La Fil<strong>le</strong> de Jephté constitue une pièce<br />
essentiel<strong>le</strong>. Le règne de Louis XIV voit la fondation en 1662 de la<br />
seconde manufacture des Gobelins sous la direction de Char<strong>le</strong>s Le<br />
Brun qui va élaborer avec de nombreux collaborateurs plusieurs<br />
suite célèbres dont fait partie la tenture des Saisons (L’Hiver), cel<strong>le</strong><br />
de L’Histoire d’A<strong>le</strong>xandre <strong>le</strong> Grand (L’Entrée à Babylone), L’Histoire<br />
du roi (La Défaite du comte de Marsin), Les Mois ou Maisons roya<strong>le</strong>s<br />
(Le Château neuf de Saint-Germain-en-Laye). La mort de Le Brun<br />
en 1691 amène la nomination aux Gobelins de Pierre Mignard dont<br />
<strong>le</strong> décor de la Ga<strong>le</strong>rie de Saint-Cloud fut transcrit en tapisserie (L’Eté<br />
ou Le Sacrifice à Cérès). Cette époque voir éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> retissage<br />
d’anciennes tentures de la Couronne tel<strong>le</strong> la série des Triomphes<br />
des dieux d’après Giovanni da Udine (Le Triomphe de Minerve),<br />
comme <strong>le</strong> tissage de l’extraordinaire tenture des Indes (L’Indien<br />
à cheval) figurant des scènes de la vie du Brésil rapportées par <strong>le</strong><br />
prince Maurice de Nassau et offertes à Louis XIV. A la fin du règne<br />
du Grand Roi, sont créées éga<strong>le</strong>ment de spectaculaires tentures<br />
à sujet biblique illustrées par Jean Jouvenet et Antoine Coypel<br />
(Jésus chassant <strong>le</strong>s vendeurs du temp<strong>le</strong> et<br />
L’Evanouissement d’Esther).<br />
Avec <strong>le</strong> XVIIIe sièc<strong>le</strong>, on assiste à<br />
la continuation des séries à sujet d’histoire<br />
tandis qu’apparaissent des séries<br />
moins édifiantes destinées aux appartements<br />
royaux. A la première catégorie<br />
appar tiennent la tenture de L’Iliade de Char<strong>le</strong>s<br />
Coypel, cel<strong>le</strong> de L’Histoire d’Esther de<br />
Jean-François de Troy, cel<strong>le</strong> de L’Ambassade<br />
turque, qui décrit un événement<br />
contemporain, cel<strong>le</strong> de L’Histoire de Thé-<br />
sée d’après Car<strong>le</strong> Vanloo. A la seconde<br />
catégorie appartiennent la fameuse<br />
tenture de L’Histoire de Don Quichotte<br />
d’après Char<strong>le</strong>s Coypel éga<strong>le</strong>ment ou la<br />
tenture des Amours des dieux d’après<br />
différents peintres dont Joseph-Marie<br />
Vien. Ces innovations n’empêchent pas<br />
la poursuite du tissage de répliques<br />
d’après des pièces du XVIe sièc<strong>le</strong> toujours<br />
recherchées (tenture des Mois Lucas aux<br />
armes du roi de Pologne). Les dernières<br />
années du XVIIIe sièc<strong>le</strong> correspondent à<br />
un retour au passé national (tenture de<br />
L’Histoire de France) tandis que la mythologie<br />
fait un retour remarquée avec<br />
la tapisserie de L’Enlèvement d’Orythie<br />
par Borée d’après François-André Vincent,<br />
placée dans <strong>le</strong>s appartements du<br />
Premier Consul aux Tui<strong>le</strong>ries.<br />
Jean Vittet<br />
Inspecteur des col<strong>le</strong>ctions,<br />
Commissaire de l’exposition de<br />
tapisseries anciennes
8<br />
Liste des œuvres<br />
Le Colosse de Rhodes, Tenture de L’Histoire de Artémise,<br />
d’après Antoine Caron et Henri Lerambert, manufacture du<br />
faubourg Saint-Marcel Paris; laine, soie et or ; tissage après<br />
1607<br />
La Fil<strong>le</strong> de Jephté, Tenture de L’Histoire de l’Ancien Testament<br />
d’après Simon Vouet, manufacture du Louvre Paris; laine et soie ;<br />
commande de Louis XIII après 1627, tissage entre1640 et 1663<br />
L’Hiver, Tenture des Saisons d’après Char<strong>le</strong>s Le Brun,<br />
manufacture des Gobelins Paris ; laine, un peu de soie, or ;<br />
tissage avant 1669<br />
Triomphe d’A<strong>le</strong>xandre, Tenture de L’Histoire d’A<strong>le</strong>xandre <strong>le</strong><br />
Grand, d’après Char<strong>le</strong>s Le Brun, Paris manufacture des Gobelins ;<br />
laine, soie, argent et or ; tissage vers 1670-1676<br />
La Défaite du comte de Marsin, Tenture de L’Histoire du Roi,<br />
d’après Char<strong>le</strong>s Le Brun et Adam Frans van der Meu<strong>le</strong>n, Paris,<br />
manufacture des Gobelins ; laine, soie, argent et or ; tissage<br />
1670-1675<br />
Le Château neuf de Saint-Germain-en-Laye, Tenture des<br />
Mois ou Maisons roya<strong>le</strong>s, d’après Char<strong>le</strong>s Le Brun, Paris,<br />
manufacture des Gobelins ; laine, soie et or ; tissage avant<br />
1683<br />
Le Parnasse, Tenture de La Ga<strong>le</strong>rie de Saint-Cloud d’après<br />
Pierre Mignard, Paris, manufacture des Gobelins ; laine, soie et<br />
or ; tissage 1692-1701<br />
Le Triomphe de Minerve, Tenture des Triomphes des dieux<br />
d’après Giovanni da Udine et Noël Coypel, Paris, manufacture<br />
des Gobelins ; laine, soie et or ; tissage 1702-1707<br />
L’Indien à cheval, Tenture des Indes d’après Albert Eckhout,<br />
Paris, manufacture des Gobelins ; laine et soie ; tissage 1689<br />
Jésus chassant <strong>le</strong>s vendeurs du temp<strong>le</strong>, d’après Jean<br />
Jouvenet, Tenture de L’Histoire du Nouveau Testament Paris,<br />
manufacture des Gobelins ; laine et soie ; tissage 1754-1757
9<br />
Liste des œuvres<br />
L’Evanouissement d’Esther, d’après Antoine Coypel, Tenture<br />
de L’Histoire de l’Ancien Testament, Paris, manufacture des<br />
Gobelins ; laine et soie ; tissage 1722-1725<br />
Le Sacrifice d’Iphigénie, d’après Char<strong>le</strong>s-Antoine Coypel,<br />
Tenture de L’Iliade Paris, manufacture des Gobelins ; laine et<br />
soie ; tissage 1733-1736<br />
L’Evanouissement d’Esther, Tenture de L’Histoire d’Esther,<br />
d’après Jean-François de Troy, Paris, manufacture des Gobelins ;<br />
laine et soie ; tissage 1749-1752<br />
La Sortie des Tui<strong>le</strong>ries, Tenture de L’Ambassade turque d’après<br />
Char<strong>le</strong>s Parrocel, Paris, manufacture des Gobelins ; laine et<br />
soie ; tissage 1734-1737<br />
Thésée vainqueur du taureau de Marathon, d’après Car<strong>le</strong><br />
Vanloo, Paris, manufacture des Gobelins ; laine et soie ; tissage<br />
1779-1786<br />
La Dorothée et Le Chevillard, Tenture de L’Histoire de Don<br />
Quichotte d’après Char<strong>le</strong>s Coypel, Paris, manufacture des<br />
Gobelins ; laine et soie ; tissage 1768-1773<br />
L’Enlèvement de Proserpine, d’après Joseph-Marie Vien,<br />
Tenture des Amours des dieux, Paris, manufacture des<br />
Gobelins ; laine et soie ; tissage 1772-1774<br />
Le Mois de mai, Tenture des Mois Lucas, d’après un maitre<br />
hollandais du XVIe sièc<strong>le</strong>, Paris, manufacture des Gobelins ;<br />
laine et soie ; tissage 1732-1733<br />
Marcel et Maillard, Tenture de L’Histoire de France, d’après<br />
Jean-Simon Berthé<strong>le</strong>my, Paris, manufacture des Gobelins ; laine<br />
et soie ; tissage 1816-1823 (carton 1783)<br />
L’Enlèvement d’Orithye par Borée, d’après François-André<br />
Vincent, Paris, manufacture des Gobelins ; laine et un peu de<br />
soie ; tissage 1802-1803 (carton 1782)
Les Manufactures des Gobelins :<br />
quatre sièc<strong>le</strong>s de création<br />
10<br />
Le renouveau de la tapisserie contemporaine, de 1950 à nos jours<br />
Musée National d’Art Contemporain<br />
8 décembre 2011 – 26 février 2012<br />
MNAC a débuté sous <strong>le</strong>s auspices des encouragements et de l’appui direct<br />
et désintéressé de la France. Pendant <strong>le</strong>s sept années qui se sont écoulées<br />
depuis son inauguration, notre musée a été chaque année l’hôte d’au<br />
moins une exposition d’art français d’envergure. Cette collaboration avait<br />
été préfacée par une relation soutenue avec l’Union Latine et avec <strong>le</strong>s<br />
FRAC de Languedoc-Roussillon ou de l’Alsace. L’ouverture officiel<strong>le</strong> du musée bucarestois dédié à l’art<br />
contemporain a été marquée par la collaboration avec <strong>le</strong> Musée d’Art moderne de la Vil<strong>le</strong> de Paris.<br />
D’autres expositions ont suivi, en collaboration avec Jeu de Paume, la Fondation Cartier, <strong>le</strong>s FRAC des<br />
différentes régions, expositions nées de la collaboration entre spécialistes français et roumains. Les<br />
relations professionnel<strong>le</strong>s ont donné lieu à des amitiés durab<strong>le</strong>s, et la présence p<strong>le</strong>ine de<br />
bienveillance des ambassadeurs de France a apporté une impressionnante présence de l’art français sur <strong>le</strong>s<br />
cimaises de notre musée. C’est l’occasion de dire, une fois de plus, combien nous sommes reconnaissants à<br />
Son Excel<strong>le</strong>nce Monsieur l’ambassadeur Paul Henri pour son constant appui et pour l’amp<strong>le</strong>ur qu’a pu acquérir<br />
cette relation.<br />
Si au Musée national d’art de Roumanie <strong>le</strong> public aura l’occasion de voir une impressionnante sé<strong>le</strong>ction<br />
de tapisseries classiques, nous nous réjouissons de présenter, à notre tour, grâce à la prestigieuse institution<br />
qu’est <strong>le</strong> Mobilier national, pour la première fois en Roumanie, un choix de tapisseries françaises modernes<br />
et contemporaines. Voici déjà une soixantaine d’années que des grandes manufactures françaises ont recours<br />
à des artistes remarquab<strong>le</strong>s pour susciter une renaissance de la tradition séculaire de la tapisserie. Il y a<br />
dans cette exposition des œuvres réalisées d’après <strong>le</strong>s projets des architectes, peintres et sculpteurs, qui ont<br />
accepté de faire transférer en tapisseries <strong>le</strong>urs cartons, spécia<strong>le</strong>ment conçues pour des espaces publics. J’ai eu<br />
l’occasion de déc<strong>ouvrir</strong>, dans <strong>le</strong> réseau des Maisons de Culture édifiées au cours de mandat d’André Malraux,<br />
de nombreuses œuvres de ce genre, qui ont ensuite trouvé <strong>le</strong>ur place dans d’importantes institutions, dans<br />
<strong>le</strong>s sal<strong>le</strong>s des organisations internationa<strong>le</strong>s siégeant en France, et même dans des bâtiments de culte. La<br />
liste des artistes exposés est impressionnante, et aux côtés des noms incontournab<strong>le</strong>s de l’histoire de l’art<br />
moderne on trouve des expériences nouvel<strong>le</strong>s, très proches de l’esprit de l’art contemporain.<br />
L’exposition que nous accueillons avec enthousiasme pourrait être une occasion de réf<strong>le</strong>xion non<br />
seu<strong>le</strong>ment pour <strong>le</strong> public, pour <strong>le</strong>s édi<strong>le</strong>s et pour <strong>le</strong>s historiens d’art, mais aussi – et surtout – pour <strong>le</strong>s artistes<br />
roumains dédiés à cette technique, qui passe aujourd’hui chez nous par une éclipse injustifiée, due surtout à<br />
l’absence en Roumanie de ce genre de commande publique.<br />
Nous ne pouvons qu’espérer que cette doub<strong>le</strong> exposition donne lieu à un regain d’intérêt pour un art<br />
dont l’histoire en Roumanie est loin d’être négligeab<strong>le</strong>.<br />
Nos remerciements et notre reconnaissance s’adressent à nos collègues et amis français, qui ont fait un<br />
tel effort pour rendre ces expositions possib<strong>le</strong>s.<br />
Mihai Oroveanu<br />
Directeur général, Musée national d’art contemporain
Les Manufactures des Gobelins :<br />
quatre sièc<strong>le</strong>s de création<br />
11<br />
Le renouveau de la tapisserie contemporaine, de 1950 à nos jours<br />
Musée National d’Art Contemporain<br />
8 décembre 2011 – 26 février 2012<br />
Le Mobilier national, après la se-<br />
conde guerre mondia<strong>le</strong>, va se<br />
trouver au cœur de la politique<br />
d’incitation à la création. Il a la connaissance<br />
historique, <strong>le</strong> dispositif, <strong>le</strong> savoir faire. Il se trouve<br />
être un outil tout prêt à servir une politique innovante.<br />
Cette administration ancienne dotée de traditions<br />
esthétiques et professionnel<strong>le</strong>s fortement ancrées, dispose<br />
d’une grande autonomie d’initiative et d’action pour introduire<br />
des changements. El<strong>le</strong> va s’attacher à établir <strong>le</strong>s conditions d’une<br />
relation ouverte et efficace avec <strong>le</strong>s artistes en<br />
transformant en profondeur <strong>le</strong>s rapports de l’Etat avec <strong>le</strong>s<br />
créateurs : échanger avec <strong>le</strong>s artistes dans <strong>le</strong>ur atelier, discuter<br />
et trouver dans <strong>le</strong> dialogue un enjeu stimulant aussi<br />
bien pour <strong>le</strong> créateur que pour l’interprète. Pendant la<br />
première moitié du XXème sièc<strong>le</strong>, l’univers de l’artiste,<br />
créateur du modè<strong>le</strong> et l’univers du licier, tisseur du modè<strong>le</strong>, sont<br />
distincts. Les deux mondes ne se rencontrent pas.<br />
Or l’œuvre texti<strong>le</strong> est une œu vre col<strong>le</strong>ctive : qui dit col<strong>le</strong>ctive,<br />
dit co opération, concertation, échange.<br />
L’exposition<br />
L’année 1946 va marquer <strong>le</strong> début d’une nouvel<strong>le</strong> ère.<br />
La commande passée à Matisse va permettre<br />
d’inaugurer une nouvel<strong>le</strong> méthode<br />
de travail dans la manière d’aborder<br />
<strong>le</strong> processus de dialogue nécessaire<br />
à la transposition d’une technique à une<br />
autre en instaurant un échange fructueux<br />
entre <strong>le</strong> créateur et son interprète.<br />
Cette commande est aussi<br />
<strong>le</strong> prémice d’une réorientation<br />
dans <strong>le</strong>s choix artistiques qui va se<br />
développer dans <strong>le</strong>s années soixante.<br />
La réforme de la commission d’achat<br />
de cartons permet d’élaborer<br />
des choix d’acquisition plus<br />
cohérents et dynamiques,<br />
tout en incitant <strong>le</strong>s artistes<br />
à collaborer avec <strong>le</strong>s Manufactures. Une<br />
nouvel<strong>le</strong> politique d’achat se met en<br />
place.<br />
Des artistes majeurs du XXe sièc<strong>le</strong> sont contactés (Picasso, Le Corbusier,<br />
Miro, Matta, …)<br />
Un des autres axes est de solliciter<br />
<strong>le</strong>s artistes <strong>le</strong>s plus représentatifs<br />
des multip<strong>le</strong>s courants de l’art abstrait<br />
(Calder, Delaunay, Magnelli, Bloch, G<strong>le</strong>b,<br />
Mathieu, Poliakoff…). Si depuis 1960,<br />
l’art texti<strong>le</strong> s’est ouvert à d’autres mouvements,<br />
il continue d’être marqué par<br />
l’acquis formel et l’apport intel<strong>le</strong>ctuel de<br />
l’abstraction. Cette rencontre a été déterminante<br />
dans <strong>le</strong> processus de revitalisation<br />
de la tapisserie et du tapis.
12<br />
La technique du tissage de la laine avec ses possibilités<br />
inépuisab<strong>le</strong>s d’écriture, offre un vaste champ d’expression aux<br />
courants et aux recherches plastiques <strong>le</strong>s plus variés :<br />
- Les non figuratifs (Messagier, Frydman…)<br />
- Art conceptuel (Oppenheim…)<br />
- Figuration narrative (Erro, Arroyo…)<br />
- Op art, Art cinétique (Vasarely, Agam …)<br />
- Pein Po (Dewasne…)<br />
- Supports Surfaces (Buraglio…)<br />
- Hyperréalisme (Schlosser…)<br />
- Figuration libre (Prassinos, Cognée…)<br />
- En perpétuel<strong>le</strong> évolution, <strong>le</strong>s Manufactures<br />
mélangent <strong>le</strong>s techniques (Penalba, Favier…),<br />
créent des formats et des découpes inhabituels<br />
(Isobé, Chillida…).<br />
Dans ce mouvement d’ouverture, on tisse, non<br />
plus seu<strong>le</strong>ment des peintres, mais aussi des graveurs, des<br />
sculpteurs, des plasticiens, des photographes et des architectes<br />
(Gilioli, A<strong>le</strong>chinsky, Hajdu, Portzamparc…).<br />
Enfin l’horizon géographique s’élargit au-delà de<br />
la France, et même de l’Europe ( Zao Wou Ki, Huang Yong<br />
ping, Ségui...).<br />
La sé<strong>le</strong>ction des 35 œuvres, proposées à titre indicatif,<br />
montre que l’art de la tapisserie n’a cessé de se réinventer tout<br />
en restant fidè<strong>le</strong> à lui-même. L’œuvre tissée n’est pas une copie,<br />
mais une création à part entière où s’actualise et se déploie <strong>le</strong><br />
potentiel contenu dans chaque modè<strong>le</strong>.<br />
Une nouvel<strong>le</strong> matière, de nouvel<strong>le</strong>s dimensions,<br />
<strong>le</strong> travail des teinturiers et <strong>le</strong><br />
ta<strong>le</strong>nt des liciers concourent à lui conférer<br />
une véritab<strong>le</strong> originalité et une expressivité<br />
particulière.<br />
Marie-Hélène Massé-Bersani<br />
Direction de la production,<br />
Commissaire de l’exposition de<br />
tapisseries contemporaines
Liste des œuvres<br />
13<br />
Henri Matisse, Polynésie : Le ciel, collage de 1946, achat 1948, tissage 1972<br />
Pablo Picasso, Femmes à <strong>le</strong>ur toi<strong>le</strong>tte, papiers collés et gouache de 1938, droits<br />
de reproduction 1967, tissage 1977<br />
Le Corbusier, La femme et <strong>le</strong> maréchal-ferrant, gouache sur papier de 1958,<br />
achat 1965, tissage 1967<br />
Joan Miró, Femme au miroir, lithographie de 1956, achat 1965, tissage 1998<br />
Sonia Delaunay, Composition n°2, gouache sur papier, achat 1966, tissage 1968<br />
Alberto Magnelli, Nature Satellique, toi<strong>le</strong> de 1956, achat des droits de<br />
reproduction 1967, tissage 1968<br />
Victor Vasarely, Oltar-Drei, ektachrome, achat 1975, tissage en point noué 1977<br />
Yaacov Agam, Petit secret, lithographie cou<strong>le</strong>ur de 1974, achat 1976, tissage<br />
1976-1978<br />
Thomas G<strong>le</strong>b, Signes d’amour, papiers chiffons découpés et collés, achat 1970,<br />
tissage 1971<br />
Alicia Penalba, Composition, collage de papiers canson noirs déchirés, achat<br />
1973, tissage 1973<br />
Etienne Hajdu, Estampil<strong>le</strong>, estampage sur papier, achat 1972, tissage 1970<br />
Eduardo Chillida, Homenaje à Paris, gouache et encre sur papier de 1986,<br />
achat 1999, tissage 2000 – 2001<br />
A<strong>le</strong>xandre Calder, Composition, peinture sur carton, achat 1964, tissage 1965<br />
Emi<strong>le</strong> Gilioli, Jeunesse, gouache de 1967, achat 1968, tissage 1970-1971<br />
Serge Poliakoff, Forme, droits de reproduction d’une toi<strong>le</strong> de 1968, achat 1969,<br />
tissage 1970<br />
Jean Dewasne, Cœur cinabre, peinture émail sur papier couché, achat 1977,<br />
tissage 1980-1984<br />
Zao Wou Ki, Composition, gouache et aquarel<strong>le</strong> de 1973, achat 1974, tissage<br />
1973-1976<br />
Georges Mathieu, Portière aux armes de la République, photo retouchée à la<br />
gouache, achat 1978, tissage 1979<br />
Jean Messagier, Les uniformes de beau temps, hui<strong>le</strong> sur papier de 1968, achat<br />
1971, tissage 1971<br />
Pierrette Bloch, Composition n°2, dessin à l’encre de chine, achat 1979, tissage<br />
1981
Liste des œuvres<br />
14<br />
Pierre Buraglio, Dazibao, collage d’enveloppes sur papier, achat 1985, tissage<br />
1986-1988<br />
Roberto Matta, Composition, dessin, achat 1996, tissage 2004<br />
Pierre A<strong>le</strong>chinsky, Lavande, droit de reproduction, achat 1984, tissage 1996-<br />
1999<br />
Mario Prassinos, Suaire n°2, encre de chine de 1975, droit de reproduction<br />
1985, tissage 1987-1990<br />
Yukihisa Isobe, Fauna et Flora, technique mixte sur toi<strong>le</strong>, achat 2000, tissage<br />
2000-2003<br />
Yves Oppenheim, Sans titre, encres sur papier marouflé de 1996, achat 2000,<br />
tissage 2002-2010<br />
Monique Frydman, L’Ardente, pigment et liant acrylique sur toi<strong>le</strong> de 1996, achat<br />
1999, tissage 2008<br />
Gérard Schlosser, Ça sent bon, droit de reproduction 1975 d’après une hui<strong>le</strong> sur<br />
toi<strong>le</strong> du FNAC, tissage 1981-1987<br />
Eduardo Arroyo, Fin de sièc<strong>le</strong> de cinq à sept, gouache sur papier canson de<br />
1998, achat 1998, tissage 2003-2005<br />
Philippe Cognée, Sans titre, hui<strong>le</strong>, achat 1997, tissage 1998-2001<br />
Gudmundur Gudmundson dit Erro, Miró 1992, collage papier et acrylique, achat<br />
1998, tissage 2001 – 2003<br />
Philippe Favier, Les Mil<strong>le</strong> et une nuisent, hui<strong>le</strong> sur altuglas, achat 1991, tissage<br />
2006-2008<br />
Huang Yong Ping, Mil<strong>le</strong> Bras, aquarel<strong>le</strong> et collage photo, achat 1998, tissage<br />
1999-2002<br />
Antonio Ségui, El sol no sa<strong>le</strong> para todos, acrylique sur toi<strong>le</strong> marouflée de 2002,<br />
achat 2002, tissage 2003-2008<br />
Vincent Bioulès, Le Grand si<strong>le</strong>nce, pastel gras de 2005, achat 2005, tissage<br />
2006-2010
Artiste invité : Vincent Bioulès<br />
15<br />
Vincent Bioulès entre aux Beaux-Arts de Montpellier et en faculté de <strong>le</strong>ttres. En 1961, il s’instal<strong>le</strong> à Paris<br />
et fréquente l’Éco<strong>le</strong> nationa<strong>le</strong> supérieure des beaux-arts où il rencontre Michel Parmentier et Pierre Buraglio.<br />
En 1969, il fonde <strong>le</strong> groupe ABC Productions avec Tjeerd Alkema, Jean Azemard, Alain Clément et<br />
Patrice Vermeil<strong>le</strong>. L’objectif du groupe est de montrer l’incapacité des structures traditionnel<strong>le</strong>s de diffusion<br />
de l’art face à l’art contemporain.<br />
Vincent Bioulès est l’inventeur de la dénomination du groupe Supports/Surfaces, dont il est un des<br />
animateurs principaux. Il participe à la première exposition de ce groupe en 1970 à l’ARC à Paris. Il y expose<br />
un ensemb<strong>le</strong> de quatre tab<strong>le</strong>aux juxtaposés b<strong>le</strong>us et blancs, obtenus à l’aide d’un simp<strong>le</strong> ruban adhésif.<br />
Au milieu des années 1970, Bioulès abandonne l’abstraction et revient à la peinture figurative par <strong>le</strong><br />
biais du portrait et du paysage. En 1982, il devient professeur à l’éco<strong>le</strong> des Beaux-Arts de Nîmes, en 1988 à<br />
cel<strong>le</strong> de Montpellier, enfin, en 1991 à l’Éco<strong>le</strong> nationa<strong>le</strong> supérieure des beaux-arts de Paris.<br />
En 2006, <strong>le</strong> musée d’Art moderne de Céret lui consacre une exposition.<br />
En 2009, il expose une suite de 87 dessins des jardins de la Villa Médicis, réalisés à Rome en 2007 et<br />
2008, au musée Estrine de Saint-Rémy de Provence.
16<br />
Tapisseries : histoire et technique<br />
Les fastueuses tapisseries de la manufacture roya<strong>le</strong> des Gobelins au<br />
temps des Bourbons<br />
Lorsqu’en 1602, à l’instigation d’Henri IV qui souhaitait ainsi favoriser l’industrie française, Marc de<br />
Comans et François de La Planche, deux entrepreneurs flamands, s’installèrent au faubourg Saint-Marcel,<br />
sur <strong>le</strong>s bords de la Bièvre, pour y fonder une manufacture de tapisserie, ils n’imaginaient certainement pas<br />
l’incroyab<strong>le</strong> renommée qu’allait connaître cet établissement, encore moins qu’il existerait toujours quatre<br />
sièc<strong>le</strong>s plus tard. Depuis lors, que de chemin parcouru ! C’est de cette époque que date la mise sur métier<br />
de grands cyc<strong>le</strong>s à sujet antique, comme L’Histoire d’Artémise tissée à partir de 1607 pour la reine Marie de<br />
Médicis sur des modè<strong>le</strong>s qui avaient été préparés au sièc<strong>le</strong> précédent pour sa parente, Catherine, éga<strong>le</strong>ment<br />
reine de France (cat. 1).<br />
Le règne du successeur d’Henri IV, Louis XIII, fut marqué par l’apport de l’œuvre de Simon Vouet, auteur<br />
de nombreuses suites profanes ou religieuses destinées au roi. Parmi cel<strong>le</strong>s-ci figure une Histoire de l’Ancien<br />
Testament, souvent retissée pour <strong>le</strong>s particuliers, mais dont La Fil<strong>le</strong> de Jephté, présentée à l’exposition, est <strong>le</strong><br />
propre exemplaire du roi, tissé au Louvre cependant où se trouvait un autre atelier royal (cat. 2). L’accession<br />
au trône de Louis XIV détermina la fondation en 1662, sous l’impulsion de Jean-Baptiste Colbert, <strong>le</strong> principal<br />
ministre du roi, de la « seconde » manufacture des Gobelins, sur <strong>le</strong> même site que la première, dont la direction<br />
fut confiée à Char<strong>le</strong>s Le Brun, artiste prolifique, qui va élaborer avec une équipe de collaborateurs plusieurs<br />
suites qui sont à l’origine de l’incontestab<strong>le</strong> réputation de Paris en matière de tapisserie (fig. 1). Parmi cel<strong>le</strong>sci,<br />
Les Éléments et Les Saisons, séries d’essence poétique et intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong>, qui chantent <strong>le</strong>s heureuses années<br />
du début du règne de Louis XIV, sont à compter parmi <strong>le</strong>s réalisations <strong>le</strong>s plus abouties de la manufacture (cat.<br />
3). Leur contenu mythologique ne doit pas faire oublier qu’el<strong>le</strong>s constituaient, métaphoriquement parlant, un<br />
véritab<strong>le</strong> panégyrique du roi, comme l’a exposé à l’époque l’écrivain Félibien: « Pour faire voir que Sa Majesté<br />
[...] a aussi rendu <strong>le</strong>s saisons plus bel<strong>le</strong>s et plus fécondes, ou plutost a rempli nos jours de bonheur et comblé<br />
nos années de toutes sortes de biens, on a fait quatre tab<strong>le</strong>aux où sont représentées <strong>le</strong>s Quatre Saisons [...]<br />
pour faire quatre pièces de tapisserie, qui doivent accompagner cel<strong>le</strong>s des Quatre Élémens ».<br />
Le souff<strong>le</strong> épique exprimé par L’Histoire d’A<strong>le</strong>xandre <strong>le</strong> Grand (cat. 4), dont Le Brun exécuta lui-même<br />
<strong>le</strong>s modè<strong>le</strong>s et qui, sous couvert d’allégorie historique, vante <strong>le</strong>s vertus du roi, n’a jamais cessé d’impressionner<br />
ceux qui vinrent admirer ce grandiose péplum (fig. 2). L’Histoire du roi, véritab<strong>le</strong> « chronique illustrée<br />
» de la vie de Louis XIV, conçue avec l’aide de Adam Frans van der Meu<strong>le</strong>n, constitue un réaliste ensemb<strong>le</strong><br />
de propagande politique, dont <strong>le</strong>s scènes ont conservé, malgré <strong>le</strong>s sièc<strong>le</strong>s, une troublante proximité avec <strong>le</strong><br />
spectateur (cat. 5). Politique, peut-être aussi, fut la tenture des Maisons roya<strong>le</strong>s, où chaque résidence était<br />
censée rappe<strong>le</strong>r l’œuvre des prédécesseurs de Louis <strong>le</strong> Grand en matière de bâtiment, comme <strong>le</strong>s plaisirs de<br />
la Cour et <strong>le</strong>s col<strong>le</strong>ctions roya<strong>le</strong>s d’œuvres d’art nouvel<strong>le</strong>ment augmentées (cat. 6). La plupart de ces suites<br />
furent tissées en nombreux exemplaires, ce qui permit <strong>le</strong>ur diffusion en France, comme à l’étranger par <strong>le</strong><br />
biais des cadeaux diplomatiques. L’arrivée du marquis de Louvois en septembre 1683 à la tête des Bâtiments<br />
royaux devait cependant infléchir la destinée des Gobelins. Admiratif de la Haute Renaissance italienne du<br />
XVIe sièc<strong>le</strong>, Louvois porta son intérêt sur Raphaël et Ju<strong>le</strong>s Romain, faisant remettre sur métier l’ancienne<br />
tenture des Triomphes des dieux, que Noël Coypel rénova avec un grand raffinement (cat. 8). Bien que cette<br />
époque soit parfois associée à un tarissement de la création artistique, quelques grandes réussites, dues<br />
éga<strong>le</strong>ment à l’exceptionnel<strong>le</strong> technicité des lissiers et à la réforme des teintures, dont l’éclat atteignit alors
17<br />
son maximum, virent <strong>le</strong> jour. Ainsi, la série chatoyante de La Ga<strong>le</strong>rie de Saint-Cloud (cat. 7), ref<strong>le</strong>t de la voûte<br />
somptueuse que Pierre Mignard, <strong>le</strong> rival de Le Brun, avait peinte pour <strong>le</strong> frère du roi et l’étonnante tenture<br />
des Indes, dont <strong>le</strong> regard « anthropologique » posé sur <strong>le</strong>s anciens peup<strong>le</strong>s du Brésil ne peut laisser indifférent<br />
(cat. 9). À la fin du règne du Grand Roi, furent créées éga<strong>le</strong>ment de spectaculaires tentures à sujet biblique,<br />
illustrées par Jean Jouvenet et Antoine Coypel (Nouveau Testament, Ancien Testament), qui témoignent, au<br />
moment même où était édifiée la chapel<strong>le</strong> du château de Versail<strong>le</strong>s, de la prépondérance de la religion dans<br />
la vie du monarque (cat. 10-11).<br />
Au XVIIIe sièc<strong>le</strong>, la manufacture, servie par l’impeccab<strong>le</strong> virtuosité des lissiers, va poursuivre avec<br />
éclat <strong>le</strong> tissage de grandes suites à sujets d’histoire tandis qu’apparaissent des séries plus anecdotiques ou<br />
décoratives, propres à orner <strong>le</strong>s intérieurs royaux. À la première catégorie appartiennent la tenture de L’Iliade<br />
de Char<strong>le</strong>s Coypel, cel<strong>le</strong> de L’Histoire d’Esther de Jean-François de Troy, cel<strong>le</strong> de L’Ambassade turque, qui<br />
devait constituer <strong>le</strong>s premiers épisodes d’une Histoire de Louis XV laissée inachevée, cel<strong>le</strong> enfin de L’Histoire<br />
de Thésée d’après Car<strong>le</strong> Vanloo (cat. 12-15). Au second groupe, se rattache la fameuse tenture de L’Histoire<br />
de Don Quichotte d’après Char<strong>le</strong>s Coypel éga<strong>le</strong>ment, commandée par <strong>le</strong> duc d’Antin, fils légitime de Madame<br />
de Montespan, l’une des maîtresses de Louis XIV, qui accéda à la direction généra<strong>le</strong> des Bâtiments à compter<br />
de 1708. La cocasserie des tribulations du « chevalier à la triste figure » inventé par Cervantès suscita un<br />
mouvement d’enthousiasme qui perdura pendant tout <strong>le</strong> XVIIIe sièc<strong>le</strong>, entraînant d’innombrab<strong>le</strong>s retissages<br />
(cat. 16). C’est au marquis de Marigny, autre directeur général des Bâtiments à partir de 1751, qui n’était autre<br />
que <strong>le</strong> frère de la marquise de Pompadour, la plus célèbre maîtresse de Louis XV, que l’on doit la commande<br />
de la tenture des Amours des dieux d’après différents peintres, qu’il destinait à son propre salon et qui sera<br />
répétée plus tard pour la comtesse du Barry, dernier amour du roi (cat. 17).<br />
Cette inventivité renouvelée n’empêcha pas la duplication de prestigieuses tapisseries bruxelloises<br />
du XVIe sièc<strong>le</strong>, comme <strong>le</strong>s Mois Lucas, dont une version produite aux Gobelins figura dans <strong>le</strong>s châteaux du<br />
roi de Pologne, <strong>le</strong> propre beau-père de Louis XV (cat. 18). Dans <strong>le</strong>s dernières décennies du XVIIIe sièc<strong>le</strong>,<br />
<strong>le</strong>s choix artistiques de la manufacture, suivant un mouvement général des esprits, furent marqués par un<br />
intérêt soudain pour <strong>le</strong> passé national. Furent alors créées la tenture de L’Histoire d’Henri IV, souverain à la<br />
bonhomie légendaire, et cel<strong>le</strong> de L’Histoire de France, illustrant des événements emblématiques de l’époque<br />
médiéva<strong>le</strong> ou de la Renaissance, dont <strong>le</strong>s tissages se poursuivirent jusqu’au XIXe sièc<strong>le</strong>, après <strong>le</strong> retour des<br />
Bourbons sur <strong>le</strong> trône (cat. 19). À l’extrême fin du XVIIIe sièc<strong>le</strong>, la survie de la manufacture fut menacée un<br />
temps par <strong>le</strong>s autorités révolutionnaires, qui se limitèrent heureusement à écarter <strong>le</strong>s modè<strong>le</strong>s rappelant la<br />
royauté. La mythologie, plus neutre, put ainsi faire un retour remarqué, comme en témoigne la tapisserie de<br />
L’Enlèvement d’Orithye par Borée d’après François-André Vincent, l’un des plus brillants peintres de l’époque,<br />
qui ira garnir <strong>le</strong>s appartements du Premier Consul aux Tui<strong>le</strong>ries, nouveau siège du gouvernement (cat. 20).<br />
La technique de la tapisserie<br />
La technique de la tapisserie a peu évolué depuis <strong>le</strong> XVIIe sièc<strong>le</strong>. La tapisserie est formée par<br />
l’entrecroisement à la main de fils de chaîne et de fils de trame. Ces derniers, de différentes cou<strong>le</strong>urs<br />
conformes au modè<strong>le</strong>, viennent rec<strong>ouvrir</strong> entièrement <strong>le</strong>s fils de chaîne qui servent d’armature. La tapisserie<br />
peut être exécutée sur un métier de haute ou de basse lisse. La distinction entre <strong>le</strong>s deux techniques tient<br />
à la position de la chaîne, vertica<strong>le</strong> en haute lisse, horizonta<strong>le</strong> en basse lisse, mais dans <strong>le</strong>s deux cas <strong>le</strong> tissu<br />
obtenu est <strong>le</strong> même. Dans la technique de haute lisse, <strong>le</strong> métier est donc vertical. Deux montants en bois
18<br />
supportent <strong>le</strong>s ensoup<strong>le</strong>s, cylindres mobi<strong>le</strong>s de bois disposés parallè<strong>le</strong>ment. La chaîne, constituée de fils de<br />
laine blanche ou écrue, est tendue, parfaitement rangée, sur chaque ensoup<strong>le</strong>. La chaîne est séparée en deux<br />
nappes de fils pairs et impairs par un bâton de croisure. Les fils impairs (nappe arrière) sont enserrés par<br />
des lisses, aujourd’hui en coton. Le lissier écarte de la main gauche <strong>le</strong> nombre de fils nécessaires au motif et<br />
passe avec la main droite la broche, navette de bois chargée de fil de trame, entre <strong>le</strong>s deux nappes. Après<br />
cette première passée, <strong>le</strong> lissier fait avancer la nappe arrière par une traction de la main gauche sur <strong>le</strong>s lisses<br />
et obtient ainsi <strong>le</strong> croisement des fils. Le retour de la broche en sens inverse constitue une duite qui, une<br />
fois tassée au moyen d’un peigne, dissimu<strong>le</strong> tota<strong>le</strong>ment la chaîne. Le lissier, assis face au jour, travail<strong>le</strong> sur<br />
l’envers de la tapisserie. Il en surveil<strong>le</strong> l’endroit grâce à un miroir. Derrière <strong>le</strong> lissier se trouve <strong>le</strong> carton, dont il<br />
a pris un calque lui permettant de tracer préalab<strong>le</strong>ment sur la chaîne <strong>le</strong>s lignes principa<strong>le</strong>s de la composition.<br />
Aux XVIIe et XVIIIe sièc<strong>le</strong>s, aux Gobelins, la technique de haute lisse, plus coûteuse, était considérée comme<br />
supérieure à cel<strong>le</strong> de basse lisse (fig. 3). À cette époque, <strong>le</strong>s tapisseries sont toujours tissées de laine et soie,<br />
dans des proportions variab<strong>le</strong>s, et peuvent comprendre des fils d’or ou d’argent. La technique de basse lisse<br />
n’est qu’une variante de la précédente. En basse lisse, <strong>le</strong> métier est donc horizontal. La chaîne est éga<strong>le</strong>ment<br />
tendue entre deux ensoup<strong>le</strong>s. Contrairement à la haute lisse, tous <strong>le</strong>s fils de chaîne sont attachés à des<br />
lisses, el<strong>le</strong>s-mêmes reliées à des marches, sorte de péda<strong>le</strong>s, actionnées par <strong>le</strong> lissier permettant l’ouverture<br />
de la chaîne en deux nappes de fils pairs et impairs. La suite de la procédure de tissage est proche de cel<strong>le</strong><br />
employée en haute lisse. Jusqu’au XVIIIe sièc<strong>le</strong>, en basse lisse, <strong>le</strong> carton, coupé en bandes pour faciliter sa<br />
manipulation, était placé sous la chaîne. Ce placement particulier du carton pouvait entraîner une inversion<br />
du dessin de la tapisserie par rapport au carton, sauf si cet inconvénient était préalab<strong>le</strong>ment corrigé. Dans<br />
l’exposition, seu<strong>le</strong>s deux tapisseries ont été exécutées en basse lisse (cat. 9 et 19).<br />
Jean Vittet<br />
Inspecteur de la création artistique, chargé du fonds des tapisseries anciennes du Mobilier national<br />
Biographie :<br />
Jean Vittet, diplômé de l’Eco<strong>le</strong> du Louvre et de l’Université de Paris ; inspecteur des col<strong>le</strong>ctions<br />
du Mobilier national depuis 22 ans, chargé du fonds des tapisseries anciennes (avant 1960) du Mobilier<br />
national ; spécialiste de l’histoire des arts décoratifs, de l’ameub<strong>le</strong>ment des anciens palais royaux et des<br />
col<strong>le</strong>ctions roya<strong>le</strong>s françaises d’œuvres et d’objets d’art de la fin du Moyen Age au XIXe sièc<strong>le</strong>; auteur de plus<br />
de 70 ouvrages, artic<strong>le</strong>s et contributions à des catalogues d’exposition portant notamment sur l’histoire des<br />
col<strong>le</strong>ctions du Mobilier national, <strong>le</strong>s tapisseries des manufactures des Gobelins et de Beauvais, et <strong>le</strong>s tapis de<br />
la manufacture de la Savonnerie ; il a été commissaire de plusieurs expositions, dont l’une sur Les Tapis de<br />
la chapel<strong>le</strong> du château de Versail<strong>le</strong>s au XVIIIe sièc<strong>le</strong> et une autre sur La Tenture de l’Histoire d’A<strong>le</strong>xandre <strong>le</strong><br />
Grand de Char<strong>le</strong>s Le Brun; il a récemment publié (2010), en tant que principal auteur, un ouvrage illustré<br />
sur La Col<strong>le</strong>ction de tapisseries de Louis XIV ; il prépare une exposition sur l’histoire de La Manufacture des<br />
Gobelins au XVIIIe sièc<strong>le</strong>, prévue à Paris en 2014.
19<br />
Tapisseries : histoire et technique<br />
La Création s’exprime aux Manufactures nationa<strong>le</strong>s de 1960 à nos jours<br />
Les manufactures de tapisserie des Gobelins et de Beauvais sont des lieux de production actifs qui<br />
perpétuent, depuis <strong>le</strong>ur création au XVII e sièc<strong>le</strong> et sous l’impulsion du mécénat de l’État français, un savoir-<br />
faire quatre fois séculaire, mais toujours tourné vers la modernité.<br />
Toutes <strong>le</strong>s œuvres réalisées d’après des modè<strong>le</strong>s originaux d’artistes contemporains sont versées au<br />
Mobilier national, administration de tutel<strong>le</strong> depuis 1937, et inscrites à ses inventaires. Si cette production<br />
répond principa<strong>le</strong>ment à la mission d’embellir <strong>le</strong> décor des plus hautes institutions de l’État français, el<strong>le</strong> est<br />
éga<strong>le</strong>ment destinée à servir sa politique culturel<strong>le</strong> par des expositions aussi bien en France qu’à l’Étranger.<br />
La politique artistique<br />
La politique artistique poursuivie par <strong>le</strong> Mobilier national est fondée sur l’acquisition d’œuvres<br />
d’artistes contemporains. Depuis 1962, c’est une commission consultative présidée par <strong>le</strong> directeur de la<br />
création artistique qui examine chaque année <strong>le</strong>s propositions d’achats des modè<strong>le</strong>s à tisser en fonction des<br />
besoins de la production. Cette commission, mise en place par André Malraux, contribue à élaborer des choix<br />
d’acquisitions cohérents et dynamiques et permet à la production texti<strong>le</strong> de témoigner des préoccupations<br />
esthétiques de chaque époque et du rô<strong>le</strong> original tenu par <strong>le</strong>s Manufactures sur la scène artistique.<br />
Le Mobilier national, doté de traditions esthétiques et professionnel<strong>le</strong>s fortement ancrées, dispose<br />
d’une grande autonomie d’initiative et d’action pour établir <strong>le</strong>s conditions d’une relation ouverte et efficace<br />
avec <strong>le</strong>s artistes et <strong>le</strong>s inciter à collaborer avec <strong>le</strong>s ateliers de tissage. La réputation du savoir‑faire français,<br />
s’appuyant sur une longue tradition d’excel<strong>le</strong>nce, attire non seu<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s artistes de l’hexagone, mais aussi<br />
<strong>le</strong>s artistes européens et même internationaux. Les artistes plasticiens perçoivent dans l’art texti<strong>le</strong> un mode<br />
d’expression propre à exprimer <strong>le</strong>ur vision du monde. La dia<strong>le</strong>ctique concepteur/interprète est éga<strong>le</strong>ment un<br />
enjeu très stimulant pour la création. Jacques Lessaigne, conservateur du musée d’Art moderne, nous dit : « Il<br />
n’y a que de mauvaises tapisseries sans artistes, il n’y a pas de bel<strong>le</strong>s tapisseries sans un licier de ta<strong>le</strong>nt, de<br />
cette intime complicité naît la tapisserie ».<br />
Si el<strong>le</strong> ne peut être exhaustive, l’exposition reflète bien la richesse et la diversité de l’activité de<br />
la période Malraux à la première décennie du XXIe sièc<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> présente trente-cinq œuvres majeures des<br />
cinquante dernières années de la production des manufactures nationa<strong>le</strong>s.<br />
Le panorama débute de façon éclatante avec Matisse, Picasso, Le Corbusier, Miró. Ces artistes illustrent<br />
une des volontés de Malraux qui souhaitait amener dans <strong>le</strong>s manufactures <strong>le</strong>s plus grands créateurs<br />
contemporains du XXe sièc<strong>le</strong>. Un des autres axes de la politique d’acquisition est de solliciter <strong>le</strong>s artistes <strong>le</strong>s<br />
plus représentatifs des multip<strong>le</strong>s facettes de l’art abstrait : Sonia Delaunay, Magnelli, Mathieu, Poliakoff, Zao<br />
Wou Ki, Bloch. L’acquis formel et l’apport intel<strong>le</strong>ctuel de l’abstraction ont été décisifs dans <strong>le</strong> processus de<br />
revitalisation de l’art texti<strong>le</strong> et ont ouvert la voie aux courants et recherches plastiques <strong>le</strong>s plus variés.<br />
D’une part, la transposition de l’art abstrait en tapisserie a permis de comprendre que l’art du tissage<br />
n’était pas un art passéiste, démodé ou désuet mais bien un médium valab<strong>le</strong>, moderne et captivant. La<br />
technique du tissage a la particularité d’offrir des possibilités inépuisab<strong>le</strong>s d’écriture. C’est ainsi que l’on peut<br />
admirer dans l’exposition aussi bien de l’Art cinétique (Vasarely et Agam) ; du Pein Po (Dewasne) ; Supports/<br />
Surfaces (Buraglio) ; de l’Art conceptuel (Oppenheim) que des non figuratifs (Isobé, Frydman, Matta, G<strong>le</strong>b<br />
A<strong>le</strong>chinsky) et toutes <strong>le</strong>s tendances figuratives allant de la figuration libre, allusive, à l’hyperréalisme et en
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passant par la figuration narrative et savante (Messagier, Prassinos, Schlosser, Erró, Arroyo, Favier, Yong Ping,<br />
Ségui, Bioulès, Cognée).<br />
D’autre part, on s’est rendu compte que la conception de modè<strong>le</strong>s n’était pas un domaine réservé<br />
aux seuls peintres mais qu’il pouvait aussi s’<strong>ouvrir</strong> à des personnalités de formations et de disciplines<br />
diverses : graveurs, architectes, plasticiens, photographes, designers…). Les sculpteurs eux-mêmes, dont la<br />
préoccupation majeure est de travail<strong>le</strong>r en trois dimensions, se sont penchés sur ce riche mode d’expression<br />
si particulier (Gilioli, Calder, Pénalba, Hajdu, Chillida).<br />
Transposition d’un modè<strong>le</strong> en tapisserie<br />
L’œuvre texti<strong>le</strong> est une œuvre col<strong>le</strong>ctive ; qui dit col<strong>le</strong>ctive, dit coopération, concertation, échange.<br />
Lorsque l’État acquiert un modè<strong>le</strong>, il signe un contrat avec l’artiste qui s’engage à participer à plusieurs séances<br />
de travail afin de mettre au point <strong>le</strong>s éléments de la transposition. L’artiste plasticien a composé une partition<br />
que <strong>le</strong> licier va devoir interpréter. Pendant la préparation du tissage, l’artiste et son interprète vont se mettre<br />
d’accord afin que <strong>le</strong> licier puisse enrichir <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> de son savoir-faire tout en exprimant l’image que l’artiste<br />
a prévue. La compréhension du modè<strong>le</strong> passe non seu<strong>le</strong>ment par son apparence, mais aussi par <strong>le</strong>s intentions<br />
à restituer. L’important est de s’attacher à l’esprit du modè<strong>le</strong>, à ce que l’artiste a voulu dire, à sa vision et<br />
d’inventer une correspondance, une réécriture, sans trahir la pensée qui l’a guidée pendant sa création.<br />
Le modè<strong>le</strong> original, rarement aux dimensions de l’exécution, doit répondre à un impératif essentiel,<br />
celui de l’agrandissement. Trouver <strong>le</strong> bon rapport d’agrandissement pour conserver l’expression, la force,<br />
l’équilibre de la composition est un exercice essentiel et délicat. Ce choix se fait en concertation après analyse<br />
du projet.<br />
L’interprétation d’un modè<strong>le</strong> n’est jamais déterminée à l’avance. Le licier propose une traduction<br />
spécifique en fonction de ce qui lui est confié. Le dialogue qui s’instaure entre <strong>le</strong>s différents partenaires<br />
permet de trouver <strong>le</strong> meil<strong>le</strong>ur choix possib<strong>le</strong> tout en tenant compte des impératifs techniques. Le licier<br />
détermine un rapport d’équilibre entre la grosseur des fils de la chaîne, <strong>le</strong>ur nombre par centimètre et la<br />
qualité de la laine de trame, la quantité de brins à mélanger sur chaque broche. L’établissement de ce rapport<br />
chaîne-trame est déterminant pour la suite du travail.<br />
Le licier va éga<strong>le</strong>ment décider du sens du tissage en s’appuyant sur l’analyse des formes de la<br />
composition du modè<strong>le</strong> et sur la technique choisie. Une tapisserie n’est pas toujours tissée dans <strong>le</strong> sens de<br />
la <strong>le</strong>cture fina<strong>le</strong>. Ensuite, <strong>le</strong> licier va sé<strong>le</strong>ctionner des gammes colorées. Le travail sur la cou<strong>le</strong>ur proprement<br />
dit se fait sur <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> original et non sur l’agrandissement où l’on constate une perte de chromatisme. Il<br />
faut tenir compte éga<strong>le</strong>ment du matériau lui-même en faisant l’échantillonnage. En effet, la laine commence<br />
par absorber <strong>le</strong>s cou<strong>le</strong>urs avant de <strong>le</strong>s restituer. El<strong>le</strong> diffuse éga<strong>le</strong>ment la lumière tout autrement. Sur <strong>le</strong> mur,<br />
une laine de même cou<strong>le</strong>ur ou de même va<strong>le</strong>ur est vue sur toute sa longueur de fils. De par son placement<br />
vertical, la tapisserie reçoit une lumière de face.<br />
Le licier, tout en ayant la charge de l’échantillonnage, travail<strong>le</strong> en étroite collaboration avec <strong>le</strong> teinturier.<br />
Toutes <strong>le</strong>s laines et <strong>le</strong>s soies utilisées sont teintes sur place par l’atelier de teinture des Gobelins, qui existe au<br />
même emplacement depuis 1665. Aujourd’hui on teint sur la base de la trichromie (b<strong>le</strong>u/jaune/rouge) avec<br />
des colorants de synthèse. Plus de 28 000 cou<strong>le</strong>urs sont référencées dans <strong>le</strong> nuancier et l’atelier de teinture<br />
continue à en créer de nouvel<strong>le</strong>s en fonction du modè<strong>le</strong> à interpréter.
21<br />
Le licier dispose d’un certain nombre de techniques lui permettant de choisir et de proposer une<br />
transposition du modè<strong>le</strong>. Il peut <strong>le</strong>s composer à l’infini, tout comme <strong>le</strong> musicien avec sa gamme de sept<br />
notes. Le choix s’opère en fonction du rendu qu’il souhaite donner aux laines teintes (aplat, chiné, demi duite,<br />
hachure, battage…).<br />
Tout <strong>le</strong> travail de préparation, élaboré en concertation, se termine par la présentation à l’artiste de<br />
l’échantillonnage comp<strong>le</strong>t et définitif des cou<strong>le</strong>urs et d’un essai tissé des différentes techniques d’interprétation<br />
retenues. Cette étape de validation permet de lancer <strong>le</strong> tissage.<br />
Conclusion<br />
Les trente-cinq œuvres de l’exposition nous montrent que l’art de la tapisserie n’a cessé de se réinventer<br />
tout en restant fidè<strong>le</strong> à lui-même. L’œuvre tissée n’est pas une copie, mais une création à part entière<br />
où s’actualise et se déploie <strong>le</strong> potentiel contenu dans chaque modè<strong>le</strong>. Une nouvel<strong>le</strong> matière, de nouvel<strong>le</strong>s<br />
dimensions, <strong>le</strong> travail des teinturiers et <strong>le</strong> ta<strong>le</strong>nt des liciers concourent à lui conférer une véritab<strong>le</strong> originalité<br />
et une expressivité particulière.<br />
Les artistes par <strong>le</strong>ur créativité, ref<strong>le</strong>t de <strong>le</strong>ur regard sur <strong>le</strong> monde, et <strong>le</strong>s liciers par <strong>le</strong>ur savoir-faire et<br />
<strong>le</strong>ur interprétation inventive, contribuent ensemb<strong>le</strong> à tisser <strong>le</strong> fil qui donne vie et sens à une longue tradition<br />
toujours en mouvement.<br />
Le peintre Jean-Michel Meurice a dit : « Une même source, une même origine mais une évolution qui<br />
conduit ail<strong>le</strong>urs et transforme l’intention en autre chose qui n’est pas une peinture. »<br />
Techniques de haute et basse lice<br />
Ce qui caractérise un tissage de lice est la disparition complète de la chaîne. En effet cel<strong>le</strong>-ci est<br />
entièrement recouverte par la trame. La chaîne devient en quelque sorte un support.<br />
La Manufacture des Gobelins se situe à Paris, dans l’enclos historique créé par Louis XIV. El<strong>le</strong> compte12<br />
métiers sur <strong>le</strong>squels travail<strong>le</strong>nt 22 liciers actuel<strong>le</strong>ment. El<strong>le</strong> utilise exclusivement la technique de haute lice<br />
depuis 1826. La haute lice se caractérise par l’utilisation d’un métier vertical. Les fils de chaîne sont tendus<br />
vertica<strong>le</strong>ment entre des cylindres mobi<strong>le</strong>s en bois. Le cylindre du haut sert à enrou<strong>le</strong>r la réserve de chaîne<br />
nécessaire au tissage tandis que celui du bas sert à enrou<strong>le</strong>r <strong>le</strong> tissage au fur et à mesure de l’avancement. La<br />
chaîne est en laine et un fils sur deux est embarré d’une lice, petite corde<strong>le</strong>tte de coton formant un anneau.<br />
C’est en actionnant <strong>le</strong>s lices d’une main, d’où <strong>le</strong> nom de licier, que l’on obtient <strong>le</strong> croisement des fils nécessaire<br />
à l’exécution du tissage. La trame est réalisée à l’aide d’une broche en bois chargée de laine, de soie, de lin...<br />
que l’on passe entre <strong>le</strong>s fils de chaîne. Le licier est assis derrière <strong>le</strong> métier, <strong>le</strong>s lices sont placées au-dessus<br />
de sa tête, d’où <strong>le</strong> nom du métier de haute lice. Le licier tisse à contre-jour sur l’envers de la tapisserie en<br />
contrôlant l’endroit au moyen d’un miroir placé devant <strong>le</strong> métier. Le modè<strong>le</strong> à grandeur d’exécution est placé<br />
dans son dos. Les tapisseries portent toutes <strong>le</strong> monogramme de la Manufacture un « G » avec en travers <strong>le</strong><br />
dessin de la broche qui sert à tisser.<br />
La Manufacture de Beauvais compte deux ateliers, un à Paris depuis 1940 et un à Beauvais. El<strong>le</strong><br />
regroupe 17 métiers sur <strong>le</strong>squels travail<strong>le</strong>nt 24 liciers actuel<strong>le</strong>ment. El<strong>le</strong> utilise exclusivement la technique<br />
de basse lice depuis <strong>le</strong> premier tiers du XVIIIe sièc<strong>le</strong>. La basse lice se caractérise par l’utilisation d’un métier<br />
horizontal. Les fils de chaîne sont tendus horizonta<strong>le</strong>ment entre des cylindres mobi<strong>le</strong>s. Le cylindre arrière sert
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à enrou<strong>le</strong>r la réserve de chaîne nécessaire au tissage tandis que celui de l’avant sert à enrou<strong>le</strong>r <strong>le</strong> tissage<br />
au fur et à mesure de l’avancement. La chaîne est en coton et tous <strong>le</strong>s fils sont embarrés de lices paires et<br />
impaires reliées à des péda<strong>le</strong>s en bois. C’est en actionnant <strong>le</strong>s péda<strong>le</strong>s que l’on obtient <strong>le</strong> croisement des fils<br />
nécessaire à l’exécution du tissage. La trame est réalisée à l’aide d’une flûte en bois chargée de laine, de soie,<br />
de coton, de lin ... que l’on passe entre <strong>le</strong>s fils de chaîne. Le licier est assis devant <strong>le</strong> métier, <strong>le</strong>s lices sont<br />
placées sous lui, d’où <strong>le</strong> nom de basse lice. Le licier tisse à l’envers en suivant <strong>le</strong> dessin du modè<strong>le</strong> à grandeur<br />
d’exécution transcrit sur un papier blanc cousu sous la chaîne du métier. Il contrô<strong>le</strong> l’endroit de son tissage au<br />
moyen d’un petit miroir qu’il glisse entre <strong>le</strong>s fils de chaîne. Les tapisseries portent toutes <strong>le</strong> monogramme de<br />
la Manufacture « MBN » ce qui signifie Manufacture-Beauvais-Nationa<strong>le</strong>.<br />
Marie-Hélène Massé-Bersani<br />
Directrice du département de la production et responsab<strong>le</strong> du fonds texti<strong>le</strong> contemporain<br />
Biographie<br />
Marie-Hélène Massé – Bersani, diplômée de l’Eco<strong>le</strong> du Louvre et de l’Université de Paris IV-Sorbonne ;<br />
directrice du département de la production des Gobelins, de Beauvais, de la Savonnerie, des ateliers de<br />
Dentel<strong>le</strong> du Puy et d’A<strong>le</strong>nçon; responsab<strong>le</strong> scientifique des modè<strong>le</strong>s et du fonds texti<strong>le</strong> contemporain ; auteur<br />
de nombreuses contributions scientifiques depuis 1994 (artic<strong>le</strong>s et notices de catalogues d’exposition sur <strong>le</strong>s<br />
productions des manufactures) dans presque 20 catalogues de spécialité et plusieurs autres publications ;<br />
commissaire de plusieurs expositions, parmi <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s : Versail<strong>le</strong>s raconte <strong>le</strong> Mobilier national, Versail<strong>le</strong>s,<br />
2011 ; Figures de femmes, Ga<strong>le</strong>rie nationa<strong>le</strong> de la tapisserie de Beauvais, 2010 ; Tapisseries françaises,<br />
Patrimoine et création, d’Eckhout à nos jours, Brésil, 2009, Musée des Arts et Métiers de Belo Horizonte et<br />
Musée Historique national de Rio de Janeiro ; Elégance et modernité, 1908-1958, Un renouveau à la française<br />
Ga<strong>le</strong>rie des Gobelins Paris, 2009.
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Remerciements<br />
Sous <strong>le</strong> haut patronage de<br />
M. Frédéric Mitterrand<br />
Ministre français de la Culture et de la Communication<br />
M. Hunor Ke<strong>le</strong>men<br />
Ministre roumain de la Culture et du Patrimoine National<br />
S. E. M. Henri Paul<br />
Ambassadeur de France en Roumanie<br />
Comité d’organisation<br />
Bernard Schotter<br />
Administrateur général du Mobilier national et des Manufactures nationa<strong>le</strong>s des Gobelins, de Beauvais et de<br />
la Savonnerie, Paris<br />
Arnauld Brejon de Lavergnée- Directeur des col<strong>le</strong>ctions du Mobilier national<br />
Roxana Theodorescu- Directeur général du Musée national d’art de Roumanie<br />
Octav Boicescu- Chef du département d’art européen et des arts décoratifs du Musée national d’art de Roumanie<br />
Mihai Oroveanu- Directeur général du Musée national d’art contemporain, Bucarest<br />
Carmen Iovitu- Muséographe spécialiste du Musée national d’art contemporain, Bucarest<br />
Stanislas Pierret - Directeur de l’Institut français de Bucarest, conseil<strong>le</strong>r culturel de l’ambassade de France en<br />
Roumanie<br />
Didier Dutour- Directeur adjoint de l’Institut français de Bucarest, attaché culturel de l’ambassade de France<br />
en Roumanie<br />
Alina Nechifor, Clara Trăistaru- Chargées de mission, Institut français de Bucarest<br />
Commissariat de l’exposition<br />
Jean Vittet<br />
Inspecteur de la création et des enseignements artistiques, chargé des tapisseries anciennes du Mobilier<br />
national, Auteur du catalogue<br />
Marie-Hélène Massé-Bersani<br />
Directrice du département de la production et responsab<strong>le</strong> du fonds texti<strong>le</strong> contemporain, Mobilier national,<br />
Paris, Auteur du catalogue<br />
Les organisateurs de l’exposition expriment <strong>le</strong>ur gratitude aux personnes suivantes qui ont contribué<br />
au succès de l’exposition:<br />
Musée national d’art de Roumanie, Bucarest<br />
Scénographie : Liviu Constantinescu, architecte, directeur adjoint avec <strong>le</strong> concours des équipes techniques<br />
Atelier de restauration texti<strong>le</strong> : Luiza Gherghinescu et l’atelier<br />
Imprimerie<br />
Masterprint, Bucarest
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Gras Savoye Roumanie<br />
Laurent Charlier<br />
Carmina Sandra Lebrun<br />
Mobilier national, Paris<br />
Régie des col<strong>le</strong>ctions : Françoise Cabioc’h et son equipe<br />
Service des travaux : Sylvie Desrondaux<br />
Atelier de restauration des tapisseries : Sylvine Noisette, Laurence Montlouis et l’atelier<br />
Service des magasins et des transports : Stéphane Macrez, Jean-Philippe Julien, Jean-Louis Montbabut,<br />
Coulaségarane Ragava, Martine Allain<br />
Service de la documentation : Martine Artu, Isabel<strong>le</strong> Bideau, Marina Le Baron‑Sarasa<br />
Service de la communication : Véronique Leprette, Céline Méfret<br />
Manufacture des Gobelins : Béatrice Grisol et l’atelier<br />
Manufacture de Beauvais : Odil<strong>le</strong> Gellé, Pierre Bureau et l’atelier<br />
Atelier de teinture : Francis Trivier et l’atelier<br />
Le nuancier : Sylvie Heurtaux<br />
Est éga<strong>le</strong>ment remerciée Isabel<strong>le</strong> Drieu La Rochel<strong>le</strong>, restauratrice d’œuvres sur papier