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Journal de route - Zellidja

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Dimanche 2 juillet 2006<br />

Ca y est ! Mon voyage <strong>Zellidja</strong> commence. Je suis dans le TGV Nantes-Paris, plus<br />

près <strong>de</strong> Paris que <strong>de</strong> Nantes. J’ai encore du mal à réaliser, <strong>de</strong>main soir je serai au Cap<br />

Vert.<br />

Tout à l’heure, je voulais aller toute seule à la gare, claquer la porte en lançant un<br />

rapi<strong>de</strong> « au revoir » avant <strong>de</strong> dévaler les escaliers pour ne pas rater le bus, comme je<br />

fais chaque matin. Mais mes parents tenaient absolument à me conduire à la gare.<br />

Comme il y a peu <strong>de</strong> bus le dimanche, j’ai accepté.<br />

Rapi<strong>de</strong> pensée en entrant dans la gare, à mes traversées du lundi pour me rendre du<br />

lycée au conservatoire. Petit plaisir hebdomadaire, <strong>de</strong> passer au milieu <strong>de</strong>s<br />

voyageurs pressés, et <strong>de</strong> choisir une <strong>de</strong>stination sur le panneau <strong>de</strong>s départs où je<br />

n’irai jamais sauf dans mes pensées avant mon cours <strong>de</strong> musique. Aujourd’hui je<br />

pars pour <strong>de</strong> vrai.<br />

Lundi 3 juillet, aéroport d’Orly<br />

Ce matin, j’avais le choix entre aller voir les oraux <strong>de</strong>s concours que je passerai<br />

l’année prochaine ou passer au bureau <strong>de</strong> <strong>Zellidja</strong>. J’ai choisi la <strong>de</strong>uxième solution,<br />

c’était très agréable <strong>de</strong> rester au calme et au frais à regar<strong>de</strong>r les anciens rapports. Je<br />

n’ai rien trouvé sur le Cap Vert, cela m’a surpris, en même temps je n’ai pas très bien<br />

fouillé les très anciens rapports.<br />

Métro, 2 RER puis Orly val. J’arrive à Orly vers 14h. Dans 24 heures, décalage horaire<br />

compris, je serai tout juste en train d’arriver à Praia !<br />

20h25 Aéroport <strong>de</strong> Lisbonne<br />

C’est tout vi<strong>de</strong> et tout calme comparé à Orly tout à l’heure.<br />

Atrasado 22h40<br />

C’est ce qu’il y a d’écrit à côté <strong>de</strong> l’annonce <strong>de</strong> mon vol pour Sal. 45 minutes <strong>de</strong><br />

retard. Cela me fera moins d’attente à Sal ! L’avion <strong>de</strong> la porte d’à côté a dix heures<br />

<strong>de</strong> retard. J’ai trouvé une occupation qui ferait très plaisir à mon prof d’anglais :<br />

regar<strong>de</strong>r CNN ! Il y a <strong>de</strong>s super sièges avec une partie pour les pieds comme une<br />

chaise longue. On peut aussi regar<strong>de</strong>r les avions manœuvrer, vue panoramique !<br />

Mardi 4 juillet, 17h02, aéroport <strong>de</strong> Sal<br />

Quelle journée ! Je <strong>de</strong>vrais être à Praia <strong>de</strong>puis longtemps qi tout s’était déroulé<br />

normalement. Je suis toujours dans une salle d’attente d’aéroport.<br />

Atterrissage à l’aéroport international Amilcar Cabral vers une heure du matin, avec<br />

du retard. Contrôle <strong>de</strong>s passeports : il y a <strong>de</strong>ux files, les capverdiens et les autres, à<br />

peu près moitié-moitié. Dans ma file, je repère pas mal <strong>de</strong> nationalités différentes :<br />

1


français, espagnols, norvégiens, irlandais, belges… Certains transportent <strong>de</strong>s<br />

planches et <strong>de</strong>s voiles <strong>de</strong> kite surf. Sal est un spot mondialement connu. Je suis<br />

contente <strong>de</strong> poser le pied au Cap Vert. J’ai envie <strong>de</strong> sourire à tout le mon<strong>de</strong> malgré<br />

mon envie <strong>de</strong> dormir.<br />

Je jette un coup d’œil au panneau <strong>de</strong>s correspondances. Mon vol pour Praia n’y est<br />

pas. Il y a bien un vol à peu près à la même heure, mais ce n’est pas la même<br />

compagnie ni le même numéro. Je trouve un guichet <strong>de</strong> la TACV (la compagnie du<br />

Cap Vert) encore ouvert. Là, une dame pas trop aimable m’explique dans un anglais<br />

que j’ai du mal à comprendre que mon prochain vol n’est pas à 9h50 mais à 19h50…<br />

Dix heures supplémentaires à attendre. Il faut que je prévienne Cristina, étudiante <strong>de</strong><br />

Praia rencontrée avec Hospitality Club. Elle <strong>de</strong>vait venir me chercher à l’aéroport…<br />

A peine arrivée et les ennuis commencent. Tous mes plans s’effondrent. La seule<br />

chose que je trouve à faire est <strong>de</strong> pleurer comme une ma<strong>de</strong>leine ! La situation<br />

pourrait être comique si au moins j’arrivais à arrêter ces larmes ridicules. Et mes<br />

bagages, est-ce qu’ils vont suivre ? Je retourne vers le tapis roulant voir s’il n’y a pas<br />

mon sac à dos qui traîne. Quand il s’arrête, il faut bien que je me ren<strong>de</strong> à l’évi<strong>de</strong>nce,<br />

j’ai plus qu’à trouver un coin pour attendre. J’ai une petite bouteille d’eau et un<br />

paquet <strong>de</strong> biscuits pour tenir 17 heures… Et je continue toujours à pleurer comme<br />

une ma<strong>de</strong>leine. Les sièges pour attendre ont <strong>de</strong>s accoudoirs. On sent bien qu’ils sont<br />

là juste pour empêcher aux gens <strong>de</strong> s’allonger pour dormir. Je ne sais pas quoi faire et<br />

la fatigue ne m’ai<strong>de</strong> pas. Heureusement (vraiment heureusement !) un français que<br />

j’avais croisé dans les <strong>de</strong>ux avions <strong>de</strong>puis Paris s’inquiète <strong>de</strong> me voir dans cet état.<br />

Manu est nantais (c’est dingue !) et il va rejoindre pour un mois <strong>de</strong>s amis qui font le<br />

tour du mon<strong>de</strong> en voilier. Il préfère attendre que le jour soit levé pour aller retrouver<br />

le bateau. Parler me fait du bien, et j’ai trouvé une personne sympa pour passer la<br />

nuit. On cherche un endroit pour dormir. Dans l’aéroport, c’est impossible, il y a<br />

juste ce long hall et ses sièges avec accoudoir (j’ai vu ensuite en prenant l’avion pour<br />

Praia que dans les autres salles d’attente les mêmes sièges n’avaient plus<br />

d’accoudoirs). On déci<strong>de</strong> d’aller voir <strong>de</strong>hors. Il y a une belle pelouse et trois bancs en<br />

plein milieu à côté d’une statue, sinon tout autour c’est le désert. Impressionnant. Pas<br />

un arbre, pas un buisson. On finit par se poser entre <strong>de</strong>ux bâtiments. Mais impossible<br />

<strong>de</strong> dormir. Il y a un vent assez tiè<strong>de</strong> pour nous faire frissonner. On finit par retourner<br />

dans l’aéroport où il fait aussi froid (je ne pensais pas que je pourrais avoir froid au<br />

Cap Vert !).<br />

Là, il y a Paulo, un chauffeur <strong>de</strong> taxi qui a une bonne tête et un grand sourire, qui<br />

porte un maillot <strong>de</strong> foot du Portugal et <strong>de</strong>s tongs, un peu style « surfer ». Oui,<br />

<strong>de</strong>main c’est la <strong>de</strong>mi-finale France-Portugal <strong>de</strong> la coupe du mon<strong>de</strong>. Ca le fait rire. Il<br />

nous propose d’aller dormir chez lui. Il doit être trois ou quatre heures du matin. On<br />

accepte, ça ne peut pas être pire que <strong>de</strong> rester là. On prend son taxi direction<br />

Espargos, la « capitale » <strong>de</strong> l’île à cinq minutes <strong>de</strong> l’aéroport. Il laisse son taxi chez<br />

son ami qui le prend le matin : ils travaillent à <strong>de</strong>ux, l’un le matin, l’autre le soir. On<br />

prend un autre taxi pour aller jusqu’à chez lui. Il a un petit appart. Dedans, c’est une<br />

ambiance « kite-surfer qui vit tout seul sans se préoccuper du rangement » ! Il nous<br />

2


laisse les <strong>de</strong>ux lits <strong>de</strong> la chambre et dort sur le canapé déplié. Ca fait bizarre <strong>de</strong> me<br />

retrouver là avec <strong>de</strong>s gens que je connais à peine ! Je me sens pourtant totalement en<br />

confiance.<br />

On se réveille pas trop tard, vers 8h30, Paulo met super fort un DVD <strong>de</strong> kite surf en<br />

français. Rapi<strong>de</strong> petit déjeuner <strong>de</strong> lait à la fraise avec un bon goût <strong>de</strong> chimique et <strong>de</strong><br />

biscuits français qu’on lui a donné. Il est temps <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r ce que je vais faire en<br />

attendant l’avion. Manu me propose d’aller avec lui retrouver ses amis et <strong>de</strong> passer la<br />

journée sur le bateau. J’accepte car je n’ai pas envie d’attendre à l’aéroport et le port<br />

où est le bateau n’est pas loin <strong>de</strong> l’aéroport. On prend le taxi pour Palmeira. Paulo<br />

nous accompagne. Je peux passer un coup <strong>de</strong> fil à Cristina. Elle comprend très bien<br />

mon problème et peut venir me chercher à 20h40 à l’aéroport <strong>de</strong> Praia. Ouf ! Me voilà<br />

rassurée. On va ensuite sur le port animé par la vente <strong>de</strong>s poissons. Le bateau <strong>de</strong>s<br />

amis <strong>de</strong> Manu n’est pas là, il n’est pas encore arrivé <strong>de</strong> Dakar. Manu va rester là à<br />

l’attendre. Moi je vais aussi attendre ici. Paulo repart.<br />

Assane est sénégalais et tient une boutique. Comme il parle français, il nous invite à<br />

s’asseoir sous son arbre. On discute. Il fait bon à l’ombre. On peut observer<br />

l’animation du port. Quand il apprend que je fais un travail sur l’eau, Assane<br />

m’emmène voir l’usine <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssalinisation d’eau <strong>de</strong> mer.<br />

Le paysage autour est tout sec. Ambiance lunaire : <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s étendues plutôt planes<br />

sans une seule tache <strong>de</strong> vert et par endroits, une ou <strong>de</strong>ux montagnes toutes pointues.<br />

Manu m’invite dans un petit restaurant (en échange, je paye le taxi). On mange du<br />

poulpe avec du riz et <strong>de</strong>s frites. Dans un coin, la télé diffuse <strong>de</strong>s séries à l’eau <strong>de</strong> rose.<br />

Je repars ensuite à l’aéroport après avoir noté l’adresse mail <strong>de</strong> Manu et l’avoir bien<br />

remercié. Je suis en avance, mais au moins je pourrai me faire confirmer mon heure<br />

<strong>de</strong> départ.<br />

Ils me font prendre l’avion d’avant ! Un gros boeing au lieu d’un petit coucou. J’ai<br />

l’impression que c’est le premier arrivé qui a la place. Je suis surprise d’entendre tout<br />

le mon<strong>de</strong> parler français autour <strong>de</strong> moi, <strong>de</strong>s tas d’enfants d’origine capverdienne qui<br />

viennent en vacances. Il <strong>de</strong>vait y avoir une correspondance en provenance <strong>de</strong> Paris.<br />

En attendant, je suis persuadée que mes bagages ne vont pas suivre. Bingo ! Arrive à<br />

Praia, je m’asseois laissant tous les gens s’agglutiner <strong>de</strong>vant le tapis roulant. Je le<br />

scrute pour y apercevoir mon sac à dos, mais rien. Cela dure très longtemps. Je<br />

retrouve un capverdien et sa famille (sa femme et <strong>de</strong>ux petites filles) qui étaient dans<br />

le même avion que moi <strong>de</strong>puis Lisbonne. Ils atten<strong>de</strong>nt silencieusement comme à Sal.<br />

Ils n’ont pas leurs valises non plus. Nous voilà dans le bureau <strong>de</strong> suivi <strong>de</strong>s bagages<br />

avec une autre capverdienne complètement hystérique. Nos bagages arriveront à<br />

20h40 dans l’autre avion. Je m’en doutais. Encore attendre ! Finalement, cela passe<br />

vite. Je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> comment je vais reconnaître Cristina. Je récupère mon sac à dos<br />

et me dirige vers la sortie. Là, une belle jeune fille en robe <strong>de</strong> soirée arrive avec un<br />

grand sourire : c’est Cristina. Elle arrive d’une réception à l’ambassa<strong>de</strong> américaine :<br />

waouh ! Elle est avec une amie qui parle français. On retrouve ses parents qui parlent<br />

français couramment (chouette, ça va bien m’ai<strong>de</strong>r), <strong>de</strong>vant un gros 4X4.<br />

3


On arrive chez elle. Tout est noir à part les lampadaires. Elle m’explique que l’usine<br />

d’électricité n’a pas assez <strong>de</strong> générateurs et qu’ils doivent couper chaque jour<br />

l’électricité dans un quartier. Je visite son appartement « by night ! » dans le noir.<br />

Seul le salon a le privilège d’être éclairé par un lampadaire <strong>de</strong> la rue. On reste un<br />

petit moment à discuter à la lueur d’une bougie. Drôle d’ambiance, avec le bruit <strong>de</strong>s<br />

vagues car la mer est juste en-<strong>de</strong>ssous. Le père ce Cristina est ingénieur hydrolicien.<br />

Encore waouh ! Je vais pouvoir lui poser plein <strong>de</strong> questions. Il commence à me dire<br />

plein <strong>de</strong> choses intéressantes sur son boulot, la maman <strong>de</strong> Cristina qui est biologiste<br />

aussi. J’ai du mal à ingurgiter toutes ces infos avec la fatigue. Ils me proposent <strong>de</strong><br />

manger mais je n’ai vraiment pas faim même si je n’ai grignoté que trois biscuits<br />

<strong>de</strong>puis ce midi. Je vais finalement me coucher, Cristina et son amie qui dort ici ce soir<br />

restent encore un peu éveillées.<br />

Demain c’est la fête nationale, jour <strong>de</strong> l’indépendance. On peut donc dormir plus<br />

longtemps.<br />

Mercredi 5 juillet 2006<br />

Fête <strong>de</strong> l’indépendance<br />

Jour <strong>de</strong> vacances<br />

Après un petit déjeuner tardif, direction la plage, en pleine heure <strong>de</strong> midi ! Je m’étale<br />

une bonne couche <strong>de</strong> crème sur ma peau encore toute claire. La plage est bondée <strong>de</strong><br />

jeunes et d’enfants. Tout le mon<strong>de</strong> a l’air <strong>de</strong> se connaître. Cristina s’arrête tous les<br />

cinq mètres pour dire bonjour à quelqu’un. Ambiance très chaleureuse. Tous les<br />

jeunes parlent plus ou moins le français. Ils me disent que c’est une langue<br />

obligatoire à l’école, mais cela change en faveur <strong>de</strong> l’anglais.<br />

Je suis aussi étonnée <strong>de</strong>s contacts physiques entre les jeunes. La première fois que<br />

Cristina a dit bonjour à un garçon, j’ai cru que c’était son petit ami ! Les gars serrent<br />

les filles dans leurs bras, leur tiennent la main, leur caressent les bras ou les cheveux.<br />

Ce n’est pas du tout <strong>de</strong> la drague, les filles aussi sont très proches entre elles. C’est<br />

juste la manifestation d’une amitié, on sent qu’ils s’enten<strong>de</strong>nt très bien. On se croirait<br />

plutôt dans un village que dans une capitale tellement tout le mon<strong>de</strong> se connaît. Je<br />

m’en tire avec <strong>de</strong>ux coups <strong>de</strong> soleil… aux pieds !<br />

Déjeuner chez Cristina. Il y a sa grand-mère qui fait rire tout le mon<strong>de</strong> en disant<br />

qu’elle n’aime pas le français mais qu’elle apprend l’anglais. Elle se met à réciter très<br />

sérieusement le nom <strong>de</strong>s choses qui l’entourent. Elle m’impressionne car elle sait plus<br />

<strong>de</strong> mots que moi. Elle rigole <strong>de</strong> me voir sourire parce que je ne comprends rien à ce<br />

qu’elle dit en créole. Elle caresse mes cheveux comme si j’étais l’une <strong>de</strong> ses petites<br />

filles.<br />

18h00 Match France- Portugal<br />

Ecran géant dans un bar plein <strong>de</strong> jeunes<br />

4


Télé capverdienne (TCV) qui diffuse. Il y a <strong>de</strong>s pubs qui passent en bas : ciment du<br />

Cap Vert, pension à Fogo… Certainement pour financer la retransmission.<br />

Beaucoup <strong>de</strong> jeunes ont <strong>de</strong>s habits rouges pour soutenir l’équipe du Portugal<br />

Ambiance garantie : Tout le mon<strong>de</strong> se lève et crie dès que les portugais sont près <strong>de</strong>s<br />

buts. Les filles crient plus fort. Au début, j’ai l’impression qu’ils sont tous pour le<br />

Portugal, mais la tendance s’inverse au fur et à mesure du match, les français<br />

gagnant. Certaines filles très excitées qui chantent <strong>de</strong>rrière moi sont contre le<br />

Portugal. J’en ai discuté ensuite avec <strong>de</strong>s amis <strong>de</strong> Cristina parlant français, ils ne<br />

savent pas pourquoi.<br />

94 minutes plus tard, le France gagne 1-0. Tout le mon<strong>de</strong> reste <strong>de</strong>vant le bar à parler<br />

<strong>de</strong> football. C’est le sport national du Cap Vert ! Cristina me dit que les horaires <strong>de</strong><br />

travail <strong>de</strong> sa mère (et <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> gens au Cap Vert) ont été modifiées pour leur<br />

permettre <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r les matchs <strong>de</strong> la coupe du mon<strong>de</strong>.<br />

On voit maintenant beaucoup <strong>de</strong> jeunes avec <strong>de</strong>s T-shirts bleus comme l’équipe <strong>de</strong><br />

France. Ils sont passés chez eux se changer !<br />

Le groupe d’amis <strong>de</strong> Cristina déci<strong>de</strong> d’aller manger <strong>de</strong>s buzu ! Chacun essaye <strong>de</strong><br />

m’expliquer ce que c’est en français. Ils cherchent la traduction mais il n’y a pas<br />

d’équivalent en français. C’est en fait une espèce <strong>de</strong> gros coquillage genre bigorneau<br />

qu’ils font griller dans la rue. C’est …. Etrange ! Il ne faut pas trop regar<strong>de</strong>r la tête<br />

que ça a, une partie noire, sûrement la tête, et une partie blanche. C’est très dur,<br />

« chewing-gum » comme ils disent, il faut mâcher longtemps. Le goût n’a rien<br />

d’extraordinaire. C’est l’assaisonnement qui est meilleur. L’ambiance est toujours<br />

aussi chaleureuse. Nadège, une cousine <strong>de</strong> Cristina qui a grandi en France, me dit<br />

que les liens se sont renforcés <strong>de</strong>puis qu’ils étudient à l’étranger et qu’ils ne se voient<br />

que l’été. Armando l’ami portugais d’Hospitality Club est tout triste à cause du<br />

match.<br />

Jeudi 6 juillet 2006<br />

Grosse frayeur ce matin. Il fallait que je retire <strong>de</strong> l’argent avec ma carte bleue. Il y a<br />

beaucoup <strong>de</strong> distributeurs qui acceptent les Visa, mais pas ma petite Mastercard. J’ai<br />

été dans quatre banques différentes, au guichet, qui ont toutes refusé. Mon gui<strong>de</strong><br />

disait pourtant que les Mastercard étaient acceptées. Pas rassurée du tout, je rentre<br />

dans la <strong>de</strong>rnière banque que l’on m’a indiquée. Il y a une longue file d’attente. Je<br />

n’ose pas penser à ce qu’il arrivera s’ils refusent aussi. Finalement c’est mon tour.<br />

C’est bon ! Me voilà rassurée. J’attends encore une vingtaine <strong>de</strong> minutes au guichet.<br />

Le jeune banquier commence une conversation du genre « if you want I can see you<br />

the city…. » Je vois très bien où il veut en venir ! Je ressors avec une liasse d’une<br />

quarantaine <strong>de</strong> billets! Ils n’ont pas <strong>de</strong> grosses coupures.<br />

Je vais ensuite à l’agence maritime pour acheter mon billet pour Brava pour <strong>de</strong>main<br />

soir. Ils ne peuvent rien me dire pour les horaires <strong>de</strong> mes prochaines traversées. Tant<br />

5


pis ! On verra plus tard. C’est comme ça ici, tout se fait un jour le jour. Tout cela m’a<br />

pris rois bonnes heures.<br />

Après-midi à Praia. Je voulais aller voir un jardin botanique dans un village à<br />

l’intérieur <strong>de</strong> l’île mais je n’ai plus assez <strong>de</strong> temps. J’irai <strong>de</strong>main.<br />

Je marche dans les rues bien parallèles du Plateau. C’est le centre <strong>de</strong> la ville, perché<br />

en hauteur avec ses anciennes maisons coloniales <strong>de</strong> toutes les couleurs, un peu<br />

passées avec la poussière et le temps.<br />

Je <strong>de</strong>scends les longs escaliers qui mènent à Sucupira, le marché populaire. Là, je me<br />

sens vraiment touriste, je croise <strong>de</strong>s regards désintéressés, je ne me sens pas à ma<br />

place. Pourtant j’aimerais y rester un moment pour observer l’animation. Je n’ose pas<br />

aller vers les gens et leur parler, je ne connais presque aucun mot en créole. J’ai trop<br />

honte pour sortir mon appareil photo.<br />

Il y a un marché aux habits avec <strong>de</strong>s allées tellement étroites qu’une seule personne<br />

peut passer à la fois. Les vêtements sont rangés dans <strong>de</strong>s gros bidons dans lesquels<br />

ils ont été rapportés <strong>de</strong>s Etats-Unis ou du Brésil par les expatriés.<br />

Je parle à <strong>de</strong>ux sénégalais qui font <strong>de</strong>s petits boulots. L’un est ven<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> lunettes <strong>de</strong><br />

soleil. Je ne sais pas comment il peut gagner sa vie, il y a <strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> lunettes<br />

partout. L’autre a une machine à coudre dans la rue et répare les vêtements.<br />

Il n’y a presque plus <strong>de</strong> chaises chez Cristina. L’un <strong>de</strong> ses voisins est mort et tout le<br />

voisinage prête <strong>de</strong>s sièges pour les gens qui vont venir pour la cérémonie. Il faut<br />

ensuite attendre sept jours avant <strong>de</strong> les récupérer, c’est une tradition et les gens sont<br />

très superstitieux.<br />

Vendredi 7 juillet 2006<br />

São Jorges das Orgaso<br />

Il faut prendre un Hiace (minibus) au marché <strong>de</strong> Sucupira. Un premier chauffeur<br />

veut bien me prendre pour vingt fois le prix normal. Un autre plus honnête me fait<br />

monter dans son véhicule. Il fait <strong>de</strong>s tours dans la ville en criant sa <strong>de</strong>stination pour<br />

faire le plein <strong>de</strong> passagers. Il sort <strong>de</strong> la ville par une <strong>route</strong> qui vient juste d’être<br />

goudronnée, mais qui laisse rapi<strong>de</strong>ment place à une piste en terre. La voie principale<br />

est en travaux, le Hiace passe par <strong>de</strong> <strong>route</strong>s pavées serpentant entre les villages. Je<br />

me régale à regar<strong>de</strong>r les paysages montagneux et les villages par la fenêtre. Le<br />

chauffeur me dépose à un croisement et m’indique la <strong>route</strong> à suivre pour aller à São<br />

Jorges. Dans le village, je sens les regards peser sur moi. On me dit bonjour, mais cela<br />

ne va jamais plus loin. La rue est belle avec ses acacias orange et ses bougainvilliers<br />

violets. Il y a <strong>de</strong> nombreuses cultures irriguées grâce au goutte à goutte. Des femmes<br />

ramassent <strong>de</strong>s fraises. Je n’en reviens pas. Elles doivent coûter très cher.<br />

On m’indique le jardin qui est un peu à l’écart <strong>de</strong> la ville. Je rencontre le responsable.<br />

Il me fait tout visiter en créole ou en portugais, mais j’arrive quand même à<br />

comprendre <strong>de</strong>s choses. Il m’écrit le nom <strong>de</strong>s plantes qu’il me montre, mais cela va<br />

un peu trop vite pour que je mémorise la plante avec le nom. Le jardin a été créé pour<br />

regrouper dans un même lieu toutes les espèces qui poussent au Cap Vert. Il n’y en a<br />

6


pas tant que ça ! Il y a une partie pour les plantes cultivées et une autre pour les<br />

plntes ornementales. J’apprends que beaucoup d’espèces ont été importées du<br />

continent africain, du Brésil et d’Amérique, et du Portugal. Il y a quelques plantes<br />

endémiques. Les principaux arbres fruitiers sont les bananiers, les manguiers, les<br />

papayers, les cocotiers et les goyaviers.<br />

Je marche ensuite jusqu’à un centre <strong>de</strong> formation agronomique perdu au milieu <strong>de</strong><br />

nulle part. On y forme <strong>de</strong>s ingénieurs agronomes en 5 ans. Les étudiants sont<br />

capverdiens mais aussi d’Angola et du Mozambique. Ma présence ne surprend<br />

personne. On me montre la bibliothèque (toute petite !) où je reste un moment à lire<br />

<strong>de</strong>s magazines en français sur le développement agricole <strong>de</strong>s pays africains.<br />

Je repars ensuite pour une bonne petite marche en plein soleil jusqu’à la <strong>route</strong><br />

principale où le Hiace m’a déposé. J’en prends un dans l’autre sens qui est plus<br />

conforme à ce que l’on dit d’eux : à certains moments, nous sommes 20 à l’intérieur<br />

(pour 15 places) et ile roule comme un fou sur les pistes défoncées.<br />

Les problèmes d’électricité et d’eau à Praia<br />

Plusieurs soirs par semaine, le Plateau est dans le noir. Les gens se retrouvent dans la<br />

rue sous les lampadaires qui restent allumés ou dans les quelques restaurants qui ont<br />

investi dans un générateur. On ne peut rien faire d’autre qu’attendre et cela agace<br />

vraiment les habitants. Nadège me dit qu’elle ne peut plus travailler l’après-midi car<br />

elle n’a plus d’ordinateur.<br />

L’eau est aussi coupée car une partie provient <strong>de</strong> l’usine <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssalement d’eau <strong>de</strong><br />

mer qui nécessite <strong>de</strong> l’électricité. Nadège m’explique aussi qu’il faut tout débrancher,<br />

car lorsque l’électricité revient, elle a une telle force qu’elle casse les appareils<br />

électriques.<br />

La fautive est Electre, la compagnie portugaise qui gère (très mal) l’électricité et l’eau.<br />

Un générateur est tombé en panne, et un autre qui avait été loué pour les élections<br />

quelques mois avant a dû être rendu. C’est problématique, car sans électricité, la<br />

capitale est paralysée.<br />

Vendredi 7 juillet 2006, 21h30<br />

Ambiance sur le quai, avant d’embarquer sur le Sotavento ( = « sous le vent » pour<br />

désigner les îles du sud-est <strong>de</strong> l’archipel) pour Brava. La lumière provient du bateau<br />

et <strong>de</strong>s trois lampadaires du quai, le reste <strong>de</strong> la ville est plongé encore une fois dans le<br />

noir.<br />

Le quai grouille <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>, les valises sont portées sur la tête. Les enfants atten<strong>de</strong>nt<br />

assis entre les sacs. On se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> comment tous ces gens vont tenir sur le bateau<br />

qui parait tout à coup bien petit. C’est un intermédiaire entre un ferry pour passagers<br />

et un bateau <strong>de</strong> marchandises. Il est trop petit pour accueillir <strong>de</strong>s voitures ou <strong>de</strong>s<br />

camions. A l’avant et à l’arrière, on charge <strong>de</strong>s marchandises. Il y a <strong>de</strong>ux petites grues<br />

pour décharger directement <strong>de</strong>s bennes <strong>de</strong>s camions sur le pont du bateau. Les<br />

hommes font une chaîne pour charger un par un <strong>de</strong>s packs <strong>de</strong> canettes qui finissent<br />

7


dans les cales. Il y a un tas <strong>de</strong> paniers qui a été coincé entre le canot <strong>de</strong> sauvetage et<br />

un pont. Est-ce que tout ça va tenir avec la houle ?<br />

Chargement <strong>de</strong>s passagers : tous les petits groupes se tassent <strong>de</strong>vant la passerelle où<br />

un homme récupère les tickets. Il me rend le mien avec une grosse croix bleue <strong>de</strong>ssus<br />

en disant « Brava ». J’apprends ainsi que le bateau fait d’abord escale à Fogo (« le<br />

feu »), l’île du volcan. On est bien loin <strong>de</strong> nos normes européennes sur le nombre <strong>de</strong><br />

passagers. Les gens s’entassent avec leurs bagages sur les étroits ponts. Les enfants<br />

sont allongés sur <strong>de</strong>s couvertures, en plein milieu. Je trouve une place dans le<br />

« salon », une gran<strong>de</strong> salle intérieure avec sièges inclinées (s’ils ne sont pas cassés)<br />

plutôt confortables et télévision capverdienne. Là aussi, les gens s’entassent dans les<br />

allées et on ne peut plus circuler… Il y a une moto à l’intérieur ! Sur le pont, une<br />

petite pièce a été aménagée en magasin. On aperçoit un tas tout mélangé <strong>de</strong> biscuits<br />

et <strong>de</strong> bonbons. Il y a plein d’autres choses, même <strong>de</strong>s brosses à <strong>de</strong>nts. Qui va acheter<br />

<strong>de</strong>s brosses à <strong>de</strong>nts ici ?<br />

Depuis qu’on est partis, j’ai la vive impression qu’on penche sur bâbord. Cela <strong>de</strong>vait<br />

être plus facile <strong>de</strong> charger ce côté car il était le long du quai (c’est en fait le vent qui fait<br />

pencher le bateau)<br />

Si on coule, il faut se dépêcher d’attraper un vieux gilet <strong>de</strong> sauvetage orange à l’avant<br />

du « salon », et courir pour sortir pas l’étroit escalier à l’arrière. Ca doit être difficile !<br />

Ah non ! Je n’avais pas vu la « Saida <strong>de</strong> emergência » à côté <strong>de</strong>s gilets. C’est un<br />

<strong>de</strong>uxième escalier tout étroit.<br />

La mer est calme.<br />

Samedi 8 juillet 2006, 8h30<br />

J’ai très mal dormi. Le petit garçon à côté <strong>de</strong> moi était mala<strong>de</strong> et n’a pas arrêté <strong>de</strong><br />

cracher par terre. Les sièges étaient tout durs et j’avais toujours un membre qui<br />

finissait par me réveiller tellement il était engourdi.<br />

Escale à Fogo. La gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s passagers <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt. Les hommes déchargent<br />

les marchandises. Devant moi, il y a <strong>de</strong> nombreuses boîtes en carton avec un poulet<br />

<strong>de</strong>ssiné <strong>de</strong>ssus et une adresse aux Pays Bas. L’une d’elles s’est ouverte et il y a<br />

vraiment <strong>de</strong>s morceaux <strong>de</strong> poulet <strong>de</strong>dans. Une autre laisse échapper un filet <strong>de</strong> sang.<br />

C’est vraiment dégoûtant. Il faut que je fasse attention à ne pas manger <strong>de</strong> poulet, ni<br />

d’autres vian<strong>de</strong>s d’ailleurs, ça doit être pareil.<br />

J’ai un peu peur. Je ne sais pas où je vais dormir ce soir. Je ne connais personne à<br />

Brava. Je ne comprends rien quand on me parle, je ne connais ni le portugais ni le<br />

créole.<br />

19h00, Vila Nova Sintra, île <strong>de</strong> Brava<br />

Juste après avoir rangé ce cahier, mes voisins sont venus me parler. Deux d’entre eux<br />

parlaient anglais. Un troisième, Hel<strong>de</strong>r qui a été prof <strong>de</strong> français et qui est<br />

maintenant prof d’anglais à brava s’est assis à côté. Il m’a parlé <strong>de</strong> son île pendant<br />

8


tout le trajet. Il tient absolument à m’ai<strong>de</strong>r et veut me montrer ce qui m’intéresse<br />

pour mon étu<strong>de</strong> : les sources, l’irrigation, ce qu’il appelle les « miroirs » (traduction du<br />

portugais) qui permettent <strong>de</strong> récupérer la rosée. C’est lui qui m’emmène à la pension<br />

et négocie les prix. Heureusement car je n’aurais pas trouvé toute seule.<br />

Sur le bateau, il y avait le maire <strong>de</strong> l’île. Il est venu s’asseoir sur le pont et a discuté<br />

tout le trajet avec les habitants en câlinant les enfants. C’est génial un maire comme<br />

ça, ouvert et souriant.<br />

Pour aller du port appelé Furna, à Vila Nova Sintra la « capitale » <strong>de</strong> l’île, il faut<br />

prendre l’aluguer. Ce sont les taxis collectifs. A Praia, on les appelle les Hiace<br />

(prononcer « iasse ») du nom <strong>de</strong> leur marque. Ce sont <strong>de</strong>s minibus. Ici, ce sont <strong>de</strong>s<br />

pick-up dont l’arrière est aménagé pour recevoir <strong>de</strong>s passagers. La <strong>route</strong> est<br />

magnifique, chemin pavé très étroit et, composé d’un enchaînement <strong>de</strong> virages serrés<br />

et d’une pente forte. La végétation augmente avec l’altitu<strong>de</strong>.<br />

Je pose mes sacs dans une chambre un peu tristounette mais gran<strong>de</strong>. Je vais y rester<br />

dix jours. Je pars ensuite faire un tour dans la ville malgré la fatigue du voyage. La<br />

première chose qui m’impressionne est le silence. Pas une voiture, elles sont très<br />

rares ici. Tout se fait à pied. Ensuite il y a la fraicheur. La ville est à environ 500m<br />

d’altitu<strong>de</strong> et il y a toujours une couche <strong>de</strong> nuages et le vent <strong>de</strong> l’océan. Le soir, il faut<br />

un pull. Puis les fleurs. Brava est surnommée l’île aux fleurs. Je comprends<br />

maintenant pourquoi. Cela n’a rien <strong>de</strong> comparable à la campagne française, mais<br />

c’est très différent <strong>de</strong>s autres îles que j’ai vues. Il y a un peu <strong>de</strong> verdure et<br />

bougainvilliers en fleurs, <strong>de</strong>s hibiscus, et <strong>de</strong>s fleurs ornementales dans les rues et sur<br />

la place principale. Le maire y a fait installer le goutte à goutte. Il y a aussi <strong>de</strong> vieux<br />

arbres dans les rues.<br />

L’ambiance est paisible. On peut entendre les voix <strong>de</strong>s gens et les radios.<br />

Je me sens bien d’être là. Je pourrais rester <strong>de</strong>s heures à regar<strong>de</strong>r autour <strong>de</strong> moi<br />

tellement c’est beau.<br />

Soirée tranquille à le pension, je n’ai pas la force <strong>de</strong> sortir malgré l’animation du<br />

samedi soir. Dîner <strong>de</strong> restes <strong>de</strong> voyage : boîte <strong>de</strong> pâte <strong>de</strong> thon sur pain puis crackers,<br />

et Figolu <strong>de</strong>vant la télé portugaise.<br />

Notes en mer sur mon petit carnet :<br />

Je suis horrifiée <strong>de</strong> voir que tous les passagers jettent leurs déchets à la mer : bouteilles <strong>de</strong><br />

bière, papiers <strong>de</strong> biscuits ou <strong>de</strong> chips, emballages <strong>de</strong> bonbons. J’ai envie <strong>de</strong> crier à chaque fois<br />

ou <strong>de</strong> sauter dans l’eau pour les récupérer.<br />

J’en ai discuté après avec José, et je comprends mieux. Ici, on vit au jour le jour, c’est<br />

déjà difficile <strong>de</strong> vivre en pensant au présent. Penser à l’environnement et au futur<br />

vient après, seulement quand on vit quotidiennement sans soucis. C’est le même<br />

problème pour l’investissement du goutte à goutte qui oblige à penser au futur.<br />

9


Dimanche 9 juillet 2006<br />

Brava<br />

Son nom veut dire « la sauvage ». Elle est dite inaccessible : l’aéroport est fermé car<br />

beaucoup trop dangereux, j’y suis allée avec Hel<strong>de</strong>r il y avait un vent infernal, et la<br />

piste est aux pieds <strong>de</strong> montagnes tombant à pic, le long <strong>de</strong> la mer. Le bateau ne passe<br />

que quand le temps le permet. Les différents points <strong>de</strong> l’île sont aussi difficilement<br />

accessibles. Les dénivelés sont énormes et les <strong>route</strong>s pavées se frayent avec peine un<br />

chemin sinueux sur le flanc <strong>de</strong>s montagnes.<br />

Brava a les pieds dans l’eau et la tête dans les nuages. Elle est surveillée <strong>de</strong> loin par sa<br />

gran<strong>de</strong> sœur Fogo du haut <strong>de</strong> son volcan actif, et surveille à son tour ses <strong>de</strong>ux petits<br />

îlots inhabités qui se baignent près d’elle. Si elle n’est pas sage, la terre tremble<br />

faisant tomber les blocs <strong>de</strong> pierre et les mangues et terrorisant ses habitants. Elle est<br />

chouchoutée par le vent et les nuages qui lui apportent la fraicheur et un peu d’eau<br />

précieuse. Elle peut alors se parer <strong>de</strong> taches vertes et <strong>de</strong> taches jaunes, orange, rouges<br />

et violettes là où les gens habitent. Brava m’accueille une dizaine <strong>de</strong> jours au creux <strong>de</strong><br />

ses montagnes. Je vais essayer <strong>de</strong> comprendre au mieux sa petite société et <strong>de</strong> suivre<br />

la trace <strong>de</strong> chaque goutte d’eau.<br />

Sur ma carte, il y a une fontaine <strong>de</strong>ssinée à Vinagre. C’est là que j’ai envie d’aller<br />

pour ma première journée. Hel<strong>de</strong>r, mon gui<strong>de</strong>, est tout content <strong>de</strong> trouver quelqu’un<br />

pour marcher et discuter.<br />

Aaahh ! Alors que j’écris allongée sur mon lit, un bruit suspect <strong>de</strong> plastique me fait lever les<br />

yeux vers….un énorme cafard ! Avec ses antennes, il doit dépasser les 15 cm, et il est haut<br />

sur pattes…. Il n’a pas l’air pressé <strong>de</strong> disparaître <strong>de</strong>rrière le vieux buffet me laissant<br />

pétrifiée…. Il va falloir cohabiter . La <strong>de</strong>uxième fois qu’il sort sa petite tête, je l’asperge<br />

d’anti-moustique pour lui faire comprendre qu’il n’a pas intérêt à montrer trop souvent le<br />

bout <strong>de</strong> ses antennes. Il n’a pas l’air d’apprécier ! Tant mieux, la guerre est ouverte.<br />

Sur le chemin, Hel<strong>de</strong>r parle à quasiment tout le mon<strong>de</strong>. Ici, c’est comme un petit<br />

village. On dévale une <strong>route</strong> pavée très pentue que seuls les ânes peuvent emprunter,<br />

ou les motards fous. C’est le seul accès à Vinagre. Autrefois, les gens faisaient la<br />

<strong>route</strong> à pied <strong>de</strong> Vila Nova Sintra juste pour rapporter <strong>de</strong> l’eau ou faire la lessive. Le<br />

paysage est grandiose. Les montagnes que l’on <strong>de</strong>scend vont se jeter dans la mer. Il y<br />

a toujours le vent qui vient nous rafraîchir. Hel<strong>de</strong>r me parle <strong>de</strong> son île et <strong>de</strong> son pays,<br />

<strong>de</strong> l’eau, <strong>de</strong> son métier. Entre les pavés, il y a <strong>de</strong>s trous en forme <strong>de</strong> cône très<br />

réguliers qui m’intriguent. Il s’agit en fait d’un abri creusé par un petit insecte.<br />

On commence à apercevoir Vinagre. Tout est sec. Il y a <strong>de</strong>s terrasses mais elles sont<br />

abandonnées. Seuls <strong>de</strong> vieux arbres fruitiers persistent. On aperçoit un berger et ses<br />

quelques vaches et chèvres. Avant il y avait une source. On y a fait <strong>de</strong>s travaux pour<br />

tenter d’amener l’eau dans un autre village proche mais cela a échoué et a entrainé<br />

l’eau douce dans la mer. Depuis, le village est abandonné et on ne peut plus faire<br />

d’irrigation. Le lieu <strong>de</strong>vait être agréable et joli autrefois. Hel<strong>de</strong>r m’explique tout le<br />

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fonctionnement <strong>de</strong> l’ancien système d’irrigation et me montre les points stratégiques<br />

pour l’eau. Elle a un goût très particulier que les gens d’ici adorent.<br />

On continue notre <strong>de</strong>scente jusqu’à la mer. Il y a un plateau rocheux où les gens<br />

viennent pêcher.<br />

En remontant, Hel<strong>de</strong>r se transforme en professeur <strong>de</strong> créole et me fait répéter <strong>de</strong>s<br />

petites phrases simples : M’kré bai Vila Nova Sintra : Je veux aller à Vila Nova Sintra<br />

Bu sta kansadu ? Tu es fatiguée ?<br />

M’ka sta kansadu ! Je ne suis pas fatiguée !<br />

Il est content <strong>de</strong> voir que je le suis sans difficulté. Je ne ressens ni la fatigue, ni la<br />

faim. C’est un état étrange, mais je suis bien.<br />

Arrivés à la « capitale », on fait une pause pour manger <strong>de</strong>s pastels, beignets <strong>de</strong> petite<br />

taille fourrés au thon, que l’on accompagne d jus <strong>de</strong> mangue. On repart vers un point<br />

haut d’où on a une vue splendi<strong>de</strong> sur une partie <strong>de</strong> l’île. On reste un moment à<br />

répéter <strong>de</strong>s phrases créoles en laissant nos yeux vagabon<strong>de</strong>r sur les montagnes.<br />

A 17h, Hel<strong>de</strong>r va voir la finale France-Italie. Je rentre à la pension. Je regar<strong>de</strong> la fin.<br />

Zidane me fait honte (je ne sais pas encore les raisons <strong>de</strong> son geste).<br />

Je m’offre un dîner au restaurant car tous les magasins sont fermés et je n’ai que <strong>de</strong>s<br />

crackers à manger. Je comman<strong>de</strong> une cachupa, le plat national capverdien que je n’ai<br />

pas encore goûté. Ce n’est pas extraordinaire. Un bon baleineau appellerait cela un<br />

« j’y fout tout ». C’est une espèce <strong>de</strong> bouillie <strong>de</strong> grains <strong>de</strong> mais et <strong>de</strong> haricots avec <strong>de</strong>s<br />

oignens sur laquelle repose un œuf sur le plat et un bout <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>. C’est lourd et<br />

l’assiette que l’on m’a servie contient environ 5 fois la dose que je mange en un<br />

repas ! Je rencontre un drôle d’homme américain qui parle français car il a grandi au<br />

Sénégal et capverdien qu’il a appris en étant batteur dans un orchestre aux Etats-<br />

Unis. Il vient pour la première fois au Cap Vert sur les traces <strong>de</strong> sa mère. Voilà ce<br />

qu’il me dit :<br />

Quel pays d’Afrique a la meilleur équipe <strong>de</strong> foot ?<br />

- La France !<br />

Tout à fait d’accord avec lui.<br />

Il me fait peur en me disant <strong>de</strong> faire attention aux jeunes qui s’étaient faits renvoyer<br />

<strong>de</strong>s Etats-Unis pour fautes graves.<br />

Lundi 10 juillet<br />

L’ami cafard est revenu faire claquer ses pattes dures sur le carrelage dès que j’ai<br />

éteint la lumière. J’ai suivi sa course perchée sur le lit, ma bombe d’anti-moustique à<br />

la main. C’est que ça va vite, cette saleté. En lançant adroitement ma chaussure, j’ai<br />

réussi à le faire sortir sous la porte alors qu’il se faufilait sous le petit lit. J’ai ensuite<br />

bouché le <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> la porte pour ne pas qu’il revienne. J’ai eu du mal à éteindre la<br />

lumière et à m’endormir. Il était peut-être avec un copain qui attendait sagement<br />

<strong>de</strong>rrière le buffet …<br />

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Aujourd’hui, marche direction Faja d’Agua, la source principale <strong>de</strong> l’île. Hel<strong>de</strong>r<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> à un aluguer <strong>de</strong> nous monter jusqu’à la réserve d’eau principale <strong>de</strong> l’île.<br />

Elle est perchée à environ 750 m d’altitu<strong>de</strong> (d’après ma carte). Point <strong>de</strong> vue<br />

magnifique et point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> notre <strong>de</strong>scente jusqu’à la mer. On suit les<br />

canalisations qui relient le réservoir à la source. Elles suivent en fait une ribeira,<br />

vallée où coule l’eau à la saison <strong>de</strong>s pluies. Le paysage est grandiose. On voit au fond<br />

la mer, notre point d’arrivée. La végétation <strong>de</strong>vient plus <strong>de</strong>nse quand on <strong>de</strong>scend. Le<br />

chemin est difficile, parfois même dangereux tellement il est étroit ou quand le sable<br />

glisse sous nos pieds. On s’arrête aux <strong>de</strong>ux pompes, où les gardiens nous font visiter.<br />

En contrebas <strong>de</strong> la source commencent les cultures <strong>de</strong>n terrasse. Le chemin passe au<br />

milieu <strong>de</strong>s jeunes cannes à sucre. Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à Hel<strong>de</strong>r si les gens les mangent<br />

comme en Egypte, du coup il en achète une à un paysan. Cela me rappelle plein <strong>de</strong><br />

bons souvenirs même si la canne n’est pas très juteuse car trop petite.<br />

On passe ensuite à Lavaduro, petit coin paradisiaque accessible uniquement à pied. Il<br />

y a quelques maisons sous une forêt <strong>de</strong>nse d’arbres fruitiers. On s’arrête manger <strong>de</strong>s<br />

mangues chez <strong>de</strong>s gens qu’Hel<strong>de</strong>r connaît.<br />

Le <strong>de</strong>scente continue jusqu’à Faja d’Agua. C’est un alignement <strong>de</strong> maisons le long <strong>de</strong><br />

la <strong>route</strong> qui longe la mer. Il y a une belle anse où les bateaux peuvent mouiller. C’est<br />

une plage <strong>de</strong> gros cailloux polis par les vagues.<br />

Nous longeons la <strong>route</strong>s jusqu’à l’aéroport. A certains endroits, la roche a été creusée<br />

sur plusieurs mètres pour faire passer la <strong>route</strong>. Le vent s’y engouffre avec violence.<br />

Au retour, on s’arrête à la Pansao Sol na Baia. On m’avait dit qu’il y avait une<br />

française qui tenait la pension, c’est Brigitte. Son mari José me montre son jardin où il<br />

a installé le goutte à goutte. Cela lui permet <strong>de</strong> faire pousser tous les fruits et légumes<br />

qu’ils consomment. Il est très intéressant car il s’intéresse aux problèmes d’eau et<br />

d’écologie.<br />

On rentre à Vila Nova Sintra par la <strong>route</strong> en aluguer. La <strong>route</strong> est magnifique, je crois<br />

que c’est la plus belle que j’ai vu jusqu’à présent. A l’arrière du pick-up, on est<br />

ballotés par la <strong>route</strong> pavée et on a le vent dans la figure. J’adore ! Le temps s’arrête le<br />

temps du trajet et j’ai un grand sourire.<br />

« Teacher, teacher ! » Ce sont les élèves qui appellent Hel<strong>de</strong>r leur prof d’anglais, dans<br />

la rue. Ils lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt en plaisantant si je suis sa femme ! Il est très proche <strong>de</strong> ses<br />

élèves. Je rencontre aussi les autres professeurs du lycée. Ils sont tous très jeunes.<br />

Mardi 11 juillet 2006<br />

Journée officielle à Vila Nova Sintra<br />

Aujourd’hui, nous (Hel<strong>de</strong>r et moi) restons en ville pour tenter <strong>de</strong> récupérer la<br />

maximum d’infos sur l’eau dans les différentes administrations <strong>de</strong> l’île.<br />

- Aguabrava : C’est la société qui gère la distribution <strong>de</strong> l’eau. Le responsable<br />

nous donne ren<strong>de</strong>z-vous à 11 heures <strong>de</strong>main.<br />

- La lutte contre la pauvreté : finance une partie <strong>de</strong> l’installation du goutte à<br />

goutte<br />

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- Le maire : salué sur le bateau. Il fait comme si il était trop occupé pour nous<br />

recevoir…<br />

- Le mé<strong>de</strong>cin : Je l’ai rencontré à l’arrivée du bateau à Furna. Il parle français.<br />

J’aimerais bien le questionner sur les problèmes <strong>de</strong> <strong>de</strong>nt liés à l’eau, mais il a<br />

beaucoup <strong>de</strong> trvail. Ils ne sont que <strong>de</strong>ux mé<strong>de</strong>cins sur l’île pour 6000 ou 7000<br />

habitants. J’ai pu visiter l’hôpital. C’est une miniature ! On entre directement<br />

dans la salle d’attente. Elle donne sur quatre portes, <strong>de</strong>ux avec le nom <strong>de</strong>s<br />

mé<strong>de</strong>cins, une pour la pharmacie et l’autre pour les urgences ! La pharmacie<br />

comporte <strong>de</strong>s étagères peu remplies <strong>de</strong> flacons et <strong>de</strong> pots remplis <strong>de</strong> poudre.<br />

On se croirait plutôt dans un labo <strong>de</strong> chimie. Il y a un autre bâtiment plus neuf<br />

<strong>de</strong>rrière avec les chambres, et une ambulance poussiéreuse qui n’a pas l’air <strong>de</strong><br />

marcher.<br />

- Les bureaux du ministère <strong>de</strong> l’agriculture : le meilleur pour la fin ! On passe<br />

une première fois. La jeune secrétaire nous dit <strong>de</strong> repasser car le délégué du<br />

ministère n’est pas encore là. Quand on repasse, il y a une scène <strong>de</strong> ménage à<br />

l’intérieur <strong>de</strong>s bureaux. La femme du délégué vient crier sur la secrétaire car<br />

elle aurait couché avec lui. Elles vont jusqu’à se frapper. Le délégué observe<br />

par sa porte entrouverte mais ne fait rien. Nous repartons le temps que la<br />

tempête passe. Je suis plutôt amusée. Hel<strong>de</strong>r, lui, ne trouve pas ça normal<br />

dans une administration et dit que cela arrive souvent <strong>de</strong>s histoires pareilles.<br />

En plus, comme l’île est petite, et comme tout le mon<strong>de</strong> se connaît, il y a<br />

beaucoup <strong>de</strong> commérages. La troisième fois est la bonne. Je peux interviewer<br />

le délégué et Hel<strong>de</strong>r me sert d’interprète.<br />

Brava est la plus petite île habitée du Cap Vert. Ce qui est amusant, c’est qu’il y a<br />

toutes les administrations comme pour les autres îles, mais tout est petit. On trouve<br />

même un bureau du recensement (pour 7000 habitants !) qui sert à s’inscrire sur les<br />

listes électorales. Quand je dis à Hel<strong>de</strong>r qu’en France on fait cela à la mairie, il me<br />

répond qu’ici c’est impossible car le maire choisit lui-même qui travaille à ses côtés. Il<br />

pourrait donc y avoir <strong>de</strong> la frau<strong>de</strong>. Par exemple, la secrétaire <strong>de</strong> la mairie est la<br />

femme du maire.<br />

Mes repas<br />

Manger n’est pas chose facile ici !<br />

Le matin, je prends le Kafé (=petit déjeuner) à la pension. Au menu : café au lait en<br />

poudre (il n’y a pas <strong>de</strong> vrai lait), pain avec <strong>de</strong> la confiture <strong>de</strong> raisins qui vient <strong>de</strong>s<br />

Etats-Unis (pas très bonne) et banane. Je ne mange pas le midi, je n’ai pas faim et c’est<br />

plus pratique. On grignote toujours quelque chose ou on boit un jus <strong>de</strong> mangue ou<br />

<strong>de</strong> goyave brésilien super nourrissant.<br />

Le soir, cela <strong>de</strong>vient difficile. Je ne dîne pas à la pension car cela n’a pas l’air terrible.<br />

Il n’y a qu’un seul restaurant ouvert, mais assez cher et qui fait <strong>de</strong>s énormes plats <strong>de</strong><br />

poisson ou <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> qui ne m’attirent pas. Il n’y a pas <strong>de</strong> restaurant populzire, les<br />

gens mangent toujours chez eux. Du coup, j’achète <strong>de</strong> quoi manger dans ma<br />

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chambre. Dans petites épiceries, il n »y a rien. En allant dans plusieurs, on finit par<br />

trouver… J’ai dégoté une boîte <strong>de</strong> vache qui rit dans l’une et une boîte <strong>de</strong> pâté <strong>de</strong><br />

sardine dans l’autre. Il y a une boulangerie, mais hier j’y suis allée trop tard, plus <strong>de</strong><br />

pain, j’ai du manger <strong>de</strong>s crackers… Je trouve <strong>de</strong>s yaourts longue conservation et <strong>de</strong>s<br />

mangues, puis <strong>de</strong>s biscuits.<br />

Mercredi 12 juillet 2006<br />

Pas grand-chose <strong>de</strong> prévu aujourd’hui, ce n’est pas bon pour mon moral. Ren<strong>de</strong>zvous<br />

à 11 heures à Aguabrava, avant je déci<strong>de</strong> d’aller me promener avec mon carnet<br />

à <strong>de</strong>ssin et mon diabolo pour rencontrer <strong>de</strong>s gens. Je m’arrête dans la rue pour<br />

<strong>de</strong>ssiner, je n’arrive à attirer qu’un alcoolique qui heureusement s’en va rapi<strong>de</strong>ment.<br />

A un autre endroit, quelques enfants s’approchent timi<strong>de</strong>ment. Je sors alors mon<br />

diabolo. Ils regar<strong>de</strong>nt en souriant. L’un d’eux essaye vaguement. Cela s’arrête là. Je<br />

suis frustrée <strong>de</strong> ne pas arriver à franchir cette barrière. Les gens me disent bonjour,<br />

cela ne va jamais plus loin. J’aimerais rester plus longtemps avec les gens, me faire<br />

inviter, mais rien. Je ne sais pas comment faire. J’essaye d’être souriante, <strong>de</strong> marcher<br />

pas trop vite, <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r autour <strong>de</strong> moi. Je trouve les gens peu curieux. Je n’aime<br />

pas comparer ainsi, mais à la Baleine, il était si facile <strong>de</strong> rencontrer <strong>de</strong>s gens. Ils<br />

venaient naturellement vers nous. Ici, je me sens intruse. Je crois que la seule solution<br />

est d’apprendre le créole pour questionner les gens, discuter.<br />

A 11 heures, je retrouve Hel<strong>de</strong>r <strong>de</strong>vant Aguabrava mais le responsable n’est pas là. Il<br />

est à Furna car il y a le bateau. Et quand le bateau est là, toute l’île <strong>de</strong>scend à Furna,<br />

le port. Hel<strong>de</strong>r me dit qu’il va y aller, je l’accompagne. On attend longtemps un<br />

aluguer car ils sont déjà tous en bas, le bateau est déjà là. Le chauffeur prend<br />

l’ancienne <strong>route</strong> qui est plus rapi<strong>de</strong> mais aussi plus dangereuse. Il y a <strong>de</strong>s virages<br />

serrés sur <strong>de</strong>s pentes énormes, et aucun muret pour séparer la <strong>route</strong> du vi<strong>de</strong>…<br />

Hel<strong>de</strong>r se moque <strong>de</strong> mon visage crispé ! A Furna, on regar<strong>de</strong> le bateau charger les<br />

passagers et partir, puis le petit cargo amenant les bidons d’essence accoster. Ensuite,<br />

on attend encore longtemps un aluguer pour remonter, ils sont tous en haut. Ici, le<br />

temps est très différent. Il fait très chaud, il y a du soleil et moins <strong>de</strong> vent.<br />

En fin d’après-midi, alors que je pars faire mes courses pour le dîner, quelques<br />

femmes m’invitent à entrer dans leur cour. La radio diffuse la morna, musique lente<br />

et nostalgique que chante Césaria Evora et qui est dite originaire <strong>de</strong> Brava. L’une <strong>de</strong>s<br />

femmes tresse à toute vitesse les cheveux <strong>de</strong>s petites filles. Une autre va me chercher<br />

un beau verre à pied pour me faire goûter un vin pas bon du tout qu’elles boivent<br />

dans <strong>de</strong>s verres en plastique. On se parle un peu, elles avec les quelques mots <strong>de</strong><br />

français appris à l’école et moi avec mon petit livre. Puis l’une d’elles me tanne pour<br />

que je lui donne <strong>de</strong> l’argent. Elle veut 100 escudos, c’est vraiment rien, moins d’un<br />

euro. Je lui donne et je repars déçue…<br />

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Jeudi13 juillet 2006<br />

J’ai un peu <strong>de</strong> temps, j’en profite pour faire mes comptes. Je m’en tire avec 170<br />

escudos en trop ! (1.50€ environ). J’ai dû mal comprendre certains prix. Je réalise<br />

aussi que je dépense beaucoup moins que prévu, surtout pour manger.<br />

11h : ren<strong>de</strong>z-vous à Aguabrava avec mon traducteur Hel<strong>de</strong>r. J’apprends plein <strong>de</strong><br />

trucs pour mon étu<strong>de</strong>. Par exemple, la notion d’eau courante est très différente.<br />

Beaucoup <strong>de</strong> maisons sont équipées, mais l’eau ne circule que <strong>de</strong>ux fois par semaine,<br />

sinon il yu a trop <strong>de</strong> pertes dans les tuyaux. Dans chaque maison, on remplit la<br />

citerne pour avoir <strong>de</strong> l’eau toute la semaine.<br />

Aluguer direction Nosa Senhora do Monte, l’autre ville <strong>de</strong> l’île, très étendue. Là, on<br />

trouve un pick-up qui fait l’aller-retour à Cachaço pour déposer quelqu’un. C’est le<br />

« bout » <strong>de</strong> la <strong>route</strong>, après il n’y a que <strong>de</strong>s sentiers. On monte juste pour aller voir. Ce<br />

côté <strong>de</strong> l’île a beaucooup plus d’arbres.<br />

On marche ensuite jusqu’au village <strong>de</strong> Ferreiros. La <strong>route</strong> est en construction et<br />

l’électricité a été inaugurée il y a trois semaines pour la fête <strong>de</strong> la Saint Jean. En<br />

contrebas se trouve une vallée très escarpée et une source. C’est une oasis au milieu<br />

d’un désert <strong>de</strong> montagnes. Les chemins sont les canalisations pour l’eau, accrochées<br />

sur les falaises. Il ne faut pas avoir le vertige. On entre ensuite dans la zone <strong>de</strong><br />

cultures, à l’ombre <strong>de</strong>s manguiers et <strong>de</strong>s cocotiers. Ici, les terrasses sont très étroites<br />

car le dénivelé est important. On y cultive quelques légumes et <strong>de</strong> jeunes cannes à<br />

sucre. On entend l’eau couler et les enfants qui se baignent dans les réservoirs. Nous<br />

marchons jusqu’à la source. Le chemin est difficile au milieu <strong>de</strong>s cultures. Il parait<br />

qu’il y a <strong>de</strong>s petits singes mais ils ont fait les timi<strong>de</strong>s avec nous et ne sont pas venus<br />

nous saluer. A la source, un voleur <strong>de</strong> mangues nous en offre !<br />

Au retour, <strong>de</strong>s paysans nous invitent aussi à manger <strong>de</strong>s mangues et nous offrent un<br />

gros sac <strong>de</strong> tambarinhas, les fruits du tamarinier. On va en donner à tout le mon<strong>de</strong><br />

sur le chemin du retour.<br />

La remontée vers Nosa Senhora do Monte est difficile, la <strong>route</strong> n’en finit pas <strong>de</strong><br />

grimper. En plus, on n’a plus d’eau. On ne parle plus tellement on est fatigués.<br />

Arrivés en haut, on peut s’offrir <strong>de</strong> l’eau fraîche. Il faut encore marcher pour trouver<br />

une voiture qui ca à Vila Nova. C’est finalement le délégué du ministère <strong>de</strong><br />

l’agriculture qui nous prend en stop avec d’autres jeunes.<br />

Cérémonie <strong>de</strong> remise <strong>de</strong>s diplômes du bac, à l’américaine<br />

Hel<strong>de</strong>r m’invite à y assister. C’est dans la salle <strong>de</strong>s fêtes offerte par les émigrés. C’est<br />

à 17 heures mais cela commence à 18h30 (c’est l’heure capverdienne !) Des élèves<br />

présentent une pièce <strong>de</strong> théâtre sur les problèmes quotidiens : une élève qui tombe<br />

enceinte, un garçon qui ne travaille pas, qui s’habille à l’américaine et à qui on dit<br />

qu’il va finir à casser <strong>de</strong>s rochers pour faire les pavés (le sale boulot d’ici). Ensuite, les<br />

élèves montent un par un sur l’estra<strong>de</strong>. Le directeur leur donne le diplôme et l’un <strong>de</strong>s<br />

parents accompagné d’un élève plus vieux vient accrocher un ruban sur la robe. C’est<br />

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un grand moment, beaucoup d’élèves pleurent. Pour accompagner le tout, il y a bien<br />

sûr la morna, que chacun connaît par cœur. Pour finir, ils se retrouvent tous sur<br />

l’estra<strong>de</strong> et lancent leurs chapeaux pour la célèbre photo...<br />

Vendredi 14 juillet 2006<br />

Marche jusqu’à la <strong>de</strong>rnière source <strong>de</strong> l’île : Sorno. Il faut traverser tout Vila Nova<br />

Sintra, monter un peu puis <strong>de</strong>scendre jusqu’à la mer. Le chemin est « fish » !, il est<br />

« bien » en langage jeune d’ici. A un moment, nous prenons une mauvaise voie qui<br />

nous fait <strong>de</strong>scendre dans la rivière. Nous <strong>de</strong>vons alors emprunter les chemins <strong>de</strong><br />

chèvres, où seules les chèvres vont. Il faut faire très attention, car un pas sur du sable<br />

trop glissant peut nous faire dévaler plusieurs mètres.<br />

Sorno est une petite source où l’on fait pousser seulement <strong>de</strong>s légumes. Il n’y a<br />

quasiment pas d’arbres. Le village est composé <strong>de</strong> 4 ou 5 maisons qui n’ont pas<br />

l’électricité. La <strong>route</strong> s’arrête avant les premières cultures. Ici, on utilise encore<br />

l’irrigation traditionnelle qui gâche beaucoup d’eau. Un petit groupe d’hommes et <strong>de</strong><br />

femmes finissent <strong>de</strong> ramasser <strong>de</strong>s carottes et <strong>de</strong>s herbes pour les bêtes. En contrebas,<br />

il y a une belle plage <strong>de</strong> cailloux arrondis par les vagues.<br />

Au retour, Hel<strong>de</strong>r jette sa bouteille d’eau vi<strong>de</strong> dans le ravin. Il sait que je n’aime pas<br />

ça ! Quand il voit ma tête, il promet <strong>de</strong> ne plus jamais le faire, mais il n’a pas l’air<br />

convaincu. Il ne veut pas me croire quand je lui dis qu’il faut plusieurs centaines<br />

d’années pour qu’lle disparaisse.<br />

A Vila Nova Sintra, il m’offre un hamburger. C’est un porceau <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> vache<br />

avec une ron<strong>de</strong>lle <strong>de</strong> tomate et une ron<strong>de</strong>lle <strong>de</strong> concombre dans un petit pain. Le<br />

problème, c’est que la vian<strong>de</strong> n’est pas hachée donc c’est très dur à manger pour<br />

couper la vian<strong>de</strong>… Je m’en mets partout !<br />

J’ai un peu <strong>de</strong> temps dans l’après-midi pour aller voir mes mails et pour faire<br />

quelques courses pour un meilleur dîner.<br />

Fête <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> douzième<br />

Le len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> la cérémonie, il y a une fête dans le lycée pour les élèves qui ont fini.<br />

Les professeurs sont invités et Hel<strong>de</strong>r m’y invite aussi. Il vient me chercher à 21h30<br />

(c’était à 20h) tout bien habillé. Quand on arrive, il y a encore peu <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>. Des<br />

musiciens jouent la morna et vont jouer toute la soirée. C’est magnifique. Quelques<br />

élèves d’Hel<strong>de</strong>r viennent plaisanter avec lui et me parler. Tous m’écoutent réciter<br />

mes quelques phrases <strong>de</strong> créole telle un enfant qui apprend à compter. C’est drôle !<br />

Ensuite, <strong>de</strong>s filles un peu culottées, habillées en vêtements blancs moulants (pour<br />

montrer leur sting !) commencent à me poser <strong>de</strong>s questions par l’intermédiaire<br />

d’Hel<strong>de</strong>r : as-tu un copain ? pourquoi ne mets tu pas <strong>de</strong>s chaussures à talons (pour<br />

marcher sur les pavés <strong>de</strong> Brava c’est risqué !), <strong>de</strong>s minijupes (très courtes ici) ? Ca va<br />

même un peu plus loin. Hel<strong>de</strong>r est gêné <strong>de</strong> me poser ces questions et répond avant<br />

moi. Ca me fait rire. Il essaie <strong>de</strong> justifier pourquoi elles posent ces questions, moi<br />

j’apprends beaucoup sur la société capverdienne. L’une d’elles dit aussi qu’elle me<br />

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trouve jolie mais qu’elle n’est pas gay ! Je suis étonnée <strong>de</strong>s relations élèvesprofesseurs,<br />

on dirait <strong>de</strong>s amis. Jamais je n’aurais abordé ces sujets avec mes profs.<br />

Vient ensuite le dîner (je ne savais pas qu’on mangeait et j’ai déjà dîné…), je me<br />

retrouve à la table <strong>de</strong>s professeurs alors que j’ai l’âge <strong>de</strong>s élèves ! Il y a toujours la<br />

morna, et les gens chantent les refrains connus. On boit <strong>de</strong> l’alcool, le grogue ou <strong>de</strong> la<br />

bière portugaise. Moi je préfère le jus <strong>de</strong> goyave. Les profs autour <strong>de</strong> la table sont<br />

jeunes. Il y a <strong>de</strong>s sénégalais (profs <strong>de</strong> français), ou <strong>de</strong>s guinéens qui viennent au Cap<br />

Vert pour avoir un meilleur salaire. L’ambiance est très détendue, j’ai du mal à me<br />

dire que je suis à la table <strong>de</strong>s profs ! Djom-Paul le prof d’informatique et le comique<br />

du groupe passe la soirée à raconter <strong>de</strong>s blagues en gesticulant, dont un bon nombre<br />

<strong>de</strong> blagues porno. Toute la table est pliée en <strong>de</strong>ux et moi aussi même si je ne<br />

comprends rien, car les gestes sont drôles. Hel<strong>de</strong>r essaie <strong>de</strong> m’en traduire, dont une<br />

qui est drôle mais difficile à raconter quand on ne connaît pas Brava : ici il y a plein<br />

<strong>de</strong> plantes grasses qui font <strong>de</strong>s touffes vertes.<br />

« Ce sont <strong>de</strong>s angolais qui arrivent à Brava en bateau et qui disent : « oh ! ils sont<br />

riches ici. Ils ont beaucoup d’ananas ! »<br />

Djom-Paul imite aussi les autres profs : il y a Mustapha, le prof <strong>de</strong> français sénégalais<br />

qui dit tout le temps « oui oui oui oui oui … » Des parents <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt : « Notre fils<br />

va redoubler ? » « Oui oui oui oui … !!! » C’est vraiment drôle. Je l’aime bien<br />

Mustapha, il est grand et maigre avec <strong>de</strong> grosses lunettes, et à chaque fois que je le<br />

croise dans la rue, il dit : « On se promène ? » « C’est bien ! » Il m’invite lundi avec<br />

Hel<strong>de</strong>r à manger le tiéboudiène, le plat sénégalais car je lui ai dit que je ne<br />

connaissais pas. En attendant, je passe une bonne soirée même si je ne comprends<br />

pas grand-chose. Ce n’est pas en France que les profs raconteraient <strong>de</strong>s blagues<br />

comme ça au milieu <strong>de</strong>s élèves ! Il y a ensuite un bal dans une salle <strong>de</strong> classe. La<br />

musique est beaucoup moins belle que la morna. On danse un garçon avec une fille<br />

bien collés, il faut faire <strong>de</strong>s petits pas, presque immobile. Berk ! C’est pas fait pour<br />

moi ! Comment peut-on danser comme ça toute la nuit ? Je préfère nos petits tonus<br />

où on danse n’importe comment.<br />

J’ai passé une bonne soirée. J’ai appris beaucoup <strong>de</strong> choses sur le Cap Vert.<br />

Truc <strong>de</strong> berger<br />

Le nœud magique pour permettre à la chèvre <strong>de</strong> tourner sans faire <strong>de</strong> nœuds dans sa<br />

cor<strong>de</strong>. Une cor<strong>de</strong> finie par un anneau et une autre qui passe dans l’anneau et<br />

terminée par un nœud, qui peut tourner.<br />

Samedi 15 juillet 2006<br />

Journée sur les hauteurs <strong>de</strong> l’île. Je grimpe chez Hel<strong>de</strong>r d’où commence le sentier qui<br />

va jusqu’au point le plus haut <strong>de</strong> l’île, à 976m. Il paraît que l’on peut y voir la mer<br />

tout autour <strong>de</strong> l’île, et donc l’île en entier. Malheureusement il y a <strong>de</strong>s nuages. Le<br />

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chemin est très beau, pavé au début, puis un sentier. Il y a <strong>de</strong> l’herbe, beaucoup<br />

d’arbres et <strong>de</strong>s fleurs. C’est très plat, nous passons au milieu <strong>de</strong>s champs <strong>de</strong> cultures<br />

pluviales qui vont bientôt être labourés. Ici, c’est le pays <strong>de</strong>s bergers. Nous arrivons<br />

sans difficulté au sommet, où s’étend sous nos yeux un magnifique panorama <strong>de</strong><br />

nuages blancs. Un petit groupe d’adolescents joue aux cartes. Nous nous asseyons en<br />

attendant que le temps se lève. Par moments, nous pouvons voir la partie sud <strong>de</strong> l’île,<br />

vers Cachaço. Les jeunes viennent s’asseoir avec nous et discuter. Ambiance <strong>de</strong><br />

vacances. Ils nous offrent du gâteau et du fanta, et mettent à mon poignet trois<br />

bracelets capverdiens. Ah ! Les bracelets ! Je n’en ai pas encore parlé. Tout le mon<strong>de</strong> a<br />

autour du poignet <strong>de</strong>s bracelets en caoutchouc noir avec un point vert, <strong>de</strong>s enfants<br />

aux vieillards, les profs et les élèves… Quand j’ai remarqué ça j’ai <strong>de</strong>mandé à Hel<strong>de</strong>r<br />

<strong>de</strong> m’expliquer ce que c’était. Ce sont les joints <strong>de</strong>s bouchons <strong>de</strong>s bidons. Juste la<br />

bonne taille pour le poignet, et très joli. Hel<strong>de</strong>r m’en a donné un que j’ai perdu en<br />

jouant avec le garçon que Brigitte a recueilli. On lance à tour <strong>de</strong> rôle son bracelet par<br />

terre et celui qui met son bracelet sur celui <strong>de</strong> l’autre gagne les <strong>de</strong>ux. Il paraît même<br />

qu’ils en fabriquent pour éviter que les gens les piquent sur les bidons.<br />

Nous re<strong>de</strong>scendons car il fait froid au milieu <strong>de</strong>s nuages et le temps ne va pas se<br />

dégager. Nous croisons un berger qui siffle ses chèvres. Il lui en manque huit qui<br />

sont perdues dans le brouillard. Elles lui répon<strong>de</strong>nt, on les sent inquiètes ! Nous<br />

passons à Matu Gran<strong>de</strong> puis nous re<strong>de</strong>scendons jusqu’à Vila Nova Sintra.<br />

Hel<strong>de</strong>r doit m’apprendre à jouer à l’awalé. Nous allons dans un petit bar (seulement<br />

un comptoir) où nous prenons le jeu que nous ouvrons sur la marche <strong>de</strong>hors. Hel<strong>de</strong>r<br />

m’explique vraiment bien, m’apprend les trucs <strong>de</strong> base. C’est plus compliqué que<br />

cela en a l’air ! Nous jouons très très longtemps, à la fin je ne suis plus le jeu et<br />

déplace les graines que les spectateurs me disent !<br />

Dimanche 16 juillet 2006<br />

Nous prévoyons d’aller à Aguada. C’est une baie où il y a l’épave d’un ferry qui a<br />

fait naufrage en voulant s’abriter lors d’une tempête. L’accès à pied est difficile. Les<br />

gens que nous croisons nous regar<strong>de</strong>nt avec <strong>de</strong> grands yeux quand nous leur<br />

annonçons notre <strong>de</strong>stination. Ce n’est pas grave, nous sommes toujours motivés pour<br />

grimper. Nous marchons, marchons jusqu’à <strong>de</strong>s zones désertes. Une dizaine <strong>de</strong><br />

poules et <strong>de</strong>s chèvres nous suivent, étonnées <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>s êtres humains. Nous ne<br />

voyons pas le chemin, personne n’est là pour nous renseigner. Il faut escala<strong>de</strong>r toute<br />

une montagne puis <strong>de</strong>scendre dans la baie qui se cache <strong>de</strong>rrière. Effectivement, cela<br />

doit être très dur, nous n’avons pas le courage d’aller plus loin dans cette direction.<br />

Nous continuons jusqu’à la mer sur une petite pointe. C’est beau.<br />

Au retour, je suis frappée par le silence. Pas une voix, pas un bruissement <strong>de</strong> feuilles.<br />

On entend le sifflement du vol <strong>de</strong>s oiseaux planant au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> nos têtes, ou<br />

quelques cris <strong>de</strong>s bergers très loin en haut <strong>de</strong>s montagnes. Nous passons par Baleia,<br />

qui veut dire la Baleine. C’est un petit village <strong>de</strong> quelques maisons sur une montagne<br />

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allongée vers la mer. Il n’est accessible que par un sentier et l’électricité a été<br />

inaugurée pour la fête <strong>de</strong> la Saint Jean., il y a trois semaines. Nous croisons <strong>de</strong>s<br />

hommes portant <strong>de</strong>s blocs <strong>de</strong> glace sur leurs têtes pour le bar.<br />

Au village suivant, Matu Gran<strong>de</strong>, nous sommes invités à une fête <strong>de</strong>s enfants. Il y a<br />

un grand panneau <strong>de</strong> feuilles et <strong>de</strong> fleurs, avec en haut, le drapeau <strong>de</strong>s Etats-Unis à<br />

l’envers. Ils se sont juste trompés <strong>de</strong> sens. Une personne riche <strong>de</strong>s Etats-Unis envoie<br />

pour la fête d’un saint <strong>de</strong> l’argent pour que l’on prépare une gran<strong>de</strong> marmite <strong>de</strong><br />

soupe que l’on donne à tous les enfants. Des adultes sont aussi invités.<br />

Apparemment cela se fait souvent ici, ce genre <strong>de</strong> fête. Le plat est très bon, il y a<br />

beaucoup d’enfants. Quelqu’un nous apporte <strong>de</strong> petits bouts <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> sur une<br />

assiette et nous dit <strong>de</strong> goûter en <strong>de</strong>vinant ce que c’est. Je n’ai même pas besoin <strong>de</strong><br />

goûter pour savoir que c’est <strong>de</strong> la tortue. J’en prends une bouchée pour goûter, <strong>de</strong><br />

toute façon celle-ci est déjà morte, on ne peut plus la sauver. C’est filandreux et le<br />

goût est fort, enlevant celui <strong>de</strong> la bonne soupe et restant longtemps dans la bouche. Je<br />

m’excuse auprès <strong>de</strong> tous les baleineaux d’avoir mangé <strong>de</strong> la tortue, même une<br />

bouchée ! C’est très mauvais en tout cas, un argument <strong>de</strong> plus pour les laisser en vie.<br />

La pêche est illégale, mais encore beaucoup pratiquée. A Perda Ba<strong>de</strong>jo (île <strong>de</strong><br />

Santiago) , il y a même un endroit où l’on en vend, d’après ce que Maxime m’a dit. La<br />

ponte est aussi un problème, car les plages sont <strong>de</strong>venues touristiques.<br />

Lundi 17 juillet 2006<br />

Matinée à Vila Nova Sintra. Vers midi, je vais avec Hel<strong>de</strong>r au centre <strong>de</strong> soins<br />

(« hôpital » est un bien grand mot) pour rencontrer le mé<strong>de</strong>cin. Nous faisons la<br />

queue comme pour une consultation puis il nous reçoit. Nous parlons <strong>de</strong>s problèmes<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>nts. L’eau <strong>de</strong> Faja d’Agua qui est redistribuée dans toute l’île est trop fluorée, ce<br />

qui ronge les <strong>de</strong>nts. Il faudrait par exemple du <strong>de</strong>ntifrice sans fluor pour les<br />

habitants, mais cela n’existe pas. Comme ce problème <strong>de</strong> concerne qu’une petite<br />

communauté, personne ne s’y intéresse. J’aimerais bien parler un peu plus au<br />

mé<strong>de</strong>cin, mais il a beaucoup <strong>de</strong> patients qui atten<strong>de</strong>nt.<br />

Nous allons chez Moustapha. Il est <strong>de</strong>vant son réchaud à gaz à préparer le<br />

tiéboudiène. Je cajole la fille <strong>de</strong> Diouf ( l’autre prof <strong>de</strong> français sénégalais) qui a un<br />

an. Nous écoutons Césaria Evora. C’est agréable <strong>de</strong> manger un bon plat avec mes<br />

amis Hel<strong>de</strong>r et Moustapha. C’est délicieux. Moustapha nous prépare ensuite le thé<br />

sénégalais. Cela ressemble beaucoup au thé tunisien. Il faut le faire bouillir 35<br />

minutes dans une petite théière. On le boit dans <strong>de</strong> petits verres. La tradition veut<br />

que l’on boive 3 thés <strong>de</strong> suite. Nous restons donc à discuter en attendant qu’ils soient<br />

prêts. Les profs me montrent les livres <strong>de</strong> français. C’est vieillot, aussi bien les photos<br />

que les noms ou les chansons. Nous parlons <strong>de</strong> la France, du TGV, <strong>de</strong>s fromages….<br />

Hel<strong>de</strong>r et moi partons marcher, pas trop loin et doucement car nous avons trop<br />

mangé. Noua faisons le tour <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> Vila Nova Sintra. Nous parlons<br />

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eaucoup, il me raconte sa vie qui n’a pas toujours été facile. Notre amitié s’en trouve<br />

renforcée.<br />

Soirée awalé, toujours au même endroit. Nous jouons sur le comptoir cette fois, et<br />

personne ne m’ai<strong>de</strong> ! Le chinois qui tient le magasin <strong>de</strong> vêtements connaît tous les<br />

jeux d’ici.<br />

Mardi 18 juillet 2006<br />

Je suis toute triste à écrire ces quelques lignes. Demain matin, je quitte Brava ? Sur le<br />

ferry pour arriver (bateau serait un terme plus convenable que ferry …), on me<br />

disait : « Dix jours à Brava ! C’est beaucoup ! » Et ensuite sur l’île, c’était : « 10 jours<br />

seulement, il faut rester plus longtemps ! Tu peux être professeur ici ! » Tout à<br />

l’heure, on m’a dit : « Ah ! Tu pars <strong>de</strong>main… Nous voulions t’inviter samedi<br />

prochain… » Hel<strong>de</strong>r m’a même dit que les gens m’appréciaient, cela m’a touché. Je<br />

prends plaisir dans la rue à saluer les gens que je connais d’un grand geste <strong>de</strong> la main<br />

s’ils sont loin comme le jeune <strong>de</strong> restaurant, ou d’un « Bom dia ! Tudo bom ? ». Serrer<br />

la main à Djom Paul qui fait le singe… Entendre Mustapha dire « On se promène ? »<br />

Quitter l’ami Hel<strong>de</strong>r avec qui j’ai passé la gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> mes journées. Amitié<br />

étonnante qui m’a beaucoup appris. Il a le double <strong>de</strong> mon âge, mais je lui parle<br />

comme à mes copains. Je suis aussi vieille que ses élèves, mais il n’aime pas que je le<br />

lui rappelle. Comme il dit j’ai déjà vécu beaucoup <strong>de</strong> choses malgré mon jeune âge.<br />

Même à Brava, je connais plus d’endroits que beaucoup <strong>de</strong> ses habitants. Quand<br />

Hel<strong>de</strong>r racontait où nous étions allés, certaines personnes ne connaissaient même pas<br />

le nom du lieu. Notre duo étonne. « Elle est professeur ? » Non non ! « C’est ta<br />

femme, ta petite amie ? » Non plus ! Il n’y a pas ce type <strong>de</strong> relation entre nous. Des<br />

fois, il répond oui pour plaisanter. Il a même dit à quelques élèves que j’étais sa fille.<br />

Il fallait voir leurs yeux exorbités !<br />

Il me dit : « J’aurais aimé t’offrir quelque chose <strong>de</strong> Brava mais il n’y a rien ici ! » C’est<br />

vrai. Moi aussi je me suis creusée la tête pour trouver quelque chose à lui offrir, je<br />

n’ai pas réussi. Ce n’est pas grave. J’ai promis <strong>de</strong> lui envoyer <strong>de</strong>s photos par internet.<br />

Et ma <strong>de</strong>rnière journée dans tout ça ?<br />

Ma montre sonne à 6h45. Je veux profiter à fond <strong>de</strong> mon <strong>de</strong>rnier jour. Je passe la tête<br />

à travers les ri<strong>de</strong>aux pour voir…. Les nuages. Oh non ! On ne voit même plus la<br />

maison d’en face. Je voulais prendre <strong>de</strong>s photos <strong>de</strong> la ville… Je retourne un peu dans<br />

mon sac <strong>de</strong> couchage, m’en voulant <strong>de</strong> ne pas avoir sorti mon appareil quelques<br />

jours plus tôt. Après le petit déjeuner (aujourd’hui il y a <strong>de</strong>s biscuits et <strong>de</strong>s bananes,<br />

waouh !), je déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> laver quelques habits. Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> un seau et monte sur la<br />

terrasse près du réservoir d’eau. Céleste, qui travaille à la pension et que j’aime bien<br />

vient me voir faire. Elle observe, puis non ! Ce n’est pas comme ça ! Elle me prend<br />

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mon tee-shirt <strong>de</strong>s mains et me montre le geste pour frotter. Petit à petit, zone par<br />

zone alors que j’allais un peu trop vite ! Elle m’ai<strong>de</strong> à finir, frotte mes culottes. Je suis<br />

un peu gênée mais je réalise qu’elle lave le linge <strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong> à la pension. Elle<br />

me montre ensuite comment utiliser la planche avec mon pantalon plein <strong>de</strong> poussière<br />

<strong>de</strong>s chemins, puis comment rincer et essorer. Elle rit bien quand je lui parle <strong>de</strong>s<br />

machines à laver, cela n’existe pas ici. J’aime bien quand elle me répond : « Oui mais<br />

quand la machine ne lave pas bien, tu es obligée <strong>de</strong> frotter à la main ! »<br />

Heureusement que non ! Je mets mes habits à sécher au milieu <strong>de</strong>s nuages, on verra<br />

bien ce soir.<br />

Je grimpe comme prévu rejoindre Hel<strong>de</strong>r chez lui. Il voulait me faire monter pour<br />

voir la vue. C’est fichu, il y a toujours les nuages qui bouchent la vue à moins <strong>de</strong> dix<br />

mètres. Cela ne va pas se lever <strong>de</strong> la journée. On re<strong>de</strong>scend à Vila Nova Sintra. C’est<br />

très étrange ces nuages. On entend les voix et les animaux partout, mais on est<br />

aveugles. On sent la vie qui grouille tout autour, mais on ne voit rien, on est seuls.<br />

Direction l’awalé <strong>de</strong> chez Madona (le nom du bar ou du patron, j’ai pas bien<br />

compris). Nous nous asseyons <strong>de</strong>vant sur la marche. J’arrive à gagner, avec les<br />

conseils d’Hel<strong>de</strong>r et les gestes discrets <strong>de</strong>s hommes qui regar<strong>de</strong>nt ! Nous enchainons<br />

partie sur partie, je ne vois pas le temps passer, je crois que nous jouons 2 heures. Les<br />

nuages sont toujours avec nous. Le bar ferme, nous laissons l’awalé et marchons dans<br />

la ville. C’est le jour et l’heure où les points <strong>de</strong> vente d’eau sont ouverts. Nous en<br />

visitons 3 ou 4. Je réalise alors que beaucoup <strong>de</strong> maisons n’ont pas l’eau courante. Les<br />

femmes portent <strong>de</strong> hauts récipients sur leurs têtes. Les hommes chargent les ânes ou<br />

les brouettes. Chacun fait <strong>de</strong>s aller-retours. Le prix est dérisoire, 6 escudos pour 20<br />

litres. (1€ = 110 escudos). Il y a un gardien qui récupère les petites pièces jaunes ou<br />

cuivrées <strong>de</strong> 1 et 5 escudos.<br />

Nous marchons jusqu’à Nos Senhor do Montes, en discutant ou en répétant <strong>de</strong>s<br />

phrases créoles. Nous ne voyons rien à plus <strong>de</strong> 15-20 mètres. Là on est censé voir<br />

toute la ville, mais on ne voit que du blanc. Nous imaginons alors une ville avec<br />

rivière, piscines, pelouses, auto<strong>route</strong>s et métro se cachant en <strong>de</strong>ssous. Hel<strong>de</strong>r<br />

s’imagine pêcheur, et moi ven<strong>de</strong>use <strong>de</strong> poisson qui grimpe les montagnes avec ma<br />

bassine sur la tête en criant : « Nhos cumpra peixe ! » Achetez mon poisson. Comme<br />

il n’aime pas la mer, je lui propose d’inverser les rôles. Seules les femmes ven<strong>de</strong>nt le<br />

poisson, alors il est vexé !<br />

Mercredi 19 juillet 2006<br />

Anniversaire <strong>de</strong> mon frère Jean-Baptiste qui est au Maroc. Papa et Maman sont dans<br />

l’avion pour aller en Chine. Et moi je suis en plein milieu <strong>de</strong> l’Océan Atlantique, non<br />

loin <strong>de</strong> l’île <strong>de</strong> Fogo qui n’apparaît même pas sur un planisphère. Même le chat a<br />

voyagé pour aller à Jard se faire gar<strong>de</strong>r par Mamie.<br />

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Le Barlavento (copie conforme du Sotavento qui m’a amenée à Brava) me ramène à<br />

Praia. Voyage <strong>de</strong> jour cette fois ci. Ce matin, mon réveil a encore sonné à 6h45, et<br />

miracle, les nuages avaient disparu. J’ai fait vite mon sac, pris mon Kafé, il y avait du<br />

cuscus, sorte <strong>de</strong> pain <strong>de</strong> semoule. J’ai attrapé mon appareil photo pour gar<strong>de</strong>r un<br />

souvenir <strong>de</strong>s rues <strong>de</strong> Vila Nova Sintra. 2-3 photos, puis plus <strong>de</strong> batteries… Cet<br />

appareil a le défaut <strong>de</strong> ne pas dire à l’avance l’état <strong>de</strong>s batteries. Au quatrième<br />

magasin, je trouve <strong>de</strong>s piles. Ouf ! Je paye 4 piles 150 escudos, ça fait un drôle <strong>de</strong> prix<br />

pour une pile quand on divise par 4, mais ce n’est pas grave !<br />

A 9 heures, je retrouve Hel<strong>de</strong>r pour <strong>de</strong>scendre à Furna, le port, en aluguer afin d’être<br />

à 10 heures sur le quai. Nous sommes à l’heure mais pas le bateau qui ne pointe le<br />

bout <strong>de</strong> son étrave que vers midi. L’heure capverdienne ! Il y a un perpétuel décalage<br />

horaire <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux heures. Le bateau vient <strong>de</strong> Fogo et repart à Praia. Comme à l’aller,<br />

tous les passagers <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt, même ceux qui font Fogo-Praia, pour remonter et être<br />

comptés. Quelle organisation ! J’attends le <strong>de</strong>rnier moment pour monter, je n’ai pas<br />

envie <strong>de</strong> faire la queue en plein soleil. Au revoir à Hel<strong>de</strong>r, je sais que comme moi il<br />

est triste, mais content <strong>de</strong> m’avoir connu. Djom-Paul est là aussi et me souhaite bon<br />

voyage en français. Mustapha prend aussi le bateau pour rentrer à Dakar voir sa<br />

famille qu’il a laissée <strong>de</strong>puis 11 mois. Comme il a le mal <strong>de</strong> mer, il a pris une<br />

couchette et <strong>de</strong>s médicaments.<br />

Je me trouve un petit coin tranquille sur un coffre contenant <strong>de</strong>s gilets <strong>de</strong> sauvetage,<br />

mais en plein soleil. Les coins à l’ombre sont bondés, même par terre. Tant pis. Je<br />

m’étale trois fois <strong>de</strong> suite <strong>de</strong> la crème solaire et me cache sous mon foulard rose. Je<br />

me suis endormie, toute triste, bercée par les vagues, et quand j’ai relevé la tête, on ne<br />

voyait plus Brava dans les nuages. Fini. Ca m’a fait mal au cœur.<br />

La mer est plus agitée dès que l’on dépasse Fogo. Une vague arrose le pont <strong>de</strong>s<br />

marchandises mouillant au passage les quelques chèvres qui ont l’air <strong>de</strong> se sentir<br />

mal. D’où viennent toutes ces vagues ? Ont-elles traversé l’Océan ? Le vent leur<br />

blanchi la crête. Les enfants ont le visage grave à cause du roulis. Des hommes<br />

dorment dans les canots <strong>de</strong> sauvetage. Je suis bien calée, perchée tout en haut près <strong>de</strong><br />

la cheminée qui ronfle, à observer tout. Tiens, un sac où est écrit le nom <strong>de</strong> son<br />

propriétaire : Djony, orthographe capverdienne du prénom américain. Un sac<br />

plastique qui vole jusque dans l’eau, oh non, c’est une tortue qui va mourir d’avoir<br />

mangé une méduse empoisonnée.<br />

Pério<strong>de</strong> un peu plus difficile ensuite. La fille à côté <strong>de</strong> moi vomit par terre, il y en a<br />

partout, mon sac s’en sort sain et sauf. Quelques jeunes <strong>de</strong> Brava s’assoient avec moi,<br />

l’un parle anglais, on discute, quand…. Berk ! Il y a <strong>de</strong>s gouttelettes <strong>de</strong> vomi qui<br />

volent sur nous… Des filles vomissent au vent (= du côté du bateau où le vent arrive)<br />

et cela en met partout. Le voyage est moins drôle d’un coup. Je n’en ai presque pas<br />

sur moi, mon sac, lui, a quelques taches. Je ne peux même pas changer <strong>de</strong> place, il n’y<br />

a nulle part où aller, et tout le sol est souillé. Il commence à faire froid, on n’arrive<br />

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que dans 3 heures…Je commence à tout voir en noir. Ni une ni <strong>de</strong>ux, Françoise il faut<br />

que tu t’actives pour te changer les idées. Je monte mon sac sur mon perchoir le<br />

coffre <strong>de</strong>s gilets <strong>de</strong> sauvetage, je peux ainsi le nettoyer et sortir mon pull. Ne plus<br />

avoir froid me fait déjà beaucoup <strong>de</strong> bien. Je mange mon <strong>de</strong>rnier pain <strong>de</strong> Brava que<br />

j’ai acheté tout chaud hier après-midi, sans vache-qui-rit tellement il est bon. J’ai juste<br />

envie <strong>de</strong> faire pipi, je dois tenir jusqu’à Praia, je n’ose pas imaginer l’état <strong>de</strong>s toilettes<br />

avec la mer. Tout va mieux, je peux m’appuyer contre mon sac à dos. La nuit tombe.<br />

Je fredonne <strong>de</strong>s chansons que personne n’entend sauf le vent. Le gars <strong>de</strong> Brava qui<br />

parle anglais me fait rire avec <strong>de</strong>s paroles simples et bêtes. Il m’offre un fromage <strong>de</strong><br />

Fogo.<br />

Arrivée à Praia, je remarque que même les lampadaires du Plateau sont éteints. Sur<br />

le quai, j’essaye <strong>de</strong> retrouver Mustapha pour lui souhaiter bon voyage et lui dire au<br />

revoir, mais je ne le vois pas, queda, c’est comme ça. Je prends un taxi jusqu’à chez<br />

Cristina. Il est 22 heures, c’est ce que je lui avais dit.<br />

Jeudi 20 juillet 2006<br />

J’ai une idée qui me trotte dans la tête <strong>de</strong>puis quelques jours pour occuper cette<br />

journée. Dans le bateau pour Fogo, j’avais rencontré un jeune français qui faisait un<br />

stage pour une ONG dans un centre pour jeunes à Pedra Ba<strong>de</strong>jo, une petite ville au<br />

nord <strong>de</strong> l’île. Il m’avait dit que je pourrais passer et qu’ils avaient monté un projet<br />

pour amener l’eau dans un village qui m’intéresserait. C’est l’occasion ou jamais.<br />

Mais avant, je dois acheter mon billet <strong>de</strong> bateau pour Min<strong>de</strong>lo. Le père <strong>de</strong> Cristina<br />

m’a indiqué où se trouvait le bureau <strong>de</strong> la STM où on les vend, heureusement car ce<br />

n’était pas facile à trouver. Quand j’arrive, tout est fermé. Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à côté, ils me<br />

répon<strong>de</strong>nt qu’il faut attendre la personne qui est partie faire une course ! Quand elle<br />

revient, je suis toute contente car j’arrive à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r ce que je veux en créole et je<br />

comprends ses réponses.<br />

Je prends le Tarrafal <strong>de</strong>main à 20 heures. Il est plus gros que les Sotavento et<br />

Barlavento, c’est un vrai ferry.<br />

Je file au marché <strong>de</strong> Sucupira prendre un Hyace pour Pedra Ba<strong>de</strong>jo. Il ne met pas<br />

beaucoup <strong>de</strong> temps à se remplir <strong>de</strong> femmes avec <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s bassines pleines <strong>de</strong><br />

maquereaux. A la sortie <strong>de</strong> Praia, il y a <strong>de</strong>ux policiers qui relèvent les plaques <strong>de</strong><br />

Hyace trop remplis. Notre chauffeur avait été prévenu et dépose 3 passagers sur le<br />

bord <strong>de</strong> la <strong>route</strong>, dépasse les policiers et attend un peu plus loin. Voilà alors les trois<br />

passagers qui ont fait quelques centaines <strong>de</strong> mètres en stop et qui remontent dans le<br />

Hyace ! La <strong>route</strong> est goudronnée s’est allongée <strong>de</strong>puis mon <strong>de</strong>rnier passage. Des<br />

champs ont été labourés à l’approche <strong>de</strong> la saison <strong>de</strong>s pluies.<br />

23


Je suis heureuse, à l’avant du Hyace à voir du pays et à sentir mes fesses décoller à<br />

chaque creux dans la <strong>route</strong>. Toutes les voitures roulent en zig-zag. Au début, c’est<br />

vraiment bizarre et pas rassurant. En fait, les chauffeurs évitent les trous. Dès qu’il<br />

manque un ou <strong>de</strong>ux pavés, ceux d’à côté partent aussi car ils ne sont plus tenus et<br />

petit à petit, le creux s’élargit. Et s’il n’y a personne en face et que la <strong>route</strong> est<br />

meilleure, ils roulent à gauche.<br />

L’animation <strong>de</strong> Pedra Ba<strong>de</strong>jo se concentre dans une rue principale où le Hyace me<br />

dépose. Je trouve facilement le centre Katchas (un célèbre guitariste) et j’aperçois<br />

Maxime par la fenêtre. Il est bien étonné <strong>de</strong> me voir ! Il me fait visiter le centre pour<br />

les jeunes, c’est très bien fait, il y a une salle informatique avec internet, une<br />

bibliothèque, et ils sont en train d’installer une radio qui va émettre dans la ville et<br />

les villages voisins. Il me parle du projet sur l’eau pour le village voisin, puis me fait<br />

visiter la ville. Il y a <strong>de</strong>s maisons dans tous les sens, pas vraiment <strong>de</strong> rues et <strong>de</strong>s<br />

déchets partout, <strong>de</strong>s cochons en liberté et beaucoup d’enfants. C’est bien différent<br />

<strong>de</strong>s rues paisibles et propres <strong>de</strong> Brava, un autre mon<strong>de</strong>. A midi, Maxime est invité au<br />

déjeuner d’un baptême, je peux sans problème y aller avec lui. Cela se passe sur le<br />

toit d’une maison. Il y a d’énormes plats préparés <strong>de</strong>hors dans <strong>de</strong>s marmites géantes<br />

par les femmes. Tout le mon<strong>de</strong> se sert et mange assis sur un muret ou <strong>de</strong>bout.<br />

Maxime et moi, nous sommes contents <strong>de</strong> pouvoir goûter tant <strong>de</strong> plats : <strong>de</strong>s haricots,<br />

du mais pilé, <strong>de</strong>s bananes vertes, <strong>de</strong>s nouilles bouillies et le riz omniprésent. Il veut<br />

absolument que je goûte le punch et le grogue (alcool <strong>de</strong> canne à sucre). C’est hyper<br />

fort, une gorgée me suffit. En <strong>de</strong>ssert il y a un buffet <strong>de</strong> gâteaux. Les tables sont<br />

ensuite vite enlevées pour permettre aux jeunes <strong>de</strong> danser, musique à fond, un gars<br />

et une fille collés-serrés. Nous repartons. Nous rencontrons un français dépressif qui<br />

a <strong>de</strong>s moches chambres d’hôte. Je reprends ensuite un Hyace pour ne pas arriver trop<br />

tard à Praia. Sur la <strong>route</strong>, il pleut quelques gouttes.<br />

A Praia, il y a la manifestation contre Electra. Elle ne regroupe pas grand mon<strong>de</strong><br />

pour l’ampleur du problème. Je passe la soirée à somnoler avec Cristina et ses amis.<br />

Nous allons manger un truc qui ressemble à un kébab dans un pain roulé. C’est bon.<br />

Ensuite, l’un <strong>de</strong> ses amis nous emmène en voiture faire <strong>de</strong>s tours et <strong>de</strong>s tours dans la<br />

ville, je ne sais pas trop si c’est pour passer le temps ou me montrer Praia, mais je n’ai<br />

qu’une envie, c’est dormir ! Je visite quand même la capitale éclairée par les rares<br />

lampadaires allumés.<br />

Ah ! J’allais oublier ! J’ai parlé à la fille du Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République sans le savoir !<br />

C’est une amie <strong>de</strong> Cristina très gentille, qui parle un peu français. Elle avait un beau<br />

sac d’artisanat capverdien. Cristina m’a dit après qui c’était. Elle plaisantait bien<br />

avec cela quand elle était étudiante au Brésil. Ici, cela n’est pas intriguant, le pays est<br />

si petit. Il y a autant d’habitants qu’à Nantes.<br />

24


Vendredi 21 juillet 2006<br />

19h35 A bord du Tarrafal, dans le port <strong>de</strong> Praia, d »part 20h00 (normalement, mais<br />

bon, au Cap Vert…)<br />

QUEL PLAISIR D’ÊTRE A BORD D’UN BATEAU !<br />

C’est un vrai ferry cette fois, avec <strong>de</strong>s voitures, un bar, 1 e et 2 e classe… J’en ai déjà fait<br />

le tour, il est petit. Ils passent le CD <strong>de</strong> Césaria Evora que j’ai chez moi, je me<br />

sentirais presque chez moi ici aussi. Je me suis trouvé un petit coin avec <strong>de</strong>ux grands<br />

hublots. S’il n’y a pas grand mon<strong>de</strong>, je pourrai m’allonger sur les sièges. Au pire, je<br />

pourrai me trouver un banc tranquille <strong>de</strong>hors. Il fait chaud, mais c’est partout pareil<br />

à Praia, la petite <strong>de</strong> Brava n’est plus habituée ! Kalor, comme on dit ici. J’espère que<br />

les gens ne vont pas trop vomir, dans mon petit coin je <strong>de</strong>vrais être à l’abri. Il y a <strong>de</strong>s<br />

bassines recouvertes d’un sac poubelle au bout <strong>de</strong> chaque rangée. J’attends d’être<br />

partie pour me faire un sandwich au fromage <strong>de</strong> Fogo offert sur le Barlavento.<br />

Miam !<br />

Nous partons à 22h35, j’ai presque envie <strong>de</strong> dire en avance ! J’ai déjà discuté avec<br />

plusieurs personnes. Je suis la seule blanche à bord, j’aime ça !<br />

De l’autre côté du quai, on chargeait le Barlavento qui larguait les amarres un peu<br />

plus tard. Le voir rétrécir au loin m’éloigne un peu plus <strong>de</strong> Brava…<br />

Qu’ai-je fait dans la journée ?<br />

Je me suis levée un peu plus tard que d’habitu<strong>de</strong> (9h, quelle grasse mat !) car j’ai mal<br />

dormi malgré la fatigue, il faisait chaud et un moustique m’a obligée à fouiller dans<br />

mon sac pour trouver mon anti-moustiques en plein nuit. Il est revenu après que je<br />

me suis aspergée, ce n’est pas efficace. J’ai passé la matinée chez Cristina à finir <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>ssins ou <strong>de</strong>s pages <strong>de</strong> ce carnet. J’ai écrit <strong>de</strong>s cartes pour les grands parents qui<br />

n’ont pas <strong>de</strong> nouvelles par internet. L’après-midi, je me suis baladée dans la ville.<br />

A 19 heures, Armando (ami portuguais d’Hospitality Club) est venu me chercher<br />

avec sa voiture pour me conduire au port avec Cristina.<br />

Ah ! La suite du voyage ! C’est grand confort. Après mon pique-nique, j’essaye <strong>de</strong><br />

dormir allongée sur les sièges. Il fait vraiment trop chaud, alors je vais <strong>de</strong>hors. Je<br />

trouve un pont tranquille sur bâbord, près <strong>de</strong>s cabines <strong>de</strong> l’équipage. Il y a un banc<br />

vi<strong>de</strong> qui me tend les bras pour que je dorme sur lui ! J’attends un peu avant d’aller<br />

chercher mes sacs. Un membre <strong>de</strong> l’équipage, capitaine ou second, vient me parler en<br />

français. Super sympa ! Il va faire la navigation <strong>de</strong> Sao Nicolau à Sao Vicente. Pour<br />

l’instant, il est <strong>de</strong> quart pour surveiller les passagers jusqu’à minuit. Ce soir, c’est<br />

tranquille, il me dit qu’il y a 140 voyageurs pour 800 places. Il connaît le nord <strong>de</strong> la<br />

France pour y être allé en cargo. Il me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> trois fois si j’ai mangé, oui j’ai déjà<br />

mangé ! Puis il me conduit finalement dans la cuisine pour l’équipage. On m’apporte<br />

une soupe et un jus <strong>de</strong> fruits, je reste seule à manger, mon ami étant parti faire le tour<br />

du bateau. Quand il revient, j’ai fini, c’était bon d’ailleurs, il me conduit dans le salon<br />

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VIP où il reste <strong>de</strong>s places. Waouh ! Je vais bien dormir, il savait que j’avais une place<br />

normale. Le salon VIP, ce sont d’énormes sièges moelleux qui s’inclinent beaucoup,<br />

avec un repose-pieds. La première classe en quelque sorte, il y a les VIIP et les autres.<br />

C’était 1000 escudos <strong>de</strong> plus (9€50). Je suis ravie, c’est une croisière <strong>de</strong> luxe. Vers<br />

6h30, le jour se lève. Il y a une gran<strong>de</strong> baie vitrée <strong>de</strong> hublots qui permettent <strong>de</strong> voir<br />

l’horizon. On commence à apercevoir Sao Nicolau. Je laisse les VIP après avoir utilisé<br />

leurs toilettes plus propres. Petit déjeuner sur le pont, on longe toute l’île. Il y a <strong>de</strong>s<br />

poissons volants et <strong>de</strong>s ailerons, peut-être <strong>de</strong>s requins, c’était bizarre. Arrivée à<br />

l’heure à Sao Nicolau. Il y a <strong>de</strong>ux heures d’escale, j’ai le temps <strong>de</strong> faire un tour dans<br />

Tarrafal (tout s’appelle Tarrafal ! Le ferry mais aussi plusieurs villes dans <strong>de</strong>s îles<br />

différentes, dont le port <strong>de</strong> Sao Nicolau), la petite ville portuaire. Il pleut quelques<br />

gouttes.<br />

Le trajet Sao-Nicolau – Min<strong>de</strong>lo ! Croisière <strong>de</strong> rêve, je me transforme en petite<br />

princesse du Tarrafal. L’ami second me fait entrer dans la cabine <strong>de</strong> pilotage. C’est la<br />

première fois que j’y pénètre en vrai, c’est génial ! Il y a une belle vue. Les machines<br />

sont très anciennes, le bateau a 35 ans et était avant aux Canaries. C’est le départ. Une<br />

caméra permet <strong>de</strong> surveiller la fermeture <strong>de</strong> la porte pour les véhicules. Ensuite, seul<br />

un homme fait la manœuvre. Une fois en <strong>de</strong>hors du port, le pilote automatique fait<br />

tout. Seuls <strong>de</strong>ux hommes veillent. Il faut juste regar<strong>de</strong>r le radar <strong>de</strong> temps en temps (il<br />

n’y a pas un bateau <strong>de</strong> tout le trajet) et appuyer toutes les 4 min sur le bouton du<br />

pilote pour assurer qu’il y a une présence humaine. Le carnet <strong>de</strong> bord est rempli peu<br />

souvent, je détecte même une erreur, le commendant a écrtit qu’on allait à Praia au<br />

lieu <strong>de</strong> Min<strong>de</strong>lo !<br />

Une femme vient servir <strong>de</strong>s bières, j’ai droit à un jus <strong>de</strong> fruits, perchée sur les grands<br />

sièges <strong>de</strong> veille. Je suis bien ! Devant nous se dressent les trois petits îlots inhabités,<br />

dont Santa Luzia, qui est comptée dans les dix îles <strong>de</strong> l’archipel. A midi, je mange<br />

avec le commandant. Le samedi, c’est cachupa ! Celle-ci est bonne, avec une gran<strong>de</strong><br />

variété <strong>de</strong> haricots, du thon, <strong>de</strong>s saucisses…<br />

L’ami second me rajoute une pomme <strong>de</strong> terre et <strong>de</strong>s saucisses. Je mange trop… J’ai<br />

oublié <strong>de</strong> dire que le cuisinier m’avait offert une pomme à Tarrafal. Mon ventre va<br />

exploser. On remonte aux comman<strong>de</strong>s. Le capitaine m’explique le rôle <strong>de</strong> chaque<br />

machine, le compas électrique avec les décimales, le compas magnétique <strong>de</strong> sécurité.<br />

La VHF antique, les panneaux avec plein <strong>de</strong> voyants… C’est vraiment tranquille. La<br />

musique diffusée dans le bateau diffuse ici aussi. Quel voyage ! Je me sens vraiment<br />

chez moi. Comme je somnole, je les quitte en les remerciant et m’allonge sur un banc<br />

du self qui n’est plus un self mais une salle pour les passagers. Je dors jusqu’à<br />

l’arrivée dans la baie <strong>de</strong> Min<strong>de</strong>lo. C’est très beau, il y a un grand port <strong>de</strong> commerce.<br />

En <strong>de</strong>scendant je remercie beaucoup l’aquipage, le second me laisse son téléphone.<br />

Cette traversée était magique.<br />

J’ai le mal <strong>de</strong> terre, le sol monte et <strong>de</strong>scend sous mes pieds. Je dois être fatiguée. J’ai<br />

trouvé une chambre pas chère dans une pension, très vieillot et spartiate, salle <strong>de</strong><br />

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ains eau froi<strong>de</strong> eu bout du couloir, mais cela me convient. J’ai fait un tour dans la<br />

ville, <strong>de</strong>ux nigérians super collants sont venus me parler, comme je voulais être<br />

tranquille j’ai été un peu froi<strong>de</strong>. Ils ont commencé à parler <strong>de</strong> racisme, etc. Je crois<br />

que leur seul but était d’obtenir une adresse en France. Je ne voulais pas être<br />

méchante, mais j’ai bien senti qu’ils voulaient quelque chose. Ils prennent le même<br />

bateau que moi <strong>de</strong>main, je n’ai pas hâte <strong>de</strong> les revoir !<br />

Min<strong>de</strong>lo est sur l’île <strong>de</strong> la fête et <strong>de</strong>s nuits musicales. Nous sommes samedi soir. J’ai<br />

vraiment la flemme <strong>de</strong> sortir même si j’aimerais bien écouter un peu <strong>de</strong> belle<br />

musique.<br />

Dimanche 23 juillet 2006<br />

Sur le Mar D’Canal entre Min<strong>de</strong>lo et Porto Novo. Encore sur un bateau. Une heure<br />

<strong>de</strong> traversée, il faut que j’en profite, je vais rester longtemps à terre après. C’est un<br />

ferry plutôt mo<strong>de</strong>rne, plein <strong>de</strong> touristes. Il y avait aussi un plus petit bateau moitié<br />

moins cher mais il ne fait pas la traversée le dimanche. Tant pis. J’ai laissé ma petite<br />

chambre <strong>de</strong> pension à 7 heures, même le gardien dormait comme toute la ville<br />

d’avoir fait la fête trop longtemps. Il y a eu énormément <strong>de</strong> bruit jusqu’à 4 heures au<br />

moins, cela ne m’a pas empêché <strong>de</strong> dormir. Petit déjeuner pain-fromage <strong>de</strong> Fogo et<br />

jus <strong>de</strong> goyave sur le pont avant le départ. La mer est toute plate malgré le vent.<br />

J’arrive à me décoller <strong>de</strong>s nigérians.<br />

Arrivée à Porto Novo, je dois y passer la journée et prendre l’aluguer qui ramène les<br />

passagers au bateau <strong>de</strong> 17 heures. Je ne peux pas aller trop loin car j’ai mon gros sac<br />

sur le dos. Le ville est morte, le dimanche tout est fermé. Je rencontre un guinéen<br />

(Guinée Konakry car il parle anglais) qui a une vie super triste, pas d’amis, parlant<br />

peu le créole, toute sa famille en Guinée. Son seul rêve est d’obtenir un visa européen<br />

ou américain pour aller faire du « business » c'est-à-dire acheter <strong>de</strong>s vêtements,<br />

chaussures, radios etc qu’il revend ici. Il y a beaucoup d’hommes d’Afrique <strong>de</strong><br />

l’ouest qui viennent au Cap Vert car ils n’ont pas besoin <strong>de</strong> visa et le niveau <strong>de</strong> vie<br />

plus élevé leur fait gagner plus que dans leur pays.<br />

Il m’offre un malta (jus <strong>de</strong> malte sucré qui ressemble un peu au coca et qui vient <strong>de</strong><br />

Hollan<strong>de</strong>) et un (moche) foulard (je l’offrirai à quelqu’un). Je lui offre les <strong>de</strong>ux<br />

mangues qu’il me reste, il ne doit pas en manger souvent vu comment il a eu l’air<br />

d’apprécier la première. Je le laisse, je commence à déprimer tellement sa vie est<br />

triste. C’est horrible. Je ne peux rien faire pour l’ai<strong>de</strong>r. Je vais ensuite attendre à la<br />

terrasse d’un café près du port, surveiller les aluguers. Je <strong>de</strong>ssine.<br />

Vers 16 heures, je prends le premier aluguer qui repart, direction Ribeira Gran<strong>de</strong>,<br />

puis Pedracin, <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> l’île. On fait monter une pauvre chèvre sur le toit. Je<br />

suis <strong>de</strong>vant, c’est bien pour la vue, il paraît qu’elle est belle. La <strong>route</strong> pavée monte en<br />

pente douce sur les terres sèches <strong>de</strong>rrière Porto Novo. D’un coup, les virages sont<br />

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plus serrés, la pente est plus forte. L’aluguer se retrouve sous une forêt <strong>de</strong> pins et<br />

d’eucalyptus. Je suis pourtant bien au Cap Vert ! Le décor est si différent <strong>de</strong> ce que<br />

j’ai déjà vu du pays. Les couleurs et les o<strong>de</strong>urs sont aussi nouvelles pour moi. C’est<br />

tout simplement beau. Un autre visage du Cap Vert. Nous longeons un ancien<br />

cratère cultivé. Plus loin, c’est encore plus différent, immense, grandiose, haut. Il y a<br />

<strong>de</strong>s pics rocheux qui s’étirent vers le ciel, <strong>de</strong>s falaises énormes laissant entre elles la<br />

place à <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s ribeiras rayées <strong>de</strong> vert par les terrasses cultivées. L’impression<br />

que cela me donne, c’est qu’il y a une exagération verticale énorme, comme dans les<br />

coupes géologiques faites en prépa. On dirait aussi, mais cela n’est pas en accord<br />

avec la beauté du lieu, que l’on a étiré à l’ordinateur la verticale du paysage. Tout est<br />

trop haut. La <strong>route</strong> est perchée dans la falaise, un vi<strong>de</strong> immense sur la droite.<br />

L’aluguer roule à gauche tellement la piste <strong>de</strong> droite est défoncée près du muret qui<br />

sépare du vi<strong>de</strong>. Mon cerveau <strong>de</strong> pense plus à rien d’autre que : « Waouh ! C’est… »<br />

pas <strong>de</strong> mot pour le dire, grandiose peut-être mais ce n’est pas encore assez fort. Je ne<br />

m’attendais pas à voir cela, sur ma carte, c’est tout plat ! Heureusement que je suis<br />

dans l’aluguer, sinon je resterais plusieurs jours à regar<strong>de</strong>r. Paysage à couper le<br />

souffle car on ne pense plus a respirer tellement la vue fascine. Quand on re<strong>de</strong>scend<br />

jusqu’à la mer vers Ribeira Gran<strong>de</strong>, les reliefs s’amenuisent.<br />

Une fois en ville, l’avant-<strong>de</strong>rnier passager <strong>de</strong>scend. Je me retrouve toute seule avec le<br />

chauffeur. Il commence à m’expliquer qu’il va me faire payer 1000 escudos (plus <strong>de</strong><br />

9€) pour aller d’ici à Pedracin à 7 km. Non mais ça va pas ! En aluguer c’est 80<br />

escudos maximum. Il se prend pour un taxi car il n’est rempli que d’une touriste. Je<br />

suis en colère. J’aurais facilement pu en prendre un allant à Pedracin à Porto Novo. Je<br />

<strong>de</strong>scends là déçue, payant le prix normal pour Ribeira Gran<strong>de</strong>. J’interroge plusieurs<br />

personnes me disant qu’il est dificile <strong>de</strong> trouver un aluguer à cette heure un<br />

dimanche. Youpi ! J’attends sur le muret <strong>de</strong> la <strong>route</strong> pour Pedracin qui n’est autre sue<br />

le fond <strong>de</strong> la Ribeira. J’arrête le permier aluguer que je vois après une dizaine <strong>de</strong><br />

minutes. Il veut bien me prendre, mais dépose les autres passagers avant. Super, je<br />

monte soulagée <strong>de</strong> ne pas rester bloquée à Ribeira Gran<strong>de</strong> qui est tout petit et mort.<br />

Les passagers <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt à Boca <strong>de</strong> Coruja. Je <strong>de</strong>scends aussi pour finir à pied,<br />

Pedracin est juste après. L’aluguer ne me fait rien payer, ni aux autres passagers (sa<br />

famille ou ses amis je crois). Je trouve facilement la maison <strong>de</strong> Norbert et Martine,<br />

jaune vif <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> la ribeira, aux pieds <strong>de</strong>s terrasses <strong>de</strong> canne à sucre. Elle est<br />

toute neuve, belle. Ma chambre est luxueuse pour une zellidjéenne, grand lit, bureau,<br />

et une piscine sur la terrasse. Lisa, la petite fille <strong>de</strong> Norbert et Martine est là, elle a dix<br />

ans. Je me sens en vacances. Martine cuisine très bien, avec les fruits du jardin. Cela<br />

me change du pain-vache-qui-rit <strong>de</strong> Brava (que j’apprécie aussi pour sa simplicité !)<br />

Lundi 24 juillet 2006<br />

Je pars à la découverte <strong>de</strong> fond <strong>de</strong> la ribeira où se trouve la maison. Je suis au début<br />

accompagnée <strong>de</strong> Norbert et Lisa qui promènent les chiens. Je continue seule sous<br />

l’aqueduc à gauche, direction Cailbros. Une personne marchant dans la même<br />

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direction vient naturellement m’accompagner. Quand sa <strong>route</strong> suite la mienne, c’est<br />

quelqu’un d’autre. Je dois trouver Manuela, une jeune parlant le français, car Norbert<br />

m’a chargé d’une mission, rapporter le numéro <strong>de</strong> téléphone <strong>de</strong> son pre qui gère <strong>de</strong>s<br />

aluguers. On me gui<strong>de</strong> jusqu’à sa maison. Une femme et <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> ses enfants allant<br />

chercher <strong>de</strong> l’eau, je vois ainsi un point d’eau bien caché, puis un jeune silencieux. Je<br />

trouve Manuela, elle est très gentille et parle bien français pour son âge, n’ayant<br />

appris qu’à l’école (elle a 14 ans). Je prends le numéro et lui offre un bracelet ainsi<br />

qu’à ses frères et sœurs, elle m’en offre un aussi ainsi qu’un verre <strong>de</strong> lait qu’elle a<br />

trait elle-même. Elle doit en porter à une vieille dame, je fais un bout <strong>de</strong> chemin avec<br />

elle. Quand elle est arrivée, je me promets <strong>de</strong> repasser la voir. Le chemin serpente<br />

entre les cannes à sucre et les maisons, puis au-<strong>de</strong>ssus. Maintenant je suis toute seule<br />

car personne ne passe ici. La vue sur la ribeira es splendi<strong>de</strong>, les montagnes étroites<br />

toutes découpées, les gran<strong>de</strong>s falaises,puis dans le creux <strong>de</strong>s terrasses <strong>de</strong> canne à<br />

sucre, <strong>de</strong>s petites maisons. De l’autre côté <strong>de</strong> la montagne, c’est Riberao. Le haut est<br />

plus sec. J’entends les lézards filer dans les pierreset les herbes sèches à mon<br />

approche. Tout est silencieux à part ça et <strong>de</strong>ux ou trois oiseaux. Dans le village, c’est<br />

plus vert et plus plat, permettant l’installation du goutte à goutte et la culture <strong>de</strong><br />

légumes. Je suis étonnée d’entendre <strong>de</strong>s gamins <strong>de</strong> 10 ans me dire dans un français<br />

parfait : « Bonjour, c’est la première fois que tu viens ici ? » Le professeur <strong>de</strong> français<br />

d’ici doit vraiment être excellent ! Ici, un touriste est français. Dans les îles sous le<br />

vent, on me <strong>de</strong>mandait toujours si j’étais portugaise. Beaucoup <strong>de</strong> choses sont très<br />

différentes entre les <strong>de</strong>ux parties <strong>de</strong> l’archipel, à commencer par la langue. J’étais<br />

contente du créole que j’avais appris à Brava et on me comprenait à Santiago. Je<br />

pensais que je pourrais m’améliorer ici. Perdu ! C’est tellement différent. On m’avait<br />

prévenue, mais je n’imaginais pas autant <strong>de</strong> différences. Certains mots sont<br />

totalement différents.<br />

Exemple : à Praia : a-mi m’gosta cheu di Cabo Ver<strong>de</strong><br />

Ici : mim, m’gosta bestente <strong>de</strong> Cabo Ver<strong>de</strong><br />

J’aime beaucoup le Cap Vert<br />

Même la prononciation change, et « gosta » ne se dit pas du tout pareil… Ca va être<br />

difficile… On me comprend quand je parle comme dans les îles Sotavento, mais je ne<br />

comprends plus rien du tout. Il me faut repartir <strong>de</strong> zéro.<br />

Les gens sont plus ouverts ici qu’à Brava. En marchant seule, on vient me parler, on<br />

m’indique le chemin. C’est ce qui me manquait sur la belle Brava où chacun reste<br />

chez soi.<br />

Une autre différence est le nombre d’insectes. Avant, je n’avais vu que <strong>de</strong>s mouches,<br />

<strong>de</strong>s moustiques et <strong>de</strong>s cafards (et <strong>de</strong>s araignées aussi). Ici, il y en a plein <strong>de</strong> sortes, <strong>de</strong><br />

très beaux comme la mante religieuse ou d’énormes araignées, et d’autres qui me<br />

font faire <strong>de</strong>s cauchemars : les cem-pé. Ce sont <strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> mille-pattes à longues<br />

pattes un peu moins nombreuses, un animal vraiment laid, mesurant parfois la taille<br />

d’une main, et dont la morsure rend mala<strong>de</strong> pendant plusieurs jours, comme celle<br />

d’un scorpion. Je n’ai vraiment pas hâte d’en rencontrer. Il faut fermer la fenêtre la<br />

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nuit à cause d’eux. Il y a aussi les mil-pé, qui ont plus <strong>de</strong> pattes, et qui sont<br />

pacifiques. On peut apercevoir <strong>de</strong>s geckos sur le mur <strong>de</strong> la maison.<br />

Je me balla<strong>de</strong> encore un peu dans la ribeira. A Boca <strong>de</strong> Coruja, je rencontre Victor qui<br />

connaît les Duthion. Il fait la fin du chemin avec moi. Il parle français. Il déjeune avec<br />

nous.<br />

Je passe la fin <strong>de</strong> la journée à proximité <strong>de</strong> la maison jaune. Piscine avec Lisa, ça<br />

rafraîchit, vacances, vacances ! Je grimpe ensuite avec elle dans les terrasses <strong>de</strong> canne<br />

à sucre retrouver Juan et John qui travaillent dans le jardin. Ils préparent <strong>de</strong>s canaux<br />

pour l’eau car l’eau <strong>de</strong> la levada (canalisation en ciment ouverte) est pour ces<br />

terrasses dans une semaine. Juan nous gui<strong>de</strong> alors jusqu’à la levada. J’avais envie <strong>de</strong><br />

la suivre, mais c’est un peu dur par endroits à cause d’arbres qui gênent le passage.<br />

Après le dîner, le portable <strong>de</strong> Norbert sonne. C’est Victor qui veut m’accompagner<br />

dans la marche que j’ai prévu <strong>de</strong>main. C’est gentil. Je suis très contente à l’idée<br />

d’avoir <strong>de</strong> la compagnie.<br />

Mardi 25 juillet 2006<br />

Descente <strong>de</strong> la cal<strong>de</strong>ira <strong>de</strong> Cova à Paul<br />

L’aluguer passe à 7h15. Il va jusqu’à Porto Novo pour le bateau du matin. Je me lève<br />

à 6 heures, le jour est juste levé. La lumière est étrange car le soleil est <strong>de</strong>rrière les<br />

hautes montagnes et il y a une couche <strong>de</strong> nuages. Tout est gris et se réveille<br />

doucement. Quelques coqs chantent. L’air est frais.<br />

Martine avait appelé le chauffeur d’aluguer pour qu’il s’arrête me prendre. Victor<br />

doit monter plus loin à Boca <strong>de</strong> Coruja. Là, je m’inquiète un peu <strong>de</strong> ne pas le voir. Il<br />

monte en fait un peu plus loin encore. Nous emprutons « la » <strong>route</strong> <strong>de</strong> Porto Novo. Il<br />

y a <strong>de</strong>s nuages donc pas <strong>de</strong> vue. A force <strong>de</strong> grimper, l’aluguer perce au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la<br />

couche nuageuse. Mon visage est réchauffé par les doux rayons du soleil matinal et<br />

mes yeux sont touchés par le bleu du ciel. Le Hiace nous dépose sous les pins en haut<br />

du cratère. J’adore cette cal<strong>de</strong>ira (zone qui s’est effondrée dans le cratère) planquée<br />

<strong>de</strong>rrière une rangée <strong>de</strong> sapins. Il y a une <strong>route</strong> pavée d’un côté et un chemin <strong>de</strong><br />

l’autre qui mènent à Cova, le village du cratère. Le centre, parfaitement circulaire et<br />

plat est cultivé. Il y a beaucoup d’ânes portant <strong>de</strong>s bidons jaunes remplis d’eau. Nous<br />

grimpons la paroi du volcan jusqu’en haut où s’ouvre sous nos yeux toute la ribeira<br />

<strong>de</strong> Paul qui fait sa timi<strong>de</strong> sous quelques nuages. Encore une fois, tout est immense.<br />

C’est très vert aussi, tout le fond <strong>de</strong> la vallée est couvert <strong>de</strong> terrasses cultivées. Nous<br />

nous arrêtons un long moment sur ce petit col d’où nous voyons <strong>de</strong>ux paysages <strong>de</strong><br />

chaque côté, la cal<strong>de</strong>ira et la ribeira. Il faut reprendre <strong>de</strong>s forces avant le début <strong>de</strong> la<br />

<strong>de</strong>scente qui est très forte. Le chemin est fait <strong>de</strong> lacets qui serpentent dans les rochers<br />

jusqu’aux premières terrasses <strong>de</strong> canne à sucre. On entend l’eau couler, on peut voir<br />

<strong>de</strong> petits ruisseaux entre <strong>de</strong>s rochers. Nous empruntons ensuite la <strong>route</strong> pavée qui se<br />

déroule en pente douce jusqu’à la petite ville <strong>de</strong> Paul. Dans un village, je parle à un<br />

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français qui tient une petite boutique d’artisanat. Il me raconte le gâchis d’eau, par<br />

exemple il doit <strong>de</strong>s fois laisser ses robinets couler à flots pendant une semaine entière<br />

sinon les canalisations explosent, à cause <strong>de</strong> la pression.<br />

Victor est un bon gui<strong>de</strong> et me montre les arbres et plantes d’ici que je ne connais pas.<br />

Je suis bien amusée quand il me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : »Et le maïs, tu ne connais pas. On peut<br />

aller en voir là-bas. » Si, si, je connais quand même le maïs ! Il est dix fois plus beau<br />

en France d’ailleurs. Ici, ce n’est pas une culture adaptée à cause du manque <strong>de</strong> pluie.<br />

On le cultive par tradition car il entre dans la composition <strong>de</strong> la catchupa.<br />

A Paul, où normalement on reprend l’aluguer pour Ribeira Gran<strong>de</strong>, puis un autre<br />

pour Pedracin, nous décidons <strong>de</strong> continuer à pied. La <strong>route</strong> est bien différente. Elle<br />

longe la mer sur les falaises. Il y a 8 km assez plats, mais la <strong>route</strong> monotone me parait<br />

interminable. J’ai assez <strong>de</strong> volonté pour aller jusqu’au bout même si je commence à<br />

sentir mes muscles. Je résiste aux klaxons <strong>de</strong>s aluguers prêts à nous prendre.<br />

A Ribeira Gran<strong>de</strong>, Victor serait prêt à aller jusqu’à Pedracin à pied, pas moi ! Il a<br />

quand même l’air fatigué. Nous prenons un aluguer pick-up (ici ils ont <strong>de</strong>s bâches<br />

pour le soleil contrairement à Brava, cela fait une petite cabane, mais on ne voit plus<br />

la vue aussi bien).<br />

Nous avons bien marché 7 heures. Norbert est impressionné ! Il nous gron<strong>de</strong> un peu<br />

car nous n’avons pas éjeuné, seulement grignoté <strong>de</strong>s biscuits.<br />

Je n’ai plus le courage d’accompagner Lisa qui se promène sur l’âne Mel.<br />

Je téléphone à l’ingénieur Alberto Lima qui veut bien me recevoir <strong>de</strong>main. Journée<br />

questions, donc.<br />

J’ai du mal à prendre <strong>de</strong>s photos. Je suis mal à l’aise <strong>de</strong>rrière mon objectif, je me sens<br />

vraiment trop touriste. Tant pis. Je ferai moins <strong>de</strong> belles photos que prévu. A la place,<br />

j’essaye <strong>de</strong> faire un peu plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssins, mais je suis très lente. Je les fais au crayon <strong>de</strong><br />

bois puis je les repasse à l’encre, cela me prend un temps fou, mais je prend du plaisir<br />

à les faire. Cela ne peut que m’ai<strong>de</strong>r pour l’année prochaine, je serai plus à l’aise pour<br />

<strong>de</strong>ssiner les schémas <strong>de</strong> biologie !<br />

Mercredi 26 juillet 2006<br />

Ren<strong>de</strong>z-vous à 9 heures à Ribeira Gran<strong>de</strong> avec Alberto Lima (Bituca), un ingénieur<br />

agronome qui travaille au service d’eau.<br />

Vers 8h10, je traverse le pontpour rejoindre la <strong>route</strong> où passent les aluguers.<br />

J’attends, assise sur le muret, à regar<strong>de</strong>r les minutes tourner. Pas une voiture en vue.<br />

Finalement je pars à pied, cela n’avance à rien mais m’évite un peu <strong>de</strong> râler. Et on ne<br />

sait jamais, un aluguer peut partir du village suivant.<br />

A 8h45, un bruit <strong>de</strong> moteur. Ouf ! Je suis bien à l’heure à Ribeira Gran<strong>de</strong>, je trouve<br />

facilement le service <strong>de</strong>s eaux. Alberto Lima n’est pas là, on me fait entrer dans un<br />

grand bureau. J’attends plus d’1/2 heure avant qu’il n’arrive. L’heure capverdienne…<br />

Entretien intéressant pour mon étu<strong>de</strong> (il parle français), il me prête <strong>de</strong>s documents<br />

que je vais photocopier. Il appelle ensuite Julio Costa, un autre ingénieur agronome<br />

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qui travaille au ministère <strong>de</strong> l’agriculture. Je <strong>de</strong>vais le rencontrer, mais je n’avais pas<br />

réussi à le joindre. Il peut me recevoir tout <strong>de</strong> suite. Ils sont vraiment gentils tous les<br />

<strong>de</strong>ux. Après mes questions, Julio Costa m’emmène (pick-up avec chauffeur du<br />

ministère !) voir <strong>de</strong>s cultures irriguées au goutte à goutte puis les terrains d’essai du<br />

ministère <strong>de</strong> l’agriculture. Cela m’occupe jusqu’en début d’après-midi.<br />

Je prends ensuite un aluguer direction Ponta do Sol, une petite ville touristique où se<br />

trouve l’ancien aéroport. De là, je suis la côte jusqu’à Fontahinas. C’est magnifique.<br />

Le chemin longe les falaises. Le petit village est composé <strong>de</strong> quelques maisons<br />

colorées qui s’alignent sur une crête rocheuse. En <strong>de</strong>ssous, on trouve <strong>de</strong> nombreuses<br />

terrasses, <strong>de</strong> grands cocotiers. Sur la place, <strong>de</strong>s enfants jouent au foot. Le terrain est<br />

minuscule car la place est petite. Derrière l’un <strong>de</strong>s buts, il y a un petit muret puis le<br />

vi<strong>de</strong>. Ce que j’imaginais arrive : le ballon tombe ! L’un <strong>de</strong>s enfants va pieds nus à<br />

toute vitesse dans les rochers pour récupérer le ballon. Il remonte aussi vite.<br />

Chapeau ! Le petit sentier qui continue après le village le long <strong>de</strong> la mer me nargue,<br />

j’ai bien envie <strong>de</strong> continuer mais il est trop tard. Après il fera nuit ou alor je ne<br />

trouverai plus d’aluguers. Je m’amuse à dire bonjour en capverdien aux touristes, on<br />

voit <strong>de</strong> lion qu’ils sont français : gui<strong>de</strong> petit futé à la main et équipement Décathlon<br />

<strong>de</strong>s pieds à la tête ! On me répond Bom dia en plein après midi ! Quand-même !<br />

(Bom dia c’est pour le matin, l’après-midi c’est Boa tar<strong>de</strong> !)<br />

Au retour, je m’arrête à Ribeira Gran<strong>de</strong> faire les magasins ! Je ne sais plus si j’ai déjà<br />

parlé <strong>de</strong>s chinois. Il y en a plein dans tout le Cap Vert. Cela surprend au début.<br />

Même à Brava il y en avait un tout seul. Ils ont tous <strong>de</strong>s magasins, avec <strong>de</strong>s produits<br />

ma<strong>de</strong> in China : <strong>de</strong>s habits, <strong>de</strong>s chaussures, <strong>de</strong> la vaisselle, <strong>de</strong>s cochonneries. A<br />

Ribeira Gran<strong>de</strong>, il y a 16 magasins chinois. Quand on connaît la ville, plutôt un petit<br />

bourg coincé entre <strong>de</strong>ux embouchures <strong>de</strong> ribeiras, cela fait peur. On se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> où<br />

se cachent les autres boutiques. On m’a expliqué à Praia qu’ils n’avaient pas <strong>de</strong> taxes<br />

à payer, d’où l’affluence. Mes observations : ils ont tous les mêmes choses à vendre,<br />

ce n’est pas cher, on se fait effectivement suivre à la trace comme on m’avait raconté.<br />

Il y a en permanence une ven<strong>de</strong>use qui regar<strong>de</strong> <strong>de</strong>rrière l’épaule ou qui déplie le<br />

vêtement si on le fixe plus <strong>de</strong> 5 secon<strong>de</strong>s. C’est marrant quand on ne veut rien<br />

acheter comme moi. Regar<strong>de</strong>r à quel moment le ven<strong>de</strong>ur va bouger, voir ce qu’il<br />

choisit pour nous (pour moi et ma peau blanche, c’était un débar<strong>de</strong>ur « I love Cape<br />

Ver<strong>de</strong> » super laid). Dans chaque boutique, le/la chinois(e) est assis <strong>de</strong>rrière la caisse,<br />

et les ven<strong>de</strong>uses sont capverdiennes avec une espèce <strong>de</strong> tablier.<br />

En passant en aluguer à Boca <strong>de</strong> Coruja, je vois Victor sur le muret (le muret <strong>de</strong> la<br />

<strong>route</strong>, où il retrouve ses amis tous les soirs). Il me fait signe <strong>de</strong> m’arrêter. Nous<br />

faisons le reste du chemin en discutant, à pied. Nous nous donnons ren<strong>de</strong>z-vous<br />

vendredi pour marcher.<br />

Je dîne avec Norbert. Martine et Lisa font <strong>de</strong>s courses à Min<strong>de</strong>lo. J’aime bien discuter<br />

avec lui, il connaît plein <strong>de</strong> choses. Il se moque <strong>de</strong>s capverdiens qui mettent<br />

longtemps pour dire pas grand-chose, comme son ami Jopin qui parle ¼ d’heure<br />

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pour dire que s’il pleut, le puits va se remplir, mais lui aussi parle un peu lentement.<br />

Une discussion dure toujours longtemps. Il me donne <strong>de</strong>s conseils pour mon étu<strong>de</strong>.<br />

Jeudi 27 juillet 2006<br />

Je commence par une anecdote d’il y a 2 jours que j’ai oublié <strong>de</strong> mentionner : le<br />

cassage <strong>de</strong> chauffeur d’aluguer. Je marche seule sur la <strong>route</strong> <strong>de</strong> la Ribeira quand un<br />

bel aluguer tout rouge et tout vi<strong>de</strong> s’arrête. Le chaffeur, tellement content d’avoir<br />

trouvé une touriste à arnaquer (en jouant au taxi), s’axclame plein d’entrain :<br />

« Hello ! Where are you going ? » Je réponds dans un créole parfait « M’bai ku pé »,<br />

je vais à pied. Il fallait voir la tête du chauffeur. Il est reparti aussitôt, je l’ai bien eu.<br />

Journée tranquille à Boca <strong>de</strong> Coruja (village où habitent Martine et Norbert). J’ai<br />

besoin d’un peu <strong>de</strong> repos et <strong>de</strong> temps pour m’asseoir <strong>de</strong>vant le bureau. J’écris <strong>de</strong>s<br />

mails pour remercier mes amis <strong>de</strong> Brava et Praia, je fais mes comptes, finis mes<br />

<strong>de</strong>ssins et mon cahier. Je lis ensuite le document sur l’eau qu’Alberto Lima m’a prêté.<br />

Une mine d’infos qu’il faudra que je photocopie.<br />

Lisa et Martine rentrent <strong>de</strong> Min<strong>de</strong>lo, puis Manuela passe me voir. Elle a mis le collier<br />

que je lui ai offert. Je lui fais visiter la maison. Je vois qu’elle meurt d’envie d’aller<br />

rejoindre Lisa dans la piscine donc je lui prête mon maillot. Je suis contente car elle<br />

s’amuse. Elle déjeune avec nous puis va à son cours d’informatique. Elle a vécu<br />

quelques heures dans une bulle <strong>de</strong> France, un petit voyage pour elle.<br />

L’après-midi est trop entamé pour bouger. Je <strong>de</strong>ssine un peu dans le jardin, comme<br />

la petite bête ci-contre. A 5 heures, c’est la promena<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’âne Mel. Pour une fois, j’y<br />

vais. Lisa est sur Mel, Juan tient la cor<strong>de</strong>. Je discute <strong>de</strong>rrière avec John. Je l’aime bien,<br />

il est toujours souriant. J’aime aussi l’intonation chantante <strong>de</strong> sa voix quand il parle<br />

français. Nous sommes <strong>de</strong>rrière car Mel marche vite. Quand on fait <strong>de</strong>mi tour, Lisa<br />

me laisse sa place ! Nous rentrons en courant, moi puis Lisa sur Mel. Les gens<br />

rigolent en nous voyant passer.<br />

Après le diner, Norbert crie pour qu’on vienne <strong>de</strong>hors : un énorme cem-pé. Il faut<br />

une dizaine <strong>de</strong> coups <strong>de</strong> savate pour qu’il arrête d’avancer, les pattes bougent encore<br />

pendant 24 heures. C’est immon<strong>de</strong> comme bestiole. Cela me donne envie <strong>de</strong> caresser<br />

les gros cafards tellement ils sont mignons à côté. Ce cem-pé, taille adulte, est aussi<br />

long que ma main. On voit ses <strong>de</strong>ux pics qui mor<strong>de</strong>nt. Je n’ose pas imaginer la<br />

panique quand on trouve cela dans son lit. Le cent-pieds a en fait 40 pieds puisque 20<br />

paires <strong>de</strong> pattes. Son cousin le mil-pé en a beaucoup plus, <strong>de</strong>s minuscules. Les mil-pé<br />

sont nombreux. Ils croustillent quand on marche <strong>de</strong>ssus.<br />

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Vendredi 28 juillet 2006<br />

Gran<strong>de</strong> marche avec Victor. Départ 9 heures. C’est un peu tard pour le soleil, mais<br />

par chance il y a <strong>de</strong>s nuages. Il passe me prendre à la maison jaune. Nous escaladons<br />

la montagne au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Boca <strong>de</strong> Coruja pour passer <strong>de</strong> l’autre côté, jusqu’à la mer.<br />

La première heure est difficile, que <strong>de</strong> la montée. J’ai l’impression que je suis trop<br />

lour<strong>de</strong> comme si j’avais trop mangé, et que je n’irai pas loin. Cette drôle d’impression<br />

disparaît dans les hauteurs. La vue <strong>de</strong> la Ribeira est belle. La <strong>de</strong>scente <strong>de</strong> l’autre côté<br />

est dangereuse. Il faut <strong>de</strong> la concentration. Si on glisse, on tombe dans les falaises, je<br />

pense que l’on se tue. Victor marche lentement pour moi, lui il a l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />

chemins comme ça. Quand on arrive au fond <strong>de</strong> la vallée, c’est plus plat. Victor me<br />

fait goûter le fruit <strong>de</strong> l’arbre aux noix <strong>de</strong> cajou. La forme est amusante, c’est rond<br />

comme une petite pomme et la noix est accrochée en-<strong>de</strong>ssous. Il me montre les arbres<br />

tropicaux que je ne connais pas. Nous faisons une pause sur la roche creusée par le<br />

torrent (quand il pleut) au bord <strong>de</strong> la mer. Le chemin longe ensuite le bore <strong>de</strong> la mer,<br />

au ras <strong>de</strong> la falaise. Sur environ 200m, je trouve <strong>de</strong>s cailloux comme ceux <strong>de</strong>s travaux<br />

pratiques <strong>de</strong> géologie, basalte, gabbro, basalte avec inclusions <strong>de</strong> péridotite… J’en<br />

ramasse plein, <strong>de</strong>s exemples dignes <strong>de</strong>s livres <strong>de</strong> cours. Ici, ils servent à faire <strong>de</strong>s<br />

pavés ! Victor se prend au jeu et me ramasse les cailloux qu’il trouve jolis ou m’i<strong>de</strong> à<br />

les casser. Mon sac s’alourdit d’un kilo je pense ! Je pourrai mieux réviser ma<br />

géologie avec ça… ☺ Il y a quelques petites plages entre les falaises. Sur l’une d’elles,<br />

il y a une belle trace d’une tortue qui est venue mondre. Cela fait <strong>de</strong>s arcs <strong>de</strong> cercle<br />

quans elle avance avec ses nageoires. D’après les traces, je pense qu’elle a réussi à<br />

rejoindre la mer sans se faire chasser par les pêcheurs.<br />

Le paysage change à l’approche <strong>de</strong> Cruzinha. Il y a du sable très<br />

blanc(géologiquement parlant, cela m’intrigue !) et <strong>de</strong>s reliefs presque plats. Nous<br />

nous arrêtons dans l’unique restaurant <strong>de</strong> Cruzinha manger <strong>de</strong>s sandwichs fromage<br />

et confiture <strong>de</strong> papaye (le <strong>de</strong>ssert capverdien, mais on ne mange pas <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssert au<br />

Cap Vert, cherchez l’erreur touristique) avec du jus <strong>de</strong> goyave. Un chauffeur<br />

d’aluguer nous colle, car Cruzinha, c’est le bout du bout <strong>de</strong> la <strong>route</strong>, c’est le jackpot<br />

pour les aluguers qui trouvent <strong>de</strong>s touristes. Il a du mal à croire que l’on va à pied<br />

jusqu’à Boca <strong>de</strong> Coruja. La petite montée près du cimetière pour aller à Chã <strong>de</strong> Igreja<br />

est difficile, mais courte. Ce village est perché au-<strong>de</strong>ssus d’une ribeira entourée <strong>de</strong><br />

falaises. C’est sur un terrain plat, près <strong>de</strong> la mer. Joli mais loin <strong>de</strong> tout. La <strong>route</strong><br />

re<strong>de</strong>scend dans la ribeira. C’est presque oppressant d’être entouré <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux falaises<br />

comme ça. Il y a <strong>de</strong>s maisons dans les endroits un peu plus larges. Je ne pourrais pas<br />

vivre là, voir si peu <strong>de</strong> ciel et tant <strong>de</strong> cailloux. Il fait très chaud maintenant. Nous<br />

commençons à ne plus trop parler. La marche <strong>de</strong>vient plus dure. C’est là que j’aime<br />

bien marcher avec quelqu’un. Toute seule, j’aurais eu la flemme, j’aurais pesté. A<br />

<strong>de</strong>ux, cela motive, un peu comme un défi. Toujours plus loin. Même quand on ne<br />

parle plus, cela créée <strong>de</strong>s liens. La <strong>route</strong> remonte, vers le village <strong>de</strong> Garça. Nous<br />

n’avons plus beaucoup d’eau, il faut la faire durer. Ma langue me pique et est<br />

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gonflée. Là, on ne parle plus du tout avec Victor. Ne pas regar<strong>de</strong>r en haut, tout en<br />

haut <strong>de</strong> la montagne, où le chemin culmine avant <strong>de</strong> re<strong>de</strong>scendre. Un aluguer arrive,<br />

non ! Tout à pied ! Dans un creux <strong>de</strong> la <strong>route</strong>, on trouve une petite épicerie fermée<br />

qui ouvre pour nous offrir une bouteille d’eau fraîche. Miracle ! Nous ne parlons<br />

toujours pas, trop occupés à boire en marchant. La <strong>route</strong> paraît un peu moins pentue,<br />

le sommet un peu moins haut. C’est dur, mais j’aime ça, avec la présence motivante<br />

<strong>de</strong> Victor. Quel plaisir quand la pente contourne la montagne pour re<strong>de</strong>scendre.<br />

Nous filons. Nos langues se délient. Nous chantons un peu, Victor invente les paroles<br />

<strong>de</strong> notre journée. La <strong>route</strong> est encore longue, mais toute en <strong>de</strong>scente. Je lui raconte<br />

l’histoire drôle <strong>de</strong>s ananas <strong>de</strong> Brava, ça nous fait bien rire.<br />

Arrivée à Pedracin, je n’ai pas du tout mal aux jambes mais je sens la fatigue. Victor<br />

continue jusqu’à Boca <strong>de</strong> Coruja. Notre boucle est bouclée, plus <strong>de</strong> huit heures <strong>de</strong><br />

marche. Après ma douche, heureusement que Lisa me tient éveillée sinon je<br />

m’endormirais sans dîner. Je vais me coucher juste après le repas, contente <strong>de</strong> ma<br />

journée. J’oublie <strong>de</strong> préciser qu’avant d’entrer dans mon lit je vérifie partout trois fois<br />

<strong>de</strong> suite qu’il n’y a pas <strong>de</strong> cem-pé, même un tout petit. Avec Lisa, on entend <strong>de</strong>s<br />

coups <strong>de</strong> tatane dans la cour. C’est Martine qui écrase un autre cem-pé aussi gros<br />

qu’hier…<br />

Samedi 29 juillet 2006<br />

Je commence ma journée par un tour à « la » ville, Ribeira Gran<strong>de</strong>. Je dois<br />

photocopier le dossier d’Alberto Lima et faire 2-3 courses.<br />

Je passe au bureau du PAICV (parti politique au pouvoir) <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r un T-shirt. Dit<br />

comme ça, on peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si je vais bien… Si on prend 20 capverdiens au<br />

hasard, je suis sûre que l’un d’entre eux au moins portera le T-shirt du PAICV. On le<br />

voit partout, jaune foncé avec écrit Cabo Ver<strong>de</strong> en gros, et le <strong>de</strong>ssin du parti, une<br />

étoile et <strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>s <strong>de</strong> couleur. Il y a eu les élections prési<strong>de</strong>ntielles il y a quelques<br />

mois et ils ont donné ces T-shirts. J’avais envie d’en avoir un car c’est un élément<br />

omniprésent <strong>de</strong> mon voyage. Le côté politique ne m’intéresse pas. Au bureau, ils<br />

n’en ont plus, mais une dame peut m’en amener un lundi. J’ai bien fait d’avoir le<br />

culot <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r.<br />

Je repasse ensuite à la maison jaune déposer mes photocopies puis je repas à pied à<br />

Caibros. On m’a dit qu’il fallait aller voir le fond <strong>de</strong> la ribeira. Je pourrai aussi dire<br />

bonjour à Manuela. Je fais un bout <strong>de</strong> chemin avec un jeune qui parle un peu français<br />

et qui va au festival <strong>de</strong> Caibros. Un festival ? A Caibros ?? Je passe chez Manuela. J’ai<br />

un petit flacon <strong>de</strong> parfum à lui offrir. Elle me fait visiter sa maison, très gran<strong>de</strong>. En<br />

bas, il y a une petite épicerie et le 2 e étage est un restaurant/ salle <strong>de</strong> danse, qui ouvre<br />

toutes les fins <strong>de</strong> semaine. Le festival, c’est à côté d’un grand réservoir d’eau pour<br />

l’irrigation. Pendant trois jours, il est rempli et sert <strong>de</strong> piscine. C’est plein d’enfants.<br />

A côté, on a monté <strong>de</strong>ux petits bars provisoires. L’eau du tank est vert foncé. Des<br />

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gars s’arrosent avec <strong>de</strong>s bouteilles et arrosent tout le mon<strong>de</strong> avec… Je laisse Manuela<br />

et ses copines qui se baignent, et je continue seule vers le fond <strong>de</strong> la ribeira. C’est très<br />

joli, il y a un filet d’eau qui coule, on y a planté <strong>de</strong> l’igname. C’est un peu perdu, je ne<br />

croise personne. Plus loin, le sentier grimpe vers <strong>de</strong>ux maisons isolées. Il y a un vieil<br />

homme qui me salue. Il fait un petit bout <strong>de</strong> chemin avec moi, pour me montrer où<br />

aller. Il est pieds nus, avec son couteau attaché à la ceinture comme beaucoup <strong>de</strong><br />

capverdiens ruraux. La partie <strong>de</strong> la ribeira <strong>de</strong>rrière est très belle, étroite, coincée entre<br />

les montagnes, remplie <strong>de</strong> cannes à sucre, <strong>de</strong> bananiers et d’ignames. Par contre, c’est<br />

tout mort. Il n’y a personne. Toute seule, je n’ai pas le courage (et un peu peur !) <strong>de</strong><br />

m’aventurer trop loin, pourtant ça a l’air beau. Je fais <strong>de</strong>mi-tour. Quand je repasse<br />

<strong>de</strong>vant la maison du vieux monsieur, sa femme et son petit fils sont là aussi. Je leur<br />

offre mes biscuits, et un petit jeu pour le petit fils. Je leur parle un peu, ils sont très<br />

gentils. Quand je continue mon chemin, ils me font <strong>de</strong>s signes d’au revoir. Je vois que<br />

je grand-père a l’air passionné par le jeu du petit !<br />

La <strong>de</strong>scente est rapi<strong>de</strong>. Quand j’arrive au tank, je retrouve la petite sœur <strong>de</strong> Manuela<br />

et une copine qui me ramènent chez elle. Elle m’offre une assiette <strong>de</strong> pâtes à 4<br />

heures… Nous allons ensuite dire bonjour à sa grand-mère. Nous nous arrêtons en<br />

<strong>route</strong> chez une capverdienne qui vit en France. On discute un peu, avec son fils qui a<br />

presque mon âge. J’imagine sa vie d’immigrée qui ne doit pas être facile. Elle n’est<br />

rentrée au Cap Vert que 3 fois en 18 ans, laissant sa famille. L’immigration c’est un<br />

problème au Cap Vert. Des tas <strong>de</strong> gens partent. Il y a plus <strong>de</strong> capverdiens à l’étranger<br />

qu’au Cap Vert. Toutes les familles ou presque ont <strong>de</strong>s membres en Europe ou en<br />

Amérique (Brésil ou Etats-Unis). Ils leur envoient <strong>de</strong> l’argent ou <strong>de</strong>s bidons.<br />

De retour chez Manuela, son père me ramène en aluguer car il emmène <strong>de</strong>s gens à<br />

côté <strong>de</strong> chez les Duthion. C’est gentil car je serais presque rentrée à la nuit.<br />

Avant le dîner, je vais avec Lisa rejoindre Juan, John et les autres <strong>de</strong>vant la maison <strong>de</strong><br />

Juan. Ils font <strong>de</strong>s pirouettes. On rigole bien avec pas grand-chose.<br />

Après le dîner, je pars avec Martine et Lisa à un concert dansant à Ponta do Sol. C’est<br />

un orchestre local qui joue dans la salle polyvalente. La salle polyvalente, c’est en fait<br />

un terrain <strong>de</strong> sport sans toit avec <strong>de</strong> grosses marches pour faire <strong>de</strong>s gradins. La<br />

musique est magnifique, laissant mes idées vagabon<strong>de</strong>r en regardant les gens danser.<br />

Nous retrouvons John et un voisin qui a une voiture, il va nous ramener. Lisa<br />

s’endort, moi je me régale les oreilles. Les gens dansent collés, mais c’est plus beau<br />

que le zouk ou le funana.<br />

Sur la <strong>route</strong> du retour, je suis impressionnée : il y a plein <strong>de</strong> gens sur la <strong>route</strong> <strong>de</strong> la<br />

ribeira, mais on ne voit strictement rien car il n’y a pas <strong>de</strong> lampadaires.<br />

Dimanche 30 juillet 2006<br />

Je me lève un peu tard <strong>de</strong> m’être couchée à 3 heures du matin. Nous prenons notre<br />

temps à petit-déjeuner. J’hésite à aller à Chã <strong>de</strong> Pedras (prononcer Champèdre) ou<br />

dans la Ribeira da Torre. Je Pars finalement à Chã <strong>de</strong>Pedras, j’irai <strong>de</strong>main avec Victor<br />

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à Ribeira da Torre qui est plus loin. En passant à Boca <strong>de</strong> Coruja, les gars qui jouent<br />

sur le beau terrain <strong>de</strong> foot m’appellent par <strong>de</strong>s « pissiou », ça m’énerve, ils s’arrêtent<br />

dès que je me retourne. Ici on appelle comme ça, « pissiou » un peu chuchoté. C’est<br />

amusant sauf quand ils insistent. Je marche dans la Ribeira <strong>de</strong> Boca <strong>de</strong> Coruja puis<br />

dans celle menant à Chã <strong>de</strong> Pedras. Je me surprends à fredonner <strong>de</strong>s airs capverdiens<br />

entendus hier. Je grimpe jusqu’à Pia <strong>de</strong> Cima où je commence à avoir faim. Je<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> à une jeune femme où je peux acheter à manger, elle me dit <strong>de</strong> venir chez<br />

elle. Me voila dans un salon vieillot avec plein <strong>de</strong> photos, à discuter avec son mari<br />

Tony en buvant du jus <strong>de</strong> fruits en poudre pendant que les femmes préparent le<br />

repas. C’est sympa. Tony me fait écouter <strong>de</strong> la musique capverdienne et Calypso, le<br />

groupe qui fait fureur au Brésil et ici aussi. C’est le show commercial avec une<br />

blondasse aux gros seins qui chante mal. Je mange avec eux <strong>de</strong> la soupe puis <strong>de</strong> la<br />

vian<strong>de</strong> avec du riz. J’offre aux fillettes et à Véronica (qui m’a invité) <strong>de</strong>s bracelets que<br />

j’ai faits. Elle m’emmène à pied jusqu’au village suivant, on parle un peu créole, un<br />

peu français. Le chemin est très beau. Au retour, elle m’offre <strong>de</strong> la liqueur <strong>de</strong> café et<br />

du mel (sirop <strong>de</strong> canne à sucre) pour ramener en France. Je m’entends bien avec eux.<br />

Malheureusement, je dois repartir car j’ai du chemin à faire avant <strong>de</strong> rentrer.<br />

Véronica et son amie me raccompagnent un peu. Ensuite, je dévale la ribeira à toute<br />

allure, contente <strong>de</strong> ma journée, toujours en fredonnant. A Boca <strong>de</strong> Coruja, il y a un<br />

match <strong>de</strong> foot. Pour l’occasion, on a tracé les lignes du terrain avec du sable blanc <strong>de</strong><br />

Cruzinha. Le muret <strong>de</strong> la <strong>route</strong> sert <strong>de</strong> gradins. J’y retrouve Victor qui ne joue pas car<br />

il a une plaie à un pied. C’est un match entre les <strong>de</strong>ux équipes <strong>de</strong> Boca <strong>de</strong> Coruja, une<br />

pour chaque côté <strong>de</strong> la ribeira. Victor me raccompagne chez les Duthion. A n<br />

moment, on entend un but. Il appelle un copain pour savoir quelle équipe a marqué :<br />

la sienne ! Il m’invite au repas qui suit le match pour goûter l’igname.<br />

Malheureusement il y a <strong>de</strong>s invités et un bon dîner chez Martine et Norbert, je ne<br />

peux pas. Il est d’accord pour aller à la Ribeira da Torre <strong>de</strong>main. Il repart voir la 2 e<br />

mi-temps. C’est son équipe qui gagne.<br />

Martine a préparé un bon dîner pour Antero et son fils Yann (Antero est le frère <strong>de</strong><br />

Jopin, le frère capverdien <strong>de</strong> Norbert qui tient l’hôtel Pedracin). On fête aussi les 10<br />

ans <strong>de</strong> Lisa. Je goûte la glace capverdienne faite <strong>de</strong> lait concentré sucré et <strong>de</strong> biscuits<br />

écrasés. Miam ! J’ai trop mangé.<br />

Lundi 31 juillet 2006<br />

Mon <strong>de</strong>rnier jour à Santo Antao. Je veux en profiter à fond. Je dois d’abord aller à la<br />

banque à Ribeira Gran<strong>de</strong>. Il faut être en avance car c’est bondé le lundi. Je mange vite<br />

pour pouvoir attraper les aluguers allant à Porto Novo qui passent vers 7h15. J’arrive<br />

vers 7h30 à la ville, il y a déjà <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong>vant la banque qui ouvre à 8 heures. Je<br />

passe récupérer mon T-shirt au PAICV, contente d’avoir réussi le petit défi que je<br />

m’étais lancé d’en obtenir un. Devant la banque, il y a une douzaine <strong>de</strong> personnes.<br />

Quand les portes s’ouvrent nous sommes plus <strong>de</strong> trente à faire la queue… Je suis au<br />

guichet à 8h30, j’attends encore ¼ d’heure avant d’avoir mes sous… Des gens<br />

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grugent, une vieille prenant soin <strong>de</strong> paraître fatiguée, un homme pressé et malpoli…<br />

J’ai du mal à sortir tellement la banque est bourrée <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>.<br />

Je dois retrouver Victor à la station Shell juste en face, il n’est pas là, il n’a pas du<br />

trouver d’aluguer rares à cette heure. C’est ça ! J’attends un peu, tous les chauffeurs<br />

d’aluguer m’appellent, ils atten<strong>de</strong>nt ici les clients. Victor arrive. Nous marchons sur<br />

la piste caillouteuse et poussiéreuse <strong>de</strong> la Ribeira da Torre. Les montagnes sont très<br />

hautes. C’est cette ribeira que l’on voit <strong>de</strong> la <strong>route</strong> Porto Novo-Ribeira Gran<strong>de</strong>. Avec<br />

Victor, nous sommes atteints d’un mal étrange, le vertige à l’envers ! Tout est<br />

tellement haut que quand on regar<strong>de</strong> on a la tête qui tourne. La <strong>route</strong> se transforme<br />

en chemin grimpant au milieu <strong>de</strong>s cannes à sucre. Nos paroles se font <strong>de</strong> moins en<br />

moins nombreuses, puis disparaissent traduisant la difficulté <strong>de</strong> notre marche. La<br />

vue est belle, nous voyons jusqu’à la mer. Ici, il y a beaucoup d’eau permettant la<br />

culture d’ignames et <strong>de</strong> nombreux bananiers. Le village tout en haut est mignon, il y<br />

fait frais à cause <strong>de</strong> l’altitu<strong>de</strong>. La vie doit y être dure car tout est amené à pied. Des<br />

hommes emmènent <strong>de</strong>s cannes à sucre sur leurs têtes jusqu’à la trapiche électrique.<br />

Des enfants nous montrent le chemin et nous offrent <strong>de</strong>s oranges vertes(mais bonnes,<br />

acidulées). Ils nous montrent les morceaux <strong>de</strong> l’avion <strong>de</strong> la TACV qui s’est crashé sur<br />

la montagne il y a 8 ans. Depuis, l’aéroport est fermé. Le toit d’une étable est fait avec<br />

un bout <strong>de</strong> tôle <strong>de</strong> l’avion. Le chemin se fraye un passage parmi les caféiers en fleur.<br />

C’est magnifique et ça sent bon. On dirait qu’il y a <strong>de</strong> la neige. J’en oublie <strong>de</strong> prendre<br />

une photo. Maintenant tout <strong>de</strong>scend. Nous filons. Nous nous arrêtons au début <strong>de</strong> la<br />

<strong>route</strong> (là où le chemin pour piétons se transforme en piste caillouteuse), à l’ombre<br />

d’un grand manguier. Nous mangeons <strong>de</strong>s oranges et <strong>de</strong>s biscuits. Nous continuons<br />

notre <strong>route</strong>. Antero passe avec <strong>de</strong>s touristes dans son pick-up. Il nous prend à<br />

l’arrière. Tant mieux, j’avais la flemme <strong>de</strong> reprendre toute la ribeira dans l’autre sens,<br />

en plein soleil à l’heure <strong>de</strong> midi. Il nous dépose à l’entrée <strong>de</strong> Ribeira Gran<strong>de</strong>.<br />

Victor me montre le restaurant dans lequel il travaille parfois. Nous trouvons un<br />

aluguer presque plein pour rentrer (une chance à cette heure). Il n’a pas l’air pressé.<br />

Je m’amuse à prendre <strong>de</strong>s photos <strong>de</strong> l’intérieur (c’est un hiace). Il s’arrête à Coculi au<br />

moins ½ heure ! Les passagers font leurs courses chez Juan Pipi qui ouvre exprès. Je<br />

discute à l’arrière du hiace avec Victor. Il <strong>de</strong>scend à Boca <strong>de</strong> Coruja, moi plus loin au<br />

pont <strong>de</strong> Pedracin. Je viendrai au muret ce soir lui dire au revoir.<br />

Je prends un <strong>de</strong>rnier bain dans la piscine avec Lisa, en buvant du jus <strong>de</strong> fruits en<br />

poudre, goût bien chimique. Nous avons droit à une tartine <strong>de</strong> nutella !<br />

Je grave mes photos sur un CD car ma carte est quasiment pleine. Je grave aussi un<br />

CD <strong>de</strong> musique <strong>de</strong> Santo Antao que j’adore : Cordas do Sol. J’ai le cœur lourd à l’idée<br />

<strong>de</strong> partir <strong>de</strong>main. J’aimerais faire un tas <strong>de</strong> choses une <strong>de</strong>rnière fois. Je file voir<br />

Victor, je n’ai pas beaucoup <strong>de</strong> temps. Il m’emmène par <strong>de</strong>rrière Boca <strong>de</strong> Coruja, <strong>de</strong>s<br />

petites collines arrondies, c’est très joli <strong>de</strong>rrière la ribeira plus escarpée. Nous<br />

regardons ensuite les enfants jouer sur le grand terrain <strong>de</strong> foot. C’est rigolo car les<br />

grands commentent tout, la future équipe. Victor me raccompagne à la maison jaune.<br />

Norbert se fâche car j’ai oublié <strong>de</strong> rapporter ce matin le document d’Alberto Lima. Je<br />

m’en veux aussi. J’ai honte, je me retiens <strong>de</strong> pleurer. J’en oublie <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r son<br />

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adresse à Victor. Je suis encore toute triste pendant le dîner. Lisa part se coucher. Je<br />

discute avec Martine et Norbert en goûtant leur ponch et en écoutant une <strong>de</strong>rnière<br />

fois la musique <strong>de</strong> Santo Antao.<br />

Je finis en vitesse mon sac avant <strong>de</strong> dormir, sans oublier l’inspection anti cem-pé.<br />

Encore la nostalgie <strong>de</strong>s départs. C’est <strong>de</strong>main que je quitte Santo Antao. C’est passé<br />

trop vite tellement mes journées étaient remplies, et pourtant je n’ai pas pu aller<br />

partout faute <strong>de</strong> temps (l’île est trop gran<strong>de</strong> !) La perspective <strong>de</strong> passer une semaine à<br />

Sal, l’île qui ne vit que du tourisme balnéaire, ne m’enchante pas trop, mais je n’ai<br />

pas le choix à cause du bateau. Manque <strong>de</strong> pot, je pars en avion un mardi soir, c’est<br />

juste le jour du trajet Min<strong>de</strong>lo-Sal en bateau. Je pense rester à Palmeira, c’est là où le<br />

bateau arrive, et c’est là que j’étais allée à l’aller avec Manu. C’est très peu<br />

touristique.<br />

Pour moi, le départ à Sal, c’est le départ du Cap Vert. Je vais passer une semaine au<br />

Cap Sec, sas <strong>de</strong> sortie avant l’Europe. Plus <strong>de</strong> cannes à sucre, <strong>de</strong> manguiers, <strong>de</strong><br />

bananiers (plus <strong>de</strong> mangues et <strong>de</strong> bananes à manger !), plus les papayers dont<br />

j’adorais la forme. Seulement le plat et le sec. Et la mer, heureusement !<br />

Omniprésente, bien qu’à Santo Antao on l’ignore totalement. J’ai passé <strong>de</strong>s jours sans<br />

la voir, et <strong>de</strong>s fois à Ribeira Gran<strong>de</strong>, j’oubliais qu’elle était juste là cachée <strong>de</strong>rrière la<br />

<strong>route</strong>. L’île est si montagneuse que l’on a l’impression que la mer est <strong>de</strong> trop, qu’elle<br />

est là sans être invitée. Je n’ai jamais eu cette impression sur les autres îles.<br />

Mardi 1 er août 2006<br />

Je pleure sur le pont du Mar d’Canal qui va bientôt partir. Une page <strong>de</strong> mon voyage<br />

sui se tourne. Le livre est bientôt fini. Je laisse <strong>de</strong>s amis, <strong>de</strong>s bons moments, <strong>de</strong>s lieux<br />

magiques. La <strong>route</strong> Ribeira Gran<strong>de</strong> – Porto Novo est la plus belle que j’ai jamais vue.<br />

C’est un spectacle, mieux qu’au cinéma car les images font 360°, et le siège bouge. En<br />

un peu plus d’une heure, on voit tous les visages <strong>de</strong> l’île, toutes les couleurs, toutes<br />

les températures.<br />

Ca y est on part. Adieu Santo Antao.<br />

Ce matin, le ciel était très gris. Peut-être <strong>de</strong> la pluie, je ne la verrai pas. John arrosait<br />

les plantes quand j’ai ouvert ma fenêtre. J’ai pu lui dire une <strong>de</strong>rnière fois « Bonjour !<br />

Comment ça va ? – Ca va bien, merci ! » Un petit plaisir tous les matins. Rapi<strong>de</strong> petit<br />

déjeuner, Miquine passe à 7h15 prendre tout le mon<strong>de</strong>. Norbert <strong>de</strong>scend à Ribeira<br />

Gran<strong>de</strong>. Je suis triste <strong>de</strong> le quitter. Il a été comme mon grand-père pendant 9 jours.<br />

Lisa et Martine vont avec moi jusqu’à Porto Novo pour louer une voiture. Dans<br />

l’aluguer, je prends <strong>de</strong>s photos avec Lisa. Dernières parties <strong>de</strong> « Je te tiens, tu me<br />

tiens par la barbichette » ! On a <strong>de</strong> la peine à se quitter <strong>de</strong>vant la voiture <strong>de</strong> location.<br />

Maintenant il est temps <strong>de</strong> penser à la suite. A Min<strong>de</strong>lo, Leão Lopes doit m’attendre<br />

sur le quai, je ne sais pas trop comment je vais le reconnaître. C’est un ancien<br />

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ministre <strong>de</strong> la culture qui connaît bien les problèmes d’eau. Je dois acheter mon billet<br />

<strong>de</strong> bateau pour Sal (départ ce soir), j’espère qu’ils ont bien noté la réservation passée<br />

par Martine.<br />

16h37 Je suis déçue par ma rencontre avec Leão Lopes. J’ai l’impression <strong>de</strong> le<br />

déranger et <strong>de</strong> lui faire perdre son temps. Je n’apprends rien <strong>de</strong> nouveau pour mon<br />

étu<strong>de</strong>.<br />

Je le retrouve à la sortie du port sans difficulté. Il n’a pas une tête <strong>de</strong> ministre, les<br />

cheveux longs, mal habillé. Il m’amène en voiture à l’agence <strong>de</strong> bateau pour que<br />

j’achète mon billet pour Sal, puis à l’école d’art. Il participe à un séminaire sur<br />

l’architecture <strong>de</strong> Min<strong>de</strong>lo. Il m’invite pour le déjeuner du séminaire et me donne<br />

ren<strong>de</strong>z-vous après pour mes questions. J’ai un peu <strong>de</strong> temps avant, je vais un peu sur<br />

internet. Le déjeuner est dans la cour <strong>de</strong> l’école, un joli bâtiment mal entretenu. Les<br />

participants du séminaire sont italiens, portugais, espagnols, je me croirais dans un<br />

pays méditerranéen.<br />

Je mange toute seule, je ne vois pas Leão Lopes. C’est étrange <strong>de</strong> s’incruster comme<br />

ça. Il arrive à la fin du déjeuner. Je n’arrive pas à capter son attention. Il n’est pas<br />

intéressé par mes questions. Je suis déçue. Il repart rapi<strong>de</strong>ment à sa conférence.<br />

J’ai l’après-midi à passer à Min<strong>de</strong>lo. Je peux laisser mon sac dans l’école. Pour me<br />

consoler, je m’offre la plus grosse glace du glacier <strong>de</strong> Min<strong>de</strong>lo. La première que je<br />

mange au Cap Vert. Heureusement, c’est pas cher, mon porte-monnaie n’en souffre<br />

pas. J’erre ensuite dans les rues, à la vague recherche d’un dîner et d’un petit<br />

déjeuner sur le bateau. Il me reste 3 vache qui rit <strong>de</strong> Brava, avec du pain ça fera<br />

l’affaire. Je finis par m’offrir un café pour avoir un endroit où m’asseoir avec une<br />

table pour écrire. J’en ai marre <strong>de</strong>s journées-attente où j’ai l’impression <strong>de</strong> perdre<br />

mon temps. Je voulais aller au centre culturel français, mais il est fermé tout le mois<br />

d’août.<br />

18h04 Deux heures encore à attendre. J’ai récupéré mon sac à dos. Je suis au café du<br />

club nautique, c’est plus gai que là où j’ai pris un café, <strong>de</strong>s pavillons, <strong>de</strong>s cartes, <strong>de</strong> la<br />

musique (Cesaria Evora en ce moment), même si c’est presque vi<strong>de</strong> à cette heure.<br />

Cesaria Evora chante « Soda<strong>de</strong> », ça veut dire nostalgie, nostalgie du Cap Vert. C’est<br />

ce que je ressens en partant à Sal. Toutes les belles choses ont une fin.<br />

21h16 salle d’attente du port, le bateau était censé partir à 21 heures… La salle<br />

d’attente est un long hall avec <strong>de</strong>s bancs sur les côtés. Au milieu, il y a une file <strong>de</strong><br />

chariots chargés <strong>de</strong> bagages, une belle ligne droite d’un bout à l’autre. C’est amusant.<br />

J’ai hâte <strong>de</strong> voir quand ça va avancer. Un gars à côté joue super bien <strong>de</strong> la guitare<br />

mais on n’entend rien avec le brouhaha. Tout à l’heure, j’ai pique-niqué <strong>de</strong>vant le<br />

port, là où les passagers arrivent pour embarquer. J’ai du faire 500m pour trouver<br />

une poubelle. Aucune à proximité du bâtiment, la plus proche était au pied d’un<br />

lampadaire qui se trouve entre les <strong>de</strong>ux voies <strong>de</strong> la <strong>route</strong>, autrement dit inaccessible.<br />

Ce n’est qu’un exemple, mais il y a un tas <strong>de</strong> choses mal conçues ici. Comme Nadège<br />

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à Praia qui doit escala<strong>de</strong>r ses toilettes pour accé<strong>de</strong>r à la douche. Et les gens qui<br />

portent <strong>de</strong>s bonnets, quand on leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pourquoi, ils disent que c’est pour<br />

protéger du soleil !<br />

22h28, toujours dans la salle d’attente. Ils sont encore à charger les marchandises.<br />

Quand je suis arrivée à 11 heures <strong>de</strong> Santo Antao ils avaient déjà commencé. C’est<br />

dingue la lenteur.<br />

Les enfants commencent à s’endormir et moi aussi.<br />

00h50 C’est du n’importe quoi. On n’est toujours pas partis. Le bateau est une prison,<br />

on ne peut pas bouger, comme en avion. Berk. Ils ont ouvert les portes <strong>de</strong> la salle<br />

d’attente à 22h45. Branle-bas <strong>de</strong> combat, la file <strong>de</strong> chariots vient se tasser <strong>de</strong>vant la<br />

passerelle pour embarquer. Deux matelots mettent ¼ d’heure au moins à démêler un<br />

filet pour la passerelle. Quel souk. Ils font une croix au marqueur sur le billet. En<br />

haut, ils prennent les billets, puis redirigent vers un endroit pour les bagages. Il faut<br />

ensuite récupérer son billet, le pauvre gars a trop <strong>de</strong> trucs à faire à la fois, les gens se<br />

croisent. Il me fait répéter 6 ou 7 fois mon nom car il ne comprend pas. Il faut ensuite<br />

rentrer, <strong>de</strong>scendre <strong>de</strong>s escaliers, donner à nouveau le billet. On s’assoit dans <strong>de</strong>s<br />

sièges comme l’avion, mais on ne peut pas appeler ça <strong>de</strong>s sièges, car dès qu’on<br />

s’appuie sur le dossier, ils s’allongent. On ne peut pas sortir sur le pont, c’est nul. Il y<br />

a la télé évi<strong>de</strong>mment. Les hublots sont trop petits et mal placés pour voir quelque<br />

chose. Maintenant on attend, <strong>de</strong>puis une heure et <strong>de</strong>mi au moins. Je ne sais pas<br />

pourquoi. Je ne vois pas ce qui se passe sur le quai. Quatre heures <strong>de</strong> retard déjà,<br />

c’est dingue, je n’en peux plus. Je suis vraiment déçue pour mon <strong>de</strong>rnier voyage en<br />

bateau.<br />

Mercredi 2 août 2006<br />

9h30 Nous longeons l’île <strong>de</strong> Sao Nicolau. Nous sommes finalement partis à 2h38, soit<br />

avec 5h38 <strong>de</strong> retard. Ca atteint <strong>de</strong>s sommets. On peut quand même sortir sur le pont.<br />

Il faut <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à quelqu’un <strong>de</strong> l’équipage. C’est une grosse porte fermée à triple<br />

tour avec une roue comme un sous-marin. J’ai pu voir le départ <strong>de</strong> Min<strong>de</strong>lo. Le mon<br />

du bateau, je l’ai même pas dit, c’est le Praia d’Aguada. Le plus nul. J’ai dormi calée<br />

comme je pouvais sur mon siège allongé (c’est pas un siège !) Des jeunes parlaient<br />

tout fort et rigolaient alors que tout le mon<strong>de</strong> autrement dormait. Un manque <strong>de</strong><br />

respect.<br />

Nous sommes à la moitié du voyage environ. Je <strong>de</strong>vrais être arrivée à l’heure qu’il<br />

est. Mon voyage <strong>Zellidja</strong> m’aura au moins appris à être patiente en toutes<br />

circonstances ! Le laxisme capverdien.<br />

Le bateau arrive vers 15 heures. Je suis <strong>de</strong> mauvaise humeur <strong>de</strong> cette traversée peu<br />

agréable (et pour que moi je n’apprécie pas un voyage en bateau…) Je récupère mon<br />

sac à dos tout sale. Je comprends qu’ils ont mis les bagages dans les enclos pour les<br />

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chèvres, vi<strong>de</strong>s aujourd’hui. Cela rajoute une bonne couche à ma mauvaise humeur.<br />

En sortant du port, tous les aluguers et tous les taxis m’accostent pour me conduire à<br />

Santa Maria, le pôle touristique. Non, non et non ! Je reste ici, dans le petit port<br />

tranquille <strong>de</strong> Palmeira. Je vais passer à la boutique d’Assane, j’espère qu’ils se<br />

souviendront <strong>de</strong> moi. Il n’est pas là mais les gars m’invitent à m’asseoir et se<br />

rappellent <strong>de</strong> moi. Quand Assane arrive, il me dit : »Quelqu’un m’a dit que tu<br />

venais. » Ah bon ? Qui ? Manu peut-être, mais cela m’étonne. Il laisse la question en<br />

suspens… Après il m’expliquera que c’est le capitaine du Praia d’Aguada qui était là<br />

il y a un mois et qui m’a reconnu sur le bateau ! Waouh ! Assane m’invite à passer la<br />

semaine chez lui. Il est content <strong>de</strong> me voir car il m’avait dit il y a un mois que je<br />

pouvais venir 2-3 jours chez lui (j’avais oublié) et il pensait que je ne reviendrais pas.<br />

Et moi je suis aussi heureuse, c’est plus gai que toute seule dans une pension, et plus<br />

économique, mais cela me gêne un peu pour une semaine. Je vais apporter <strong>de</strong>s fruits<br />

ou <strong>de</strong>s choses à manger pour tout le mon<strong>de</strong>. Il m’emmène chez lui poser mon sac. J’ai<br />

un lit dans la chambre <strong>de</strong>s femmes, tout en haut, donnant sur une gran<strong>de</strong> terrasse. Il<br />

y a du mon<strong>de</strong> qui vit ici, beaucoup <strong>de</strong> neveux d’Assane et quelques amis qui restent<br />

plus ou moins longtemps. Je sens que ma <strong>de</strong>rnière semaine va être plus gaie que ce<br />

j’avais imaginé. C’est une semaine sénégalaise. Nous mangeons un peu <strong>de</strong><br />

tiéboudiène préparé par Oumi. Tous dans le même plat, assis en rond autour. C’est<br />

bon. Nous retournons ensuite à la boutique boire du thé. Assane veut absolument<br />

que je me repose <strong>de</strong> mon voyage. Boire le thé sénégalais, c’est prendre son temps,<br />

rester à discuter pendant qu’il chauffe, trois fois <strong>de</strong> suite. Assane m’apprend à le<br />

préparer. De l’eau, presque tout le sachet <strong>de</strong> thé, dans une petite théière. Quand ça<br />

bout, on rajoute beaucoup <strong>de</strong> sucre. Le premier thé ne chauffe pas longtemps, les<br />

autres plus. Assane prend ensuite les <strong>de</strong>ux petits verres, verse du thé dans l’un, qu’il<br />

reverse dans l’autre, et ainsi <strong>de</strong> suite. C’est pour avoir <strong>de</strong> la mousse, pour faire joli. Il<br />

faut bien verser <strong>de</strong> haut pour former les bulles. On boit brûlant, ça pique la langue<br />

mais j’aime ça. Comme il n’y a que <strong>de</strong>ux verres, on boit chacun notre tour. Quelques<br />

touristes passent à la boutique. En retournant chez Assane, nous rencontrons<br />

Caroline et son fils Malo. Elle et son mari ont un catamaran au Cap Vert, et 6 mois<br />

pas an, ils font du charter. Je leur avais envoyé un mail durant la préparation <strong>de</strong> mon<br />

voyage (après avoir vu leur site internet). Ils n’ont pas eu le temps <strong>de</strong> me répondre<br />

mais trouvaient mon projet très bien. Ils sont amis avec Assane, et nous invitent à<br />

prendre un pot à bord dans la semaine. Je suis contente <strong>de</strong> les connaître, c’est un peu<br />

le hasard. J’aime bien le hasard comme ça. En partant 5 minutes plus tôt, ou plus<br />

tard, on ne se connaîtrait pas.<br />

De retour chez Assane, nous jouons à l’awalé. Je gagne toutes les parties ! Il<br />

m’apprend un autre jeu capverdien avec l’awalé, plus facile.<br />

Avant le diner, j’appelle les Duthion pour leur dire que je suis bien arrivée, puis nous<br />

faisons un tour, saluant les amis d’Assane.<br />

Quand nous rentrons, je me sens totalement au Sénégal. La télé, sortie sur le toitterrasse<br />

diffuse le DVD d’une pièce <strong>de</strong> théâtre sénégalais. Tout le mon<strong>de</strong> rigole, moi<br />

un peu aussi bien que je ne comprends rien. Nous dînons. Deux grands plats <strong>de</strong><br />

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poisson et <strong>de</strong> riz, l’un pour les hommes, l’autre pour les femmes. Je mange avec les<br />

hommes, tous en rond. Mes voissins me dépiautent <strong>de</strong>s morceaux <strong>de</strong> poisson qu’ils<br />

mettent là où je mange. J’aime cette ambiance. Les femmes mangent avec les mains<br />

en malaxant le riz avec l’huile <strong>de</strong> palme. En <strong>de</strong>ssert, il y a une bouillie <strong>de</strong> maïs<br />

aromatisé au jus <strong>de</strong> fruits je pense. C’est délicieux. Je me sens vraiment chez moi,<br />

comme Assane me le répète, reste tranquille, ici c’est ta maison. Comme je tombe <strong>de</strong><br />

sommeil, ils me laissent me coucher plus tôt. Eux regar<strong>de</strong>nt la fin du film. Assane se<br />

moque car j’ai mis le T-shirt PAICV en chemise <strong>de</strong> nuit.<br />

Jeudi 3 août 2006<br />

Journée à Santa Maria, le paradis touristique capverdien. Je sais avant d’y mettre les<br />

pieds que je ne vais pas aimer mais il faut quand même que j’aille voir. Assane<br />

prépare un petit déj taf taf (= vite fait en sénégalais), un petit pain avec un café au lait<br />

ou plutôt du sucre aromatisé au café au lait. Il a du mettre 1/3 du verre <strong>de</strong> sucre, c’est<br />

dur à boire.<br />

Il me met dans l’aluguer qui va à Espargos. De là, j’en prends un autre pour Santa<br />

Maria, au sud <strong>de</strong> l’île. Ici, les <strong>route</strong>s sont goudronnées, il y a même une 4 voies pour<br />

aller à Santa Maria.<br />

Là aussi, tout est sec à part quelques palmiers à un endroit. L’arrivée est moche, <strong>de</strong>s<br />

grues construisent un hôtel immense, vraiment immense, à l’architecture arabe. On<br />

se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ce que ça fout là. L’aluguer s’arrête dans la rue principale. Le centre est<br />

petit, <strong>de</strong>s rues larges avec <strong>de</strong>s maisons basses colorées, tout pour les touristes. Il y a<br />

énormément <strong>de</strong> boutiques d’artisanat sénégalais, et <strong>de</strong>s boutiques <strong>de</strong> kite surfers.<br />

Drôle <strong>de</strong> mélange. Tous les prix sont en euros.<br />

Je passe un moment près <strong>de</strong> la borne fontaine, à observer. J’apprends que la gran<strong>de</strong><br />

majorité <strong>de</strong>s habitants n’a pas l’eau courante, alors qu’à quelques mètres, il y a plein<br />

<strong>de</strong> gâchis dans les hôtels. Cela me choque. J’ai honte <strong>de</strong> ma couleur <strong>de</strong> peau.<br />

Je vais quand même voir la plage, sans laquelle tout cela n’existerait pas. J’admets<br />

qu’elle est belle, couleurs paradisiaques. Le sable est très clair, et l’eau transparente<br />

est d’un bleu turquoise magique.<br />

Je n’ai pas mon maillot <strong>de</strong> bain, sinon je me serais baignée. Je marche sur la plage,<br />

j’observe. Il y a tous les hôtels à la queue-leu-leu, le bord <strong>de</strong> mer est mal arrangé, les<br />

bancs sont cassés. Au retour, je prends la <strong>route</strong>, <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong>s hôtels. Mon dieu !<br />

Je suis passée <strong>de</strong>rrière les décors <strong>de</strong> cinéma. C’est pourtant par là qu’arrivent les<br />

vacanciers. On dirait une <strong>route</strong> <strong>de</strong> zone industrielle en voie <strong>de</strong> disparition. Pas <strong>de</strong><br />

trottoirs, poussiéreux, <strong>de</strong>s camions passant à fond.<br />

Je voulais m’incruster dans les hôtels clubs pour essayer <strong>de</strong> voir le gâchis d’eau ou<br />

les moyens pour expliquer aux vacanciers qu’il faut économiser l’eau, mais ils ont<br />

tous un bracelet coloré pour qu’ils se rappellent dans quel hôtel ils sont, comme les<br />

bracelets avec notre nom quand on était petits sur la plage. Je vais donc <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />

<strong>de</strong>s renseignements à l’accueil. Je suis plus ou moins bien reçue, cela m’amuse. Plus<br />

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ou moins bien comprise aussi. Dans l’un, on me donne une bouteille d’eau (ça tombe<br />

bien, j’avais soif !) Dans un autre, le gars au guichet a l’air passionné par mon<br />

discours <strong>de</strong> présentation. A la fin, il me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : « La réservation, c’est à quel<br />

nom ? » J’ai laissé tomber ! J’avais pas assez <strong>de</strong> chances en disant un nom au pif <strong>de</strong><br />

trouver l’un <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> sa liste, pour gagner une semaine en hôtel-club. Enfin, on m’a<br />

montré une usine privée <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssalement, j’ai pu poser mes questions par<br />

l’intermédiaire d’un sénégalais.<br />

Je pars ensuite à la chasse au pique-nique le moins cher et le meilleur possible. Ici, un<br />

jus <strong>de</strong> goyave brésilien est 3 à 4 fois plus cher qu’à Brava (moi qui adore ça…)<br />

J’avance un peu ce cahier qui a pris <strong>de</strong> retard à la terrasse d’un café, le plus<br />

capverdien que j’ai pu trouver. Je rentre après avoir discuté avec quelques sénégalais<br />

accostant les touristes pour les mener à leur boutique. C’est lourd. J’ai même essayé<br />

<strong>de</strong> dire que j’étais polonaise, que je ne comprenais rien, ils ne lâchaient pas leur proie.<br />

A Espargos, j’achète du coca pour toute ma famille sénégalaise. Une voiture me<br />

prend en stop alors que j’attends un aluguer pour rentrer à Palmeira. Je retrouve<br />

Oumi à la boutique d’artisanat. Nous rentrons ensemble. Je l’ai<strong>de</strong> à cuisiner. Fred,<br />

Caroline et Malo (les français en cata) viennent chercher leur linge qu’Assane lave car<br />

il a une machine à laver. J’aime l’ambiance qui règne sur la terrasse. Je traîne ensuite<br />

avec Assane qui va voir ses copains, je joue un peu avec Marie, elle est très forte à<br />

l’awalé (ouri ici). Le dîner est rapi<strong>de</strong>, tout le mon<strong>de</strong> mange vite. Les menus se<br />

ressemblent tous : riz et poisson, seule la sauce et la façon <strong>de</strong> cuisiner changent. Je<br />

ressors avec Assane. L’un <strong>de</strong> ses amis a une guitare et ils chantent dans la rue. C’est<br />

sympa.<br />

Vendredi 4 août 2006<br />

Je me lève <strong>de</strong> mauvaise humeur, je ne sais pas pourquoi. Certainement parce que je<br />

ne prends pas <strong>de</strong> petit déjeuner, donc pas <strong>de</strong> café. A force d’en prendre tous les jours,<br />

je finis par être droguée !<br />

Assane m’emmène chez Marjorie, une française qui travaille ici <strong>de</strong>puis 2 ans. Elle est<br />

ingénieur paysagiste et travaille sur <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> tourisme vert. Elle a fait les<br />

mêmes étu<strong>de</strong>s que celles que je commence. On discute pas mal, elle me file un<br />

document avec <strong>de</strong>s infos sur l’eau. On parle <strong>de</strong> sa vie ici. Je l’admire car cela ne doit<br />

pas être gai tous les jours. Elle n’a pas d’amis ayant les mêmes préoccupations<br />

qu’elle. Les filles <strong>de</strong> son âge ont déjà plusieurs enfants.<br />

Je repars à la boutique d’Assane. Il doit m’emmener à l’usine <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssalement d’eau<br />

<strong>de</strong> mer. Il n’est pas pressé, j’attends, j’en ai marre <strong>de</strong> perdre mon temps. Je retourne à<br />

la maison, j’oublie même ce que j’ai fait, trainassé avant le déjeuner. Ah si, nous<br />

passons à l’usine avant, ils nous donnent ren<strong>de</strong>z-vous à 14 heures. Nous y allons à 15<br />

heures. J’en ai marre d’attendre, <strong>de</strong> dépendre d’Assane. Heureusement je suis très<br />

bien reçue à l’usine. Le responsable qui m’accueille parle français et se fait un plaisir<br />

<strong>de</strong> répondre à mes questions et <strong>de</strong> me montrer les machines. Cela me redonne un<br />

peu <strong>de</strong> bonne humeur. En sortant, Assane est content aussi d’avoir appris quelques<br />

44


trucs. Je n’ai plus le temps d’aller à Fontona. Je vais faire un saut sur le net, Assane<br />

m’énerve à vouloir planifier ma journée et rester avec moi. C’est un moyen pour<br />

m’en décoller. Je m’asseois ensuite à la table en bobine <strong>de</strong> tuyau du petit café <strong>de</strong><br />

Palmeira pour écrire mon cahier. A 18 heures, je retourne à la boutique. Je dois aller<br />

sur la cata <strong>de</strong> Fred et Caro.<br />

Finalement, changement <strong>de</strong> programme, c’est eux qui viennent à terre, on va aller<br />

manger <strong>de</strong>s pintches. Nous les retrouvons autour <strong>de</strong> la table-bobine, avec d’autres<br />

marins. Assane s’en va rapi<strong>de</strong>ment avec ses copines. Moi j’adore l’ambiance qui<br />

règne autour <strong>de</strong> la bobine. Un vieux loup <strong>de</strong> mer surnommé Papa Noël raconte sa<br />

traversée <strong>de</strong>puis Dakar. On se donne <strong>de</strong>s nouvelles <strong>de</strong>s bateaux partis. Ambiance<br />

voile au long cours. Nous allons ensuite dans la ruelle d’à côté où une femme<br />

prépare les pintches. Elle a mis <strong>de</strong>s bancs <strong>de</strong>vant chez elle, et son barbecue. Les<br />

pintches sont <strong>de</strong>s petites brochettes <strong>de</strong> porc qui se mangent sans fin, en discutant sur<br />

les bancs. Cela met <strong>de</strong> l’animation dans la rue, tous les vendredis, samedi et<br />

dimanche soirs. Je retrouve Assane chez lui. Il veut que je l’accompagne chez ses<br />

amis policiers manger du poulet grillé. Je n’ai vraiment pas envie, mais j’accepte <strong>de</strong><br />

manger un morceau et <strong>de</strong> rentrer après pour lui faire plaisir. Nous apportons le<br />

barbecue. Quelqu’un part chercher du charbon. Attendre, attendre…Les filles <strong>de</strong><br />

mon âge ou presque ont déjà <strong>de</strong>s gosses… Un gars <strong>de</strong> Santo Antao est tout content<br />

car j’ai mangé au restaurant <strong>de</strong> sa sœur. Le Cap Vert est un petit pays.<br />

Samedi 5 août 2006<br />

A peine levée, Assane commence à me planifier toute ma journée, je ne vais encore<br />

rien faire. Je lui mets les points sur les yeux (ou les poings sur les yeux ?) comme il<br />

dit ! Je ne veux plus qu’il s’occupe <strong>de</strong> moi la journée, le soir je reste avec la famille. Je<br />

suis peut-être un peu sèche, mais c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour avoir ma<br />

liberté. Après ça, j’aurai toujours la paix, il ne cherchera plus du tout à faire <strong>de</strong> moi<br />

une copine <strong>de</strong> plus sur sa liste (tant mieux).<br />

Je dois appeler la TAP pour confirmer mon retour. Cela ne marche pas. Je déci<strong>de</strong><br />

donc d’aller à Espargos faire un saut à l’aéroport. Petit déj café-sandwich au fromage<br />

à Espargos, ensuite je retrouve la gran<strong>de</strong> Marie dans sa boutique qui m’offre un<br />

collier et un bracelet. Je vais ensuite à l’aéroport à pied, je ne veux pas payer un taxi.<br />

Cela me prend 20-25 minutes, il y a un trottoir le long <strong>de</strong> la 4 voies (peu fréquentée<br />

pour une 4 voies). Je chantonne sur la <strong>route</strong>. C’est <strong>de</strong>venu une habitu<strong>de</strong> quand je<br />

marche seule. Là, je dois dire que j’ai <strong>de</strong> la chance. J’arrive à 9h55 <strong>de</strong>vant le bureau<br />

<strong>de</strong> la TAP, il est fermé. Voici les horaires : 22h-3h du mat tous les jours (heure <strong>de</strong><br />

départ et d’arrivée <strong>de</strong> l’avion <strong>de</strong> la TAP), et en plus <strong>de</strong> 10h à 12h30 le samedi.<br />

Waouh ! J’ai bien visé. Au guichet, on parle français. Ca prend 2 minutes. Je repars à<br />

pied. J’ai envie d’aller à Pedra <strong>de</strong> Lume, les anciennes salines dans un cratère. Il n’y a<br />

pas d’aluguer, il faut prendre un taxi. Je déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> faire du stop sans faire <strong>de</strong> stop,<br />

c'est-à-dire sue je pars à pied, ici il y a toujours <strong>de</strong>s voitures qui s’arrêtent même<br />

quand on ne fait aucun signe. La première voiture qui me rattape me prend. Nickel !<br />

45


Le village au bord <strong>de</strong> la mer comporte quelques maisons toutes pareilles, une petite<br />

épicerie très jolie avec un long comptoir et un restaurant pour les groupes <strong>de</strong><br />

touristes faisant le tour <strong>de</strong> l’île. La <strong>route</strong> pour aller aux salines a l’air déserte jusqu’au<br />

parking plein <strong>de</strong> pick-up touristiques. Elle longe l’ancien téléphérique qui permettait<br />

<strong>de</strong> transporter les sacs <strong>de</strong> sel <strong>de</strong>s salines jusqu’au port. On entre dans le cratère par<br />

un petit tunnel creusé dans la paroi. De l’autre côté, un autre mon<strong>de</strong>. Dans le rond<br />

parfait du cratère se nichent les bassins. Des touristes se baignent à un endroit, ils<br />

partent quand j’arrive, sauf un vieil italien qui est marié avec une capverdienne et<br />

qui m’explique plein <strong>de</strong> trucs. Je me baigne aussi, c’est agréable. Quand on ressort, le<br />

sel forme une épaisse couche blanche. J’ai une petite bouteille d’eau pour me rincer,<br />

mais il reste toujours plein <strong>de</strong> sel. Tant pis. Je pars au fond du cratère, puis je grimpe<br />

jusqu’au point le plus haut <strong>de</strong>s parois. La vue est belle, on voit les étendues <strong>de</strong><br />

cailloux, et la mer presque sur 360°. L’escala<strong>de</strong> est facile, je suis étonnée que personne<br />

ne monte. Au retour, j’ai bien soif, mais plus d’eau vu que je me suis rincée avec. A<br />

l’épicerie, ils n’ont plus d’eau. Je me prends un coca cola, je crois que je n’en ai jamais<br />

apprécié un autant auparavant. Je vais ensuite me rincer du sel dans la mer, sur la<br />

belle petite plage. Je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> comment je vais rentrer. Il n’y a quasiment pas <strong>de</strong><br />

voitures et le soleil tape fort maintenant. Je trouve finalement une voiture qui va à<br />

Espargos, qui s’arrête aussi alors que je marche. Je passe à la boutique <strong>de</strong> Marie, j’y<br />

retrouve Oumi qui m’emmène au marché. Le marché, c’est un ensemble <strong>de</strong> petites<br />

boutiques tenues par <strong>de</strong>s sénégalais. Ils ont tous la même chose. Je n’y vois pas un<br />

touriste, en même temps il faudrait être un peu maso pour y aller tout seul, c’est un<br />

pot <strong>de</strong> glue. Il y a une ambiance familiale, tout le mon<strong>de</strong> se connaît, s’appelle,<br />

partage son repas. Des gars m’invitent à boire le thé. Oh là là ! J’aurais du refuser.<br />

Rien que le temps qu’ils mettent à regrouper une bouteille <strong>de</strong> gaz, la théière, les<br />

verres, le thé, le sucre et l’eau est interminable. Je ne bois que le premier.<br />

Je rentre ensuite avec Oumi à Palmeira. Les <strong>de</strong>ux petites Marie et Juliana m’ennuient.<br />

Elles viennent rô<strong>de</strong>r dès que je prends un truc dans mon sac en me <strong>de</strong>mandant tout.<br />

Après le dîner, Oumar (qui a 20 ans mais qui en paraît moins, avec ses boucles<br />

d’oreille en <strong>de</strong>nts <strong>de</strong> requin !) m’emmène à Espargos où son groupe <strong>de</strong> hip-hop<br />

participe à un concours <strong>de</strong> danse. Ils sont tous habillés à l’américaine à l’extrême. Un<br />

petit a une chemise qui lui arrive aux genoux. Ils ont <strong>de</strong>s boucles d’oreille en faux<br />

diamant, <strong>de</strong>s grosses baskets, <strong>de</strong>s colliers à grosses chaînes… Oumar me présente à<br />

tous ses amis qui me font la bise. Ils ne se prennent pas pour m’importe qui, c’est<br />

amusant. Le spectacle commence au moins trois heures en retard. La salle <strong>de</strong>s fêtes<br />

est en plein air, il fait presque froid avec le vent. Je suis impressionnée par les danses<br />

du groupe d’Oumar. C’est aux qui gagnent. Il y a aussi un concours <strong>de</strong> musique, puis<br />

les miss. Cela n’en finit pas. L’une d’elles se prend les pieds dans son paréo ! J’ai<br />

vraiment froid et envie <strong>de</strong> dormir. Il faut encore attendre le prix, puis un aluguer.<br />

Tout le groupe se tasse dans le Hiace, j’ai le privilège d’avoir une place <strong>de</strong>vant. Je<br />

crois qu’ils font la fête après à Palmeira, mais je vais me coucher.<br />

46


J’ai retrouvé le chauffeur <strong>de</strong> taxi qui m’avait hébergée avec Manu à l’arrivée. Il m’a<br />

donné son numéro si j’avais besoin d’un taxi <strong>de</strong> nuit, tarif d’ami !<br />

Dimanche 6 août 2006<br />

Marie se lève vers 8 heures pour aller à sa boutique à Espargos. Je n’ai plus envie <strong>de</strong><br />

dormir. Assane, Oumi et les autres jeunes sont encore au lit car ils sont allés danser à<br />

Santa Maria. Je ne veux pas attendre qu’ils se réveillent sinon je vais perdre ma<br />

journée. Je veux aller à pied à Buracona, c’est à 6 km. Tout le mon<strong>de</strong> me dit que je<br />

suis folle <strong>de</strong> faire ça, je ne vois pas pourquoi. Rien que pour ça, je vais y aller. Je petitdéjeune<br />

dans le seul café ouvert, un café au lait, une part <strong>de</strong> gâteau et une délicieuse<br />

mangue achetée à une vieille dame avec <strong>de</strong>s grosses lunettes <strong>de</strong>vant le marché. C’est<br />

du luxe ici les fruits, vu que tout est importé. Je prends ensuite la <strong>route</strong> <strong>de</strong> Buracona.<br />

Elle longe les quelques usines et le bord <strong>de</strong> mer. Il n’y a personne. Ca m’énerve car je<br />

<strong>de</strong>viens parano à force que l’on me dise <strong>de</strong> faire attention en tant que fille seule. Je<br />

m’inquiète quand je vois <strong>de</strong>s pêcheurs marcher vers moi alors qu’ils me montrent<br />

gentiment le chemin. Je glisse ma main dans mon sac pour sortir mon couteau suisse<br />

et je regar<strong>de</strong> les pierres du chemin que je pourrais lancer si <strong>de</strong>s chiens m’attaquent.<br />

Arrête Françoise ! La <strong>route</strong> est moche, une piste dans les cailloux, c’est le désert avec<br />

la mer à quelques mètres sur la gauche. J’ai toujours une pensée pour les premiers<br />

habitants. Pourquoi se sont-ils arrêtés sur une île si hostile ? Comment avaient-ils <strong>de</strong><br />

l’eau douce ?<br />

Heureusement, il y a une bonne couche <strong>de</strong> nuages et du vent pour me protéger du<br />

soleil et <strong>de</strong> la chaleur. Il y a quelques pêcheurs dans les rochers, sinon c’est mort. Pas<br />

une voiture, personne sur la <strong>route</strong>. A un moment, j’aperçois une petite cabane au<br />

loin. En me rapprochant, je vois <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s chaises en plastique. Un bar ? Ici ? En<br />

plein désert ? Oui ! Buracona c’est ici. Il y a un trou avec une piscine naturelle d’eau<br />

<strong>de</strong> mer, et une douzaine <strong>de</strong> gens à se baigner. D’où viennent-ils ? Ou plutôt comment<br />

sont-ils venus ? Il n’y a aucune voiture. C’est bien paumé pour pas grand-chose. Cela<br />

ne me donne même pas envie <strong>de</strong> me baigner, l’eau est verdâtre, car peu brassée par<br />

la mer puisqu’il y a un muret pour retenir l’eau. Le mec du bar a l’air <strong>de</strong> s’ennuyer, il<br />

n’y a pas <strong>de</strong> clients. Autour, du plat caillouteux, la mer, le vent, un petit mont pointu<br />

un peu plus loin. L’éolienne <strong>de</strong> Palmeira qui tourne, mais produit-elle vraiment <strong>de</strong><br />

l’électricité ? Des mirages au loin avec le vent et la chaleur.<br />

Ah ! Un car <strong>de</strong> touristes. Il est temps pour moi <strong>de</strong> partir. C’est l’heure d’affluence. En<br />

rentrant, je croise plein <strong>de</strong> touristes dans <strong>de</strong>s 4X4 <strong>de</strong> location ou dans <strong>de</strong>s pick-up qui<br />

font le tour <strong>de</strong> l’île. Il faut voir leur tête quand ils me voient marcher toute seule. Les<br />

touristes en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> Santa Maria, cela me fait penser au parc animalier <strong>de</strong> Port-<br />

Saint-Père où l’on peut voir <strong>de</strong>s animaux sauvages en liberté en restant dans sa<br />

voiture, sauf qu’ici, les animaux sont les capverdiens. Je m’arrête au bord <strong>de</strong> l’eau<br />

47


pour laver mes jambes <strong>de</strong> la poussière <strong>de</strong> la <strong>route</strong>. Il y a <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s mares peu<br />

profon<strong>de</strong>s, avec les mêmes crevettes que chez nous qui pincent les pieds. Je n’arrive<br />

plus à en attraper ! Je reste un moment, je n’ai pas envie <strong>de</strong> rentrer chez ma famille<br />

sénégalaise, je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que je fais trop comme chez moi.<br />

Ce matin, je suis partie sans dire où j’allais ni quand je rentrais. Peut-être aussi parce<br />

que je ne fais pas confiance à 100% à Assane.<br />

Finalement j’y vais. C’est presque l’heure du déjeuner. Encore riz-poisson. Ils ne s’en<br />

lassent pas. Pourtant ils pourraient facilement varier les menus. Ca doit être une<br />

habitu<strong>de</strong> d’européens.<br />

Je vais ensuite à Espargos pour me bala<strong>de</strong>r et pour faire avancer ce carnet, chose<br />

impossible à la maison avec les enfants perpétuellement collés à moi. La ville est<br />

morte le dimanche après-midi. Tous les magasins sont fermés. Je trouve un café<br />

ouvert avec une table pour écrire.<br />

Il pleut ! Il pleut ! A Sal, l’île désertique. Ce n’est pas le déluge, mais ça mouille un<br />

peu. Assez fort maintenant. Les gens viennent s’abriter dans le café où j’écris. La<br />

serveuse sort les parasols pour les laver <strong>de</strong> la poussière. A Palmeira, Assane est en<br />

train <strong>de</strong> faire une lessive…<br />

Cela ne dure malheureusement pas longtemps du tout.<br />

Je suis invitée à prendre un verre avec Assane sur le cata <strong>de</strong> Fred et Caroline. Assane<br />

ne vient pas car il s’est trouvé une copine. Moi je suis toute contente <strong>de</strong> mettre le pied<br />

sur un voilier même s’il reste au port. Je reste pour dîner, <strong>de</strong>s pâtes, ça me change du<br />

riz ! Je suis contente d’avoir leur point <strong>de</strong> vue sur les problèmes du Cap Vert, qu’ils<br />

connaissent bien pour y passer 6 mois par an. Ils me prêtent un bracelet du Riu<br />

Funana, le plus gros <strong>de</strong>s hôtels-clubs et le <strong>de</strong>rnier, encore en construction. Autrement<br />

dit, je vais pouvoir passer le temps que je veux là-bas sans payer. Le bracelet est le<br />

moyen <strong>de</strong> contrôler que les gens sont bien <strong>de</strong> l’hôtel. Je pourrai observer le gâchis<br />

d’eau en direct.<br />

Quand je reviens à terre, la première chose qu’Assane me dit est : « Qu’est-ce que<br />

c’est que ce bracelet ? » !<br />

Lundi 7 août 2006<br />

Une journée <strong>de</strong> vacances, à jouer les touristes, ou plutôt les vacanciers à la recherche<br />

<strong>de</strong> soleil. Aluguer pour Espargos où je prends mon petit-déjeuner gâteau-café, puis<br />

aluguer pour Santa Maria. Je cache mon bracelet gris sous ma montre pour ne pas<br />

être cataloguée d’office et arnaquée. Je veux me ramener en souvenir un T-shirt <strong>de</strong><br />

surfer capverdien. Celui qui me plait est cher. Je fais toutes les boutiques, ils n’en ont<br />

pas ailleurs. Déçue, je vais m’offrir une glace pour enfants, cela ne coûte rien. Ce sont<br />

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<strong>de</strong>s jus <strong>de</strong> fruits en poudre mis dans <strong>de</strong>s sachets en plastique au congélateur. On ne<br />

veut pas m’en vendre, je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> finalement à <strong>de</strong>s gamins où ils l’ont eu, toute la<br />

ban<strong>de</strong> m’y emmène ! Je retourne au magasin du T-shirt, c’est une autre ven<strong>de</strong>use.<br />

Elle me le fait beaucoup moins cher. J’ai bien fait d’attendre.<br />

Maintenant direction le Riu Funana. Je dois me métamorphoser en vacancière. Je<br />

mets mon maillot <strong>de</strong> bain dans un coin <strong>de</strong> plage, et mon foulard rose comme paréo,<br />

tout le reste dans mon sac. Je prévois d’entrer par la plage. Il me faut marcher jusqu’à<br />

l’hôtel qui se trouve très excentré. Je me baigne avant sur la plage quasi déserte où<br />

seuls quelques vacanciers se promènent. Il y a <strong>de</strong> belles petites vagues qui sont en<br />

fait super fortes quand on s’y baigne. C’est presque dur <strong>de</strong> tenir <strong>de</strong>bout, et elles<br />

charrient tout plein <strong>de</strong> sable qui se glisse sous le maillot et dans les cheveux,<br />

impossible <strong>de</strong> se rincer. Je continue ma marche jusqu’à la plage <strong>de</strong> mon hôtel,<br />

j’achève ma métamorphose en enlevant ma montre pour libérer le bracelet gris passepartout.<br />

Ils sont vraiment loin <strong>de</strong> tout, les touristes d’ici. Je me fonds dans la masse et<br />

rentre par la porte <strong>de</strong> la plage. Je ne me sens pas trop à l’aise ! Personne ne me<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> rien. C’est bizarre <strong>de</strong> se dire <strong>de</strong> faire comme tout le mon<strong>de</strong>. J’observe les<br />

vacanciers pour faire comme eux et ne pas paraître intruse. J’espère qu’on ne va pas<br />

me poser <strong>de</strong> questions. Il est 12h30 environ, je visite un peu, j’essaye <strong>de</strong> repérer le<br />

restaurant. Il ouvre à 13 heures. La boutique <strong>de</strong> souvenirs est entièrement remplie <strong>de</strong><br />

produits « Pirata », la boîte <strong>de</strong> nuit branchée <strong>de</strong> Santa Maria. Ce n’est même pas sûr<br />

que les touristes d’ici y aillent. Dans les toilettes près <strong>de</strong> la réception, il y a <strong>de</strong>s<br />

douches avec savon, serviettes. J’en profite à fond pour me rincer du sable, et pour<br />

m’habiller pour le déjeuner.<br />

A l’entrée du restaurant, les serveurs font une haie d’honneur pour saluer les clients.<br />

S’ils savaient ! Ils seraient moins accueillants… Je dois faire attention à ne pas leur<br />

parler en créole. Il y a un immense buffet <strong>de</strong> nourriture européenne, sauf quelques<br />

« dolce <strong>de</strong> coco » (sucreries à la noix <strong>de</strong> coco) perdues dans les <strong>de</strong>sserts. Je déjeune<br />

bien, je mange trop…<br />

Je vais faire un tour du côté du sauna et du jacuzzi. A l’entrée, une hôtesse me dit<br />

que c’est compris dans mon forfait. Mon forfait tout gratuit inclut beaucoup <strong>de</strong><br />

choses… J’y vais pour en profiter à fond. Jacuzzi, puis sauna. Il n’y a personne<br />

d’autre… J’enchaine ensuite avec la piscine. L’eau est douce… (on m’avait dit que les<br />

piscines étaient remplies d’eau <strong>de</strong> mer à cause du manque d’eau douce…) Je<br />

commence à m’ennuyer, personne ne me parle…<br />

Cela aurait été carrément plus drôle à <strong>de</strong>ux, pour en profiter à fond. J’aurais pu<br />

sympathiser avec <strong>de</strong>s français, il y en a, mais j’aurais du expliquer mon cas, et cela ne<br />

me disait trop rien. On doit vraiment s’ennuyer à passer ses vacances ici. Je repars, je<br />

n’ai plus rien à faire là. Encore une bonne marche sur la plage blanche pour retourner<br />

à Santa Maria, en pensant à ce que j’ai vu. Comment peut-on rester dans un mon<strong>de</strong> si<br />

artificiel à faire <strong>de</strong>s activités débiles alors qu’il y a tout un mon<strong>de</strong> à découvrir<br />

<strong>de</strong>rrière ? Et après ils disent qu’ils sont allés au Cap Vert.<br />

Aluguer pour Espargos. Là, je vais voir Marie à sa boutique. Elle est <strong>de</strong>vant à<br />

discuter avec d’autres sénégalais. Elle me propose <strong>de</strong> me tresser les cheveux.<br />

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J’accepte ! Me voila assise par terre <strong>de</strong>vant elle à pencher la tête dans tous les sens.<br />

Une heure après, elle a fini. Je file à Palmeira. Je dois rendre le bracelet à Fred et<br />

Caro. Je ne les vois pas. Ca attendra.<br />

Après le dîner, je parle à un autre Assane qui travaille sur un voilier <strong>de</strong> charter. Il<br />

connaît la Baleine Blanche ! C’est dingue ! Il les a rencontrés à Dakar quand il<br />

travaillait au Yacht Club. Depuis, il a beaucoup voyagé et connaît plein <strong>de</strong> trucs.<br />

J’aime bien parler avec lui. Dommage que je le connaisse si tard.<br />

Oumar m’emmène ensuite à un anniversaire. Il me présente à ses amis. La fête est<br />

dans la rue, musique, grilla<strong>de</strong>s et ponch.<br />

Nous rencontrons ensuite Friedman, le cuisinier qui bosse avec Assane sur le voilier.<br />

Il est aussi super sympa et nous invite <strong>de</strong>main soir à dîner.<br />

Mardi 8 août 2006<br />

Ma <strong>de</strong>rnière journée au Cap Vert. Je suis ni triste, ni gaie. Je reste à Palmeira pour<br />

économiser mes <strong>de</strong>rniers escudos, et parce que je n’ai rien à faire à Espargos ou Santa<br />

Maria.<br />

Je m’achète un pain et <strong>de</strong> l’eau pour le petit déjeuner. Je vais le manger sur le port. Je<br />

dois voir Fred et Caro pour leur rendre le bracelet. J’arrive à capter leur attention par<br />

<strong>de</strong> grands signes. Fred vient me chercher en annexe. Je passe un peu <strong>de</strong> temps sur<br />

leur cata. Ils rangent tout et nettoient tout car <strong>de</strong>s clients arrivent ce soir. Quand je<br />

repars, le quai et même tout le village sont bondés <strong>de</strong> cars et <strong>de</strong> pick-up <strong>de</strong> touristes.<br />

Le zoo. Ils vont tous à la boutique d’Assane. Oumar fait une démonstration <strong>de</strong><br />

djembé. Je veux retourner à la maison faire mon sac mais tout est fermé, ils sont tous<br />

partis. Tant pis. Je ne sais pas trop où aller, du coup je m’offre un <strong>de</strong>rnier jus <strong>de</strong> fruits<br />

brésilien au café qui a la belle table en bobine, et en plus bien placée pour observer<br />

les allées et venues. La chaleur et le vent ralentissent la vie. Des hommes réparent un<br />

vélo à l’ombre d’une maison. Une femme chante chez elle. Un pick-up <strong>de</strong> touristes<br />

passe, ils me regar<strong>de</strong>nt tous l’air bête. Pourquoi ?<br />

Le sacré Grillon vient me dire bonjour. Pieds nus, à parler comme un gamin. Il bosse<br />

sur les bateaux <strong>de</strong> charter à la journée et traîne en permanence sur le port.<br />

Quand l’agitation se calme et que tous les touristes ont l’air partis, je retourne à la<br />

boutique. Je dois retrouver Oumar qui veut m’accompagner à Fontona. Il est parti à<br />

Espargos. Je dois l’attendre. Je pars avec Oumi et les petites à la maison. Je fais mon<br />

sac, tous mes souvenirs bien protégés pour le long voyage qui les attend. J’offre à<br />

Oumi <strong>de</strong>ux T-shirts et le contenu <strong>de</strong> ma trousse <strong>de</strong> toilette, je n’en ai plus besoin ! Elle<br />

est contente. J’offre aux petites <strong>de</strong>s peluches qu’il me reste à offrir. Pour une fois,<br />

elles arrêtent <strong>de</strong> se chamailler ! Quand j’ai fini, j’ai<strong>de</strong> Oumi à préparer le repas que<br />

l’on emmène ensuite à la boutique. Oumar est <strong>de</strong> retour. Après le déjeuner, nous<br />

allons à Fontona. C’est l’un <strong>de</strong>s très rares endroits <strong>de</strong> l’île où l’on trouve du vert et un<br />

peu d’eau. Cela se situe juste <strong>de</strong>rrière une colline qui le sépare et le rend invisible <strong>de</strong><br />

50


Palmeira. Il y a effectivement <strong>de</strong>s arbres, mais aussi <strong>de</strong> nombreux déchets. C’est un<br />

lieu <strong>de</strong> pique-nique le week-end. Dommage qu’ils ne soient pas ramassés. Oumar<br />

m’emmène dans la seule maison du lieu. On y trouve un puits où croupit un fond<br />

d’eau verdâtre. Il y a aussi <strong>de</strong>s bassins où un homme fait grandir <strong>de</strong>s tortues marines.<br />

Pour les relâcher ensuite et non pour les manger d’après ce qu’il dit. La vérité ? Je<br />

n’en sais rien. Je l’espère ! De retour à Palmeira, Oumar retrouve <strong>de</strong>s amis, je rejoins<br />

les femmes sur la terrasse. Elles regar<strong>de</strong>nt les produits que j’ai offerts à Oumi. Elles<br />

me disent qu’elles son tristes <strong>de</strong> me voir partir… Moi aussi je suis triste <strong>de</strong> partir.<br />

Vers 19 heures, je retrouve Assane (celui qui connaît la Baleine), Friedman et Oumar.<br />

Nous passons à l’épicerie avant <strong>de</strong> monter dans l’annexe. Ils me déposent au cata<br />

pour que je dise au revoir à mes amis français pendant que Friedman cuisine. Ils ont<br />

tout organisé pour ne pas perdre <strong>de</strong> temps avant l’heure d’embarquement qui se<br />

rapproche toujours un peu plus. Me voila sur leur Goulette, le bateau typiquement<br />

méditerranéen pour les promena<strong>de</strong>s touristiques à la journée, les mêmes qui venaient<br />

près <strong>de</strong>s voiliers <strong>de</strong> la Baleine dans les jolies criques turques. Evi<strong>de</strong>mment, je saute<br />

<strong>de</strong> joie d’être sur un voilier (même si celui-ci n’est pas fait pour se déplacer à la<br />

voile), retrouvant cette sensation d’être à ma place, dans mon élément, cette aisance à<br />

me déplacer, bref, le bonheur d’être dans un milieu marin. Assane me fait visiter le<br />

bateau qui est aussi leur maison. C’est assez spacieux, le carré est agréable. Oumar<br />

accroche sa casquette <strong>de</strong> rappeur américain sur un clou, on rigole bien, persuadés<br />

qu’il va l’oublier tellement elle parait à sa place. Friedman nous appelle, le festin est<br />

prêt. Quelle beau ca<strong>de</strong>au m’ont fait là mes amis ! Instant inoubliable que ce <strong>de</strong>rnier<br />

repas capverdien, <strong>de</strong>ux sénégalais, un capverdien et une française. On parle toutes<br />

les langues, Oumar et Assane se parlent en wolof, Oumar et Friedman en créole,<br />

Friedman et Assane en français entre eux, et tous en français avec moi ! Je me sens<br />

bien avec eux, malgré nos différences quelque chose nous unit. Quel bel équipage<br />

nous formerions pour un tour du mon<strong>de</strong>. Il suffirait juste <strong>de</strong> lever l’ancre et <strong>de</strong> hisser<br />

les voiles, direction l’Amérique. Dommage que le bateau ne soit pas fait pour cela.<br />

Dommage que mon voyage s’arrête bientôt. Dommage que…<br />

Les poissons grillés <strong>de</strong> Friedman sont délicieux. Il ne faut pas trop s’attar<strong>de</strong>r. Hop,<br />

nous voilà tous dans l’annexe, puis sur la terre ferme. Oumar a oublié sa casquette !<br />

Au revoir à ma famille sénégalaise, tous me souhaitent un bon voyage, regrettent <strong>de</strong><br />

me voir partir. Assane et Oumar en ont profité pour appeler un taxi, ils<br />

m’accompagnent à l’aéroport. Il est déjà là… Adieu Palmeira et tous mes amis. Moins<br />

<strong>de</strong> cinq minutes plus tard, nous sommes à l’aéroport. L’île est petite… Nous sommes<br />

presque en avance. J’enregistre mon sac puis je retrouve mes amis, photos souvenirs<br />

dans le hall puis il est temps <strong>de</strong> se quitter, c’est l’heure <strong>de</strong> l’embarquement. C’est la<br />

mémoire remplie <strong>de</strong> souvenirs et l’esprit ailleurs que je franchis le contrôle <strong>de</strong>s<br />

passeports et l’attente. Les portes s’ouvrent pour aller vers l’avion, je laisse passer<br />

tout le mon<strong>de</strong> avant moi. Je sors dans les <strong>de</strong>rniers du bâtiment, marche lentement<br />

vers l’appareil en essayant <strong>de</strong> bien regar<strong>de</strong>r autour <strong>de</strong> moi pour me souvenir <strong>de</strong> tout.<br />

Il y a une petite queue formée par les gens qui se placent dans l’appareil, j’attends en<br />

haut <strong>de</strong>s marches, à la porte <strong>de</strong> l’avion, en regardant une <strong>de</strong>rnière fois le paysage<br />

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désertique éclairé par la lune, au loin les lumières <strong>de</strong> Palmeira. Je suis la <strong>de</strong>rnière à<br />

entrer lentement dans l’avion. Le steward plaisante et me dit que je peux encore<br />

re<strong>de</strong>scendre si j’ai envie, j’ai l’air si triste <strong>de</strong> partir… Eh oui je suis triste <strong>de</strong> partir, les<br />

larmes me montent aux yeux. S’il savait tout ce que j’ai vécu <strong>de</strong>puis mon arrivée ici…<br />

Je ne sais pas quand je reviendrai. Pour lui ça sera sans doute <strong>de</strong>main ou la semaine<br />

prochaine.<br />

Décollage rapi<strong>de</strong>, en retard évi<strong>de</strong>mment mais pour une fois je trouve qu’il est ne l’est<br />

pas assez, les lumières d’Espargos disparaissent vite du hublot…<br />

Lisbonne, 8h26<br />

Atterrissage à Lisbonne en début <strong>de</strong> matinée, je ne suis pas bien réveillée. Nous<br />

sommes en retard, mais d’après l’horaire <strong>de</strong> ma correspondance j’ai encore le temps<br />

<strong>de</strong> l’avoir. Le bus nous dépose dans un hall bondé, <strong>de</strong>s voyageurs grouillant dans<br />

tous les sens. Je suis complètement perdue. Mon vol clignote en rouge pour signifier<br />

que l’embarquement est presque fini. Je dois me dépêcher, mais impossible <strong>de</strong><br />

comprendre par où je dois passer pour rejoindre la porte d’embarquement. Je<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> à un agent d’accueil qui me dit que c’est trop tard, que je dois faire la queue<br />

là où il y a plein <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>. Je n’ai pas l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s aéroports, je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> bien<br />

ce que l’on va me dire… J’imagine le pire. Et mon billet <strong>de</strong> train Paris-Nantes qui est<br />

déjà réservé… Je me glisse au bout <strong>de</strong> la file d’attente, les gens sont désagréables,<br />

malpolis, tous plus pressés les uns que les autres. Bienvenue en Europe !<br />

C’est mon tour, finalement il y a une place dans un avion dans une heure quarante.<br />

Ouf ! Le stress est passé, je peux toujours prendre mon TGV. Je me retrouve à côté<br />

d’une mère capverdienne et <strong>de</strong> ses trois enfants, vivant en France, que j’avais croisés<br />

à Sal. Ils vont me distraire ! La mère me parle en créole, alors qu’elle s’adresse en<br />

français avec ses enfants. Le petit <strong>de</strong>rnier assis à côté <strong>de</strong> moi est amusant. Leurs<br />

« ImBéééécile !! » vont me rester longtemps dans la tête ! L’avion passe au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong><br />

l’île <strong>de</strong> Ré et <strong>de</strong> toute la côte vendéenne que je connais. C’est un beau spectacle, je<br />

vois le port <strong>de</strong> Jard, je pourrais presque voir la maison et la <strong>de</strong>ux-chevaux <strong>de</strong> Mamie,<br />

comme sur les cartes postales ! A l’atterrissage, nous survolons la capitale.<br />

Gare Montparnasse<br />

A Paris, le ciel est gris et il pleut. De la pluie ! Je récupère mon sac sans problème,<br />

direction Orly val, RER, puis métro. Tranquillement car j’ai du temps à tuer. Je<br />

prends le grand tapis roulant <strong>de</strong> la Gare Montparnasse. Les parisiens sont pressés.<br />

Dans la gare, un stand <strong>de</strong> pub pour un petit bonhomme vert/bouteille <strong>de</strong> produit<br />

vaisselle (que Maman a dans sa cuisine !) prend les gens en photo avec la mascotte.<br />

J’y vais, cela me fait un souvenir original ! Je lutte ensuite pour ne pas m’endormir, je<br />

n’arrive même pas à finir les sudoku niveau facile donnés avec la photo…<br />

J’ai presque bouclé la boucle <strong>de</strong> mon voyage. Depuis Sal, je remets les pieds dans les<br />

traces laissées à l’aller. Plus ça va, et plus les lieux me sont familiers. C’est rassurant<br />

<strong>de</strong> savoir que le TGV va partir pile à l’heure, c’est un luxe pour moi !<br />

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Dans <strong>de</strong>ux heures, je suis à Nantes. Ca fait bizarre. La campagne me paraît si verte<br />

par la fenêtre. Je trouve jolis les champs qui m’auraient parus monotones à l’aller.<br />

Arrivée à la gare <strong>de</strong> Nantes. Je sors prendre le tram. Mauvaise surprise : <strong>de</strong>ux<br />

policiers qui étaient dans le souterrain se dirigent vers moi. « Bonjour, est-ce que<br />

vous avez <strong>de</strong>s produits stupéfiants sur vous ? » Quoi ? Bien sûr que non. Pourquoi<br />

cette question ?<br />

Ils m’emmènent <strong>de</strong>rrière l’arrêt <strong>de</strong> tram, me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt mes papiers, d’où je viens et<br />

où je vais. Je leur sors mon passeport <strong>de</strong> ma poche, en leur disant que je viens du Cap<br />

Vert et que je rentre chez moi. Celui qui attrape mon passeport s’apprête à dire<br />

quelque chose comme : « C’est où le Cap Vert, en Bretagne ? » Mais à ce moment là il<br />

tombe sur mon visa, dont la sortie <strong>de</strong> territoire est datée d’aujourd’hui. Peut-être vat-il<br />

ouvrir un atlas ce soir. Après quelques questions banales <strong>de</strong> leur part, j’ai le culot<br />

<strong>de</strong> leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pourquoi ils m’ont suivi: parce que j’ai <strong>de</strong>s tresses africaines, <strong>de</strong>s<br />

vieux habits et un sac à dos ? J’ai droit pour réponse à un « peut être » accompagné<br />

d’un sourire débile. OK, délit <strong>de</strong> faciès. Bienvenue en France, bienvenue chez toi, à<br />

l’arrêt <strong>de</strong> tram où tu passes tous les soirs pour rentrer du lycée. Je suis dégoûtée.<br />

Avec tout ça, j’ai loupé le tram, je dois attendre le suivant. Je finis à pied, je n’ai plus<br />

le courage d’attendre un bus. Me voilà <strong>de</strong>vant chez moi, Maman s’inquiète car avec<br />

tout ça je suis en retard. Je me retrouve à pleurer comme une ma<strong>de</strong>leine, fatiguée par<br />

le voyage et frustrée <strong>de</strong> ma <strong>de</strong>rnière rencontre… J’ai envie <strong>de</strong> défaire mes tresses qui<br />

me donnent une tête <strong>de</strong> droguée, Marie s’était donné tellement <strong>de</strong> mal pour les<br />

faire…<br />

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