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Dimanche 2 juillet 2006<br />
Ca y est ! Mon voyage <strong>Zellidja</strong> commence. Je suis dans le TGV Nantes-Paris, plus<br />
près <strong>de</strong> Paris que <strong>de</strong> Nantes. J’ai encore du mal à réaliser, <strong>de</strong>main soir je serai au Cap<br />
Vert.<br />
Tout à l’heure, je voulais aller toute seule à la gare, claquer la porte en lançant un<br />
rapi<strong>de</strong> « au revoir » avant <strong>de</strong> dévaler les escaliers pour ne pas rater le bus, comme je<br />
fais chaque matin. Mais mes parents tenaient absolument à me conduire à la gare.<br />
Comme il y a peu <strong>de</strong> bus le dimanche, j’ai accepté.<br />
Rapi<strong>de</strong> pensée en entrant dans la gare, à mes traversées du lundi pour me rendre du<br />
lycée au conservatoire. Petit plaisir hebdomadaire, <strong>de</strong> passer au milieu <strong>de</strong>s<br />
voyageurs pressés, et <strong>de</strong> choisir une <strong>de</strong>stination sur le panneau <strong>de</strong>s départs où je<br />
n’irai jamais sauf dans mes pensées avant mon cours <strong>de</strong> musique. Aujourd’hui je<br />
pars pour <strong>de</strong> vrai.<br />
Lundi 3 juillet, aéroport d’Orly<br />
Ce matin, j’avais le choix entre aller voir les oraux <strong>de</strong>s concours que je passerai<br />
l’année prochaine ou passer au bureau <strong>de</strong> <strong>Zellidja</strong>. J’ai choisi la <strong>de</strong>uxième solution,<br />
c’était très agréable <strong>de</strong> rester au calme et au frais à regar<strong>de</strong>r les anciens rapports. Je<br />
n’ai rien trouvé sur le Cap Vert, cela m’a surpris, en même temps je n’ai pas très bien<br />
fouillé les très anciens rapports.<br />
Métro, 2 RER puis Orly val. J’arrive à Orly vers 14h. Dans 24 heures, décalage horaire<br />
compris, je serai tout juste en train d’arriver à Praia !<br />
20h25 Aéroport <strong>de</strong> Lisbonne<br />
C’est tout vi<strong>de</strong> et tout calme comparé à Orly tout à l’heure.<br />
Atrasado 22h40<br />
C’est ce qu’il y a d’écrit à côté <strong>de</strong> l’annonce <strong>de</strong> mon vol pour Sal. 45 minutes <strong>de</strong><br />
retard. Cela me fera moins d’attente à Sal ! L’avion <strong>de</strong> la porte d’à côté a dix heures<br />
<strong>de</strong> retard. J’ai trouvé une occupation qui ferait très plaisir à mon prof d’anglais :<br />
regar<strong>de</strong>r CNN ! Il y a <strong>de</strong>s super sièges avec une partie pour les pieds comme une<br />
chaise longue. On peut aussi regar<strong>de</strong>r les avions manœuvrer, vue panoramique !<br />
Mardi 4 juillet, 17h02, aéroport <strong>de</strong> Sal<br />
Quelle journée ! Je <strong>de</strong>vrais être à Praia <strong>de</strong>puis longtemps qi tout s’était déroulé<br />
normalement. Je suis toujours dans une salle d’attente d’aéroport.<br />
Atterrissage à l’aéroport international Amilcar Cabral vers une heure du matin, avec<br />
du retard. Contrôle <strong>de</strong>s passeports : il y a <strong>de</strong>ux files, les capverdiens et les autres, à<br />
peu près moitié-moitié. Dans ma file, je repère pas mal <strong>de</strong> nationalités différentes :<br />
1
français, espagnols, norvégiens, irlandais, belges… Certains transportent <strong>de</strong>s<br />
planches et <strong>de</strong>s voiles <strong>de</strong> kite surf. Sal est un spot mondialement connu. Je suis<br />
contente <strong>de</strong> poser le pied au Cap Vert. J’ai envie <strong>de</strong> sourire à tout le mon<strong>de</strong> malgré<br />
mon envie <strong>de</strong> dormir.<br />
Je jette un coup d’œil au panneau <strong>de</strong>s correspondances. Mon vol pour Praia n’y est<br />
pas. Il y a bien un vol à peu près à la même heure, mais ce n’est pas la même<br />
compagnie ni le même numéro. Je trouve un guichet <strong>de</strong> la TACV (la compagnie du<br />
Cap Vert) encore ouvert. Là, une dame pas trop aimable m’explique dans un anglais<br />
que j’ai du mal à comprendre que mon prochain vol n’est pas à 9h50 mais à 19h50…<br />
Dix heures supplémentaires à attendre. Il faut que je prévienne Cristina, étudiante <strong>de</strong><br />
Praia rencontrée avec Hospitality Club. Elle <strong>de</strong>vait venir me chercher à l’aéroport…<br />
A peine arrivée et les ennuis commencent. Tous mes plans s’effondrent. La seule<br />
chose que je trouve à faire est <strong>de</strong> pleurer comme une ma<strong>de</strong>leine ! La situation<br />
pourrait être comique si au moins j’arrivais à arrêter ces larmes ridicules. Et mes<br />
bagages, est-ce qu’ils vont suivre ? Je retourne vers le tapis roulant voir s’il n’y a pas<br />
mon sac à dos qui traîne. Quand il s’arrête, il faut bien que je me ren<strong>de</strong> à l’évi<strong>de</strong>nce,<br />
j’ai plus qu’à trouver un coin pour attendre. J’ai une petite bouteille d’eau et un<br />
paquet <strong>de</strong> biscuits pour tenir 17 heures… Et je continue toujours à pleurer comme<br />
une ma<strong>de</strong>leine. Les sièges pour attendre ont <strong>de</strong>s accoudoirs. On sent bien qu’ils sont<br />
là juste pour empêcher aux gens <strong>de</strong> s’allonger pour dormir. Je ne sais pas quoi faire et<br />
la fatigue ne m’ai<strong>de</strong> pas. Heureusement (vraiment heureusement !) un français que<br />
j’avais croisé dans les <strong>de</strong>ux avions <strong>de</strong>puis Paris s’inquiète <strong>de</strong> me voir dans cet état.<br />
Manu est nantais (c’est dingue !) et il va rejoindre pour un mois <strong>de</strong>s amis qui font le<br />
tour du mon<strong>de</strong> en voilier. Il préfère attendre que le jour soit levé pour aller retrouver<br />
le bateau. Parler me fait du bien, et j’ai trouvé une personne sympa pour passer la<br />
nuit. On cherche un endroit pour dormir. Dans l’aéroport, c’est impossible, il y a<br />
juste ce long hall et ses sièges avec accoudoir (j’ai vu ensuite en prenant l’avion pour<br />
Praia que dans les autres salles d’attente les mêmes sièges n’avaient plus<br />
d’accoudoirs). On déci<strong>de</strong> d’aller voir <strong>de</strong>hors. Il y a une belle pelouse et trois bancs en<br />
plein milieu à côté d’une statue, sinon tout autour c’est le désert. Impressionnant. Pas<br />
un arbre, pas un buisson. On finit par se poser entre <strong>de</strong>ux bâtiments. Mais impossible<br />
<strong>de</strong> dormir. Il y a un vent assez tiè<strong>de</strong> pour nous faire frissonner. On finit par retourner<br />
dans l’aéroport où il fait aussi froid (je ne pensais pas que je pourrais avoir froid au<br />
Cap Vert !).<br />
Là, il y a Paulo, un chauffeur <strong>de</strong> taxi qui a une bonne tête et un grand sourire, qui<br />
porte un maillot <strong>de</strong> foot du Portugal et <strong>de</strong>s tongs, un peu style « surfer ». Oui,<br />
<strong>de</strong>main c’est la <strong>de</strong>mi-finale France-Portugal <strong>de</strong> la coupe du mon<strong>de</strong>. Ca le fait rire. Il<br />
nous propose d’aller dormir chez lui. Il doit être trois ou quatre heures du matin. On<br />
accepte, ça ne peut pas être pire que <strong>de</strong> rester là. On prend son taxi direction<br />
Espargos, la « capitale » <strong>de</strong> l’île à cinq minutes <strong>de</strong> l’aéroport. Il laisse son taxi chez<br />
son ami qui le prend le matin : ils travaillent à <strong>de</strong>ux, l’un le matin, l’autre le soir. On<br />
prend un autre taxi pour aller jusqu’à chez lui. Il a un petit appart. Dedans, c’est une<br />
ambiance « kite-surfer qui vit tout seul sans se préoccuper du rangement » ! Il nous<br />
2
laisse les <strong>de</strong>ux lits <strong>de</strong> la chambre et dort sur le canapé déplié. Ca fait bizarre <strong>de</strong> me<br />
retrouver là avec <strong>de</strong>s gens que je connais à peine ! Je me sens pourtant totalement en<br />
confiance.<br />
On se réveille pas trop tard, vers 8h30, Paulo met super fort un DVD <strong>de</strong> kite surf en<br />
français. Rapi<strong>de</strong> petit déjeuner <strong>de</strong> lait à la fraise avec un bon goût <strong>de</strong> chimique et <strong>de</strong><br />
biscuits français qu’on lui a donné. Il est temps <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r ce que je vais faire en<br />
attendant l’avion. Manu me propose d’aller avec lui retrouver ses amis et <strong>de</strong> passer la<br />
journée sur le bateau. J’accepte car je n’ai pas envie d’attendre à l’aéroport et le port<br />
où est le bateau n’est pas loin <strong>de</strong> l’aéroport. On prend le taxi pour Palmeira. Paulo<br />
nous accompagne. Je peux passer un coup <strong>de</strong> fil à Cristina. Elle comprend très bien<br />
mon problème et peut venir me chercher à 20h40 à l’aéroport <strong>de</strong> Praia. Ouf ! Me voilà<br />
rassurée. On va ensuite sur le port animé par la vente <strong>de</strong>s poissons. Le bateau <strong>de</strong>s<br />
amis <strong>de</strong> Manu n’est pas là, il n’est pas encore arrivé <strong>de</strong> Dakar. Manu va rester là à<br />
l’attendre. Moi je vais aussi attendre ici. Paulo repart.<br />
Assane est sénégalais et tient une boutique. Comme il parle français, il nous invite à<br />
s’asseoir sous son arbre. On discute. Il fait bon à l’ombre. On peut observer<br />
l’animation du port. Quand il apprend que je fais un travail sur l’eau, Assane<br />
m’emmène voir l’usine <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssalinisation d’eau <strong>de</strong> mer.<br />
Le paysage autour est tout sec. Ambiance lunaire : <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s étendues plutôt planes<br />
sans une seule tache <strong>de</strong> vert et par endroits, une ou <strong>de</strong>ux montagnes toutes pointues.<br />
Manu m’invite dans un petit restaurant (en échange, je paye le taxi). On mange du<br />
poulpe avec du riz et <strong>de</strong>s frites. Dans un coin, la télé diffuse <strong>de</strong>s séries à l’eau <strong>de</strong> rose.<br />
Je repars ensuite à l’aéroport après avoir noté l’adresse mail <strong>de</strong> Manu et l’avoir bien<br />
remercié. Je suis en avance, mais au moins je pourrai me faire confirmer mon heure<br />
<strong>de</strong> départ.<br />
Ils me font prendre l’avion d’avant ! Un gros boeing au lieu d’un petit coucou. J’ai<br />
l’impression que c’est le premier arrivé qui a la place. Je suis surprise d’entendre tout<br />
le mon<strong>de</strong> parler français autour <strong>de</strong> moi, <strong>de</strong>s tas d’enfants d’origine capverdienne qui<br />
viennent en vacances. Il <strong>de</strong>vait y avoir une correspondance en provenance <strong>de</strong> Paris.<br />
En attendant, je suis persuadée que mes bagages ne vont pas suivre. Bingo ! Arrive à<br />
Praia, je m’asseois laissant tous les gens s’agglutiner <strong>de</strong>vant le tapis roulant. Je le<br />
scrute pour y apercevoir mon sac à dos, mais rien. Cela dure très longtemps. Je<br />
retrouve un capverdien et sa famille (sa femme et <strong>de</strong>ux petites filles) qui étaient dans<br />
le même avion que moi <strong>de</strong>puis Lisbonne. Ils atten<strong>de</strong>nt silencieusement comme à Sal.<br />
Ils n’ont pas leurs valises non plus. Nous voilà dans le bureau <strong>de</strong> suivi <strong>de</strong>s bagages<br />
avec une autre capverdienne complètement hystérique. Nos bagages arriveront à<br />
20h40 dans l’autre avion. Je m’en doutais. Encore attendre ! Finalement, cela passe<br />
vite. Je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> comment je vais reconnaître Cristina. Je récupère mon sac à dos<br />
et me dirige vers la sortie. Là, une belle jeune fille en robe <strong>de</strong> soirée arrive avec un<br />
grand sourire : c’est Cristina. Elle arrive d’une réception à l’ambassa<strong>de</strong> américaine :<br />
waouh ! Elle est avec une amie qui parle français. On retrouve ses parents qui parlent<br />
français couramment (chouette, ça va bien m’ai<strong>de</strong>r), <strong>de</strong>vant un gros 4X4.<br />
3
On arrive chez elle. Tout est noir à part les lampadaires. Elle m’explique que l’usine<br />
d’électricité n’a pas assez <strong>de</strong> générateurs et qu’ils doivent couper chaque jour<br />
l’électricité dans un quartier. Je visite son appartement « by night ! » dans le noir.<br />
Seul le salon a le privilège d’être éclairé par un lampadaire <strong>de</strong> la rue. On reste un<br />
petit moment à discuter à la lueur d’une bougie. Drôle d’ambiance, avec le bruit <strong>de</strong>s<br />
vagues car la mer est juste en-<strong>de</strong>ssous. Le père ce Cristina est ingénieur hydrolicien.<br />
Encore waouh ! Je vais pouvoir lui poser plein <strong>de</strong> questions. Il commence à me dire<br />
plein <strong>de</strong> choses intéressantes sur son boulot, la maman <strong>de</strong> Cristina qui est biologiste<br />
aussi. J’ai du mal à ingurgiter toutes ces infos avec la fatigue. Ils me proposent <strong>de</strong><br />
manger mais je n’ai vraiment pas faim même si je n’ai grignoté que trois biscuits<br />
<strong>de</strong>puis ce midi. Je vais finalement me coucher, Cristina et son amie qui dort ici ce soir<br />
restent encore un peu éveillées.<br />
Demain c’est la fête nationale, jour <strong>de</strong> l’indépendance. On peut donc dormir plus<br />
longtemps.<br />
Mercredi 5 juillet 2006<br />
Fête <strong>de</strong> l’indépendance<br />
Jour <strong>de</strong> vacances<br />
Après un petit déjeuner tardif, direction la plage, en pleine heure <strong>de</strong> midi ! Je m’étale<br />
une bonne couche <strong>de</strong> crème sur ma peau encore toute claire. La plage est bondée <strong>de</strong><br />
jeunes et d’enfants. Tout le mon<strong>de</strong> a l’air <strong>de</strong> se connaître. Cristina s’arrête tous les<br />
cinq mètres pour dire bonjour à quelqu’un. Ambiance très chaleureuse. Tous les<br />
jeunes parlent plus ou moins le français. Ils me disent que c’est une langue<br />
obligatoire à l’école, mais cela change en faveur <strong>de</strong> l’anglais.<br />
Je suis aussi étonnée <strong>de</strong>s contacts physiques entre les jeunes. La première fois que<br />
Cristina a dit bonjour à un garçon, j’ai cru que c’était son petit ami ! Les gars serrent<br />
les filles dans leurs bras, leur tiennent la main, leur caressent les bras ou les cheveux.<br />
Ce n’est pas du tout <strong>de</strong> la drague, les filles aussi sont très proches entre elles. C’est<br />
juste la manifestation d’une amitié, on sent qu’ils s’enten<strong>de</strong>nt très bien. On se croirait<br />
plutôt dans un village que dans une capitale tellement tout le mon<strong>de</strong> se connaît. Je<br />
m’en tire avec <strong>de</strong>ux coups <strong>de</strong> soleil… aux pieds !<br />
Déjeuner chez Cristina. Il y a sa grand-mère qui fait rire tout le mon<strong>de</strong> en disant<br />
qu’elle n’aime pas le français mais qu’elle apprend l’anglais. Elle se met à réciter très<br />
sérieusement le nom <strong>de</strong>s choses qui l’entourent. Elle m’impressionne car elle sait plus<br />
<strong>de</strong> mots que moi. Elle rigole <strong>de</strong> me voir sourire parce que je ne comprends rien à ce<br />
qu’elle dit en créole. Elle caresse mes cheveux comme si j’étais l’une <strong>de</strong> ses petites<br />
filles.<br />
18h00 Match France- Portugal<br />
Ecran géant dans un bar plein <strong>de</strong> jeunes<br />
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Télé capverdienne (TCV) qui diffuse. Il y a <strong>de</strong>s pubs qui passent en bas : ciment du<br />
Cap Vert, pension à Fogo… Certainement pour financer la retransmission.<br />
Beaucoup <strong>de</strong> jeunes ont <strong>de</strong>s habits rouges pour soutenir l’équipe du Portugal<br />
Ambiance garantie : Tout le mon<strong>de</strong> se lève et crie dès que les portugais sont près <strong>de</strong>s<br />
buts. Les filles crient plus fort. Au début, j’ai l’impression qu’ils sont tous pour le<br />
Portugal, mais la tendance s’inverse au fur et à mesure du match, les français<br />
gagnant. Certaines filles très excitées qui chantent <strong>de</strong>rrière moi sont contre le<br />
Portugal. J’en ai discuté ensuite avec <strong>de</strong>s amis <strong>de</strong> Cristina parlant français, ils ne<br />
savent pas pourquoi.<br />
94 minutes plus tard, le France gagne 1-0. Tout le mon<strong>de</strong> reste <strong>de</strong>vant le bar à parler<br />
<strong>de</strong> football. C’est le sport national du Cap Vert ! Cristina me dit que les horaires <strong>de</strong><br />
travail <strong>de</strong> sa mère (et <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> gens au Cap Vert) ont été modifiées pour leur<br />
permettre <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r les matchs <strong>de</strong> la coupe du mon<strong>de</strong>.<br />
On voit maintenant beaucoup <strong>de</strong> jeunes avec <strong>de</strong>s T-shirts bleus comme l’équipe <strong>de</strong><br />
France. Ils sont passés chez eux se changer !<br />
Le groupe d’amis <strong>de</strong> Cristina déci<strong>de</strong> d’aller manger <strong>de</strong>s buzu ! Chacun essaye <strong>de</strong><br />
m’expliquer ce que c’est en français. Ils cherchent la traduction mais il n’y a pas<br />
d’équivalent en français. C’est en fait une espèce <strong>de</strong> gros coquillage genre bigorneau<br />
qu’ils font griller dans la rue. C’est …. Etrange ! Il ne faut pas trop regar<strong>de</strong>r la tête<br />
que ça a, une partie noire, sûrement la tête, et une partie blanche. C’est très dur,<br />
« chewing-gum » comme ils disent, il faut mâcher longtemps. Le goût n’a rien<br />
d’extraordinaire. C’est l’assaisonnement qui est meilleur. L’ambiance est toujours<br />
aussi chaleureuse. Nadège, une cousine <strong>de</strong> Cristina qui a grandi en France, me dit<br />
que les liens se sont renforcés <strong>de</strong>puis qu’ils étudient à l’étranger et qu’ils ne se voient<br />
que l’été. Armando l’ami portugais d’Hospitality Club est tout triste à cause du<br />
match.<br />
Jeudi 6 juillet 2006<br />
Grosse frayeur ce matin. Il fallait que je retire <strong>de</strong> l’argent avec ma carte bleue. Il y a<br />
beaucoup <strong>de</strong> distributeurs qui acceptent les Visa, mais pas ma petite Mastercard. J’ai<br />
été dans quatre banques différentes, au guichet, qui ont toutes refusé. Mon gui<strong>de</strong><br />
disait pourtant que les Mastercard étaient acceptées. Pas rassurée du tout, je rentre<br />
dans la <strong>de</strong>rnière banque que l’on m’a indiquée. Il y a une longue file d’attente. Je<br />
n’ose pas penser à ce qu’il arrivera s’ils refusent aussi. Finalement c’est mon tour.<br />
C’est bon ! Me voilà rassurée. J’attends encore une vingtaine <strong>de</strong> minutes au guichet.<br />
Le jeune banquier commence une conversation du genre « if you want I can see you<br />
the city…. » Je vois très bien où il veut en venir ! Je ressors avec une liasse d’une<br />
quarantaine <strong>de</strong> billets! Ils n’ont pas <strong>de</strong> grosses coupures.<br />
Je vais ensuite à l’agence maritime pour acheter mon billet pour Brava pour <strong>de</strong>main<br />
soir. Ils ne peuvent rien me dire pour les horaires <strong>de</strong> mes prochaines traversées. Tant<br />
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pis ! On verra plus tard. C’est comme ça ici, tout se fait un jour le jour. Tout cela m’a<br />
pris rois bonnes heures.<br />
Après-midi à Praia. Je voulais aller voir un jardin botanique dans un village à<br />
l’intérieur <strong>de</strong> l’île mais je n’ai plus assez <strong>de</strong> temps. J’irai <strong>de</strong>main.<br />
Je marche dans les rues bien parallèles du Plateau. C’est le centre <strong>de</strong> la ville, perché<br />
en hauteur avec ses anciennes maisons coloniales <strong>de</strong> toutes les couleurs, un peu<br />
passées avec la poussière et le temps.<br />
Je <strong>de</strong>scends les longs escaliers qui mènent à Sucupira, le marché populaire. Là, je me<br />
sens vraiment touriste, je croise <strong>de</strong>s regards désintéressés, je ne me sens pas à ma<br />
place. Pourtant j’aimerais y rester un moment pour observer l’animation. Je n’ose pas<br />
aller vers les gens et leur parler, je ne connais presque aucun mot en créole. J’ai trop<br />
honte pour sortir mon appareil photo.<br />
Il y a un marché aux habits avec <strong>de</strong>s allées tellement étroites qu’une seule personne<br />
peut passer à la fois. Les vêtements sont rangés dans <strong>de</strong>s gros bidons dans lesquels<br />
ils ont été rapportés <strong>de</strong>s Etats-Unis ou du Brésil par les expatriés.<br />
Je parle à <strong>de</strong>ux sénégalais qui font <strong>de</strong>s petits boulots. L’un est ven<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> lunettes <strong>de</strong><br />
soleil. Je ne sais pas comment il peut gagner sa vie, il y a <strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> lunettes<br />
partout. L’autre a une machine à coudre dans la rue et répare les vêtements.<br />
Il n’y a presque plus <strong>de</strong> chaises chez Cristina. L’un <strong>de</strong> ses voisins est mort et tout le<br />
voisinage prête <strong>de</strong>s sièges pour les gens qui vont venir pour la cérémonie. Il faut<br />
ensuite attendre sept jours avant <strong>de</strong> les récupérer, c’est une tradition et les gens sont<br />
très superstitieux.<br />
Vendredi 7 juillet 2006<br />
São Jorges das Orgaso<br />
Il faut prendre un Hiace (minibus) au marché <strong>de</strong> Sucupira. Un premier chauffeur<br />
veut bien me prendre pour vingt fois le prix normal. Un autre plus honnête me fait<br />
monter dans son véhicule. Il fait <strong>de</strong>s tours dans la ville en criant sa <strong>de</strong>stination pour<br />
faire le plein <strong>de</strong> passagers. Il sort <strong>de</strong> la ville par une <strong>route</strong> qui vient juste d’être<br />
goudronnée, mais qui laisse rapi<strong>de</strong>ment place à une piste en terre. La voie principale<br />
est en travaux, le Hiace passe par <strong>de</strong> <strong>route</strong>s pavées serpentant entre les villages. Je<br />
me régale à regar<strong>de</strong>r les paysages montagneux et les villages par la fenêtre. Le<br />
chauffeur me dépose à un croisement et m’indique la <strong>route</strong> à suivre pour aller à São<br />
Jorges. Dans le village, je sens les regards peser sur moi. On me dit bonjour, mais cela<br />
ne va jamais plus loin. La rue est belle avec ses acacias orange et ses bougainvilliers<br />
violets. Il y a <strong>de</strong> nombreuses cultures irriguées grâce au goutte à goutte. Des femmes<br />
ramassent <strong>de</strong>s fraises. Je n’en reviens pas. Elles doivent coûter très cher.<br />
On m’indique le jardin qui est un peu à l’écart <strong>de</strong> la ville. Je rencontre le responsable.<br />
Il me fait tout visiter en créole ou en portugais, mais j’arrive quand même à<br />
comprendre <strong>de</strong>s choses. Il m’écrit le nom <strong>de</strong>s plantes qu’il me montre, mais cela va<br />
un peu trop vite pour que je mémorise la plante avec le nom. Le jardin a été créé pour<br />
regrouper dans un même lieu toutes les espèces qui poussent au Cap Vert. Il n’y en a<br />
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pas tant que ça ! Il y a une partie pour les plantes cultivées et une autre pour les<br />
plntes ornementales. J’apprends que beaucoup d’espèces ont été importées du<br />
continent africain, du Brésil et d’Amérique, et du Portugal. Il y a quelques plantes<br />
endémiques. Les principaux arbres fruitiers sont les bananiers, les manguiers, les<br />
papayers, les cocotiers et les goyaviers.<br />
Je marche ensuite jusqu’à un centre <strong>de</strong> formation agronomique perdu au milieu <strong>de</strong><br />
nulle part. On y forme <strong>de</strong>s ingénieurs agronomes en 5 ans. Les étudiants sont<br />
capverdiens mais aussi d’Angola et du Mozambique. Ma présence ne surprend<br />
personne. On me montre la bibliothèque (toute petite !) où je reste un moment à lire<br />
<strong>de</strong>s magazines en français sur le développement agricole <strong>de</strong>s pays africains.<br />
Je repars ensuite pour une bonne petite marche en plein soleil jusqu’à la <strong>route</strong><br />
principale où le Hiace m’a déposé. J’en prends un dans l’autre sens qui est plus<br />
conforme à ce que l’on dit d’eux : à certains moments, nous sommes 20 à l’intérieur<br />
(pour 15 places) et ile roule comme un fou sur les pistes défoncées.<br />
Les problèmes d’électricité et d’eau à Praia<br />
Plusieurs soirs par semaine, le Plateau est dans le noir. Les gens se retrouvent dans la<br />
rue sous les lampadaires qui restent allumés ou dans les quelques restaurants qui ont<br />
investi dans un générateur. On ne peut rien faire d’autre qu’attendre et cela agace<br />
vraiment les habitants. Nadège me dit qu’elle ne peut plus travailler l’après-midi car<br />
elle n’a plus d’ordinateur.<br />
L’eau est aussi coupée car une partie provient <strong>de</strong> l’usine <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssalement d’eau <strong>de</strong><br />
mer qui nécessite <strong>de</strong> l’électricité. Nadège m’explique aussi qu’il faut tout débrancher,<br />
car lorsque l’électricité revient, elle a une telle force qu’elle casse les appareils<br />
électriques.<br />
La fautive est Electre, la compagnie portugaise qui gère (très mal) l’électricité et l’eau.<br />
Un générateur est tombé en panne, et un autre qui avait été loué pour les élections<br />
quelques mois avant a dû être rendu. C’est problématique, car sans électricité, la<br />
capitale est paralysée.<br />
Vendredi 7 juillet 2006, 21h30<br />
Ambiance sur le quai, avant d’embarquer sur le Sotavento ( = « sous le vent » pour<br />
désigner les îles du sud-est <strong>de</strong> l’archipel) pour Brava. La lumière provient du bateau<br />
et <strong>de</strong>s trois lampadaires du quai, le reste <strong>de</strong> la ville est plongé encore une fois dans le<br />
noir.<br />
Le quai grouille <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>, les valises sont portées sur la tête. Les enfants atten<strong>de</strong>nt<br />
assis entre les sacs. On se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> comment tous ces gens vont tenir sur le bateau<br />
qui parait tout à coup bien petit. C’est un intermédiaire entre un ferry pour passagers<br />
et un bateau <strong>de</strong> marchandises. Il est trop petit pour accueillir <strong>de</strong>s voitures ou <strong>de</strong>s<br />
camions. A l’avant et à l’arrière, on charge <strong>de</strong>s marchandises. Il y a <strong>de</strong>ux petites grues<br />
pour décharger directement <strong>de</strong>s bennes <strong>de</strong>s camions sur le pont du bateau. Les<br />
hommes font une chaîne pour charger un par un <strong>de</strong>s packs <strong>de</strong> canettes qui finissent<br />
7
dans les cales. Il y a un tas <strong>de</strong> paniers qui a été coincé entre le canot <strong>de</strong> sauvetage et<br />
un pont. Est-ce que tout ça va tenir avec la houle ?<br />
Chargement <strong>de</strong>s passagers : tous les petits groupes se tassent <strong>de</strong>vant la passerelle où<br />
un homme récupère les tickets. Il me rend le mien avec une grosse croix bleue <strong>de</strong>ssus<br />
en disant « Brava ». J’apprends ainsi que le bateau fait d’abord escale à Fogo (« le<br />
feu »), l’île du volcan. On est bien loin <strong>de</strong> nos normes européennes sur le nombre <strong>de</strong><br />
passagers. Les gens s’entassent avec leurs bagages sur les étroits ponts. Les enfants<br />
sont allongés sur <strong>de</strong>s couvertures, en plein milieu. Je trouve une place dans le<br />
« salon », une gran<strong>de</strong> salle intérieure avec sièges inclinées (s’ils ne sont pas cassés)<br />
plutôt confortables et télévision capverdienne. Là aussi, les gens s’entassent dans les<br />
allées et on ne peut plus circuler… Il y a une moto à l’intérieur ! Sur le pont, une<br />
petite pièce a été aménagée en magasin. On aperçoit un tas tout mélangé <strong>de</strong> biscuits<br />
et <strong>de</strong> bonbons. Il y a plein d’autres choses, même <strong>de</strong>s brosses à <strong>de</strong>nts. Qui va acheter<br />
<strong>de</strong>s brosses à <strong>de</strong>nts ici ?<br />
Depuis qu’on est partis, j’ai la vive impression qu’on penche sur bâbord. Cela <strong>de</strong>vait<br />
être plus facile <strong>de</strong> charger ce côté car il était le long du quai (c’est en fait le vent qui fait<br />
pencher le bateau)<br />
Si on coule, il faut se dépêcher d’attraper un vieux gilet <strong>de</strong> sauvetage orange à l’avant<br />
du « salon », et courir pour sortir pas l’étroit escalier à l’arrière. Ca doit être difficile !<br />
Ah non ! Je n’avais pas vu la « Saida <strong>de</strong> emergência » à côté <strong>de</strong>s gilets. C’est un<br />
<strong>de</strong>uxième escalier tout étroit.<br />
La mer est calme.<br />
Samedi 8 juillet 2006, 8h30<br />
J’ai très mal dormi. Le petit garçon à côté <strong>de</strong> moi était mala<strong>de</strong> et n’a pas arrêté <strong>de</strong><br />
cracher par terre. Les sièges étaient tout durs et j’avais toujours un membre qui<br />
finissait par me réveiller tellement il était engourdi.<br />
Escale à Fogo. La gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s passagers <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt. Les hommes déchargent<br />
les marchandises. Devant moi, il y a <strong>de</strong> nombreuses boîtes en carton avec un poulet<br />
<strong>de</strong>ssiné <strong>de</strong>ssus et une adresse aux Pays Bas. L’une d’elles s’est ouverte et il y a<br />
vraiment <strong>de</strong>s morceaux <strong>de</strong> poulet <strong>de</strong>dans. Une autre laisse échapper un filet <strong>de</strong> sang.<br />
C’est vraiment dégoûtant. Il faut que je fasse attention à ne pas manger <strong>de</strong> poulet, ni<br />
d’autres vian<strong>de</strong>s d’ailleurs, ça doit être pareil.<br />
J’ai un peu peur. Je ne sais pas où je vais dormir ce soir. Je ne connais personne à<br />
Brava. Je ne comprends rien quand on me parle, je ne connais ni le portugais ni le<br />
créole.<br />
19h00, Vila Nova Sintra, île <strong>de</strong> Brava<br />
Juste après avoir rangé ce cahier, mes voisins sont venus me parler. Deux d’entre eux<br />
parlaient anglais. Un troisième, Hel<strong>de</strong>r qui a été prof <strong>de</strong> français et qui est<br />
maintenant prof d’anglais à brava s’est assis à côté. Il m’a parlé <strong>de</strong> son île pendant<br />
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tout le trajet. Il tient absolument à m’ai<strong>de</strong>r et veut me montrer ce qui m’intéresse<br />
pour mon étu<strong>de</strong> : les sources, l’irrigation, ce qu’il appelle les « miroirs » (traduction du<br />
portugais) qui permettent <strong>de</strong> récupérer la rosée. C’est lui qui m’emmène à la pension<br />
et négocie les prix. Heureusement car je n’aurais pas trouvé toute seule.<br />
Sur le bateau, il y avait le maire <strong>de</strong> l’île. Il est venu s’asseoir sur le pont et a discuté<br />
tout le trajet avec les habitants en câlinant les enfants. C’est génial un maire comme<br />
ça, ouvert et souriant.<br />
Pour aller du port appelé Furna, à Vila Nova Sintra la « capitale » <strong>de</strong> l’île, il faut<br />
prendre l’aluguer. Ce sont les taxis collectifs. A Praia, on les appelle les Hiace<br />
(prononcer « iasse ») du nom <strong>de</strong> leur marque. Ce sont <strong>de</strong>s minibus. Ici, ce sont <strong>de</strong>s<br />
pick-up dont l’arrière est aménagé pour recevoir <strong>de</strong>s passagers. La <strong>route</strong> est<br />
magnifique, chemin pavé très étroit et, composé d’un enchaînement <strong>de</strong> virages serrés<br />
et d’une pente forte. La végétation augmente avec l’altitu<strong>de</strong>.<br />
Je pose mes sacs dans une chambre un peu tristounette mais gran<strong>de</strong>. Je vais y rester<br />
dix jours. Je pars ensuite faire un tour dans la ville malgré la fatigue du voyage. La<br />
première chose qui m’impressionne est le silence. Pas une voiture, elles sont très<br />
rares ici. Tout se fait à pied. Ensuite il y a la fraicheur. La ville est à environ 500m<br />
d’altitu<strong>de</strong> et il y a toujours une couche <strong>de</strong> nuages et le vent <strong>de</strong> l’océan. Le soir, il faut<br />
un pull. Puis les fleurs. Brava est surnommée l’île aux fleurs. Je comprends<br />
maintenant pourquoi. Cela n’a rien <strong>de</strong> comparable à la campagne française, mais<br />
c’est très différent <strong>de</strong>s autres îles que j’ai vues. Il y a un peu <strong>de</strong> verdure et<br />
bougainvilliers en fleurs, <strong>de</strong>s hibiscus, et <strong>de</strong>s fleurs ornementales dans les rues et sur<br />
la place principale. Le maire y a fait installer le goutte à goutte. Il y a aussi <strong>de</strong> vieux<br />
arbres dans les rues.<br />
L’ambiance est paisible. On peut entendre les voix <strong>de</strong>s gens et les radios.<br />
Je me sens bien d’être là. Je pourrais rester <strong>de</strong>s heures à regar<strong>de</strong>r autour <strong>de</strong> moi<br />
tellement c’est beau.<br />
Soirée tranquille à le pension, je n’ai pas la force <strong>de</strong> sortir malgré l’animation du<br />
samedi soir. Dîner <strong>de</strong> restes <strong>de</strong> voyage : boîte <strong>de</strong> pâte <strong>de</strong> thon sur pain puis crackers,<br />
et Figolu <strong>de</strong>vant la télé portugaise.<br />
Notes en mer sur mon petit carnet :<br />
Je suis horrifiée <strong>de</strong> voir que tous les passagers jettent leurs déchets à la mer : bouteilles <strong>de</strong><br />
bière, papiers <strong>de</strong> biscuits ou <strong>de</strong> chips, emballages <strong>de</strong> bonbons. J’ai envie <strong>de</strong> crier à chaque fois<br />
ou <strong>de</strong> sauter dans l’eau pour les récupérer.<br />
J’en ai discuté après avec José, et je comprends mieux. Ici, on vit au jour le jour, c’est<br />
déjà difficile <strong>de</strong> vivre en pensant au présent. Penser à l’environnement et au futur<br />
vient après, seulement quand on vit quotidiennement sans soucis. C’est le même<br />
problème pour l’investissement du goutte à goutte qui oblige à penser au futur.<br />
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Dimanche 9 juillet 2006<br />
Brava<br />
Son nom veut dire « la sauvage ». Elle est dite inaccessible : l’aéroport est fermé car<br />
beaucoup trop dangereux, j’y suis allée avec Hel<strong>de</strong>r il y avait un vent infernal, et la<br />
piste est aux pieds <strong>de</strong> montagnes tombant à pic, le long <strong>de</strong> la mer. Le bateau ne passe<br />
que quand le temps le permet. Les différents points <strong>de</strong> l’île sont aussi difficilement<br />
accessibles. Les dénivelés sont énormes et les <strong>route</strong>s pavées se frayent avec peine un<br />
chemin sinueux sur le flanc <strong>de</strong>s montagnes.<br />
Brava a les pieds dans l’eau et la tête dans les nuages. Elle est surveillée <strong>de</strong> loin par sa<br />
gran<strong>de</strong> sœur Fogo du haut <strong>de</strong> son volcan actif, et surveille à son tour ses <strong>de</strong>ux petits<br />
îlots inhabités qui se baignent près d’elle. Si elle n’est pas sage, la terre tremble<br />
faisant tomber les blocs <strong>de</strong> pierre et les mangues et terrorisant ses habitants. Elle est<br />
chouchoutée par le vent et les nuages qui lui apportent la fraicheur et un peu d’eau<br />
précieuse. Elle peut alors se parer <strong>de</strong> taches vertes et <strong>de</strong> taches jaunes, orange, rouges<br />
et violettes là où les gens habitent. Brava m’accueille une dizaine <strong>de</strong> jours au creux <strong>de</strong><br />
ses montagnes. Je vais essayer <strong>de</strong> comprendre au mieux sa petite société et <strong>de</strong> suivre<br />
la trace <strong>de</strong> chaque goutte d’eau.<br />
Sur ma carte, il y a une fontaine <strong>de</strong>ssinée à Vinagre. C’est là que j’ai envie d’aller<br />
pour ma première journée. Hel<strong>de</strong>r, mon gui<strong>de</strong>, est tout content <strong>de</strong> trouver quelqu’un<br />
pour marcher et discuter.<br />
Aaahh ! Alors que j’écris allongée sur mon lit, un bruit suspect <strong>de</strong> plastique me fait lever les<br />
yeux vers….un énorme cafard ! Avec ses antennes, il doit dépasser les 15 cm, et il est haut<br />
sur pattes…. Il n’a pas l’air pressé <strong>de</strong> disparaître <strong>de</strong>rrière le vieux buffet me laissant<br />
pétrifiée…. Il va falloir cohabiter . La <strong>de</strong>uxième fois qu’il sort sa petite tête, je l’asperge<br />
d’anti-moustique pour lui faire comprendre qu’il n’a pas intérêt à montrer trop souvent le<br />
bout <strong>de</strong> ses antennes. Il n’a pas l’air d’apprécier ! Tant mieux, la guerre est ouverte.<br />
Sur le chemin, Hel<strong>de</strong>r parle à quasiment tout le mon<strong>de</strong>. Ici, c’est comme un petit<br />
village. On dévale une <strong>route</strong> pavée très pentue que seuls les ânes peuvent emprunter,<br />
ou les motards fous. C’est le seul accès à Vinagre. Autrefois, les gens faisaient la<br />
<strong>route</strong> à pied <strong>de</strong> Vila Nova Sintra juste pour rapporter <strong>de</strong> l’eau ou faire la lessive. Le<br />
paysage est grandiose. Les montagnes que l’on <strong>de</strong>scend vont se jeter dans la mer. Il y<br />
a toujours le vent qui vient nous rafraîchir. Hel<strong>de</strong>r me parle <strong>de</strong> son île et <strong>de</strong> son pays,<br />
<strong>de</strong> l’eau, <strong>de</strong> son métier. Entre les pavés, il y a <strong>de</strong>s trous en forme <strong>de</strong> cône très<br />
réguliers qui m’intriguent. Il s’agit en fait d’un abri creusé par un petit insecte.<br />
On commence à apercevoir Vinagre. Tout est sec. Il y a <strong>de</strong>s terrasses mais elles sont<br />
abandonnées. Seuls <strong>de</strong> vieux arbres fruitiers persistent. On aperçoit un berger et ses<br />
quelques vaches et chèvres. Avant il y avait une source. On y a fait <strong>de</strong>s travaux pour<br />
tenter d’amener l’eau dans un autre village proche mais cela a échoué et a entrainé<br />
l’eau douce dans la mer. Depuis, le village est abandonné et on ne peut plus faire<br />
d’irrigation. Le lieu <strong>de</strong>vait être agréable et joli autrefois. Hel<strong>de</strong>r m’explique tout le<br />
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fonctionnement <strong>de</strong> l’ancien système d’irrigation et me montre les points stratégiques<br />
pour l’eau. Elle a un goût très particulier que les gens d’ici adorent.<br />
On continue notre <strong>de</strong>scente jusqu’à la mer. Il y a un plateau rocheux où les gens<br />
viennent pêcher.<br />
En remontant, Hel<strong>de</strong>r se transforme en professeur <strong>de</strong> créole et me fait répéter <strong>de</strong>s<br />
petites phrases simples : M’kré bai Vila Nova Sintra : Je veux aller à Vila Nova Sintra<br />
Bu sta kansadu ? Tu es fatiguée ?<br />
M’ka sta kansadu ! Je ne suis pas fatiguée !<br />
Il est content <strong>de</strong> voir que je le suis sans difficulté. Je ne ressens ni la fatigue, ni la<br />
faim. C’est un état étrange, mais je suis bien.<br />
Arrivés à la « capitale », on fait une pause pour manger <strong>de</strong>s pastels, beignets <strong>de</strong> petite<br />
taille fourrés au thon, que l’on accompagne d jus <strong>de</strong> mangue. On repart vers un point<br />
haut d’où on a une vue splendi<strong>de</strong> sur une partie <strong>de</strong> l’île. On reste un moment à<br />
répéter <strong>de</strong>s phrases créoles en laissant nos yeux vagabon<strong>de</strong>r sur les montagnes.<br />
A 17h, Hel<strong>de</strong>r va voir la finale France-Italie. Je rentre à la pension. Je regar<strong>de</strong> la fin.<br />
Zidane me fait honte (je ne sais pas encore les raisons <strong>de</strong> son geste).<br />
Je m’offre un dîner au restaurant car tous les magasins sont fermés et je n’ai que <strong>de</strong>s<br />
crackers à manger. Je comman<strong>de</strong> une cachupa, le plat national capverdien que je n’ai<br />
pas encore goûté. Ce n’est pas extraordinaire. Un bon baleineau appellerait cela un<br />
« j’y fout tout ». C’est une espèce <strong>de</strong> bouillie <strong>de</strong> grains <strong>de</strong> mais et <strong>de</strong> haricots avec <strong>de</strong>s<br />
oignens sur laquelle repose un œuf sur le plat et un bout <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>. C’est lourd et<br />
l’assiette que l’on m’a servie contient environ 5 fois la dose que je mange en un<br />
repas ! Je rencontre un drôle d’homme américain qui parle français car il a grandi au<br />
Sénégal et capverdien qu’il a appris en étant batteur dans un orchestre aux Etats-<br />
Unis. Il vient pour la première fois au Cap Vert sur les traces <strong>de</strong> sa mère. Voilà ce<br />
qu’il me dit :<br />
Quel pays d’Afrique a la meilleur équipe <strong>de</strong> foot ?<br />
- La France !<br />
Tout à fait d’accord avec lui.<br />
Il me fait peur en me disant <strong>de</strong> faire attention aux jeunes qui s’étaient faits renvoyer<br />
<strong>de</strong>s Etats-Unis pour fautes graves.<br />
Lundi 10 juillet<br />
L’ami cafard est revenu faire claquer ses pattes dures sur le carrelage dès que j’ai<br />
éteint la lumière. J’ai suivi sa course perchée sur le lit, ma bombe d’anti-moustique à<br />
la main. C’est que ça va vite, cette saleté. En lançant adroitement ma chaussure, j’ai<br />
réussi à le faire sortir sous la porte alors qu’il se faufilait sous le petit lit. J’ai ensuite<br />
bouché le <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> la porte pour ne pas qu’il revienne. J’ai eu du mal à éteindre la<br />
lumière et à m’endormir. Il était peut-être avec un copain qui attendait sagement<br />
<strong>de</strong>rrière le buffet …<br />
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Aujourd’hui, marche direction Faja d’Agua, la source principale <strong>de</strong> l’île. Hel<strong>de</strong>r<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> à un aluguer <strong>de</strong> nous monter jusqu’à la réserve d’eau principale <strong>de</strong> l’île.<br />
Elle est perchée à environ 750 m d’altitu<strong>de</strong> (d’après ma carte). Point <strong>de</strong> vue<br />
magnifique et point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> notre <strong>de</strong>scente jusqu’à la mer. On suit les<br />
canalisations qui relient le réservoir à la source. Elles suivent en fait une ribeira,<br />
vallée où coule l’eau à la saison <strong>de</strong>s pluies. Le paysage est grandiose. On voit au fond<br />
la mer, notre point d’arrivée. La végétation <strong>de</strong>vient plus <strong>de</strong>nse quand on <strong>de</strong>scend. Le<br />
chemin est difficile, parfois même dangereux tellement il est étroit ou quand le sable<br />
glisse sous nos pieds. On s’arrête aux <strong>de</strong>ux pompes, où les gardiens nous font visiter.<br />
En contrebas <strong>de</strong> la source commencent les cultures <strong>de</strong>n terrasse. Le chemin passe au<br />
milieu <strong>de</strong>s jeunes cannes à sucre. Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à Hel<strong>de</strong>r si les gens les mangent<br />
comme en Egypte, du coup il en achète une à un paysan. Cela me rappelle plein <strong>de</strong><br />
bons souvenirs même si la canne n’est pas très juteuse car trop petite.<br />
On passe ensuite à Lavaduro, petit coin paradisiaque accessible uniquement à pied. Il<br />
y a quelques maisons sous une forêt <strong>de</strong>nse d’arbres fruitiers. On s’arrête manger <strong>de</strong>s<br />
mangues chez <strong>de</strong>s gens qu’Hel<strong>de</strong>r connaît.<br />
Le <strong>de</strong>scente continue jusqu’à Faja d’Agua. C’est un alignement <strong>de</strong> maisons le long <strong>de</strong><br />
la <strong>route</strong> qui longe la mer. Il y a une belle anse où les bateaux peuvent mouiller. C’est<br />
une plage <strong>de</strong> gros cailloux polis par les vagues.<br />
Nous longeons la <strong>route</strong>s jusqu’à l’aéroport. A certains endroits, la roche a été creusée<br />
sur plusieurs mètres pour faire passer la <strong>route</strong>. Le vent s’y engouffre avec violence.<br />
Au retour, on s’arrête à la Pansao Sol na Baia. On m’avait dit qu’il y avait une<br />
française qui tenait la pension, c’est Brigitte. Son mari José me montre son jardin où il<br />
a installé le goutte à goutte. Cela lui permet <strong>de</strong> faire pousser tous les fruits et légumes<br />
qu’ils consomment. Il est très intéressant car il s’intéresse aux problèmes d’eau et<br />
d’écologie.<br />
On rentre à Vila Nova Sintra par la <strong>route</strong> en aluguer. La <strong>route</strong> est magnifique, je crois<br />
que c’est la plus belle que j’ai vu jusqu’à présent. A l’arrière du pick-up, on est<br />
ballotés par la <strong>route</strong> pavée et on a le vent dans la figure. J’adore ! Le temps s’arrête le<br />
temps du trajet et j’ai un grand sourire.<br />
« Teacher, teacher ! » Ce sont les élèves qui appellent Hel<strong>de</strong>r leur prof d’anglais, dans<br />
la rue. Ils lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt en plaisantant si je suis sa femme ! Il est très proche <strong>de</strong> ses<br />
élèves. Je rencontre aussi les autres professeurs du lycée. Ils sont tous très jeunes.<br />
Mardi 11 juillet 2006<br />
Journée officielle à Vila Nova Sintra<br />
Aujourd’hui, nous (Hel<strong>de</strong>r et moi) restons en ville pour tenter <strong>de</strong> récupérer la<br />
maximum d’infos sur l’eau dans les différentes administrations <strong>de</strong> l’île.<br />
- Aguabrava : C’est la société qui gère la distribution <strong>de</strong> l’eau. Le responsable<br />
nous donne ren<strong>de</strong>z-vous à 11 heures <strong>de</strong>main.<br />
- La lutte contre la pauvreté : finance une partie <strong>de</strong> l’installation du goutte à<br />
goutte<br />
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- Le maire : salué sur le bateau. Il fait comme si il était trop occupé pour nous<br />
recevoir…<br />
- Le mé<strong>de</strong>cin : Je l’ai rencontré à l’arrivée du bateau à Furna. Il parle français.<br />
J’aimerais bien le questionner sur les problèmes <strong>de</strong> <strong>de</strong>nt liés à l’eau, mais il a<br />
beaucoup <strong>de</strong> trvail. Ils ne sont que <strong>de</strong>ux mé<strong>de</strong>cins sur l’île pour 6000 ou 7000<br />
habitants. J’ai pu visiter l’hôpital. C’est une miniature ! On entre directement<br />
dans la salle d’attente. Elle donne sur quatre portes, <strong>de</strong>ux avec le nom <strong>de</strong>s<br />
mé<strong>de</strong>cins, une pour la pharmacie et l’autre pour les urgences ! La pharmacie<br />
comporte <strong>de</strong>s étagères peu remplies <strong>de</strong> flacons et <strong>de</strong> pots remplis <strong>de</strong> poudre.<br />
On se croirait plutôt dans un labo <strong>de</strong> chimie. Il y a un autre bâtiment plus neuf<br />
<strong>de</strong>rrière avec les chambres, et une ambulance poussiéreuse qui n’a pas l’air <strong>de</strong><br />
marcher.<br />
- Les bureaux du ministère <strong>de</strong> l’agriculture : le meilleur pour la fin ! On passe<br />
une première fois. La jeune secrétaire nous dit <strong>de</strong> repasser car le délégué du<br />
ministère n’est pas encore là. Quand on repasse, il y a une scène <strong>de</strong> ménage à<br />
l’intérieur <strong>de</strong>s bureaux. La femme du délégué vient crier sur la secrétaire car<br />
elle aurait couché avec lui. Elles vont jusqu’à se frapper. Le délégué observe<br />
par sa porte entrouverte mais ne fait rien. Nous repartons le temps que la<br />
tempête passe. Je suis plutôt amusée. Hel<strong>de</strong>r, lui, ne trouve pas ça normal<br />
dans une administration et dit que cela arrive souvent <strong>de</strong>s histoires pareilles.<br />
En plus, comme l’île est petite, et comme tout le mon<strong>de</strong> se connaît, il y a<br />
beaucoup <strong>de</strong> commérages. La troisième fois est la bonne. Je peux interviewer<br />
le délégué et Hel<strong>de</strong>r me sert d’interprète.<br />
Brava est la plus petite île habitée du Cap Vert. Ce qui est amusant, c’est qu’il y a<br />
toutes les administrations comme pour les autres îles, mais tout est petit. On trouve<br />
même un bureau du recensement (pour 7000 habitants !) qui sert à s’inscrire sur les<br />
listes électorales. Quand je dis à Hel<strong>de</strong>r qu’en France on fait cela à la mairie, il me<br />
répond qu’ici c’est impossible car le maire choisit lui-même qui travaille à ses côtés. Il<br />
pourrait donc y avoir <strong>de</strong> la frau<strong>de</strong>. Par exemple, la secrétaire <strong>de</strong> la mairie est la<br />
femme du maire.<br />
Mes repas<br />
Manger n’est pas chose facile ici !<br />
Le matin, je prends le Kafé (=petit déjeuner) à la pension. Au menu : café au lait en<br />
poudre (il n’y a pas <strong>de</strong> vrai lait), pain avec <strong>de</strong> la confiture <strong>de</strong> raisins qui vient <strong>de</strong>s<br />
Etats-Unis (pas très bonne) et banane. Je ne mange pas le midi, je n’ai pas faim et c’est<br />
plus pratique. On grignote toujours quelque chose ou on boit un jus <strong>de</strong> mangue ou<br />
<strong>de</strong> goyave brésilien super nourrissant.<br />
Le soir, cela <strong>de</strong>vient difficile. Je ne dîne pas à la pension car cela n’a pas l’air terrible.<br />
Il n’y a qu’un seul restaurant ouvert, mais assez cher et qui fait <strong>de</strong>s énormes plats <strong>de</strong><br />
poisson ou <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> qui ne m’attirent pas. Il n’y a pas <strong>de</strong> restaurant populzire, les<br />
gens mangent toujours chez eux. Du coup, j’achète <strong>de</strong> quoi manger dans ma<br />
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chambre. Dans petites épiceries, il n »y a rien. En allant dans plusieurs, on finit par<br />
trouver… J’ai dégoté une boîte <strong>de</strong> vache qui rit dans l’une et une boîte <strong>de</strong> pâté <strong>de</strong><br />
sardine dans l’autre. Il y a une boulangerie, mais hier j’y suis allée trop tard, plus <strong>de</strong><br />
pain, j’ai du manger <strong>de</strong>s crackers… Je trouve <strong>de</strong>s yaourts longue conservation et <strong>de</strong>s<br />
mangues, puis <strong>de</strong>s biscuits.<br />
Mercredi 12 juillet 2006<br />
Pas grand-chose <strong>de</strong> prévu aujourd’hui, ce n’est pas bon pour mon moral. Ren<strong>de</strong>zvous<br />
à 11 heures à Aguabrava, avant je déci<strong>de</strong> d’aller me promener avec mon carnet<br />
à <strong>de</strong>ssin et mon diabolo pour rencontrer <strong>de</strong>s gens. Je m’arrête dans la rue pour<br />
<strong>de</strong>ssiner, je n’arrive à attirer qu’un alcoolique qui heureusement s’en va rapi<strong>de</strong>ment.<br />
A un autre endroit, quelques enfants s’approchent timi<strong>de</strong>ment. Je sors alors mon<br />
diabolo. Ils regar<strong>de</strong>nt en souriant. L’un d’eux essaye vaguement. Cela s’arrête là. Je<br />
suis frustrée <strong>de</strong> ne pas arriver à franchir cette barrière. Les gens me disent bonjour,<br />
cela ne va jamais plus loin. J’aimerais rester plus longtemps avec les gens, me faire<br />
inviter, mais rien. Je ne sais pas comment faire. J’essaye d’être souriante, <strong>de</strong> marcher<br />
pas trop vite, <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r autour <strong>de</strong> moi. Je trouve les gens peu curieux. Je n’aime<br />
pas comparer ainsi, mais à la Baleine, il était si facile <strong>de</strong> rencontrer <strong>de</strong>s gens. Ils<br />
venaient naturellement vers nous. Ici, je me sens intruse. Je crois que la seule solution<br />
est d’apprendre le créole pour questionner les gens, discuter.<br />
A 11 heures, je retrouve Hel<strong>de</strong>r <strong>de</strong>vant Aguabrava mais le responsable n’est pas là. Il<br />
est à Furna car il y a le bateau. Et quand le bateau est là, toute l’île <strong>de</strong>scend à Furna,<br />
le port. Hel<strong>de</strong>r me dit qu’il va y aller, je l’accompagne. On attend longtemps un<br />
aluguer car ils sont déjà tous en bas, le bateau est déjà là. Le chauffeur prend<br />
l’ancienne <strong>route</strong> qui est plus rapi<strong>de</strong> mais aussi plus dangereuse. Il y a <strong>de</strong>s virages<br />
serrés sur <strong>de</strong>s pentes énormes, et aucun muret pour séparer la <strong>route</strong> du vi<strong>de</strong>…<br />
Hel<strong>de</strong>r se moque <strong>de</strong> mon visage crispé ! A Furna, on regar<strong>de</strong> le bateau charger les<br />
passagers et partir, puis le petit cargo amenant les bidons d’essence accoster. Ensuite,<br />
on attend encore longtemps un aluguer pour remonter, ils sont tous en haut. Ici, le<br />
temps est très différent. Il fait très chaud, il y a du soleil et moins <strong>de</strong> vent.<br />
En fin d’après-midi, alors que je pars faire mes courses pour le dîner, quelques<br />
femmes m’invitent à entrer dans leur cour. La radio diffuse la morna, musique lente<br />
et nostalgique que chante Césaria Evora et qui est dite originaire <strong>de</strong> Brava. L’une <strong>de</strong>s<br />
femmes tresse à toute vitesse les cheveux <strong>de</strong>s petites filles. Une autre va me chercher<br />
un beau verre à pied pour me faire goûter un vin pas bon du tout qu’elles boivent<br />
dans <strong>de</strong>s verres en plastique. On se parle un peu, elles avec les quelques mots <strong>de</strong><br />
français appris à l’école et moi avec mon petit livre. Puis l’une d’elles me tanne pour<br />
que je lui donne <strong>de</strong> l’argent. Elle veut 100 escudos, c’est vraiment rien, moins d’un<br />
euro. Je lui donne et je repars déçue…<br />
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Jeudi13 juillet 2006<br />
J’ai un peu <strong>de</strong> temps, j’en profite pour faire mes comptes. Je m’en tire avec 170<br />
escudos en trop ! (1.50€ environ). J’ai dû mal comprendre certains prix. Je réalise<br />
aussi que je dépense beaucoup moins que prévu, surtout pour manger.<br />
11h : ren<strong>de</strong>z-vous à Aguabrava avec mon traducteur Hel<strong>de</strong>r. J’apprends plein <strong>de</strong><br />
trucs pour mon étu<strong>de</strong>. Par exemple, la notion d’eau courante est très différente.<br />
Beaucoup <strong>de</strong> maisons sont équipées, mais l’eau ne circule que <strong>de</strong>ux fois par semaine,<br />
sinon il yu a trop <strong>de</strong> pertes dans les tuyaux. Dans chaque maison, on remplit la<br />
citerne pour avoir <strong>de</strong> l’eau toute la semaine.<br />
Aluguer direction Nosa Senhora do Monte, l’autre ville <strong>de</strong> l’île, très étendue. Là, on<br />
trouve un pick-up qui fait l’aller-retour à Cachaço pour déposer quelqu’un. C’est le<br />
« bout » <strong>de</strong> la <strong>route</strong>, après il n’y a que <strong>de</strong>s sentiers. On monte juste pour aller voir. Ce<br />
côté <strong>de</strong> l’île a beaucooup plus d’arbres.<br />
On marche ensuite jusqu’au village <strong>de</strong> Ferreiros. La <strong>route</strong> est en construction et<br />
l’électricité a été inaugurée il y a trois semaines pour la fête <strong>de</strong> la Saint Jean. En<br />
contrebas se trouve une vallée très escarpée et une source. C’est une oasis au milieu<br />
d’un désert <strong>de</strong> montagnes. Les chemins sont les canalisations pour l’eau, accrochées<br />
sur les falaises. Il ne faut pas avoir le vertige. On entre ensuite dans la zone <strong>de</strong><br />
cultures, à l’ombre <strong>de</strong>s manguiers et <strong>de</strong>s cocotiers. Ici, les terrasses sont très étroites<br />
car le dénivelé est important. On y cultive quelques légumes et <strong>de</strong> jeunes cannes à<br />
sucre. On entend l’eau couler et les enfants qui se baignent dans les réservoirs. Nous<br />
marchons jusqu’à la source. Le chemin est difficile au milieu <strong>de</strong>s cultures. Il parait<br />
qu’il y a <strong>de</strong>s petits singes mais ils ont fait les timi<strong>de</strong>s avec nous et ne sont pas venus<br />
nous saluer. A la source, un voleur <strong>de</strong> mangues nous en offre !<br />
Au retour, <strong>de</strong>s paysans nous invitent aussi à manger <strong>de</strong>s mangues et nous offrent un<br />
gros sac <strong>de</strong> tambarinhas, les fruits du tamarinier. On va en donner à tout le mon<strong>de</strong><br />
sur le chemin du retour.<br />
La remontée vers Nosa Senhora do Monte est difficile, la <strong>route</strong> n’en finit pas <strong>de</strong><br />
grimper. En plus, on n’a plus d’eau. On ne parle plus tellement on est fatigués.<br />
Arrivés en haut, on peut s’offrir <strong>de</strong> l’eau fraîche. Il faut encore marcher pour trouver<br />
une voiture qui ca à Vila Nova. C’est finalement le délégué du ministère <strong>de</strong><br />
l’agriculture qui nous prend en stop avec d’autres jeunes.<br />
Cérémonie <strong>de</strong> remise <strong>de</strong>s diplômes du bac, à l’américaine<br />
Hel<strong>de</strong>r m’invite à y assister. C’est dans la salle <strong>de</strong>s fêtes offerte par les émigrés. C’est<br />
à 17 heures mais cela commence à 18h30 (c’est l’heure capverdienne !) Des élèves<br />
présentent une pièce <strong>de</strong> théâtre sur les problèmes quotidiens : une élève qui tombe<br />
enceinte, un garçon qui ne travaille pas, qui s’habille à l’américaine et à qui on dit<br />
qu’il va finir à casser <strong>de</strong>s rochers pour faire les pavés (le sale boulot d’ici). Ensuite, les<br />
élèves montent un par un sur l’estra<strong>de</strong>. Le directeur leur donne le diplôme et l’un <strong>de</strong>s<br />
parents accompagné d’un élève plus vieux vient accrocher un ruban sur la robe. C’est<br />
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un grand moment, beaucoup d’élèves pleurent. Pour accompagner le tout, il y a bien<br />
sûr la morna, que chacun connaît par cœur. Pour finir, ils se retrouvent tous sur<br />
l’estra<strong>de</strong> et lancent leurs chapeaux pour la célèbre photo...<br />
Vendredi 14 juillet 2006<br />
Marche jusqu’à la <strong>de</strong>rnière source <strong>de</strong> l’île : Sorno. Il faut traverser tout Vila Nova<br />
Sintra, monter un peu puis <strong>de</strong>scendre jusqu’à la mer. Le chemin est « fish » !, il est<br />
« bien » en langage jeune d’ici. A un moment, nous prenons une mauvaise voie qui<br />
nous fait <strong>de</strong>scendre dans la rivière. Nous <strong>de</strong>vons alors emprunter les chemins <strong>de</strong><br />
chèvres, où seules les chèvres vont. Il faut faire très attention, car un pas sur du sable<br />
trop glissant peut nous faire dévaler plusieurs mètres.<br />
Sorno est une petite source où l’on fait pousser seulement <strong>de</strong>s légumes. Il n’y a<br />
quasiment pas d’arbres. Le village est composé <strong>de</strong> 4 ou 5 maisons qui n’ont pas<br />
l’électricité. La <strong>route</strong> s’arrête avant les premières cultures. Ici, on utilise encore<br />
l’irrigation traditionnelle qui gâche beaucoup d’eau. Un petit groupe d’hommes et <strong>de</strong><br />
femmes finissent <strong>de</strong> ramasser <strong>de</strong>s carottes et <strong>de</strong>s herbes pour les bêtes. En contrebas,<br />
il y a une belle plage <strong>de</strong> cailloux arrondis par les vagues.<br />
Au retour, Hel<strong>de</strong>r jette sa bouteille d’eau vi<strong>de</strong> dans le ravin. Il sait que je n’aime pas<br />
ça ! Quand il voit ma tête, il promet <strong>de</strong> ne plus jamais le faire, mais il n’a pas l’air<br />
convaincu. Il ne veut pas me croire quand je lui dis qu’il faut plusieurs centaines<br />
d’années pour qu’lle disparaisse.<br />
A Vila Nova Sintra, il m’offre un hamburger. C’est un porceau <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> vache<br />
avec une ron<strong>de</strong>lle <strong>de</strong> tomate et une ron<strong>de</strong>lle <strong>de</strong> concombre dans un petit pain. Le<br />
problème, c’est que la vian<strong>de</strong> n’est pas hachée donc c’est très dur à manger pour<br />
couper la vian<strong>de</strong>… Je m’en mets partout !<br />
J’ai un peu <strong>de</strong> temps dans l’après-midi pour aller voir mes mails et pour faire<br />
quelques courses pour un meilleur dîner.<br />
Fête <strong>de</strong>s élèves <strong>de</strong> douzième<br />
Le len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> la cérémonie, il y a une fête dans le lycée pour les élèves qui ont fini.<br />
Les professeurs sont invités et Hel<strong>de</strong>r m’y invite aussi. Il vient me chercher à 21h30<br />
(c’était à 20h) tout bien habillé. Quand on arrive, il y a encore peu <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>. Des<br />
musiciens jouent la morna et vont jouer toute la soirée. C’est magnifique. Quelques<br />
élèves d’Hel<strong>de</strong>r viennent plaisanter avec lui et me parler. Tous m’écoutent réciter<br />
mes quelques phrases <strong>de</strong> créole telle un enfant qui apprend à compter. C’est drôle !<br />
Ensuite, <strong>de</strong>s filles un peu culottées, habillées en vêtements blancs moulants (pour<br />
montrer leur sting !) commencent à me poser <strong>de</strong>s questions par l’intermédiaire<br />
d’Hel<strong>de</strong>r : as-tu un copain ? pourquoi ne mets tu pas <strong>de</strong>s chaussures à talons (pour<br />
marcher sur les pavés <strong>de</strong> Brava c’est risqué !), <strong>de</strong>s minijupes (très courtes ici) ? Ca va<br />
même un peu plus loin. Hel<strong>de</strong>r est gêné <strong>de</strong> me poser ces questions et répond avant<br />
moi. Ca me fait rire. Il essaie <strong>de</strong> justifier pourquoi elles posent ces questions, moi<br />
j’apprends beaucoup sur la société capverdienne. L’une d’elles dit aussi qu’elle me<br />
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trouve jolie mais qu’elle n’est pas gay ! Je suis étonnée <strong>de</strong>s relations élèvesprofesseurs,<br />
on dirait <strong>de</strong>s amis. Jamais je n’aurais abordé ces sujets avec mes profs.<br />
Vient ensuite le dîner (je ne savais pas qu’on mangeait et j’ai déjà dîné…), je me<br />
retrouve à la table <strong>de</strong>s professeurs alors que j’ai l’âge <strong>de</strong>s élèves ! Il y a toujours la<br />
morna, et les gens chantent les refrains connus. On boit <strong>de</strong> l’alcool, le grogue ou <strong>de</strong> la<br />
bière portugaise. Moi je préfère le jus <strong>de</strong> goyave. Les profs autour <strong>de</strong> la table sont<br />
jeunes. Il y a <strong>de</strong>s sénégalais (profs <strong>de</strong> français), ou <strong>de</strong>s guinéens qui viennent au Cap<br />
Vert pour avoir un meilleur salaire. L’ambiance est très détendue, j’ai du mal à me<br />
dire que je suis à la table <strong>de</strong>s profs ! Djom-Paul le prof d’informatique et le comique<br />
du groupe passe la soirée à raconter <strong>de</strong>s blagues en gesticulant, dont un bon nombre<br />
<strong>de</strong> blagues porno. Toute la table est pliée en <strong>de</strong>ux et moi aussi même si je ne<br />
comprends rien, car les gestes sont drôles. Hel<strong>de</strong>r essaie <strong>de</strong> m’en traduire, dont une<br />
qui est drôle mais difficile à raconter quand on ne connaît pas Brava : ici il y a plein<br />
<strong>de</strong> plantes grasses qui font <strong>de</strong>s touffes vertes.<br />
« Ce sont <strong>de</strong>s angolais qui arrivent à Brava en bateau et qui disent : « oh ! ils sont<br />
riches ici. Ils ont beaucoup d’ananas ! »<br />
Djom-Paul imite aussi les autres profs : il y a Mustapha, le prof <strong>de</strong> français sénégalais<br />
qui dit tout le temps « oui oui oui oui oui … » Des parents <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt : « Notre fils<br />
va redoubler ? » « Oui oui oui oui … !!! » C’est vraiment drôle. Je l’aime bien<br />
Mustapha, il est grand et maigre avec <strong>de</strong> grosses lunettes, et à chaque fois que je le<br />
croise dans la rue, il dit : « On se promène ? » « C’est bien ! » Il m’invite lundi avec<br />
Hel<strong>de</strong>r à manger le tiéboudiène, le plat sénégalais car je lui ai dit que je ne<br />
connaissais pas. En attendant, je passe une bonne soirée même si je ne comprends<br />
pas grand-chose. Ce n’est pas en France que les profs raconteraient <strong>de</strong>s blagues<br />
comme ça au milieu <strong>de</strong>s élèves ! Il y a ensuite un bal dans une salle <strong>de</strong> classe. La<br />
musique est beaucoup moins belle que la morna. On danse un garçon avec une fille<br />
bien collés, il faut faire <strong>de</strong>s petits pas, presque immobile. Berk ! C’est pas fait pour<br />
moi ! Comment peut-on danser comme ça toute la nuit ? Je préfère nos petits tonus<br />
où on danse n’importe comment.<br />
J’ai passé une bonne soirée. J’ai appris beaucoup <strong>de</strong> choses sur le Cap Vert.<br />
Truc <strong>de</strong> berger<br />
Le nœud magique pour permettre à la chèvre <strong>de</strong> tourner sans faire <strong>de</strong> nœuds dans sa<br />
cor<strong>de</strong>. Une cor<strong>de</strong> finie par un anneau et une autre qui passe dans l’anneau et<br />
terminée par un nœud, qui peut tourner.<br />
Samedi 15 juillet 2006<br />
Journée sur les hauteurs <strong>de</strong> l’île. Je grimpe chez Hel<strong>de</strong>r d’où commence le sentier qui<br />
va jusqu’au point le plus haut <strong>de</strong> l’île, à 976m. Il paraît que l’on peut y voir la mer<br />
tout autour <strong>de</strong> l’île, et donc l’île en entier. Malheureusement il y a <strong>de</strong>s nuages. Le<br />
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chemin est très beau, pavé au début, puis un sentier. Il y a <strong>de</strong> l’herbe, beaucoup<br />
d’arbres et <strong>de</strong>s fleurs. C’est très plat, nous passons au milieu <strong>de</strong>s champs <strong>de</strong> cultures<br />
pluviales qui vont bientôt être labourés. Ici, c’est le pays <strong>de</strong>s bergers. Nous arrivons<br />
sans difficulté au sommet, où s’étend sous nos yeux un magnifique panorama <strong>de</strong><br />
nuages blancs. Un petit groupe d’adolescents joue aux cartes. Nous nous asseyons en<br />
attendant que le temps se lève. Par moments, nous pouvons voir la partie sud <strong>de</strong> l’île,<br />
vers Cachaço. Les jeunes viennent s’asseoir avec nous et discuter. Ambiance <strong>de</strong><br />
vacances. Ils nous offrent du gâteau et du fanta, et mettent à mon poignet trois<br />
bracelets capverdiens. Ah ! Les bracelets ! Je n’en ai pas encore parlé. Tout le mon<strong>de</strong> a<br />
autour du poignet <strong>de</strong>s bracelets en caoutchouc noir avec un point vert, <strong>de</strong>s enfants<br />
aux vieillards, les profs et les élèves… Quand j’ai remarqué ça j’ai <strong>de</strong>mandé à Hel<strong>de</strong>r<br />
<strong>de</strong> m’expliquer ce que c’était. Ce sont les joints <strong>de</strong>s bouchons <strong>de</strong>s bidons. Juste la<br />
bonne taille pour le poignet, et très joli. Hel<strong>de</strong>r m’en a donné un que j’ai perdu en<br />
jouant avec le garçon que Brigitte a recueilli. On lance à tour <strong>de</strong> rôle son bracelet par<br />
terre et celui qui met son bracelet sur celui <strong>de</strong> l’autre gagne les <strong>de</strong>ux. Il paraît même<br />
qu’ils en fabriquent pour éviter que les gens les piquent sur les bidons.<br />
Nous re<strong>de</strong>scendons car il fait froid au milieu <strong>de</strong>s nuages et le temps ne va pas se<br />
dégager. Nous croisons un berger qui siffle ses chèvres. Il lui en manque huit qui<br />
sont perdues dans le brouillard. Elles lui répon<strong>de</strong>nt, on les sent inquiètes ! Nous<br />
passons à Matu Gran<strong>de</strong> puis nous re<strong>de</strong>scendons jusqu’à Vila Nova Sintra.<br />
Hel<strong>de</strong>r doit m’apprendre à jouer à l’awalé. Nous allons dans un petit bar (seulement<br />
un comptoir) où nous prenons le jeu que nous ouvrons sur la marche <strong>de</strong>hors. Hel<strong>de</strong>r<br />
m’explique vraiment bien, m’apprend les trucs <strong>de</strong> base. C’est plus compliqué que<br />
cela en a l’air ! Nous jouons très très longtemps, à la fin je ne suis plus le jeu et<br />
déplace les graines que les spectateurs me disent !<br />
Dimanche 16 juillet 2006<br />
Nous prévoyons d’aller à Aguada. C’est une baie où il y a l’épave d’un ferry qui a<br />
fait naufrage en voulant s’abriter lors d’une tempête. L’accès à pied est difficile. Les<br />
gens que nous croisons nous regar<strong>de</strong>nt avec <strong>de</strong> grands yeux quand nous leur<br />
annonçons notre <strong>de</strong>stination. Ce n’est pas grave, nous sommes toujours motivés pour<br />
grimper. Nous marchons, marchons jusqu’à <strong>de</strong>s zones désertes. Une dizaine <strong>de</strong><br />
poules et <strong>de</strong>s chèvres nous suivent, étonnées <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>s êtres humains. Nous ne<br />
voyons pas le chemin, personne n’est là pour nous renseigner. Il faut escala<strong>de</strong>r toute<br />
une montagne puis <strong>de</strong>scendre dans la baie qui se cache <strong>de</strong>rrière. Effectivement, cela<br />
doit être très dur, nous n’avons pas le courage d’aller plus loin dans cette direction.<br />
Nous continuons jusqu’à la mer sur une petite pointe. C’est beau.<br />
Au retour, je suis frappée par le silence. Pas une voix, pas un bruissement <strong>de</strong> feuilles.<br />
On entend le sifflement du vol <strong>de</strong>s oiseaux planant au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> nos têtes, ou<br />
quelques cris <strong>de</strong>s bergers très loin en haut <strong>de</strong>s montagnes. Nous passons par Baleia,<br />
qui veut dire la Baleine. C’est un petit village <strong>de</strong> quelques maisons sur une montagne<br />
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allongée vers la mer. Il n’est accessible que par un sentier et l’électricité a été<br />
inaugurée pour la fête <strong>de</strong> la Saint Jean., il y a trois semaines. Nous croisons <strong>de</strong>s<br />
hommes portant <strong>de</strong>s blocs <strong>de</strong> glace sur leurs têtes pour le bar.<br />
Au village suivant, Matu Gran<strong>de</strong>, nous sommes invités à une fête <strong>de</strong>s enfants. Il y a<br />
un grand panneau <strong>de</strong> feuilles et <strong>de</strong> fleurs, avec en haut, le drapeau <strong>de</strong>s Etats-Unis à<br />
l’envers. Ils se sont juste trompés <strong>de</strong> sens. Une personne riche <strong>de</strong>s Etats-Unis envoie<br />
pour la fête d’un saint <strong>de</strong> l’argent pour que l’on prépare une gran<strong>de</strong> marmite <strong>de</strong><br />
soupe que l’on donne à tous les enfants. Des adultes sont aussi invités.<br />
Apparemment cela se fait souvent ici, ce genre <strong>de</strong> fête. Le plat est très bon, il y a<br />
beaucoup d’enfants. Quelqu’un nous apporte <strong>de</strong> petits bouts <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> sur une<br />
assiette et nous dit <strong>de</strong> goûter en <strong>de</strong>vinant ce que c’est. Je n’ai même pas besoin <strong>de</strong><br />
goûter pour savoir que c’est <strong>de</strong> la tortue. J’en prends une bouchée pour goûter, <strong>de</strong><br />
toute façon celle-ci est déjà morte, on ne peut plus la sauver. C’est filandreux et le<br />
goût est fort, enlevant celui <strong>de</strong> la bonne soupe et restant longtemps dans la bouche. Je<br />
m’excuse auprès <strong>de</strong> tous les baleineaux d’avoir mangé <strong>de</strong> la tortue, même une<br />
bouchée ! C’est très mauvais en tout cas, un argument <strong>de</strong> plus pour les laisser en vie.<br />
La pêche est illégale, mais encore beaucoup pratiquée. A Perda Ba<strong>de</strong>jo (île <strong>de</strong><br />
Santiago) , il y a même un endroit où l’on en vend, d’après ce que Maxime m’a dit. La<br />
ponte est aussi un problème, car les plages sont <strong>de</strong>venues touristiques.<br />
Lundi 17 juillet 2006<br />
Matinée à Vila Nova Sintra. Vers midi, je vais avec Hel<strong>de</strong>r au centre <strong>de</strong> soins<br />
(« hôpital » est un bien grand mot) pour rencontrer le mé<strong>de</strong>cin. Nous faisons la<br />
queue comme pour une consultation puis il nous reçoit. Nous parlons <strong>de</strong>s problèmes<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>nts. L’eau <strong>de</strong> Faja d’Agua qui est redistribuée dans toute l’île est trop fluorée, ce<br />
qui ronge les <strong>de</strong>nts. Il faudrait par exemple du <strong>de</strong>ntifrice sans fluor pour les<br />
habitants, mais cela n’existe pas. Comme ce problème <strong>de</strong> concerne qu’une petite<br />
communauté, personne ne s’y intéresse. J’aimerais bien parler un peu plus au<br />
mé<strong>de</strong>cin, mais il a beaucoup <strong>de</strong> patients qui atten<strong>de</strong>nt.<br />
Nous allons chez Moustapha. Il est <strong>de</strong>vant son réchaud à gaz à préparer le<br />
tiéboudiène. Je cajole la fille <strong>de</strong> Diouf ( l’autre prof <strong>de</strong> français sénégalais) qui a un<br />
an. Nous écoutons Césaria Evora. C’est agréable <strong>de</strong> manger un bon plat avec mes<br />
amis Hel<strong>de</strong>r et Moustapha. C’est délicieux. Moustapha nous prépare ensuite le thé<br />
sénégalais. Cela ressemble beaucoup au thé tunisien. Il faut le faire bouillir 35<br />
minutes dans une petite théière. On le boit dans <strong>de</strong> petits verres. La tradition veut<br />
que l’on boive 3 thés <strong>de</strong> suite. Nous restons donc à discuter en attendant qu’ils soient<br />
prêts. Les profs me montrent les livres <strong>de</strong> français. C’est vieillot, aussi bien les photos<br />
que les noms ou les chansons. Nous parlons <strong>de</strong> la France, du TGV, <strong>de</strong>s fromages….<br />
Hel<strong>de</strong>r et moi partons marcher, pas trop loin et doucement car nous avons trop<br />
mangé. Noua faisons le tour <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> Vila Nova Sintra. Nous parlons<br />
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eaucoup, il me raconte sa vie qui n’a pas toujours été facile. Notre amitié s’en trouve<br />
renforcée.<br />
Soirée awalé, toujours au même endroit. Nous jouons sur le comptoir cette fois, et<br />
personne ne m’ai<strong>de</strong> ! Le chinois qui tient le magasin <strong>de</strong> vêtements connaît tous les<br />
jeux d’ici.<br />
Mardi 18 juillet 2006<br />
Je suis toute triste à écrire ces quelques lignes. Demain matin, je quitte Brava ? Sur le<br />
ferry pour arriver (bateau serait un terme plus convenable que ferry …), on me<br />
disait : « Dix jours à Brava ! C’est beaucoup ! » Et ensuite sur l’île, c’était : « 10 jours<br />
seulement, il faut rester plus longtemps ! Tu peux être professeur ici ! » Tout à<br />
l’heure, on m’a dit : « Ah ! Tu pars <strong>de</strong>main… Nous voulions t’inviter samedi<br />
prochain… » Hel<strong>de</strong>r m’a même dit que les gens m’appréciaient, cela m’a touché. Je<br />
prends plaisir dans la rue à saluer les gens que je connais d’un grand geste <strong>de</strong> la main<br />
s’ils sont loin comme le jeune <strong>de</strong> restaurant, ou d’un « Bom dia ! Tudo bom ? ». Serrer<br />
la main à Djom Paul qui fait le singe… Entendre Mustapha dire « On se promène ? »<br />
Quitter l’ami Hel<strong>de</strong>r avec qui j’ai passé la gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> mes journées. Amitié<br />
étonnante qui m’a beaucoup appris. Il a le double <strong>de</strong> mon âge, mais je lui parle<br />
comme à mes copains. Je suis aussi vieille que ses élèves, mais il n’aime pas que je le<br />
lui rappelle. Comme il dit j’ai déjà vécu beaucoup <strong>de</strong> choses malgré mon jeune âge.<br />
Même à Brava, je connais plus d’endroits que beaucoup <strong>de</strong> ses habitants. Quand<br />
Hel<strong>de</strong>r racontait où nous étions allés, certaines personnes ne connaissaient même pas<br />
le nom du lieu. Notre duo étonne. « Elle est professeur ? » Non non ! « C’est ta<br />
femme, ta petite amie ? » Non plus ! Il n’y a pas ce type <strong>de</strong> relation entre nous. Des<br />
fois, il répond oui pour plaisanter. Il a même dit à quelques élèves que j’étais sa fille.<br />
Il fallait voir leurs yeux exorbités !<br />
Il me dit : « J’aurais aimé t’offrir quelque chose <strong>de</strong> Brava mais il n’y a rien ici ! » C’est<br />
vrai. Moi aussi je me suis creusée la tête pour trouver quelque chose à lui offrir, je<br />
n’ai pas réussi. Ce n’est pas grave. J’ai promis <strong>de</strong> lui envoyer <strong>de</strong>s photos par internet.<br />
Et ma <strong>de</strong>rnière journée dans tout ça ?<br />
Ma montre sonne à 6h45. Je veux profiter à fond <strong>de</strong> mon <strong>de</strong>rnier jour. Je passe la tête<br />
à travers les ri<strong>de</strong>aux pour voir…. Les nuages. Oh non ! On ne voit même plus la<br />
maison d’en face. Je voulais prendre <strong>de</strong>s photos <strong>de</strong> la ville… Je retourne un peu dans<br />
mon sac <strong>de</strong> couchage, m’en voulant <strong>de</strong> ne pas avoir sorti mon appareil quelques<br />
jours plus tôt. Après le petit déjeuner (aujourd’hui il y a <strong>de</strong>s biscuits et <strong>de</strong>s bananes,<br />
waouh !), je déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> laver quelques habits. Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> un seau et monte sur la<br />
terrasse près du réservoir d’eau. Céleste, qui travaille à la pension et que j’aime bien<br />
vient me voir faire. Elle observe, puis non ! Ce n’est pas comme ça ! Elle me prend<br />
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mon tee-shirt <strong>de</strong>s mains et me montre le geste pour frotter. Petit à petit, zone par<br />
zone alors que j’allais un peu trop vite ! Elle m’ai<strong>de</strong> à finir, frotte mes culottes. Je suis<br />
un peu gênée mais je réalise qu’elle lave le linge <strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong> à la pension. Elle<br />
me montre ensuite comment utiliser la planche avec mon pantalon plein <strong>de</strong> poussière<br />
<strong>de</strong>s chemins, puis comment rincer et essorer. Elle rit bien quand je lui parle <strong>de</strong>s<br />
machines à laver, cela n’existe pas ici. J’aime bien quand elle me répond : « Oui mais<br />
quand la machine ne lave pas bien, tu es obligée <strong>de</strong> frotter à la main ! »<br />
Heureusement que non ! Je mets mes habits à sécher au milieu <strong>de</strong>s nuages, on verra<br />
bien ce soir.<br />
Je grimpe comme prévu rejoindre Hel<strong>de</strong>r chez lui. Il voulait me faire monter pour<br />
voir la vue. C’est fichu, il y a toujours les nuages qui bouchent la vue à moins <strong>de</strong> dix<br />
mètres. Cela ne va pas se lever <strong>de</strong> la journée. On re<strong>de</strong>scend à Vila Nova Sintra. C’est<br />
très étrange ces nuages. On entend les voix et les animaux partout, mais on est<br />
aveugles. On sent la vie qui grouille tout autour, mais on ne voit rien, on est seuls.<br />
Direction l’awalé <strong>de</strong> chez Madona (le nom du bar ou du patron, j’ai pas bien<br />
compris). Nous nous asseyons <strong>de</strong>vant sur la marche. J’arrive à gagner, avec les<br />
conseils d’Hel<strong>de</strong>r et les gestes discrets <strong>de</strong>s hommes qui regar<strong>de</strong>nt ! Nous enchainons<br />
partie sur partie, je ne vois pas le temps passer, je crois que nous jouons 2 heures. Les<br />
nuages sont toujours avec nous. Le bar ferme, nous laissons l’awalé et marchons dans<br />
la ville. C’est le jour et l’heure où les points <strong>de</strong> vente d’eau sont ouverts. Nous en<br />
visitons 3 ou 4. Je réalise alors que beaucoup <strong>de</strong> maisons n’ont pas l’eau courante. Les<br />
femmes portent <strong>de</strong> hauts récipients sur leurs têtes. Les hommes chargent les ânes ou<br />
les brouettes. Chacun fait <strong>de</strong>s aller-retours. Le prix est dérisoire, 6 escudos pour 20<br />
litres. (1€ = 110 escudos). Il y a un gardien qui récupère les petites pièces jaunes ou<br />
cuivrées <strong>de</strong> 1 et 5 escudos.<br />
Nous marchons jusqu’à Nos Senhor do Montes, en discutant ou en répétant <strong>de</strong>s<br />
phrases créoles. Nous ne voyons rien à plus <strong>de</strong> 15-20 mètres. Là on est censé voir<br />
toute la ville, mais on ne voit que du blanc. Nous imaginons alors une ville avec<br />
rivière, piscines, pelouses, auto<strong>route</strong>s et métro se cachant en <strong>de</strong>ssous. Hel<strong>de</strong>r<br />
s’imagine pêcheur, et moi ven<strong>de</strong>use <strong>de</strong> poisson qui grimpe les montagnes avec ma<br />
bassine sur la tête en criant : « Nhos cumpra peixe ! » Achetez mon poisson. Comme<br />
il n’aime pas la mer, je lui propose d’inverser les rôles. Seules les femmes ven<strong>de</strong>nt le<br />
poisson, alors il est vexé !<br />
Mercredi 19 juillet 2006<br />
Anniversaire <strong>de</strong> mon frère Jean-Baptiste qui est au Maroc. Papa et Maman sont dans<br />
l’avion pour aller en Chine. Et moi je suis en plein milieu <strong>de</strong> l’Océan Atlantique, non<br />
loin <strong>de</strong> l’île <strong>de</strong> Fogo qui n’apparaît même pas sur un planisphère. Même le chat a<br />
voyagé pour aller à Jard se faire gar<strong>de</strong>r par Mamie.<br />
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Le Barlavento (copie conforme du Sotavento qui m’a amenée à Brava) me ramène à<br />
Praia. Voyage <strong>de</strong> jour cette fois ci. Ce matin, mon réveil a encore sonné à 6h45, et<br />
miracle, les nuages avaient disparu. J’ai fait vite mon sac, pris mon Kafé, il y avait du<br />
cuscus, sorte <strong>de</strong> pain <strong>de</strong> semoule. J’ai attrapé mon appareil photo pour gar<strong>de</strong>r un<br />
souvenir <strong>de</strong>s rues <strong>de</strong> Vila Nova Sintra. 2-3 photos, puis plus <strong>de</strong> batteries… Cet<br />
appareil a le défaut <strong>de</strong> ne pas dire à l’avance l’état <strong>de</strong>s batteries. Au quatrième<br />
magasin, je trouve <strong>de</strong>s piles. Ouf ! Je paye 4 piles 150 escudos, ça fait un drôle <strong>de</strong> prix<br />
pour une pile quand on divise par 4, mais ce n’est pas grave !<br />
A 9 heures, je retrouve Hel<strong>de</strong>r pour <strong>de</strong>scendre à Furna, le port, en aluguer afin d’être<br />
à 10 heures sur le quai. Nous sommes à l’heure mais pas le bateau qui ne pointe le<br />
bout <strong>de</strong> son étrave que vers midi. L’heure capverdienne ! Il y a un perpétuel décalage<br />
horaire <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux heures. Le bateau vient <strong>de</strong> Fogo et repart à Praia. Comme à l’aller,<br />
tous les passagers <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt, même ceux qui font Fogo-Praia, pour remonter et être<br />
comptés. Quelle organisation ! J’attends le <strong>de</strong>rnier moment pour monter, je n’ai pas<br />
envie <strong>de</strong> faire la queue en plein soleil. Au revoir à Hel<strong>de</strong>r, je sais que comme moi il<br />
est triste, mais content <strong>de</strong> m’avoir connu. Djom-Paul est là aussi et me souhaite bon<br />
voyage en français. Mustapha prend aussi le bateau pour rentrer à Dakar voir sa<br />
famille qu’il a laissée <strong>de</strong>puis 11 mois. Comme il a le mal <strong>de</strong> mer, il a pris une<br />
couchette et <strong>de</strong>s médicaments.<br />
Je me trouve un petit coin tranquille sur un coffre contenant <strong>de</strong>s gilets <strong>de</strong> sauvetage,<br />
mais en plein soleil. Les coins à l’ombre sont bondés, même par terre. Tant pis. Je<br />
m’étale trois fois <strong>de</strong> suite <strong>de</strong> la crème solaire et me cache sous mon foulard rose. Je<br />
me suis endormie, toute triste, bercée par les vagues, et quand j’ai relevé la tête, on ne<br />
voyait plus Brava dans les nuages. Fini. Ca m’a fait mal au cœur.<br />
La mer est plus agitée dès que l’on dépasse Fogo. Une vague arrose le pont <strong>de</strong>s<br />
marchandises mouillant au passage les quelques chèvres qui ont l’air <strong>de</strong> se sentir<br />
mal. D’où viennent toutes ces vagues ? Ont-elles traversé l’Océan ? Le vent leur<br />
blanchi la crête. Les enfants ont le visage grave à cause du roulis. Des hommes<br />
dorment dans les canots <strong>de</strong> sauvetage. Je suis bien calée, perchée tout en haut près <strong>de</strong><br />
la cheminée qui ronfle, à observer tout. Tiens, un sac où est écrit le nom <strong>de</strong> son<br />
propriétaire : Djony, orthographe capverdienne du prénom américain. Un sac<br />
plastique qui vole jusque dans l’eau, oh non, c’est une tortue qui va mourir d’avoir<br />
mangé une méduse empoisonnée.<br />
Pério<strong>de</strong> un peu plus difficile ensuite. La fille à côté <strong>de</strong> moi vomit par terre, il y en a<br />
partout, mon sac s’en sort sain et sauf. Quelques jeunes <strong>de</strong> Brava s’assoient avec moi,<br />
l’un parle anglais, on discute, quand…. Berk ! Il y a <strong>de</strong>s gouttelettes <strong>de</strong> vomi qui<br />
volent sur nous… Des filles vomissent au vent (= du côté du bateau où le vent arrive)<br />
et cela en met partout. Le voyage est moins drôle d’un coup. Je n’en ai presque pas<br />
sur moi, mon sac, lui, a quelques taches. Je ne peux même pas changer <strong>de</strong> place, il n’y<br />
a nulle part où aller, et tout le sol est souillé. Il commence à faire froid, on n’arrive<br />
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que dans 3 heures…Je commence à tout voir en noir. Ni une ni <strong>de</strong>ux, Françoise il faut<br />
que tu t’actives pour te changer les idées. Je monte mon sac sur mon perchoir le<br />
coffre <strong>de</strong>s gilets <strong>de</strong> sauvetage, je peux ainsi le nettoyer et sortir mon pull. Ne plus<br />
avoir froid me fait déjà beaucoup <strong>de</strong> bien. Je mange mon <strong>de</strong>rnier pain <strong>de</strong> Brava que<br />
j’ai acheté tout chaud hier après-midi, sans vache-qui-rit tellement il est bon. J’ai juste<br />
envie <strong>de</strong> faire pipi, je dois tenir jusqu’à Praia, je n’ose pas imaginer l’état <strong>de</strong>s toilettes<br />
avec la mer. Tout va mieux, je peux m’appuyer contre mon sac à dos. La nuit tombe.<br />
Je fredonne <strong>de</strong>s chansons que personne n’entend sauf le vent. Le gars <strong>de</strong> Brava qui<br />
parle anglais me fait rire avec <strong>de</strong>s paroles simples et bêtes. Il m’offre un fromage <strong>de</strong><br />
Fogo.<br />
Arrivée à Praia, je remarque que même les lampadaires du Plateau sont éteints. Sur<br />
le quai, j’essaye <strong>de</strong> retrouver Mustapha pour lui souhaiter bon voyage et lui dire au<br />
revoir, mais je ne le vois pas, queda, c’est comme ça. Je prends un taxi jusqu’à chez<br />
Cristina. Il est 22 heures, c’est ce que je lui avais dit.<br />
Jeudi 20 juillet 2006<br />
J’ai une idée qui me trotte dans la tête <strong>de</strong>puis quelques jours pour occuper cette<br />
journée. Dans le bateau pour Fogo, j’avais rencontré un jeune français qui faisait un<br />
stage pour une ONG dans un centre pour jeunes à Pedra Ba<strong>de</strong>jo, une petite ville au<br />
nord <strong>de</strong> l’île. Il m’avait dit que je pourrais passer et qu’ils avaient monté un projet<br />
pour amener l’eau dans un village qui m’intéresserait. C’est l’occasion ou jamais.<br />
Mais avant, je dois acheter mon billet <strong>de</strong> bateau pour Min<strong>de</strong>lo. Le père <strong>de</strong> Cristina<br />
m’a indiqué où se trouvait le bureau <strong>de</strong> la STM où on les vend, heureusement car ce<br />
n’était pas facile à trouver. Quand j’arrive, tout est fermé. Je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à côté, ils me<br />
répon<strong>de</strong>nt qu’il faut attendre la personne qui est partie faire une course ! Quand elle<br />
revient, je suis toute contente car j’arrive à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r ce que je veux en créole et je<br />
comprends ses réponses.<br />
Je prends le Tarrafal <strong>de</strong>main à 20 heures. Il est plus gros que les Sotavento et<br />
Barlavento, c’est un vrai ferry.<br />
Je file au marché <strong>de</strong> Sucupira prendre un Hyace pour Pedra Ba<strong>de</strong>jo. Il ne met pas<br />
beaucoup <strong>de</strong> temps à se remplir <strong>de</strong> femmes avec <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s bassines pleines <strong>de</strong><br />
maquereaux. A la sortie <strong>de</strong> Praia, il y a <strong>de</strong>ux policiers qui relèvent les plaques <strong>de</strong><br />
Hyace trop remplis. Notre chauffeur avait été prévenu et dépose 3 passagers sur le<br />
bord <strong>de</strong> la <strong>route</strong>, dépasse les policiers et attend un peu plus loin. Voilà alors les trois<br />
passagers qui ont fait quelques centaines <strong>de</strong> mètres en stop et qui remontent dans le<br />
Hyace ! La <strong>route</strong> est goudronnée s’est allongée <strong>de</strong>puis mon <strong>de</strong>rnier passage. Des<br />
champs ont été labourés à l’approche <strong>de</strong> la saison <strong>de</strong>s pluies.<br />
23
Je suis heureuse, à l’avant du Hyace à voir du pays et à sentir mes fesses décoller à<br />
chaque creux dans la <strong>route</strong>. Toutes les voitures roulent en zig-zag. Au début, c’est<br />
vraiment bizarre et pas rassurant. En fait, les chauffeurs évitent les trous. Dès qu’il<br />
manque un ou <strong>de</strong>ux pavés, ceux d’à côté partent aussi car ils ne sont plus tenus et<br />
petit à petit, le creux s’élargit. Et s’il n’y a personne en face et que la <strong>route</strong> est<br />
meilleure, ils roulent à gauche.<br />
L’animation <strong>de</strong> Pedra Ba<strong>de</strong>jo se concentre dans une rue principale où le Hyace me<br />
dépose. Je trouve facilement le centre Katchas (un célèbre guitariste) et j’aperçois<br />
Maxime par la fenêtre. Il est bien étonné <strong>de</strong> me voir ! Il me fait visiter le centre pour<br />
les jeunes, c’est très bien fait, il y a une salle informatique avec internet, une<br />
bibliothèque, et ils sont en train d’installer une radio qui va émettre dans la ville et<br />
les villages voisins. Il me parle du projet sur l’eau pour le village voisin, puis me fait<br />
visiter la ville. Il y a <strong>de</strong>s maisons dans tous les sens, pas vraiment <strong>de</strong> rues et <strong>de</strong>s<br />
déchets partout, <strong>de</strong>s cochons en liberté et beaucoup d’enfants. C’est bien différent<br />
<strong>de</strong>s rues paisibles et propres <strong>de</strong> Brava, un autre mon<strong>de</strong>. A midi, Maxime est invité au<br />
déjeuner d’un baptême, je peux sans problème y aller avec lui. Cela se passe sur le<br />
toit d’une maison. Il y a d’énormes plats préparés <strong>de</strong>hors dans <strong>de</strong>s marmites géantes<br />
par les femmes. Tout le mon<strong>de</strong> se sert et mange assis sur un muret ou <strong>de</strong>bout.<br />
Maxime et moi, nous sommes contents <strong>de</strong> pouvoir goûter tant <strong>de</strong> plats : <strong>de</strong>s haricots,<br />
du mais pilé, <strong>de</strong>s bananes vertes, <strong>de</strong>s nouilles bouillies et le riz omniprésent. Il veut<br />
absolument que je goûte le punch et le grogue (alcool <strong>de</strong> canne à sucre). C’est hyper<br />
fort, une gorgée me suffit. En <strong>de</strong>ssert il y a un buffet <strong>de</strong> gâteaux. Les tables sont<br />
ensuite vite enlevées pour permettre aux jeunes <strong>de</strong> danser, musique à fond, un gars<br />
et une fille collés-serrés. Nous repartons. Nous rencontrons un français dépressif qui<br />
a <strong>de</strong>s moches chambres d’hôte. Je reprends ensuite un Hyace pour ne pas arriver trop<br />
tard à Praia. Sur la <strong>route</strong>, il pleut quelques gouttes.<br />
A Praia, il y a la manifestation contre Electra. Elle ne regroupe pas grand mon<strong>de</strong><br />
pour l’ampleur du problème. Je passe la soirée à somnoler avec Cristina et ses amis.<br />
Nous allons manger un truc qui ressemble à un kébab dans un pain roulé. C’est bon.<br />
Ensuite, l’un <strong>de</strong> ses amis nous emmène en voiture faire <strong>de</strong>s tours et <strong>de</strong>s tours dans la<br />
ville, je ne sais pas trop si c’est pour passer le temps ou me montrer Praia, mais je n’ai<br />
qu’une envie, c’est dormir ! Je visite quand même la capitale éclairée par les rares<br />
lampadaires allumés.<br />
Ah ! J’allais oublier ! J’ai parlé à la fille du Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République sans le savoir !<br />
C’est une amie <strong>de</strong> Cristina très gentille, qui parle un peu français. Elle avait un beau<br />
sac d’artisanat capverdien. Cristina m’a dit après qui c’était. Elle plaisantait bien<br />
avec cela quand elle était étudiante au Brésil. Ici, cela n’est pas intriguant, le pays est<br />
si petit. Il y a autant d’habitants qu’à Nantes.<br />
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Vendredi 21 juillet 2006<br />
19h35 A bord du Tarrafal, dans le port <strong>de</strong> Praia, d »part 20h00 (normalement, mais<br />
bon, au Cap Vert…)<br />
QUEL PLAISIR D’ÊTRE A BORD D’UN BATEAU !<br />
C’est un vrai ferry cette fois, avec <strong>de</strong>s voitures, un bar, 1 e et 2 e classe… J’en ai déjà fait<br />
le tour, il est petit. Ils passent le CD <strong>de</strong> Césaria Evora que j’ai chez moi, je me<br />
sentirais presque chez moi ici aussi. Je me suis trouvé un petit coin avec <strong>de</strong>ux grands<br />
hublots. S’il n’y a pas grand mon<strong>de</strong>, je pourrai m’allonger sur les sièges. Au pire, je<br />
pourrai me trouver un banc tranquille <strong>de</strong>hors. Il fait chaud, mais c’est partout pareil<br />
à Praia, la petite <strong>de</strong> Brava n’est plus habituée ! Kalor, comme on dit ici. J’espère que<br />
les gens ne vont pas trop vomir, dans mon petit coin je <strong>de</strong>vrais être à l’abri. Il y a <strong>de</strong>s<br />
bassines recouvertes d’un sac poubelle au bout <strong>de</strong> chaque rangée. J’attends d’être<br />
partie pour me faire un sandwich au fromage <strong>de</strong> Fogo offert sur le Barlavento.<br />
Miam !<br />
Nous partons à 22h35, j’ai presque envie <strong>de</strong> dire en avance ! J’ai déjà discuté avec<br />
plusieurs personnes. Je suis la seule blanche à bord, j’aime ça !<br />
De l’autre côté du quai, on chargeait le Barlavento qui larguait les amarres un peu<br />
plus tard. Le voir rétrécir au loin m’éloigne un peu plus <strong>de</strong> Brava…<br />
Qu’ai-je fait dans la journée ?<br />
Je me suis levée un peu plus tard que d’habitu<strong>de</strong> (9h, quelle grasse mat !) car j’ai mal<br />
dormi malgré la fatigue, il faisait chaud et un moustique m’a obligée à fouiller dans<br />
mon sac pour trouver mon anti-moustiques en plein nuit. Il est revenu après que je<br />
me suis aspergée, ce n’est pas efficace. J’ai passé la matinée chez Cristina à finir <strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong>ssins ou <strong>de</strong>s pages <strong>de</strong> ce carnet. J’ai écrit <strong>de</strong>s cartes pour les grands parents qui<br />
n’ont pas <strong>de</strong> nouvelles par internet. L’après-midi, je me suis baladée dans la ville.<br />
A 19 heures, Armando (ami portuguais d’Hospitality Club) est venu me chercher<br />
avec sa voiture pour me conduire au port avec Cristina.<br />
Ah ! La suite du voyage ! C’est grand confort. Après mon pique-nique, j’essaye <strong>de</strong><br />
dormir allongée sur les sièges. Il fait vraiment trop chaud, alors je vais <strong>de</strong>hors. Je<br />
trouve un pont tranquille sur bâbord, près <strong>de</strong>s cabines <strong>de</strong> l’équipage. Il y a un banc<br />
vi<strong>de</strong> qui me tend les bras pour que je dorme sur lui ! J’attends un peu avant d’aller<br />
chercher mes sacs. Un membre <strong>de</strong> l’équipage, capitaine ou second, vient me parler en<br />
français. Super sympa ! Il va faire la navigation <strong>de</strong> Sao Nicolau à Sao Vicente. Pour<br />
l’instant, il est <strong>de</strong> quart pour surveiller les passagers jusqu’à minuit. Ce soir, c’est<br />
tranquille, il me dit qu’il y a 140 voyageurs pour 800 places. Il connaît le nord <strong>de</strong> la<br />
France pour y être allé en cargo. Il me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> trois fois si j’ai mangé, oui j’ai déjà<br />
mangé ! Puis il me conduit finalement dans la cuisine pour l’équipage. On m’apporte<br />
une soupe et un jus <strong>de</strong> fruits, je reste seule à manger, mon ami étant parti faire le tour<br />
du bateau. Quand il revient, j’ai fini, c’était bon d’ailleurs, il me conduit dans le salon<br />
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VIP où il reste <strong>de</strong>s places. Waouh ! Je vais bien dormir, il savait que j’avais une place<br />
normale. Le salon VIP, ce sont d’énormes sièges moelleux qui s’inclinent beaucoup,<br />
avec un repose-pieds. La première classe en quelque sorte, il y a les VIIP et les autres.<br />
C’était 1000 escudos <strong>de</strong> plus (9€50). Je suis ravie, c’est une croisière <strong>de</strong> luxe. Vers<br />
6h30, le jour se lève. Il y a une gran<strong>de</strong> baie vitrée <strong>de</strong> hublots qui permettent <strong>de</strong> voir<br />
l’horizon. On commence à apercevoir Sao Nicolau. Je laisse les VIP après avoir utilisé<br />
leurs toilettes plus propres. Petit déjeuner sur le pont, on longe toute l’île. Il y a <strong>de</strong>s<br />
poissons volants et <strong>de</strong>s ailerons, peut-être <strong>de</strong>s requins, c’était bizarre. Arrivée à<br />
l’heure à Sao Nicolau. Il y a <strong>de</strong>ux heures d’escale, j’ai le temps <strong>de</strong> faire un tour dans<br />
Tarrafal (tout s’appelle Tarrafal ! Le ferry mais aussi plusieurs villes dans <strong>de</strong>s îles<br />
différentes, dont le port <strong>de</strong> Sao Nicolau), la petite ville portuaire. Il pleut quelques<br />
gouttes.<br />
Le trajet Sao-Nicolau – Min<strong>de</strong>lo ! Croisière <strong>de</strong> rêve, je me transforme en petite<br />
princesse du Tarrafal. L’ami second me fait entrer dans la cabine <strong>de</strong> pilotage. C’est la<br />
première fois que j’y pénètre en vrai, c’est génial ! Il y a une belle vue. Les machines<br />
sont très anciennes, le bateau a 35 ans et était avant aux Canaries. C’est le départ. Une<br />
caméra permet <strong>de</strong> surveiller la fermeture <strong>de</strong> la porte pour les véhicules. Ensuite, seul<br />
un homme fait la manœuvre. Une fois en <strong>de</strong>hors du port, le pilote automatique fait<br />
tout. Seuls <strong>de</strong>ux hommes veillent. Il faut juste regar<strong>de</strong>r le radar <strong>de</strong> temps en temps (il<br />
n’y a pas un bateau <strong>de</strong> tout le trajet) et appuyer toutes les 4 min sur le bouton du<br />
pilote pour assurer qu’il y a une présence humaine. Le carnet <strong>de</strong> bord est rempli peu<br />
souvent, je détecte même une erreur, le commendant a écrtit qu’on allait à Praia au<br />
lieu <strong>de</strong> Min<strong>de</strong>lo !<br />
Une femme vient servir <strong>de</strong>s bières, j’ai droit à un jus <strong>de</strong> fruits, perchée sur les grands<br />
sièges <strong>de</strong> veille. Je suis bien ! Devant nous se dressent les trois petits îlots inhabités,<br />
dont Santa Luzia, qui est comptée dans les dix îles <strong>de</strong> l’archipel. A midi, je mange<br />
avec le commandant. Le samedi, c’est cachupa ! Celle-ci est bonne, avec une gran<strong>de</strong><br />
variété <strong>de</strong> haricots, du thon, <strong>de</strong>s saucisses…<br />
L’ami second me rajoute une pomme <strong>de</strong> terre et <strong>de</strong>s saucisses. Je mange trop… J’ai<br />
oublié <strong>de</strong> dire que le cuisinier m’avait offert une pomme à Tarrafal. Mon ventre va<br />
exploser. On remonte aux comman<strong>de</strong>s. Le capitaine m’explique le rôle <strong>de</strong> chaque<br />
machine, le compas électrique avec les décimales, le compas magnétique <strong>de</strong> sécurité.<br />
La VHF antique, les panneaux avec plein <strong>de</strong> voyants… C’est vraiment tranquille. La<br />
musique diffusée dans le bateau diffuse ici aussi. Quel voyage ! Je me sens vraiment<br />
chez moi. Comme je somnole, je les quitte en les remerciant et m’allonge sur un banc<br />
du self qui n’est plus un self mais une salle pour les passagers. Je dors jusqu’à<br />
l’arrivée dans la baie <strong>de</strong> Min<strong>de</strong>lo. C’est très beau, il y a un grand port <strong>de</strong> commerce.<br />
En <strong>de</strong>scendant je remercie beaucoup l’aquipage, le second me laisse son téléphone.<br />
Cette traversée était magique.<br />
J’ai le mal <strong>de</strong> terre, le sol monte et <strong>de</strong>scend sous mes pieds. Je dois être fatiguée. J’ai<br />
trouvé une chambre pas chère dans une pension, très vieillot et spartiate, salle <strong>de</strong><br />
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ains eau froi<strong>de</strong> eu bout du couloir, mais cela me convient. J’ai fait un tour dans la<br />
ville, <strong>de</strong>ux nigérians super collants sont venus me parler, comme je voulais être<br />
tranquille j’ai été un peu froi<strong>de</strong>. Ils ont commencé à parler <strong>de</strong> racisme, etc. Je crois<br />
que leur seul but était d’obtenir une adresse en France. Je ne voulais pas être<br />
méchante, mais j’ai bien senti qu’ils voulaient quelque chose. Ils prennent le même<br />
bateau que moi <strong>de</strong>main, je n’ai pas hâte <strong>de</strong> les revoir !<br />
Min<strong>de</strong>lo est sur l’île <strong>de</strong> la fête et <strong>de</strong>s nuits musicales. Nous sommes samedi soir. J’ai<br />
vraiment la flemme <strong>de</strong> sortir même si j’aimerais bien écouter un peu <strong>de</strong> belle<br />
musique.<br />
Dimanche 23 juillet 2006<br />
Sur le Mar D’Canal entre Min<strong>de</strong>lo et Porto Novo. Encore sur un bateau. Une heure<br />
<strong>de</strong> traversée, il faut que j’en profite, je vais rester longtemps à terre après. C’est un<br />
ferry plutôt mo<strong>de</strong>rne, plein <strong>de</strong> touristes. Il y avait aussi un plus petit bateau moitié<br />
moins cher mais il ne fait pas la traversée le dimanche. Tant pis. J’ai laissé ma petite<br />
chambre <strong>de</strong> pension à 7 heures, même le gardien dormait comme toute la ville<br />
d’avoir fait la fête trop longtemps. Il y a eu énormément <strong>de</strong> bruit jusqu’à 4 heures au<br />
moins, cela ne m’a pas empêché <strong>de</strong> dormir. Petit déjeuner pain-fromage <strong>de</strong> Fogo et<br />
jus <strong>de</strong> goyave sur le pont avant le départ. La mer est toute plate malgré le vent.<br />
J’arrive à me décoller <strong>de</strong>s nigérians.<br />
Arrivée à Porto Novo, je dois y passer la journée et prendre l’aluguer qui ramène les<br />
passagers au bateau <strong>de</strong> 17 heures. Je ne peux pas aller trop loin car j’ai mon gros sac<br />
sur le dos. Le ville est morte, le dimanche tout est fermé. Je rencontre un guinéen<br />
(Guinée Konakry car il parle anglais) qui a une vie super triste, pas d’amis, parlant<br />
peu le créole, toute sa famille en Guinée. Son seul rêve est d’obtenir un visa européen<br />
ou américain pour aller faire du « business » c'est-à-dire acheter <strong>de</strong>s vêtements,<br />
chaussures, radios etc qu’il revend ici. Il y a beaucoup d’hommes d’Afrique <strong>de</strong><br />
l’ouest qui viennent au Cap Vert car ils n’ont pas besoin <strong>de</strong> visa et le niveau <strong>de</strong> vie<br />
plus élevé leur fait gagner plus que dans leur pays.<br />
Il m’offre un malta (jus <strong>de</strong> malte sucré qui ressemble un peu au coca et qui vient <strong>de</strong><br />
Hollan<strong>de</strong>) et un (moche) foulard (je l’offrirai à quelqu’un). Je lui offre les <strong>de</strong>ux<br />
mangues qu’il me reste, il ne doit pas en manger souvent vu comment il a eu l’air<br />
d’apprécier la première. Je le laisse, je commence à déprimer tellement sa vie est<br />
triste. C’est horrible. Je ne peux rien faire pour l’ai<strong>de</strong>r. Je vais ensuite attendre à la<br />
terrasse d’un café près du port, surveiller les aluguers. Je <strong>de</strong>ssine.<br />
Vers 16 heures, je prends le premier aluguer qui repart, direction Ribeira Gran<strong>de</strong>,<br />
puis Pedracin, <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> l’île. On fait monter une pauvre chèvre sur le toit. Je<br />
suis <strong>de</strong>vant, c’est bien pour la vue, il paraît qu’elle est belle. La <strong>route</strong> pavée monte en<br />
pente douce sur les terres sèches <strong>de</strong>rrière Porto Novo. D’un coup, les virages sont<br />
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plus serrés, la pente est plus forte. L’aluguer se retrouve sous une forêt <strong>de</strong> pins et<br />
d’eucalyptus. Je suis pourtant bien au Cap Vert ! Le décor est si différent <strong>de</strong> ce que<br />
j’ai déjà vu du pays. Les couleurs et les o<strong>de</strong>urs sont aussi nouvelles pour moi. C’est<br />
tout simplement beau. Un autre visage du Cap Vert. Nous longeons un ancien<br />
cratère cultivé. Plus loin, c’est encore plus différent, immense, grandiose, haut. Il y a<br />
<strong>de</strong>s pics rocheux qui s’étirent vers le ciel, <strong>de</strong>s falaises énormes laissant entre elles la<br />
place à <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s ribeiras rayées <strong>de</strong> vert par les terrasses cultivées. L’impression<br />
que cela me donne, c’est qu’il y a une exagération verticale énorme, comme dans les<br />
coupes géologiques faites en prépa. On dirait aussi, mais cela n’est pas en accord<br />
avec la beauté du lieu, que l’on a étiré à l’ordinateur la verticale du paysage. Tout est<br />
trop haut. La <strong>route</strong> est perchée dans la falaise, un vi<strong>de</strong> immense sur la droite.<br />
L’aluguer roule à gauche tellement la piste <strong>de</strong> droite est défoncée près du muret qui<br />
sépare du vi<strong>de</strong>. Mon cerveau <strong>de</strong> pense plus à rien d’autre que : « Waouh ! C’est… »<br />
pas <strong>de</strong> mot pour le dire, grandiose peut-être mais ce n’est pas encore assez fort. Je ne<br />
m’attendais pas à voir cela, sur ma carte, c’est tout plat ! Heureusement que je suis<br />
dans l’aluguer, sinon je resterais plusieurs jours à regar<strong>de</strong>r. Paysage à couper le<br />
souffle car on ne pense plus a respirer tellement la vue fascine. Quand on re<strong>de</strong>scend<br />
jusqu’à la mer vers Ribeira Gran<strong>de</strong>, les reliefs s’amenuisent.<br />
Une fois en ville, l’avant-<strong>de</strong>rnier passager <strong>de</strong>scend. Je me retrouve toute seule avec le<br />
chauffeur. Il commence à m’expliquer qu’il va me faire payer 1000 escudos (plus <strong>de</strong><br />
9€) pour aller d’ici à Pedracin à 7 km. Non mais ça va pas ! En aluguer c’est 80<br />
escudos maximum. Il se prend pour un taxi car il n’est rempli que d’une touriste. Je<br />
suis en colère. J’aurais facilement pu en prendre un allant à Pedracin à Porto Novo. Je<br />
<strong>de</strong>scends là déçue, payant le prix normal pour Ribeira Gran<strong>de</strong>. J’interroge plusieurs<br />
personnes me disant qu’il est dificile <strong>de</strong> trouver un aluguer à cette heure un<br />
dimanche. Youpi ! J’attends sur le muret <strong>de</strong> la <strong>route</strong> pour Pedracin qui n’est autre sue<br />
le fond <strong>de</strong> la Ribeira. J’arrête le permier aluguer que je vois après une dizaine <strong>de</strong><br />
minutes. Il veut bien me prendre, mais dépose les autres passagers avant. Super, je<br />
monte soulagée <strong>de</strong> ne pas rester bloquée à Ribeira Gran<strong>de</strong> qui est tout petit et mort.<br />
Les passagers <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt à Boca <strong>de</strong> Coruja. Je <strong>de</strong>scends aussi pour finir à pied,<br />
Pedracin est juste après. L’aluguer ne me fait rien payer, ni aux autres passagers (sa<br />
famille ou ses amis je crois). Je trouve facilement la maison <strong>de</strong> Norbert et Martine,<br />
jaune vif <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> la ribeira, aux pieds <strong>de</strong>s terrasses <strong>de</strong> canne à sucre. Elle est<br />
toute neuve, belle. Ma chambre est luxueuse pour une zellidjéenne, grand lit, bureau,<br />
et une piscine sur la terrasse. Lisa, la petite fille <strong>de</strong> Norbert et Martine est là, elle a dix<br />
ans. Je me sens en vacances. Martine cuisine très bien, avec les fruits du jardin. Cela<br />
me change du pain-vache-qui-rit <strong>de</strong> Brava (que j’apprécie aussi pour sa simplicité !)<br />
Lundi 24 juillet 2006<br />
Je pars à la découverte <strong>de</strong> fond <strong>de</strong> la ribeira où se trouve la maison. Je suis au début<br />
accompagnée <strong>de</strong> Norbert et Lisa qui promènent les chiens. Je continue seule sous<br />
l’aqueduc à gauche, direction Cailbros. Une personne marchant dans la même<br />
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direction vient naturellement m’accompagner. Quand sa <strong>route</strong> suite la mienne, c’est<br />
quelqu’un d’autre. Je dois trouver Manuela, une jeune parlant le français, car Norbert<br />
m’a chargé d’une mission, rapporter le numéro <strong>de</strong> téléphone <strong>de</strong> son pre qui gère <strong>de</strong>s<br />
aluguers. On me gui<strong>de</strong> jusqu’à sa maison. Une femme et <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> ses enfants allant<br />
chercher <strong>de</strong> l’eau, je vois ainsi un point d’eau bien caché, puis un jeune silencieux. Je<br />
trouve Manuela, elle est très gentille et parle bien français pour son âge, n’ayant<br />
appris qu’à l’école (elle a 14 ans). Je prends le numéro et lui offre un bracelet ainsi<br />
qu’à ses frères et sœurs, elle m’en offre un aussi ainsi qu’un verre <strong>de</strong> lait qu’elle a<br />
trait elle-même. Elle doit en porter à une vieille dame, je fais un bout <strong>de</strong> chemin avec<br />
elle. Quand elle est arrivée, je me promets <strong>de</strong> repasser la voir. Le chemin serpente<br />
entre les cannes à sucre et les maisons, puis au-<strong>de</strong>ssus. Maintenant je suis toute seule<br />
car personne ne passe ici. La vue sur la ribeira es splendi<strong>de</strong>, les montagnes étroites<br />
toutes découpées, les gran<strong>de</strong>s falaises,puis dans le creux <strong>de</strong>s terrasses <strong>de</strong> canne à<br />
sucre, <strong>de</strong>s petites maisons. De l’autre côté <strong>de</strong> la montagne, c’est Riberao. Le haut est<br />
plus sec. J’entends les lézards filer dans les pierreset les herbes sèches à mon<br />
approche. Tout est silencieux à part ça et <strong>de</strong>ux ou trois oiseaux. Dans le village, c’est<br />
plus vert et plus plat, permettant l’installation du goutte à goutte et la culture <strong>de</strong><br />
légumes. Je suis étonnée d’entendre <strong>de</strong>s gamins <strong>de</strong> 10 ans me dire dans un français<br />
parfait : « Bonjour, c’est la première fois que tu viens ici ? » Le professeur <strong>de</strong> français<br />
d’ici doit vraiment être excellent ! Ici, un touriste est français. Dans les îles sous le<br />
vent, on me <strong>de</strong>mandait toujours si j’étais portugaise. Beaucoup <strong>de</strong> choses sont très<br />
différentes entre les <strong>de</strong>ux parties <strong>de</strong> l’archipel, à commencer par la langue. J’étais<br />
contente du créole que j’avais appris à Brava et on me comprenait à Santiago. Je<br />
pensais que je pourrais m’améliorer ici. Perdu ! C’est tellement différent. On m’avait<br />
prévenue, mais je n’imaginais pas autant <strong>de</strong> différences. Certains mots sont<br />
totalement différents.<br />
Exemple : à Praia : a-mi m’gosta cheu di Cabo Ver<strong>de</strong><br />
Ici : mim, m’gosta bestente <strong>de</strong> Cabo Ver<strong>de</strong><br />
J’aime beaucoup le Cap Vert<br />
Même la prononciation change, et « gosta » ne se dit pas du tout pareil… Ca va être<br />
difficile… On me comprend quand je parle comme dans les îles Sotavento, mais je ne<br />
comprends plus rien du tout. Il me faut repartir <strong>de</strong> zéro.<br />
Les gens sont plus ouverts ici qu’à Brava. En marchant seule, on vient me parler, on<br />
m’indique le chemin. C’est ce qui me manquait sur la belle Brava où chacun reste<br />
chez soi.<br />
Une autre différence est le nombre d’insectes. Avant, je n’avais vu que <strong>de</strong>s mouches,<br />
<strong>de</strong>s moustiques et <strong>de</strong>s cafards (et <strong>de</strong>s araignées aussi). Ici, il y en a plein <strong>de</strong> sortes, <strong>de</strong><br />
très beaux comme la mante religieuse ou d’énormes araignées, et d’autres qui me<br />
font faire <strong>de</strong>s cauchemars : les cem-pé. Ce sont <strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> mille-pattes à longues<br />
pattes un peu moins nombreuses, un animal vraiment laid, mesurant parfois la taille<br />
d’une main, et dont la morsure rend mala<strong>de</strong> pendant plusieurs jours, comme celle<br />
d’un scorpion. Je n’ai vraiment pas hâte d’en rencontrer. Il faut fermer la fenêtre la<br />
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nuit à cause d’eux. Il y a aussi les mil-pé, qui ont plus <strong>de</strong> pattes, et qui sont<br />
pacifiques. On peut apercevoir <strong>de</strong>s geckos sur le mur <strong>de</strong> la maison.<br />
Je me balla<strong>de</strong> encore un peu dans la ribeira. A Boca <strong>de</strong> Coruja, je rencontre Victor qui<br />
connaît les Duthion. Il fait la fin du chemin avec moi. Il parle français. Il déjeune avec<br />
nous.<br />
Je passe la fin <strong>de</strong> la journée à proximité <strong>de</strong> la maison jaune. Piscine avec Lisa, ça<br />
rafraîchit, vacances, vacances ! Je grimpe ensuite avec elle dans les terrasses <strong>de</strong> canne<br />
à sucre retrouver Juan et John qui travaillent dans le jardin. Ils préparent <strong>de</strong>s canaux<br />
pour l’eau car l’eau <strong>de</strong> la levada (canalisation en ciment ouverte) est pour ces<br />
terrasses dans une semaine. Juan nous gui<strong>de</strong> alors jusqu’à la levada. J’avais envie <strong>de</strong><br />
la suivre, mais c’est un peu dur par endroits à cause d’arbres qui gênent le passage.<br />
Après le dîner, le portable <strong>de</strong> Norbert sonne. C’est Victor qui veut m’accompagner<br />
dans la marche que j’ai prévu <strong>de</strong>main. C’est gentil. Je suis très contente à l’idée<br />
d’avoir <strong>de</strong> la compagnie.<br />
Mardi 25 juillet 2006<br />
Descente <strong>de</strong> la cal<strong>de</strong>ira <strong>de</strong> Cova à Paul<br />
L’aluguer passe à 7h15. Il va jusqu’à Porto Novo pour le bateau du matin. Je me lève<br />
à 6 heures, le jour est juste levé. La lumière est étrange car le soleil est <strong>de</strong>rrière les<br />
hautes montagnes et il y a une couche <strong>de</strong> nuages. Tout est gris et se réveille<br />
doucement. Quelques coqs chantent. L’air est frais.<br />
Martine avait appelé le chauffeur d’aluguer pour qu’il s’arrête me prendre. Victor<br />
doit monter plus loin à Boca <strong>de</strong> Coruja. Là, je m’inquiète un peu <strong>de</strong> ne pas le voir. Il<br />
monte en fait un peu plus loin encore. Nous emprutons « la » <strong>route</strong> <strong>de</strong> Porto Novo. Il<br />
y a <strong>de</strong>s nuages donc pas <strong>de</strong> vue. A force <strong>de</strong> grimper, l’aluguer perce au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la<br />
couche nuageuse. Mon visage est réchauffé par les doux rayons du soleil matinal et<br />
mes yeux sont touchés par le bleu du ciel. Le Hiace nous dépose sous les pins en haut<br />
du cratère. J’adore cette cal<strong>de</strong>ira (zone qui s’est effondrée dans le cratère) planquée<br />
<strong>de</strong>rrière une rangée <strong>de</strong> sapins. Il y a une <strong>route</strong> pavée d’un côté et un chemin <strong>de</strong><br />
l’autre qui mènent à Cova, le village du cratère. Le centre, parfaitement circulaire et<br />
plat est cultivé. Il y a beaucoup d’ânes portant <strong>de</strong>s bidons jaunes remplis d’eau. Nous<br />
grimpons la paroi du volcan jusqu’en haut où s’ouvre sous nos yeux toute la ribeira<br />
<strong>de</strong> Paul qui fait sa timi<strong>de</strong> sous quelques nuages. Encore une fois, tout est immense.<br />
C’est très vert aussi, tout le fond <strong>de</strong> la vallée est couvert <strong>de</strong> terrasses cultivées. Nous<br />
nous arrêtons un long moment sur ce petit col d’où nous voyons <strong>de</strong>ux paysages <strong>de</strong><br />
chaque côté, la cal<strong>de</strong>ira et la ribeira. Il faut reprendre <strong>de</strong>s forces avant le début <strong>de</strong> la<br />
<strong>de</strong>scente qui est très forte. Le chemin est fait <strong>de</strong> lacets qui serpentent dans les rochers<br />
jusqu’aux premières terrasses <strong>de</strong> canne à sucre. On entend l’eau couler, on peut voir<br />
<strong>de</strong> petits ruisseaux entre <strong>de</strong>s rochers. Nous empruntons ensuite la <strong>route</strong> pavée qui se<br />
déroule en pente douce jusqu’à la petite ville <strong>de</strong> Paul. Dans un village, je parle à un<br />
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français qui tient une petite boutique d’artisanat. Il me raconte le gâchis d’eau, par<br />
exemple il doit <strong>de</strong>s fois laisser ses robinets couler à flots pendant une semaine entière<br />
sinon les canalisations explosent, à cause <strong>de</strong> la pression.<br />
Victor est un bon gui<strong>de</strong> et me montre les arbres et plantes d’ici que je ne connais pas.<br />
Je suis bien amusée quand il me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : »Et le maïs, tu ne connais pas. On peut<br />
aller en voir là-bas. » Si, si, je connais quand même le maïs ! Il est dix fois plus beau<br />
en France d’ailleurs. Ici, ce n’est pas une culture adaptée à cause du manque <strong>de</strong> pluie.<br />
On le cultive par tradition car il entre dans la composition <strong>de</strong> la catchupa.<br />
A Paul, où normalement on reprend l’aluguer pour Ribeira Gran<strong>de</strong>, puis un autre<br />
pour Pedracin, nous décidons <strong>de</strong> continuer à pied. La <strong>route</strong> est bien différente. Elle<br />
longe la mer sur les falaises. Il y a 8 km assez plats, mais la <strong>route</strong> monotone me parait<br />
interminable. J’ai assez <strong>de</strong> volonté pour aller jusqu’au bout même si je commence à<br />
sentir mes muscles. Je résiste aux klaxons <strong>de</strong>s aluguers prêts à nous prendre.<br />
A Ribeira Gran<strong>de</strong>, Victor serait prêt à aller jusqu’à Pedracin à pied, pas moi ! Il a<br />
quand même l’air fatigué. Nous prenons un aluguer pick-up (ici ils ont <strong>de</strong>s bâches<br />
pour le soleil contrairement à Brava, cela fait une petite cabane, mais on ne voit plus<br />
la vue aussi bien).<br />
Nous avons bien marché 7 heures. Norbert est impressionné ! Il nous gron<strong>de</strong> un peu<br />
car nous n’avons pas éjeuné, seulement grignoté <strong>de</strong>s biscuits.<br />
Je n’ai plus le courage d’accompagner Lisa qui se promène sur l’âne Mel.<br />
Je téléphone à l’ingénieur Alberto Lima qui veut bien me recevoir <strong>de</strong>main. Journée<br />
questions, donc.<br />
J’ai du mal à prendre <strong>de</strong>s photos. Je suis mal à l’aise <strong>de</strong>rrière mon objectif, je me sens<br />
vraiment trop touriste. Tant pis. Je ferai moins <strong>de</strong> belles photos que prévu. A la place,<br />
j’essaye <strong>de</strong> faire un peu plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssins, mais je suis très lente. Je les fais au crayon <strong>de</strong><br />
bois puis je les repasse à l’encre, cela me prend un temps fou, mais je prend du plaisir<br />
à les faire. Cela ne peut que m’ai<strong>de</strong>r pour l’année prochaine, je serai plus à l’aise pour<br />
<strong>de</strong>ssiner les schémas <strong>de</strong> biologie !<br />
Mercredi 26 juillet 2006<br />
Ren<strong>de</strong>z-vous à 9 heures à Ribeira Gran<strong>de</strong> avec Alberto Lima (Bituca), un ingénieur<br />
agronome qui travaille au service d’eau.<br />
Vers 8h10, je traverse le pontpour rejoindre la <strong>route</strong> où passent les aluguers.<br />
J’attends, assise sur le muret, à regar<strong>de</strong>r les minutes tourner. Pas une voiture en vue.<br />
Finalement je pars à pied, cela n’avance à rien mais m’évite un peu <strong>de</strong> râler. Et on ne<br />
sait jamais, un aluguer peut partir du village suivant.<br />
A 8h45, un bruit <strong>de</strong> moteur. Ouf ! Je suis bien à l’heure à Ribeira Gran<strong>de</strong>, je trouve<br />
facilement le service <strong>de</strong>s eaux. Alberto Lima n’est pas là, on me fait entrer dans un<br />
grand bureau. J’attends plus d’1/2 heure avant qu’il n’arrive. L’heure capverdienne…<br />
Entretien intéressant pour mon étu<strong>de</strong> (il parle français), il me prête <strong>de</strong>s documents<br />
que je vais photocopier. Il appelle ensuite Julio Costa, un autre ingénieur agronome<br />
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qui travaille au ministère <strong>de</strong> l’agriculture. Je <strong>de</strong>vais le rencontrer, mais je n’avais pas<br />
réussi à le joindre. Il peut me recevoir tout <strong>de</strong> suite. Ils sont vraiment gentils tous les<br />
<strong>de</strong>ux. Après mes questions, Julio Costa m’emmène (pick-up avec chauffeur du<br />
ministère !) voir <strong>de</strong>s cultures irriguées au goutte à goutte puis les terrains d’essai du<br />
ministère <strong>de</strong> l’agriculture. Cela m’occupe jusqu’en début d’après-midi.<br />
Je prends ensuite un aluguer direction Ponta do Sol, une petite ville touristique où se<br />
trouve l’ancien aéroport. De là, je suis la côte jusqu’à Fontahinas. C’est magnifique.<br />
Le chemin longe les falaises. Le petit village est composé <strong>de</strong> quelques maisons<br />
colorées qui s’alignent sur une crête rocheuse. En <strong>de</strong>ssous, on trouve <strong>de</strong> nombreuses<br />
terrasses, <strong>de</strong> grands cocotiers. Sur la place, <strong>de</strong>s enfants jouent au foot. Le terrain est<br />
minuscule car la place est petite. Derrière l’un <strong>de</strong>s buts, il y a un petit muret puis le<br />
vi<strong>de</strong>. Ce que j’imaginais arrive : le ballon tombe ! L’un <strong>de</strong>s enfants va pieds nus à<br />
toute vitesse dans les rochers pour récupérer le ballon. Il remonte aussi vite.<br />
Chapeau ! Le petit sentier qui continue après le village le long <strong>de</strong> la mer me nargue,<br />
j’ai bien envie <strong>de</strong> continuer mais il est trop tard. Après il fera nuit ou alor je ne<br />
trouverai plus d’aluguers. Je m’amuse à dire bonjour en capverdien aux touristes, on<br />
voit <strong>de</strong> lion qu’ils sont français : gui<strong>de</strong> petit futé à la main et équipement Décathlon<br />
<strong>de</strong>s pieds à la tête ! On me répond Bom dia en plein après midi ! Quand-même !<br />
(Bom dia c’est pour le matin, l’après-midi c’est Boa tar<strong>de</strong> !)<br />
Au retour, je m’arrête à Ribeira Gran<strong>de</strong> faire les magasins ! Je ne sais plus si j’ai déjà<br />
parlé <strong>de</strong>s chinois. Il y en a plein dans tout le Cap Vert. Cela surprend au début.<br />
Même à Brava il y en avait un tout seul. Ils ont tous <strong>de</strong>s magasins, avec <strong>de</strong>s produits<br />
ma<strong>de</strong> in China : <strong>de</strong>s habits, <strong>de</strong>s chaussures, <strong>de</strong> la vaisselle, <strong>de</strong>s cochonneries. A<br />
Ribeira Gran<strong>de</strong>, il y a 16 magasins chinois. Quand on connaît la ville, plutôt un petit<br />
bourg coincé entre <strong>de</strong>ux embouchures <strong>de</strong> ribeiras, cela fait peur. On se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> où<br />
se cachent les autres boutiques. On m’a expliqué à Praia qu’ils n’avaient pas <strong>de</strong> taxes<br />
à payer, d’où l’affluence. Mes observations : ils ont tous les mêmes choses à vendre,<br />
ce n’est pas cher, on se fait effectivement suivre à la trace comme on m’avait raconté.<br />
Il y a en permanence une ven<strong>de</strong>use qui regar<strong>de</strong> <strong>de</strong>rrière l’épaule ou qui déplie le<br />
vêtement si on le fixe plus <strong>de</strong> 5 secon<strong>de</strong>s. C’est marrant quand on ne veut rien<br />
acheter comme moi. Regar<strong>de</strong>r à quel moment le ven<strong>de</strong>ur va bouger, voir ce qu’il<br />
choisit pour nous (pour moi et ma peau blanche, c’était un débar<strong>de</strong>ur « I love Cape<br />
Ver<strong>de</strong> » super laid). Dans chaque boutique, le/la chinois(e) est assis <strong>de</strong>rrière la caisse,<br />
et les ven<strong>de</strong>uses sont capverdiennes avec une espèce <strong>de</strong> tablier.<br />
En passant en aluguer à Boca <strong>de</strong> Coruja, je vois Victor sur le muret (le muret <strong>de</strong> la<br />
<strong>route</strong>, où il retrouve ses amis tous les soirs). Il me fait signe <strong>de</strong> m’arrêter. Nous<br />
faisons le reste du chemin en discutant, à pied. Nous nous donnons ren<strong>de</strong>z-vous<br />
vendredi pour marcher.<br />
Je dîne avec Norbert. Martine et Lisa font <strong>de</strong>s courses à Min<strong>de</strong>lo. J’aime bien discuter<br />
avec lui, il connaît plein <strong>de</strong> choses. Il se moque <strong>de</strong>s capverdiens qui mettent<br />
longtemps pour dire pas grand-chose, comme son ami Jopin qui parle ¼ d’heure<br />
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pour dire que s’il pleut, le puits va se remplir, mais lui aussi parle un peu lentement.<br />
Une discussion dure toujours longtemps. Il me donne <strong>de</strong>s conseils pour mon étu<strong>de</strong>.<br />
Jeudi 27 juillet 2006<br />
Je commence par une anecdote d’il y a 2 jours que j’ai oublié <strong>de</strong> mentionner : le<br />
cassage <strong>de</strong> chauffeur d’aluguer. Je marche seule sur la <strong>route</strong> <strong>de</strong> la Ribeira quand un<br />
bel aluguer tout rouge et tout vi<strong>de</strong> s’arrête. Le chaffeur, tellement content d’avoir<br />
trouvé une touriste à arnaquer (en jouant au taxi), s’axclame plein d’entrain :<br />
« Hello ! Where are you going ? » Je réponds dans un créole parfait « M’bai ku pé »,<br />
je vais à pied. Il fallait voir la tête du chauffeur. Il est reparti aussitôt, je l’ai bien eu.<br />
Journée tranquille à Boca <strong>de</strong> Coruja (village où habitent Martine et Norbert). J’ai<br />
besoin d’un peu <strong>de</strong> repos et <strong>de</strong> temps pour m’asseoir <strong>de</strong>vant le bureau. J’écris <strong>de</strong>s<br />
mails pour remercier mes amis <strong>de</strong> Brava et Praia, je fais mes comptes, finis mes<br />
<strong>de</strong>ssins et mon cahier. Je lis ensuite le document sur l’eau qu’Alberto Lima m’a prêté.<br />
Une mine d’infos qu’il faudra que je photocopie.<br />
Lisa et Martine rentrent <strong>de</strong> Min<strong>de</strong>lo, puis Manuela passe me voir. Elle a mis le collier<br />
que je lui ai offert. Je lui fais visiter la maison. Je vois qu’elle meurt d’envie d’aller<br />
rejoindre Lisa dans la piscine donc je lui prête mon maillot. Je suis contente car elle<br />
s’amuse. Elle déjeune avec nous puis va à son cours d’informatique. Elle a vécu<br />
quelques heures dans une bulle <strong>de</strong> France, un petit voyage pour elle.<br />
L’après-midi est trop entamé pour bouger. Je <strong>de</strong>ssine un peu dans le jardin, comme<br />
la petite bête ci-contre. A 5 heures, c’est la promena<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’âne Mel. Pour une fois, j’y<br />
vais. Lisa est sur Mel, Juan tient la cor<strong>de</strong>. Je discute <strong>de</strong>rrière avec John. Je l’aime bien,<br />
il est toujours souriant. J’aime aussi l’intonation chantante <strong>de</strong> sa voix quand il parle<br />
français. Nous sommes <strong>de</strong>rrière car Mel marche vite. Quand on fait <strong>de</strong>mi tour, Lisa<br />
me laisse sa place ! Nous rentrons en courant, moi puis Lisa sur Mel. Les gens<br />
rigolent en nous voyant passer.<br />
Après le diner, Norbert crie pour qu’on vienne <strong>de</strong>hors : un énorme cem-pé. Il faut<br />
une dizaine <strong>de</strong> coups <strong>de</strong> savate pour qu’il arrête d’avancer, les pattes bougent encore<br />
pendant 24 heures. C’est immon<strong>de</strong> comme bestiole. Cela me donne envie <strong>de</strong> caresser<br />
les gros cafards tellement ils sont mignons à côté. Ce cem-pé, taille adulte, est aussi<br />
long que ma main. On voit ses <strong>de</strong>ux pics qui mor<strong>de</strong>nt. Je n’ose pas imaginer la<br />
panique quand on trouve cela dans son lit. Le cent-pieds a en fait 40 pieds puisque 20<br />
paires <strong>de</strong> pattes. Son cousin le mil-pé en a beaucoup plus, <strong>de</strong>s minuscules. Les mil-pé<br />
sont nombreux. Ils croustillent quand on marche <strong>de</strong>ssus.<br />
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Vendredi 28 juillet 2006<br />
Gran<strong>de</strong> marche avec Victor. Départ 9 heures. C’est un peu tard pour le soleil, mais<br />
par chance il y a <strong>de</strong>s nuages. Il passe me prendre à la maison jaune. Nous escaladons<br />
la montagne au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> Boca <strong>de</strong> Coruja pour passer <strong>de</strong> l’autre côté, jusqu’à la mer.<br />
La première heure est difficile, que <strong>de</strong> la montée. J’ai l’impression que je suis trop<br />
lour<strong>de</strong> comme si j’avais trop mangé, et que je n’irai pas loin. Cette drôle d’impression<br />
disparaît dans les hauteurs. La vue <strong>de</strong> la Ribeira est belle. La <strong>de</strong>scente <strong>de</strong> l’autre côté<br />
est dangereuse. Il faut <strong>de</strong> la concentration. Si on glisse, on tombe dans les falaises, je<br />
pense que l’on se tue. Victor marche lentement pour moi, lui il a l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
chemins comme ça. Quand on arrive au fond <strong>de</strong> la vallée, c’est plus plat. Victor me<br />
fait goûter le fruit <strong>de</strong> l’arbre aux noix <strong>de</strong> cajou. La forme est amusante, c’est rond<br />
comme une petite pomme et la noix est accrochée en-<strong>de</strong>ssous. Il me montre les arbres<br />
tropicaux que je ne connais pas. Nous faisons une pause sur la roche creusée par le<br />
torrent (quand il pleut) au bord <strong>de</strong> la mer. Le chemin longe ensuite le bore <strong>de</strong> la mer,<br />
au ras <strong>de</strong> la falaise. Sur environ 200m, je trouve <strong>de</strong>s cailloux comme ceux <strong>de</strong>s travaux<br />
pratiques <strong>de</strong> géologie, basalte, gabbro, basalte avec inclusions <strong>de</strong> péridotite… J’en<br />
ramasse plein, <strong>de</strong>s exemples dignes <strong>de</strong>s livres <strong>de</strong> cours. Ici, ils servent à faire <strong>de</strong>s<br />
pavés ! Victor se prend au jeu et me ramasse les cailloux qu’il trouve jolis ou m’i<strong>de</strong> à<br />
les casser. Mon sac s’alourdit d’un kilo je pense ! Je pourrai mieux réviser ma<br />
géologie avec ça… ☺ Il y a quelques petites plages entre les falaises. Sur l’une d’elles,<br />
il y a une belle trace d’une tortue qui est venue mondre. Cela fait <strong>de</strong>s arcs <strong>de</strong> cercle<br />
quans elle avance avec ses nageoires. D’après les traces, je pense qu’elle a réussi à<br />
rejoindre la mer sans se faire chasser par les pêcheurs.<br />
Le paysage change à l’approche <strong>de</strong> Cruzinha. Il y a du sable très<br />
blanc(géologiquement parlant, cela m’intrigue !) et <strong>de</strong>s reliefs presque plats. Nous<br />
nous arrêtons dans l’unique restaurant <strong>de</strong> Cruzinha manger <strong>de</strong>s sandwichs fromage<br />
et confiture <strong>de</strong> papaye (le <strong>de</strong>ssert capverdien, mais on ne mange pas <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssert au<br />
Cap Vert, cherchez l’erreur touristique) avec du jus <strong>de</strong> goyave. Un chauffeur<br />
d’aluguer nous colle, car Cruzinha, c’est le bout du bout <strong>de</strong> la <strong>route</strong>, c’est le jackpot<br />
pour les aluguers qui trouvent <strong>de</strong>s touristes. Il a du mal à croire que l’on va à pied<br />
jusqu’à Boca <strong>de</strong> Coruja. La petite montée près du cimetière pour aller à Chã <strong>de</strong> Igreja<br />
est difficile, mais courte. Ce village est perché au-<strong>de</strong>ssus d’une ribeira entourée <strong>de</strong><br />
falaises. C’est sur un terrain plat, près <strong>de</strong> la mer. Joli mais loin <strong>de</strong> tout. La <strong>route</strong><br />
re<strong>de</strong>scend dans la ribeira. C’est presque oppressant d’être entouré <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux falaises<br />
comme ça. Il y a <strong>de</strong>s maisons dans les endroits un peu plus larges. Je ne pourrais pas<br />
vivre là, voir si peu <strong>de</strong> ciel et tant <strong>de</strong> cailloux. Il fait très chaud maintenant. Nous<br />
commençons à ne plus trop parler. La marche <strong>de</strong>vient plus dure. C’est là que j’aime<br />
bien marcher avec quelqu’un. Toute seule, j’aurais eu la flemme, j’aurais pesté. A<br />
<strong>de</strong>ux, cela motive, un peu comme un défi. Toujours plus loin. Même quand on ne<br />
parle plus, cela créée <strong>de</strong>s liens. La <strong>route</strong> remonte, vers le village <strong>de</strong> Garça. Nous<br />
n’avons plus beaucoup d’eau, il faut la faire durer. Ma langue me pique et est<br />
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gonflée. Là, on ne parle plus du tout avec Victor. Ne pas regar<strong>de</strong>r en haut, tout en<br />
haut <strong>de</strong> la montagne, où le chemin culmine avant <strong>de</strong> re<strong>de</strong>scendre. Un aluguer arrive,<br />
non ! Tout à pied ! Dans un creux <strong>de</strong> la <strong>route</strong>, on trouve une petite épicerie fermée<br />
qui ouvre pour nous offrir une bouteille d’eau fraîche. Miracle ! Nous ne parlons<br />
toujours pas, trop occupés à boire en marchant. La <strong>route</strong> paraît un peu moins pentue,<br />
le sommet un peu moins haut. C’est dur, mais j’aime ça, avec la présence motivante<br />
<strong>de</strong> Victor. Quel plaisir quand la pente contourne la montagne pour re<strong>de</strong>scendre.<br />
Nous filons. Nos langues se délient. Nous chantons un peu, Victor invente les paroles<br />
<strong>de</strong> notre journée. La <strong>route</strong> est encore longue, mais toute en <strong>de</strong>scente. Je lui raconte<br />
l’histoire drôle <strong>de</strong>s ananas <strong>de</strong> Brava, ça nous fait bien rire.<br />
Arrivée à Pedracin, je n’ai pas du tout mal aux jambes mais je sens la fatigue. Victor<br />
continue jusqu’à Boca <strong>de</strong> Coruja. Notre boucle est bouclée, plus <strong>de</strong> huit heures <strong>de</strong><br />
marche. Après ma douche, heureusement que Lisa me tient éveillée sinon je<br />
m’endormirais sans dîner. Je vais me coucher juste après le repas, contente <strong>de</strong> ma<br />
journée. J’oublie <strong>de</strong> préciser qu’avant d’entrer dans mon lit je vérifie partout trois fois<br />
<strong>de</strong> suite qu’il n’y a pas <strong>de</strong> cem-pé, même un tout petit. Avec Lisa, on entend <strong>de</strong>s<br />
coups <strong>de</strong> tatane dans la cour. C’est Martine qui écrase un autre cem-pé aussi gros<br />
qu’hier…<br />
Samedi 29 juillet 2006<br />
Je commence ma journée par un tour à « la » ville, Ribeira Gran<strong>de</strong>. Je dois<br />
photocopier le dossier d’Alberto Lima et faire 2-3 courses.<br />
Je passe au bureau du PAICV (parti politique au pouvoir) <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r un T-shirt. Dit<br />
comme ça, on peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si je vais bien… Si on prend 20 capverdiens au<br />
hasard, je suis sûre que l’un d’entre eux au moins portera le T-shirt du PAICV. On le<br />
voit partout, jaune foncé avec écrit Cabo Ver<strong>de</strong> en gros, et le <strong>de</strong>ssin du parti, une<br />
étoile et <strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>s <strong>de</strong> couleur. Il y a eu les élections prési<strong>de</strong>ntielles il y a quelques<br />
mois et ils ont donné ces T-shirts. J’avais envie d’en avoir un car c’est un élément<br />
omniprésent <strong>de</strong> mon voyage. Le côté politique ne m’intéresse pas. Au bureau, ils<br />
n’en ont plus, mais une dame peut m’en amener un lundi. J’ai bien fait d’avoir le<br />
culot <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r.<br />
Je repasse ensuite à la maison jaune déposer mes photocopies puis je repas à pied à<br />
Caibros. On m’a dit qu’il fallait aller voir le fond <strong>de</strong> la ribeira. Je pourrai aussi dire<br />
bonjour à Manuela. Je fais un bout <strong>de</strong> chemin avec un jeune qui parle un peu français<br />
et qui va au festival <strong>de</strong> Caibros. Un festival ? A Caibros ?? Je passe chez Manuela. J’ai<br />
un petit flacon <strong>de</strong> parfum à lui offrir. Elle me fait visiter sa maison, très gran<strong>de</strong>. En<br />
bas, il y a une petite épicerie et le 2 e étage est un restaurant/ salle <strong>de</strong> danse, qui ouvre<br />
toutes les fins <strong>de</strong> semaine. Le festival, c’est à côté d’un grand réservoir d’eau pour<br />
l’irrigation. Pendant trois jours, il est rempli et sert <strong>de</strong> piscine. C’est plein d’enfants.<br />
A côté, on a monté <strong>de</strong>ux petits bars provisoires. L’eau du tank est vert foncé. Des<br />
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gars s’arrosent avec <strong>de</strong>s bouteilles et arrosent tout le mon<strong>de</strong> avec… Je laisse Manuela<br />
et ses copines qui se baignent, et je continue seule vers le fond <strong>de</strong> la ribeira. C’est très<br />
joli, il y a un filet d’eau qui coule, on y a planté <strong>de</strong> l’igname. C’est un peu perdu, je ne<br />
croise personne. Plus loin, le sentier grimpe vers <strong>de</strong>ux maisons isolées. Il y a un vieil<br />
homme qui me salue. Il fait un petit bout <strong>de</strong> chemin avec moi, pour me montrer où<br />
aller. Il est pieds nus, avec son couteau attaché à la ceinture comme beaucoup <strong>de</strong><br />
capverdiens ruraux. La partie <strong>de</strong> la ribeira <strong>de</strong>rrière est très belle, étroite, coincée entre<br />
les montagnes, remplie <strong>de</strong> cannes à sucre, <strong>de</strong> bananiers et d’ignames. Par contre, c’est<br />
tout mort. Il n’y a personne. Toute seule, je n’ai pas le courage (et un peu peur !) <strong>de</strong><br />
m’aventurer trop loin, pourtant ça a l’air beau. Je fais <strong>de</strong>mi-tour. Quand je repasse<br />
<strong>de</strong>vant la maison du vieux monsieur, sa femme et son petit fils sont là aussi. Je leur<br />
offre mes biscuits, et un petit jeu pour le petit fils. Je leur parle un peu, ils sont très<br />
gentils. Quand je continue mon chemin, ils me font <strong>de</strong>s signes d’au revoir. Je vois que<br />
je grand-père a l’air passionné par le jeu du petit !<br />
La <strong>de</strong>scente est rapi<strong>de</strong>. Quand j’arrive au tank, je retrouve la petite sœur <strong>de</strong> Manuela<br />
et une copine qui me ramènent chez elle. Elle m’offre une assiette <strong>de</strong> pâtes à 4<br />
heures… Nous allons ensuite dire bonjour à sa grand-mère. Nous nous arrêtons en<br />
<strong>route</strong> chez une capverdienne qui vit en France. On discute un peu, avec son fils qui a<br />
presque mon âge. J’imagine sa vie d’immigrée qui ne doit pas être facile. Elle n’est<br />
rentrée au Cap Vert que 3 fois en 18 ans, laissant sa famille. L’immigration c’est un<br />
problème au Cap Vert. Des tas <strong>de</strong> gens partent. Il y a plus <strong>de</strong> capverdiens à l’étranger<br />
qu’au Cap Vert. Toutes les familles ou presque ont <strong>de</strong>s membres en Europe ou en<br />
Amérique (Brésil ou Etats-Unis). Ils leur envoient <strong>de</strong> l’argent ou <strong>de</strong>s bidons.<br />
De retour chez Manuela, son père me ramène en aluguer car il emmène <strong>de</strong>s gens à<br />
côté <strong>de</strong> chez les Duthion. C’est gentil car je serais presque rentrée à la nuit.<br />
Avant le dîner, je vais avec Lisa rejoindre Juan, John et les autres <strong>de</strong>vant la maison <strong>de</strong><br />
Juan. Ils font <strong>de</strong>s pirouettes. On rigole bien avec pas grand-chose.<br />
Après le dîner, je pars avec Martine et Lisa à un concert dansant à Ponta do Sol. C’est<br />
un orchestre local qui joue dans la salle polyvalente. La salle polyvalente, c’est en fait<br />
un terrain <strong>de</strong> sport sans toit avec <strong>de</strong> grosses marches pour faire <strong>de</strong>s gradins. La<br />
musique est magnifique, laissant mes idées vagabon<strong>de</strong>r en regardant les gens danser.<br />
Nous retrouvons John et un voisin qui a une voiture, il va nous ramener. Lisa<br />
s’endort, moi je me régale les oreilles. Les gens dansent collés, mais c’est plus beau<br />
que le zouk ou le funana.<br />
Sur la <strong>route</strong> du retour, je suis impressionnée : il y a plein <strong>de</strong> gens sur la <strong>route</strong> <strong>de</strong> la<br />
ribeira, mais on ne voit strictement rien car il n’y a pas <strong>de</strong> lampadaires.<br />
Dimanche 30 juillet 2006<br />
Je me lève un peu tard <strong>de</strong> m’être couchée à 3 heures du matin. Nous prenons notre<br />
temps à petit-déjeuner. J’hésite à aller à Chã <strong>de</strong> Pedras (prononcer Champèdre) ou<br />
dans la Ribeira da Torre. Je Pars finalement à Chã <strong>de</strong>Pedras, j’irai <strong>de</strong>main avec Victor<br />
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à Ribeira da Torre qui est plus loin. En passant à Boca <strong>de</strong> Coruja, les gars qui jouent<br />
sur le beau terrain <strong>de</strong> foot m’appellent par <strong>de</strong>s « pissiou », ça m’énerve, ils s’arrêtent<br />
dès que je me retourne. Ici on appelle comme ça, « pissiou » un peu chuchoté. C’est<br />
amusant sauf quand ils insistent. Je marche dans la Ribeira <strong>de</strong> Boca <strong>de</strong> Coruja puis<br />
dans celle menant à Chã <strong>de</strong> Pedras. Je me surprends à fredonner <strong>de</strong>s airs capverdiens<br />
entendus hier. Je grimpe jusqu’à Pia <strong>de</strong> Cima où je commence à avoir faim. Je<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> à une jeune femme où je peux acheter à manger, elle me dit <strong>de</strong> venir chez<br />
elle. Me voila dans un salon vieillot avec plein <strong>de</strong> photos, à discuter avec son mari<br />
Tony en buvant du jus <strong>de</strong> fruits en poudre pendant que les femmes préparent le<br />
repas. C’est sympa. Tony me fait écouter <strong>de</strong> la musique capverdienne et Calypso, le<br />
groupe qui fait fureur au Brésil et ici aussi. C’est le show commercial avec une<br />
blondasse aux gros seins qui chante mal. Je mange avec eux <strong>de</strong> la soupe puis <strong>de</strong> la<br />
vian<strong>de</strong> avec du riz. J’offre aux fillettes et à Véronica (qui m’a invité) <strong>de</strong>s bracelets que<br />
j’ai faits. Elle m’emmène à pied jusqu’au village suivant, on parle un peu créole, un<br />
peu français. Le chemin est très beau. Au retour, elle m’offre <strong>de</strong> la liqueur <strong>de</strong> café et<br />
du mel (sirop <strong>de</strong> canne à sucre) pour ramener en France. Je m’entends bien avec eux.<br />
Malheureusement, je dois repartir car j’ai du chemin à faire avant <strong>de</strong> rentrer.<br />
Véronica et son amie me raccompagnent un peu. Ensuite, je dévale la ribeira à toute<br />
allure, contente <strong>de</strong> ma journée, toujours en fredonnant. A Boca <strong>de</strong> Coruja, il y a un<br />
match <strong>de</strong> foot. Pour l’occasion, on a tracé les lignes du terrain avec du sable blanc <strong>de</strong><br />
Cruzinha. Le muret <strong>de</strong> la <strong>route</strong> sert <strong>de</strong> gradins. J’y retrouve Victor qui ne joue pas car<br />
il a une plaie à un pied. C’est un match entre les <strong>de</strong>ux équipes <strong>de</strong> Boca <strong>de</strong> Coruja, une<br />
pour chaque côté <strong>de</strong> la ribeira. Victor me raccompagne chez les Duthion. A n<br />
moment, on entend un but. Il appelle un copain pour savoir quelle équipe a marqué :<br />
la sienne ! Il m’invite au repas qui suit le match pour goûter l’igname.<br />
Malheureusement il y a <strong>de</strong>s invités et un bon dîner chez Martine et Norbert, je ne<br />
peux pas. Il est d’accord pour aller à la Ribeira da Torre <strong>de</strong>main. Il repart voir la 2 e<br />
mi-temps. C’est son équipe qui gagne.<br />
Martine a préparé un bon dîner pour Antero et son fils Yann (Antero est le frère <strong>de</strong><br />
Jopin, le frère capverdien <strong>de</strong> Norbert qui tient l’hôtel Pedracin). On fête aussi les 10<br />
ans <strong>de</strong> Lisa. Je goûte la glace capverdienne faite <strong>de</strong> lait concentré sucré et <strong>de</strong> biscuits<br />
écrasés. Miam ! J’ai trop mangé.<br />
Lundi 31 juillet 2006<br />
Mon <strong>de</strong>rnier jour à Santo Antao. Je veux en profiter à fond. Je dois d’abord aller à la<br />
banque à Ribeira Gran<strong>de</strong>. Il faut être en avance car c’est bondé le lundi. Je mange vite<br />
pour pouvoir attraper les aluguers allant à Porto Novo qui passent vers 7h15. J’arrive<br />
vers 7h30 à la ville, il y a déjà <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong>vant la banque qui ouvre à 8 heures. Je<br />
passe récupérer mon T-shirt au PAICV, contente d’avoir réussi le petit défi que je<br />
m’étais lancé d’en obtenir un. Devant la banque, il y a une douzaine <strong>de</strong> personnes.<br />
Quand les portes s’ouvrent nous sommes plus <strong>de</strong> trente à faire la queue… Je suis au<br />
guichet à 8h30, j’attends encore ¼ d’heure avant d’avoir mes sous… Des gens<br />
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grugent, une vieille prenant soin <strong>de</strong> paraître fatiguée, un homme pressé et malpoli…<br />
J’ai du mal à sortir tellement la banque est bourrée <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>.<br />
Je dois retrouver Victor à la station Shell juste en face, il n’est pas là, il n’a pas du<br />
trouver d’aluguer rares à cette heure. C’est ça ! J’attends un peu, tous les chauffeurs<br />
d’aluguer m’appellent, ils atten<strong>de</strong>nt ici les clients. Victor arrive. Nous marchons sur<br />
la piste caillouteuse et poussiéreuse <strong>de</strong> la Ribeira da Torre. Les montagnes sont très<br />
hautes. C’est cette ribeira que l’on voit <strong>de</strong> la <strong>route</strong> Porto Novo-Ribeira Gran<strong>de</strong>. Avec<br />
Victor, nous sommes atteints d’un mal étrange, le vertige à l’envers ! Tout est<br />
tellement haut que quand on regar<strong>de</strong> on a la tête qui tourne. La <strong>route</strong> se transforme<br />
en chemin grimpant au milieu <strong>de</strong>s cannes à sucre. Nos paroles se font <strong>de</strong> moins en<br />
moins nombreuses, puis disparaissent traduisant la difficulté <strong>de</strong> notre marche. La<br />
vue est belle, nous voyons jusqu’à la mer. Ici, il y a beaucoup d’eau permettant la<br />
culture d’ignames et <strong>de</strong> nombreux bananiers. Le village tout en haut est mignon, il y<br />
fait frais à cause <strong>de</strong> l’altitu<strong>de</strong>. La vie doit y être dure car tout est amené à pied. Des<br />
hommes emmènent <strong>de</strong>s cannes à sucre sur leurs têtes jusqu’à la trapiche électrique.<br />
Des enfants nous montrent le chemin et nous offrent <strong>de</strong>s oranges vertes(mais bonnes,<br />
acidulées). Ils nous montrent les morceaux <strong>de</strong> l’avion <strong>de</strong> la TACV qui s’est crashé sur<br />
la montagne il y a 8 ans. Depuis, l’aéroport est fermé. Le toit d’une étable est fait avec<br />
un bout <strong>de</strong> tôle <strong>de</strong> l’avion. Le chemin se fraye un passage parmi les caféiers en fleur.<br />
C’est magnifique et ça sent bon. On dirait qu’il y a <strong>de</strong> la neige. J’en oublie <strong>de</strong> prendre<br />
une photo. Maintenant tout <strong>de</strong>scend. Nous filons. Nous nous arrêtons au début <strong>de</strong> la<br />
<strong>route</strong> (là où le chemin pour piétons se transforme en piste caillouteuse), à l’ombre<br />
d’un grand manguier. Nous mangeons <strong>de</strong>s oranges et <strong>de</strong>s biscuits. Nous continuons<br />
notre <strong>route</strong>. Antero passe avec <strong>de</strong>s touristes dans son pick-up. Il nous prend à<br />
l’arrière. Tant mieux, j’avais la flemme <strong>de</strong> reprendre toute la ribeira dans l’autre sens,<br />
en plein soleil à l’heure <strong>de</strong> midi. Il nous dépose à l’entrée <strong>de</strong> Ribeira Gran<strong>de</strong>.<br />
Victor me montre le restaurant dans lequel il travaille parfois. Nous trouvons un<br />
aluguer presque plein pour rentrer (une chance à cette heure). Il n’a pas l’air pressé.<br />
Je m’amuse à prendre <strong>de</strong>s photos <strong>de</strong> l’intérieur (c’est un hiace). Il s’arrête à Coculi au<br />
moins ½ heure ! Les passagers font leurs courses chez Juan Pipi qui ouvre exprès. Je<br />
discute à l’arrière du hiace avec Victor. Il <strong>de</strong>scend à Boca <strong>de</strong> Coruja, moi plus loin au<br />
pont <strong>de</strong> Pedracin. Je viendrai au muret ce soir lui dire au revoir.<br />
Je prends un <strong>de</strong>rnier bain dans la piscine avec Lisa, en buvant du jus <strong>de</strong> fruits en<br />
poudre, goût bien chimique. Nous avons droit à une tartine <strong>de</strong> nutella !<br />
Je grave mes photos sur un CD car ma carte est quasiment pleine. Je grave aussi un<br />
CD <strong>de</strong> musique <strong>de</strong> Santo Antao que j’adore : Cordas do Sol. J’ai le cœur lourd à l’idée<br />
<strong>de</strong> partir <strong>de</strong>main. J’aimerais faire un tas <strong>de</strong> choses une <strong>de</strong>rnière fois. Je file voir<br />
Victor, je n’ai pas beaucoup <strong>de</strong> temps. Il m’emmène par <strong>de</strong>rrière Boca <strong>de</strong> Coruja, <strong>de</strong>s<br />
petites collines arrondies, c’est très joli <strong>de</strong>rrière la ribeira plus escarpée. Nous<br />
regardons ensuite les enfants jouer sur le grand terrain <strong>de</strong> foot. C’est rigolo car les<br />
grands commentent tout, la future équipe. Victor me raccompagne à la maison jaune.<br />
Norbert se fâche car j’ai oublié <strong>de</strong> rapporter ce matin le document d’Alberto Lima. Je<br />
m’en veux aussi. J’ai honte, je me retiens <strong>de</strong> pleurer. J’en oublie <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r son<br />
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adresse à Victor. Je suis encore toute triste pendant le dîner. Lisa part se coucher. Je<br />
discute avec Martine et Norbert en goûtant leur ponch et en écoutant une <strong>de</strong>rnière<br />
fois la musique <strong>de</strong> Santo Antao.<br />
Je finis en vitesse mon sac avant <strong>de</strong> dormir, sans oublier l’inspection anti cem-pé.<br />
Encore la nostalgie <strong>de</strong>s départs. C’est <strong>de</strong>main que je quitte Santo Antao. C’est passé<br />
trop vite tellement mes journées étaient remplies, et pourtant je n’ai pas pu aller<br />
partout faute <strong>de</strong> temps (l’île est trop gran<strong>de</strong> !) La perspective <strong>de</strong> passer une semaine à<br />
Sal, l’île qui ne vit que du tourisme balnéaire, ne m’enchante pas trop, mais je n’ai<br />
pas le choix à cause du bateau. Manque <strong>de</strong> pot, je pars en avion un mardi soir, c’est<br />
juste le jour du trajet Min<strong>de</strong>lo-Sal en bateau. Je pense rester à Palmeira, c’est là où le<br />
bateau arrive, et c’est là que j’étais allée à l’aller avec Manu. C’est très peu<br />
touristique.<br />
Pour moi, le départ à Sal, c’est le départ du Cap Vert. Je vais passer une semaine au<br />
Cap Sec, sas <strong>de</strong> sortie avant l’Europe. Plus <strong>de</strong> cannes à sucre, <strong>de</strong> manguiers, <strong>de</strong><br />
bananiers (plus <strong>de</strong> mangues et <strong>de</strong> bananes à manger !), plus les papayers dont<br />
j’adorais la forme. Seulement le plat et le sec. Et la mer, heureusement !<br />
Omniprésente, bien qu’à Santo Antao on l’ignore totalement. J’ai passé <strong>de</strong>s jours sans<br />
la voir, et <strong>de</strong>s fois à Ribeira Gran<strong>de</strong>, j’oubliais qu’elle était juste là cachée <strong>de</strong>rrière la<br />
<strong>route</strong>. L’île est si montagneuse que l’on a l’impression que la mer est <strong>de</strong> trop, qu’elle<br />
est là sans être invitée. Je n’ai jamais eu cette impression sur les autres îles.<br />
Mardi 1 er août 2006<br />
Je pleure sur le pont du Mar d’Canal qui va bientôt partir. Une page <strong>de</strong> mon voyage<br />
sui se tourne. Le livre est bientôt fini. Je laisse <strong>de</strong>s amis, <strong>de</strong>s bons moments, <strong>de</strong>s lieux<br />
magiques. La <strong>route</strong> Ribeira Gran<strong>de</strong> – Porto Novo est la plus belle que j’ai jamais vue.<br />
C’est un spectacle, mieux qu’au cinéma car les images font 360°, et le siège bouge. En<br />
un peu plus d’une heure, on voit tous les visages <strong>de</strong> l’île, toutes les couleurs, toutes<br />
les températures.<br />
Ca y est on part. Adieu Santo Antao.<br />
Ce matin, le ciel était très gris. Peut-être <strong>de</strong> la pluie, je ne la verrai pas. John arrosait<br />
les plantes quand j’ai ouvert ma fenêtre. J’ai pu lui dire une <strong>de</strong>rnière fois « Bonjour !<br />
Comment ça va ? – Ca va bien, merci ! » Un petit plaisir tous les matins. Rapi<strong>de</strong> petit<br />
déjeuner, Miquine passe à 7h15 prendre tout le mon<strong>de</strong>. Norbert <strong>de</strong>scend à Ribeira<br />
Gran<strong>de</strong>. Je suis triste <strong>de</strong> le quitter. Il a été comme mon grand-père pendant 9 jours.<br />
Lisa et Martine vont avec moi jusqu’à Porto Novo pour louer une voiture. Dans<br />
l’aluguer, je prends <strong>de</strong>s photos avec Lisa. Dernières parties <strong>de</strong> « Je te tiens, tu me<br />
tiens par la barbichette » ! On a <strong>de</strong> la peine à se quitter <strong>de</strong>vant la voiture <strong>de</strong> location.<br />
Maintenant il est temps <strong>de</strong> penser à la suite. A Min<strong>de</strong>lo, Leão Lopes doit m’attendre<br />
sur le quai, je ne sais pas trop comment je vais le reconnaître. C’est un ancien<br />
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ministre <strong>de</strong> la culture qui connaît bien les problèmes d’eau. Je dois acheter mon billet<br />
<strong>de</strong> bateau pour Sal (départ ce soir), j’espère qu’ils ont bien noté la réservation passée<br />
par Martine.<br />
16h37 Je suis déçue par ma rencontre avec Leão Lopes. J’ai l’impression <strong>de</strong> le<br />
déranger et <strong>de</strong> lui faire perdre son temps. Je n’apprends rien <strong>de</strong> nouveau pour mon<br />
étu<strong>de</strong>.<br />
Je le retrouve à la sortie du port sans difficulté. Il n’a pas une tête <strong>de</strong> ministre, les<br />
cheveux longs, mal habillé. Il m’amène en voiture à l’agence <strong>de</strong> bateau pour que<br />
j’achète mon billet pour Sal, puis à l’école d’art. Il participe à un séminaire sur<br />
l’architecture <strong>de</strong> Min<strong>de</strong>lo. Il m’invite pour le déjeuner du séminaire et me donne<br />
ren<strong>de</strong>z-vous après pour mes questions. J’ai un peu <strong>de</strong> temps avant, je vais un peu sur<br />
internet. Le déjeuner est dans la cour <strong>de</strong> l’école, un joli bâtiment mal entretenu. Les<br />
participants du séminaire sont italiens, portugais, espagnols, je me croirais dans un<br />
pays méditerranéen.<br />
Je mange toute seule, je ne vois pas Leão Lopes. C’est étrange <strong>de</strong> s’incruster comme<br />
ça. Il arrive à la fin du déjeuner. Je n’arrive pas à capter son attention. Il n’est pas<br />
intéressé par mes questions. Je suis déçue. Il repart rapi<strong>de</strong>ment à sa conférence.<br />
J’ai l’après-midi à passer à Min<strong>de</strong>lo. Je peux laisser mon sac dans l’école. Pour me<br />
consoler, je m’offre la plus grosse glace du glacier <strong>de</strong> Min<strong>de</strong>lo. La première que je<br />
mange au Cap Vert. Heureusement, c’est pas cher, mon porte-monnaie n’en souffre<br />
pas. J’erre ensuite dans les rues, à la vague recherche d’un dîner et d’un petit<br />
déjeuner sur le bateau. Il me reste 3 vache qui rit <strong>de</strong> Brava, avec du pain ça fera<br />
l’affaire. Je finis par m’offrir un café pour avoir un endroit où m’asseoir avec une<br />
table pour écrire. J’en ai marre <strong>de</strong>s journées-attente où j’ai l’impression <strong>de</strong> perdre<br />
mon temps. Je voulais aller au centre culturel français, mais il est fermé tout le mois<br />
d’août.<br />
18h04 Deux heures encore à attendre. J’ai récupéré mon sac à dos. Je suis au café du<br />
club nautique, c’est plus gai que là où j’ai pris un café, <strong>de</strong>s pavillons, <strong>de</strong>s cartes, <strong>de</strong> la<br />
musique (Cesaria Evora en ce moment), même si c’est presque vi<strong>de</strong> à cette heure.<br />
Cesaria Evora chante « Soda<strong>de</strong> », ça veut dire nostalgie, nostalgie du Cap Vert. C’est<br />
ce que je ressens en partant à Sal. Toutes les belles choses ont une fin.<br />
21h16 salle d’attente du port, le bateau était censé partir à 21 heures… La salle<br />
d’attente est un long hall avec <strong>de</strong>s bancs sur les côtés. Au milieu, il y a une file <strong>de</strong><br />
chariots chargés <strong>de</strong> bagages, une belle ligne droite d’un bout à l’autre. C’est amusant.<br />
J’ai hâte <strong>de</strong> voir quand ça va avancer. Un gars à côté joue super bien <strong>de</strong> la guitare<br />
mais on n’entend rien avec le brouhaha. Tout à l’heure, j’ai pique-niqué <strong>de</strong>vant le<br />
port, là où les passagers arrivent pour embarquer. J’ai du faire 500m pour trouver<br />
une poubelle. Aucune à proximité du bâtiment, la plus proche était au pied d’un<br />
lampadaire qui se trouve entre les <strong>de</strong>ux voies <strong>de</strong> la <strong>route</strong>, autrement dit inaccessible.<br />
Ce n’est qu’un exemple, mais il y a un tas <strong>de</strong> choses mal conçues ici. Comme Nadège<br />
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à Praia qui doit escala<strong>de</strong>r ses toilettes pour accé<strong>de</strong>r à la douche. Et les gens qui<br />
portent <strong>de</strong>s bonnets, quand on leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> pourquoi, ils disent que c’est pour<br />
protéger du soleil !<br />
22h28, toujours dans la salle d’attente. Ils sont encore à charger les marchandises.<br />
Quand je suis arrivée à 11 heures <strong>de</strong> Santo Antao ils avaient déjà commencé. C’est<br />
dingue la lenteur.<br />
Les enfants commencent à s’endormir et moi aussi.<br />
00h50 C’est du n’importe quoi. On n’est toujours pas partis. Le bateau est une prison,<br />
on ne peut pas bouger, comme en avion. Berk. Ils ont ouvert les portes <strong>de</strong> la salle<br />
d’attente à 22h45. Branle-bas <strong>de</strong> combat, la file <strong>de</strong> chariots vient se tasser <strong>de</strong>vant la<br />
passerelle pour embarquer. Deux matelots mettent ¼ d’heure au moins à démêler un<br />
filet pour la passerelle. Quel souk. Ils font une croix au marqueur sur le billet. En<br />
haut, ils prennent les billets, puis redirigent vers un endroit pour les bagages. Il faut<br />
ensuite récupérer son billet, le pauvre gars a trop <strong>de</strong> trucs à faire à la fois, les gens se<br />
croisent. Il me fait répéter 6 ou 7 fois mon nom car il ne comprend pas. Il faut ensuite<br />
rentrer, <strong>de</strong>scendre <strong>de</strong>s escaliers, donner à nouveau le billet. On s’assoit dans <strong>de</strong>s<br />
sièges comme l’avion, mais on ne peut pas appeler ça <strong>de</strong>s sièges, car dès qu’on<br />
s’appuie sur le dossier, ils s’allongent. On ne peut pas sortir sur le pont, c’est nul. Il y<br />
a la télé évi<strong>de</strong>mment. Les hublots sont trop petits et mal placés pour voir quelque<br />
chose. Maintenant on attend, <strong>de</strong>puis une heure et <strong>de</strong>mi au moins. Je ne sais pas<br />
pourquoi. Je ne vois pas ce qui se passe sur le quai. Quatre heures <strong>de</strong> retard déjà,<br />
c’est dingue, je n’en peux plus. Je suis vraiment déçue pour mon <strong>de</strong>rnier voyage en<br />
bateau.<br />
Mercredi 2 août 2006<br />
9h30 Nous longeons l’île <strong>de</strong> Sao Nicolau. Nous sommes finalement partis à 2h38, soit<br />
avec 5h38 <strong>de</strong> retard. Ca atteint <strong>de</strong>s sommets. On peut quand même sortir sur le pont.<br />
Il faut <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à quelqu’un <strong>de</strong> l’équipage. C’est une grosse porte fermée à triple<br />
tour avec une roue comme un sous-marin. J’ai pu voir le départ <strong>de</strong> Min<strong>de</strong>lo. Le mon<br />
du bateau, je l’ai même pas dit, c’est le Praia d’Aguada. Le plus nul. J’ai dormi calée<br />
comme je pouvais sur mon siège allongé (c’est pas un siège !) Des jeunes parlaient<br />
tout fort et rigolaient alors que tout le mon<strong>de</strong> autrement dormait. Un manque <strong>de</strong><br />
respect.<br />
Nous sommes à la moitié du voyage environ. Je <strong>de</strong>vrais être arrivée à l’heure qu’il<br />
est. Mon voyage <strong>Zellidja</strong> m’aura au moins appris à être patiente en toutes<br />
circonstances ! Le laxisme capverdien.<br />
Le bateau arrive vers 15 heures. Je suis <strong>de</strong> mauvaise humeur <strong>de</strong> cette traversée peu<br />
agréable (et pour que moi je n’apprécie pas un voyage en bateau…) Je récupère mon<br />
sac à dos tout sale. Je comprends qu’ils ont mis les bagages dans les enclos pour les<br />
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chèvres, vi<strong>de</strong>s aujourd’hui. Cela rajoute une bonne couche à ma mauvaise humeur.<br />
En sortant du port, tous les aluguers et tous les taxis m’accostent pour me conduire à<br />
Santa Maria, le pôle touristique. Non, non et non ! Je reste ici, dans le petit port<br />
tranquille <strong>de</strong> Palmeira. Je vais passer à la boutique d’Assane, j’espère qu’ils se<br />
souviendront <strong>de</strong> moi. Il n’est pas là mais les gars m’invitent à m’asseoir et se<br />
rappellent <strong>de</strong> moi. Quand Assane arrive, il me dit : »Quelqu’un m’a dit que tu<br />
venais. » Ah bon ? Qui ? Manu peut-être, mais cela m’étonne. Il laisse la question en<br />
suspens… Après il m’expliquera que c’est le capitaine du Praia d’Aguada qui était là<br />
il y a un mois et qui m’a reconnu sur le bateau ! Waouh ! Assane m’invite à passer la<br />
semaine chez lui. Il est content <strong>de</strong> me voir car il m’avait dit il y a un mois que je<br />
pouvais venir 2-3 jours chez lui (j’avais oublié) et il pensait que je ne reviendrais pas.<br />
Et moi je suis aussi heureuse, c’est plus gai que toute seule dans une pension, et plus<br />
économique, mais cela me gêne un peu pour une semaine. Je vais apporter <strong>de</strong>s fruits<br />
ou <strong>de</strong>s choses à manger pour tout le mon<strong>de</strong>. Il m’emmène chez lui poser mon sac. J’ai<br />
un lit dans la chambre <strong>de</strong>s femmes, tout en haut, donnant sur une gran<strong>de</strong> terrasse. Il<br />
y a du mon<strong>de</strong> qui vit ici, beaucoup <strong>de</strong> neveux d’Assane et quelques amis qui restent<br />
plus ou moins longtemps. Je sens que ma <strong>de</strong>rnière semaine va être plus gaie que ce<br />
j’avais imaginé. C’est une semaine sénégalaise. Nous mangeons un peu <strong>de</strong><br />
tiéboudiène préparé par Oumi. Tous dans le même plat, assis en rond autour. C’est<br />
bon. Nous retournons ensuite à la boutique boire du thé. Assane veut absolument<br />
que je me repose <strong>de</strong> mon voyage. Boire le thé sénégalais, c’est prendre son temps,<br />
rester à discuter pendant qu’il chauffe, trois fois <strong>de</strong> suite. Assane m’apprend à le<br />
préparer. De l’eau, presque tout le sachet <strong>de</strong> thé, dans une petite théière. Quand ça<br />
bout, on rajoute beaucoup <strong>de</strong> sucre. Le premier thé ne chauffe pas longtemps, les<br />
autres plus. Assane prend ensuite les <strong>de</strong>ux petits verres, verse du thé dans l’un, qu’il<br />
reverse dans l’autre, et ainsi <strong>de</strong> suite. C’est pour avoir <strong>de</strong> la mousse, pour faire joli. Il<br />
faut bien verser <strong>de</strong> haut pour former les bulles. On boit brûlant, ça pique la langue<br />
mais j’aime ça. Comme il n’y a que <strong>de</strong>ux verres, on boit chacun notre tour. Quelques<br />
touristes passent à la boutique. En retournant chez Assane, nous rencontrons<br />
Caroline et son fils Malo. Elle et son mari ont un catamaran au Cap Vert, et 6 mois<br />
pas an, ils font du charter. Je leur avais envoyé un mail durant la préparation <strong>de</strong> mon<br />
voyage (après avoir vu leur site internet). Ils n’ont pas eu le temps <strong>de</strong> me répondre<br />
mais trouvaient mon projet très bien. Ils sont amis avec Assane, et nous invitent à<br />
prendre un pot à bord dans la semaine. Je suis contente <strong>de</strong> les connaître, c’est un peu<br />
le hasard. J’aime bien le hasard comme ça. En partant 5 minutes plus tôt, ou plus<br />
tard, on ne se connaîtrait pas.<br />
De retour chez Assane, nous jouons à l’awalé. Je gagne toutes les parties ! Il<br />
m’apprend un autre jeu capverdien avec l’awalé, plus facile.<br />
Avant le diner, j’appelle les Duthion pour leur dire que je suis bien arrivée, puis nous<br />
faisons un tour, saluant les amis d’Assane.<br />
Quand nous rentrons, je me sens totalement au Sénégal. La télé, sortie sur le toitterrasse<br />
diffuse le DVD d’une pièce <strong>de</strong> théâtre sénégalais. Tout le mon<strong>de</strong> rigole, moi<br />
un peu aussi bien que je ne comprends rien. Nous dînons. Deux grands plats <strong>de</strong><br />
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poisson et <strong>de</strong> riz, l’un pour les hommes, l’autre pour les femmes. Je mange avec les<br />
hommes, tous en rond. Mes voissins me dépiautent <strong>de</strong>s morceaux <strong>de</strong> poisson qu’ils<br />
mettent là où je mange. J’aime cette ambiance. Les femmes mangent avec les mains<br />
en malaxant le riz avec l’huile <strong>de</strong> palme. En <strong>de</strong>ssert, il y a une bouillie <strong>de</strong> maïs<br />
aromatisé au jus <strong>de</strong> fruits je pense. C’est délicieux. Je me sens vraiment chez moi,<br />
comme Assane me le répète, reste tranquille, ici c’est ta maison. Comme je tombe <strong>de</strong><br />
sommeil, ils me laissent me coucher plus tôt. Eux regar<strong>de</strong>nt la fin du film. Assane se<br />
moque car j’ai mis le T-shirt PAICV en chemise <strong>de</strong> nuit.<br />
Jeudi 3 août 2006<br />
Journée à Santa Maria, le paradis touristique capverdien. Je sais avant d’y mettre les<br />
pieds que je ne vais pas aimer mais il faut quand même que j’aille voir. Assane<br />
prépare un petit déj taf taf (= vite fait en sénégalais), un petit pain avec un café au lait<br />
ou plutôt du sucre aromatisé au café au lait. Il a du mettre 1/3 du verre <strong>de</strong> sucre, c’est<br />
dur à boire.<br />
Il me met dans l’aluguer qui va à Espargos. De là, j’en prends un autre pour Santa<br />
Maria, au sud <strong>de</strong> l’île. Ici, les <strong>route</strong>s sont goudronnées, il y a même une 4 voies pour<br />
aller à Santa Maria.<br />
Là aussi, tout est sec à part quelques palmiers à un endroit. L’arrivée est moche, <strong>de</strong>s<br />
grues construisent un hôtel immense, vraiment immense, à l’architecture arabe. On<br />
se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ce que ça fout là. L’aluguer s’arrête dans la rue principale. Le centre est<br />
petit, <strong>de</strong>s rues larges avec <strong>de</strong>s maisons basses colorées, tout pour les touristes. Il y a<br />
énormément <strong>de</strong> boutiques d’artisanat sénégalais, et <strong>de</strong>s boutiques <strong>de</strong> kite surfers.<br />
Drôle <strong>de</strong> mélange. Tous les prix sont en euros.<br />
Je passe un moment près <strong>de</strong> la borne fontaine, à observer. J’apprends que la gran<strong>de</strong><br />
majorité <strong>de</strong>s habitants n’a pas l’eau courante, alors qu’à quelques mètres, il y a plein<br />
<strong>de</strong> gâchis dans les hôtels. Cela me choque. J’ai honte <strong>de</strong> ma couleur <strong>de</strong> peau.<br />
Je vais quand même voir la plage, sans laquelle tout cela n’existerait pas. J’admets<br />
qu’elle est belle, couleurs paradisiaques. Le sable est très clair, et l’eau transparente<br />
est d’un bleu turquoise magique.<br />
Je n’ai pas mon maillot <strong>de</strong> bain, sinon je me serais baignée. Je marche sur la plage,<br />
j’observe. Il y a tous les hôtels à la queue-leu-leu, le bord <strong>de</strong> mer est mal arrangé, les<br />
bancs sont cassés. Au retour, je prends la <strong>route</strong>, <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong>s hôtels. Mon dieu !<br />
Je suis passée <strong>de</strong>rrière les décors <strong>de</strong> cinéma. C’est pourtant par là qu’arrivent les<br />
vacanciers. On dirait une <strong>route</strong> <strong>de</strong> zone industrielle en voie <strong>de</strong> disparition. Pas <strong>de</strong><br />
trottoirs, poussiéreux, <strong>de</strong>s camions passant à fond.<br />
Je voulais m’incruster dans les hôtels clubs pour essayer <strong>de</strong> voir le gâchis d’eau ou<br />
les moyens pour expliquer aux vacanciers qu’il faut économiser l’eau, mais ils ont<br />
tous un bracelet coloré pour qu’ils se rappellent dans quel hôtel ils sont, comme les<br />
bracelets avec notre nom quand on était petits sur la plage. Je vais donc <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />
<strong>de</strong>s renseignements à l’accueil. Je suis plus ou moins bien reçue, cela m’amuse. Plus<br />
43
ou moins bien comprise aussi. Dans l’un, on me donne une bouteille d’eau (ça tombe<br />
bien, j’avais soif !) Dans un autre, le gars au guichet a l’air passionné par mon<br />
discours <strong>de</strong> présentation. A la fin, il me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> : « La réservation, c’est à quel<br />
nom ? » J’ai laissé tomber ! J’avais pas assez <strong>de</strong> chances en disant un nom au pif <strong>de</strong><br />
trouver l’un <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong> sa liste, pour gagner une semaine en hôtel-club. Enfin, on m’a<br />
montré une usine privée <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssalement, j’ai pu poser mes questions par<br />
l’intermédiaire d’un sénégalais.<br />
Je pars ensuite à la chasse au pique-nique le moins cher et le meilleur possible. Ici, un<br />
jus <strong>de</strong> goyave brésilien est 3 à 4 fois plus cher qu’à Brava (moi qui adore ça…)<br />
J’avance un peu ce cahier qui a pris <strong>de</strong> retard à la terrasse d’un café, le plus<br />
capverdien que j’ai pu trouver. Je rentre après avoir discuté avec quelques sénégalais<br />
accostant les touristes pour les mener à leur boutique. C’est lourd. J’ai même essayé<br />
<strong>de</strong> dire que j’étais polonaise, que je ne comprenais rien, ils ne lâchaient pas leur proie.<br />
A Espargos, j’achète du coca pour toute ma famille sénégalaise. Une voiture me<br />
prend en stop alors que j’attends un aluguer pour rentrer à Palmeira. Je retrouve<br />
Oumi à la boutique d’artisanat. Nous rentrons ensemble. Je l’ai<strong>de</strong> à cuisiner. Fred,<br />
Caroline et Malo (les français en cata) viennent chercher leur linge qu’Assane lave car<br />
il a une machine à laver. J’aime l’ambiance qui règne sur la terrasse. Je traîne ensuite<br />
avec Assane qui va voir ses copains, je joue un peu avec Marie, elle est très forte à<br />
l’awalé (ouri ici). Le dîner est rapi<strong>de</strong>, tout le mon<strong>de</strong> mange vite. Les menus se<br />
ressemblent tous : riz et poisson, seule la sauce et la façon <strong>de</strong> cuisiner changent. Je<br />
ressors avec Assane. L’un <strong>de</strong> ses amis a une guitare et ils chantent dans la rue. C’est<br />
sympa.<br />
Vendredi 4 août 2006<br />
Je me lève <strong>de</strong> mauvaise humeur, je ne sais pas pourquoi. Certainement parce que je<br />
ne prends pas <strong>de</strong> petit déjeuner, donc pas <strong>de</strong> café. A force d’en prendre tous les jours,<br />
je finis par être droguée !<br />
Assane m’emmène chez Marjorie, une française qui travaille ici <strong>de</strong>puis 2 ans. Elle est<br />
ingénieur paysagiste et travaille sur <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> tourisme vert. Elle a fait les<br />
mêmes étu<strong>de</strong>s que celles que je commence. On discute pas mal, elle me file un<br />
document avec <strong>de</strong>s infos sur l’eau. On parle <strong>de</strong> sa vie ici. Je l’admire car cela ne doit<br />
pas être gai tous les jours. Elle n’a pas d’amis ayant les mêmes préoccupations<br />
qu’elle. Les filles <strong>de</strong> son âge ont déjà plusieurs enfants.<br />
Je repars à la boutique d’Assane. Il doit m’emmener à l’usine <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssalement d’eau<br />
<strong>de</strong> mer. Il n’est pas pressé, j’attends, j’en ai marre <strong>de</strong> perdre mon temps. Je retourne à<br />
la maison, j’oublie même ce que j’ai fait, trainassé avant le déjeuner. Ah si, nous<br />
passons à l’usine avant, ils nous donnent ren<strong>de</strong>z-vous à 14 heures. Nous y allons à 15<br />
heures. J’en ai marre d’attendre, <strong>de</strong> dépendre d’Assane. Heureusement je suis très<br />
bien reçue à l’usine. Le responsable qui m’accueille parle français et se fait un plaisir<br />
<strong>de</strong> répondre à mes questions et <strong>de</strong> me montrer les machines. Cela me redonne un<br />
peu <strong>de</strong> bonne humeur. En sortant, Assane est content aussi d’avoir appris quelques<br />
44
trucs. Je n’ai plus le temps d’aller à Fontona. Je vais faire un saut sur le net, Assane<br />
m’énerve à vouloir planifier ma journée et rester avec moi. C’est un moyen pour<br />
m’en décoller. Je m’asseois ensuite à la table en bobine <strong>de</strong> tuyau du petit café <strong>de</strong><br />
Palmeira pour écrire mon cahier. A 18 heures, je retourne à la boutique. Je dois aller<br />
sur la cata <strong>de</strong> Fred et Caro.<br />
Finalement, changement <strong>de</strong> programme, c’est eux qui viennent à terre, on va aller<br />
manger <strong>de</strong>s pintches. Nous les retrouvons autour <strong>de</strong> la table-bobine, avec d’autres<br />
marins. Assane s’en va rapi<strong>de</strong>ment avec ses copines. Moi j’adore l’ambiance qui<br />
règne autour <strong>de</strong> la bobine. Un vieux loup <strong>de</strong> mer surnommé Papa Noël raconte sa<br />
traversée <strong>de</strong>puis Dakar. On se donne <strong>de</strong>s nouvelles <strong>de</strong>s bateaux partis. Ambiance<br />
voile au long cours. Nous allons ensuite dans la ruelle d’à côté où une femme<br />
prépare les pintches. Elle a mis <strong>de</strong>s bancs <strong>de</strong>vant chez elle, et son barbecue. Les<br />
pintches sont <strong>de</strong>s petites brochettes <strong>de</strong> porc qui se mangent sans fin, en discutant sur<br />
les bancs. Cela met <strong>de</strong> l’animation dans la rue, tous les vendredis, samedi et<br />
dimanche soirs. Je retrouve Assane chez lui. Il veut que je l’accompagne chez ses<br />
amis policiers manger du poulet grillé. Je n’ai vraiment pas envie, mais j’accepte <strong>de</strong><br />
manger un morceau et <strong>de</strong> rentrer après pour lui faire plaisir. Nous apportons le<br />
barbecue. Quelqu’un part chercher du charbon. Attendre, attendre…Les filles <strong>de</strong><br />
mon âge ou presque ont déjà <strong>de</strong>s gosses… Un gars <strong>de</strong> Santo Antao est tout content<br />
car j’ai mangé au restaurant <strong>de</strong> sa sœur. Le Cap Vert est un petit pays.<br />
Samedi 5 août 2006<br />
A peine levée, Assane commence à me planifier toute ma journée, je ne vais encore<br />
rien faire. Je lui mets les points sur les yeux (ou les poings sur les yeux ?) comme il<br />
dit ! Je ne veux plus qu’il s’occupe <strong>de</strong> moi la journée, le soir je reste avec la famille. Je<br />
suis peut-être un peu sèche, mais c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour avoir ma<br />
liberté. Après ça, j’aurai toujours la paix, il ne cherchera plus du tout à faire <strong>de</strong> moi<br />
une copine <strong>de</strong> plus sur sa liste (tant mieux).<br />
Je dois appeler la TAP pour confirmer mon retour. Cela ne marche pas. Je déci<strong>de</strong><br />
donc d’aller à Espargos faire un saut à l’aéroport. Petit déj café-sandwich au fromage<br />
à Espargos, ensuite je retrouve la gran<strong>de</strong> Marie dans sa boutique qui m’offre un<br />
collier et un bracelet. Je vais ensuite à l’aéroport à pied, je ne veux pas payer un taxi.<br />
Cela me prend 20-25 minutes, il y a un trottoir le long <strong>de</strong> la 4 voies (peu fréquentée<br />
pour une 4 voies). Je chantonne sur la <strong>route</strong>. C’est <strong>de</strong>venu une habitu<strong>de</strong> quand je<br />
marche seule. Là, je dois dire que j’ai <strong>de</strong> la chance. J’arrive à 9h55 <strong>de</strong>vant le bureau<br />
<strong>de</strong> la TAP, il est fermé. Voici les horaires : 22h-3h du mat tous les jours (heure <strong>de</strong><br />
départ et d’arrivée <strong>de</strong> l’avion <strong>de</strong> la TAP), et en plus <strong>de</strong> 10h à 12h30 le samedi.<br />
Waouh ! J’ai bien visé. Au guichet, on parle français. Ca prend 2 minutes. Je repars à<br />
pied. J’ai envie d’aller à Pedra <strong>de</strong> Lume, les anciennes salines dans un cratère. Il n’y a<br />
pas d’aluguer, il faut prendre un taxi. Je déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> faire du stop sans faire <strong>de</strong> stop,<br />
c'est-à-dire sue je pars à pied, ici il y a toujours <strong>de</strong>s voitures qui s’arrêtent même<br />
quand on ne fait aucun signe. La première voiture qui me rattape me prend. Nickel !<br />
45
Le village au bord <strong>de</strong> la mer comporte quelques maisons toutes pareilles, une petite<br />
épicerie très jolie avec un long comptoir et un restaurant pour les groupes <strong>de</strong><br />
touristes faisant le tour <strong>de</strong> l’île. La <strong>route</strong> pour aller aux salines a l’air déserte jusqu’au<br />
parking plein <strong>de</strong> pick-up touristiques. Elle longe l’ancien téléphérique qui permettait<br />
<strong>de</strong> transporter les sacs <strong>de</strong> sel <strong>de</strong>s salines jusqu’au port. On entre dans le cratère par<br />
un petit tunnel creusé dans la paroi. De l’autre côté, un autre mon<strong>de</strong>. Dans le rond<br />
parfait du cratère se nichent les bassins. Des touristes se baignent à un endroit, ils<br />
partent quand j’arrive, sauf un vieil italien qui est marié avec une capverdienne et<br />
qui m’explique plein <strong>de</strong> trucs. Je me baigne aussi, c’est agréable. Quand on ressort, le<br />
sel forme une épaisse couche blanche. J’ai une petite bouteille d’eau pour me rincer,<br />
mais il reste toujours plein <strong>de</strong> sel. Tant pis. Je pars au fond du cratère, puis je grimpe<br />
jusqu’au point le plus haut <strong>de</strong>s parois. La vue est belle, on voit les étendues <strong>de</strong><br />
cailloux, et la mer presque sur 360°. L’escala<strong>de</strong> est facile, je suis étonnée que personne<br />
ne monte. Au retour, j’ai bien soif, mais plus d’eau vu que je me suis rincée avec. A<br />
l’épicerie, ils n’ont plus d’eau. Je me prends un coca cola, je crois que je n’en ai jamais<br />
apprécié un autant auparavant. Je vais ensuite me rincer du sel dans la mer, sur la<br />
belle petite plage. Je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> comment je vais rentrer. Il n’y a quasiment pas <strong>de</strong><br />
voitures et le soleil tape fort maintenant. Je trouve finalement une voiture qui va à<br />
Espargos, qui s’arrête aussi alors que je marche. Je passe à la boutique <strong>de</strong> Marie, j’y<br />
retrouve Oumi qui m’emmène au marché. Le marché, c’est un ensemble <strong>de</strong> petites<br />
boutiques tenues par <strong>de</strong>s sénégalais. Ils ont tous la même chose. Je n’y vois pas un<br />
touriste, en même temps il faudrait être un peu maso pour y aller tout seul, c’est un<br />
pot <strong>de</strong> glue. Il y a une ambiance familiale, tout le mon<strong>de</strong> se connaît, s’appelle,<br />
partage son repas. Des gars m’invitent à boire le thé. Oh là là ! J’aurais du refuser.<br />
Rien que le temps qu’ils mettent à regrouper une bouteille <strong>de</strong> gaz, la théière, les<br />
verres, le thé, le sucre et l’eau est interminable. Je ne bois que le premier.<br />
Je rentre ensuite avec Oumi à Palmeira. Les <strong>de</strong>ux petites Marie et Juliana m’ennuient.<br />
Elles viennent rô<strong>de</strong>r dès que je prends un truc dans mon sac en me <strong>de</strong>mandant tout.<br />
Après le dîner, Oumar (qui a 20 ans mais qui en paraît moins, avec ses boucles<br />
d’oreille en <strong>de</strong>nts <strong>de</strong> requin !) m’emmène à Espargos où son groupe <strong>de</strong> hip-hop<br />
participe à un concours <strong>de</strong> danse. Ils sont tous habillés à l’américaine à l’extrême. Un<br />
petit a une chemise qui lui arrive aux genoux. Ils ont <strong>de</strong>s boucles d’oreille en faux<br />
diamant, <strong>de</strong>s grosses baskets, <strong>de</strong>s colliers à grosses chaînes… Oumar me présente à<br />
tous ses amis qui me font la bise. Ils ne se prennent pas pour m’importe qui, c’est<br />
amusant. Le spectacle commence au moins trois heures en retard. La salle <strong>de</strong>s fêtes<br />
est en plein air, il fait presque froid avec le vent. Je suis impressionnée par les danses<br />
du groupe d’Oumar. C’est aux qui gagnent. Il y a aussi un concours <strong>de</strong> musique, puis<br />
les miss. Cela n’en finit pas. L’une d’elles se prend les pieds dans son paréo ! J’ai<br />
vraiment froid et envie <strong>de</strong> dormir. Il faut encore attendre le prix, puis un aluguer.<br />
Tout le groupe se tasse dans le Hiace, j’ai le privilège d’avoir une place <strong>de</strong>vant. Je<br />
crois qu’ils font la fête après à Palmeira, mais je vais me coucher.<br />
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J’ai retrouvé le chauffeur <strong>de</strong> taxi qui m’avait hébergée avec Manu à l’arrivée. Il m’a<br />
donné son numéro si j’avais besoin d’un taxi <strong>de</strong> nuit, tarif d’ami !<br />
Dimanche 6 août 2006<br />
Marie se lève vers 8 heures pour aller à sa boutique à Espargos. Je n’ai plus envie <strong>de</strong><br />
dormir. Assane, Oumi et les autres jeunes sont encore au lit car ils sont allés danser à<br />
Santa Maria. Je ne veux pas attendre qu’ils se réveillent sinon je vais perdre ma<br />
journée. Je veux aller à pied à Buracona, c’est à 6 km. Tout le mon<strong>de</strong> me dit que je<br />
suis folle <strong>de</strong> faire ça, je ne vois pas pourquoi. Rien que pour ça, je vais y aller. Je petitdéjeune<br />
dans le seul café ouvert, un café au lait, une part <strong>de</strong> gâteau et une délicieuse<br />
mangue achetée à une vieille dame avec <strong>de</strong>s grosses lunettes <strong>de</strong>vant le marché. C’est<br />
du luxe ici les fruits, vu que tout est importé. Je prends ensuite la <strong>route</strong> <strong>de</strong> Buracona.<br />
Elle longe les quelques usines et le bord <strong>de</strong> mer. Il n’y a personne. Ca m’énerve car je<br />
<strong>de</strong>viens parano à force que l’on me dise <strong>de</strong> faire attention en tant que fille seule. Je<br />
m’inquiète quand je vois <strong>de</strong>s pêcheurs marcher vers moi alors qu’ils me montrent<br />
gentiment le chemin. Je glisse ma main dans mon sac pour sortir mon couteau suisse<br />
et je regar<strong>de</strong> les pierres du chemin que je pourrais lancer si <strong>de</strong>s chiens m’attaquent.<br />
Arrête Françoise ! La <strong>route</strong> est moche, une piste dans les cailloux, c’est le désert avec<br />
la mer à quelques mètres sur la gauche. J’ai toujours une pensée pour les premiers<br />
habitants. Pourquoi se sont-ils arrêtés sur une île si hostile ? Comment avaient-ils <strong>de</strong><br />
l’eau douce ?<br />
Heureusement, il y a une bonne couche <strong>de</strong> nuages et du vent pour me protéger du<br />
soleil et <strong>de</strong> la chaleur. Il y a quelques pêcheurs dans les rochers, sinon c’est mort. Pas<br />
une voiture, personne sur la <strong>route</strong>. A un moment, j’aperçois une petite cabane au<br />
loin. En me rapprochant, je vois <strong>de</strong>vant <strong>de</strong>s chaises en plastique. Un bar ? Ici ? En<br />
plein désert ? Oui ! Buracona c’est ici. Il y a un trou avec une piscine naturelle d’eau<br />
<strong>de</strong> mer, et une douzaine <strong>de</strong> gens à se baigner. D’où viennent-ils ? Ou plutôt comment<br />
sont-ils venus ? Il n’y a aucune voiture. C’est bien paumé pour pas grand-chose. Cela<br />
ne me donne même pas envie <strong>de</strong> me baigner, l’eau est verdâtre, car peu brassée par<br />
la mer puisqu’il y a un muret pour retenir l’eau. Le mec du bar a l’air <strong>de</strong> s’ennuyer, il<br />
n’y a pas <strong>de</strong> clients. Autour, du plat caillouteux, la mer, le vent, un petit mont pointu<br />
un peu plus loin. L’éolienne <strong>de</strong> Palmeira qui tourne, mais produit-elle vraiment <strong>de</strong><br />
l’électricité ? Des mirages au loin avec le vent et la chaleur.<br />
Ah ! Un car <strong>de</strong> touristes. Il est temps pour moi <strong>de</strong> partir. C’est l’heure d’affluence. En<br />
rentrant, je croise plein <strong>de</strong> touristes dans <strong>de</strong>s 4X4 <strong>de</strong> location ou dans <strong>de</strong>s pick-up qui<br />
font le tour <strong>de</strong> l’île. Il faut voir leur tête quand ils me voient marcher toute seule. Les<br />
touristes en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> Santa Maria, cela me fait penser au parc animalier <strong>de</strong> Port-<br />
Saint-Père où l’on peut voir <strong>de</strong>s animaux sauvages en liberté en restant dans sa<br />
voiture, sauf qu’ici, les animaux sont les capverdiens. Je m’arrête au bord <strong>de</strong> l’eau<br />
47
pour laver mes jambes <strong>de</strong> la poussière <strong>de</strong> la <strong>route</strong>. Il y a <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s mares peu<br />
profon<strong>de</strong>s, avec les mêmes crevettes que chez nous qui pincent les pieds. Je n’arrive<br />
plus à en attraper ! Je reste un moment, je n’ai pas envie <strong>de</strong> rentrer chez ma famille<br />
sénégalaise, je ne sais pas pourquoi. Peut-être parce que je fais trop comme chez moi.<br />
Ce matin, je suis partie sans dire où j’allais ni quand je rentrais. Peut-être aussi parce<br />
que je ne fais pas confiance à 100% à Assane.<br />
Finalement j’y vais. C’est presque l’heure du déjeuner. Encore riz-poisson. Ils ne s’en<br />
lassent pas. Pourtant ils pourraient facilement varier les menus. Ca doit être une<br />
habitu<strong>de</strong> d’européens.<br />
Je vais ensuite à Espargos pour me bala<strong>de</strong>r et pour faire avancer ce carnet, chose<br />
impossible à la maison avec les enfants perpétuellement collés à moi. La ville est<br />
morte le dimanche après-midi. Tous les magasins sont fermés. Je trouve un café<br />
ouvert avec une table pour écrire.<br />
Il pleut ! Il pleut ! A Sal, l’île désertique. Ce n’est pas le déluge, mais ça mouille un<br />
peu. Assez fort maintenant. Les gens viennent s’abriter dans le café où j’écris. La<br />
serveuse sort les parasols pour les laver <strong>de</strong> la poussière. A Palmeira, Assane est en<br />
train <strong>de</strong> faire une lessive…<br />
Cela ne dure malheureusement pas longtemps du tout.<br />
Je suis invitée à prendre un verre avec Assane sur le cata <strong>de</strong> Fred et Caroline. Assane<br />
ne vient pas car il s’est trouvé une copine. Moi je suis toute contente <strong>de</strong> mettre le pied<br />
sur un voilier même s’il reste au port. Je reste pour dîner, <strong>de</strong>s pâtes, ça me change du<br />
riz ! Je suis contente d’avoir leur point <strong>de</strong> vue sur les problèmes du Cap Vert, qu’ils<br />
connaissent bien pour y passer 6 mois par an. Ils me prêtent un bracelet du Riu<br />
Funana, le plus gros <strong>de</strong>s hôtels-clubs et le <strong>de</strong>rnier, encore en construction. Autrement<br />
dit, je vais pouvoir passer le temps que je veux là-bas sans payer. Le bracelet est le<br />
moyen <strong>de</strong> contrôler que les gens sont bien <strong>de</strong> l’hôtel. Je pourrai observer le gâchis<br />
d’eau en direct.<br />
Quand je reviens à terre, la première chose qu’Assane me dit est : « Qu’est-ce que<br />
c’est que ce bracelet ? » !<br />
Lundi 7 août 2006<br />
Une journée <strong>de</strong> vacances, à jouer les touristes, ou plutôt les vacanciers à la recherche<br />
<strong>de</strong> soleil. Aluguer pour Espargos où je prends mon petit-déjeuner gâteau-café, puis<br />
aluguer pour Santa Maria. Je cache mon bracelet gris sous ma montre pour ne pas<br />
être cataloguée d’office et arnaquée. Je veux me ramener en souvenir un T-shirt <strong>de</strong><br />
surfer capverdien. Celui qui me plait est cher. Je fais toutes les boutiques, ils n’en ont<br />
pas ailleurs. Déçue, je vais m’offrir une glace pour enfants, cela ne coûte rien. Ce sont<br />
48
<strong>de</strong>s jus <strong>de</strong> fruits en poudre mis dans <strong>de</strong>s sachets en plastique au congélateur. On ne<br />
veut pas m’en vendre, je <strong>de</strong>man<strong>de</strong> finalement à <strong>de</strong>s gamins où ils l’ont eu, toute la<br />
ban<strong>de</strong> m’y emmène ! Je retourne au magasin du T-shirt, c’est une autre ven<strong>de</strong>use.<br />
Elle me le fait beaucoup moins cher. J’ai bien fait d’attendre.<br />
Maintenant direction le Riu Funana. Je dois me métamorphoser en vacancière. Je<br />
mets mon maillot <strong>de</strong> bain dans un coin <strong>de</strong> plage, et mon foulard rose comme paréo,<br />
tout le reste dans mon sac. Je prévois d’entrer par la plage. Il me faut marcher jusqu’à<br />
l’hôtel qui se trouve très excentré. Je me baigne avant sur la plage quasi déserte où<br />
seuls quelques vacanciers se promènent. Il y a <strong>de</strong> belles petites vagues qui sont en<br />
fait super fortes quand on s’y baigne. C’est presque dur <strong>de</strong> tenir <strong>de</strong>bout, et elles<br />
charrient tout plein <strong>de</strong> sable qui se glisse sous le maillot et dans les cheveux,<br />
impossible <strong>de</strong> se rincer. Je continue ma marche jusqu’à la plage <strong>de</strong> mon hôtel,<br />
j’achève ma métamorphose en enlevant ma montre pour libérer le bracelet gris passepartout.<br />
Ils sont vraiment loin <strong>de</strong> tout, les touristes d’ici. Je me fonds dans la masse et<br />
rentre par la porte <strong>de</strong> la plage. Je ne me sens pas trop à l’aise ! Personne ne me<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> rien. C’est bizarre <strong>de</strong> se dire <strong>de</strong> faire comme tout le mon<strong>de</strong>. J’observe les<br />
vacanciers pour faire comme eux et ne pas paraître intruse. J’espère qu’on ne va pas<br />
me poser <strong>de</strong> questions. Il est 12h30 environ, je visite un peu, j’essaye <strong>de</strong> repérer le<br />
restaurant. Il ouvre à 13 heures. La boutique <strong>de</strong> souvenirs est entièrement remplie <strong>de</strong><br />
produits « Pirata », la boîte <strong>de</strong> nuit branchée <strong>de</strong> Santa Maria. Ce n’est même pas sûr<br />
que les touristes d’ici y aillent. Dans les toilettes près <strong>de</strong> la réception, il y a <strong>de</strong>s<br />
douches avec savon, serviettes. J’en profite à fond pour me rincer du sable, et pour<br />
m’habiller pour le déjeuner.<br />
A l’entrée du restaurant, les serveurs font une haie d’honneur pour saluer les clients.<br />
S’ils savaient ! Ils seraient moins accueillants… Je dois faire attention à ne pas leur<br />
parler en créole. Il y a un immense buffet <strong>de</strong> nourriture européenne, sauf quelques<br />
« dolce <strong>de</strong> coco » (sucreries à la noix <strong>de</strong> coco) perdues dans les <strong>de</strong>sserts. Je déjeune<br />
bien, je mange trop…<br />
Je vais faire un tour du côté du sauna et du jacuzzi. A l’entrée, une hôtesse me dit<br />
que c’est compris dans mon forfait. Mon forfait tout gratuit inclut beaucoup <strong>de</strong><br />
choses… J’y vais pour en profiter à fond. Jacuzzi, puis sauna. Il n’y a personne<br />
d’autre… J’enchaine ensuite avec la piscine. L’eau est douce… (on m’avait dit que les<br />
piscines étaient remplies d’eau <strong>de</strong> mer à cause du manque d’eau douce…) Je<br />
commence à m’ennuyer, personne ne me parle…<br />
Cela aurait été carrément plus drôle à <strong>de</strong>ux, pour en profiter à fond. J’aurais pu<br />
sympathiser avec <strong>de</strong>s français, il y en a, mais j’aurais du expliquer mon cas, et cela ne<br />
me disait trop rien. On doit vraiment s’ennuyer à passer ses vacances ici. Je repars, je<br />
n’ai plus rien à faire là. Encore une bonne marche sur la plage blanche pour retourner<br />
à Santa Maria, en pensant à ce que j’ai vu. Comment peut-on rester dans un mon<strong>de</strong> si<br />
artificiel à faire <strong>de</strong>s activités débiles alors qu’il y a tout un mon<strong>de</strong> à découvrir<br />
<strong>de</strong>rrière ? Et après ils disent qu’ils sont allés au Cap Vert.<br />
Aluguer pour Espargos. Là, je vais voir Marie à sa boutique. Elle est <strong>de</strong>vant à<br />
discuter avec d’autres sénégalais. Elle me propose <strong>de</strong> me tresser les cheveux.<br />
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J’accepte ! Me voila assise par terre <strong>de</strong>vant elle à pencher la tête dans tous les sens.<br />
Une heure après, elle a fini. Je file à Palmeira. Je dois rendre le bracelet à Fred et<br />
Caro. Je ne les vois pas. Ca attendra.<br />
Après le dîner, je parle à un autre Assane qui travaille sur un voilier <strong>de</strong> charter. Il<br />
connaît la Baleine Blanche ! C’est dingue ! Il les a rencontrés à Dakar quand il<br />
travaillait au Yacht Club. Depuis, il a beaucoup voyagé et connaît plein <strong>de</strong> trucs.<br />
J’aime bien parler avec lui. Dommage que je le connaisse si tard.<br />
Oumar m’emmène ensuite à un anniversaire. Il me présente à ses amis. La fête est<br />
dans la rue, musique, grilla<strong>de</strong>s et ponch.<br />
Nous rencontrons ensuite Friedman, le cuisinier qui bosse avec Assane sur le voilier.<br />
Il est aussi super sympa et nous invite <strong>de</strong>main soir à dîner.<br />
Mardi 8 août 2006<br />
Ma <strong>de</strong>rnière journée au Cap Vert. Je suis ni triste, ni gaie. Je reste à Palmeira pour<br />
économiser mes <strong>de</strong>rniers escudos, et parce que je n’ai rien à faire à Espargos ou Santa<br />
Maria.<br />
Je m’achète un pain et <strong>de</strong> l’eau pour le petit déjeuner. Je vais le manger sur le port. Je<br />
dois voir Fred et Caro pour leur rendre le bracelet. J’arrive à capter leur attention par<br />
<strong>de</strong> grands signes. Fred vient me chercher en annexe. Je passe un peu <strong>de</strong> temps sur<br />
leur cata. Ils rangent tout et nettoient tout car <strong>de</strong>s clients arrivent ce soir. Quand je<br />
repars, le quai et même tout le village sont bondés <strong>de</strong> cars et <strong>de</strong> pick-up <strong>de</strong> touristes.<br />
Le zoo. Ils vont tous à la boutique d’Assane. Oumar fait une démonstration <strong>de</strong><br />
djembé. Je veux retourner à la maison faire mon sac mais tout est fermé, ils sont tous<br />
partis. Tant pis. Je ne sais pas trop où aller, du coup je m’offre un <strong>de</strong>rnier jus <strong>de</strong> fruits<br />
brésilien au café qui a la belle table en bobine, et en plus bien placée pour observer<br />
les allées et venues. La chaleur et le vent ralentissent la vie. Des hommes réparent un<br />
vélo à l’ombre d’une maison. Une femme chante chez elle. Un pick-up <strong>de</strong> touristes<br />
passe, ils me regar<strong>de</strong>nt tous l’air bête. Pourquoi ?<br />
Le sacré Grillon vient me dire bonjour. Pieds nus, à parler comme un gamin. Il bosse<br />
sur les bateaux <strong>de</strong> charter à la journée et traîne en permanence sur le port.<br />
Quand l’agitation se calme et que tous les touristes ont l’air partis, je retourne à la<br />
boutique. Je dois retrouver Oumar qui veut m’accompagner à Fontona. Il est parti à<br />
Espargos. Je dois l’attendre. Je pars avec Oumi et les petites à la maison. Je fais mon<br />
sac, tous mes souvenirs bien protégés pour le long voyage qui les attend. J’offre à<br />
Oumi <strong>de</strong>ux T-shirts et le contenu <strong>de</strong> ma trousse <strong>de</strong> toilette, je n’en ai plus besoin ! Elle<br />
est contente. J’offre aux petites <strong>de</strong>s peluches qu’il me reste à offrir. Pour une fois,<br />
elles arrêtent <strong>de</strong> se chamailler ! Quand j’ai fini, j’ai<strong>de</strong> Oumi à préparer le repas que<br />
l’on emmène ensuite à la boutique. Oumar est <strong>de</strong> retour. Après le déjeuner, nous<br />
allons à Fontona. C’est l’un <strong>de</strong>s très rares endroits <strong>de</strong> l’île où l’on trouve du vert et un<br />
peu d’eau. Cela se situe juste <strong>de</strong>rrière une colline qui le sépare et le rend invisible <strong>de</strong><br />
50
Palmeira. Il y a effectivement <strong>de</strong>s arbres, mais aussi <strong>de</strong> nombreux déchets. C’est un<br />
lieu <strong>de</strong> pique-nique le week-end. Dommage qu’ils ne soient pas ramassés. Oumar<br />
m’emmène dans la seule maison du lieu. On y trouve un puits où croupit un fond<br />
d’eau verdâtre. Il y a aussi <strong>de</strong>s bassins où un homme fait grandir <strong>de</strong>s tortues marines.<br />
Pour les relâcher ensuite et non pour les manger d’après ce qu’il dit. La vérité ? Je<br />
n’en sais rien. Je l’espère ! De retour à Palmeira, Oumar retrouve <strong>de</strong>s amis, je rejoins<br />
les femmes sur la terrasse. Elles regar<strong>de</strong>nt les produits que j’ai offerts à Oumi. Elles<br />
me disent qu’elles son tristes <strong>de</strong> me voir partir… Moi aussi je suis triste <strong>de</strong> partir.<br />
Vers 19 heures, je retrouve Assane (celui qui connaît la Baleine), Friedman et Oumar.<br />
Nous passons à l’épicerie avant <strong>de</strong> monter dans l’annexe. Ils me déposent au cata<br />
pour que je dise au revoir à mes amis français pendant que Friedman cuisine. Ils ont<br />
tout organisé pour ne pas perdre <strong>de</strong> temps avant l’heure d’embarquement qui se<br />
rapproche toujours un peu plus. Me voila sur leur Goulette, le bateau typiquement<br />
méditerranéen pour les promena<strong>de</strong>s touristiques à la journée, les mêmes qui venaient<br />
près <strong>de</strong>s voiliers <strong>de</strong> la Baleine dans les jolies criques turques. Evi<strong>de</strong>mment, je saute<br />
<strong>de</strong> joie d’être sur un voilier (même si celui-ci n’est pas fait pour se déplacer à la<br />
voile), retrouvant cette sensation d’être à ma place, dans mon élément, cette aisance à<br />
me déplacer, bref, le bonheur d’être dans un milieu marin. Assane me fait visiter le<br />
bateau qui est aussi leur maison. C’est assez spacieux, le carré est agréable. Oumar<br />
accroche sa casquette <strong>de</strong> rappeur américain sur un clou, on rigole bien, persuadés<br />
qu’il va l’oublier tellement elle parait à sa place. Friedman nous appelle, le festin est<br />
prêt. Quelle beau ca<strong>de</strong>au m’ont fait là mes amis ! Instant inoubliable que ce <strong>de</strong>rnier<br />
repas capverdien, <strong>de</strong>ux sénégalais, un capverdien et une française. On parle toutes<br />
les langues, Oumar et Assane se parlent en wolof, Oumar et Friedman en créole,<br />
Friedman et Assane en français entre eux, et tous en français avec moi ! Je me sens<br />
bien avec eux, malgré nos différences quelque chose nous unit. Quel bel équipage<br />
nous formerions pour un tour du mon<strong>de</strong>. Il suffirait juste <strong>de</strong> lever l’ancre et <strong>de</strong> hisser<br />
les voiles, direction l’Amérique. Dommage que le bateau ne soit pas fait pour cela.<br />
Dommage que mon voyage s’arrête bientôt. Dommage que…<br />
Les poissons grillés <strong>de</strong> Friedman sont délicieux. Il ne faut pas trop s’attar<strong>de</strong>r. Hop,<br />
nous voilà tous dans l’annexe, puis sur la terre ferme. Oumar a oublié sa casquette !<br />
Au revoir à ma famille sénégalaise, tous me souhaitent un bon voyage, regrettent <strong>de</strong><br />
me voir partir. Assane et Oumar en ont profité pour appeler un taxi, ils<br />
m’accompagnent à l’aéroport. Il est déjà là… Adieu Palmeira et tous mes amis. Moins<br />
<strong>de</strong> cinq minutes plus tard, nous sommes à l’aéroport. L’île est petite… Nous sommes<br />
presque en avance. J’enregistre mon sac puis je retrouve mes amis, photos souvenirs<br />
dans le hall puis il est temps <strong>de</strong> se quitter, c’est l’heure <strong>de</strong> l’embarquement. C’est la<br />
mémoire remplie <strong>de</strong> souvenirs et l’esprit ailleurs que je franchis le contrôle <strong>de</strong>s<br />
passeports et l’attente. Les portes s’ouvrent pour aller vers l’avion, je laisse passer<br />
tout le mon<strong>de</strong> avant moi. Je sors dans les <strong>de</strong>rniers du bâtiment, marche lentement<br />
vers l’appareil en essayant <strong>de</strong> bien regar<strong>de</strong>r autour <strong>de</strong> moi pour me souvenir <strong>de</strong> tout.<br />
Il y a une petite queue formée par les gens qui se placent dans l’appareil, j’attends en<br />
haut <strong>de</strong>s marches, à la porte <strong>de</strong> l’avion, en regardant une <strong>de</strong>rnière fois le paysage<br />
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désertique éclairé par la lune, au loin les lumières <strong>de</strong> Palmeira. Je suis la <strong>de</strong>rnière à<br />
entrer lentement dans l’avion. Le steward plaisante et me dit que je peux encore<br />
re<strong>de</strong>scendre si j’ai envie, j’ai l’air si triste <strong>de</strong> partir… Eh oui je suis triste <strong>de</strong> partir, les<br />
larmes me montent aux yeux. S’il savait tout ce que j’ai vécu <strong>de</strong>puis mon arrivée ici…<br />
Je ne sais pas quand je reviendrai. Pour lui ça sera sans doute <strong>de</strong>main ou la semaine<br />
prochaine.<br />
Décollage rapi<strong>de</strong>, en retard évi<strong>de</strong>mment mais pour une fois je trouve qu’il est ne l’est<br />
pas assez, les lumières d’Espargos disparaissent vite du hublot…<br />
Lisbonne, 8h26<br />
Atterrissage à Lisbonne en début <strong>de</strong> matinée, je ne suis pas bien réveillée. Nous<br />
sommes en retard, mais d’après l’horaire <strong>de</strong> ma correspondance j’ai encore le temps<br />
<strong>de</strong> l’avoir. Le bus nous dépose dans un hall bondé, <strong>de</strong>s voyageurs grouillant dans<br />
tous les sens. Je suis complètement perdue. Mon vol clignote en rouge pour signifier<br />
que l’embarquement est presque fini. Je dois me dépêcher, mais impossible <strong>de</strong><br />
comprendre par où je dois passer pour rejoindre la porte d’embarquement. Je<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> à un agent d’accueil qui me dit que c’est trop tard, que je dois faire la queue<br />
là où il y a plein <strong>de</strong> mon<strong>de</strong>. Je n’ai pas l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s aéroports, je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> bien<br />
ce que l’on va me dire… J’imagine le pire. Et mon billet <strong>de</strong> train Paris-Nantes qui est<br />
déjà réservé… Je me glisse au bout <strong>de</strong> la file d’attente, les gens sont désagréables,<br />
malpolis, tous plus pressés les uns que les autres. Bienvenue en Europe !<br />
C’est mon tour, finalement il y a une place dans un avion dans une heure quarante.<br />
Ouf ! Le stress est passé, je peux toujours prendre mon TGV. Je me retrouve à côté<br />
d’une mère capverdienne et <strong>de</strong> ses trois enfants, vivant en France, que j’avais croisés<br />
à Sal. Ils vont me distraire ! La mère me parle en créole, alors qu’elle s’adresse en<br />
français avec ses enfants. Le petit <strong>de</strong>rnier assis à côté <strong>de</strong> moi est amusant. Leurs<br />
« ImBéééécile !! » vont me rester longtemps dans la tête ! L’avion passe au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong><br />
l’île <strong>de</strong> Ré et <strong>de</strong> toute la côte vendéenne que je connais. C’est un beau spectacle, je<br />
vois le port <strong>de</strong> Jard, je pourrais presque voir la maison et la <strong>de</strong>ux-chevaux <strong>de</strong> Mamie,<br />
comme sur les cartes postales ! A l’atterrissage, nous survolons la capitale.<br />
Gare Montparnasse<br />
A Paris, le ciel est gris et il pleut. De la pluie ! Je récupère mon sac sans problème,<br />
direction Orly val, RER, puis métro. Tranquillement car j’ai du temps à tuer. Je<br />
prends le grand tapis roulant <strong>de</strong> la Gare Montparnasse. Les parisiens sont pressés.<br />
Dans la gare, un stand <strong>de</strong> pub pour un petit bonhomme vert/bouteille <strong>de</strong> produit<br />
vaisselle (que Maman a dans sa cuisine !) prend les gens en photo avec la mascotte.<br />
J’y vais, cela me fait un souvenir original ! Je lutte ensuite pour ne pas m’endormir, je<br />
n’arrive même pas à finir les sudoku niveau facile donnés avec la photo…<br />
J’ai presque bouclé la boucle <strong>de</strong> mon voyage. Depuis Sal, je remets les pieds dans les<br />
traces laissées à l’aller. Plus ça va, et plus les lieux me sont familiers. C’est rassurant<br />
<strong>de</strong> savoir que le TGV va partir pile à l’heure, c’est un luxe pour moi !<br />
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Dans <strong>de</strong>ux heures, je suis à Nantes. Ca fait bizarre. La campagne me paraît si verte<br />
par la fenêtre. Je trouve jolis les champs qui m’auraient parus monotones à l’aller.<br />
Arrivée à la gare <strong>de</strong> Nantes. Je sors prendre le tram. Mauvaise surprise : <strong>de</strong>ux<br />
policiers qui étaient dans le souterrain se dirigent vers moi. « Bonjour, est-ce que<br />
vous avez <strong>de</strong>s produits stupéfiants sur vous ? » Quoi ? Bien sûr que non. Pourquoi<br />
cette question ?<br />
Ils m’emmènent <strong>de</strong>rrière l’arrêt <strong>de</strong> tram, me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt mes papiers, d’où je viens et<br />
où je vais. Je leur sors mon passeport <strong>de</strong> ma poche, en leur disant que je viens du Cap<br />
Vert et que je rentre chez moi. Celui qui attrape mon passeport s’apprête à dire<br />
quelque chose comme : « C’est où le Cap Vert, en Bretagne ? » Mais à ce moment là il<br />
tombe sur mon visa, dont la sortie <strong>de</strong> territoire est datée d’aujourd’hui. Peut-être vat-il<br />
ouvrir un atlas ce soir. Après quelques questions banales <strong>de</strong> leur part, j’ai le culot<br />
<strong>de</strong> leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pourquoi ils m’ont suivi: parce que j’ai <strong>de</strong>s tresses africaines, <strong>de</strong>s<br />
vieux habits et un sac à dos ? J’ai droit pour réponse à un « peut être » accompagné<br />
d’un sourire débile. OK, délit <strong>de</strong> faciès. Bienvenue en France, bienvenue chez toi, à<br />
l’arrêt <strong>de</strong> tram où tu passes tous les soirs pour rentrer du lycée. Je suis dégoûtée.<br />
Avec tout ça, j’ai loupé le tram, je dois attendre le suivant. Je finis à pied, je n’ai plus<br />
le courage d’attendre un bus. Me voilà <strong>de</strong>vant chez moi, Maman s’inquiète car avec<br />
tout ça je suis en retard. Je me retrouve à pleurer comme une ma<strong>de</strong>leine, fatiguée par<br />
le voyage et frustrée <strong>de</strong> ma <strong>de</strong>rnière rencontre… J’ai envie <strong>de</strong> défaire mes tresses qui<br />
me donnent une tête <strong>de</strong> droguée, Marie s’était donné tellement <strong>de</strong> mal pour les<br />
faire…<br />
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