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Kerry : la première mission - CHERUB

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<strong>Kerry</strong> : <strong>la</strong> <strong>première</strong> <strong>mission</strong><br />

James Adams a eu beaucoup de chance. Dès sa <strong>première</strong> opération sur le terrain,<br />

il a obtenu le T-shirt bleu marine. La <strong>première</strong> <strong>mission</strong> de <strong>Kerry</strong> Chang fut beaucoup<br />

moins exaltante…<br />

Kyle et James disputaient une partie de Tekken.<br />

— Allez, Nina, hur<strong>la</strong> ce dernier, en torturant son joypad.<br />

— Nina Williams wins ! cracha le haut-parleur de <strong>la</strong> télé.<br />

James boxa sauvagement les airs. Kyle haussa les épaules.<br />

— J’aimerais pouvoir t’exploser <strong>la</strong> tronche en vrai.<br />

— J’ai eu ma ceinture bleue hier.<br />

Kyle éc<strong>la</strong>ta de rire.<br />

— Super. Maintenant, tu vas peut-être arriver à battre un gosse de huit ans.<br />

<strong>Kerry</strong> frappa à <strong>la</strong> porte.<br />

— C’est ouvert, dit James.<br />

La jeune fille entra.<br />

— Salut Kyle. Je savais pas que tu étais là.<br />

Un sourire rayonnant sur le visage, elle glissa une main dans <strong>la</strong> poche de son<br />

pantalon de treillis et en tira une carte magnétique.<br />

— Tada ! chantonna-t-elle.<br />

— C’est quoi ? demanda James.<br />

— Un pass pour le huitième étage, expliqua Kyle. C’est là qu’on prépare les<br />

opérations. Ça veut dire que <strong>Kerry</strong> a reçu sa <strong>première</strong> <strong>mission</strong>.<br />

James sourit.<br />

— Cool. Tu pars quand ?<br />

La jeune fille haussa les épaules.<br />

— Je sais pas. J’ai rendez-vous demain matin pour le briefing préliminaire.<br />

— C’est qui, ton contrôleur de <strong>mission</strong> ? demanda Kyle.<br />

— Dennis King.


— Tu pouvais pas tomber mieux. C’est un vieux type sympa. Il s’occupe de tous<br />

les problèmes de logistique.<br />

— Je crois qu’il vaut mieux que j’aille me coucher. Il est onze heures passé. Je<br />

vou<strong>la</strong>is juste le dire à quelqu’un. Je suis hyper nerveuse.<br />

— Attends deux secondes. J’ai ramené un sac plein de trucs de marque de Manille.<br />

J’ai des polos Lacoste pour quatre livres. Des shorts Nike, pour cinq. Tout est dans<br />

ma chambre. Tu veux jeter un œil ?<br />

<strong>Kerry</strong> secoua <strong>la</strong> tête.<br />

— Nan. J’ai déjà acheté ce genre de camelote. Tu les <strong>la</strong>ves une fois et tu te<br />

retrouves avec des fringues taille cinq ans.<br />

— Arrête ton char, <strong>la</strong> plupart de ces vêtements viennent des mêmes ateliers que les<br />

vrais.<br />

— Laisse tomber, OK ? Bon, je vous <strong>la</strong>isse. On se voit au petit déjeuner.<br />

— Dors bien, <strong>Kerry</strong>, dit James. Et bonne chance pour demain.<br />

Il attendit que <strong>la</strong> jeune fille eut quitté <strong>la</strong> chambre pour <strong>la</strong>ncer à Kyle :<br />

— Si les trucs que tu m’as refilés rétrécissent, je te démonte <strong>la</strong> tête.<br />

<strong>Kerry</strong> avait conscience qu’elle n’avait pas le droit de se louper sur cette <strong>première</strong><br />

<strong>mission</strong>. Il était indispensable de réussir une ou deux opérations de routine avant<br />

d’espérer se voir confier des tâches plus prestigieuses.<br />

Elle ne dormit pas une seconde de <strong>la</strong> nuit. À six heures du matin, ayant perdu tout<br />

espoir de trouver le sommeil, elle se rendit au réfectoire, l’esprit confus et le cœur au<br />

bord des lèvres. Elle feuilleta les pages d’un quotidien sans parvenir à fixer son<br />

attention. Elle avait encore trois heures à tuer avant le briefing.<br />

Son petit déjeuner achevé, elle regagna sa chambre pour se brosser les dents et<br />

peigner ce qui lui restait de cheveux pour <strong>la</strong> seconde fois. Lorsqu’elle les avait tondus,<br />

quelques jours avant le début du programme d’entraînement initial, elle ne<br />

soupçonnait pas à quel point ils mettraient longtemps à repousser. Le règlement<br />

intérieur du campus exigeait que tous les agents rentrent leur T-shirt dans leur<br />

pantalon, mais aucun résident ne respectait cette prescription. Souhaitant se présenter<br />

sous son meilleur jour, <strong>Kerry</strong> <strong>la</strong> respecta à <strong>la</strong> lettre. Persuadée d’avoir commis une<br />

erreur, elle vérifia cinq cents fois son uniforme, sans rien trouver qui clochait, puis<br />

*


elle consulta sa montre. Il lui restait encore une heure à patienter. Elle détestait <strong>la</strong><br />

façon dont le temps se figeait chaque fois qu’elle se sentait anxieuse.<br />

<strong>Kerry</strong> emprunta l’ascenseur jusqu’au huitième étage. Toutes les portes<br />

comportaient un panneau d’avertissement promettant une sanction exemp<strong>la</strong>ire à toute<br />

personne pénétrant dans une salle de <strong>mission</strong> sans accréditation. Toutes les portes, à<br />

l’exception de celle de <strong>la</strong> pièce où se trouvait Dennis King, à l’extrémité du couloir.<br />

Elle était grand ouverte.<br />

Le contrôleur était assis à son bureau. Ses cheveux teints, luisants de gomina,<br />

étaient soigneusement peignés vers l’arrière. Il portait d’épaisses lunettes à monture<br />

noire. Il par<strong>la</strong>it au téléphone, visiblement ulcéré par une sombre affaire de fax non<br />

reçu. Trois garçons devant lui. <strong>Kerry</strong> reconnut aussitôt Josh C<strong>la</strong>rke, un agent de<br />

quinze ans qui lui avait donné des cours d’espagnol, à son arrivée à <strong>CHERUB</strong>.<br />

— Salut, chuchota Josh. Bravo pour le programme d’entraînement. C’est ta<br />

<strong>première</strong> <strong>mission</strong> ?<br />

<strong>Kerry</strong> hocha <strong>la</strong> tête.<br />

— Tu es nerveuse ?<br />

— Pas vraiment.<br />

Dennis King raccrocha brutalement le téléphone.<br />

— Ces Suisses, lâcha-t-il. Tous des crétins.<br />

Il considéra <strong>Kerry</strong> d’un œil vague.<br />

— C’est toi, Chung ?<br />

— Chang, rectifia <strong>la</strong> jeune fille. <strong>Kerry</strong> Chang.<br />

Le contrôleur de <strong>mission</strong> se pencha au-dessus de son bureau pour lui serrer <strong>la</strong><br />

main.<br />

— Heureux de faire ta connaissance, <strong>Kerry</strong>. Ici, tout le monde m’appelle DK. Tout<br />

ce dont tu as besoin se trouve dans le casier numéro seize. Lis l’ordre de <strong>mission</strong>, et<br />

interroge Josh si tu as des questions. Cette <strong>mission</strong> ne pose aucune difficulté<br />

particulière.<br />

<strong>Kerry</strong> se dirigea vers <strong>la</strong> rangée de casiers alignés sur le mur du fond, ouvrit celui<br />

qui lui avait été indiqué et y trouva une boîte en p<strong>la</strong>stique contenant un ordre de<br />

<strong>mission</strong>, un passeport, deux billets d’avion, un téléphone portable et un tube de métal<br />

*


d’une soixantaine de centimètres de long orné d’un triangle jaune vif sous lequel<br />

figurait l’inscription : DANGER, EXPLOSIFS.<br />

ORDRE DE MISSION DE KERRY CHANG<br />

MISSION STANDARD DE VÉRIFICATION DES RÈGLES DE SÉCURITÉ DE<br />

L’ADMINISTRATION FÉDÉRALE DU TRANSPORT AÉRIEN<br />

N° 1037 (Mars 2007)<br />

Note : Ces <strong>mission</strong>s de vérification sont menées en vertu d’un accord conclus entre<br />

l’Administration fédérale américaine du transport aérien et l’Autorité de l’aviation<br />

civile du Royaume-Uni.<br />

Chaque année, dans le cadre d’un programme continu dont l’objectif est de<br />

détecter des failles dans les mesures de sécurité des aéroports américains, le<br />

gouvernement britannique organise cent vingt tentatives officielles de contournement<br />

de ces dispositifs. Les services secrets Américains effectuent le même nombre d’essais<br />

dans les instal<strong>la</strong>tions aéroportuaires du Royaume-Uni.<br />

Dans le cadre de cette opération, un enfant non accompagné, <strong>mission</strong>né par<br />

<strong>CHERUB</strong>, essaiera de franchir le poste de sécurité de l’aéroport de Chicago O’Hare.<br />

Cet agent transportera un <strong>la</strong>nce-roquette antichar léger M72. Compte tenu de <strong>la</strong><br />

taille importante de l’objet, les chances de détection sont élevées.<br />

L’agent et son chargement seront p<strong>la</strong>cés à bord d’un avion transat<strong>la</strong>ntique<br />

décol<strong>la</strong>nt de l’aéroport d’Heathrow. Si le <strong>la</strong>nce-roquette est détecté à son arrivée aux<br />

États-Unis, l’agent produira le document diplomatique qui lui a été remis et exigera<br />

de s’entretenir avec le Responsable de <strong>la</strong> sécurité. Si l’arme n’est pas repérée, il<br />

retrouvera l’officier de liaison du FBI dans le hall de l’aéroport.<br />

Il passera <strong>la</strong> nuit à Chicago, puis bénéficiera d’une visite accompagnée de <strong>la</strong> ville<br />

avant de s’envoler pour Londres.<br />

*<br />

*


<strong>Kerry</strong> était un peu déçue. Cette <strong>mission</strong> ne lui donnait pas l’opportunité de se<br />

mettre en valeur.<br />

Tout ce qu’on lui demandait, c’était de s’asseoir dans un avion puis de franchir un<br />

poste de sécurité. Mais c’était mieux que rien, et elle avait toujours rêvé de se rendre<br />

eux États-Unis, même si ce n’était que pour un jour ou deux.<br />

Son siège était situé au premier rang de <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse économique. Deux morveux de<br />

six ou sept ans étaient assis à ses côtés. Chacun d’eux portait un énorme badge jaune<br />

représentant un avion de dessin animé surmonté de l’inscription : « Je suis un enfant<br />

non accompagné. Veillez sur moi, S. V. P. ! »<br />

— Tu veux boire quelque chose ? demanda une hôtesse.<br />

— Un Coca, s’il vous p<strong>la</strong>ît.<br />

— Tu ne portes pas ton badge ?<br />

— Je n’en ai pas besoin. J’ai presque douze ans.<br />

Sans prêter attention à sa réponse, <strong>la</strong> femme agrafa un badge géant à sa veste de<br />

survêtement. C’était <strong>la</strong> chose <strong>la</strong> plus humiliante qu’elle ait jamais portée.<br />

— Et que je ne te reprenne pas à le retirer, jeune fille. Tout le monde doit respecter<br />

les règles, dans cet avion.<br />

<strong>Kerry</strong> comprit aussitôt que c’était le type même de <strong>la</strong> femme obtuse et autoritaire<br />

avec <strong>la</strong>quelle il était inutile de discuter.<br />

Quelques minutes plus tard, on lui servit un p<strong>la</strong>teau-repas contenant des nuggets de<br />

poulet en forme d’ourson recouverts de fromage fondu.<br />

— Je peux avoir un menu adulte ?<br />

— Nous n’avons qu’un repas par passager. Veux-tu que je t’apporte des crayons et<br />

des images à colorier ?<br />

<strong>Kerry</strong> ferma les yeux et respira à fond. En se basant sur les techniques de combat<br />

enseignées à <strong>CHERUB</strong>, il lui aurait suffi de casser sa fourchette en p<strong>la</strong>stique en deux<br />

puis d’en p<strong>la</strong>nter <strong>la</strong> partie <strong>la</strong> plus pointue dans <strong>la</strong> gorge de l’hôtesse pour voir le sang<br />

gicler au p<strong>la</strong>fond de <strong>la</strong> cabine du Boeing 777. Une expression sereine se dessina sur<br />

son visage.<br />

— D’accord, je n’ai rien dit, dit <strong>la</strong> femme. Tu préfères faire une petite sieste, je<br />

suppose.<br />

*


Deux heures plus tard, un garçon occupant un siège situé quelques rangées derrière<br />

<strong>Kerry</strong> se leva et se dirigea vers les toilettes. Elle le trouvait craquant. Il devait avoir<br />

douze ou treize ans, et, à en juger à son bronzage, vivre dans un pays chaud. Elle<br />

l’imagina courant sur une p<strong>la</strong>ge de sable b<strong>la</strong>nc, une p<strong>la</strong>nche de surf sous le bras.<br />

Parvenu à son niveau, il lui adressa un <strong>la</strong>rge sourire qu’elle prit pour une tentative de<br />

séduction. Elle décida de le rejoindre dans <strong>la</strong> file d’attente, devant les toilettes, et<br />

d’engager <strong>la</strong> conversation. Une petite séance de drague <strong>la</strong> changerait des deux minus,<br />

qui, assis près d’elle, jouaient à <strong>la</strong> Gameboy en hur<strong>la</strong>nt depuis que l’appareil avait<br />

décollé.<br />

Elle consulta sa montre, poussa un soupir puis s’adressa au garçon.<br />

— Il reste encore six heures de vol, dit-elle. C’est interminable.<br />

Le jeune p<strong>la</strong>y-boy semb<strong>la</strong>it stupéfait que <strong>Kerry</strong> lui adresse <strong>la</strong> parole.<br />

— Ouais, ouais, lâcha-t-il. Super, ton badge.<br />

Sur ces mots, il éc<strong>la</strong>ta de rire, et les deux adultes qui le précédaient dans <strong>la</strong> file<br />

d’attente furent gagnés par son hi<strong>la</strong>rité. <strong>Kerry</strong> rougit de <strong>la</strong> tête aux pieds et retourna à<br />

sa p<strong>la</strong>ce.<br />

C’était le pire voyage de sa vie.<br />

L’a<strong>la</strong>rme retentit dès que <strong>Kerry</strong> franchit le portique de sécurité. Elle s’immobilisa.<br />

— C’est bon, vous pouvez passer, dit l’agent de l’aéroport. Ça doit être votre<br />

boucle de ceinture. Ça fait ça tout le temps.<br />

À quelques mètres de là, elle aperçut une femme en uniforme qui tenait un<br />

panneau sur lequel était inscrit : Miss <strong>Kerry</strong> Chang.<br />

— Bienvenue aux États-Unis, dit cette dernière. Je m’appelle Sue O’Banyon. Suismoi<br />

jusqu’à mon bureau.<br />

Elles s’enfermèrent dans un minuscule box situé aux abords du poste de sécurité.<br />

<strong>Kerry</strong> fit glisser <strong>la</strong> fermeture de son sac à dos et en tira le <strong>la</strong>nce-roquette antichar<br />

léger M72.<br />

*<br />

*


— Belle bête, dit Sue. Tu aurais pu raser <strong>la</strong> moitié du terminal avec ce truc. Le<br />

portail de sécurité s’est déclenché ?<br />

— Oui, mais l’agent m’a <strong>la</strong>issé passer. Il a dit que ça devait être ma boucle de<br />

ceinture.<br />

— Parfait. Il n’a plus qu’à se chercher un nouveau job. Cette arme n’aurait jamais<br />

dû franchir le poste de contrôle. Le portail est équipé d’un dispositif indiquant <strong>la</strong> taille<br />

des éléments métalliques détectés, et de capteurs de substances explosives. En outre,<br />

tous les bagages à main qui sortent de l’avion sont passés aux rayons X. Je suis<br />

catastrophée que tu aies réussi à passer.<br />

— Je vais dormir où, ce soir ?<br />

— Chez moi. Une pizza party, ça te va ? Demain, on fera du tourisme. Je suis sûre<br />

que tu vas adorer les gratte-ciels. Tu as un peu d’argent de poche ?<br />

— On m’a donné cent cinquante dol<strong>la</strong>rs. Mais je devrai rendre tout ce que je<br />

n’aurai pas dépensé. Je vais en profiter pour m’acheter des baskets neuves. Les<br />

miennes sont foutues.<br />

— Chicago est <strong>la</strong> ville rêvée pour faire du shopping. On ira traîner sur Michigan<br />

Avenue. C’est <strong>la</strong> plus grande rue commerçante des États-Unis.<br />

— Mon copain James m’a demandé de lui ramener des M&Ms aux amandes. Il<br />

adore ça, et on n’en trouve pas en Angleterre. Comme ça, au moins, je n’aurai pas fait<br />

le voyage pour rien.

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