Télécharger le PDF "8 artistes" - Karine Maire
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8<br />
artistes<br />
par <strong>Karine</strong> <strong>Maire</strong><br />
Graphisme<br />
Christiane<br />
ALMEIDA
8<br />
artistes<br />
par <strong>Karine</strong> <strong>Maire</strong><br />
Florent Caillol 2<br />
Jean jacques Pigeon 4<br />
Lionel Desneux 8<br />
Noé Nguyen 16<br />
Simone Couderc 18<br />
Ulice Deborne 20<br />
Yi-Chu Chen 22<br />
Zenchen Liu 24
Linceuls<br />
Florent<br />
CAILLOL<br />
Cette exposition consacrée à un artiste contemporain, Florent Caillol, retrace <strong>le</strong>s différentes étapes de<br />
sa démarche artistique. A travers l’exploration des qualités plastiques du matériau, l’artiste nous explique<br />
comment il est parvenu à faire évoluer ses sculptures vers la performance filmée.<br />
Sans contraindre la matière, il commence par accompagner la soup<strong>le</strong>sse des plaques d’acier dans des<br />
spira<strong>le</strong>s et ondulations.<br />
Puis, il <strong>le</strong>s martè<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s découpe et <strong>le</strong>s entail<strong>le</strong> pour réaliser des empreintes de son propre corps<br />
(armure, carapace, masque, cotte). Afin « d’apprivoiser la matière capricieuse », il procède à un corps à<br />
corps rapproché avec l’acier : il s’iso<strong>le</strong>, se laissant envelopper, emprisonner entre ses griffes. Ce matériau<br />
modelé prend l’allure d’une seconde peau. Cette liaison étroite transforme la matière inerte,<br />
rigide et plane en matériau organique.<br />
Plus tard, toujours enfermée au cœur de la matière, il fabrique des abris (igloo, tipi, abri de fortune).<br />
Dans un rapport plus distancé, il pratique <strong>le</strong> mou<strong>le</strong> d’objets usuels (chaise, tabouret…). De l’extérieur,<br />
il peut observer <strong>le</strong> phénomène : Cette enveloppe est une sorte de mou<strong>le</strong> de l’objet. Une fois vide,<br />
el<strong>le</strong> peut faire penser à une mue ou à un linceul. « Ce qui m’intéresse » dit-il « c’est de sortir l’objet de son<br />
enveloppe métallique et de constater qu’il est toujours présent malgré son absence. » Le façonnage brut de<br />
la chaise en acier émaillé prend l’aspect de papier enroulé, plié, donnant la sensation de soup<strong>le</strong>sse et<br />
fragilité.<br />
Il change alors de support d’expression en utilisant la vidéo de ses performances consistant à s’envelopper<br />
d’une tô<strong>le</strong> tel un chevalier vaincu par l’acier ou à dompter l’acier tel un animal de cirque.<br />
action culturel<strong>le</strong> 5
Les vitraux éphémères<br />
et l’embrasement<br />
de la croix<br />
(Installation et vidéo, 2005)<br />
Jean-Jacques<br />
PIGEON<br />
Jean-Jacques Pigeon, artiste associé à l’événement Lâchés dans la nature, présente deux œuvres in situ,<br />
conçues avec et pour <strong>le</strong>s lieux. L’une se situe dans la cour de l’espace Condorcet entre la médiathèque<br />
et <strong>le</strong>s services socioculturels de la mairie de Viry-Châtillon, l’autre dans l’espace d’exposition. Pour la<br />
deuxième année, <strong>le</strong> récolteur de vieil<strong>le</strong>s branches est revenu et occupe cette fois-ci <strong>le</strong>s hauteurs inaccessib<strong>le</strong>s<br />
de l’ancienne chapel<strong>le</strong>. L’artiste réveil<strong>le</strong> la mémoire des lieux en accrochant des branches sur<br />
la silhouette lumineuse des vitraux masqués à l’occasion des expositions. Par son œuvre, il révè<strong>le</strong> l’origine<br />
du lieu, la chapel<strong>le</strong>. En outre, il imagine dès son projet d’inventer d’éventuels nouveaux vitraux.<br />
Deux temps se confondent donc : la trace et <strong>le</strong> devenir. Les brindil<strong>le</strong>s peintes en noir reprennent la<br />
plombure - <strong>le</strong> châssis des vitraux - et cel<strong>le</strong>s en blanc et gris tracent la barlotière (ses traverses). Le<br />
dessin des brindil<strong>le</strong>s à contre-jour souligne celui du vitrail qui se révè<strong>le</strong>. La fragilité du bois rappel<strong>le</strong><br />
cel<strong>le</strong> du vitrail mais son éphémérité va à l’encontre de la conservation des œuvres cultuel<strong>le</strong>s et culturel<strong>le</strong>s.<br />
Comment l’œuvre s’intègre-t-el<strong>le</strong> au lieu ? Dans quel<strong>le</strong> mesure <strong>le</strong> lieu acquiert-il un autre<br />
regard ? sont des questions que soulève la réalisation in situ. Le rebut des déchets verts révè<strong>le</strong> <strong>le</strong><br />
sacré.<br />
Dans un même souci de révé<strong>le</strong>r <strong>le</strong> lieu, Jean-Jacques Pigeon projette une vidéo retraçant au ra<strong>le</strong>nti<br />
l’embrasement d’une croix. A travers <strong>le</strong> dispositif de mise en vue et l’utilisation du ra<strong>le</strong>nti, l’artiste a<br />
voulu donner l’impression d’une succession de peintures et non d’une narration qui se dérou<strong>le</strong>rait et<br />
se saisirait dans la durée. La compréhension du spectateur est alors rendue possib<strong>le</strong> à tout moment<br />
de la projection. Les branches cernent la croix dessinée en réserve pour signifier la désaffectation du<br />
lieu de culte et peut-être l’abandon de la religion par ses sujets. Quel<strong>le</strong> autre croyance la remplacerait<br />
? L’intention de l’artiste n’est pas de blasphémer. Souhaitons que la réception de cette œuvre -<br />
qui ne peut se faire qu’au travers de réactions vives - adoucisse <strong>le</strong>s passions pour laisser place à<br />
l’échange. La croix et la décomposition du bois par <strong>le</strong> feu donnent l’occasion de par<strong>le</strong>r de la mort et<br />
de convoquer d’autres interpellations ancrées dans une mémoire col<strong>le</strong>ctive et personnel<strong>le</strong>.<br />
action culturel<strong>le</strong><br />
7
Le cube-cabane<br />
(Réalisation in situ – Cour du centre culturel de Viry-Châtillon,<br />
2005)<br />
L’oeuvre sort de l’espace d’exposition pour habiter un espace réel, celui de la cour reliant <strong>le</strong>s services<br />
socioculturels à la médiathèque. Cette structure monumenta<strong>le</strong> est une architecture qui rappel<strong>le</strong>,<br />
dans sa forme, <strong>le</strong> hall de la médiathèque. Est-el<strong>le</strong> pénétrab<strong>le</strong> ? On peut aussi bien la contourner tel<strong>le</strong><br />
une sculpture monumenta<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> donne un nouveau regard sur ce clos de murs. Les côtés du cube et<br />
du toit restituent en sque<strong>le</strong>tte, l’espace architectural de la cour. Cette mise en abîme donne à l’œuvre<br />
l’expression d’une maquette stylisée. La confrontation des deux architectures soulève-t-el<strong>le</strong> des<br />
questions d’échel<strong>le</strong> ?<br />
C’est une maison sans mur, complètement ajourée, seu<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s arêtes suggèrent <strong>le</strong>s plans. Les lignes de<br />
constructions reprennent cel<strong>le</strong>s d’un dessin en perspective. L’utilisation des branchages évoque <strong>le</strong><br />
ludique : la cabane construite dans la forêt par <strong>le</strong>s enfants. L’architecture solide contraste avec ce<br />
volume fragi<strong>le</strong>, l’environnement minéral avec <strong>le</strong> végétal. Cette fragilité des matériaux assemblés, <strong>le</strong>s<br />
vides des murs et du toit évoquent <strong>le</strong>s habitats précaires, nouvel<strong>le</strong> approche des Vanités. Observons<br />
précisément de quel<strong>le</strong> manière l’œuvre s’intègre au lieu et comment el<strong>le</strong> évoluera sous la protection<br />
du public.<br />
<strong>Karine</strong> <strong>Maire</strong><br />
Jean-Jacques<br />
PIGEON<br />
action culturel<strong>le</strong><br />
9
Sans titre<br />
(installation, échantillon de matières organiques, dimension variab<strong>le</strong>,<br />
col<strong>le</strong>ction commencée en 1999, 90 variantes)<br />
Lionel<br />
DESNEUX<br />
Mur de bocaux non étiquetés contenant des matières organiques non identifiées. Temps latent,<br />
indécision face à une col<strong>le</strong>ction de vies scellées en attente d’une analyse en laboratoire ou déjà objet<br />
expérimental. Ce temps suspendu entre l’attente d’un diagnostic ou d’une manipulation à venir, rend<br />
cette vision encore plus menaçante. Ce présentoir de col<strong>le</strong>ctes, petit cabinet de curiosités, évoque <strong>le</strong>s<br />
pratiques de l’eugénisme, du clonage.<br />
action culturel<strong>le</strong> 11
Fabrique de végétaux<br />
cryptogamiques<br />
(installation, vin rouge-hui<strong>le</strong> de tournesol-verre-aluminium, 41,75 x 39,75 x 13,25cm,<br />
évolue depuis <strong>le</strong> 29/09/1999)<br />
Lionel<br />
DESNEUX<br />
Paysage liquide scellé d’un cadre en aluminium d’où suinte un mélange étrange sur une plaque de<br />
verre. Le malaise naît de la confrontation entre la rétention et l’échappée du produit qui provoque<br />
dans sa chute une tache sombre. L’artiste se substitue au démiurge. Il touche à nos éléments quotidiens<br />
avec une rigueur scientifique. Il fait « sa petite cuisine » qui évoque cel<strong>le</strong> de l’apprenti sorcier<br />
lorsqu’il manipu<strong>le</strong> des bactéries. Ce suintement d’un produit que l’artiste veut faire croire involontaire<br />
évoque la guerre bactériologique. Les éléments comme <strong>le</strong> raisin et <strong>le</strong> tournesol rappel<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s manipulations<br />
transgéniques qui répondent à l’économie basée sur <strong>le</strong> profit. Le troub<strong>le</strong> se manifeste aussi<br />
par cette notion de perpétuel<strong>le</strong> évolution que l’artiste ne manque pas de nous rappe<strong>le</strong>r dans toutes<br />
ses légendes. Le mélange se transforme, n’est pas figé, toujours en devenir. Lionel Desneux interroge<br />
et engage la responsabilité de chacun de nous face aux éléments qui sont en notre possession.<br />
action culturel<strong>le</strong> 13
Contradiction<br />
(sculpture, lait de vache-hui<strong>le</strong> de vidange-verrealuminium,<br />
40,5 x 40,5 x 2cm, évolue depuis <strong>le</strong> 25/06/2001)<br />
Lionel<br />
DESNEUX<br />
Triste tab<strong>le</strong>au d’un paysage où <strong>le</strong> ciel sombre pèse sur des vagues ou vallées d’un blanc sali. Il s’agit,<br />
une fois de plus, de provoquer une répulsion qui est ici <strong>le</strong> résultat de contradictions, de mélange<br />
impossib<strong>le</strong> entre un élément naturel et un autre artificiel. C‘est de ce rapprochement entre ces deux<br />
éléments opposés que naît une réaction chez <strong>le</strong> spectateur. La contradiction est multip<strong>le</strong> : opposition<br />
des nuances, différence de natures (élément naturel du lait et celui artificiel de l’hui<strong>le</strong> de vidange),<br />
contradiction des significations (besoin premier vital et déchets polluants), symbo<strong>le</strong>s antagonistes de<br />
pureté et d’impureté.<br />
action culturel<strong>le</strong> 15
Récolte d’eaux mises sous scellés et suspendues dans l’espace d’exposition. Ces trois cubes d’eau<br />
recueillie dans trois lieux différents, invite à la comparaison. La forme géométrique du cube symbolisant<br />
la perfection, la stabilité, <strong>le</strong> monde matériel et l’ensemb<strong>le</strong> des quatre éléments permet, grâce à la<br />
matière translucide, un regard sur la pollution de l’eau. Le fluide devenu saisissab<strong>le</strong> par la présence des<br />
cubes nous invite à la réf<strong>le</strong>xion sur <strong>le</strong> problème de l’eau.<br />
<strong>Karine</strong> <strong>Maire</strong><br />
Lionel<br />
DESNEUX<br />
Robinet<br />
(installation, eau du robinet-verre-aluminium, 27,5 x 27,5cm, évolue depuis <strong>le</strong> 20/07/2001)<br />
Manche<br />
(installation, eau de La Manche, 27,5 x 27,5cm, évolue depuis <strong>le</strong> 1/08/2001)<br />
Marne<br />
(installation, eau de la Marne, 27,5 x 27,5cm, évolue depuis <strong>le</strong> 9/08/2001)<br />
action culturel<strong>le</strong> 17
Exposition eXpoSure<br />
Du 8 au 29 octobre 2005<br />
La Grande Ga<strong>le</strong>rie<br />
Espace culturel Condorcet<br />
21, rue Maurice SABATIER<br />
91170 VIRY-CHATILLON<br />
Le corps de Noé Nguyen est sculpture. Corps nu, la plupart du temps immobi<strong>le</strong>, il est son propre<br />
modè<strong>le</strong>. Cette exposition eXpoSure se présente sous plusieurs aspects : installation, performance,<br />
photographie et vidéo. L’intitulé choisi par l’artiste fait référence à la révélation des corps par la<br />
lumière. C’est justement par l’écriture de la lumière, la photographie que <strong>le</strong> corps est révélé, modelé.<br />
La photographie est œuvre car la performance est pensée, conçue, réalisée pour un point de vue photographique.<br />
La photographie n’a pas <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de document-mémoire enregistrant une œuvre éphémère<br />
comme cel<strong>le</strong> d’une performance.<br />
Si la photographie est réalisée par un intervenant extérieur, c’est que l’intervention extérieure participe<br />
de cette démarche artistique. Dans <strong>le</strong> processus de création, ce regard extérieur est une inconnue<br />
qui échappe à l’intentionnel. L’artiste n’en demeurant pas moins concepteur, décisionnaire de ces<br />
images retravaillées sur ordinateur.<br />
Le corps, qu’il soit portrait, fragment, buste ou portrait en pied s’expose dans des mises en scène<br />
épurées, minima<strong>le</strong>s : <strong>le</strong> nu sur fond monochrome est recouvert de matières (café moulu, mousse,<br />
terre, pigments, encre) avec comme intrus un élément tiré de la réalité urbaine ou de la nature.<br />
Dans ces confrontations, il développe une forme de langage qu’il définit comme « tentative d’approche<br />
poétique de l’espace » afin de « préciser sa sensation de présence, sa relation au monde ». Le<br />
corps nu devient accueil en pratiquant son recouvrement. « L’habil<strong>le</strong>r c’est l’habiter et non <strong>le</strong> travestir<br />
» nous confie-t-il et d’ajouter « mon corps est un terrain de construction formel<strong>le</strong> et spirituel<strong>le</strong>, matériau<br />
de l’expérience de la rencontre ». Il joue sur des évocations ouvertes à des interprétations multip<strong>le</strong>s,<br />
son langage est poésie.<br />
<strong>Karine</strong> <strong>Maire</strong><br />
Noé<br />
Nguyen<br />
action culturel<strong>le</strong> 19
La dernière <strong>le</strong>ttre<br />
(Vidéo, 2008)<br />
En 2050, une vieil<strong>le</strong> femme, Louise Gardère, écrit une dernière <strong>le</strong>ttre à son fils parti à l’étranger pour<br />
travail<strong>le</strong>r. Observant <strong>le</strong> bal<strong>le</strong>t des grues et des grutiers qui lui tiennent compagnie, el<strong>le</strong> lui écrit son<br />
quotidien, petites choses de la vie apparemment anodines.<br />
Dans cette vidéo d’anticipation, à travers l’iso<strong>le</strong>ment d’une veil<strong>le</strong> dame, son autoportrait vieilli, Simone<br />
Couderc caricature <strong>le</strong>s méfaits du progrès et autres avatars de la mondialisation : sururbanisation, privatisation<br />
des éco<strong>le</strong>s, raréfaction de l’eau, embargo sur <strong>le</strong>s premières nécessités. Louise ne craint pas<br />
<strong>le</strong>s changements, el<strong>le</strong> fait <strong>le</strong> triste constat, état des lieux consternant, d’un pays dont <strong>le</strong>s fondamentaux<br />
de la République sont bafoués : expulsion des fils d’émigrés, privatisation des éco<strong>le</strong>s, appartements<br />
réquisitionnés, attraction parisienne et souveraine pour chef d’état…<br />
L’auteur fait actes de résistance : el<strong>le</strong> choisit <strong>le</strong> temps d’une paro<strong>le</strong> réfléchie et adressée, écrit mordant<br />
la réalité de traits d’ironie ; el<strong>le</strong> défend une certaine forme d’autarcie (écrit, joué, filmé et monté<br />
par l’artiste), indépendance comme nécessité à l’engagement politique ; el<strong>le</strong> préfère l’euthanasie assistée<br />
à une longue vie, pour revendiquer une dignité de la personne. Soucieuse de permettre <strong>le</strong> dialogue<br />
sur <strong>le</strong> devenir de l’humanité, l’artiste met à disposition des internautes l’e-mail de Jad.<br />
<strong>Karine</strong> <strong>Maire</strong><br />
Simone<br />
COUDERC<br />
action culturel<strong>le</strong> 21
La petite fabrique de Patrons<br />
(Vidéo, 2004)<br />
« Découper puis coudre selon des indications contraire au travail bien appris et bien fait ». Ulice<br />
Deborne s’impose cette contrainte pour réaliser une vidéo aux effets spéciaux décalés et simplistes.<br />
L’artiste filme, caméra sur l’épau<strong>le</strong>, deux personnes, Mme Jacqueline, couturière à la retraite et Mr<br />
Luc, ouvrier en invalidité. L’artiste utilise <strong>le</strong>s savoir-faire de ces deux anciens travail<strong>le</strong>urs pour définir<br />
ce qu’il appel<strong>le</strong> « la petite fabrique de Patrons » car el<strong>le</strong> se veut, dit-il « <strong>le</strong> témoignage vraisemblab<strong>le</strong><br />
d’une entreprise fictive qui fabrique des patrons ». Personnes ou personnages, ils sont <strong>le</strong>s témoins d’une<br />
société qui fabrique ses propres patrons qu’ils soient travail<strong>le</strong>urs au noir, professions libéra<strong>le</strong>s ou<br />
patrons d’ateliers clandestins.<br />
A travers des situations absurdes, l’artiste dénonce l’exploitation de l’Homme. Le <strong>le</strong>itmotiv d’un « je<br />
fabrique des patrons », <strong>le</strong> rire et <strong>le</strong>s gestes de dérision des deux personnages démontrent qu’une<br />
résistance à cette exploitation est possib<strong>le</strong>. Ensemb<strong>le</strong>, ils faussent <strong>le</strong>s règ<strong>le</strong>s du jeu : assimi<strong>le</strong>nt <strong>le</strong>s<br />
échecs aux dames pour exprimer avec ironie un échange peu équitab<strong>le</strong> ; invalident <strong>le</strong> statut de<br />
l’homme important en redéfinissant joyeusement, ce qui fait la va<strong>le</strong>ur d’une personne ; se recouvrent<br />
<strong>le</strong> visage d’un masque pour dénoncer l’esclavagisme contemporain ; confectionnent des<br />
patrons de papier calque ou gonf<strong>le</strong>nt des ballons jusqu’à ce qu’ils éclatent pour célébrer, dans un<br />
souff<strong>le</strong> de vie, la gratuité d’un geste. Cette dépense dans l’expérience de l’excès ou de la nuit noire<br />
rend, <strong>le</strong> jeu de l’autre, nécessaire.<br />
Fiction ou réalité ? Le regard de l’artiste peut paraître neutre. C’est principa<strong>le</strong>ment dans la transparence<br />
d’une prise de vue que s’opèrent <strong>le</strong> témoignage et l’identification. Sa participation par une voix<br />
hors champ, <strong>le</strong> té<strong>le</strong>scopage des émissions et de musiques choisies, <strong>le</strong> partage d’un verre de l’amitié<br />
transforme ce documentaire fiction en expérience commune. En manifestant son travail dans la rue<br />
ou en l’exposant dans un hôpital de gériatrie, Ulice Deborne prend <strong>le</strong> parti d’une culture non artistique<br />
et rapproche l’art de la vie.<br />
<strong>Karine</strong> <strong>Maire</strong><br />
Ulice<br />
DEBORNE<br />
action culturel<strong>le</strong> 23
Chou – LC<br />
(installation, latex, 3m de long, 2004)<br />
Chou viande<br />
(sculpture, tissu en coton, 100 x 80 x 30cm, 2003)<br />
Variation de choux dont la dénonciation séduirait José Bové. Suspendus ou posés au sol, ces choux<br />
sont monumentaux, déjà transgéniques par <strong>le</strong>ur dimension. Cet organisme génétiquement modifié<br />
(O.G.M.) l’est par sa matière et son espèce. De coton ou de latex, il relève d’une transformation de<br />
la matière naturel<strong>le</strong> en matière artificiel<strong>le</strong> : fruit du cotonnier en tissu industriel, sève de l’hévéa en<br />
latex synthétique. La manipulation se fait aussi au niveau de l’espèce, véritab<strong>le</strong> chou mutant, <strong>le</strong> végétal<br />
se transforme en animal. Ce transfert du gène animal vers l’espèce végéta<strong>le</strong> suscite une menace,<br />
cel<strong>le</strong> d’une apocalypse écologique où l’on serait amené à force de manipulations biologiques (transgenèse<br />
et eugénisme) à développer une forme de cannibalisme. Cette vision se rapproche du film de<br />
science fiction de Richard F<strong>le</strong>ischer de 1973, Le so<strong>le</strong>il vert dans <strong>le</strong>quel, en 2022, la nature est tota<strong>le</strong>ment<br />
détruite, l’homme devant se nourrir de pilu<strong>le</strong>s vertes provenant de cadavres humains. Ces<br />
représentations fonctionnent comme un avertissement. Les choux sont d’autant plus plausib<strong>le</strong>s, vraisemblab<strong>le</strong>s<br />
que <strong>le</strong> réel est reproduit avec exactitude. Le moulage en latex pour l’un et <strong>le</strong> modelage<br />
de la forme réel<strong>le</strong> pour l’autre servent <strong>le</strong> propos du trompe-l’œil. L’imitation de la réalité cherche à<br />
abuser <strong>le</strong>s sens, à tromper <strong>le</strong> spectateur non pas dans <strong>le</strong> but de l’endormir mais de stimu<strong>le</strong>r son jugement<br />
: « s’agit-ils d’un chou ou non ? » une question que se poserait <strong>le</strong> consommateur face à une<br />
tel<strong>le</strong> marchandise. L’illusion est au service d’une intention de faire sens, de servir <strong>le</strong> propos de la<br />
manipulation.<br />
<strong>Karine</strong> <strong>Maire</strong><br />
Yi-Chu<br />
CHEN<br />
action culturel<strong>le</strong> 25
Under construction<br />
Dans <strong>le</strong> cadre de la planification du gouvernement et des promoteurs immobiliers de Shangaï, chaque<br />
année, presque 100000 famil<strong>le</strong>s sont obligées de déménager avant que <strong>le</strong>ur maison soit détruite. Under<br />
construction est une vidéo composée de photographies animées et de vidéos documentaires.<br />
Zhenchen Liu propose un seul et unique plan séquence à travers la destruction d’un quartier de<br />
Shangaï. Avec l’animation 3D, <strong>le</strong> regard survo<strong>le</strong> <strong>le</strong>s décombres et passe à travers <strong>le</strong>s fenêtres des<br />
façades de bâtiments à moitié démolis. Les images en deux dimensions sont détourées et assemblées<br />
à d’autres photographies animées par l’illusion 3D. Certaines images fixes se mê<strong>le</strong>nt à des images en<br />
mouvement de personnages fantomatiques ou de vues de bulldozer menaçant. Cette animation pourrait<br />
s’apparenter à une fiction, si l’artiste n’y avait pas intégré des reportages sur des personnes maltraitées<br />
par <strong>le</strong>s promoteurs. Les gens sont non seu<strong>le</strong>ment expulsés, chassés de chez eux mais doivent<br />
payer pour partir ou sont battus à mort s’ils résistent. L’artiste nous montre <strong>le</strong>s dessous de la<br />
construction d’une métropo<strong>le</strong> mondia<strong>le</strong>, centre financier de l’Asie, qui a été choisie pour montrer ses<br />
innovations à l’Exposition Universel<strong>le</strong> 2010.<br />
<strong>Karine</strong> <strong>Maire</strong><br />
Zhenchen<br />
LIU<br />
action culturel<strong>le</strong> 27