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ur<br />
Pour François Cluzet, pas question<br />
de pleurnicher sur les déboires<br />
d’un type en fauteuil roulant.<br />
Rencontre à Paris avec l’acteur qui<br />
donne des ailes aux Intouchables.<br />
n par mathieu Chantelois<br />
Il a la tête de l’emploi: des yeux doux et un<br />
sourire ravageur. Tant lors de cette entrevue à Paris que<br />
dans le long-métrage Intouchables, François Cluzet sait<br />
utiliser ses plus beaux atours. Son regard lumineux ne<br />
cache pas le plaisir qu’il prend à parler de son plus récent<br />
film. Et pour cause, la nouvelle réalisation du «golden duo»<br />
du cinéma français (Éric Toledano et Olivier Nakache) est<br />
remarquable. Déjà, la production cinématographique a<br />
battu tous les records au box-office en France. On y fait la<br />
rencontre d’un duo improbable (Cluzet campe un aristocrate<br />
tétraplégique, tandis qu’Omar Sy joue un voyou).<br />
En toile de fond, une superbe métaphore sur nos cousins<br />
français parfois paralysés par leurs vieux préjugés et la<br />
force de la jeunesse issue de l’immigration.<br />
Quel a été le moment le plus<br />
marquant de toute l’aventure<br />
des Intouchables?<br />
Ma rencontre avec Philippe Pozzo<br />
di Borgo, à qui l’accident est arrivé.<br />
Il a accepté qu’on transpose<br />
son histoire au grand écran en<br />
n’exigeant qu’une chose: qu’on<br />
en fasse une <strong>com</strong>édie. Il se méfiait<br />
de la pitié et de la <strong>com</strong>passion. C’est un type très solaire. Il a envie de<br />
rire. Il n’y a pas beaucoup d’handicapés tétraplégiques qui ont envie<br />
de rire, parce qu’ils vivent un vrai calvaire. Lui, il a fait sienne cette<br />
volonté de l’échange. Il a <strong>com</strong>pris qu’il avait le choix entre mourir de<br />
chagrin ou vivre heureux.<br />
A-t-il bousculé vos perceptions?<br />
Totalement! Par exemple, j’ai remarqué qu’on ne demande jamais<br />
l’heure à un handicapé dans la rue. On demande à un type valide. On a<br />
l’impression qu’il va dire: «Oh, je ne peux pas», alors qu’ils ont l’heure!<br />
On ne leur adresse pas la parole, on les nie. C’est regrettable.<br />
Quel a été votre plus grand défi pour donner vie à ce personnage?<br />
De ne jouer qu’avec mon visage. Je suis un acteur physique. J’enlève<br />
souvent des répliques dans les films. Je dis aux cinéastes: «Non, ça, je<br />
ne le dis pas, je le joue!» Là, heureusement que je n’ai rien enlevé parce<br />
que j’étais assez coincé <strong>com</strong>me ça.<br />
Quand avez-vous <strong>com</strong>pris le succès monstre que<br />
connaissait le film?<br />
Seulement lorsque j’ai vu le film devant un public. Les gens riaient<br />
sans arrêt, applaudissaient à la fin, se levaient! Puis, aussi dans la<br />
rue. Le monde me dit merci tout le temps. J’ai fait plein de films.<br />
D’habitude, ils me disent «bravo», ou «ah! C’est Cluzet». Maintenant,<br />
ils me disent merci <strong>com</strong>me si on leur avait donné quelque chose de<br />
supplémentaire. Je n’ai rien donné de plus qu’à un autre rôle, mais<br />
ils ont le sentiment que oui. Je les remercie en rappelant sans cesse<br />
que le cinéma est un sport collectif, ce n’est pas parce qu’on n’a pas<br />
la balle qu’on ne joue pas.<br />
avril 2012 | Le Magazine CinepLex | 23