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Scénario de Stéphane ACKEL - E-monsite

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TO PAC<br />

<strong>Scénario</strong> <strong>de</strong> <strong>Stéphane</strong> <strong>ACKEL</strong>


INT - WAGON DE MÉTRO PARISIEN – SOIR<br />

LE WAGON CIRCULE DANS UN TUNNEL.<br />

SUR UNE SONORITÉ MUSICALE RAP AUDIBLE MAIS LOINTAINE ET DE<br />

MAUVAISE QUALITÉ, dans un wagon <strong>de</strong> métro qui traverse un tunnel, un groupe <strong>de</strong><br />

3 JEUNES LYCÉENS (un afro, un asiatique et un arabe, pantalon <strong>de</strong> jogging, teeshirt<br />

large, casquette, bandana) sourient, leur attention attirée vers le milieu <strong>de</strong> la<br />

rame, à en croire la direction et la portée <strong>de</strong> leurs regards…<br />

(l'un après l'autre, les visages éteints <strong>de</strong>s USAGERS assis, en même temps que LE<br />

VOLUME DE LA MUSIQUE AUGMENTE jusqu’à…)<br />

…côté fenêtre dans un carré, GIA(NELLI) qui bouge la tête sous la capuche en<br />

ca<strong>de</strong>nce d’un RAP (50CENT & EMINEM « You don’t know ») qu'il ÉCOUTE À FOND<br />

LES ÉCOUTEURS, anorak streetwear sans manche en guise d'armure.<br />

Face à lui, une JEUNE FEMME TRÈS BELLE le dévisage avec la volonté évi<strong>de</strong>nte<br />

<strong>de</strong> se faire abor<strong>de</strong>r.<br />

Sans effet sur Gia qui continue <strong>de</strong> bouger la tête en rythme. Au SON<br />

CARACTÉRISTIQUE DU FREINAGE SUR LES RAILS, il abaisse sa capuche :<br />

visage dur, cheveux noirs gominés, nuque et tempes rasées.<br />

La rame le long du quai, Gia se lève, le casque toujours vissé sur les oreilles, un sac<br />

<strong>de</strong> sport qu’il amène à hauteur d’épaules. Au SON D’OUVERTURE DES PORTES<br />

DU WAGON, il s’extraie prestement du carré sans prêter la moindre attention à son<br />

« admiratrice ». Déjà la SONNERIE ANNONÇANT LA FERMETURE IMMINENTE<br />

DES PORTES <strong>de</strong> la rame.<br />

EXT - LA NPE : UNE DES AGENCES PARISIENNES – JOUR<br />

Gia rentre à la NPE (la Nationale Pour l'Emploi) située en plein centre ville (BRUITS<br />

DE LA CIRCULATION BIEN PRÉSENTS et foule <strong>de</strong> passants sur le trottoir). Il est<br />

vêtu pour le bas d’un pantalon <strong>de</strong> jogging coupe large, <strong>de</strong> baskets blanches usées.<br />

INT - LA NPE : BUREAU DE MOMO – JOUR<br />

Des mains referment un dossier. Puis le visage <strong>de</strong> MOMO, un homme d'âge mûr,<br />

cheveux grisonnants, teint rubicond tranchant avec le coloris pastel <strong>de</strong> sa<br />

chemisette. Bon vivant et malgré tout, guère jovial, il SOUPIRE pour ajouter à la<br />

sinistrose ambiante. Enfin il se déci<strong>de</strong> à parler.<br />

1


MOMO<br />

Nous avions ren<strong>de</strong>z-vous à 9h00 ce matin,<br />

Monsieur Gianelli.<br />

Il est 4 heures <strong>de</strong> l'après-midi.<br />

C'est quoi cette fois-ci ? Mh ?<br />

Probablement encore une <strong>de</strong> vos pannes<br />

d'oreiller...<br />

(quelques secon<strong>de</strong>s d'un silence<br />

pesant)<br />

Eeet bien... ne répon<strong>de</strong>z pas. Ça n'est pas<br />

moi qui vais me retrouver r-a-d-i-é<br />

(prononcé à l'américaine)...<br />

(toujours un silence <strong>de</strong> mort en<br />

retour)<br />

Bon ! Je vois. Tu en as marre <strong>de</strong> mes<br />

questions, là...<br />

(silence n°3 et soupir n° 2)<br />

Mais putain ! Réagis, bon sang ! Ai<strong>de</strong>-moi à<br />

t'ai<strong>de</strong>r. Ressaisis-toi, là... quoi ? Qu'est-ce<br />

qui va pas ?<br />

Qu'est-ce qui cloche chez toi ?<br />

Le visage <strong>de</strong> Gia reste <strong>de</strong> marbre, regard désabusé.<br />

EXT – CITÉ « LES GROUX » – JOUR (FIN D'APRÈS-MIDI D'ÉTÉ)<br />

Au loin, plusieurs barres d'immeuble se dressent vers le ciel dont la luminosité<br />

commence à décliner en cette fin d'après-midi d'été. Gia, sac <strong>de</strong> sport sur l'épaule,<br />

grimpe les nombreuses buttes couvertes <strong>de</strong> pelouses diversement entretenues pour<br />

se diriger vers les tours <strong>de</strong> béton.<br />

EXT – CITÉ « LES GROUX » – JOUR (FIN D'APRÈS-MIDI D'ÉTÉ)<br />

Gia se déplace entre les murs <strong>de</strong> la cité, la démarche dure à l’allure décidée. Sur son<br />

chemin, il ne croise personne jusqu'à…<br />

…un groupe <strong>de</strong> 3 blacks, squattant une entrée d'immeuble. LIBASS est assis à<br />

même le sol. VERNON et MIKE sont adossés <strong>de</strong> chaque côté <strong>de</strong> l'entrée. Gia passe<br />

<strong>de</strong>vant sans leur prêter attention.<br />

2


LIBASS<br />

(prononce quelques mots<br />

inaudibles après le passage <strong>de</strong><br />

Gia)<br />

Aussitôt, sans prévenir, Gia revient sur ses pas et fond sur Libass. Il le « savate »<br />

<strong>de</strong>vant Vernon et Mike médusés par la soudaineté <strong>de</strong> l’attaque et la violence <strong>de</strong>s<br />

coups portés. Ceux-ci, pourtant <strong>de</strong>s costauds, s'écartent même quelque peu.<br />

VERNON<br />

Hey putain d'barge, Gianelli !<br />

MIKE<br />

Vas-y, là ! Tu veux l'tuer ou quoi !?<br />

Gia ne ralentit pas la fréquence <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> poings qu'il alterne <strong>de</strong> coups <strong>de</strong> pied<br />

hargneux.<br />

LIBASS<br />

(suppliant d'un ton larmoyant)<br />

Aïe, aïe, putain man, arrête, j't'en supplie,<br />

arrête...<br />

Encore une série et Gia cesse la bastonna<strong>de</strong> aussi soudainement qu'il l'a<br />

commencé. Vidé (presque « cassé en <strong>de</strong>ux »), il s’écarte puis recule, laissant Libass<br />

se tenir les côtes en SANGLOTS. Guère rassurés (ils gar<strong>de</strong>nt un oeil sur Gianelli),<br />

Vernon et Mike se penchent aussitôt sur Libass. Gia continue <strong>de</strong> reculer, PEINANT À<br />

RETROUVER SON SOUFFLE. Arrivé au niveau <strong>de</strong> son sac <strong>de</strong> sport, il s’arrête,<br />

plaque en arrière les mèches rebelles sur son crâne avant <strong>de</strong> ramener le sac sur son<br />

épaule. Il RETROUVE QUELQUE PEU UNE RESPIRATION NORMALE mais la rage<br />

dans ses yeux !... Finalement, il se redresse, recule encore…<br />

…<strong>de</strong> quelques pas et s'en retourne.<br />

INT - HLM GIA : CAGE D’ESCALIER – JOUR (FIN D'APRÈS-MIDI D'ÉTÉ)<br />

Gia pousse la porte d'entrée d’un immeuble.<br />

Dans la cage d'escalier, il s'arrête machinalement près <strong>de</strong>s boîtes aux lettres (<strong>de</strong>s<br />

taguées, <strong>de</strong>s ouvertes !) pour fouiller dans la poche <strong>de</strong> son pantalon <strong>de</strong> survêtement.<br />

3


Il en sort un trousseau <strong>de</strong> clés dont l'une lui sert à ouvrir une boîte taguée « rital <strong>de</strong><br />

mer<strong>de</strong> », « forza Ritalia », « va fanculo mama ».<br />

À l'intérieur, un petit pli postal assez épais surplombe une quantité impressionnante<br />

<strong>de</strong> prospectus et autres brochures publicitaires. La main <strong>de</strong> Gia s'en empare et le<br />

retourne. Sur le verso le nom et l'adresse <strong>de</strong> l'expéditeur :<br />

Côté recto, le <strong>de</strong>stinataire :<br />

2Pac<br />

FAN CLUB<br />

PO Box 2694, Decatur, GA 30031<br />

USA<br />

Gianfranco GIANELLI<br />

(reproduire ici une adresse <strong>de</strong><br />

fiction)<br />

4


INT – SÉQUENCE GÉNÉRIQUE EN STUDIO – JOUR NUIT<br />

Sur la CHANSON « PAC’S LIFE » INTERPRÉTÉE PAR 2PAC,<br />

LES NOMS AU GÉNÉRIQUE S’ENCHAÎNENT EN INCRUST.<br />

Une pure chorégraphie hip hop, véritable démonstration, est exécutée en studio par<br />

une succession <strong>de</strong> TROUPES DE DANSEURS HIP HOP, dont la moyenne d’âge<br />

augmente au fil <strong>de</strong> la chanson, passant d’ENFANTS à JEUNES ADULTES.<br />

De même, les tenues vestimentaires voient leurs coloris (assortis pour chaque<br />

troupe) s’assombrir au fur et à mesure <strong>de</strong> la chanson, passant du blanc au gris<br />

(plusieurs niveaux intermédiaires) pour finir en noir.<br />

5


INT - HLM GIA : COULOIR ÉTAGE DE GIA – SOIR<br />

Gia se déplace la démarche cool et chaloupée dans un couloir à l’éclairage jaune<br />

palot, dont il dépasse porte après porte situées sur chaque côté. Il s’arrête côté<br />

gauche <strong>de</strong>vant l’une d’entre elle et rentre la clé dans la serrure.<br />

Au milieu <strong>de</strong> ce long couloir, plutôt étroit, il pousse la porte et rentre.<br />

INT - APPARTEMENT DES GIANELLI : VESTIBULE / HALL D’ENTRÉE – JOUR<br />

Gia apparaît dans l’entrée et referme la porte <strong>de</strong>rrière lui. Il laisse tomber son sac…<br />

…à ses pieds et à ceux du meuble, une commo<strong>de</strong> en tec, du mobilier bon marché et<br />

mo<strong>de</strong>ste. Ses pieds, qu’il libère <strong>de</strong>s baskets usées jusqu’à la trame.<br />

Il se sépare du trousseau <strong>de</strong> clés dans le vi<strong>de</strong>-poche mais gar<strong>de</strong> le pli postal à la<br />

main.<br />

GIA<br />

Papa ?... T’es là ?...<br />

La main libre dans la poche du jogging, il s’engage dans l’appartement, les épaules<br />

voûtées, la démarche en canard. Il dépasse une porte ouverte sur sa gauche à<br />

laquelle il jette un coup d’œil sans enjeu. Mais voilà qu’il bloque net et se penche en<br />

arrière, façon cartoon.<br />

INT - APPARTEMENT DES GIANELLI : CUISINE – JOUR<br />

Gia apparaît dans l’encadrement <strong>de</strong> la porte, toujours penché en arrière dans cette<br />

drôle <strong>de</strong> position comique qui rappelle franchement un personnage <strong>de</strong> cartoon<br />

américain.<br />

Dans la cuisine, <strong>de</strong> la vaisselle sale remplit l’évier. Deux tartines carbonisées sont en<br />

position éjectée dans l’antique grille-pain. Sur la petite table couverte d’une toile cirée<br />

<strong>de</strong> mauvais goût, un bol <strong>de</strong> café noir dans lequel une tartine beurrée n’est plus<br />

qu’une bouillie spongieuse. De la moisissure recouvre le beurre ouvert sur la table et<br />

du vin rouge colore le fond du verre. Guère plus dans la bouteille dont s’empare Gia,<br />

le regard dur et sévère :<br />

6


GIA<br />

C’est pas vrai !<br />

INT - APPARTEMENT DES GIANELLI : CHAMBRE DU PÈRE – NUIT<br />

Une forme indistincte dans l’obscurité <strong>de</strong> la pièce et en provenance d’un autre<br />

endroit <strong>de</strong> l’appartement, la VOIX DE GIA SE RAPPROCHE.<br />

GIA<br />

(off)<br />

Papa !... T’as r’mis ça !<br />

Les RONFLEMENTS qui montent du noir COUVRENT PRESQUE LA VOIX...<br />

DERRIÈRE LA PORTE !<br />

GIA<br />

(off)<br />

Réponds, je sais qu’t’es là !<br />

La lumière naturelle du couloir éclaire la chambre. Effondré sur la <strong>de</strong>scente <strong>de</strong> lit, un<br />

bras sur le matelas, FRANCESCO GIANELLI est en plein somme.<br />

GIA<br />

(se précipitant sur le corps<br />

inanimé)<br />

Oh papa…<br />

Au prix d’un léger effort, Gia parvient à remonter puis à réinstaller son père sur le lit.<br />

Il peut contempler…<br />

…le vieux corps sec et malingre toujours endormi, RONFLANT EN SOURDINE,<br />

comme apaisé.<br />

Un sourire amusé naît sur le visage <strong>de</strong> Gia, qui secoue la tête, l’air <strong>de</strong> signifier avec<br />

tendresse « Incorrigible !... ».<br />

Sur quoi, il s’en retourne.<br />

Arrivé à la porte, la main sur le chambranle, il adresse un <strong>de</strong>rnier regard en direction<br />

du lit. L’amusement fait place à la mélancolie.<br />

Il baisse la tête et quitte la pièce, qui se trouve replongée dans la pénombre.<br />

7


INT - APPART DES GIANELLI : VESTIBULE / HALL D’ENTRÉE → COULOIR – JOUR<br />

Dans l’entrée, Gia reprend son sac et le gar<strong>de</strong> à bout <strong>de</strong> bras pour parcourir le<br />

couloir, bifurquer dans la cuisine, en ressortir le pli à la main et s’enfoncer un peu<br />

plus dans l’appartement.<br />

INT - APPARTEMENT DES GIANELLI : CHAMBRE DE GIA – JOUR<br />

Gia rentre sans joie dans sa chambre. Il laisse tomber son sac <strong>de</strong>rrière la porte et<br />

jette le pli au <strong>de</strong>vant <strong>de</strong> lui. Le paquet atterrit sur un lit défait au fond <strong>de</strong> la pièce.<br />

Gia marque un temps immobile, comme sonné, puis vient s’asseoir sur le lit. Le<br />

corps en avant et le regard vi<strong>de</strong>, il reste quelques secon<strong>de</strong>s ainsi.<br />

Enfin il pose la main sur sa nuque et effectue quelques mouvements<br />

d’assouplissement avec sa tête. S’empare du pli, se lève et commence à l’ouvrir en<br />

partant sur la gauche, vers le meuble hi-fi encastré entre bureau et armoire.<br />

Ses mains sortent un CD du paquet, en ouvrent l’emballage et s’en débarrasse sur le<br />

bureau. Puis l’une sort le CD <strong>de</strong> son boîtier pour le rentrer dans le lecteur <strong>de</strong> chaîne.<br />

Lecture…<br />

Les PREMIERS BEATS envahissent la pièce : UN INÉDIT DE 2PAC, le SON BRUT<br />

D’UNE SESSION D’ENREGISTREMENT EN STUDIO. Gia enlève son anorak sans<br />

manche qu’il accroche sur son dossier <strong>de</strong> chaise.<br />

Vient le rejoindre à cet endroit son sweat à capuche.<br />

Gia se retrouve torse nu (une musculature développée). Il ouvre la porte <strong>de</strong> son<br />

armoire.<br />

De <strong>de</strong>rrière une pile <strong>de</strong> vêtements, sa main sort une boule <strong>de</strong> papier aluminium <strong>de</strong> la<br />

taille d’une balle <strong>de</strong> golf.<br />

Il se retourne, referme la porte <strong>de</strong> l’armoire avec le pied et d’un mouvement <strong>de</strong><br />

service tennistique, sa main en guise <strong>de</strong> raquette, envoie la boule d’alu s’écraser<br />

contre le mur pour qu’elle retombe sur son lit.<br />

Gia se dirige avec contentement dans la direction <strong>de</strong> son « tir ».<br />

DEUXIÈME INÉDIT DE 2PAC (TOUJOURS LE SON BRUT D’UNE SESSION<br />

D’ENREGISTREMENT EN STUDIO).<br />

Gia, à nouveau assis sur le lit, tient un « pétard » entre ses doigts experts. Il ne tar<strong>de</strong><br />

pas à l’allumer au briquet, à tirer <strong>de</strong>ssus et à faire sortir <strong>de</strong> sa bouche une fumée<br />

abondante d’un air satisfait.<br />

8


POV GIA<br />

Derrière l’épais ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> fumée, on aperçoit le ciel. La nuit est quasiment tombée à<br />

présent. Alors que le premier nuage <strong>de</strong> fumée s’est presque dissipé, un <strong>de</strong>uxième<br />

vient rendre le champ <strong>de</strong> vision <strong>de</strong> plus en plus embrumé. Notre vision <strong>de</strong> la fenêtre<br />

penche sensiblement sur la gauche puis plus franchement jusqu’à se retrouver à<br />

contempler le plafond fissuré au-<strong>de</strong>ssus du lit.<br />

FIN POV GIA<br />

Gia est allongé, une main sous la nuque, l’autre ramenant le « pétard » du cendrier<br />

posé sur son ventre nu à ses lèvres. Troisième bouffée. La fumée monte, s’oriente<br />

vers le milieu <strong>de</strong> la pièce. Elle commence à se disperser laissant apparaître les murs<br />

<strong>de</strong> la chambre couverts <strong>de</strong> posters <strong>de</strong> 2PAC.<br />

Gia toujours allongé sur son lit, toujours en mo<strong>de</strong> fumette tandis que se poursuit la<br />

visite <strong>de</strong>s fresques murales consacrées à l’artiste dont LA VOIX ÉMANENT DES<br />

HAUT-PARLEURS. Une SONNERIE REPRENANT UN BEAT DE CE DERNIER se<br />

fait entendre AU-DESSUS DE LA MUSIQUE.<br />

Gia que cette sonnerie sort <strong>de</strong> sa léthargie, plonge sa main dans sa poche <strong>de</strong><br />

jogging, en sort son portable et regar<strong>de</strong> l’écran.<br />

Sur lequel est affiché :<br />

Gia décroche.<br />

Gia lâche le téléphone sur le lit et se lève.<br />

Mister O<br />

GIA<br />

(timbre blasé)<br />

Ouais enfoiré. Alors c’est bon ?... Ben vas-y,<br />

j’arrive alors… ouais<br />

Il tombe son pantalon <strong>de</strong> jogging et se dirige en boxer et chaussettes vers la porte,<br />

plus justement sur l’interrupteur à côté, dont il actionne le mécanisme. Une lumière<br />

jaune domestique éclaire la pièce. Il va vers l’armoire, ouvre le côté gauche, prend<br />

un vêtement, un pantalon qu’il enfile avec aise : coupe baggy.<br />

Il choisit un tee-shirt avec sérieux.<br />

Il le passe, prend une <strong>de</strong>rnière chose et referme la porte.<br />

Gia se reflète dans la glace fixée sur la porte. Il noue un bandana sur sa tête, l’ajuste<br />

avec soin, façon 2pac. Il ouvre l’autre porte <strong>de</strong> l’armoire et récupère sur sa droite une<br />

casquette qu’il dépose sur sa tête et visse d’un geste précis.<br />

Dans le bas, il récupère… une paire <strong>de</strong> baskets.<br />

9


On les retrouve aux pieds <strong>de</strong> Gia, ses mains achevant <strong>de</strong> nouer un lacet. Elles<br />

s’activent sur le sol <strong>de</strong> la chambre. Font une pause au milieu (hors champ, Gia passe<br />

son anorak sans manche), puis repartent sur quelques pas, nouvelle pause (hors<br />

champ, Gia met sa chaîne hors tension), LA MUSIQUE S’ARRÊTE. Les pieds<br />

repartent pour sortir <strong>de</strong> la pièce. On entend L’OUVERTURE DE LA PORTE,<br />

L’INTERRUPTEUR. Plus <strong>de</strong> lumière. Il fait noir. LA PORTE SE REFERME (OFF).<br />

INT - APPART DES GIANELLI : COULOIR HALL D’ENTRÉE / VESTIBULE – JOUR<br />

Gia <strong>de</strong> dos, est dans le couloir qui part <strong>de</strong> sa chambre. Il tourne à droite.<br />

Dans le couloir principal, il se dirige vers la sortie non sans marquer une courte<br />

pause <strong>de</strong>vant une porte à gauche, celle <strong>de</strong> la chambre du père. Il tend l’oreille. Un<br />

SON SOURD DE RONFLEMENTS est perceptible. Il repart. DÉBUT D’UN<br />

NOUVEAU SON RAP [« THUG LIFE » KERRY JAMES / MAFIA K1 FRY]<br />

(DIFFUSION CONDITION DU DIRECT, ENVIRONNEMENT EXTÉRIEUR).<br />

EXT - HLM GIA : DEVANT L’ENTRÉE COUR CENTRALE – SOIR<br />

SUITE DU SON RAP, PLUS CLAIR (RAPPROCHEMENT DE LA SOURCE)<br />

Gia passe la porte <strong>de</strong> l’immeuble. La MUSIQUE est ENCORE PLUS PRÉSENTE. Il<br />

se retrouve <strong>de</strong>hors sous l’éclairage orangé <strong>de</strong>s réverbères (la nuit est définitivement<br />

tombée). On suit puis laisse s’éloigner Gia EN DIRECTION DE LA SOURCE<br />

MUSICALE : une voiture customisée garée en plein milieu du terre-plein central,<br />

toutes portières ouvertes, AUTORADIO POUSSÉ A FOND. Des BLACKS VÊTUS<br />

STREETWEAR.<br />

Arrivé à hauteur, Gia salue façon rue black après black, sans en oublier aucun. À<br />

cette distance, la MUSIQUE À SON NIVEAU MAXIMUM, les PROPOS ECHANGÉS<br />

sont INAUDIBLES. Soudain un faisceau laser <strong>de</strong> couleur rouge s’invite dans le<br />

groupe. Origine : inconnue. Provenance : « du haut ».<br />

Gia est <strong>de</strong> dos. Un point rouge oscille sur le front <strong>de</strong> son interlocuteur direct,<br />

FRANCIS. De la sueur commence à perler puis à couler sur son visage.<br />

FRANCIS<br />

(à voix très très basse)<br />

Ouhla ouhla ouhla mec, j’aime pas ça là…<br />

mais alors j’aime pas ça du tout…<br />

Lenny, quelle position ?<br />

10


Une tête <strong>de</strong> black intello, LENNY, prenant la question très au sérieux, apparaît près<br />

du visage <strong>de</strong> la cible humaine Francis. Ses gros yeux ronds comme <strong>de</strong>s billes<br />

cherchent dans les hauteurs <strong>de</strong>rrière Gia.<br />

EXT - HLM MISTER O : FAÇADE FENÊTRE APPART DE MISTER O – SOIR<br />

SUITE « THUG LIFE » PAR KERRY JAMES / MAFIA K1 FRY<br />

POV LENNY<br />

On passe d’une fenêtre à une autre <strong>de</strong> la faça<strong>de</strong>. La plupart sont éclairées.<br />

Stabilisation sur l’une d’elle, aperçu fugitif et capillaire : une permanente, cheveux<br />

gris enroulé sur bigoudis.<br />

EXT - CITÉ « LES GROUX » : COUR CENTRALE – SOIR<br />

SUITE « THUG LIFE » PAR KERRY JAMES / MAFIA K1 FRY<br />

Lenny plisse les yeux tel le Vil Coyote et annonce :<br />

H1, B4<br />

LENNY<br />

Francis cherche à son tour sur la base <strong>de</strong>s indications…<br />

EXT - HLM MISTER O : FAÇADE – SOIR<br />

SUITE « THUG LIFE » PAR KERRY JAMES / MAFIA K1 FRY<br />

POV FRANCIS<br />

On fige sur une VIEILLE À BIGOUDIS occupée à fermer ses volets…<br />

11


EXT - CITÉ « LES GROUX » : COUR CENTRALE – SOIR<br />

SUITE « THUG LIFE » PAR KERRY JAMES / MAFIA K1 FRY<br />

Francis affiche une expression incrédule.<br />

FRANCIS<br />

Quoi ???<br />

Lenny recommence en silence en suivant ses propres coordonnées.<br />

LENNY<br />

Euh… H4B1, ‘cuse.<br />

Francis lui adresse un regard en coin, réprobateur. Un soupir. Il ne s’attar<strong>de</strong> pas,<br />

s’intéresse <strong>de</strong>rechef à la faça<strong>de</strong> le regard investigateur.<br />

EXT - HLM MISTER O : FAÇADE FENÊTRE APPART DE MISTER O – SOIR<br />

SUITE « THUG LIFE » PAR KERRY JAMES / MAFIA K1 FRY<br />

POV FRANCIS<br />

(Francis) tombe rapi<strong>de</strong>ment sur la bonne fenêtre. La MUSIQUE EN PROVENANCE<br />

DE L’AUTORADIO AU VOLUME TOUJOURS ÉLEVÉ. Des RIRES ÉTOUFFÉS<br />

pourtant.<br />

EXT - CITÉ « LES GROUX » : COUR CENTRALE – SOIR<br />

SUITE « THUG LIFE » PAR KERRY JAMES / MAFIA K1 FRY<br />

Une lueur naît dans le regard <strong>de</strong> Francis.<br />

FRANCIS<br />

(sans se retourner)<br />

Wesley, coupe la musique…non ! Plutôt,<br />

baisse le volume progressivement…<br />

12


Dans son dos, on (Wesley) obéit. Le VOLUME SONORE BAISSE<br />

PROGRESSIVEMENT. Les RIRES ÉTOUFFÉS parviennent PLUS DISTINCTement<br />

aux oreilles <strong>de</strong> ceux d’en bas, CLAIREMENT EN PROVENANCE DE LA FENÊTRE<br />

SUSPECTE.<br />

Gia se retourne et lance dans cette direction :<br />

GIA<br />

Karim, Nadia, c’est bon montrez-vous…<br />

Le point rouge lumineux vient <strong>de</strong> Francis à Gia, lui « gribouiller » virtuellement le<br />

visage.<br />

CHRIS<br />

(off)<br />

(forte tonalité efféminée)<br />

Bor<strong>de</strong>l vous z’avez pas bientôt fini vos<br />

conneries les filles !?<br />

On met un visage « biggie », celui <strong>de</strong> CHRIS - apparu à côté <strong>de</strong> Francis - sur la voix<br />

<strong>de</strong> tata, La moue fait penser à celle <strong>de</strong> Gary Coleman, l’Arnold <strong>de</strong> Willy…<br />

EXT - HLM MISTER O : FENÊTRE APPART DE MISTER O – SOIR<br />

SUITE « THUG LIFE » PAR KERRY JAMES / MAFIA K1 FRY (EN SOURDINE)<br />

DEUX TÊTES apparaissent pour disparaître aussitôt <strong>de</strong>rrière le rebord <strong>de</strong> la fenêtre<br />

dans un DUO DE RIRES DE HYÈNES.<br />

EXT - CITÉ « LES GROUX » : COUR CENTRALE – SOIR<br />

SUITE ET FIN « THUG LIFE » PAR KERRY JAMES / MAFIA K1 FRY (EN<br />

SOURDINE)<br />

Chris affiche toujours une expression <strong>de</strong> mécontentement. Quand cette version<br />

masculine et hip hop (!) d’Hattie Mc Daniels se déci<strong>de</strong> à passer à l’action !<br />

CHRIS<br />

Putain j’vais m’les faire ces salopes !<br />

13


DÉMARRAGE « GUERRE » PAR MAFIA K1 FRY (EN SOURDINE)<br />

« Elle » est bloquée par Gia qui lui barre la route tandis que les autres « la »<br />

retiennent avec toutes les peines du mon<strong>de</strong>. Le point lumineux revenu gribouiller son<br />

visage suscite sa rage, décuple ses forces.<br />

LES AUTRES BLACKS<br />

(off – voix mêlées)<br />

Calme-toi gros !... Reste cool, man… Ouais<br />

take it easy, Biggie… hi hi hi…<br />

Les RIRES D’EN HAUT rajoutés au point rouge, entretiennent la colère <strong>de</strong> Chris.<br />

CHRIS<br />

Râââh lâchez-moi ! J’ai la haiiine…<br />

Ses potes continuent <strong>de</strong> le contenir et éclatent d’un RIRE BON ENFANT.<br />

Gia affiche un large sourire, « Biggie Chris » plein les bras, et parvient à se retourner<br />

vers la source à ennuis.<br />

GIA<br />

Allez c’est bon là. Arrête <strong>de</strong> faire l’gamin,<br />

Karim !...<br />

EXT - HLM MISTER O : FENÊTRE APPART DE MISTER O - SOIR<br />

SUITE « GUERRE » PAR MAFIA K1 FRY (EN SOURDINE)<br />

Un petit drapeau blanc et remuant fait son apparition à l’endroit <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux têtes<br />

entrevues précé<strong>de</strong>mment.<br />

EXT - CITÉ « LES GROUX » : COUR CENTRALE – SOIR<br />

SUITE « GUERRE » PAR MAFIA K1 FRY (EN SOURDINE)<br />

GIA<br />

Pfffh… n’importe quoi !<br />

14


Gia lève le barrage, mains sur les cuisses pour reprendre son souffle, regard<br />

entendu levé vers la fenêtre. Les autres relâchent leur étreinte. Chris, assagi, assène<br />

quelques tapes sur les <strong>de</strong>rniers retardataires, encore accrochés à son survêt’ !<br />

Se réajustant <strong>de</strong> partout :<br />

CHRIS<br />

Lâchez-moi ! Lâchez-moi ! Bas les pattes !<br />

Vos sales pattes !<br />

CHRIS<br />

(ton cinglant)<br />

Quand à vous mes chéries là-haut vous<br />

per<strong>de</strong>z rien pour attendre !<br />

GIA<br />

(redressé, souffle repris)<br />

Bon, négros, c’est pas que j’m’ennuie mais là<br />

le <strong>de</strong>voir m’appelle, si vous voyez c’que<br />

j’veux dire.<br />

QUELQUES RIRES GRAS ET ENTENDUS répon<strong>de</strong>nt aux <strong>de</strong>rniers mots allusifs <strong>de</strong><br />

Gia qui n’y prête pas attention et prend congé <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>s négros constituant la<br />

joyeuse ban<strong>de</strong> sans en oublier aucun. ll termine par le gros morceau qu’il enserre,<br />

amène contre son épaule et flatte d’une tape amicale dans le dos.<br />

Gia et Chris se regar<strong>de</strong>nt avec respect.<br />

GIA<br />

Allez, Chris. Faut qu’tu calmes un peu. Tu<br />

prends tout trop au sérieux, vieux.<br />

CHRIS<br />

Ouais je sais chéri. T’as p’têt raison.<br />

N’empêche que ce sont pas <strong>de</strong>s choses à<br />

faire.<br />

On plaisante pas avec ça.<br />

GIA<br />

C’est toi qu’à raison, Chrissie. Je vais leur<br />

passer un d’ces savons.<br />

15


Il sert le poing avec une grimace affichant le second <strong>de</strong>gré et un sourire.<br />

CHRIS<br />

Salue-les pour moi ces enfoirés !<br />

Gia approuve <strong>de</strong> la tête et recule, adressant un <strong>de</strong>rnier regard circulaire à toute la<br />

ban<strong>de</strong>.<br />

THÈME MUSICAL ORIGINAL : DRAMATIQUE, TEMPO LENT, TONALITÉ TRISTE<br />

(OVER)<br />

Les visages se succè<strong>de</strong>nt. Des yeux à l’humeur rougie par la conjugaison <strong>de</strong> la<br />

fumette et du manque <strong>de</strong> sommeil.<br />

(Durant cette présentation, Gia a eu le temps <strong>de</strong> s’en retourner vers la tour dans son<br />

dos).<br />

EXT - PORCHE FENÊTRE APPART DE MISTER O PORCHE – SOIR<br />

SUITE THÈME MUSICAL ORIGINAL (OVER)<br />

Gia est tout proche du porche, regard au sol. Une bombe à eau vient s’exploser à<br />

ses pieds.<br />

Un SCRATCH MET FIN AU THÈME MUSICAL. REPRISE « GUERRE » PAR MAFIA<br />

K1 FRY (À PLEIN VOLUME)<br />

Surpris, Gia recule.<br />

GIA<br />

Râââh putain !!!<br />

Il lève la tête vers les hauteurs <strong>de</strong> la tour. Les MÊMES RIRES ÉTOUFFÉS DE<br />

HYÈNES <strong>de</strong> la même fenêtre, coupable toute désignée dans l’axe du point <strong>de</strong> chute<br />

<strong>de</strong> la bombe H2O.<br />

Dans son dos, <strong>de</strong>s RIRES AUX ÉCLATS !<br />

Gia tourne la tête lentement vers l’endroit quitté il y a peu.<br />

16


EXT - CITÉ « LES GROUX » : COUR CENTRALE – SOIR<br />

SUITE « GUERRE » PAR MAFIA K1 FRY (À PLEIN VOLUME)<br />

Toute la ban<strong>de</strong> est pliée en <strong>de</strong>ux <strong>de</strong> RIRES À GORGES DÉPLOYÉES.<br />

EXT - HLM MISTER O : PORCHE – SOIR<br />

SUITE « GUERRE » PAR MAFIA K1 FRY (À PLEIN VOLUME)<br />

La face <strong>de</strong> Gia est figée dans une grimace comique marquant son incrédulité. Il<br />

tourne la tête vers le spectateur (!), sobre à l’inexpressif.<br />

Il remet sa tête dans l’axe.<br />

GIA<br />

(pour lui-même)<br />

J’y crois pas.<br />

Il lève brièvement le nez vers la fenêtre et pénètre dans l’immeuble.<br />

GIA<br />

(pour lui-même)<br />

J’y crois pas.<br />

La silhouette <strong>de</strong> Gia disparaît <strong>de</strong>rrière les portes battantes. Remontée le long <strong>de</strong> la<br />

faça<strong>de</strong>.<br />

EXT - HLM MISTER O : FENÊTRE APPART DE MISTER O – SOIR<br />

SUITE « GUERRE » PAR MAFIA K1 FRY (À PLEIN VOLUME)<br />

Arrivé à hauteur <strong>de</strong> la fenêtre,<br />

KARIM<br />

(off – fort accent <strong>de</strong> jeune <strong>de</strong>s<br />

cités)<br />

Vas-y, le v’là qui monte.<br />

17


On rentre dans l’appart par cette ouverture, dans le redressement puis le repli <strong>de</strong><br />

Karim vers l’intérieur.<br />

INT - APPART MISTER O : PIÈCE COMMUNE – SOIR<br />

SUITE « GUERRE » PAR MAFIA K1 FRY (À PLEIN VOLUME)<br />

C’est une nuque rasée d’une peau au hâle naturel, un haut brodé musulman sur <strong>de</strong>s<br />

épaules larges et carrées et sa démarche fière et chaloupée qui caractérisent notre<br />

gui<strong>de</strong>, KARIM, jeune arabe <strong>de</strong> banlieue, sportif (ou naturellement bien bâti).<br />

KARIM<br />

(off - plus excitée)<br />

Vas-y, le v’là qui monte.<br />

Karim se dirige vers un vieux sofa déglingué où l’atmosphère est enfumée et où on<br />

découvre <strong>de</strong> longues jambes en tenue <strong>de</strong> camouflage <strong>de</strong> l’armée américaine.<br />

KARIM<br />

(off - excitée)<br />

Vas-y le v’là qui monte.<br />

Mister O, fini l’bédo ! Au boulot !<br />

Karim s’écroule sur le ventre couvert d’un tissu rouge sombre avec le célèbre <strong>de</strong>ssin<br />

représentant le portrait du Che.<br />

FIN « GUERRE » PAR MAFIA K1 FRY (FADE)<br />

Les jambes <strong>de</strong> Mister O partent en l’air, ses grands pieds noirs chaussés d’antiques<br />

pataugas en cuir aux lanières distendues ou mal fixées.<br />

MISTER O<br />

(off – voix nasale)<br />

Putain Karim, tu fais chier, mer<strong>de</strong> !<br />

Ses longs bras nus et d’un noir profond repoussent Karim d’un côté, le « cône » à<br />

l’opposé.<br />

Karim pèse <strong>de</strong> toute sa masse musculaire secouée <strong>de</strong> SPASMES RIGOLARDS sur<br />

le pauvre Mister O, coincé !<br />

Une troisième personne fait son apparition pour tirer sur le corps <strong>de</strong> Karim.<br />

18


NADIA<br />

(off – accent typée fille <strong>de</strong> cité)<br />

Karim, vas-y t’es chiant, là ! Arrête <strong>de</strong> faire<br />

l’gamin !<br />

Les efforts conjugués Nadia + Mister O paient et le corps <strong>de</strong> Karim est soulevé juste<br />

ce qu’il faut pour que Mister O parvienne à se décaler sur le sofa et laisse s’affaler la<br />

masse, toujours en prise avec un VIOLENT FOU RIRE, dans le creux encore chaud.<br />

Mister O s’extirpe difficilement du sofa pour se retrouver sur ses <strong>de</strong>ux jambes.<br />

MISTER O<br />

Ouh !... Nadia a raison, mec. T’es qu’un<br />

gosse !... Merci Nadia.<br />

Il se caresse le ventre, involontairement, le nez du Che <strong>de</strong>ssiné sur son tee-shirt,<br />

émet un FAIBLE RÂLE DE DOULEUR. La main <strong>de</strong> Nadia vient se poser à l’endroit<br />

massé par la main noire aux longs doigts fins.<br />

NADIA<br />

(voix douce et protectrice)<br />

Ça va ?<br />

MISTER O<br />

(ôtant tendrement la main <strong>de</strong><br />

Nadia <strong>de</strong> son ventre)<br />

Ouais… mon ulcère.<br />

NADIA<br />

(ton <strong>de</strong> reproche)<br />

Tu m’avais promis d’aller voir un mé<strong>de</strong>cin<br />

pour ça…<br />

Mister O lève la main qui tient le big cône incan<strong>de</strong>scent.<br />

MISTER O<br />

Docteur Ganja, la meilleure medicine, fillette,<br />

ah ah ah…<br />

Il entoure Nadia <strong>de</strong> ses grands bras et la serre contre lui dans un immense élan<br />

affectueux.<br />

19


KARIM<br />

(second <strong>de</strong>gré)<br />

Eh la, écarte-toi <strong>de</strong> ma fiancée, sale junkie<br />

<strong>de</strong> mer<strong>de</strong> !<br />

Les mains <strong>de</strong> Karim font leur apparition sur les épaules <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux enlacés et<br />

entament leur travail <strong>de</strong> séparation. Au tour <strong>de</strong> Mister O et Nadia <strong>de</strong> RIRE.<br />

KARIM<br />

(toujours second <strong>de</strong>gré)<br />

Regar<strong>de</strong>z-moi ça ! Comme <strong>de</strong>ux toutous.<br />

Mer<strong>de</strong>, va falloir <strong>de</strong> l’eau chau<strong>de</strong> pour les<br />

décoller si ça continue.<br />

Mister O relâche son étreinte et libère Nadia, les <strong>de</strong>ux amants <strong>de</strong> papier à présent<br />

rejoints par Karim dans le RIRE.<br />

Mister O cesse soudain, pris par une violente douleur au même endroit du ventre.<br />

Aoh !<br />

MISTER O<br />

Il (se) tient sa longue silhouette courbée.<br />

O !!!<br />

KARIM + NADIA<br />

(d’une seule voix)<br />

MISTER O<br />

Eeh, eh eh eh !<br />

La carcasse longiligne se redresse.<br />

MISTER O<br />

J’vous ai eu !<br />

KARIM + NADIA<br />

(d’une seule voix moralisatrice)<br />

Mister Ooo…<br />

20


Mouvement <strong>de</strong> recul du bassin…<br />

MISTER O<br />

Ah vous auriez dû voir vos têtes !<br />

Deux lapins pris dans les phares d’une<br />

voiture !<br />

…ROTATION À 90° et Mister O s’éloigne vers le fond <strong>de</strong> la pièce. Nadia vient se<br />

coller à son Karim, qui l’enlace façon lover.<br />

NADIA<br />

(enjôleuse)<br />

Alors… comme ça on est jaloux ?...<br />

KARIM<br />

N’importe quoi !<br />

NADIA<br />

(off – niveau du buste)<br />

(câline)<br />

« ‘carte-toi d’ma fiancée », j’l’ai rêvé cellelà<br />

?<br />

KARIM<br />

(off – niveau du buste)<br />

Ouais ben p’têt, t’as vu. Moi j’sais p...<br />

« Plus haut », Nadia est en train d’embrasser Karim. « SILENCE » AMOUREUX.<br />

INT - APPART MISTER O : COULOIR – SOIR<br />

Mister O rattrapé dans le couloir, on le suit, sa nuque <strong>de</strong> rasta man (<strong>de</strong>s dreads à la<br />

Bob) en ligne <strong>de</strong> mire. On se cale sur la démarche lancinante du man le plus cool sur<br />

terre.<br />

21


INT - HLM MISTER O : LONG COULOIR D’IMMEUBLE – SOIR<br />

SPLIT SCREEN<br />

Gia se déplace dans le long couloir d’immeuble i<strong>de</strong>ntique à celui parcouru pour<br />

rentrer chez lui tout à l’heure. L’impression <strong>de</strong> revivre la même scène à ça près qu’il<br />

ne porte pas les mêmes habits.<br />

INT - APPART MISTER O : COULOIR – SOIR<br />

SUITE SPLIT SCREEN<br />

Plus près <strong>de</strong> Mister O et <strong>de</strong> sa jungle capillaire qui se déplace tranquillement vers le<br />

bout du couloir.<br />

INT - HLM MISTER O : LONG COULOIR D’IMMEUBLE – SOIR<br />

SUITE SPLIT SCREEN<br />

Plus près <strong>de</strong> Gia qui continue sa marche en avant.<br />

INT - APPART MISTER O : HALL D’ENTRÉE / VESTIBULE – SOIR<br />

SUITE SPLIT SCREEN<br />

Mister O progresse et stoppe <strong>de</strong>vant la porte d’entrée pour venir – vue <strong>de</strong> profil,<br />

visage en partie masqué par les imposantes dreads - coller son œil sur le fish-eye<br />

incrusté dans l’acier blindé.<br />

INT - HLM MISTER O : LONG COULOIR D’IMMEUBLE – SOIR<br />

SUITE SPLIT SCREEN<br />

Dans un synchronisme parfait avec la <strong>de</strong>rnière action <strong>de</strong> Mister O, Gia arrive à<br />

hauteur <strong>de</strong> la porte d’entrée et se positionne face à elle pour se retrouver <strong>de</strong> profil.<br />

Un court instant, les <strong>de</strong>ux hommes se retrouvent face à face, la séparation verticale<br />

du split screen pouvant être assimilé à la porte.<br />

22


INT - APPART MISTER O : VESTIBULE - SOIR<br />

Mister O, <strong>de</strong> dos, l’œil toujours collé à l’œilleton.<br />

MISTER O<br />

Heeey, G-I-A, mon frère, comment va ?<br />

INT - HLM MISTER O : LONG COULOIR D’IMMEUBLE - SOIR<br />

Gia, <strong>de</strong> dos, poing apprêté à toquer à la porte. Finalement Gia laisse tomber sa tête<br />

en avant (sur la porte, une tête <strong>de</strong> mort signifiant « Danger »).<br />

Ooo…<br />

GIA<br />

MISTER O<br />

(off)<br />

Password, man.<br />

POV MISTER O PAR L’ŒILLETON<br />

Gia déformé par l’œil <strong>de</strong> bœuf relève, lève la tête au plafond. Il SOUPIRE.<br />

GIA<br />

(énervé)<br />

Mais putain ! C’est moi, O. Qu’est-ce que tu<br />

m’prends la tête, là ?<br />

INT - APPART MISTER O : VESTIBULE - SOIR<br />

Mister O s’empresse d’ouvrir en débloquant un premier verrou, puis un autre<br />

<strong>de</strong>ssous, et encore…<br />

23


INT - HLM MISTER O : LONG COULOIR D’IMMEUBLE – SOIR<br />

…et encore et encore… SILENCE PESANT ponctué par un ÉNIÈME SON DE<br />

VERROU. Gia attend posément <strong>de</strong>vant la porte.<br />

Elle s’ouvre enfin sur le visage <strong>de</strong> MISTER O, sa face hallucinante et hallucinée, les<br />

yeux explosés par l’herbe. Il tire Gia à l’intérieur, jette un œil nerveux dans le couloir<br />

à droite, à gauche et referme la porte. On entend le SON D’UN PREMIER VERROU.<br />

INT - APPART MISTER O : VESTIBULE - SOIR<br />

Mister O continue <strong>de</strong> refermer chaque verrou. Dans son dos, Gia réajuste son teeshirt<br />

sous son anorak.<br />

GIA<br />

T’es parano ! Tu sais ça, Mister O ? Parano !<br />

On d’vrait t’appeler Mister Parano !<br />

MISTER O<br />

(dans sa barbe)<br />

Pourquoi pas le roi du porno pendant qu’t’y<br />

es ?<br />

Il salue Gia d’une brève accola<strong>de</strong> et sort quelque chose <strong>de</strong> sa poche qu’il lève en l’air<br />

pour lui présenter.<br />

Il s’agit d’un morceau <strong>de</strong> tige métallique, fine et tordue.<br />

MISTER O<br />

Regar<strong>de</strong> ce que j’ai trouvé dans ma serrure<br />

en rentrant ce soir…<br />

GIA<br />

Ah ouaiiis…<br />

Gia saisit le bout <strong>de</strong> métal entre pouce et in<strong>de</strong>x et commence à peine à loucher<br />

<strong>de</strong>ssus qu’il est surpris par Mister O se remparant <strong>de</strong> l’objet.<br />

24


MISTER O<br />

Alors qui est Mister Parano ?<br />

(il range nerveusement la « pièce<br />

à conviction » au plus profond <strong>de</strong><br />

sa poche)<br />

Pas moi, négro ! Pas moi…<br />

Mister O part dans le couloir. Gia toujours sous l’effet <strong>de</strong> surprise (il a gardé sa main<br />

en l’air) lui emboîte finalement le pas en faisant naître un sourire encore une fois<br />

craquant.<br />

INT - APPART MISTER O : HOME STUDIO – SOIR<br />

Une feuille <strong>de</strong> papier tenue entre <strong>de</strong>ux mains qu’une troisième vient arracher.<br />

KARIM<br />

Eh tarba rends-oim aç !<br />

KARIM bondit <strong>de</strong> sa chaise (première fois que le spectateur découvre son visage)<br />

pour presser Gia, habile à mettre la feuille hors <strong>de</strong> portée, sans décoller la sienne (<strong>de</strong><br />

chaise).<br />

GIA<br />

(rigolard)<br />

lecture <strong>de</strong> quelques lignes du texte écrit par<br />

Karim<br />

KARIM<br />

Zyva, Gia. Ça s’fait pas !<br />

GIA<br />

(rigolard)<br />

lecture <strong>de</strong> quelques lignes du texte écrit par<br />

Karim<br />

Un TERRIBLE COUP DE FEU retentit dans la pièce. Il calme instantanément les<br />

<strong>de</strong>ux « lutteurs » qui regar<strong>de</strong>nt dans la même direction.<br />

Celle <strong>de</strong> Mister O, casque audio autour du cou, qui s’allume tranquillement une tige<br />

et s’installe <strong>de</strong>rrière sa table <strong>de</strong> mixage.<br />

25


Une main profite <strong>de</strong> la pose figée du duo pour récupérer la feuille. Celle <strong>de</strong> NADIA<br />

dont on découvre le visage pour la première fois. Elle affiche un sourire, ponctuation<br />

<strong>de</strong> son action (en position assise).<br />

QUELQUES SECONDES PLUS TARD<br />

Gia, Nadia et Karim, qui s’est rassis, sont regroupés autour <strong>de</strong> la même feuille <strong>de</strong><br />

papier. Ils parlent À VOIX BASSE. Un BEAT HIP HOP envahit la pièce.<br />

Mister O, casque vissé sur les oreilles s’affaire <strong>de</strong>rrière la table <strong>de</strong> mixage. Très<br />

concentré, il effectue les <strong>de</strong>rniers réglages, FAISANT REPARTIR L’INTRO<br />

MUSICALE DU DÉBUT À PLUSIEURS REPRISES POUR DES ESSAIS VOIX.<br />

Karim est le premier à se lever.<br />

MISTER O<br />

Un, un… Ok c’est bon pour moi.<br />

(il abaisse les énormes écouteurs)<br />

Mister O ready !<br />

KARIM<br />

Ok, Mister O aux manettes…<br />

Karim vient se positionner <strong>de</strong>rrière un micro sur pied en face <strong>de</strong> Mister O. LE TEMPO<br />

RAP REPART. Il reprend son freestyle.<br />

KARIM<br />

(bon flow <strong>de</strong> caillera)<br />

…Pas d’problème, blème<br />

Bien vite les minettes rappliquent<br />

Toutes dingues <strong>de</strong> not’ flow, yo !<br />

Pour Mister O, à nouveau casqué, ça semble bon à en juger par le sourire et son<br />

signe <strong>de</strong> la main « pouce in<strong>de</strong>x » formant un « O » comme « Ok ».<br />

26


KARIM<br />

(plus démonstratif)<br />

Chez moi pas <strong>de</strong> procédé hypocrite !<br />

Ma technique, j’t’explique !<br />

Rectangle blanc à la verticale (il <strong>de</strong>ssine la<br />

figure géométrique dans l’air)<br />

Ma main guidée par Allah quand je prends le<br />

bic !<br />

Et toi à l’horizontale, quand tu entends ma<br />

voix, c’est fatal !<br />

Cette arme…<br />

NADIA<br />

(pousse-toi d’là que j’my mette<br />

avec Karim et le même flow <strong>de</strong><br />

caillera)<br />

Fatale c’est bon on a compris !<br />

Arrête ton char, Henri !<br />

Moi c’est Nadia, pur femeu <strong>de</strong> téci, oui !<br />

Avec mes sosses Gi-a et Rimka on est là !<br />

Pas <strong>de</strong> problème, blème comme quoi !<br />

Face au mic, ouais, face au mic !<br />

Face au noiraud qu’on appelle Mister O !...<br />

oh oh…<br />

(elle rit)<br />

imitée par Mister O qui incline et secoue la tête.<br />

Nadia est rejointe par Karim <strong>de</strong>rrière le micro.<br />

NADIA + KARIM<br />

(dans le même flow)<br />

On est là, ouais. On est là, ouais.<br />

De la main, ils invitent Gia à les rejoindre.<br />

Toujours assis, Gia refuse l’invitation d’un sourire gêné et d’un rabat <strong>de</strong> la main dans<br />

le vi<strong>de</strong> pour mieux se replonger dans la lecture <strong>de</strong> la feuille <strong>de</strong> papier manuscrite.<br />

NADIA + KARIM<br />

(dans le même flow)<br />

On est là…<br />

Ils battent la mesure bras tendus en direction <strong>de</strong> Gia.<br />

27


Il leur adresse un regard en coin furtif et retient un sourire tandis qu’il reste en mo<strong>de</strong><br />

lecture. LA MUSIQUE N’EST PLUS.<br />

NADIA + KARIM<br />

…ouais. On est là…<br />

GIA<br />

…ouais.<br />

LA MUSIQUE REPART AUSSITÔT et Gia se lève brusquement (la feuille tombe au<br />

sol) et vient se positionner entre les <strong>de</strong>ux autres face au micro.<br />

GIA<br />

(flow agressif)<br />

Alors pas <strong>de</strong> problème…<br />

Il recule pour libérer le micro, sourire amusé, in<strong>de</strong>x pointés en direction <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux<br />

« choristes ».<br />

NADIA + KARIM<br />

blème !<br />

GIA<br />

C’est G-I-A en solo, pas <strong>de</strong> mystère à taire…<br />

NADIA + KARIM<br />

Oooh…<br />

GIA<br />

Alors balance le tempo à tes tepos<br />

NADIA + KARIM<br />

Mister Ooo…<br />

GIA<br />

Et à trois on s’ra làaa…<br />

28


NADIA<br />

(désignant Karim du doigt)<br />

Rimka !<br />

KARIM<br />

(désignant Gia du doigt)<br />

Gi-a !<br />

GIA<br />

(désignant Nadia du doigt)<br />

Na-di-a !<br />

Les trois désignent en même temps Mister O.<br />

NADIA + KARIM + GIA<br />

Mister O !<br />

Mister O répond par un SOLO DE SCRATCH qu’il ponctue d’un SON DE FOULE EN<br />

DÉLIRE. Il remercie ses fans invisibles dans un grand numéro <strong>de</strong> cabot, se levant<br />

pour leur envoyer <strong>de</strong>s baisers à la ron<strong>de</strong>…<br />

MISTER O<br />

Merci ! Merci beaucoup !<br />

…sous le regard <strong>de</strong>s trois autres, Nadia, Karim chacun sous la protection d’un bras<br />

<strong>de</strong> Gia, tous soudés et unis dans UN MÊME RIRE COMPLICE.<br />

QUELQUES SECONDES PLUS TARD<br />

Mister O hyper concentré et sérieux <strong>de</strong>rrière sa table <strong>de</strong> mixage.<br />

Une obscurité parfaite règne dans la pièce… vi<strong>de</strong>. Seuls la silhouette <strong>de</strong> O et <strong>de</strong> son<br />

matériel baignent dans une « belle lumière <strong>de</strong> studio ».<br />

LANCEMENT D’UN NOUVEAU BEAT HIP HOP.<br />

Bénéficiant du même éclairage, Karim, <strong>de</strong>rrière le micro, a le visage grave.<br />

Très concerné par l’intro musicale lancée par Mister O, sa tête suit discrètement le<br />

rythme. Au bout <strong>de</strong> quelques secon<strong>de</strong>s, il commence à rapper.<br />

29


KARIM<br />

Paroles <strong>de</strong> la chanson<br />

Son solo terminé, Karim recule pour disparaître dans l’obscurité d’un noir parfait.<br />

C’est au tour <strong>de</strong> Nadia <strong>de</strong> s’avancer dans la lumière et <strong>de</strong>vant le micro pour<br />

interpréter le refrain.<br />

NADIA<br />

(d’une voix soul et aérienne)<br />

Refrain en langue ???<br />

Nadia recule etc (voir plus-haut). Gia prend la place <strong>de</strong> Nadia. Il affiche la même<br />

expression tourmentée que Karim avant <strong>de</strong> se lancer. Et la même façon <strong>de</strong> balancer<br />

discrètement la tête d’avant en arrière.<br />

GIA<br />

Paroles <strong>de</strong> la chanson<br />

Gia cè<strong>de</strong> la place à Nadia qui réapparaît pour le refrain.<br />

NADIA<br />

(d’une voix soul et aérienne)<br />

Refrain en langue ???<br />

La BANDE MUSICALE ARRIVÉE AU BOUT, le SILENCE REVENU DANS LA<br />

PIÈCE, elle gar<strong>de</strong> les yeux fermés quelques secon<strong>de</strong>s pour découvrir en les rouvrant<br />

Gia et Karim venus l’encadrer.<br />

La lumière éclaire progressivement l’arrière-plan jusqu’à…<br />

…la pièce entière et <strong>de</strong> façon plus crue.<br />

Les trois interprètes adressent un regard interrogatif en direction <strong>de</strong> la technique.<br />

Mister O est en train <strong>de</strong> les fixer, les lèvres en suspens, le regard humi<strong>de</strong>. Quand il<br />

se déci<strong>de</strong> enfin à parler avec… sobriété.<br />

MISTER O<br />

(ton admiratif)<br />

Waoh !<br />

30


INT - APPART MISTER O : VESTIBULE - SOIR<br />

Gia, Karim et Nadia prennent congé <strong>de</strong> Mister O.<br />

EXT - HLM MISTER O : PORCHE – SOIR<br />

Le CALME QUI RÈGNE à l’extérieur témoigne <strong>de</strong> l’heure avancée dans la nuit. Le<br />

calme est également ce qui caractérise nos trois héros lorsqu’ils émergent du<br />

porche.<br />

Karim serre Nadia contre lui. Gia lui, avance les mains dans les poches, regard au<br />

sol, un côté gavroche.<br />

Ils arrêtent tous trois <strong>de</strong> marcher après quelques pas. Gia se tourne vers ses <strong>de</strong>ux<br />

amis…<br />

…mais continue <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r par terre, faisant rouler une balle imaginaire sous son<br />

pied, les poings ancrés au fond <strong>de</strong>s poches <strong>de</strong> son baggy, la crispation <strong>de</strong> son front<br />

trahissant son tourment.<br />

Karim et Nadia se regar<strong>de</strong>nt, échangent un sourire amusé, puis interdits.<br />

Gia laisse échapper un SOUPIR TRÈS SONORE.<br />

GIA<br />

Bon, ils étaient où les autres ?<br />

KARIM<br />

Ben euh…<br />

Il cherche un appui du côté <strong>de</strong> la femme dans ses bras. Mais Nadia détourne la tête<br />

tout EN SE RÂCLANT POLIMENT LE FOND DE LA GORGE.<br />

KARIM<br />

(pas à l’aise)<br />

Zyno il avait un truc à régler…<br />

GIA<br />

Quel truc à régler ?<br />

KARIM<br />

Un truc à régler, quoi !<br />

31


GIA<br />

Ok je vois mais ça explique toujours pas<br />

pour les <strong>de</strong>ux autres.<br />

KARIM<br />

Derek et Alistair ?<br />

GIA<br />

Non, Biggie et Tupac ! Bollos !<br />

Evi<strong>de</strong>mment, Derek et Alistair.<br />

KARIM<br />

J’sais pas moi. Pourquoi tu m’<strong>de</strong>man<strong>de</strong>s ça<br />

à moi ?<br />

GIA<br />

Ça va j’ai compris, laisse tomber.<br />

Gia a un geste <strong>de</strong> dépit <strong>de</strong> la main et amorce un départ sur la droite. Il se ravise vite<br />

pour revenir face au jeune couple.<br />

GIA<br />

On croirait qu’y a qu’moi qu’ça fait ièch !<br />

KARIM<br />

Sur le Coran, non.<br />

GIA<br />

(du tac au tac)<br />

Ben alors quoi ? J’pensais qu’on était un<br />

groupe.<br />

Un groupe, Karim. Tous soudés. Unis<br />

Vivre <strong>de</strong> notre rap. Nous l’rap on a qu’ça.<br />

KARIM<br />

(peu convaincu)<br />

Ouais…<br />

32


GIA<br />

(ton léger)<br />

« Ouais » c’est tout c’que tu trouves à dire ?<br />

Nadia, i’va m’faire craquer.<br />

NADIA<br />

T’es un boss, un lea<strong>de</strong>r et tu l’as toujours été<br />

Gia.<br />

L’esprit du groupe, l’âme d’N’garso c’est toi !<br />

Pas Karim, ni les Derek, Alistair ou Zyno.<br />

Moi à la rigueur, ah ah<br />

(éclats d’un rire cassé)<br />

non j’rigole.<br />

GIA<br />

(ton léger)<br />

J’espère que tu rigoles. Tu entends ce que tu<br />

dis ?<br />

Karim, on t’entend pas. T’en penses quoi ?<br />

Tu crois que je <strong>de</strong>vrais songer à m’lancer en<br />

solo ?<br />

KARIM<br />

(réaction immédiate)<br />

T’es mala<strong>de</strong> !!!<br />

GIA<br />

Arrêter le groupe, vous laisser tomber et<br />

tracer <strong>de</strong> mon côté ?<br />

KARIM<br />

Mais zyva arrête ça !<br />

Nadia éclate <strong>de</strong> son RIRE RAUQUE et vient à nouveau se coller à son lascar.<br />

NADIA<br />

Ah ah, Karim a raison Gia, arrête ça.<br />

Regar<strong>de</strong> dans quel état ça l’met !<br />

KARIM<br />

Dis wallah ? Gia tu veux arrêter ?<br />

33


GIA<br />

Ah j’sais pas moi, t’as vu… On est trois là.<br />

Karim ne trouve rien à y redire quand soudain il pose sa main sur le ventre <strong>de</strong> Nadia.<br />

KARIM<br />

(avec entrain)<br />

Hey bientôt quatre, mec !<br />

Gia n’a pour réaction que sa mine perplexe et éphémère : bien vite tout son visage<br />

s’éclaire.<br />

GIA<br />

Nooon… ah ah j’y crois pas !<br />

Il attrape la main <strong>de</strong> chacun pour les entraîner vers les bancs en pierre au centre <strong>de</strong><br />

la place.<br />

GIA<br />

(excité)<br />

Eeeh eh eh petits cachottiers, vous allez<br />

m’raconter ça.<br />

Les trois se mettent assis sur le dossier du banc en béton. Nadia au centre et Gia<br />

très attentionné pour elle.<br />

NADIA<br />

Ça va, Gia. Tu peux m’lâcher maintenant.<br />

GIA<br />

Je prends soin d’la génération future, tu<br />

permets ?<br />

NADIA<br />

(plus ferme)<br />

C’est pas pour tout <strong>de</strong> suite, d’accord ?<br />

34


KARIM<br />

Ouais mais quand même, c’est d’ma<br />

<strong>de</strong>scendance dont il s’agit.<br />

NADIA<br />

(retrouvant le sourire)<br />

Pffh, n’importe quoi. « Ma <strong>de</strong>scendance »,<br />

écoute-le l’autre là.<br />

KARIM<br />

(s’adressant à Gia)<br />

Tu vas voir que dans moins <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux elle va<br />

me traiter d’intégriste <strong>de</strong> mer<strong>de</strong>, là.<br />

NADIA<br />

(taquine)<br />

Noon, simplement <strong>de</strong> macho.<br />

KARIM<br />

Dis wallah !? Moi macho ? Gia ?<br />

GIA<br />

…ben c’est vrai qu’parfois t’es quand même<br />

un peu lourd, Karim, enfin toi-même tu sais.<br />

Nadia éclate <strong>de</strong> RIRE, se TAPE SUR LES CUISSES.<br />

KARIM<br />

(second <strong>de</strong>gré)<br />

Va t’faire foutre, Gia.<br />

GIA<br />

Mer<strong>de</strong> alors, thug life, baby ! Karim et Nadia<br />

vont <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s darons!<br />

J’aurais pas cru voir ça arriver avant que…<br />

euh… avant que…<br />

NADIA<br />

« Avant que »… ouais vas-y exprime-toi.<br />

35


Nadia éclate à nouveau <strong>de</strong> RIRE.<br />

GIA<br />

Ben avant qu’on y soit arrivé.<br />

NADIA<br />

Tu veux dire avec N’Garso…<br />

Elle SMACKe (sur) la bouche <strong>de</strong> Karim.<br />

GIA<br />

Ouais, qu’on brille tous ! Vous avez pas<br />

oublié.<br />

Depuis tout p’tits qu’on en rêve ! Les gars <strong>de</strong><br />

Fresnes à Brooklyn !<br />

KARIM<br />

Oh ça l’f’rait trop ! Et ma Nadia qui f’rait ses<br />

courses dans les magasins comme cette<br />

pute <strong>de</strong> Julia Roberts !<br />

NADIA<br />

Trop d’la balle ! Comment qu’je t’vi<strong>de</strong>rais ton<br />

compte !<br />

GIA<br />

Déconnez pas ! Moi j’vous parle <strong>de</strong> New<br />

York, Baltimore, Los Angeles. Les States !!!<br />

Faut qu’ça s’fasse ! Faut qu’on brille tous !<br />

KARIM<br />

N’garso, mec.<br />

GIA<br />

Nous l’rap on a qu’ça.<br />

36


NADIA<br />

Eh les gars, réveillez-vous. Regar<strong>de</strong>z où on<br />

vit.<br />

Dans une cité pourrie. Tous les murs sont<br />

gris.<br />

GIA<br />

Comme notre avenir si on reste ici.<br />

C’est pour ça. Faut qu’on fasse avancer tout<br />

ça.<br />

KARIM<br />

Qu’on nique tout c’système vicié, là ! Avec<br />

not’ rap <strong>de</strong> salauds, yo !<br />

Les <strong>de</strong>ux autres regar<strong>de</strong>nt avec amusement celui qui vient <strong>de</strong> prononcer ces mots<br />

avec un sérieux confondant. Nadia se retourne vers Gia.<br />

GIA<br />

(à Nadia)<br />

Qui sait <strong>de</strong> quoi <strong>de</strong>main sera fait ma belle.<br />

NADIA<br />

Inch Allah, t’as vu.<br />

GIA<br />

En parlant d’ça, vous savez déjà si ça s’ra un<br />

garçon ou une fille ?<br />

NADIA<br />

(racaille)<br />

Gia, c’est encore tout chaud c’t’histoire !<br />

Sinon y-a longtemps qu’tu saurais.<br />

KARIM<br />

Ouais et pi toud’façon j’veux pas savoir<br />

avant.<br />

NADIA<br />

Pas moi. J’veux savoir avant.<br />

37


GIA<br />

Une préférence ?<br />

NADIA<br />

Non et toi ?<br />

KARIM<br />

Ben t’as vu, on verra. Mais sinon, qu’est-ce<br />

que j’voulais dire… eh Gia, mon frère !<br />

D’un bond, Karim <strong>de</strong>scend du banc pour rejoindre Gia dans son dos. Une fois rendu<br />

à sa gauche, il passe son bras autour du cou <strong>de</strong> son ami.<br />

Karim s’écarte <strong>de</strong> Gia.<br />

GIA<br />

J’te préviens Karim, si c’est encore pour<br />

m’vendre un d’tes trucs tombés du camion,<br />

oublie-moi !<br />

KARIM<br />

(déconneur)<br />

T’as vu comment qu’t’es ! Toud’suite. Alors<br />

que moi j’chuis là, sympa avec toi.<br />

(il revient à la charge, son bras sur<br />

l’épaule)<br />

Non écoute voilà, comme t’es un peu mon<br />

meilleur pote et que Nadia, elle est un peu<br />

comme ta sœur, et ben on a pensé tous les<br />

<strong>de</strong>ux à toi comme parrain pour le p’tit.<br />

NADIA<br />

Ou la p’tite !<br />

KARIM<br />

Alors ? Tu dis rien.<br />

38


GIA<br />

(surpris et visiblement ému)<br />

Ben c’est que… j’sais pas quoi dire. Vous<br />

êtes marrants. Vous m’annoncez ça comme<br />

ça.<br />

KARIM<br />

Attends, parrain, tu rentres pas dans la<br />

mafia ! Tu t’la racontes Tony Montana ou<br />

quoi ?<br />

NADIA<br />

C’est Corleone, « Le Parrain ». Montana<br />

c’est dans « Scarface ».<br />

KARIM<br />

Mais vas-y, ferme ta gueule, Nadia !<br />

NADIA<br />

Eh, comment tu m’parles, bouffon !<br />

GIA<br />

Eh eh eh, on se calme. C’est d’accord.<br />

KARIM<br />

Ah ouais, franchement là, t’as assuré.<br />

Ils se serrent la main selon le rituel hip hop, façon rue. Nadia à son tour <strong>de</strong>scend du<br />

banc pour venir prendre Gia dans ses bras.<br />

Merci.<br />

NADIA<br />

GIA<br />

Ouais ben y a pas d’quoi.<br />

NADIA<br />

Tu rigoles ! Ça lui fait super plaisir. Regar<strong>de</strong>le.<br />

39


Le visage <strong>de</strong> Karim irradie <strong>de</strong> bonheur. Tant qu’il a presque l’air (d’un) <strong>de</strong>meuré.<br />

GIA<br />

(amicalement)<br />

Cette tête !...<br />

NADIA<br />

(d’une voix ramenant à la raison)<br />

Ouais ben c’est plutôt cette tête qu’on va<br />

avoir tous les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>main.<br />

GIA<br />

T’as cours à quelle heure ?<br />

NADIA<br />

8 heures.<br />

KARIM<br />

(rejoignant Nadia)<br />

Ecoute là, elle. J’pars taffer tous les matins à<br />

5 heures et elle dort encore.<br />

Revenue sous l’aile <strong>de</strong> Karim, Nadia lui donne une tape sur le ventre. Il lui répond<br />

d’un tendre bisou sur le front.<br />

GIA<br />

Vas-y Karim. Arrête <strong>de</strong> faire l’canard !<br />

NADIA<br />

(assénant une tape plus violente<br />

que la précé<strong>de</strong>nte, cette fois à<br />

Gia)<br />

Mais-euh !<br />

Gia recule d’un pas sous la poussée sans perdre son sourire taquin.<br />

Nadia resserre son étreinte autour <strong>de</strong> son homme qu’elle contemple<br />

amoureusement.<br />

40


NADIA<br />

J’aime bien quand tu (t’)la joues lover.<br />

KARIM<br />

Dis wallah ?<br />

NADIA<br />

Sur l’Coran, Karim. Ça m’fait kiffer.<br />

Karim plonge dans ses yeux. Quand il en ressort, encore plus amoureux, il s’adresse<br />

à Gia d’un air entendu.<br />

KARIM<br />

Brother, j’pense qu’on va t’laisser si tu vois<br />

c’que j’veux dire.<br />

Sourire complice <strong>de</strong> Gia qui en guise <strong>de</strong> réponse, recule et remonte sur le banc pour<br />

s’y rasseoir.<br />

KARIM<br />

Tu restes ?<br />

GIA<br />

Mouais.<br />

KARIM<br />

Bon ben salut alors.<br />

Il s’approche du banc et à hauteur <strong>de</strong> Gia, pour un <strong>de</strong>rnier salut <strong>de</strong> rue.<br />

Nadia restée à distance lui fait un petit signe <strong>de</strong> la main en guise d’au revoir, les<br />

épaules voûtées, les bras croisés serrés sous sa poitrine. Elle est parcourue d’un<br />

frisson. Rejointe par Karim, elle se blottit contre lui et il reparte bras <strong>de</strong>ssus, bras<br />

<strong>de</strong>ssous…<br />

sous le regard protecteur <strong>de</strong> Gia qui les observe jusqu’à…<br />

…leur entrée (à Karim et Nadia) dans l’immeuble d’en face.<br />

Gia regar<strong>de</strong> dans cette direction encore un temps, jusqu’à l’apaisement (l’esprit<br />

tranquille) quand est captée son attention. Quelque chose sur sa gauche se déplace<br />

(son regard suit lentement).<br />

41


Une voiture <strong>de</strong> police roule au ralenti le long du trottoir. Le FLIC ASSIS SUR LE<br />

SIÈGE PASSAGER ne lâche pas Gia <strong>de</strong>s yeux.<br />

Gia le fusille du regard.<br />

À travers sa vision, on suit la progression toujours lente du véhicule. Le banc<br />

largement dépassé, une <strong>de</strong>rnière brava<strong>de</strong> du flic, allant jusqu’à tourner la tête pour<br />

confirmer (s’il en est besoin) sa fixation sur Gia.<br />

Jusqu’au bout, Gia soutient le regard. Le visage dur. Son corps, une masse. Voûté,<br />

replié sur lui-même mais tendu vers l’avant.<br />

Le véhicule <strong>de</strong> police s’éloigne.<br />

Gia affiche toujours la même dureté <strong>de</strong> trait. Une colère contenue. SES LÈVRES SE<br />

METTENT À PSALMODIER. DES LYRICS SORTENT DE SA BOUCHE. PAS<br />

ASSEZ FORT POUR QUE L’ON PUISSE EN PROFITER. Le voilà qui cherche<br />

fiévreusement dans les poches <strong>de</strong> son « gilet pare-balles ». Bredouille ! TOUJOURS<br />

LE FLOW VOLUME PERSO quand il se remet sur ses <strong>de</strong>ux jambes fouillant le fond<br />

<strong>de</strong> ses poches. Encore bredouille ! Il enchaîne sur un <strong>de</strong>mi-tour et marche à grands<br />

pas en direction <strong>de</strong> « sa » tour <strong>de</strong> béton. IL MARMONNE TOUJOURS.<br />

INT - APPART GIA : VESTIBULE / HALL D’ENTRÉE → COULOIR – NUIT<br />

La porte s’ouvre amenant brièvement l’éclairage du couloir d’immeuble dans l’entrée.<br />

Le temps pour Gia d’y pénétrer et <strong>de</strong> refermer <strong>de</strong>rrière lui.<br />

Dans la pénombre, il se précipite sur la commo<strong>de</strong> pour s’emparer d’un bloc-notes et<br />

d’un stylo, s’empresse d’écrire et tout en continuant <strong>de</strong> griffonner, s’enfonce dans<br />

l’appart (le couloir). Au passage <strong>de</strong>vant la chambre du père, une halte.<br />

Pause stylo pour entrouvrir la porte et dans l’entrebâillement…<br />

INT - APPART GIA : CHAMBRE DU PÈRE – NUIT<br />

…distinguer dans la pénombre un corps endormi sur le lit. Tourné côté mur,<br />

immobile. Parfaitement immobile.<br />

Un SILENCE DE MORT règne dans la pièce.<br />

Gia se dirige avec appréhension vers le lit.<br />

Arrivé à sa hauteur, une première hésitation dans son inclinaison sur le corps inerte<br />

pour finalement se pencher franchement et se rapprocher…<br />

…au plus près et percevoir une FAIBLE RESPIRATION.<br />

42


Gia alors se redresse. Expulse son stress d’UN SOUFFLE, UNE RESPIRATION et<br />

s’éloigne du lit, révélant le cadre posé sur la table <strong>de</strong> nuit. La photo représente Gia<br />

enfant, avec ses parents. On passe <strong>de</strong> Gia enfant posant à…<br />

INT - APPART GIA : CHAMBRE DE GIA – NUIT<br />

…la photo <strong>de</strong> Gia aujourd’hui, toujours en photo. Il n’y a plus qu’une personne<br />

posant à ses côtés : son vieux père. Dans la continuité, un autre cadre photo du<br />

bureau : Gia entouré <strong>de</strong> toute la ban<strong>de</strong> : les blacks Derek, Alistair et Zyno, Karim…<br />

et Nadia bien sûr.<br />

Dans un 3 ème cadre soudain éclairé (lampe <strong>de</strong> bureau) :<br />

INT SOIR<br />

Ces <strong>de</strong>ux-là avec Gia.<br />

Atterrit sur le bureau, le bloc-notes ouvert à la page <strong>de</strong> ces quelques lignes d’une<br />

écriture empressée :<br />

(1 ères lignes d’un rap relatant la venue prochaine d’un nouveau-né)<br />

Les mains <strong>de</strong> Gia apparaissent <strong>de</strong> chaque côté du bloc. La droite s’empare du stylo -<br />

DÉBUT D’UNE INSTRU WESTCOAST QUI TUE - et commence à écrire à la suite<br />

<strong>de</strong>s premières phrases. Remontée le long du mur couvert <strong>de</strong> posters <strong>de</strong> 2pac.<br />

Enchaînement sur Gia : travail inspiré à la table, penché sur l’ouvrage (rem : n’a<br />

même pas pris le temps <strong>de</strong> se changer)<br />

EXT - IMMEUBLE GIA – NUIT<br />

SUITE INSTRU WESTCOAST<br />

La faça<strong>de</strong> <strong>de</strong> la tour sombre est « trouée » <strong>de</strong> plusieurs cases lumineuses (les<br />

fenêtres).<br />

Plus près. Plusieurs fenêtres passent au noir.<br />

Encore plus près. L’opération « extinction <strong>de</strong>s feux » se poursuit <strong>de</strong>vant nos yeux<br />

jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’une éclairée.<br />

43


INT - APPART GIA : CHAMBRE DE GIA – SOIR<br />

SUITE INSTRU WESTCOAST<br />

Gia, toujours absorbé par son « <strong>de</strong>voir » sur table, écriture fiévreuse et imagée,<br />

RAPPE LES MOTS QU’IL COUCHE SUR LE PAPIER (MAIS PAROLES<br />

COUVERTES PAR L’INSTRU) !<br />

EXT - IMMEUBLE GIA - NUIT AUBE<br />

SUITE ET FIN INSTRU WESTCOAST<br />

Le jour se lève progressivement en même temps que la lumière revient <strong>de</strong>rrière<br />

plusieurs fenêtres autour <strong>de</strong> celle qui a « brûlé » toute la nuit.<br />

INT - APPART GIA : CHAMBRE DE GIA – AUBE<br />

Gia est tombé en arrière sur sa chaise, nez au plafond. La bouche entrouverte émet<br />

un RONFLEMENT À PEINE AUDIBLE.<br />

Plusieurs feuilles noircies <strong>de</strong> l’écriture rap sont détachées du bloc et éparpillées<br />

autour <strong>de</strong> celui-ci.<br />

EN SURIMPRESSION<br />

INT & EXT – CITÉ « LES GROUX » – DIVERS<br />

RETOUR AU DÉBUT DE L’INSTRU WESTCOAST + LYRICS DE GIA (OFF)<br />

PAROLES ET FLOW SYNCHRONES AVEC CE QUI PASSE À L’ÉCRAN<br />

SÉQUENCE-CLIP : SUCCESSION DE SCÈNES DE LA VIE QUOTIDIENNE DE GIA<br />

Plan(s) d’entraînement <strong>de</strong> Gia à la salle <strong>de</strong> boxe<br />

Plan(s) <strong>de</strong> Gia traînant dans le quartier avec les potes<br />

Plan(s) <strong>de</strong> Gia en répèt au home studio<br />

Plan(s) <strong>de</strong> Gia disputant un match <strong>de</strong> foot en salle<br />

44


Plan(s) <strong>de</strong> Gia « posé » dans le quartier avec les potes<br />

Plan(s) <strong>de</strong> Gia en répèt au home studio<br />

Plan(s) <strong>de</strong> Gia disputant un match <strong>de</strong> basket <strong>de</strong> rue<br />

EXT - CÉLÈBRE BOÎTE DE NUIT PARISIENNE : ENTRÉE - SOIR<br />

SUITE DE L’INSTRU WESTCOAST + LYRICS DE GIA (OFF)<br />

PAROLES ET FLOW SYNCHRONES AVEC CE QUI PASSE À L’ÉCRAN<br />

Gia et tout le crew se font refuser l’entrée :<br />

le premier parlemente, argumente avec LE PHYSIO dont les mouvements <strong>de</strong> déni <strong>de</strong><br />

la tête nous le montre obtus.<br />

les autres, et parmi les plus démonstratifs Karim, s’en retournent, <strong>de</strong>s gestes<br />

d’abandon <strong>de</strong> la main, la mine dégoûtée.<br />

INT – LE BAFANA (CLUB HIP HOP) - SOIR<br />

SUITE DE L’INSTRU WESTCOAST + LYRICS DE GIA (OFF)<br />

PAROLES ET FLOW SYNCHRONES AVEC CE QUI PASSE À L’ÉCRAN<br />

EFFET RENDU SONORE : AMBIANCE HIP HOP DU LIEU<br />

La boîte est bondée, en majorité DES BLACKS.<br />

Gia est laissé en plan par DEUX JEUNES FILLES, DES BOMBES, UNE BLACK ET<br />

UNE REBEU.<br />

GIA<br />

(rayonnant)<br />

Non mais rev’nez !... Eeh !...<br />

La joyeuse ban<strong>de</strong> lui tombe <strong>de</strong>ssus, Derek s’accrochant à son cou <strong>de</strong> tout son poids<br />

pour faire plier son pote charriée à mort par toutes et tous.<br />

45


INT - APPART GIA : CHAMBRE DE GIA - AUBE<br />

Gia émerge <strong>de</strong> son somme. FIN DU RAP (FADE). Il ouvre les yeux pour découvrir<br />

son père, Francesco Gianelli, en train <strong>de</strong> lui parler.<br />

L’OUÏE ENDORMIE DE GIA ne lui PERMET PAS D’ENTENDRE LES PREMIERS<br />

MOTS PRONONCÉS par le vieil homme propre sur lui.<br />

Jusqu’à encore peu, soli<strong>de</strong> gaillard, aujourd’hui, muscle fondu, traits tirés, fatigués,<br />

mais l’expression faciale gentille bien que dans le regard, une certaine absence :<br />

FRANCESCO GIANELLI<br />

(…) il t’attend dans la cuisine.<br />

Le padre fait <strong>de</strong>mi-tour direction la sortie.<br />

Gia, pas encore tout à fait réveillé, tend le bras dans le vi<strong>de</strong> comme pour l’attraper et<br />

le retenir.<br />

GIA<br />

(voix pâteuse)<br />

Mmh attends, papa. Qui ça m’attend dans la<br />

cuisine ?<br />

Le vieux se retourne, la main déjà sur le chambranle <strong>de</strong> la porte.<br />

DÉBUT D’UNE MUSIQUE À SUSPENS.<br />

Il revient vers Gia à petits pas.<br />

Celui-ci le regar<strong>de</strong> revenir vers lui avec une certaine appréhension. Inconsciemment,<br />

Gia rentre les épaules et se penche progressivement en avant, rejoint par l’ancêtre<br />

qui prend une <strong>de</strong>s feuilles sur le bureau.<br />

Gia ne bronche pas et au contraire semble attendre le verdict avec circonspection.<br />

Au bout <strong>de</strong> quelques lignes, Francesco relève les yeux sur leur auteur pour lui<br />

adresser un sourire paternel.<br />

Gia lui renvoie timi<strong>de</strong>ment cette marque d’affection. Puis plus franchement.<br />

ENVOLÉE LYRIQUE DE LA MUSIQUE.<br />

FRANCESCO GIANELLI<br />

Y-a une faute à (choisir mot dans texte rap –<br />

voir page 44/45)<br />

46


LA MUSIQUE RETOMBE. MONTE UNE MUSIQUE AU TEMPO PLUS RYTHMÉ.<br />

Le père lâche la feuille qui retombe AU RALENTI sur le bureau et sous le regard<br />

incrédule <strong>de</strong> Gia. TOUJOURS AU RALENTI, le père fait <strong>de</strong>mi-tour et s’en va<br />

rejoindre la porte. Arrivé à sa hauteur :<br />

GIA<br />

(off)<br />

Euh Pa’…<br />

FIN DU RALENTI. Le père stoppe sa progression et suspend son action <strong>de</strong> passer la<br />

porte - LA MUSIQUE MARQUE UNE PAUSE – juste le temps <strong>de</strong> lui répondre <strong>de</strong><br />

dos :<br />

LA MUSIQUE REPART<br />

FRANCESCO GIANELLI<br />

C’est ton conseiller. Ton conseiller t’attend<br />

dans la cuisine.<br />

GIA<br />

(« à la rue »)<br />

Hu, mon conseiller… ?<br />

Dans le passage <strong>de</strong> la porte au couloir :<br />

FRANCESCO GIANELLI<br />

(dans l’éloignement)<br />

NPE<br />

Gia reçoit cette <strong>de</strong>rnière info <strong>de</strong> plein fouet, son visage en état <strong>de</strong> choc : les yeux<br />

ronds.<br />

AU RALENTI, le père passe la porte pour disparaître dans le couloir.<br />

Gia se dresse d’un bond sur ses <strong>de</strong>ux jambes. Il ôte son tee-shirt vitesse grand V.<br />

47


INT - APPART DES GIANELLI : CUISINE - PETIT JOUR<br />

FIN (CUT) MUSIQUE AU TEMPO RYTHMÉ / THEME ACTION<br />

Assis à la mo<strong>de</strong>ste table en formica, Momo jette un regard circulaire autour <strong>de</strong> lui :<br />

la vaisselle sale (une pile) accumulée dans et à côté <strong>de</strong> l’évier, la poubelle<br />

« dégueulante » <strong>de</strong> déchets domestiques, les nombreuses bouteilles vi<strong>de</strong>s qui<br />

jonchent le sol et enfin sur la toile cirée bon marché.<br />

Le père fait son entrée et s’installe en face <strong>de</strong> Momo.<br />

FRANCESCO GIANELLI<br />

Aaah<br />

(soupir <strong>de</strong> fatigue et <strong>de</strong><br />

satisfaction)<br />

Il arrive.<br />

Il saisit la bouteille dans laquelle il reste encore du vin et tend le bras pour la pencher<br />

au-<strong>de</strong>ssus du verre <strong>de</strong> son invité.<br />

MOMO<br />

Non !<br />

(la main fait barrage au-<strong>de</strong>ssus du<br />

verre)<br />

Le père fige net, le geste en suspens, l’air interdit.<br />

MOMO<br />

Hier encore j’aurais pas refusé.<br />

Mais <strong>de</strong>puis que le mé<strong>de</strong>cin est passé par<br />

là…<br />

FRANCESCO GIANELLI<br />

(ramenant la bouteille à lui)<br />

Ah !...<br />

Il se sert à ras bord, tout sourire é<strong>de</strong>nté, la tête soudain prise <strong>de</strong> secousses droite<br />

gauche.<br />

Momo observe l’action à en plisser les yeux, <strong>de</strong>s ridules d’inquiétu<strong>de</strong> sur son front.<br />

48


MOMO<br />

Monsieur Gianelli, il est pas un peu tôt là<br />

pour commencer ?<br />

Toujours gai, Francesco Gianelli PLAQUE LA BOUTEILLE SUR LA TABLE et lève<br />

son verre à la santé du conseiller. Il le vi<strong>de</strong> d’une traite et le TAPE SUR LA TABLE.<br />

Comme un signal – REPRISE THEME ACTION - pour Gia qui surgit speed (il porte<br />

les mêmes sapes que la veille), sac <strong>de</strong> sports accroché à l’épaule. Haro sur le frigo.<br />

Momo se lève et se rapproche <strong>de</strong> Gia en plein p’tit déj’ express. Mo<strong>de</strong> d’emploi :<br />

1. <strong>de</strong>s granulés <strong>de</strong> chocolat en poudre (boîte sur le frigo), s’enfourner (plein la<br />

bouche)<br />

2. avec une bonne gorgée <strong>de</strong> lait (porte du frigo), mélanger<br />

3. ses joues gonfler en guise <strong>de</strong> shaker (BRUIT DE BOUCHE CARACTÉRISTIQUE)<br />

Les yeux ronds, les joues ron<strong>de</strong>s, Gia relève la tête du gar<strong>de</strong>-manger pour tomber -<br />

PAUSE DANS LE « SHAKER » SILENCE - nez à nez avec son conseiller.<br />

L’effet <strong>de</strong> surprise (dû à la proximité nez à nez) passé, il avale sa boisson chocolatée<br />

improvisée.<br />

Momo s’apprête à parler, commence pour ça à entrouvrir la bouche, quand il est<br />

bousculé par Gia qui se dirige vers la table, plonge la main dans le paquet <strong>de</strong><br />

céréales pour en ressortir une poignée et se la fourrer aussi sec dans la bouche.<br />

S’ensuit le même rituel : une bonne rasa<strong>de</strong> <strong>de</strong> lait pour faire passer.<br />

Pas une secon<strong>de</strong> <strong>de</strong> plus ! Gia quitte la pièce précipitamment. Momo a à peine le<br />

temps <strong>de</strong> s’écarter pour lui laisser le passage.<br />

MOMO<br />

Attends…<br />

Il reste désemparé dans l’encadrement <strong>de</strong> la porte donnant sur le couloir. ON<br />

ENTEND LA PORTE BLINDÉE S’OUVRIR ET SE REFERMER AUSSITÔT EN<br />

CLAQUANT – FIN (CUT) THEME ACTION. Il tourne la tête en direction du père.<br />

Celui-ci a l’air hagard, main veineuse sur le verre, tête légèrement orientée en<br />

direction du couloir, encore interpellée par le claquement.<br />

INT - SALLE DE BOXE – JOUR<br />

Un grand espace : <strong>de</strong>s JEUNES s’entraînent sur les rings et en <strong>de</strong>hors.<br />

49


Certains au saut à la cor<strong>de</strong><br />

d’autres aux abdos, seuls<br />

ou à plusieurs.<br />

Momo fait son entrée, s’avance dans le lieu, les yeux bala<strong>de</strong>urs.<br />

Il effectue quelques pas en direction d’un <strong>de</strong>s rings et s’arrête à niveau.<br />

FAOUZI, un « grand » à la peau mat est occupé à entraîner <strong>de</strong>ux « petits » : un<br />

black, MAMADOU et un beur, MOHEDINE.<br />

Momo s’adresse brièvement à Faouzi. Celui-ci tend le bras en direction d’un <strong>de</strong>s<br />

coins <strong>de</strong> la salle.<br />

Direction adoptée par le conseiller jusqu’à Gia qui FRAPPE SUR UN SAC DE<br />

SABLE. De la puissance se dégage <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong> ses coups. Concentré sur l’action,<br />

il ne sent pas venir Momo qui se rapproche dans son dos et reste quelques<br />

secon<strong>de</strong>s à l’observer sans signaler sa présence. Finalement :<br />

MOMO<br />

J’aimerais pas être à sa place.<br />

Gia STOPPE NET DE BOXER. Il ferme les yeux, s’endurcit un petit peu plus encore<br />

et REPREND L’ENCHAÎNEMENT DES COUPS, LA RAGE RAJOUTANT DE LA<br />

VIOLENCE À LA PUISSANCE. Le conseiller vient se positionner dans son champ <strong>de</strong><br />

vision.<br />

Jusqu’à tenir le sac !<br />

MOMO<br />

Si seulement tu mettais autant <strong>de</strong> rage à<br />

trouver un emploi…<br />

… J’ai peut-être trouver une formation pour<br />

toi, tu sais ça ?...<br />

… Non, tu sais pas… Comment tu pourrais…<br />

Ça fait 3 semaines que je n’te vois pas !...<br />

Gia reste impassible. Peut-être INTENSIFIE-t-il juste LA CADENCE ET L’IMPACT<br />

DE SES COUPS…<br />

MOMO<br />

… Au fait, inutile <strong>de</strong> te dire que tu as perdu<br />

tous tes droits en laissant traîner les<br />

choses…<br />

La NPE t’a radié et pour la formation que tu<br />

veux faire, la prise en charge suppose le<br />

statut <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ur d’emploi.<br />

50


Résultat : tu l’as dans l’baba !<br />

À moins que tu ne prennes ren<strong>de</strong>z-vous<br />

avec l’Agence et que tu expliques les raisons<br />

<strong>de</strong> ton silence radio…<br />

Ça n’est pas moi qui vais pouvoir accomplir<br />

cette démarche à ta place…<br />

(long silence rythmé par les coups<br />

<strong>de</strong> Gia qui ne faiblissent pas)<br />

…Mh, tu m’prends pour un vieux ringard,<br />

c’est sûr, ou aut’ chose…<br />

Un original, à côté d’la plaque…<br />

Ouais, t’as p’t-êt’ raison. C’est p’t-êt’ moi qui<br />

suis con <strong>de</strong> m’accrocher, <strong>de</strong> croire que<br />

t’insérer je l’puis comme dirait l’autre…<br />

Un sourire furtif et un LÉGER CONTRETEMPS DANS LA « MUSIQUE » DE<br />

L’ENCHAÎNEMENT DES COUPS CHEZ GIA.<br />

Il se dirige vers un punching-ball suspendu et commence à mouliner.<br />

MOMO<br />

Ah-aaah !... Serait-ce une esquisse <strong>de</strong><br />

sourire, jeune jedi ?...<br />

Aaah mon vieux Maurice, tu tiens l’bon bout.<br />

Au fait, je m’appelle Maurice mais tu peux<br />

m’appeler Momo…<br />

(il tend une main qui reste sans<br />

receveur)<br />

Ouais... ça m’aurait étonné…<br />

Momo reste à l’observer en silence, l’œil malin. Il s’active, passe dans le dos <strong>de</strong> Gia.<br />

Se retrouve <strong>de</strong> l’autre côté puis en face. Là, il reste à le fixer jusqu’à ce que :<br />

GIA<br />

(assénant très fort un <strong>de</strong>rnier coup<br />

<strong>de</strong> poing)<br />

Quoi ! Tu vas m’tourner longtemps autour<br />

comme ça ?<br />

(face-à-face)<br />

T’es un d’ces dèp ?<br />

MOMO<br />

Johnny ?<br />

Gia fronce les sourcils, perturbé par la question.<br />

51


GIA<br />

T’es fou, en fait…<br />

(pointant son doigt sur le front <strong>de</strong><br />

l’adulte)<br />

bientôt la r’traite !<br />

Gia se détourne, ainsi rompt le face-à-face, pour s’orienter vers un punching-ball sur<br />

pied. Il se remet à boxer mais cette fois en tournant tout autour. Momo, encore lui, ne<br />

tar<strong>de</strong> pas à venir rô<strong>de</strong>r dans les parages.<br />

MOMO<br />

…<strong>de</strong>s blanches ou <strong>de</strong>s vaches ?<br />

Gia suspend à peine son jeu <strong>de</strong> jambes pour jeter un regard noir…<br />

au vieux dingo qui l’observe en souriant.<br />

Gia reprend <strong>de</strong> plus belle, virevolte autour du ballon <strong>de</strong> cuir avec une aisance à la<br />

Sugar Ray : confondante et redoutable.<br />

Momo en fait <strong>de</strong> même en sens inverse, histoire d’être toujours plein axe dans son<br />

champ <strong>de</strong> vision. Au bout <strong>de</strong> quelques tours <strong>de</strong> ce ballet sportif :<br />

MOMO<br />

T’as du style, Sugar.<br />

Gia toujours en jambes, lève les yeux au ciel sans perdre le RYTHME DES COUPS<br />

PORTÉS PAR ENCHAÎNEMENT. La coordination est parfaite et la synchronisation<br />

<strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux déplacements toujours <strong>de</strong> haute tenue.<br />

MOMO<br />

Tu m’rappelles moi quand j’avais ton âge…<br />

GIA<br />

La boxe existait déjà ?<br />

MOMO<br />

Bien joué ! 1-0<br />

52


GIA<br />

(flow saccadé par les<br />

sautillements)<br />

Pas la peine <strong>de</strong> compter les points ! À ce jeulà,<br />

j’te mets k.o, 10-0…<br />

Gia s’arrête, récupère une serviette accrochée à l’échelle et… en passant à côté du<br />

conseiller :<br />

GIA<br />

(moqueur)<br />

…Momo !<br />

Il rabat la serviette sur son épaule et s’éloigne vers le centre <strong>de</strong> la salle.<br />

Après un temps, Momo lui emboîte le pas.<br />

MOMO<br />

(voix portée)<br />

Moi aussi je croyais au style…<br />

J’avais besoin <strong>de</strong> ça pour survivre !<br />

Toi Luke, qu’est-ce qu’i’t’fait survivre à part le<br />

style ?<br />

Gia passe une porte dans le mur qui longe les rings. Quand elle se referme, on peut<br />

lire « Vestiaires ».<br />

À l’arrêt, Momo continue <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r à cet endroit.<br />

Momo tourne et lève la tête vers la source.<br />

MAMADOU<br />

(petite voix d’enfant)<br />

Pourquoi vous l’appelez Luc, monsieur ?<br />

Les 3 jeunes à qui il s’était adressé en arrivant, sont alignés sur le ring.<br />

Faouzi répriman<strong>de</strong> Mamadou d’une TAPE DERRIÈRE LA TÊTE.<br />

FAOUZI<br />

(à voix très basse)<br />

Vas-y toi, qu’est-ce tu lui parles !<br />

53


MOMO<br />

(amusé)<br />

Un truc entre nous.<br />

MOHEDINE<br />

Le rap, M’sieu.<br />

Momo tourne la tête vers le second bout d’chou.<br />

MOMO<br />

Pardon ?<br />

Une lueur d’intérêt chez le conseiller.<br />

MOHEDINE<br />

(sous le regard noir <strong>de</strong> Mohedine)<br />

Le rap, M’sieu. Gia et ses sosses, i’z’ont<br />

qu’ça.<br />

MOMO<br />

Voyez vous ça.<br />

FAOUZI<br />

Ram’nez-vous c’soir au Bafana. Et vous (les)<br />

verrez !<br />

Momo hoche inconsciemment la tête, un sourire discret et les yeux qui brillent déjà.<br />

INT - SALLE DE BOXE : VESTIAIRE – JOUR<br />

La PORTE D’UN CASIER SE REFERME VIOLEMMENT et un POING S’ABAT<br />

DESSUS, marque <strong>de</strong> la grosse colère d’un certain Gia.<br />

Debout entre banc et rangée <strong>de</strong> casiers, il redonne un COUP DE POING DANS LA<br />

PORTE et finit en collant son front sur le métal.<br />

54


EXT - LE BAFANA - SOIR<br />

Le profil <strong>de</strong> Gia est remplacé par celui d’une FEMME D’ÂGE MÛR et la surface<br />

métallique en contact avec le front par une ÉNORME MAIN NOIRE qui agit en<br />

repoussoir.<br />

UNE FAN DE METALLICA comme en atteste le patch cousu dans le dos <strong>de</strong> la veste<br />

en jean, ajustée tout comme le pantalon.<br />

LE PHYSIO, une armoire à glace noire comme l’ébène, fait barrage <strong>de</strong> sa main à la<br />

volonté insistante d’entrer tête baissée <strong>de</strong> la hardos. Finalement c’est elle qui rompt<br />

la première, recule à contrecoeur. Elle n’a pas l’air bien dans sa tête, à piaffer<br />

comme elle le fait !<br />

Et LES AUTRES AUTOUR ne font que rajouter : passant le barrage sans la moindre<br />

difficulté, leurs sourires moqueurs la narguent. Parmi eux, Chris (« Biggie ») fait son<br />

numéro.<br />

CHRIS<br />

(plus efféminé que jamais)<br />

Mais qu’est-ce qu’elle a celle-là !<br />

Ici c’est réservé aux b-boys et aux tass’ au<br />

boul’ comme aç !<br />

« Elle » CLAQUE À PLEINE PAUME SUR LES FESSES REBONDIES D’EBONY,<br />

beauté black et charnelle.<br />

EBONY<br />

(colère feinte, la tête ondulant <strong>de</strong><br />

droite à gauche)<br />

Eeh Chrissie ! Tu vires ta cuti ? ou c’est juste<br />

pour amuser la galerie !<br />

Chris, entouré d’un auditoire compressé (Francis, Lenny et les autres blacks <strong>de</strong> son<br />

crew, les jeunes <strong>de</strong> la salle <strong>de</strong> boxe : ceux reconnaissables, les Faouzi, Mohedine,<br />

Mamadou) exulte :<br />

CHRIS<br />

(les yeux ronds comme <strong>de</strong>s billes)<br />

Houuh… d’J-Looooo…<br />

(tourne la tête vers sa « cour »)<br />

Sans transition, il éclate d’un RIRE ÉNORME, le communiquant à son entourage,<br />

emportant jusqu’à Ebony aux lèvres pulpeuses.<br />

55


Toute la clique rentre à l’intérieur. Elle, bras <strong>de</strong>ssus, bras <strong>de</strong>ssous avec Chris qui la<br />

retient le temps d’un regard sans équivoque au vi<strong>de</strong>ur. Le vi<strong>de</strong>ur reste stoïque et<br />

Chris est vite entraîné à l’intérieur par la conviction <strong>de</strong> la J-Lo black.<br />

Avant <strong>de</strong> disparaître définitivement :<br />

Il repart à RIRE. Il n’est plus là.<br />

INT - LE BAFANA – SOIR<br />

CHRIS<br />

(pointe du doigt la fan <strong>de</strong> Metallica<br />

hors champ)<br />

Et toi… va t’laver les ch’veux !<br />

L’AMBIANCE HIP HOP bat son plein. Le SON DÉCHIRE et il y a FOULE DANS LE<br />

CLUB. On suit la p’tite troupe se frayant un chemin jusqu’aux <strong>de</strong>vants <strong>de</strong> la scène.<br />

Une fois les premiers rangs atteints, toute la clique se met à jumper en ca<strong>de</strong>nce, les<br />

bras en l’air.<br />

Sur scène (une petite estra<strong>de</strong>), UN DJ SCRATCHE DU PUR ET LOURD : le FINAL<br />

DE (son) FREESTYLE. Il enchaîne sur un NOUVEAU BEAT.<br />

qui fait encore monter la température <strong>de</strong> plusieurs <strong>de</strong>grés dans la salle : PUBLIC<br />

DÉCHAÎNÉ, AMBIANCE SURCHAUFFÉE.<br />

En provenance backstage, les membres du groupe N’garso déboulent sur la scène.<br />

Sans temps mort, les Gia, Karim, Derek, Zyno et Alistair occupent la scène, facile. Le<br />

<strong>de</strong>vant pour lâcher le PREMIER FLOW en tapant dans les mains <strong>de</strong>s premiers<br />

rangs.<br />

Au fond, accoudé au bar, le conseiller Momo est là. Dans ses yeux, ça pétille et la<br />

tête bouge !<br />

Là-bas, sur la scène, c’est <strong>de</strong> la pure démonstration du savoir-faire hip-hop <strong>de</strong>s 5<br />

jeunes au style cainri.<br />

QUELQUES MINUTES ET QUELQUES TITRES PLUS TARD<br />

MORCEAU DE N’GARSO RÉPÉTÉ AU HOME STUDIO DE MISTER O (voir page 29<br />

/ 30)<br />

N’garso assure toujours. Derek, Zyno et Alistair sont en retrait, têtes baissées dans<br />

l’ombre, laissant la ve<strong>de</strong>tte aux 3 autres. Nadia les a rejoint pour le REFRAIN. On<br />

56


« arrive » sur les <strong>de</strong>rnières secon<strong>de</strong>s d’interprétation. Des CRIS saluent<br />

chaleureusement la fin <strong>de</strong> la chanson<br />

et du concert (le groupe quitte la scène).<br />

Le PUBLIC TAPE DANS LES MAINS, HURLE, SCANDE LE NOM DU GROUPE.<br />

Le DJ toujours <strong>de</strong>rrière ses platines lance un PUR INSTRU WESTCOAST.<br />

On retrouve nos rappers qui émergent d’une porte latérale à la scène.<br />

Ils se déplacent parmi leur public. On leur tape sur les épaules. Ils répon<strong>de</strong>nt aux<br />

mains levées en distribuant les CLAQUES DANS LES PAUMES.<br />

La petite procession parvient à atteindre le bar pour se masser au comptoir et passer<br />

comman<strong>de</strong> à l’un <strong>de</strong>s BARMEN. Du coin <strong>de</strong> l’œil, Gia remarque quelqu’un assis non<br />

loin. Sa bouteille <strong>de</strong> coca à la main, il rejoint Momo, s’adosse, les cou<strong>de</strong>s sur le zinc.<br />

Boit une gorgée en regardant <strong>de</strong>vant lui.<br />

GIA<br />

Vous ici ! Quelle surprise.<br />

MOMO<br />

Ce sont eux !<br />

(signe indicateur du pouce dans<br />

son dos)<br />

FAOUZI est en train <strong>de</strong> danser sur la piste avec UNE BÊTE DE MEUF. Mohedine<br />

danse seul tout comme Mamoudou.<br />

Gia sourit, toujours aussi charismatique.<br />

GIA<br />

(se tournant pour la première fois<br />

vers son voisin)<br />

??? (réplique à écrire) voir avec Deka, Mam<br />

Momo ne répond pas mais focalise toute son attention sur Gia, qui regar<strong>de</strong> à<br />

nouveau la piste, sourit, secoue la tête et se tourne pour s’accou<strong>de</strong>r au bar.<br />

Il rentre les épaules, incline la tête qu’il secoue d’un côté, l’autre. La relève pour<br />

regar<strong>de</strong>r à nouveau le conseiller. Ses yeux tombent sur le verre vi<strong>de</strong> <strong>de</strong> Momo.<br />

GIA<br />

Vous vous la réglez là ou quoi ?<br />

57


MOMO<br />

la… la régler ?<br />

Il prend son ticket et commence à le lire. Gia le lui prend <strong>de</strong>s mains et interpelle le<br />

barman qui les a servi.<br />

Gia l’arrête, main en opposition.<br />

GIA<br />

Steph, enfoiré ! Tu fais payer mes guest<br />

maintenant !<br />

(il fourre la note dans la pochecœur<br />

du barman, un beau métis)<br />

STÉPHANE<br />

Il m’a rien dit. Je pouvais pas d’viner.<br />

GIA<br />

Ben maintenant tu sais.<br />

MOMO<br />

(gêné)<br />

Non mais atten<strong>de</strong>z…<br />

GIA<br />

(sans regar<strong>de</strong>r Momo, fixant<br />

toujours le barman)<br />

Tu r’prends quoi ?<br />

<strong>Stéphane</strong> sourit à Gia en secouant la tête.<br />

STÉPHANE<br />

Ah… putain Gia, t’es gonflé.<br />

Gia attend mais aucune réponse ne vient.<br />

GIA<br />

Oh M2O, tu r’prends un truc à boire ? C’est<br />

la maison qui offre.<br />

58


MOMO<br />

Oh… c’est que j’voudrais pas…<br />

<strong>Stéphane</strong> lève les yeux au ciel et repart.<br />

GIA<br />

Allé, vas-y c’est bon. Mets-lui la même<br />

chose.<br />

GIA<br />

Et c’est pas la peine <strong>de</strong> tchiper, là.<br />

[scène à travailler avec Mam & Deka / travail <strong>de</strong> retranscription après mise en<br />

situation] lui annonce que peut avoir une salle sur Paris conclusion<br />

INT - HOME STUDIO MISTER O - SOIR<br />

Gia, Karim, Derek, Alistair et Zyno sont assis, cool.<br />

(ask Deka / Mam comment sont quand enregistrent à Châtelet)<br />

GIA<br />

Bon alors avant <strong>de</strong> commencer, j’ai un truc à<br />

vous annoncer.<br />

Karim lève immédiatement les yeux <strong>de</strong> sa feuille pour les poser sur Gia. Quand aux<br />

3 autres : 2 stoppent leur discussion.<br />

Le 3 ème lève la tête <strong>de</strong> son portable.<br />

GIA<br />

Alors voilà. Le gars avec qui vous m’avez vu<br />

discuter hier soir, ben i’s’trouve qu’il a moyen<br />

d’nous pécho une salle sur Paris.<br />

Karim ferme les yeux et baisse la tête en soufflant.<br />

Les 3 autres restent sans réaction.<br />

59


MISTER O<br />

(off)<br />

Shiiit !...<br />

Toutes les têtes se tournent vers la gauche. Mister O est figé, casque à la main.<br />

DEREK<br />

(off)<br />

Attends,...<br />

Le big popa, avachi sur sa chaise, revient sur Gia.<br />

Il tape dans les mains <strong>de</strong> Derek.<br />

Gia sourit.<br />

DEREK<br />

Si j’comprends bien, l’daron c’est un prod.<br />

ALISTAIR<br />

(lumineux)<br />

Nooon…<br />

ZYNO<br />

(off)<br />

Vas-y…<br />

(corps vers l’avant sur sa chaise)<br />

…explique.<br />

GIA<br />

Ho, les mecs ! C’est pas un prod, d’accord ?<br />

KARIM<br />

Ben c’est quoi alors ?<br />

GIA<br />

Mh ! « C’est quoi » ? D’après toi ?<br />

60


Personne ne fait attention.<br />

KARIM<br />

(rigolard)<br />

C’est un daron ! J’chais pas moi !<br />

ZYNO<br />

(sérieux)<br />

Oh la. C’est quoi ça ! On va pas y passer 10<br />

plombes !<br />

DEREK<br />

Il a raison. Calcule pas l’aut’ touareg, là !<br />

ALISTAIR<br />

(écroulé <strong>de</strong> rire)<br />

Hou hou hou…<br />

KARIM<br />

Qui est-ce que tu traites <strong>de</strong> touareg !<br />

KARIM<br />

(bas et à Derek)<br />

Cafard !<br />

GIA<br />

(hésitant)<br />

C’est… un gars qui bosse pour le<br />

gouvernement.<br />

ZYNO<br />

C’est quoi ça le gouvernement ? J’te jure <strong>de</strong>s<br />

fois t’es trop cainri.<br />

DEREK<br />

Ouais en fait c’est l’Etat.<br />

ALISTAIR<br />

C’est un fonctionnaire, quoi.<br />

61


Il éclate <strong>de</strong> RIRE et présente sa main paume en l’air à son voisin <strong>de</strong> droite, Derek,<br />

qui TAPE <strong>de</strong>dans.<br />

Karim ricane dans sa barbe.<br />

Gia gar<strong>de</strong> son sérieux.<br />

GIA<br />

Si vous voulez, mais qu’est-ce que ça<br />

change ?<br />

Qu’il bosse pour Death Row, Bad Boy, fuck !<br />

I don’t give a shit, men !<br />

GIA<br />

Et toi l’blédard, qu’est-ce qui t’fais rire ?<br />

ZYNO<br />

Mais ouais, laisse tomber lui.<br />

ALISTAIR<br />

C’est vrai ça, qu’est-ce qui t’arrive ?<br />

DEREK<br />

Oh Tonton !<br />

KARIM<br />

(irrité)<br />

Mais cassez-vous ! Sur l’Coran ! On peut<br />

plus rigoler maintenant ?<br />

GIA<br />

Ouais mais là c’est du sérieux, tu<br />

comprends ?<br />

Karim cligne <strong>de</strong>s yeux dans un SILENCE DE MORT. Il tourne la tête à droite.<br />

DEREK & ALISTAIR<br />

(avachis en arrière dans leur<br />

chaise)<br />

Eh ouais mec.<br />

62


Il détourne à gauche pour y voir un Zyno 100% sérieux.<br />

KARIM<br />

(à Gia)<br />

Dis wallah ?<br />

Gia éclate <strong>de</strong> RIRE en même temps que les 3 autres.<br />

Jusqu’à Mister O qui retrouve vite ses esprits pour relancer sur le sujet.<br />

MISTER O<br />

(se roulant un joint <strong>de</strong> taille<br />

honorable)<br />

Et donc alors peu importe ton gars, là. La<br />

salle, tu l’as vu ?<br />

GIA<br />

Non, j’l’ai pas vu. Il m’en a parlé que hier<br />

soir.<br />

MISTER O<br />

Tu sais au moins <strong>de</strong> quelle salle il s’agit ?<br />

GIA<br />

NPE Spectacles…<br />

KARIM<br />

Hein !? NPE ? T’es mala<strong>de</strong> !<br />

DEREK<br />

Tu nous vois aller pointer ?<br />

ALISTAIR<br />

Au guichet rap !<br />

ZYNO<br />

Ces enfoirés ! J’ai même pas droit aux<br />

Assedics…<br />

63


Gia baisse la tête en soufflant.<br />

Mister O repart d’un RIRE HEUREUX.<br />

KARIM<br />

Mais ouais, vas-y ! Moi j’m’en fous, j’ai pas la<br />

carte !<br />

MISTER O<br />

Non non non, déten<strong>de</strong>z-vous.<br />

(il allume le oinj et tire <strong>de</strong>ssus :<br />

voix nasale)<br />

Putain c’est d’la bonne !<br />

KARIM<br />

Ben vas-y O, fais tourner !<br />

Il se lève et vient jusqu’à O pour goûter.<br />

DEREK<br />

(à Karim)<br />

Alors ?<br />

GIA<br />

Alors vous n’avez pas laiss…<br />

DEREK<br />

(toujours fixé vers Karim)<br />

Attends<br />

GIA<br />

…é finir…<br />

KARIM<br />

(voix nasale)<br />

Elle… déchire !<br />

ZYNO<br />

Mais alors vas-y, ‘ros, ramène ça !<br />

64


Il reprend son bien.<br />

Karim revient à sa place.<br />

ALISTAIR<br />

T’es un enfoiré Karim ! Passe le oinj !<br />

MISTER O<br />

Eh mais oh !<br />

(il retient Karim par le bras)<br />

C’est pas un coffee shop ici !<br />

DEREK<br />

Mister O t’es un ouf !<br />

ALISTAIR<br />

Un rat tu veux dire !<br />

ZYNO<br />

Ben tu sais quoi ? Va t’faire…<br />

GIA<br />

(tandis que Zyno termine <strong>de</strong><br />

s’adresser à Mister O en silence)<br />

Eh les mecs c’est quoi c’Bronx !<br />

C’est pas un coffee shop ! C’est un ch’nil !<br />

KARIM<br />

C’est ça, traite-nous d’chiens d’la casse<br />

pendant qu’t’y es !<br />

GIA<br />

(en colère)<br />

Karim !!!<br />

KARIM<br />

(se faisant tout p’tit)<br />

Vas-y pourquoi tu t’énerves.<br />

65


DEREK<br />

Bon alors quoi ! C’te salle, t’accouches !<br />

ALISTAIR<br />

Ouais, tu vas lâcher le morceau ?<br />

ZYNO<br />

Vas-y annonce !<br />

Gia bondit <strong>de</strong> sa chaise sur Karim.<br />

GIA<br />

(à Mister O)<br />

Vas-y toi. Moi j’peux plus !<br />

MISTER O<br />

(zen)<br />

Oooh faut pas t’mettre dans cet état ! Reste<br />

cool, Gia.<br />

Reste coool<br />

(il éclate d’un rire désordonné)<br />

GIA<br />

Ok d’accord, j’ai compris. Bon vous<br />

m’écoutez ou vous préférez continuer à fout’<br />

le dawa ?<br />

KARIM<br />

(voix <strong>de</strong> stentor)<br />

On fout l’dawa !<br />

GIA<br />

Putain !<br />

LES 3 BLACKS<br />

Oh oh oh<br />

Gia commence à savater Karim au sol. Il est vite maîtrisé par les autres membres du<br />

groupe.<br />

66


DEREK<br />

T’es och ! Il est ‘chiré. Regar<strong>de</strong>.<br />

Karim est plié en <strong>de</strong>ux par terre mais <strong>de</strong> RIRE.<br />

GIA<br />

(à Mister O)<br />

Va t’faire foutre Mister O ! C’est quoi cette<br />

mer<strong>de</strong> que tu fumes ?<br />

Mister O est mort <strong>de</strong> RIRE. Les 3 blacks à leur tour. Reste Gia qui craque enfin et<br />

relève Karim.<br />

À PEINE PLUS TARD…<br />

GIA<br />

Allé, gros. J’m’excuse.<br />

Tout le mon<strong>de</strong> assis. Karim, un verre à la main dont il avale le contenu en grimaçant.<br />

ALISTAIR<br />

Voilà ! C’est bien.<br />

DEREK<br />

(à Gia)<br />

Donc si j’résume c’que tu viens d’dire, on fixe<br />

une date, on voit si la salle est libre à cette<br />

date et c’est tout ?<br />

GIA<br />

C’est tout sauf qu’une fois la date confirmée<br />

c’est du taf ! Entre les répèts, l’organisation,<br />

la promo !<br />

ZYNO<br />

C’est tout pour not’gueule ?<br />

67


SILENCE<br />

Derek se réveille.<br />

GIA<br />

On peut dire ça.<br />

MISTER O<br />

(gêné, à la main, un mug décoré<br />

d’une caricature <strong>de</strong> Bob Marley)<br />

Ouais…<br />

GIA<br />

Je l’savais et j’ai dit non. J’ai bien fait à voir<br />

vot’ réaction.<br />

DEREK<br />

What !!!<br />

Gia affiche un sourire <strong>de</strong> réconfort.<br />

ALISTAIR<br />

(léger)<br />

T’as très bien entendu, DK. Ce G a pas<br />

confiance !<br />

ZYNO<br />

(à Gia)<br />

Hey mec ! Ecoute-moi bien. Les répèts, tu<br />

peux les fixer, j’y serai !<br />

La promo, les gars d’N’garso, ils assurent !<br />

Alors tu vas rappeler ton gars, là. Et tu vas<br />

lui dire que c’est ok pour moi et tous mes<br />

sosses du tiéquar’.<br />

On s’ra là pour fout’ le dawa ! La téci monte<br />

à Paris.<br />

KARIM<br />

Moi tant qu’j’chuis pas tout seul à coller les<br />

affiches.<br />

68


Le reste <strong>de</strong> l’assemblée éclate <strong>de</strong> RIRE.<br />

À PEINE PLUS TARD…<br />

DÉMARRAGE D’UN BEAT SYNCOPÉ PROPICE À POSER UN FLOW<br />

GIA<br />

(en mo<strong>de</strong> intro parlée)<br />

Ok… bon là c’est l’histoire d’un gars qui vient<br />

d’sortir <strong>de</strong> prison…<br />

EXT - PRISON DE FRESNES : SORTIE – JOUR<br />

SUITE BEAT SYNCOPÉ PROPICE À POSER UN FLOW<br />

SOFRANE, un jeune black au visage dur passe la porte <strong>de</strong> la prison dans le sens<br />

sortie. Il reste sur le trottoir et regar<strong>de</strong> durement à droite, à gauche.<br />

SOFRANE<br />

(over)<br />

(suite texte rap) à retranscrire<br />

INT - HOME STUDIO MISTER O – SOIR<br />

SUITE BEAT SYNCOPÉ PROPICE À POSER UN FLOW<br />

SOFRANE<br />

(over)<br />

3 piges que j’chuis coincé dans c’bor<strong>de</strong>l à 4<br />

murs…<br />

N’garso sans le N en configuration rap session.<br />

Par la fenêtre du « studio »…<br />

69


EXT - CITÉ « LES GROUX » - JOUR<br />

SUITE RAP SOFRANE (OVER) retranscrire<br />

…jusqu’en bas dans la cité où un bus dépose Sofrane et son allure <strong>de</strong> jeune caïd.<br />

Le bus redémarre et son ex-passager reste un court instant sur place, regard<br />

circulaire sur le quartier : tout est CALME. R.A.S. À part qu’il semble reconnaître<br />

quelqu’un à en juger son signe <strong>de</strong> tête et le fait qu’il se dirige<br />

vers… DEUX BLACKS en planton dont un va à sa rencontre. Salut <strong>de</strong> rue.<br />

Libass (!) présente ALI au revenant Sofrane.<br />

INT - CHÂTELET / FORUM DES HALLES : PLACE CARRÉE – JOUR<br />

SUITE RAP SOFRANE (OVER) retranscrire<br />

Gia, démarche affairée, portable à l’oreille.<br />

INT - NPE : BUREAU DU CONSEILLER – JOUR<br />

SUITE RAP SOFRANE (OVER) retranscrire<br />

Momo à l’autre bout du « fil ». Il semble ravi. Assis en face <strong>de</strong> lui, un JEUNE PUNK<br />

fatigué.<br />

NOIR ÉCRAN<br />

INT - PARKING SOUTERRAIN – SOIR<br />

SUITE RAP SOFRANE (OVER) retranscrire<br />

Ouverture d’un coffre sur le visage <strong>de</strong> Sofrane.<br />

Dans le coffre, <strong>de</strong>s sachets <strong>de</strong> poudre blanche jusqu’à cette couleur PLEIN ÉCRAN.<br />

70


EXT - PARKING SOUTERRAIN – JOUR (ASK DEKA / MAM IF EFFET LOGIC)<br />

SUITE RAP SOFRANE (OVER) retranscrire<br />

Une voiture <strong>de</strong> luxe type Merce<strong>de</strong>s sort du souterrain.<br />

On est dans… la cité <strong>de</strong>s Groux.<br />

Peu <strong>de</strong> temps après, sort Sofrane, un sac <strong>de</strong> sport bien rempli à bout <strong>de</strong> bras. Il<br />

croise <strong>de</strong>s JEUNES DU QUARTIER en train <strong>de</strong> distribuer <strong>de</strong>s tracts.<br />

INT - PHOTOCOPIEUSE : À LA SORTIE DES FEUILLES – JOUR<br />

SUITE RAP SOFRANE (OVER) retranscrire<br />

De nombreuses photocopies sur papier couleur annonçant le concert d’N’garso<br />

sortent à la chaîne et s’accumulent.<br />

INT - LIEU SECRET – JOUR<br />

SUITE RAP SOFRANE (OVER) retranscrire<br />

Des petits sachets blancs sont déversés sur une table en bois brut.<br />

EXT - RUES DE PARIS – JOUR<br />

SUITE RAP SOFRANE (OVER) retranscrire<br />

Les membres du groupe négocient pour placer les affiches maison annonçant le<br />

concert avec DIFFÉRENTS COMMERÇANTS et avec plus ou moins <strong>de</strong> succès.<br />

EXT - CITÉ « LES GROUX » - JOUR<br />

SUITE RAP SOFRANE (OVER) retranscrire<br />

Une JEUNE FILLE échange quelques billets contre un petit sachet blanc. Dans le<br />

rôle du <strong>de</strong>aler : Libass.<br />

71


EXT - RUE DE PARIS - CRÉPUSCULE<br />

SUITE RAP SOFRANE (OVER) retranscrire<br />

Distribution <strong>de</strong> main à main du tract du concert.<br />

Gia vérifie auprès <strong>de</strong> Karim et Nadia, qui distribuent en binôme, ce qu’il leur reste <strong>de</strong><br />

flyers. A l’arrière-plan, les 3 blacks <strong>de</strong> N’Garso en pleine action.<br />

INT - CITÉ « LES GROUX » : VOITURE - NUIT<br />

SUITE RAP SOFRANE (OVER) retranscrire<br />

Les billets remplacent les tracts dénombrés.<br />

La liasse est entre les mains <strong>de</strong> Sofrane. Une part est remise à Ali, ici assis <strong>de</strong>rrière<br />

le volant. À son tour, Ali ponctionne quelques billets pour les tendre aux <strong>de</strong>ux jeunes<br />

caillera assis à l’arrière (le sieur Libass et un <strong>de</strong>s « ses » renois : le sieur Vernon). Le<br />

duo <strong>de</strong> petites frappes s’empare <strong>de</strong>s euros et les fourre illico presto dans les<br />

blousons. Sofrane rallume la liseuse au-<strong>de</strong>ssus du rétro central…<br />

INT - SALLE DE CONCERT - SOIR<br />

SUITE RAP SOFRANE (OVER) retranscrire<br />

…Un projecteur suspendu s’allume à pleine intensité.<br />

Au sol, bord scène, Gia donne ses directives éclairage au TECHNICIEN DU LIEU. Le<br />

reste du crew reconnaît la scène, Mister O aux platines ! Côté salle, les GROUPIES<br />

sont <strong>de</strong> la répèt !<br />

L’UNE D’ENTRE ELLES, boul’ d’enfer, se lève <strong>de</strong> son siège. Démarche chaloupée…<br />

EXT - CITÉ « LES GROUX » - NUIT<br />

SUITE RAP SOFRANE (OVER) retranscrire<br />

Reprise dans la continuité du déhanché sur une autre créature, une PUTE que nous<br />

prenons en « filature ». Dans une ruelle, elle se déplace sur talons hauts et jupes<br />

filées, entre D’AUTRES comme elle, adossées contre la paroi tôlée. Elle, est<br />

accompagnée d’un CLIENT. À la sortie du boyau, le « couple » bifurque à gauche<br />

sur quelques pas jusqu’à une portière que l’homme ouvre.<br />

72


Une fois assise côté passager, la pute replie ses jambes gainées résille dans la<br />

caisse. La portière se referme sur elle. Le « consommateur » fait le tour du véhicule.<br />

Le temps <strong>de</strong> découvrir le visage <strong>de</strong> la prostituée, une très jeune fille typée et <strong>de</strong> son<br />

« chauffeur », profil du jeune cadre dynamique.<br />

Le luxueux boli<strong>de</strong> démarre et fait le tour du fameux terre-plein central entre les tours<br />

<strong>de</strong> béton. Au loin, le véhicule croise une autre jeune fille.<br />

AU RAP DE SOFRANE SE SUBSTITUE PEU À PEU UN RAP INTERPRÉTÉ PAR<br />

NADIA<br />

Qu’on i<strong>de</strong>ntifie plus près, en conversation téléphonique kit main libre !<br />

LE RAP PASSE EN FOND SONORE.<br />

NADIA<br />

Attends<br />

Elle fige sur le passage <strong>de</strong> la 4 roues et <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>ux occupants. Son visage exprime<br />

l’inquiétu<strong>de</strong> en lien direct avec ce qu’elle vient <strong>de</strong> voir. Elle reprend pourtant sa<br />

marche.<br />

NADIA<br />

Ouais excuse-moi, mais y avait un truc<br />

chelou, là.<br />

Euh… ouais ben ouais sinon j’ai… (dial / taf<br />

pour la promo du concert)<br />

Attends, Gia. J’te rappelle.<br />

Mohedine fait le pet <strong>de</strong>vant l’entrée <strong>de</strong> la tour où logent Nadia et Karim.<br />

Nadia RETIRE LES ÉCOUTEURS DE SES OREILLES. SON RAP (FADE CUT)<br />

Le minot a l’air embêté <strong>de</strong> cette rencontre.<br />

NADIA<br />

Putain !... (à écrire vrai)<br />

C’est quoi ça !? Qu’est-ce que tu fous <strong>de</strong>hors<br />

à c’t’heure-ci ???... (silence en face)<br />

Hein ?... Oh !<br />

Mohedine est tétanisé. Derrière lui, la porte vitrée et <strong>de</strong>rrière, Sofrane encore en biz<br />

chelou avec Libass et ses <strong>de</strong>ux acolytes : Vernon et Mike.<br />

Nadia se décompose cash en apercevant les bad guys.<br />

73


Libass indique à Sofrane la présence <strong>de</strong> Nadia à l’extérieur. Sofrane se retourne<br />

sans stress, affiche vite un sourire qui lui donne un air antipathique. Il interrompt là<br />

son biz, passe les portes et vient à la rencontre <strong>de</strong> Nadia.<br />

SOFRANE<br />

(ouvrant les bras)<br />

Nadia…<br />

NADIA<br />

(tendue mais forte)<br />

Sofrane.<br />

SOFRANE<br />

(mettant les mains sur les épaules<br />

du p’tit Mohedine)<br />

Tu fais connaissance avec ma <strong>de</strong>rnière<br />

recrue.<br />

NADIA<br />

J’crois pas, non<br />

(elle attrape le p’tit)<br />

Viens là Moulé.<br />

Elle retourne Mohedine vers elle et le tient fermement par les <strong>de</strong>ux bras.<br />

Mohedine baisse la tête, l’air coupable.<br />

NADIA<br />

Tu <strong>de</strong>vais pas aller ai<strong>de</strong>r Karim et les autres<br />

aujourd’hui ?<br />

NADIA<br />

Tu sais ce que Gia t’a dit à propos <strong>de</strong> tout<br />

ça.<br />

74


SOFRANE<br />

Tout ça ? C’est nouveau… ça ! C’est<br />

comme… ça !<br />

Fait pas ci et fais pas ça !<br />

Eh… Nadia ! Qu’est-ce qui t’arrives ? J’chuis<br />

un mec peace, tu sais ça.<br />

Au fait, tu m’<strong>de</strong>man<strong>de</strong>s pas comment<br />

c’était ?<br />

NADIA<br />

(toujours protectrice envers<br />

l’enfant)<br />

Comment c’était ?<br />

SOFRANE<br />

Approche déjà pour me souhaiter la<br />

bienvenue.<br />

NADIA<br />

T’attends pas à c’que ce soit la fête, Sofrane.<br />

Mer<strong>de</strong> ! Tu tiens à ce qu’il soit au courant ?<br />

SOFRANE<br />

Tu as raison. Alors laisse-moi au moins<br />

m’approcher.<br />

(mouvement amorcé vers l’avant)<br />

NADIA<br />

(un pas en arrière avec l’enfant)<br />

Pourquoi faire ?<br />

SOFRANE<br />

Oh, oh, oh. Voyez-vous ça ?<br />

Pris à témoin, les trois autres <strong>de</strong>rrière (sortis entre-temps) RICANENT.<br />

SOFRANE<br />

(sérieux brusquement)<br />

Quoi ! Je ne peux même plus embrasser une<br />

amie à présent ?<br />

75


NADIA<br />

On a tous changé, Sofrane. « Une amie »,<br />

mh !<br />

Tu as oublié pourquoi tu es parti ces<br />

<strong>de</strong>rnières années.<br />

Le quartier est bien sans toi. Bien mieux en<br />

tous cas.<br />

Et lui là, tu vois, tu l’auras pas.<br />

Il tente à nouveau un mouvement vers l’avant.<br />

SOFRANE<br />

Nadiaaa… tais-toiii… Tu vois pas que t’es<br />

toute seule à parler.<br />

Et que moi j’ai <strong>de</strong>s choses, tant d’choses à te<br />

dire.<br />

NADIA<br />

(mâchoires serrées)<br />

Ne m’approche pas !<br />

SOFRANE<br />

(énervé)<br />

Bon ! Tu sais quoi !? Vas-y ! Casse-toi !<br />

J’veux plus entend’ le son d’ta voix !<br />

NADIA<br />

Tu ne l’entendras pas souvent.<br />

En tous cas, fais en sorte qu’on ait pas à<br />

s’croiser trop souvent dans l’quartier.<br />

SOFRANE<br />

C’est ça. En attendant, lui, il reste avec moi.<br />

Pris par surprise à l’épaule, Mohedine se retrouve sous la tenaille <strong>de</strong> Sofrane.<br />

Non !<br />

NADIA<br />

Elle tente <strong>de</strong> récupérer Mohedine dans un geste désespéré. Sofrane l’attrape par les<br />

cheveux et la fait plier.<br />

76


SOFRANE<br />

Tu vois Nadia, « ces <strong>de</strong>rnières années »<br />

comme tu dis, ne m’ont pas changé.<br />

Ce que je veux… je l’prends !<br />

SANGLOTS <strong>de</strong> Mohedine. Sofrane s’approche du cou <strong>de</strong> Nadia. Il hume.<br />

SOFRANE<br />

Putain ! J’avais oublié ton o<strong>de</strong>ur.<br />

Jamais d’parfum, hein la miss. 100%<br />

naturelle. Une pure femelle.<br />

LIBASS<br />

Hola Sof. Y-a son mec.<br />

À plusieurs mètres au loin, Karim est planté dans le sol, témoin incrédule <strong>de</strong> la<br />

scène.<br />

Sofrane ouvre sa main d’un seul coup et libère Nadia qui manque <strong>de</strong> s’effondrer au<br />

sol.<br />

Karim reconnaît sa Nadia et se met à courir vers elle.<br />

Arrivé à sa hauteur :<br />

KARIM<br />

Nadia ! Bébé, ça va ?<br />

Il n’attend pas la réponse et fait face à Sofrane.<br />

KARIM<br />

Putain ! C’est…<br />

Il reconnaît Sofrane. Et <strong>de</strong> l’énervement, passe à l’incompréhension.<br />

KARIM<br />

…quoi ton problème, Sof !<br />

77


SOFRANE<br />

Ouais merci Karim. C’est gentil. Ben écoute<br />

je suis sorti il y a une semaine. Soit 259 <strong>de</strong><br />

moins que celles passées dans une cellule à<br />

maudire le moindre d’entre vous, tas<br />

d’bougnouls !<br />

KARIM<br />

Eh<br />

(il étouffe un rire <strong>de</strong> surprise)<br />

Qu’est-ce qui t’prends d’parler comme ça ?<br />

On y est pour rien Nadia et moi si t’as<br />

déconner !<br />

Sofrane sort une arme qu’il braque sur la tempe <strong>de</strong> Karim.<br />

SOFRANE<br />

(ton menaçant)<br />

« Déconner » ? Tu veux vraiment que<br />

j’déconne avec toi, bouffon !<br />

NADIA<br />

(en panique)<br />

Sofrane ! J’t’en prie ! Arrête ça !<br />

Sofrane stoppe illico le coup <strong>de</strong> pression et range l’arme.<br />

SOFRANE<br />

Pour toi, c’que tu veux chérie.<br />

Sofrane relève la tête et sans crier gare assène un coup <strong>de</strong> poing en pleine face à<br />

Karim, qui, surpris par l’impact vacille sous le choc et s’écroule en arrière.<br />

Nadia ne peut réprimer un cri <strong>de</strong> terreur quand elle se précipite sur son homme au<br />

sol. Elle n’a pas le temps <strong>de</strong> se pencher sur lui qu’elle est reprise par les cheveux.<br />

Sofrane se positionne <strong>de</strong>rrière elle et la retient ainsi prisonnière :<br />

SOFRANE<br />

Me dis pas que c’est ça son mec ! Nadia<br />

rassure-moi.<br />

78


KARIM<br />

Lâche-la-aaah !<br />

Karim essaie <strong>de</strong> se relever mais Libass lui balance un coup <strong>de</strong> pied en plein ventre.<br />

NADIA<br />

No-oon !<br />

SOFRANE<br />

Alors c’est vrai. Tt-tt-tt<br />

(il secoue la tête)<br />

Tu m’déçois, Nadia. Tu m’déçois là.<br />

Sofrane fait se courber Nadia et la promène à son gré tandis que Karim est maintenu<br />

par terre (on le voit essayer <strong>de</strong> se remettre sur ses <strong>de</strong>ux jambes mais à chaque<br />

tentative, une jambe d’un <strong>de</strong>s trois blacks qui l’entourent l’en empêche).<br />

Sofrane fait encore plus (se) plier Nadia pour présenter son visage tordu <strong>de</strong> douleur<br />

à la face <strong>de</strong> Mohedine, observateur immobile et muet <strong>de</strong> l’humiliation subie par le<br />

jeune couple.<br />

SOFRANE<br />

Regar<strong>de</strong>-là ! Regar<strong>de</strong>-là bien, petit !<br />

Cette salope va bientôt travailler pour moi !<br />

Mohedine a le visage bouleversé par les larmes. Il est aussi terrorisé.<br />

Nadia ne montre pas sa souffrance. Tout juste un GÉMISSEMENT.<br />

Au sol, Karim se tord <strong>de</strong> douleur.<br />

KARIM<br />

(ton suppliant)<br />

Laisse-la, Sooof…<br />

SOFRANE<br />

(imitant Karim, Nadia toujours<br />

« face à face » avec Mohedine)<br />

« Laisse-la, Sooof », non mais tu t’entends ?<br />

Putain d’mer<strong>de</strong>, Karim ! On est où là ?<br />

C’est quoi c’délire ? Vous êtes tous <strong>de</strong>v’nu<br />

<strong>de</strong>s fiottes, <strong>de</strong>s putains d’tarlouzes !<br />

Et toi, petit ? Fais-moi plaisir ! Me dis pas<br />

que t’en prends l’chemin !<br />

79


Mohedine change peu à peu d’expression. Il passe <strong>de</strong> la crainte à une plus crâne<br />

assurance.<br />

Sofrane s’en rend compte.<br />

SOFRANE<br />

Oh oh non ! Pas du tout les amis. Regar<strong>de</strong>zmoi<br />

ce p’tit dur.<br />

Ouaiiis allé, eh eh eh, c’est ça. Montre-moi.<br />

KARIM<br />

(non plus suppliant)<br />

Enfoiré !<br />

Immédiatement, Karim reçoit un violent coup <strong>de</strong> pied dans le ventre.<br />

Mohedine accuse le coup comme pour lui-même. Les CRIS DE DOULEUR <strong>de</strong> Karim<br />

« coupé » en <strong>de</strong>ux, provoquent chez l’enfant <strong>de</strong>s « microvibrations » <strong>de</strong>s paupières,<br />

<strong>de</strong>s muscles <strong>de</strong>s pommettes et <strong>de</strong>s zygomatiques. Il serre ses petits poings <strong>de</strong> mini<br />

boxeur, bras pendants le long <strong>de</strong> son corps.<br />

SOFRANE<br />

Alors c’est tout ! C’est ça ta colère ?<br />

Regar<strong>de</strong> tes amis. Tous les <strong>de</strong>ux à ma<br />

merci.<br />

Tu d’vrais être en feu ! Là t’es juste une<br />

petite baltringue.<br />

Les <strong>de</strong>rnières coulées <strong>de</strong> larmes sur les joues <strong>de</strong> la « baltringue ».<br />

SOFRANE<br />

Attends, tu veux que j’te foute vraiment la<br />

haine ? Hein ?<br />

Alors écoute bien. La chienne que t’es en<br />

train <strong>de</strong> contempler, écoute bien<br />

(il resserre la torsion <strong>de</strong>s cheveux<br />

provoquant un nouveau râle <strong>de</strong><br />

douleur chez Nadia)<br />

el…<br />

MOHEDINE<br />

(mâchoires soudées)<br />

Arrêt’ça !<br />

80


Quoi !<br />

SOFRANE<br />

Sofrane relâche Nadia dans les bras <strong>de</strong> Libass et fait « face » à Mohedine.<br />

SOFRANE<br />

(se penchant, l’oreille tournée vers<br />

la bouche du p’tit)<br />

T’as dit quoi ? J’ai pas dû bien entendre.<br />

Respiration heurtée <strong>de</strong> Mohedine, terrorisé, continuant malgré tout à tenir tête à<br />

Sofrane.<br />

SOFRANE<br />

(se redressant)<br />

Ouais… j’ai dû mal entendre.<br />

Parce que si ç’avait été ce que j’ai cru avoir<br />

entendu… ça aurait été fâcheux pour notre…<br />

collaboration naissante, tu n’crois pas ?<br />

(il se penche d’un coup tout près<br />

du visage <strong>de</strong> Mohedine et sur un<br />

ton très violent)<br />

Tu n’crois pas !<br />

Mohedine se remet à pleurer et tout son visage, son corps, se mettent à trembler<br />

comme une feuille.<br />

Satisfait du résultat <strong>de</strong> son effet <strong>de</strong> voix, Sofrane se redresse.<br />

SOFRANE<br />

(sans équivoque et conclusif, ton<br />

sec)<br />

N’oublie pas qu’tu bosses pour moi.<br />

Un bref regard pour Karim toujours au sol, surveillé par les <strong>de</strong>ux cerbères, Vernon et<br />

Mike.<br />

À nouveau fait-il face à Nadia, proie facile entre l’étau <strong>de</strong>s bras <strong>de</strong> Libass.<br />

NADIA<br />

Sur l’Coran, Sofrane, quand Gia va savoir<br />

ça !<br />

81


SOFRANE<br />

Sur le Coran, Nadia, ça m’fait trop peur.<br />

Brrrrr, j’en frissonne.<br />

NADIA<br />

(déroutée par l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />

Sofrane)<br />

Ouais c’est ça… ben en attendant tu f’rais<br />

mieux d’nous laisser tranquille.<br />

SOFRANE<br />

Pas avant que tu m’ais souhaité la<br />

bienvenue dans les formes, Naaa-diii-a<br />

(chantonnant)<br />

Sofrane approche son visage tout près <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> Nadia pour l’embrasser et sa<br />

main se dirige vers le bas...<br />

Sans crier gare, le genou <strong>de</strong> Nadia vient heurter <strong>de</strong> plein fouet les parties <strong>de</strong> Sofrane<br />

qui se « casse en <strong>de</strong>ux ».<br />

Elle (l’)enchaîne en lui crachant <strong>de</strong>ssus.<br />

Vernon et Mike ne réagissent pas. Libass lui, rétorque : pliant le corps <strong>de</strong> Nadia vers<br />

l’arrière, exerçant dans le même temps une torsion musculaire sur ses bras. NADIA<br />

CRIE INTENSÉMENT SA DOULEUR.<br />

Du sol, Karim chasse <strong>de</strong> la jambe celles <strong>de</strong> Vernon qui perd l’équilibre en arrière.<br />

Dans sa chute, entraîne Karim pour la même en avant. Tête la première, Vernon se<br />

tamponne avec Mike : direct en plein ventre. Karim se relève, libéré se rue vers sa<br />

dulcinée. Le bras tendu <strong>de</strong> Sofrane comme un ultime barrage. Stoppé en pleine<br />

course, l’impact est suffisant pour renvoyer Karim au sol. Pas encore tout à fait remis<br />

<strong>de</strong> sa douleur à l’aine (il grimace et RESPIRE FORT), Sofrane ressort le gun qu’il<br />

pointe à nouveau sur Karim.<br />

Tout <strong>de</strong> suite, Nadia produit l’ultime effort pour se soustraire à l’emprise <strong>de</strong> Libass et<br />

venir s’effondrer sur le corps <strong>de</strong> Karim. Mohedine l’imite et <strong>de</strong> toute son envergure (!)<br />

vient rajouter du m 2 <strong>de</strong> bouclier humain.<br />

Sofrane arme le revolver (SON CARACTÉRISTIQUE)<br />

MISTER O<br />

(off)<br />

Sofrane !<br />

Sofrane relève la tête en direction <strong>de</strong> la voix (toujours <strong>de</strong> là où sont déjà venus Nadia<br />

puis Karim). C’est Mister O, plus cool que jamais.<br />

82


Un sachet en plastique rempli <strong>de</strong> quelques commissions, l’heure tardive associés à<br />

une tenue d’intérieur (tee-shirt long et large, vieux bas <strong>de</strong> treillis et pataugas à même<br />

la peau) atteste du passage <strong>de</strong> Mister O chez l’épicier du coin.<br />

Mais l’expression affichée n’est pas celle d’un mec peace and love. Plutôt celle d’un<br />

mec dangereux, à qui il ne faut pas la faire.<br />

Quelques secon<strong>de</strong>s qui paraissent interminables, durant lesquelles les <strong>de</strong>ux<br />

« frères » s’observent.<br />

Finalement, Sofrane lève les mains en l’air (donc cesse <strong>de</strong> braquer les 3 au sol) et<br />

range l’arme. Un puis <strong>de</strong>ux pas en arrière, un CLAQUEMENT DE DOIGTS sonnent<br />

le rappel <strong>de</strong>s troupes.<br />

Mais ce regard que les <strong>de</strong>ux hommes continuent d’échanger fait froid dans le dos.<br />

Glacial !<br />

Jusque dans le volte-face <strong>de</strong> Sofrane pour s’en retourner à l’intérieur <strong>de</strong> l’immeuble,<br />

sa cage d’escalier, son QG.<br />

La p’tite famille, elle, fait toujours tas au sol.<br />

Mister O continue d’affronter Sofrane du regard même <strong>de</strong> <strong>de</strong>rrière la vitre.<br />

Sofrane lui sourit, révélant tout un potentiel <strong>de</strong> sadisme. Puis il se retourne et<br />

s’intéresse à ce que Libass est en train <strong>de</strong> raconter aux autres JEUNES<br />

SQUATTEURS DE PORCHES ET DE CAGES D’ESCALIER. Tout est re<strong>de</strong>venu<br />

comme avant.<br />

Dehors, Mister O rompt le visuel en droite ligne pour l’abaisser en direction du sol.<br />

Ainsi s’intéresse-t-il à un cumul <strong>de</strong> trois corps. Prend le temps d’attendre un premier<br />

signe <strong>de</strong> vie. Mais rien ne s’anime par là.<br />

MISTER O<br />

(après un, <strong>de</strong>ux clignements <strong>de</strong><br />

paupières à la lenteur calculée)<br />

Pour info, vous avez l’intention <strong>de</strong> dormir<br />

ici ?<br />

C’est Mohedine qui réagit en relevant la tête le premier. Il présente à Mister O un<br />

visage dont l’innocence <strong>de</strong> l’enfance a disparu.<br />

Mister O sait lire ce tourment, à son rictus <strong>de</strong> peine. Difficilement il parvient à un<br />

sourire qui se veut rassurant.<br />

Avec le retour sur ses <strong>de</strong>ux jambes <strong>de</strong> Mohedine encore tout tremblant <strong>de</strong> terreur, le<br />

corps <strong>de</strong> Nadia agité <strong>de</strong> soubresauts <strong>de</strong>vient visible. Et le son <strong>de</strong> ses SANGLOTS<br />

ÉTOUFFÉS plus présent.<br />

83


MISTER O<br />

Nadia, Karim, on y va.<br />

P’tit, tu rentres chez toi et surtout tu n’oublies<br />

pas tout ça.<br />

Mohedine, encore bouleversé, regar<strong>de</strong> dans la direction <strong>de</strong> Mister O mais ne semble<br />

pas le voir.<br />

Karim entame <strong>de</strong> se relever, ménageant Nadia qui ne veut toujours pas se déci<strong>de</strong>r à<br />

se séparer <strong>de</strong> lui.<br />

MISTER O<br />

Hey Moulé, j’te cause.<br />

Tu m’as compris ?<br />

Mohedine acquiesce <strong>de</strong> la tête et part, toujours pas remis, la démarche mal assurée,<br />

sous le regard avisé <strong>de</strong> Mister O.<br />

Karim a achevé <strong>de</strong> se relever aidant en même temps Nadia à remonter. Se<br />

soutenant l’un l’autre, ils marchent en direction <strong>de</strong> Mister O. Arrivés à sa hauteur, ils<br />

passent à côté <strong>de</strong> la silhouette dégingandée sans la voir et s’éloignent sur la place.<br />

Mister O baisse la tête pour ne lever que les yeux et adresser un <strong>de</strong>rnier regard à…<br />

…Sofrane qui tourne la tête pour lui rendre son regard, agrémenté d’un sourire au<br />

sadisme éprouvé.<br />

Mister O soutient l’œil pour œil sans jamais l’esquisse d’un rictus.<br />

Le premier, il se déci<strong>de</strong> à arrêter le petit jeu : le regard puis le corps dans un<br />

mouvement <strong>de</strong> repli, un <strong>de</strong>rnier coup d’œil noir et il part…<br />

…dans le sillage <strong>de</strong> Karim et Nadia.<br />

Oh !<br />

MISTER O<br />

Un peu plus haut, Karim arrête leur marche. L’ami O les rejoint à gran<strong>de</strong>s<br />

enjambées.<br />

FONDU AU NOIR<br />

QUELQUES SECONDES DE SILENCE<br />

BROUHAHA D’UNE SALLE, SONS DE VOIX SUR FOND DE BALADE ROCK, DU<br />

LIVE AMATEUR MAIS PRO DANS LE SIRUPEUX (OFF)<br />

84


INT - SALLE NPE SPECTACLES : LA SALLE - SOIR<br />

OUVERTURE sur un auditoire policé.<br />

Assis sur <strong>de</strong>s chaises en plastique, une galerie <strong>de</strong> MONDAINS PARISIENS, lookés<br />

jeunes (et moins jeunes) artistes dans le vent. Le cheveux long laissé libre ou retenu<br />

(catogan).<br />

Il y a aussi DE LA JEUNE (ET MOINS JEUNE) COMÉDIENNE, <strong>de</strong> l’art<br />

« plastique » !<br />

AMBIANCE COCKTAIL FEUTRÉ (LE LIVE EST TIMIDE) où tout le mon<strong>de</strong> se<br />

connaît. Ça CHUCHOTE entre les rangs.<br />

Un pan du ri<strong>de</strong>au tenu, relâché. Le tissu retombe droit.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : COULISSES – SOIR<br />

Karim se retourne vers nous. Il porte les séquelles <strong>de</strong> son altercation avec Sofrane<br />

mais pas <strong>de</strong> pansement !<br />

KARIM<br />

Pffh, c’est un truc <strong>de</strong> ouf ! J’les sens pas ces<br />

gens !<br />

C’est pas not’ public ça les mecs.<br />

Le reste du groupe sapé pour monter sur scène : tunique large, baggy repassé,<br />

baskets neuves ou c tout comme. Interpellé par l’intervention <strong>de</strong> Karim, Momo aux<br />

côtés <strong>de</strong> Nadia, elle aussi en tenue <strong>de</strong> scène.<br />

GIA<br />

(ajustant un poignet éponge)<br />

T’es en panique Karim, dis plutôt ça.<br />

ZYNO<br />

Mais ouais. Tu fais dans ton froc, avoue !<br />

Karim « PFFH » <strong>de</strong> plus belle et zyeute à nouveau sans être vu.<br />

Derek et Alistair sont dans un coin. Ils s’exercent à un PASSE-PASSE VOCAL, VOIX<br />

VOLONTAIREMENT APHONES.<br />

85


GILLES LAGERFELD<br />

(voix à la Karl, son homonyme)<br />

Ah alors voilà, ils sont là.<br />

GILLES LAGERFELD passe en trombe <strong>de</strong>vant Derek et Alistair.<br />

Il provoque le sursaut <strong>de</strong> Karim, le frôlant à toute vitesse pour stopper sa course<br />

folle, planté en piquet <strong>de</strong>vant Gia.<br />

Gia le jauge du regard avec cette assurance naturelle.<br />

GILLES LAGERFELD<br />

(tend la main à Momo)<br />

Mohamed, tout s’passe bien ?<br />

(ils se serrent la main<br />

chaleureusement)<br />

Ce sont eux alors les…<br />

(il consulte un grand organiser<br />

plein à craquer, dégueulant <strong>de</strong><br />

tracts et autres flyers)…<br />

N’Garso !<br />

MOMO<br />

C’est exact et voici Gia dont je t’ai parlé. Bon<br />

allé, on va faire les présentations.<br />

Gia donc que tu connais. A côté c’est Zyno,<br />

là-bas Derek et Alistair et celui qui tient le<br />

ri<strong>de</strong>au, c’est Karim.<br />

GILLES LAGERFELD<br />

(sourire forcé)<br />

Ok !... Et la charmante <strong>de</strong>moiselle à tes<br />

côtés, c’est parce qu’elle fait juste bien dans<br />

le décor, ou bien ?<br />

MOMO<br />

J’y venais. Il s’agit <strong>de</strong> la jeune fille dont je t’ai<br />

parlé sur le fax. Rassure-moi, tu l’as bien<br />

reçu ?<br />

GILLES LAGERFELD<br />

(roublard)<br />

Ah ah ah, pour le fax, je l’ai là !<br />

(il sort une feuille <strong>de</strong> papier pliée<br />

en quatre <strong>de</strong> son big almanach).<br />

En revanche, il me semble pas pour…<br />

86


(il déplie la feuille, galère un peu,<br />

une seule main <strong>de</strong> libre, l’autre<br />

au bout du bras support <strong>de</strong><br />

l’agenda grand format. Il chausse<br />

ses lunettes pendantes au bout<br />

d’une chaîne)<br />

… Nadia !<br />

(prononcé dans un grand sourire<br />

béat et un franc élan d’empathie)<br />

Momo SE RÂCLE LA GORGE une première fois puis PLUS INSISTANT LA<br />

DEUXIÈME (Karim a rejoint le petit groupe tout comme Derek et Alistair). Le vieux<br />

beau sort <strong>de</strong> sa torpeur.<br />

GILLES LAGERFELD<br />

Euh-euh… oui. J’m’présente. On n’se<br />

connaît pas. Je suis Gilles Lagerfeld,<br />

directeur artistique <strong>de</strong> cet espace, en charge<br />

<strong>de</strong> la programmation régulière à l’année et<br />

comme aujourd’hui <strong>de</strong>s mises à disposition<br />

exceptionnelles…<br />

(il reprend son souffle)<br />

à titre gratuit.<br />

Alors comme vous l’voyez, le spectacle bat<br />

déjà son plein !<br />

(son coup <strong>de</strong> tête vers la droite<br />

incite le petit auditoire à en faire<br />

<strong>de</strong> même).<br />

De cette partie <strong>de</strong>s coulisses, on a une vue <strong>de</strong> biais <strong>de</strong> la scène et du groupe qui s’y<br />

produit. Enfin on met un visage sur le CHANTEUR BRAILLEUR, grand, beau gosse<br />

aux cheveux sales, la guitare électrique lui arrivant aux genoux (!)<br />

Gia et ceux qui l’entourent affichent un regard bovin et se retournent en chœur sur<br />

Lagerfeld.<br />

KARIM<br />

(à voix détimbrée)<br />

C’est pas gentil c’que vous leur faites là.<br />

Momo fait les gros yeux à Karim mais propos sans conséquence : le Gilles, il<br />

« entrave que dalle ! »<br />

87


Il se tourne vers Momo.<br />

GILLES LAGERFELD<br />

(toujours « sur scène », sourire<br />

béat)<br />

Ceux-là j’les ai déniché dans une cave <strong>de</strong> St<br />

Germain. J’dois avouer que je suis assez<br />

fier.<br />

(en un instant Lagerfeld rompt la<br />

liaison avec la scène pour<br />

s’intéresser à Gia. L’expression<br />

change, plus âpre)<br />

Bon, vous les p’tits jeunes !...<br />

(Gia lève les yeux plus fixement<br />

sur le bonhomme. Les autres se<br />

regar<strong>de</strong>nt en coin)<br />

…qu’est-ce que vous m’proposez ?<br />

GILLES LAGERFELD<br />

Tu m’avais pas dit qu’ils étaient si<br />

nombreux !<br />

(tête vers les « p’tits jeunes »)<br />

Bon alors on part sur quoi ? Vous savez faire<br />

quoi ?<br />

Gia lève un sourcil circonspect. Il regar<strong>de</strong> Momo.<br />

MOMO<br />

(un peu gêné par la tournure <strong>de</strong><br />

l’échange)<br />

Euh… hum.<br />

(sourire embarrasé)<br />

Ils rappent Gilles, en fait ils rappent.<br />

GILLES LAGERFELD<br />

(sourcils froncés, l’air perdu)<br />

Ça j’veux bien mais ils rappent quoi ? Des<br />

recettes <strong>de</strong> cuisine ?<br />

Ils ont bien <strong>de</strong>s textes ces jeunes gens et<br />

une langue peut-être !<br />

Gia relâche la pression <strong>de</strong> son regard sur Momo pour s’intéresser <strong>de</strong> nouveau à<br />

Lagerfeld. Il ferme les yeux (respire à fond), les rouvrent et se lance :<br />

88


GIA<br />

J’comprends pas, là. Vous êtes en train<br />

d’nous dire que c’est même pas sûr qu’on<br />

passe ?<br />

Il regar<strong>de</strong> à nouveau Momo, <strong>de</strong> l’incompréhension plein les yeux.<br />

Les mecs baissent pavillon.<br />

DEREK<br />

(sur Lagerfeld)<br />

Quoi !!!<br />

ALISTAIR<br />

(sur Lagerfeld)<br />

Non mais attends, là…<br />

ZYNO<br />

(sur Lagerfeld)<br />

T’es sérieux quand tu dis ça ?<br />

NADIA<br />

Oh ! Oh !... Oh !!! Vous faites quoi, là ?<br />

Vous voulez qu’on s’fasse virer ou quoi ?<br />

L’daron là, c’est un peu l’patron ici !<br />

(elle pose son bras autour du cou<br />

<strong>de</strong> Lagerfeld)<br />

Et vous là avec vos conneries, vous allez<br />

juste réussir à nous afficher !<br />

NADIA<br />

Moi j’pense que Gilles, j’peux vous appeler<br />

Gilles ? Moi c’est Nadia – N, A, D, I, A<br />

GILLES LAGERFELD<br />

Euh… oui non mais là n’est pas la<br />

question !...<br />

89


NADIA<br />

Tt ! Moi j’crois qu’t’as un grave problème <strong>de</strong><br />

communication en fait.<br />

Nous tu vois, on est <strong>de</strong>s jeunes pour qui le<br />

respect, c’est primordial.<br />

Mes sosses et moi-même, toute go’ que<br />

j’suis, avons une fierté.<br />

KARIM<br />

Mais ouais, t’es mala<strong>de</strong> ou quoi !<br />

MOMO<br />

(mal à l’aise par la tournure)<br />

Nadia, j’pense pas que…<br />

NADIA<br />

Attends, attends, Momo. J’finis après tu<br />

m’diras si je m’trompe.<br />

Mais j’pense pas m’tromper.<br />

Parce que vous l’avez tous ressenti ici<br />

(elle regar<strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong>)<br />

On était entre amis, bien cool et tout.<br />

Et toi, D’jil, mon pote, tu t’amènes en t’la<br />

jouant big boss…<br />

Lagerfeld la regar<strong>de</strong> dans le blanc <strong>de</strong>s yeux par-<strong>de</strong>ssus ses carreaux.<br />

GILLES LAGERFELD<br />

(après un léger temps <strong>de</strong><br />

réflexion, ton catégorique)<br />

Non.<br />

NADIA<br />

(sans se départir, après le même<br />

léger temps <strong>de</strong> réflexion)<br />

Désolé mais c’est la réalité.<br />

Tu viens pas comme ça à 5 minutes d’un<br />

concert <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r aux artistes leur cv.<br />

T’as à faire à la crème du rap français. Eux<br />

là, ils plaisantent pas ! Ils sont là !<br />

Et leur son, il est brut ! Il est lourd ! Il fait<br />

mal !<br />

90


GILLES LAGERFELD<br />

(ton <strong>de</strong> petit bureaucrate<br />

chichiteux)<br />

Oui non mais j’en doute pas…<br />

Il jette un œil vers la scène, alerté par les APPLAUDISSEMENTS.<br />

Le chevelu est en train <strong>de</strong> saluer, la guitare en pendaison au niveau <strong>de</strong>s genoux, <strong>de</strong>s<br />

gestes <strong>de</strong> présentation <strong>de</strong>s autres membres du groupe en <strong>de</strong>hors du champ <strong>de</strong><br />

vision <strong>de</strong> Lagerfeld.<br />

GILLES LAGERFELD<br />

(début <strong>de</strong> panique)<br />

…mais les textes, vos textes, ça dit quoi !<br />

MOMO<br />

(raisonné)<br />

Giiilles…<br />

La formation <strong>de</strong> rock mou passe <strong>de</strong>rrière Lagerfeld, direction les loges.<br />

GILLES LAGERFELD<br />

(à Momo)<br />

Quoi « Giiilles » ? T’es marrant toi. Tu m’les<br />

sors d’on-n’sait-où et je <strong>de</strong>vrais dire amen<br />

sans garantie <strong>de</strong> caution.<br />

DEREK<br />

(pour Alistair)<br />

C’est pas caution <strong>de</strong> garantie qu’on dit ?<br />

ALISTAIR<br />

(pour Derek)<br />

Tt ! J’en sais rien.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SALLE - SOIR<br />

Plusieurs signes d’impatience du public. Plus ou moins discrets et plutôt moins du<br />

côté <strong>de</strong>s jeunes…<strong>de</strong>s Groux ! Biggie, presque trop volumineux pour sa pauvre<br />

91


chaise, et toute la clique, les « grands frères », les moins grands et… Mohedine<br />

aussi, à son sourire, ravi d’être ici.<br />

Leur comportement dissipé – vol et jet <strong>de</strong> casquette, récupération au sol par son<br />

propriétaire et réponse coup d’poing assénée sur l’épaule, entre autres exemples –<br />

leur attire les foudres <strong>de</strong> regards bien-pensants <strong>de</strong> plusieurs « catogans », « cols<br />

roulés » et autres « écharpes-1-tour-<strong>de</strong>-cou ».<br />

Mais « la cité » se calme, son attention captée par la scène.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SCÈNE – SOIR<br />

Un JEUNE BEATNIK prend place au centre <strong>de</strong> la scène et y dépose un imposant<br />

djembé. Jambes écartées, il prend ses appuis au sol, baisse la tête (ses cheveux :<br />

une déferlante <strong>de</strong>vant son visage) et prend une gran<strong>de</strong> inspiration dans un SILENCE<br />

DE MORT à présent. Il attaque : ses mains frappent le DJEMBÉ avec une énergie<br />

insoupçonnable et dans une série <strong>de</strong> grands gestes amples.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SALLE - SOIR<br />

Les « Grouards » sont comme les victimes d’un rayon paralysant, leurs visages figés<br />

en une même expression interdite, comique dans un tel immobilisme.<br />

Francis (page 10) oriente lentement son regard (sa tête bien sûr) vers la gauche pour<br />

découvrir <strong>de</strong>s visages paisibles, sérieux à l’air professionnel, souriants amateurs,<br />

bref <strong>de</strong>s mélomanes en plein kif ! Retour sur Francis : une grimace indique son<br />

désappointement. Il jette un œil du côté <strong>de</strong> ses potes. Biggie affiche un large sourire<br />

et concè<strong>de</strong> un ÉCLAT DE SON GROS RIRE en guise <strong>de</strong> « j’y crois pas ».<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SCÈNE - SOIR<br />

Le jeune beatnik se déchaîne <strong>de</strong> plus belle, dans une sorte <strong>de</strong> transe. Mais ce qu’IL<br />

JOUE FAUX !...<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : LOGE - SOIR<br />

Le chanteur brailleur et capillaire du groupe <strong>de</strong> rock mou lève la tête au plafond et<br />

dans une crispation <strong>de</strong>s traits <strong>de</strong> son visage :<br />

92


LE CHANTEUR BRAILLEUR<br />

(accent américain)<br />

Shiiit !...<br />

On part <strong>de</strong> la loge à toute berzingue pour monter un petit escalier, traverser les<br />

coulisses (PLUSIEURS PERSONNES CROISÉES) et arriver sur <strong>de</strong>s visages<br />

connus : N’garso & Co. Eux aussi arborent les traits crispés d’ouïes en souffrance.<br />

Gia gar<strong>de</strong> l’expression en se retournant vers Lagerfeld.<br />

GIA<br />

Vous aviez fumé pour celui-là ?<br />

KARIM<br />

Oooh la la, il a craquééé…<br />

NADIA<br />

Ah ouais là t’as déconné, mon pote !<br />

Lagerfeld regar<strong>de</strong> chacun avec un petit air naïf.<br />

GILLES LAGERFELD<br />

Quoi ? Ca ne vous plaît pas ? Vous croyez<br />

pouvoir faire mieux peut-être ?<br />

ZYNO<br />

Quoi !? Mais t’es mala<strong>de</strong> ou quoi ! Vas-y<br />

c’est bon…<br />

(rabat <strong>de</strong> la main en se tournant<br />

<strong>de</strong> ¾)<br />

DEREK<br />

(discret à Gia)<br />

Zyno a raison. C’est qui c’bouffon !?<br />

Alistair, occupé dans son portable, ne voit pas venir le coup <strong>de</strong> cou<strong>de</strong> <strong>de</strong> son éternel<br />

complice. Dans un sursaut :<br />

ALISTAIR<br />

Hein ? Ouais, c’est bon alors ?<br />

93


GIA<br />

(fixant Lagerfeld, l’air toujours<br />

aussi dégoûté)<br />

Ouais, j’crois bien qu’c’est bon.<br />

Sans attendre la réponse <strong>de</strong> Lagerfeld, il part direction la scène !<br />

Tout le groupe lui emboîte le pas non sans partir sur un <strong>de</strong>rnier regard <strong>de</strong> dédain à<br />

Lagerfeld.<br />

GILLES LAGERFELD<br />

(dépassé)<br />

Eeeh eeh… pour les textes…<br />

Momo toujours à côté <strong>de</strong> Lagerfeld, légèrement en retrait.<br />

MOMO<br />

Giiilles…<br />

Il lui tapote l’épaule au passage et rejoint le groupe.<br />

Tous sont massés sur les « ailes » <strong>de</strong> Gia, en plein passage <strong>de</strong> l’entrée/sortie <strong>de</strong><br />

scène. Les yeux fermés, ultime concentration et trac qui monte à quelques secon<strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong> se « lancer ». On entend LES PREMIERS SIFFLETS ET AUTRES HUÉES QUI<br />

MONTENT <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s lascars présents dans la salle. Momo vient se poster près<br />

<strong>de</strong> Gia.<br />

Il gar<strong>de</strong> le silence, en observation et respect <strong>de</strong> la concentration <strong>de</strong>s jeunes artistes.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SCÈNE - SOIR<br />

Le jeune beatnik frappe LE DERNIER COUP SUR LE DJEMBÉ et reste le bras<br />

suspendu en l’air, encore tremblant d’émotion. DES APPLAUDISSEMENTS<br />

PARTENT mêlés aux premières critiques :<br />

« VAS-Y RENT’ CHEZ TOI ! », « CASSE-TOI ! », « SALE CHIEN ! »… Une feuille <strong>de</strong><br />

papier roulée en boule vient rebondir sur la « déferlante » capillaire.<br />

94


INT - SALLE NPE SPECTACLES : COULISSES - SOIR<br />

Quand Gia rouvre les yeux :<br />

MOMO<br />

(voix apaisante)<br />

Hé, foire pas c’coup là.<br />

Gia balance son sourire d’enfant et rentre sur scène EN DONNANT DE LA VOIX,<br />

suivi <strong>de</strong>s autres, particulièrement loquaces eux aussi.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SCÈNE - SOIR<br />

Dans le croisement, Gia vient volontairement percuter l’épaule du jeune beatnik,<br />

encore la cible d’une boule <strong>de</strong> papier (!) dans ce qui ressemble plus à une fuite qu’à<br />

une sortie <strong>de</strong> scène triomphale.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SALLE - SOIR<br />

Surpris par une entrée en scène qui ressemble à une prise d’otages, un braquage,<br />

Lenny (page 11) (un peu simple) gèle son geste <strong>de</strong> parfait lanceur <strong>de</strong> paperball pour<br />

réagir au quart <strong>de</strong> tour à l’apparition <strong>de</strong>s gars N’garso sur l’estra<strong>de</strong>.<br />

Une seule et commune réaction dans le rang : LE DAWA ! Une JOIE<br />

DÉMONSTRATIVE quand « l’autre public » réserve un accueil plus que timi<strong>de</strong> aux<br />

jeunes rappeurs (+ une rappeuse).<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SCÈNE - SOIR<br />

Tandis que N’garso (5 rappeurs, 1 rappeuse) termine d’occuper l’espace, <strong>de</strong>rrière<br />

s’installe aux platines, Mister O.<br />

Gia vient à lui et tourne donc le dos au public. LE CALME DANS LA SALLE<br />

REVIENT PEU À PEU.<br />

95


INT - SALLE NPE SPECTACLES : SALLE - SOIR<br />

Momo prend place parmi les jeunes <strong>de</strong>s Groux.<br />

Quelques rangs <strong>de</strong>vant, Lagerfeld rejoint sa chaise entre DEUX GUINDÉS DE<br />

PREMIÈRE. Bref échange d’amabilités mais Lagerfeld est tendu.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SCÈNE - SOIR<br />

Silence parfait que seuls viennent troubler une QUINTE DE TOUX, un RÂCLEMENT<br />

DE GORGE.<br />

L’échange entre Gia et Mister O est terminé. Gia s’écarte en reculant, encore dos à<br />

la salle.<br />

Mister O ne le lâche pas <strong>de</strong>s yeux, encore en questionnement.<br />

Gia se retourne et rejoint le <strong>de</strong>vant <strong>de</strong> la scène.<br />

Aucun <strong>de</strong>s autres membres du groupe ne comprend le petit détour <strong>de</strong> Gia vers<br />

Mister O. Ils échangent <strong>de</strong>s regards déconcertés.<br />

Derrière, rien ne vient. Mister O fait un blocage.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SALLE - SOIR<br />

Momo commence à se crisper. Il interroge du regard son voisin Lenny, qui ne semble<br />

pas plus armé que lui : un haussement <strong>de</strong>s épaules en guise <strong>de</strong> réponse.<br />

« L’autre public » change à son tour d’expression, leurs froncements <strong>de</strong> sourcils<br />

traduisant un début d’énervement.<br />

Des mouvements <strong>de</strong> déni <strong>de</strong> la tête chez certains trahissent leur peu d’empathie<br />

pour les jeunes rappeurs.<br />

ÇA COMMENCE À SOUPIRER, SOUFFLER, CHUCHOTER, PARLER… SIFFLER !<br />

En observant la dissipation qui gagne les rangs, Momo se sent un cran encore plus<br />

mal. Il tique dans le croisement <strong>de</strong> ses bras, le mouvement <strong>de</strong> son dos vers le<br />

dossier <strong>de</strong> sa chaise. On passe les rangs l’un après l’autre jusqu’à…<br />

96


INT - SALLE NPE SPECTACLES : SCÈNE - SOIR<br />

…la scène et dans le dos d’N’garso aligné face au public.<br />

Gia tourne la tête vers Mister O (vers nous) et lui adresse un regard incitatif.<br />

Mister O cè<strong>de</strong> enfin et dans un geste conviction zéro, sort un 33 tours parmi la pile<br />

<strong>de</strong> disques posée à côté <strong>de</strong>s platines.<br />

Il amène le vinyle <strong>de</strong> la pochette au plateau, ajuste l’un <strong>de</strong>s écouteurs <strong>de</strong> son big<br />

casque entre oreille et épaule.<br />

Avant <strong>de</strong> lancer le son, un <strong>de</strong>rnier regard vers Gia. Ses yeux disent : « T’es sûr <strong>de</strong> ce<br />

que tu fais ? »<br />

Ceux <strong>de</strong> Gia, couplés à un signe <strong>de</strong> tête, répon<strong>de</strong>nt : « Mais oui, vas-y ! »<br />

Le lea<strong>de</strong>r d’N’garso ne peut masquer son énervement, revenant s’intéresser aux<br />

spectateurs, que L’INTRO PART.<br />

Gia au quart <strong>de</strong> tour :<br />

Dans le groupe, on fait les gros yeux.<br />

GIA<br />

(tests voix au mic’)<br />

Houuu ! Ok !... C’est la mer<strong>de</strong>, mec !<br />

On se regar<strong>de</strong> terrorisés et reporte son attention sur Gia, en quête d’une explication,<br />

une logique.<br />

Mais pris en otage <strong>de</strong> ce train musical en marche (L’INTRO COURT), ils rentrent<br />

dans le morceau, se dispersent en pas ca<strong>de</strong>ncés sur le BEAT À L’EFFICACITÉ<br />

IMPARABLE. Gia plus que tout autre n’a pas <strong>de</strong> rival pour ce qu’il s’agit <strong>de</strong> bouger<br />

avec style.<br />

Il vient en place au bord <strong>de</strong> la scène, face au public et face à Lagerfeld. Le micro<br />

soudain <strong>de</strong>vant la bouche :<br />

Gia passe le flow à Zyno, très pro.<br />

GIA<br />

Ferme ta gueule !<br />

(sursaut <strong>de</strong> Lagerfeld en<br />

contrebas)<br />

Fallait bien qu’un jour j’m’exprime.<br />

Rimes 200% pour ceux qui m’croient…<br />

(etc – écouter morceau)<br />

97


ZYNO<br />

Bla bla bla… c’t’enculé !...<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SALLE – SOIR<br />

SUITE RAP N’GARSO<br />

Un QUARANTENAIRE, catogan un peu grisonnant, réagit d’une expression outrée.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SCÈNE - SOIR<br />

SUITE RAP N’GARSO<br />

ZYNO ENCHAÎNE LE FLOW. Derrière lui, Derek et Alistair, synchros sans accroc<br />

dans leur danse hip hop. Nadia et Karim en ghetto ambianceurs, les pieds figés au<br />

sol, les bras tendus battent la mesure à la verticale. Gia qui tourne en rond, arpente<br />

la scène tel un fauve en cage.<br />

Au refrain, tout en hargne-rage-haine : l’impression d’une meute <strong>de</strong> pitbulls lâchés<br />

sur scène ! Chorégraphie désordonnée ! Hardcore dans la forme. Hardcore dans le<br />

fond !...<br />

TOUT N’GARSO<br />

(refrain)<br />

Fait pas chier c’est comme ça – comme ça !<br />

On parle peu on parle bien, on fout la mer<strong>de</strong>,<br />

parle comme ça !<br />

Comment ça ? Oooh mais j’t’emmer<strong>de</strong><br />

À l’anglaise, fuck moi, fuck me, fuck elle !<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SALLE – SOIR<br />

SUITE RAP N’GARSO / REFRAIN BIS (OFF)<br />

Les « balais dans l’cul » sont déconcertés. Contraste saisissant avec les jeunes fans<br />

du groupe : en délire ! Debout (!), ils reproduisent les mêmes mouvements que Karim<br />

et Nadia.<br />

Certains s’essayent même à reproduire sur place la choré’ <strong>de</strong> Derek et Alistair<br />

D’AUTRES PRÉFÈRENT RAJOUTER DE LA VOIX AU REFRAIN HARDCORE.<br />

98


Perdu parmi eux, Momo reste assis, tête baissée, main sur le front. Quand il relève<br />

les yeux, <strong>de</strong> sa chaise Lagerfeld est en train <strong>de</strong> l’interroger du regard : « pourquoi ? »<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SCÈNE - SOIR<br />

SUITE RAP N’GARSO<br />

Sur LA FIN DU REFRAIN, Gia <strong>de</strong>scend <strong>de</strong> l’estra<strong>de</strong>/scène…<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SALLE - SOIR<br />

SUITE RAP N’GARSO<br />

…pour venir plus près <strong>de</strong> Lagerfeld, dans l’axe :<br />

GIA<br />

(s’adressant ouvertement à<br />

Lagerfeld)<br />

Eh à ce que je vois t’es bien entretenu…<br />

Etc.compléter<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SCÈNE - SOIR<br />

SUITE RAP N’GARSO<br />

Sur scène, les membres du groupe assurent toujours le spectacle malgré l’imprévu.<br />

Ils affichent un intérêt commun pour ce qui se passe en contrebas (<strong>de</strong>s petits coups<br />

d’œil ni vus ni connus). Jusqu’à Mister O continuant aussi à remplir sa fonction<br />

scénique au sein du groupe mais plus que tout autre captivé par ce qui se passe làbas.<br />

Arrive LA BOUCLE DU REFRAIN.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SALLE - SOIR<br />

SUITE RAP N’GARSO<br />

Gia reste en place pour asséner son texte à l’attention directe <strong>de</strong> Lagerfeld.<br />

99


GIA<br />

(N’garso en back)<br />

Refrain<br />

Il reçoit un appui inattendu <strong>de</strong> Mohedine qui lui aussi vient rapper hardcore à<br />

l’adresse du responsable.<br />

GIA + MOHEDINE<br />

(N’garso en back)<br />

Refrain<br />

Lagerfeld ose à peine regar<strong>de</strong>r cet enfant qui lui met la pression en adulte.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SCÈNE - SOIR<br />

SUITE RAP N’GARSO<br />

Effet garanti auprès du reste du groupe.<br />

N’GARSO AU COMPLET<br />

(+ Mohedine, Gia en off)<br />

Refrain suite<br />

Sourire aux lèvres, Nadia pousse du cou<strong>de</strong> Karim et lui indique là où il faut regar<strong>de</strong>r<br />

à nouveau. À son tour, sourire <strong>de</strong> Karim qui passe l’info à ses voisins. C’est au tour<br />

<strong>de</strong> Derek <strong>de</strong> prendre le flow.<br />

DEREK<br />

Blabla (écouter morceau et retranscrire<br />

paroles)<br />

Très vite relayé par Alistair pour un passe-passe vocal <strong>de</strong> haute tenue.<br />

Revient le refrain.<br />

ALISTAIR<br />

Blabla (écouter morceau et retranscrire<br />

paroles)<br />

100


N’GARSO<br />

Refrain (bis)<br />

(Sur le bis, retour sur scène <strong>de</strong><br />

Gia pour renforcer le chœur !)<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SALLE - SOIR<br />

SUITE RAP N’GARSO<br />

N’GARSO<br />

(off)<br />

Ter du refrain<br />

Mohedine est resté au bas <strong>de</strong> la scène pour une chorégraphie improvisée qui n’a<br />

rien <strong>de</strong> ridicule.<br />

Au <strong>de</strong>rnier rang, c’est plus que jamais <strong>de</strong> la folie… urbaine.<br />

Entre les <strong>de</strong>ux, un public pris en otage.<br />

Du fond <strong>de</strong> la salle, approchent Sof le caïd et ses hommes, que personne ne<br />

remarque (encore).<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SCÈNE - SOIR<br />

SUITE RAP N’GARSO<br />

TOUT N’GARSO<br />

(dans le même déluge d’énergie)<br />

Quar du refrain<br />

POINT FINAL DU PUISSANT RAP. Les membres du groupe s’éparpillent.<br />

Le(s) <strong>de</strong>rnier(s) mot(s) à Gia qui seul reste au centre <strong>de</strong> la scène vers le public.<br />

GIA<br />

Yeaah… c’est la mer<strong>de</strong>, mec !<br />

Ouais, mec !<br />

Rien à foutre, mec !<br />

Yo, Giii-a ! Brooklyn<br />

À l’anglaise, mec !<br />

Fuck toi, fuck lui, fuck elle!<br />

N’GARSO !<br />

101


Mister Oooh-oh-oh !<br />

(rire)<br />

Ah ah rien à foutre…<br />

Gia conclue dans un tel relâchement qu’il en laisse tomber le micro au sol. Il s’en<br />

retourne vers le fond <strong>de</strong> la scène jusqu’à ce que les démarches pimp roll <strong>de</strong> chacun<br />

les fassent se rejoindre au centre <strong>de</strong> la scène.<br />

Comme il était à prévoir, le groupe récolte les HOURRAS DU PUBLIC.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SALLE - SOIR<br />

Les jeunes <strong>de</strong> la cité ne sont pas avares <strong>de</strong> leur JOIE DÉMONSTRATIVE. Ce sont<br />

eux, les HOURRAS.<br />

Mais la majorité silencieuse compte <strong>de</strong> nouveaux partisans : Sofrane et ses amis,<br />

postés <strong>de</strong>bout <strong>de</strong>rrière les rangs.<br />

Sofrane fixe intensément la scène.<br />

À son côté, LAETITIA, une petite meuf <strong>de</strong> cité, jogging et maquillage outrancier,<br />

occupée à mastiquer du chewing-gum. En soutien, les fidèles chiens <strong>de</strong> gar<strong>de</strong><br />

(Libass, Vernon, Mike).<br />

Tout <strong>de</strong>vant, au pied <strong>de</strong> la scène, Mohedine s’agite dans tous les sens, laisse éclater<br />

sa JOIE À SE CASSER LES CORDES VOCALES DANS UN CONCERTO EN CRIS<br />

MAJEURS.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SCÈNE - SOIR<br />

Le collectif N’garso s’oriente lentement en direction <strong>de</strong>s coulisses.<br />

LES FANS SE FONT PLUS DISCRETS. Des applaudissements qui n’en sont pas<br />

(CLAPS DANS LES MAINS trop espacés, marque d’un profond dédain) montent <strong>de</strong><br />

la salle. Les rappeurs se retournent (Karim, Nadia et Gia, les <strong>de</strong>rniers dans cet ordre)<br />

vers la provenance <strong>de</strong> ces « clap… clap » déplacés et provocateurs.<br />

Quasi simultanément et pourtant ce sont Karim, Nadia et Gia qui semblent les<br />

<strong>de</strong>rniers dans cet ordre à s’intéresser au problème.<br />

102


INT - SALLE NPE SPECTACLES : SALLE - SOIR<br />

Sofrane est l’insolent QUI APPLAUDIT À REBOURS AVEC UNE FLEMME<br />

CALCULÉE.<br />

Sa petite ban<strong>de</strong> aux faciès aussi peu engageants que leur chef l’entoure toujours.<br />

L’assemblée médusée (même la cité !) n’ose pas moufter !<br />

À l’image <strong>de</strong> Mohedine, sa tête tournée vers la scène, qui reste tétanisé.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SCÈNE - SOIR<br />

Nadia et Karim encadrent Gia, tous trois à l’arrêt, regard porté vers l’ennemi public<br />

déclaré (sur les flancs, Derek, Zyno et Alistair soutiennent l’épreuve-test : postures<br />

désinvoltes en signe <strong>de</strong> défi, faces <strong>de</strong> bad boys).<br />

Dans la même crainte exprimée par leurs yeux hagards, Nadia et Karim viennent à<br />

se regar<strong>de</strong>r puis à orienter leur vue sur Gia. Toute une gamme d’émotions transite<br />

en l’espace <strong>de</strong> quelques secon<strong>de</strong>s sur le visage du lea<strong>de</strong>r. Mais la principale : la<br />

colère. Rentrée, contenue. Prête cependant à exploser. Tension palpable. À son<br />

comble.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SALLE - SOIR<br />

Sofrane en termine <strong>de</strong> l’affront. CLAP... CLAP... CLAP ! Puis il reste là, sans plus<br />

rien faire. Un sourire narquois sur la fin.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SCÈNE - SOIR<br />

Gia ne lui rend pas ce sourire.<br />

Il démarre vers le <strong>de</strong>vant <strong>de</strong> la scène. Récupère le micro au sol et le porte à sa<br />

bouche. Le SOUFFLE DE SA RESPIRATION, HEURTÉ PAR LA HAINE.<br />

103


INT - SALLE NPE SPECTACLES : SALLE - SOIR<br />

Momo, fasciné, ne perd pas une miette <strong>de</strong> Gia ! Seulement détourne-t-il la tête pour<br />

s’intéresser à la réaction <strong>de</strong> Sofrane qui n’a pas perdu son sourire. Un peu moins<br />

crâne peut-être.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SCÈNE - SOIR<br />

Gia crispe ses doigts sur le micro. Prend une <strong>de</strong>rnière inspiration et se lance.<br />

GIA<br />

Quelques phrases d’un rap à écrire (style<br />

guerrier)<br />

Il est immédiatement <strong>de</strong>dans, donne tout. La gestuelle est sûre. Et le FREESTYLE<br />

AU FLOW SI BRUT(AL) qu’il lui déforme les traits en une série d’expressions<br />

haineuses. Quand tout est dit, la main le long <strong>de</strong> sa cuisse indique le chiffre 3 à<br />

l’attention discrète <strong>de</strong> Mister O. Dans un SILENCE INTERMÉDIAIRE, Mister O<br />

s’exécute sans hésitation. Le geste sûr, il extrait le bon vinyle qu’il sort <strong>de</strong> sa<br />

pochette et dépose sur la platine. Gia ne lâche pas sa cible <strong>de</strong>s yeux. ON L’ENTEND<br />

RESPIRER, REPRENDRE DU SOUFFLE.<br />

LE RYTHME BINAIRE PART SANS FAUTE.<br />

GIA<br />

C’est G-I-A !... ok !<br />

Gia se met en retrait pour cé<strong>de</strong>r la place à...<br />

KARIM<br />

Et K-R-I-M… ouais yeah ok, ok…<br />

Un COUP DE FEU MIXÉ À L’INTÉRIEUR DE L’INSTRU lance la machine à rapper<br />

qu’est Karim (il tient le micro comme un vrai afro-américain).<br />

104


KARIM<br />

(main qui rythme la tchache)<br />

Mon rap sent l’gun mais y-a pas qu’ça.<br />

Fait péter le mic et l’oseille… Nous on est…<br />

Vous c’est…<br />

Etc<br />

refrain<br />

Gia vient à côté <strong>de</strong> son pote pour un refrain à 2 voix adressé à qui vous savez.<br />

Gia reprend la suite.<br />

GIA & KARIM<br />

Mec tu sais qui on est nous<br />

… etc<br />

GIA<br />

J’ai mon cran <strong>de</strong> sécurité débloqué…<br />

Etc<br />

refrain<br />

REFRAIN CETTE FOIS POUSSÉ PAR TOUT LE CREW, ce qui lui donne une<br />

dimension encore plus évi<strong>de</strong>nte.<br />

C’est Zyno qui distribue à présent.<br />

ZYNO<br />

(flow bien sûr dirigé vers le fond<br />

<strong>de</strong> la salle...)<br />

Yo !... etc<br />

DEREK ALISTAIR<br />

(passe-passe)<br />

Eh mec, ça vient d’Fresnes…<br />

…Derek-Listair pour un freestyle<br />

Etc...<br />

NADIA<br />

Yo !...<br />

(elle apparaît d’entre les mecs du<br />

collectif et s’avance sur la scène,<br />

asexuée par la coupe large <strong>de</strong><br />

son jogging)<br />

105


SUR LE BIS…<br />

Yo !... Cherche-moi ! Insulte-moi ! Tue-moi !<br />

C’que tu veux !...<br />

Branle-toi ! Fuck-toi ! Comme tu veux !<br />

…Rien à fout’ ! Gi-a fuck toi et ton... etc.<br />

DEREK & ALISTAIR<br />

(reprise du passe-passe)<br />

Ok ! D-K, Lister… etc<br />

TOUT N’GARSO<br />

Le refrain<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SALLE - SOIR<br />

SUITE RAP N’GARSO<br />

…Sofrane soutient toujours les regards, fait toujours bonne figure mais n’affiche plus<br />

sa crâne assurance.<br />

SUR LE TER DU REFRAIN : son trouble est encore plus flagrant.<br />

SUR LE QUAR DU REFRAIN : il cè<strong>de</strong> et sonne le départ <strong>de</strong> ses troupes. Laetitia, les<br />

autres, marque un léger temps d’arrêt avant <strong>de</strong> lui emboîter le pas, laissant là UNE<br />

LARGE PART DU PUBLIC, SCANDANT LE REFRAIN MARTELÉ AVEC STYLE.<br />

Le voisin <strong>de</strong> droite <strong>de</strong> Lagerfeld, pourtant un col roulé <strong>de</strong> première, marque le rythme<br />

<strong>de</strong> subtils mouvements du buste au cou. Lagerfeld remarque ça et dépassé par la<br />

situation, s’en retourne vers...<br />

Momo, à fond dans la gestuelle (sa main martèle le vi<strong>de</strong> en ca<strong>de</strong>nce), <strong>de</strong>bout avec<br />

les jeunes du « fan club ». Il baisse la tête vers Lagerfeld et lui sourit, rit presque.<br />

Lagerfeld détourne lentement la tête, l’œil hagard, la bouche bée.<br />

Tout <strong>de</strong>vant, Mohedine, regard et sourire admiratifs pour la scène.<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SCÈNE - SOIR<br />

SUITE ET FIN RAP N’GARSO<br />

N’garso, 100% francs sourires, bouge en rythme SUR L’OUTRO MUSICALE.<br />

106


FONDU AU NOIR<br />

SILENCE<br />

la SONNERIE D’UN RADIO-RÉVEIL. Le SON FEUTRÉ D’UN CORPS QUI BOUGE<br />

ENTRE DES DRAPS. LE SOUPIR CARACTÉRISTIQUE DE L’ÉVEIL (OFF)<br />

OUVERTURE CUT<br />

INT - CHAMBRE KARIM ET NADIA - NUIT (PÉNOMBRE)<br />

Karim est assis sur le bord d’un lit défait, le corps juste revêtu d’un boxer. Il reste<br />

ainsi à regar<strong>de</strong>r le vi<strong>de</strong> un moment dans LE CALME DE LA PIÈCE.<br />

Puis il tourne la tête vers l’autre côté du lit. Là, une silhouette féminine se <strong>de</strong>ssine<br />

sous les draps, corps endormi <strong>de</strong> femme. Karim pose sa main au niveau <strong>de</strong>s<br />

hanches <strong>de</strong> l’inconnue. La caresse fait se retourner Nadia à plat, dans un RÂLE<br />

ENSOMMEILLÉ. Il dépose doucement sa tête sur le ventre encore plat.<br />

Il gar<strong>de</strong> la position une poignée <strong>de</strong> secon<strong>de</strong>s et quand l’abandonne, dépose<br />

tendrement ses lèvres sur la chair.<br />

Il quitte le lit pour se retrouver sur ses <strong>de</strong>ux jambes qu’il active en direction <strong>de</strong> la<br />

salle <strong>de</strong> bains (une porte donne <strong>de</strong>ssus dans la pièce).<br />

Sur le radio-réveil, le cadran indique 4h05.<br />

FONDU ENCHAÎNÉ<br />

4h15 sur le radio-réveil.<br />

Le rayon <strong>de</strong> lumière qui traverse fugitivement la pièce indique le retour <strong>de</strong> Karim<br />

dans la chambre.<br />

FONDU ENCHAÎNÉ<br />

4h21 sur le radio-réveil.<br />

Nadia dort toujours, belle au bois.<br />

Le visage <strong>de</strong> Karim (le cou emmitouflé dans une épaisse écharpe) se penche sur<br />

celui <strong>de</strong> la jolie jeune fille pour lui embrasser tendrement le front.<br />

Un <strong>de</strong>rnier effleurement du bout <strong>de</strong>s doigts à cet endroit et il la quitte.<br />

107


Dans l’éloignement, sa main sort <strong>de</strong> sa parka une enveloppe format lettre qu’il<br />

dépose en évi<strong>de</strong>nce sur le meuble près <strong>de</strong> la porte.<br />

Sur l’enveloppe, il y a écrit la personne <strong>de</strong>stinataire : Nadia. Les « a » remplacés par<br />

<strong>de</strong>s cœurs. Karim sort <strong>de</strong> la chambre, refermant la porte sur lui.<br />

EXT - CITÉ « LES GROUX » : BAS DE L’IMMEUBLE DE KARIM & NADIA - NUIT<br />

(PETIT JOUR)<br />

Karim sort <strong>de</strong> l’immeuble. Il marque un temps d’arrêt, laisse poindre un sourire<br />

satisfait sur son visage <strong>de</strong> beau gosse et enfile un bonnet <strong>de</strong> laine noire.<br />

Sac <strong>de</strong> travail à l’épaule, il met un pied <strong>de</strong>vant l’autre, le pas décidé, l’air heureux.<br />

EXT - CITÉ « LES GROUX » : UNE DES RUES // LA RUELLE - NUIT (PETIT JOUR)<br />

Karim marche, les semelles <strong>de</strong> ses baskets attaquant le bitume avec fougue à la<br />

ca<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>s pas pressés. Il ne croise personne. Dépasse une ruelle sans ralentir.<br />

Des VOIX MÊLÉES en provenance <strong>de</strong> celle-ci : UNE FÉMININE… CELLE D’UN<br />

HOMME. LA FEMME SE MET À CRIER, APPELER À L’AIDE.<br />

Karim stoppe net, rebrousse chemin jusqu’à l’entrée <strong>de</strong> la ruelle. Là, il s’immobilise.<br />

À travers ses yeux, on découvre la scène :<br />

au bout <strong>de</strong> la ruelle, UNE FEMME se fait agresser par un BLACK, LOOK DE<br />

CAILLERA. Elle tente <strong>de</strong> (s’en)fuir mais le black la repousse violemment contre le<br />

mur et la maintient plaquée.<br />

KARIM<br />

Hé ! (Ho !) ?<br />

L’air grave, il commence à se diriger, d’abord lentement puis plus rapi<strong>de</strong>ment, vers le<br />

lieu <strong>de</strong> l’agression finalement vite rallié.<br />

KARIM<br />

Ho, mec ! Vas-y arrête ça, là !<br />

Qu’est-ce que tu fous ?<br />

L’autre ne réagit pas, occupé à peloter Laetitia (!) contre le mur <strong>de</strong> béton. La « petite<br />

sœur » ne se débat plus et (p)rend plutôt bien les baisers du lascar.<br />

108


KARIM<br />

(détimbré)<br />

Hé, mec ! J’te cause !<br />

T’es sourd ?<br />

Il accompagne la parole : main sur l’épaule <strong>de</strong> la masse débordante d’affection.<br />

Sans accès <strong>de</strong> violence, le violeur (?) s’écarte <strong>de</strong> la belle enfant pour tourner la tête<br />

vers Karim. Il (nous) découvre(ons) le visage d’AMAR, sourire sardonique. Même<br />

lueur <strong>de</strong> vice et <strong>de</strong> cruauté dans le regard fixé sur Karim par Laetitia !<br />

Le visage <strong>de</strong> Karim commence à se décomposer.<br />

FLASH-BACK<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SALLE - SOIR<br />

Laetitia mâchonnant crânement son chewing-gum à côté <strong>de</strong> Sofrane…<br />

RETOUR AU PRÉSENT<br />

EXT - CITÉ « LES GROUX » : LA RUELLE - NUIT (PETIT JOUR)<br />

Karim ne voit pas que dans son dos un autre lascar apparaît : Vernon !<br />

D’un recoin renfoncé <strong>de</strong> la ruelle, sortent Mike et Libass.<br />

Karim, le trio maléfique dans le dos, gar<strong>de</strong> en travers <strong>de</strong> la gorge, un « C’est quoi…<br />

c’délire !? ». Il se retourne pour partir et se retrouve face à face avec les hommes <strong>de</strong><br />

Sofrane. Un réflexe <strong>de</strong> recul. Un sourire <strong>de</strong> détente.<br />

KARIM<br />

Oh oh… la. C’est jour <strong>de</strong> paie ou quoi ?<br />

Dans un élan soudain, il tente une percée, immédiatement sanctionnée…<br />

109


EXT - CITÉ « LES GROUX » : ENTRÉE DE LA RUELLE – NUIT (PETIT JOUR)<br />

…(d’un coup <strong>de</strong> genoux en <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> la ceinture). On distingue le corps <strong>de</strong> Karim<br />

s’écrouler comme un poids mort aux pieds <strong>de</strong> ses adversaires. Le gang enchaîne sur<br />

une série <strong>de</strong> coups <strong>de</strong> pieds. Ils s’y mettent tous à le tabasser à terre, dopés par les<br />

ENCOURAGEMENTS DE LAETITIA. On abandonne Karim à son sort en se tournant<br />

vers la cité endormie.<br />

FONDU AU NOIR<br />

OUVERTURE CUT<br />

EXT - CITÉ « LES GROUX » : PLACE CENTRALE – NUIT<br />

BARRY WHITE : UN DE SES TUBES DE LOVER<br />

UN BLACK, cheveux « décrépus », sapé classe pour sortir, traverse la place.<br />

Un coup d’œil à sa montre, il presse le pas, un bouquet <strong>de</strong> fleurs à la main.<br />

VOIX JEUNE<br />

Hé !!! Soulé !<br />

PAUSE / REPRISE DU BARRY WHITE. Tout en continuant d’hâter le pas, SOULÉ<br />

jette une œilla<strong>de</strong> sur le côté. Fait comme si <strong>de</strong> rien et trace sa route.<br />

PLUSIEURS VOIX JEUNES<br />

Oh Soulé !!! Enfoiré !<br />

Heeeyyy…<br />

(rires)<br />

STOP BARRY WHITE. Soulé lève les yeux au ciel, soupire <strong>de</strong> fatigue et s’oriente<br />

vers ses admirateurs…<br />

…Qu’on découvre au fur et à mesure qu’il s’en rapproche, être tout le crew N’garso<br />

réuni sur <strong>de</strong>ux bancs rapprochés. Aussi quelques éléments-phares <strong>de</strong> l’habituelle<br />

cliqua, parmi laquelle beaucoup <strong>de</strong> visages reconnus du fan-club officieux – voir le(s)<br />

concert(s). Ce qui porte à pas mal <strong>de</strong> mon<strong>de</strong> qui observe, sourires aux lèvres, Mr<br />

Soulé se diriger vers eux. Une fois à leur hauteur, on note même l’œil amusé <strong>de</strong><br />

chacun.<br />

110


En face, c’est clair que « Papa Wemba » n’est pas à l’aise et redoute les premiers<br />

commentaires.<br />

C’est Gia qui prend la parole, main tendue en signe <strong>de</strong> salut.<br />

GIA<br />

(se donnant l’air sérieux)<br />

Alors Soulé ! Comm’ça on dit plus bonjour ?<br />

SOULÉ<br />

(en serrant la main <strong>de</strong> Gia)<br />

Ouais ben t’as vu, j’voulais pas déranger.<br />

GIA<br />

(grimaçant à l’italienne)<br />

Tt ! Quoi « nous déranger ». Depuis quand<br />

ça dérange <strong>de</strong> dire bonjour ?<br />

Hé Soulé ! C’est quoi ça ?<br />

(il pose une main sur le bouquet)<br />

Tu fréquentes ? On la connaît ?<br />

SOULÉ<br />

(sourire entendu)<br />

Ok bon, j’vais y aller là.<br />

Il fait un signe <strong>de</strong> la main pour tout le mon<strong>de</strong> et commence à partir.<br />

Il a la main en l’air.<br />

Soulé !<br />

GIA<br />

Soulé revient sur lui pour lui présenter la sienne à plat, paume tournée vers le ciel.<br />

Gia abat sa main. Un GRAND CLAQUEMENT.<br />

Mais quand Soulé veut reculer, il se retrouve prisonnier (Gia retient sa main sous<br />

l’étreinte <strong>de</strong> sa poigne).<br />

GIA<br />

Attends, viens voir là.<br />

Il attire le grand black à lui pour lui sentir le cou.<br />

111


GIA<br />

(relâchant légèrement son<br />

emprise)<br />

J’y crois ap’ ! T’es fumpar.<br />

SOULÉ<br />

Hein !?<br />

NADIA<br />

(bras <strong>de</strong>ssus, bras <strong>de</strong>ssous avec<br />

son pote Gia)<br />

Hiiiii, Soulé, tu fais l’canard, avoue.<br />

SOULÉ<br />

(sur la défensive)<br />

Quoi !?<br />

TOUS LES AUTRES<br />

(chœur <strong>de</strong> charrieurs)<br />

Hééééé…<br />

GIA<br />

Super canard !<br />

DÉMARRAGE INTRO MUSICALE (OVER)<br />

Gia et tout N’garso commence à battre la mesure <strong>de</strong> mouvements ca<strong>de</strong>ncés du cou.<br />

En face, Soulé, l’air dépassé, recherche dans l’atmosphère la source <strong>de</strong> diffusion<br />

sonore (!)<br />

(Les PREMIERS ÉCHAUFFEMENTS DE LA VOIX DU CÔTÉ DE GIA, ZYNO,<br />

DEREK ET ALISTAIR)<br />

C’est Gia qui lance.<br />

GIA<br />

Allé c’est reparti, pour la énième fois j’l’ai dit<br />

Être en chien, j’dis non moi mec c’est fini etc<br />

Progressivement, à l’écoute <strong>de</strong>s paroles du rap « mise en boîte », Soulé passe <strong>de</strong> la<br />

fierté blessée à l’aveu <strong>de</strong> sa défaite, ses sourires <strong>de</strong> plus en plus fréquents en<br />

témoins visuels du changement d’état.<br />

112


À l’image <strong>de</strong> l’auditoire qui augmente son kiff au fur et à mesure <strong>de</strong> l’interprétation.<br />

Jusqu’à constituer les chœurs aux moments <strong>de</strong>s refrains.<br />

« L’affichage » est total quand viennent se rajouter au public, DES « MAMANS » DU<br />

QUARTIER, la mine ravie <strong>de</strong> cette animation improvisée.<br />

Le FINAL : REFRAIN A CAPELA… ou presque. Une musique, mélodie<br />

d’accompagnement qui s’invite à l’improviste et se rapproche. Celles <strong>de</strong>s SIRÈNES<br />

DE LA CARAVANE DES SECOURS, LE TRIO HABITUEL : POMPIERS (SAMU),<br />

POLICE, AMBULANCE.<br />

À fond dans leur art (les DERNIÈRES SECONDES DE L’INTERPRÉTATION LIVE<br />

DE QUARTIER), les 4 rappeurs ne prêtent pas plus attention que ça à la perturbation<br />

sonore, à la différence <strong>de</strong> Nadia et <strong>de</strong> pas mal d’autres (les dames du quartier<br />

parmi), leur intérêt capté vers l’autre côté <strong>de</strong> la place centrale…<br />

…ou circule en trombe le fameux cortège annonciateur d’un drame dont le trajet pour<br />

rejoindre le lieu passe par la cité.<br />

Le point final <strong>de</strong> « Super canard » : GRAND ÉCLAT DE RIRES DU QUATUOR trop<br />

fort tranche avec les expressions d’inquiétu<strong>de</strong> sur les visages <strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong>s<br />

autres, tous orientés, attentifs à l’éloignement <strong>de</strong>s sonorités <strong>de</strong> malheur.<br />

Même si les secours ne sont plus à la vue <strong>de</strong>s jeunes gens et adultes rési<strong>de</strong>nts, ils<br />

restent omniprésents par leur CONCERT DE SIRÈNES QUI TARDE À BAISSER<br />

D’INTENSITÉ.<br />

La tension se lit très vite sur les visages <strong>de</strong> tous (les 4 retardataires d’N’garso y<br />

compris). C’est Nadia qui la première s’écarte du groupe. Toute en pressentiment,<br />

elle effectue quelques pas en direction <strong>de</strong> la source sonore. Moins affectés, les<br />

autres commencent à se réunir autour d’elle.<br />

Après cette avancée, le champ <strong>de</strong> vision offert à Nadia fait apparaître le jeu <strong>de</strong><br />

lumières <strong>de</strong>s gyrophares.<br />

Elle se met d’un coup à courir vers l’endroit. Le restant suit vite dans une course<br />

moins effrénée. Reste Soulé, son bouquet <strong>de</strong> fleurs à la main. Il regar<strong>de</strong> sa montre.<br />

Un temps <strong>de</strong> réflexion. Hésitation. (Se) déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> les accompagner.<br />

Un court écart s’est creusé avec la meute, qu’il tente <strong>de</strong> rattraper à gran<strong>de</strong>s<br />

enjambées.<br />

EXT - CITÉ « LES GROUX » : ENTRÉE DE LA RUELLE - NUIT<br />

Mister O, la mine bouleversée, vient à l’avance <strong>de</strong> Nadia.<br />

Autour d’eux, c’est la COHUE. BEAUCOUP DE JEUNES DU QUARTIER qui veulent<br />

s’engager dans la ruelle sont contenus par les (QUELQUES) POLICIERS en faction.<br />

À la vision du visage défait <strong>de</strong> Mister O, Nadia gravit un échelon <strong>de</strong> plus vers la peur<br />

panique.<br />

Il la dévisage sans parvenir à sortir le moindre mot.<br />

113


Les autres achèvent <strong>de</strong> rejoindre la jeune fille : Gia, Zyno, Derek & Alistair en<br />

première ligne.<br />

Le moment que choisit O pour se laisser submerger par une vague d’émotion qui<br />

l’amène à une crise <strong>de</strong> larmes incontrôlable.<br />

Nadia bouscule Mister O et se précipite vers l’entrée <strong>de</strong> la ruelle.<br />

Gia, les 3 autres, en plan, choqués par la réaction soudaine et d’une tristesse<br />

absolue du grand Mister O. Gia est le premier à changer, envahi à son tour par une<br />

appréhension du genre qui se lit sur le visage. Il part, droit <strong>de</strong>vant lui…<br />

…rejoint Nadia, en pleine scène avec les forces <strong>de</strong> l’ordre. Tout le mal du mon<strong>de</strong> à<br />

contenir cette furie dont l’objectif unique est <strong>de</strong> pénétrer dans cette ruelle au<br />

périmètre sécurisé.<br />

Elle crie fort et stri<strong>de</strong>nt.<br />

NADIA<br />

Laissez-moi !!! Laissez-moi !!!<br />

Kariiim !!!...<br />

Zyno, Derek & Alistair en entendant hurlé le prénom <strong>de</strong> leur pote, se tournent vers<br />

Mister O.<br />

Les yeux remplis <strong>de</strong> larmes, il fuit leur regard en détournant la tête. Il redouble<br />

d’intensité dans le registre du désarroi, la SONORITÉ DE SES SANGLOTS<br />

COUVERTE PAR LES HURLEMENTS DE FOLIE <strong>de</strong> Nadia. S’ajoute la voix <strong>de</strong> Gia.<br />

GIA<br />

(off)<br />

Ban<strong>de</strong> d’enfoirés ! Laissez-nous passer.<br />

Les 3 blacks plantent tout le mon<strong>de</strong> pour apporter leur poids au bélier humain initié<br />

par les 2 autres membres d’N’garso : Nadia qui se débat plus que jamais, Gia en<br />

négociateur au ton houleux.<br />

Il indique le fond <strong>de</strong> la ruelle. Où…<br />

GIA<br />

Mais putain lâchez-la ! Vous voyez pas qu’on<br />

a un frère là-bas !<br />

114


EXT - CITÉ « LES GROUX » : FOND DE LA RUELLE - NUIT<br />

…les BRANCARDIERS baignés dans une lumière irréelle sont penchés sur un<br />

CORPS COUCHÉ AU SOL. Là-bas, à l’entrée <strong>de</strong> la ruelle, quelqu’un a réussi à<br />

passer le barrage et se rapproche AU RALENTI.<br />

Il s’agit <strong>de</strong> Nadia, suivie AU RALENTI <strong>de</strong> ceux les plus prompts à profiter <strong>de</strong> la<br />

brèche : Gia bien sûr, Derek, Zyno, Alistair. Leurs silhouettes lumineuses et<br />

diaphanes se détachent dans l’étroit et sombre boyau jusqu’à atteindre la scène… du<br />

crime. En bout <strong>de</strong> course, Nadia parvient à entrapercevoir<br />

le visage ensanglanté <strong>de</strong> Karim avant que le brancardier n’ait terminé <strong>de</strong> refermer le<br />

body bag sur son corps tout entier.<br />

Elle bouscule les <strong>de</strong>ux malabars et s’écroule sur le cadavre.<br />

NADIA<br />

Oh non !!!<br />

Les gestes désordonnés, les mains tremblantes, elle agit sur la fermeture-éclair pour<br />

libérer le haut du corps mort et découvrir un visage rouge sang.<br />

En découvrant le visage <strong>de</strong> son ami, Gia a une réaction <strong>de</strong> rejet. Sans détacher son<br />

regard (les yeux grands ouverts), il recule, se déporte, presque en déséquilibre. Sans<br />

mot, il reste à l’écart.<br />

Arrivent le trio Derek, Zyno, Alistair dans la même foulée.<br />

Eux, se prennent <strong>de</strong> plein fouet la scène : le buste ensanglanté <strong>de</strong> Karim, balancé<br />

d’avant en arrière, plaqué contre celui <strong>de</strong> Nadia. Nadia qui HURLE, CRIE DE<br />

DOULEUR en levant la tête au ciel.<br />

Les 3 négros cherchent à reprendre pied en levant les yeux vers Gia.<br />

Lui réagit, leur renvoie leur regard d’enfant perdu, rattrapé par la violence.<br />

Quand soudain, Gia réagit, un pas, un geste <strong>de</strong> la main, <strong>de</strong> la tête comme pour<br />

indiquer au trio l’urgence dans leur dos.<br />

Mohedine ne passe pas, bloqué par Zyno, (dé)tourné, visage plaqué contre le ventre<br />

<strong>de</strong> l’adulte.<br />

Gia, vidé <strong>de</strong> toute énergie, baisse en tension et voit son attention tirée sur le flanc.<br />

Soulé, look décalé avec le lieu, la situation, est planté là, tétanisé. Bouche<br />

entrouverte, bras ballants, il laisse échapper le bouquet qui vient s’écraser sur le sol<br />

crasseux.<br />

NADIA<br />

(off – ton implorant, suppliant)<br />

Non ! Non ! Laissez-le !<br />

Qu’est-ce que vous faites !?<br />

115


EXT - CITÉ « LES GROUX » : ENTRÉE RUELLE - NUIT<br />

Fermeture <strong>de</strong> la porte arrière du véhicule du SAMU.<br />

Nadia est retenue par Gia. Tout son corps est tendu vers l’arrière du fourgon et tout<br />

son visage est déformé par un masque <strong>de</strong> douleur inconsolable.<br />

D’AUTRES DU QUARTIER sont arrivés. On les reconnaît, tous entrevus <strong>de</strong>puis le<br />

début <strong>de</strong> l’histoire.<br />

Francis, alias « Point rouge frontal », secoue la tête <strong>de</strong> dégoût. Sa ban<strong>de</strong> affiche <strong>de</strong>s<br />

mines sombres et taciturnes. Biggie Chris peine à contenir ses larmes malgré un big<br />

mouchoir. Son émotion est vive : sa RESPIRATION HÂCHÉE ne trompe pas. Le<br />

bras <strong>de</strong> Zyno vient se poser sur l’épaule du gros pour le consoler, dignement. Derek<br />

et Alistair regar<strong>de</strong>nt dans la même direction. Celle <strong>de</strong> Mister O qui, malgré les<br />

quelques mètres qui les séparent, n’a d’yeux dans les yeux que pour… ?<br />

Derek et Alistair suivent la direction <strong>de</strong> ce regard pour voir Gia rendre la pareille à<br />

son observateur à distance.<br />

Lui et Mister O semblent tous <strong>de</strong>ux être les seuls détenteurs d’un secret dont ils<br />

échangent les termes par télépathie. C’est Gia qui rompt le premier en regardant à<br />

nouveau <strong>de</strong>vant lui.<br />

Nadia est toujours (re)tenue par ses bras.<br />

L’air grave, revanchard, Mister O porte à son tour la ligne <strong>de</strong> son regard droit <strong>de</strong>vant.<br />

Le fourgon démarre et s’éloigne.<br />

LES SIRÈNES DE GIROPHARES SONT MUETTES AU PROFIT D’UNE MONTÉE<br />

DE MUSIQUE DE CIRCONSTANCE.<br />

Nadia s’effondre, corps écroulé que Gia a le plus grand mal à soutenir. Devant eux et<br />

les autres, passe le cortège.<br />

ALTERNANCE entre :<br />

l’éloignement grandissant du fourgon (un, puis <strong>de</strong>ux véhicules à sa suite)<br />

l’effondrement progressif <strong>de</strong> Nadia.<br />

FONDU AU NOIR / FADE MUSIQUE<br />

OUVERTURE CUT<br />

EXT - CITÉ « LES GROUX » : ENTRÉE DE LA RUELLE – JOUR<br />

FX SON + IMAGE ÉCRAN TÉLÉ QUI S’ALLUME<br />

UNE JEUNE JOURNALISTE REPORTER TV, micro à la main, parle à la caméra.<br />

116


Une photo N&B PLEIN ÉCRAN<br />

LA JEUNE JOURNALISTE<br />

C’est ici à la Cité <strong>de</strong>s Groux au fond <strong>de</strong> cette<br />

ruelle, cette impasse, qu’a été retrouvé le<br />

corps <strong>de</strong>…<br />

LA JEUNE JOURNALISTE<br />

(off)<br />

… Karim NASRI, 25 ans.<br />

EXT - CITÉ « LES GROUX » : ENTRÉE FOND DE LA RUELLE - JOUR<br />

Cheminement SUBJECTIF dans l’étroit boyau.<br />

LA JEUNE JOURNALISTE<br />

(off)<br />

Il était 5h hier matin lorsque Karim, jeune<br />

garçon sans histoire selon ses proches, part<br />

travailler.<br />

On ne sait pas encore ce qu’il s’est passé<br />

entre le moment où il quitte son domicile et la<br />

découverte <strong>de</strong> son corps…<br />

Fin <strong>de</strong> parcours dans la ruelle sur une gran<strong>de</strong> flaque <strong>de</strong> sang séché.<br />

FONDU ENCHAÎNÉ<br />

LA JEUNE JOURNALISTE<br />

(off)<br />

…par <strong>de</strong>s gamins du quartier qui traînaient<br />

là.<br />

Aussitôt les forces <strong>de</strong> l’ordre se sont rendues<br />

sur place et ont bloqué le périmètre.<br />

Une enquête est ouverte et le moindre<br />

témoignage qui pourrait apporter <strong>de</strong>s<br />

éclaircissements sur cet horrible fait divers<br />

est le bienvenu.<br />

117


EXT – CIMETIÈRE - JOUR<br />

Tous en costume <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil : Gia, Zyno, Derek, Alistair, les autres têtes connues du<br />

quartier. Gia soutient LA MÈRE DE KARIM, femme d’âge mûr, portant voile et<br />

pleurant son fils. Alistair, le plus à droite, part le premier pour venir jeter une poignée<br />

<strong>de</strong> terre sur le cercueil au fond du trou.<br />

Puis c’est Derek qui prend la suite.<br />

Zyno.<br />

Et vient le tour <strong>de</strong> la mère, fermement soutenue par Gia. Devant la fosse, elle se<br />

laisse aller à un chagrin digne <strong>de</strong> l’amour qu’elle portait à son fils. Avec beaucoup <strong>de</strong><br />

tact et sa force <strong>de</strong> caractère, Gia est un soutien, un bras, une épaule salutaires. Il<br />

parvient à prendre un peu <strong>de</strong> terre dans le petit sac et s’en débarrasse sur le cercueil<br />

en contrebas.<br />

Son visage fermé n’indique aucune émotion, en contraste avec la femme qui<br />

s’accroche à son bras.<br />

Le couple improbable rejoint un emplacement. Vient Nadia. À l’image <strong>de</strong> son meilleur<br />

ami, elle affiche une force intérieure qui la fait rester sobre dans son émotion.<br />

Son visage est dur. Même si, le temps d’un trouble passager, elle semble contenir<br />

une vague d’émotion à la limite <strong>de</strong> la submerger.<br />

De sa doudoune noire, elle extrait une lettre.<br />

NADIA<br />

(<strong>de</strong> la difficulté à parler)<br />

Ceci… ceci est la lettre que Karim m’a écrite<br />

et que… j’ai trouvé à mon réveil le matin<br />

<strong>de</strong>…<br />

Elle déglutit. Les mots ont <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> mal à sortir. Elle reprend.<br />

NADIA<br />

Il s’agit d’un texte… ses <strong>de</strong>rniers mots…<br />

La feuille tremble entre ses mains et <strong>de</strong>vant ses yeux.<br />

NADIA<br />

(flow à fleur <strong>de</strong> peau)<br />

Rap / Slam à écrire sur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en mariage<br />

<strong>de</strong> Karim à Nadia<br />

118


Tout du long, elle aura retenu le flot d’émotion à l’affût et c’est avec une dignité, une<br />

force et un courage exemplaires qu’elle replie la feuille <strong>de</strong> papier pour la ranger dans<br />

sa doudoune.<br />

Sur elle, très proche <strong>de</strong> son visage, <strong>de</strong> ses yeux qui regar<strong>de</strong>nt perdus le fond <strong>de</strong> la<br />

fosse. Au bout <strong>de</strong> quelques secon<strong>de</strong>s, son regard est brièvement attiré vers nous.<br />

Un coup d’œil, papillotement <strong>de</strong> paupières traduisant son trouble.<br />

Aussitôt L’IMAGE PASSE EN VIDÉO.<br />

INT – APPARTEMENT KARIM & NADIA : SALON - SOIR<br />

DU PLEIN ÉCRAN… À UN ÉCRAN DE TÉLÉ… posé sur un meuble bas…<br />

JOURNALISTE<br />

(off - voix reconnaissable, ex :<br />

PPDA)<br />

…avaient lieu aujourd’hui les obsèques <strong>de</strong><br />

Karim Nasri, ce jeune <strong>de</strong> la cité <strong>de</strong>s Groux,<br />

sauvagement assassiné et dont l’enquête<br />

ouverte pour retrouver le ou les auteurs <strong>de</strong><br />

ce crime urbain s’annonce difficile. En effet…<br />

…parmi un fouillis au sol. À l’image, le reportage ne montre plus le gros plan sur<br />

Nadia mais <strong>de</strong>s visages parmi l’assemblée qui assiste à la cérémonie au cimetière.<br />

JOURNALISTE<br />

(off)<br />

…aucun témoignage n’est venu jusqu’ici<br />

ai<strong>de</strong>r la police…<br />

LE SON ET L’IMAGE STOPPENT NET (EN PAUSE).<br />

(Rem : la faça<strong>de</strong> <strong>de</strong> la télé indique un magnétoscope intégré)<br />

On découvre en face, assise en indien sur le sol, <strong>de</strong>s photos étalées autour d’elle,<br />

Nadia, le bras en avant, à son extrémité, la télécomman<strong>de</strong>.<br />

À 180°, sur l’écran télé, l’image gelée est composée d’un personnage central qui<br />

capte toute l’attention : une jeune fille toute <strong>de</strong> noir vêtue, du moins pour ce qu’on en<br />

voit (le buste).<br />

À 180°, Nadia, les yeux rougis parce qu’elle a dû pleurer, le regard fixe sur cette<br />

pause image.<br />

119


À 180°, un détail du visage filmé : la bouche… souriante !<br />

Pas un smile pleines <strong>de</strong>nts mais un rictus sans équivoque, sinon ambigu.<br />

À 180°, Nadia ouvre un peu plus la bouche, plisse les yeux, 100% concentrée sur la<br />

petite lucarne.<br />

FX FLASH WHITE LIGHT<br />

FLASH-BACK<br />

INT - SALLE NPE SPECTACLES : SCÈNE – SOIR<br />

REPRISE DE LA CHANSON CONCERNÉE PAR L’EXTRAIT<br />

Nadia est sur la scène avec les autres, en pleine action. Son regard tombe sur<br />

quelqu’un au fond <strong>de</strong> la salle.<br />

À 180°, Sofrane avec à son côté, Laetitia.<br />

À 180°, Nadia cesse progressivement <strong>de</strong> bouger sur le rythme. Pas les autres autour<br />

d’elle.<br />

À 180°, Laetitia fait naître le même sourire que sur l’image d’elle filmée par le<br />

caméraman au cimetière… !<br />

Nadia se fige définitivement, en état <strong>de</strong> choc sur la scène. Autour d’elle, le N’garso<br />

show se poursuit. Au ralenti (?), à moins que ce soit elle, sa tête (face catastrophée)<br />

se tourne du côté <strong>de</strong> Karim, alors en pleine forme, bougeant comme un dieu sur le<br />

son.<br />

Il disparaît progressivement - phase intermédiaire <strong>de</strong> transparence - dansant<br />

jusqu’au bout. Quand le corps <strong>de</strong> Karim n’est plus qu’un souvenir,<br />

Nadia retourne la tête vers le fond <strong>de</strong> la salle, ses yeux embués <strong>de</strong> larmes, tous les<br />

traits <strong>de</strong> son visage tendus dans une expression d’incompréhension : « Pourquoi ? »<br />

FONDU AU NOIR<br />

RETOUR AU PRÉSENT<br />

EXT – DEVANT LE LYCÉE - JOUR<br />

AMANDINE, une jeune lycéenne plutôt mignonne, look fille à papa, est dos au mur. 3<br />

personnes <strong>de</strong> dos (2 blacks et une fille) la privent d’échappatoire. Leur échange<br />

verbal se fait À VOIX BASSE. L’ado leur ouvre nerveusement son sac à dos.<br />

120


Laetitia se charge <strong>de</strong> fouiller à l’intérieur du sac pour en sortir un bala<strong>de</strong>ur cd, qu’elle<br />

refile à Vernon.<br />

Mike surveille d’un regard vicieux Amandine.<br />

Elle, gar<strong>de</strong> les yeux baissés, un peu rose <strong>de</strong> confusion, soumise au racket.<br />

LAETITIA<br />

(fort accent caill’)<br />

Voilà !...<br />

Laetitia sort un haut <strong>de</strong> sport dont elle se débarrasse sur les bras <strong>de</strong> Vernon. Et du<br />

fond du fond, un portefeuille en toile fluo qu’elle remue au visage <strong>de</strong> sa jeune<br />

propriétaire.<br />

LAETITIA<br />

Hein !... Tu voulais nous la faire à l’envers.<br />

Laetitia ouvre le portefeuille – « SCRATCH SCRATCH » DES VELCROS.<br />

Le contenu apparent (cartes, papiers) est rapi<strong>de</strong>ment passé en revue et chaque<br />

document jeté négligemment au sol. Puis la petite main aux doigts boudinés tire la<br />

fermeture éclair vers le bas pour s’enfoncer dans l’ouverture, en ressortir avec un<br />

billet fripé <strong>de</strong> 5 euros.<br />

LAETITIA<br />

Quoi !? 5 « e » !? Tu t’fous d’moi, là !<br />

AMANDINE<br />

(relevant timi<strong>de</strong>ment les yeux,<br />

lèvres <strong>de</strong> plomb)<br />

J’vous avais dit que j’avais pas l’argent.<br />

LAETITIA<br />

(attrapant violemment l’ado par les<br />

cheveux)<br />

Ecoute-moi bien p’tite salope !<br />

Si j’ai pas l’fric <strong>de</strong>main matin 8 heures, il va<br />

t’arriver <strong>de</strong>s ennuis.<br />

Sofrane a été réglo. T’as eu ta came. Il veut<br />

être payé.<br />

Et crois-moi que tu l’paieras par tous les<br />

moyens.<br />

121


Elle relâche l’adolescente toute tremblante.<br />

T’as d’jà entendu parler <strong>de</strong>s tournantes ?<br />

Dis-toi qu’Sof peut en organiser une spéciale<br />

rien qu’pour ta jolie p’tite gueule !...<br />

LAETITIA<br />

Demain matin 8 heures !<br />

Le trio malfaisant est sur le départ : Vernon déjà en train <strong>de</strong> tester son nouveau<br />

bala<strong>de</strong>ur CD, Laetitia jette le portefeuille suivi du sac éventré aux pieds <strong>de</strong> la<br />

lycéenne ; Mike se fend d’une caresse du revers <strong>de</strong> sa gran<strong>de</strong> et grosse main sur la<br />

joue <strong>de</strong> la mineure craintive. Un <strong>de</strong>rnier sourire malsain et il emboîte le pas <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />

autres, abandonnant…<br />

…une enfant perdue, traumatisée, qui met un petit temps avant <strong>de</strong> se rassembler.<br />

Enfin, Amandine s’accroupit pour ranger ses affaires éparpillées au sol. Une main,<br />

un bras rentrent dans sa sphère pour lui (ap)porter <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> dans le ramassage.<br />

Nadia rapproche, réunit les éléments qui reconstituent le contenu initial ou presque<br />

du sac. Surprise mais sans refus, Amandine remplit son sac. Nadia regar<strong>de</strong> dans la<br />

direction prise par les 3 coupables.<br />

EXT – DEVANT LE LYCÉE : PLUS LOIN - JOUR<br />

VERNON<br />

(s’affairant autour <strong>de</strong> son nouveau<br />

bala<strong>de</strong>ur, casque sur la tête)<br />

Putain, c’est chaud quand même 8 heures !<br />

À côté, Mike a aussi les mains dans les poches, marche visage impassible, un<br />

bonze. Vernon se retourne vers la p’tite princesse rose qui marche <strong>de</strong>rrière mains<br />

dans les poches.<br />

LAETITIA<br />

Quoi c’est chaud 8 heures !?<br />

VERNON<br />

Ben tu lui as dit<br />

(il l’imite)<br />

« Demain matin 8 heures ! »<br />

122


LAETITIA<br />

Ben ouais et alors ?<br />

VERNON<br />

Pffh, allé vas-y ! Ça s’ra sans moi !<br />

Mike esquisse un rictus qui ressemble à un sourire.<br />

LAETITIA<br />

(stoppe net)<br />

Quoi !<br />

Les <strong>de</strong>ux autres s’arrêtent à leur tour et se retournent.<br />

LAETITIA<br />

(sur son redémarrage)<br />

…ouais allé c’est ça, mets ton réveil pour<br />

une fois, ça t’changera !<br />

VERNON<br />

(dans les aigus)<br />

Houuu-ou-ou…<br />

Sur cette réplique cinglante, elle file son chemin, met <strong>de</strong> la distance. Dans son dos,<br />

les <strong>de</strong>ux renois restent comme <strong>de</strong>ux piquets.<br />

EXT – TROTTOIR - JOUR<br />

Laetitia toute seule, la marche un peu moins rapi<strong>de</strong>. Une SONNERIE DE<br />

PORTABLE. Elle le sort <strong>de</strong> sa poche, regar<strong>de</strong> l’écran avec étonnement (elle mâche<br />

un chewing-gum).<br />

LAETITIA<br />

(voix à peine audible)<br />

Qu’est-ce que…<br />

Elle décroche, porte l’appareil à son oreille.<br />

123


LAETITIA<br />

Ouais… Hein ? Qui ça ?... Ah non c’est pas<br />

Marie.<br />

Nan… nan… ouais voilà fait ça… voilà,<br />

allé…<br />

Elle (lui) raccroche (au nez). Avant <strong>de</strong> ranger l’appareil, elle réfléchit et dans une<br />

attitu<strong>de</strong> « après tout ! », elle compose sur le clavier. Le téléphone collé à l’oreille, elle<br />

attend la tonalité <strong>de</strong> l’appel.<br />

LAETITIA<br />

Wesh Sof, ça va ?...<br />

Ouais ben c’était pour te dire que t’auras<br />

l’argent <strong>de</strong>main sans faute. Ouais c’est bien<br />

ce que… Mais puisque j’te dis que tu auras<br />

l’argent <strong>de</strong>main ! T’énerve pas là ! Elle avait<br />

PAS l’gen-ar ! Keske tu voulais qu’je fasse !<br />

Ouais ben on verra <strong>de</strong>main d’accord !...<br />

Sinon qu’est-ce que j’voulais t’dire… t’es<br />

où ?... pourquoi ?... Attends…<br />

Nadia la croise. Laetitia s’arrête, regard accroché sur le mouvement <strong>de</strong> Nadia qui<br />

s’arrête à son tour et la regar<strong>de</strong>.<br />

NADIA<br />

Tu s’rais pas la rate qui traîne avec Sof’ ?<br />

LAETITIA<br />

(portable toujours porté à l’oreille)<br />

Attends… j’te rappelle. Si, j’te rappelle !<br />

(elle range le portable dans sa<br />

doudoune <strong>de</strong> Barbie)<br />

Et tu lui veux quoi à « Sof » ?<br />

NADIA<br />

Ben moi rien mais lui j’sais pas.<br />

LAETITIA<br />

Quoi tu sais pas ? Vas-y accouche, j’ai pas<br />

qu’ça à faire.<br />

124


NADIA<br />

Ben c’est qu’c’est pas facile à t’expliquer, t’es<br />

marrante.<br />

Tu d’vrais comprendre qu’entre meufs ces<br />

choses-là… euh… c’est pas… c’est paaas…<br />

c’est pas simple, voilà !<br />

LAETITIA<br />

Oh la la, la prise <strong>de</strong> tête ! T’es relou toi<br />

comme meuf ! Vas-y m’compare pas à toi.<br />

Y-a pas d’entre meufs. Y-a toi ! Y-a moi !<br />

Sof, tu lui veux quoi ? Dernière fois après<br />

j’trace !<br />

NADIA<br />

Ok ben j’ai pas l’choix, j’me lance. Tu sais<br />

pas s’il est toujours à la recherche <strong>de</strong> filles ?<br />

Aucun son ne sort <strong>de</strong> la bouche <strong>de</strong> Laetitia, estomaquée.<br />

NADIA<br />

Oh la j’t’ai choquée là ou tu réfléchis ?<br />

LAETITIA<br />

(sur la défensive)<br />

Vas-y, j’t’écoute.<br />

NADIA<br />

Ben ça y est, j’ai fini.<br />

LAETITIA<br />

(toujours pru<strong>de</strong>nte)<br />

Tu veux savoir si Sof est toujours à la<br />

recherche <strong>de</strong> filles…<br />

NADIA<br />

Ouais c’est ça, enfin tu vois…<br />

LAETITIA<br />

Ouais vite fait. Mais euh… qu’est-ce que<br />

j’voulais dire<br />

125


(elle se gratte la tête, se donnant<br />

l’air embarrassé)<br />

…c’est toi qui d’man<strong>de</strong> ça ou bien…<br />

NADIA<br />

Ecoute si on pouvait zapper l’interrogatoire…<br />

j’préfère si ça t’dérange pas.<br />

LAETITIA<br />

(retrouvant son côté peste)<br />

Donc c’est (bien) pour toi. Et qu’est-ce qui<br />

t’fait penser que ton mec n’en saura rien ?<br />

Un SILENCE AFFECTÉ du côté <strong>de</strong> Nadia. Qui reprend<br />

NADIA<br />

Un mec ? Quel mec ?<br />

Au tour <strong>de</strong> Laetitia <strong>de</strong> marquer un temps <strong>de</strong> trouble passager.<br />

LAETITIA<br />

J’imagine que t’es grave en galère <strong>de</strong> thunes<br />

pour venir m’parler d’ça.<br />

NADIA<br />

Grave. J’ai un loyer à payer et un salaire <strong>de</strong><br />

ven<strong>de</strong>use à mi-temps à cause que j’poursuis<br />

<strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s. Même avec la bourse, j’y arrive<br />

pas. J’t’assure, j’y arrive pas.<br />

LAETITIA<br />

Et tu t’es dit pourquoi pas…<br />

NADIA<br />

Après tout c’est pas moi qu’a eu l’idée. C’est<br />

Sofrane à vrai dire.<br />

LAETITIA<br />

Ben il a eu raison apparemment.<br />

126


Laetitia toise Nadia du regard, un sourire narquois.<br />

NADIA<br />

Alors ça s’passe comment ? J’rentre chez<br />

moi et j’attends qu’il m’appelle ou bien ?<br />

LAETITIA<br />

Oh oh non, tu rentres pas chez toi, ma p’tite<br />

chérie.<br />

(elle ressort le portable)<br />

T’es chau<strong>de</strong>. Faut pas laisser refroidir.<br />

Attends voir…<br />

(elle compose le numéro en<br />

s’éloignant <strong>de</strong> quelques pas,<br />

faisant dos à Nadia)<br />

Allôôô… <strong>de</strong>viiine qui c’est… hein !? comment<br />

tu m’as appelé ?...<br />

Ouais bon ben ça va… oh la la t’es pas<br />

drôle… mh bref tu veux pas savoir pourquoi<br />

j’te rappelle là… ?... hein… Sof !... Sofrane…<br />

allô… allô !!!<br />

(elle regar<strong>de</strong> le portable effarée,<br />

jette un p’tit coup d’œil gêné vers<br />

Nadia toujours là)…<br />

l’enf’… il a… nooon…<br />

(elle recompose le number et<br />

passablement irritée se le recolle<br />

à l’oreille)<br />

Ouais j’disais « tu veux savoir pourquoi ? »…<br />

ah quand même… et bien figure-toi que j’ai à<br />

quelques mètres <strong>de</strong> moi une jeune fille à qui<br />

tu aurais soi-disant proposé <strong>de</strong> travailler pour<br />

oit’… mh mh c’est ça…<br />

(elle jette <strong>de</strong> temps à autre un œil<br />

en direction <strong>de</strong> Nadia, simple<br />

vérification)<br />

…ça te dit rien…<br />

Ben ouais ouais plutôt mignonne, la<br />

vingtaine, un peu ‘caill comme t’aimes. Une<br />

muslim non pratiquante, tu vois…<br />

(d’un geste futile et snob, elle<br />

couvre <strong>de</strong> sa main le bas du<br />

portable pour s’adresser à Nadia)<br />

…ton nom !<br />

NADIA<br />

Qui d’man<strong>de</strong> ça !?<br />

127


INT - SQUATT – SOIR<br />

LAETITIA<br />

Si t’es réglo, ton futur boss !<br />

NADIA<br />

(qui s’assombrit)<br />

Dis Nadia alors, ça suffira.<br />

LAETITIA<br />

Sofrane ? C’est Nadia.<br />

La bouche lèvres scellées <strong>de</strong> Sofrane près <strong>de</strong> son portable. Derrière lui, dans le flou,<br />

on distingue plusieurs formes humaines sur un canapé. Deux malmènent une, à<br />

entendre les CRIS, les SONS DE GIFLES.<br />

EXT – TROTTOIR – JOUR<br />

INT - SQUATT – SOIR<br />

LAETITIA<br />

…Sofrane ?... Oh eh non ça va pas r’faire<br />

chier !<br />

(elle zyeute l’écran du téléphone)<br />

…pffh… Sofrane t’es là ?...<br />

(elle met un voile sur sa voix)<br />

T’as entendu… c’est Nadia… c’est sa<br />

meuf…<br />

SOFRANE<br />

Je sais, ferme-là.<br />

(le mutisme à nouveau. Pas<br />

longtemps. Le temps d’un<br />

dilemme)<br />

Ecoute (moi) bien. Tu (vas) lui dis (dire) que<br />

je l’attends dans une heure <strong>de</strong>vant l’ancien<br />

local.<br />

128


EXT – TROTTOIR – JOUR<br />

Nadia vient tout à côté <strong>de</strong> Laetitia.<br />

Laetitia adresse un regard noir à l’intruse.<br />

LAETITIA<br />

Dans une heure ? Oh la on perd pas d’temps<br />

à c’que j’vois.<br />

Ouais ouais je m’tais je m’tais.<br />

Toud’ façon si tu crois qu’elle va pouvoir<br />

s’libérer et v’nir comme ça rien que parce<br />

que Monsieur… (a) claque(é) <strong>de</strong>s doigts…<br />

NADIA<br />

Il a dit dans une heure ? Il veut m’voir, c’est<br />

ça ?<br />

LAETITIA<br />

Tiens, elle est juste en face <strong>de</strong> moi, là. (Si) tu<br />

veux, (tu) lui d’man<strong>de</strong>(r) ça toi-même (?)<br />

Elle tend l’appareil à Nadia qui s’en saisit avec une assurance imprévisible.<br />

La surprise se lit sur le visage <strong>de</strong> Laetitia.<br />

INT - SQUATT – SOIR<br />

NADIA<br />

(grave et concernée)<br />

Wesh Sofrane<br />

(Laetitia n’en perd pas une miette)<br />

c’est Nadia. Une heure ça l’fait.<br />

Des spasmes légers viennent troubler l’immobilisme jusque là parfait <strong>de</strong>s lèvres <strong>de</strong><br />

Sofrane.<br />

La main est également victime d’un petit tremblement.<br />

Quelques secon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> SILENCE TENDU. En fond sonore les CRIS ÉTOUFFÉS <strong>de</strong><br />

la fille entre les pattes <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux silhouettes.<br />

129


EXT – TROTTOIR - JOUR<br />

Nadia, le portable vissé à l’oreille, est tendue comme un arc.<br />

Laetitia stressée par le silence radio s’impatiente, veut reprendre le cellulaire. Nadia<br />

recule son buste en arrière.<br />

INT - SQUATT – SOIR<br />

EXT – TROTTOIR – JOUR<br />

SOFRANE<br />

(moins assuré que d’habitu<strong>de</strong>)<br />

Devant l’ancien local alors.<br />

NADIA<br />

(sourcils froncés, l’écoute<br />

parasitée par la tentative <strong>de</strong><br />

putsch « laetitienne »)<br />

De… <strong>de</strong>vant l’ancien local, c’est c’que t’a<br />

dit ?<br />

Sof, t’es là ? Tu m’entends ?<br />

Nadia décolle le portable <strong>de</strong> son oreille pour contrôler l’écran et s’apercevoir que :<br />

NADIA<br />

(tranquille)<br />

Il a raccroché.<br />

Laetitia récupère le téléphone que Nadia lui tend et pose un regard sceptique sur<br />

l’écran, puis sur Nadia. Finalement, elle confisque l’appareil dans sa doudoune et<br />

dans un soupir :<br />

LAETITIA<br />

Bon ben c’est pas qu’j’m’ennuie mais j’vais<br />

t’laisser. T’as pas trop d’une heure pour<br />

t’arranger un peu.<br />

130


Dit-elle en la toisant avec dédain <strong>de</strong>s pieds à la tête.<br />

Nadia encaisse, décrispe un sourire.<br />

NADIA<br />

Mh, ouais c’est ça, j’vais aller m’arranger un<br />

peu. Ben merci alors.<br />

LAETITIA<br />

Me remercie pas trop vite, ma p’tite. Ça s’voit<br />

que tu l’connais pas tant qu’ça mon négro.<br />

Le PORTABLE SONNE DANS SA POCHE. Elle le ressort, décroche, en profite pour<br />

planter là Nadia sans plus un regard. Dans l’éloignement <strong>de</strong> dos :<br />

LAETITIA<br />

(au téléphone)<br />

Ouais (encore toi !) J’t’ai d’jà parlé à toi !...<br />

Ouais ben Romuald, tu vas être un brave<br />

toubab et tu vas oublier ce number et la<br />

Marie qui va avec !<br />

Nadia la regar<strong>de</strong> partir sans masquer son mépris, le dégoût (!) qu’elle lui inspire.<br />

Après avoir mis quelques pas entre elles, Laetitia s’arrête (en raccrochant).<br />

LAETITIA<br />

(dos tourné)<br />

Hé « Nadia »<br />

(prononcé avec une pointe<br />

d’accent arabe !)<br />

Elle se tourne (en rangeant le téléphone dans sa poche habituelle). Sourire <strong>de</strong> peste.<br />

LAETITIA<br />

N’oublie pas CV, lettre <strong>de</strong> motivation.<br />

Elle part dans un GRAND ÉCLAT DE RIRE en repartant sur le trottoir.<br />

Nadia la fusille du regard, prend sur elle pour lancer dans un simili sourire :<br />

131


NADIA<br />

(voix portée)<br />

Et pour la photo ?<br />

L’autre sans se retourner, <strong>de</strong> là-bas.<br />

LAETITIA<br />

(C’est ça !) À mon avis (tu sais quoi ?), ils en<br />

auront pas besoin pour se souv’nir <strong>de</strong> toi !<br />

NADIA<br />

(dans un <strong>de</strong>rnier effort pour<br />

paraître dans l’humour)<br />

Inch Allah, t’as vu.<br />

(voix portée)<br />

(Juste pour elle)<br />

Avec ou sans (dieu), j’te nique ta race !<br />

(masque <strong>de</strong> haine, mâchoires<br />

serrées)<br />

LES PREMIÈRES NOTES D’UN ACCORD DISSONANT PONCTUE LA RÉPLIQUE.<br />

Nadia reste quelques secon<strong>de</strong>s, visage qui fait peur, à fixer dans la direction <strong>de</strong><br />

l’autre qui s’éloigne.<br />

LA NAPPE MUSICALE MONTE CRESCENDO JUSQU’À DEVENIR<br />

ASSOURDISSANTE.<br />

Puis AU RALENTI, Nadia se détourne, part mauvaise à l’opposé <strong>de</strong> Laetitia, à<br />

distance croissante dans son dos.<br />

Laetitia, réelle tête à claques au sourire pervers, Nadia s’éloignant <strong>de</strong>rrière elle.<br />

Vue du trottoir d’en face : les <strong>de</strong>ux filles qui marchent AU RALENTI dans les<br />

cardinaux opposés.<br />

SONORITÉ AU TOP DE SON VOLUME, SATURÉE AU MAX.<br />

Calé sur le tempo, UN BEAT LOURD, on « rentre » dans l’image en 2 temps.<br />

INT - APPART NADIA + KARIM : CHAMBRE – JOUR<br />

« WHO DO YOU LOVE » PAR 2PAC (ALBUM « LOYAL TO THE GAME ») (OVER)<br />

EN RYTHME, les actions s’enchaînent :<br />

Nadia fait irruption dans la chambre, remontée à bloc.<br />

132


Se débarrasse <strong>de</strong> sa parka qu’elle laisse tomber au sol.<br />

Ouvre l’armoire, prend une robe <strong>de</strong> couleur noire sur la pen<strong>de</strong>rie.<br />

La jette encore sur son cintre sur le lit défait.<br />

Elle enlève son tee-shirt. Se retrouve en soutien-gorge, bas <strong>de</strong> survêt, baskets.<br />

Ouvre un <strong>de</strong>s tiroirs <strong>de</strong> la commo<strong>de</strong> où sont rangées les petites culottes, strings.<br />

S’empare d’un string. Referme. Ouvre un autre tiroir. S’empare d’une paire <strong>de</strong> bas.<br />

3 ème tiroir : un soutien gorge plus sexy que celui qu’elle porte. Tout ça est<br />

TOUJOURS PARFAITEMENT SYNCHRONE AVEC LE BEAT.<br />

Le pied à présent recouvert du bas noir. Le talon rentre dans la basket… noire <strong>de</strong><br />

marque, plus fine et féminine que celles portées précé<strong>de</strong>mment.<br />

Sorti du sac à mains pochette en croco noir, le stick <strong>de</strong> rouge est porté aux lèvres <strong>de</strong><br />

Nadia qu’il colore dans un mouvement expert.<br />

Du fard à paupières à présent appliqué. Final : son regard dans la glace qui nous<br />

transperce.<br />

LA MUSIQUE DISPARAÎT PROGRESSIVEMENT<br />

FONDU ENCHAÎNÉ calqué sur les yeux <strong>de</strong> Nadia.<br />

EXT - DEVANT « L’ANCIEN LOCAL » - JOUR<br />

(à l’abandon, tags sur les portes)<br />

Les yeux écarquillés <strong>de</strong> Sofrane.<br />

Son visage, l’allumette pendante collée sur sa grosse lèvre inférieure. Très vite, il<br />

retrouve son air supérieur, revenu <strong>de</strong> tout, un petit sourire en coin, vicieux et pervers.<br />

Nadia apparaît <strong>de</strong> dos face au jeune caïd. Elle porte un manteau <strong>de</strong> cuir noir. Ses<br />

cheveux sont coiffés avec volume.<br />

SOFRANE<br />

(récupérant l’allumette entre ses<br />

doigts)<br />

(après un soupir d’admiration)<br />

Pfouh, t’es allumée <strong>de</strong> t’bala<strong>de</strong>r comme aç.<br />

Allé, viens là.<br />

Il attire Nadia à lui qui le repousse avec vigueur.<br />

133


NADIA<br />

Heyyy !...<br />

Dans le mouvement <strong>de</strong> bascule arrière <strong>de</strong> son buste, Sofrane laisse apparaître<br />

Nadia <strong>de</strong> face. Très féminine. Sa beauté naturelle mise en valeur.<br />

NADIA<br />

(accent jeune <strong>de</strong> cité)<br />

Bas les pattes, tu crois quoi ?<br />

Tu m’as pris pour une meuf perdue ou quoi ?<br />

SOFRANE<br />

(rentrant dans un jeu <strong>de</strong><br />

séduction)<br />

Vas-y arrête <strong>de</strong> faire style. Toi et moi on est<br />

d’la même rue.<br />

Quand j’ai voulu j’t’ai eu<br />

(il claque <strong>de</strong>s doigts)<br />

NADIA<br />

Qu’est-ce que t’as eu ? Mon cul ?<br />

Si on compte toutes les fois où j’étais réglée,<br />

combien d’fois tu m’as dallé, hein ?<br />

Combien d’fois, vas-y dit !<br />

(elle se rapproche du visage <strong>de</strong><br />

Sofrane)<br />

SOFRANE<br />

(moins à l’aise, détourne les yeux,<br />

fait jouer l’allumette dans sa<br />

bouche)<br />

Allé calme-toi là. Tu parles trop<br />

(il prend l’allumette et la jette au<br />

sol)<br />

NADIA<br />

(s’écarte <strong>de</strong> Sofrane)<br />

Ouais t’as raison. C’est plutôt à toi <strong>de</strong><br />

m’parler.<br />

SOFRANE<br />

Viens, on reste pas là !<br />

134


Il lui attrape le bras, déboule une voiture <strong>de</strong> marque aux vitres teintées.<br />

NADIA<br />

Aïe ! Lâche-moi-ah ! Qu’est-ce que tu f…<br />

Sofrane lui met la main sur la bouche, la pousse sur la banquette arrière, monte à<br />

côté, ferme la portière. La voiture repart.<br />

INT - COULOIR IMMEUBLE ÉTAGE APPART KARIM + NADIA - SOIR<br />

Gia marche dans le couloir. Son visage porte le <strong>de</strong>uil <strong>de</strong> Karim. Arrivé <strong>de</strong>vant la porte<br />

<strong>de</strong> l’appartement, il EXPIRE UN BON COUP ET SONNE.<br />

Il attend raisonnablement et SONNE À NOUVEAU. La même attente insatisfaite. Il<br />

sort son portable et compose un numéro. Il attend, le téléphone à l’oreille. À l’autre<br />

bout, on décroche.<br />

GIA<br />

Allô Nadia, c’est moi. J’chuis d’vant ta porte<br />

là. T’es où ?<br />

Le silence ou presque à l’autre bout <strong>de</strong> la ligne. Une RESPIRATION que Gia écoute<br />

sans renchérir. L’air plus inquiet, il raccroche,<br />

range le téléphone dans sa poche et déci<strong>de</strong> d’ouvrir la porte.<br />

Il y parvient simplement et pénètre dans l’appartement.<br />

DÉMARRAGE MUSIQUE À LA BADALAMENTI (tension dramatique)<br />

De dos, il progresse lentement dans le couloir d’entrée (même disposition que les<br />

apparts <strong>de</strong> Gia, Mister O…). Arrivé au coin, prend à droite.<br />

INT – APPART KARIM + NADIA : SALON - NUIT (CLAIR OBSCUR)<br />

SUITE MUSIQUE À LA BADALAMENTI (tension dramatique)<br />

Gia apparaît dans l’encadrement <strong>de</strong> la porte du salon, poursuit à l’intérieur.<br />

Il évolue en enjambant les objets nombreux et variés qui jonchent le sol (<strong>de</strong>s<br />

vêtements ayant appartenu à Karim, <strong>de</strong>s photos étalées, « vomies » <strong>de</strong> leur boîte <strong>de</strong><br />

135


angement). Le canapé et le centre <strong>de</strong> la pièce atteints, il a un regard circulaire<br />

d’ensemble pour ce sol encombré.<br />

Quand son regard est attiré par la lumière en provenance <strong>de</strong> l’écran télé, son visage<br />

prend progressivement une expression catastrophée.<br />

LA MUSIQUE RAJOUTE À LA TENSION DRAMATIQUE.<br />

Toujours en pause, le visage <strong>de</strong> Laetitia et son petit sourire en coin à l’enterrement<br />

<strong>de</strong> Karim.<br />

INT – CAVE - SOIR<br />

SUITE MUSIQUE À LA BADALAMENTI (tension dramatique)<br />

La même Laetitia. LES SONS D’UN ACTE SEXUEL INTENSE (OFF) soumis à son<br />

regard lubrique.<br />

1 ÈRE VOIX OFF<br />

(sons coït + petits cris étouffés)<br />

Ouais vas-y c’est ça, baise-là cette salope !<br />

2 ÈME VOIX OFF<br />

(sons coït + petits cris étouffés)<br />

Oh qu’est-ce qu’elle est bonne la chienne !!!<br />

3 ÈME VOIX OFF<br />

(sons coït + petits cris étouffés)<br />

Allé sale pute ! Open your mouth ! Open !<br />

2 ÈME VOIX OFF<br />

(sons coït + petits cris étouffés)<br />

Ah fuck ! Baby oh ! Yeah-sss !<br />

Un CRI DE FEMME, terrible, raisonne soudain. S’ensuivent les SONS D’UNE<br />

CONFUSION GÉNÉRALE, l’air tout à coup perdu <strong>de</strong> Laetitia, dépassée par la<br />

tournure <strong>de</strong>s évènements.<br />

LA MUSIQUE S’EMBALLE → THÈME ACTION<br />

1 ÈRE VOIX OFF<br />

(empreinte <strong>de</strong> panique)<br />

Attention, elle se barre !<br />

136


Laetitia amorce un départ.<br />

INT – APPART KARIM & NADIA : COULOIR - SOIR<br />

SUITE THÈME ACTION<br />

Gia sort en trombe <strong>de</strong> l’appartement tirant la porte <strong>de</strong>rrière lui. LA PORTE CLAQUE.<br />

EXT – SUR TOIT IMMEUBLE - JOUR<br />

SUITE THÈME ACTION<br />

Une porte blindée s’ouvre brusquement sur Nadia HURLANT AUX LARMES. Son<br />

visage est tuméfié, son maquillage a coulé et ses cheveux sont ébouriffés.<br />

Elle court, CRIE DE TERREUR, ses vêtements déchirés. Mais elle arrive vite au bord<br />

<strong>de</strong> tomber – LA MUSIQUE MARQUE UN PREMIER TEMPS. Prise <strong>de</strong> panique, elle<br />

recule, veut trouver une autre issue mais les autres sont déjà à la porte – LA<br />

MUSIQUE S’ARRÊTE.<br />

Mike, le premier à sortir, la repère au premier coup d’œil.<br />

MIKE<br />

Elle est là !<br />

Le rejoignent Vernon avec la naissance d’un sourire quand il la voit puis Libass, tous<br />

les <strong>de</strong>ux chemise ouverte.<br />

Comme à l’habitu<strong>de</strong>, Vernon + Mike se mettent en retrait. Libass avance donc à pas<br />

lents vers Nadia, l’air menaçant.<br />

Elle recule, toute tremblante.<br />

NADIA<br />

(aphone)<br />

Non… non…<br />

Tout va très vite. Laetitia a suivi. Dépassée par les évènements quand elle découvre<br />

la scène, ses yeux vont d’emblée chercher les 3 blacks tous braqués dans une<br />

direction qu’elle adopte.<br />

137


Nadia est revenu au bout du toit sans plus aucune autre échappatoire. Sa panique<br />

redouble (d’intensité) et elle sursaute à l’idée du vi<strong>de</strong> <strong>de</strong>rrière elle. Un HOQUET DE<br />

TERREUR. Mais elle tient l’équilibre.<br />

En face, par la porte restée ouverte, l’amorce d’une nouvelle arrivée sur le toit.<br />

Laetitia, les autres dans leur positionnement gênent la vision du ou <strong>de</strong> la nouvelle<br />

venu(e).<br />

Nadia dès qu’elle aperçoit l’inconnu(e) à nos yeux le reconnaît aux siens.<br />

Un SILENCE BLANC se fait brusquement.<br />

Le choc visuel généré provoque le déséquilibre fatal et Nadia tombe dans le vi<strong>de</strong>.<br />

L’action est si soudaine que l’impression est presque celle d’un trucage à l’image.<br />

Sous l’effet <strong>de</strong> surprise, ses tortionnaires <strong>de</strong>venus ses bourreaux ne réagissent pas<br />

tout <strong>de</strong> suite. Libass, aux avant-postes, se précipite à l’endroit encore occupé il y a<br />

une secon<strong>de</strong> par Nadia.<br />

Juste avant d’arriver pour se pencher et voir, il pile, se cambre tel un cheval refusant<br />

l’obstacle. Préfère se retourner vers les autres qui tous affichent le masque figé <strong>de</strong> la<br />

peur.<br />

À contrecoeur, Libass se penche et revient très vite en position. Sa courte grimace,<br />

sorte <strong>de</strong> froncement <strong>de</strong> toute sa face, traduit la vision qu’il vient d’avoir.<br />

On découvre le <strong>de</strong>rnier arrivé sur le toit. Au départ juste son torse, nu, le visage<br />

caché par le tee-shirt qu’il est en train <strong>de</strong> passer. Le visage <strong>de</strong>… Mister O (!!!)<br />

contrairement aux autres ne traduit aucune émotion. De ce « masque <strong>de</strong> cire »<br />

jusqu’au point <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> la chute <strong>de</strong> Nadia dans un mouvement virtuel <strong>de</strong> recul<br />

[FX Matrix]. En piqué pour <strong>de</strong>scendre les nombreux étages <strong>de</strong> l’immeuble (on longe<br />

la paroi) à une vitesse vertigineuse - SON DE L’AIR FENDU COMME PAR UN<br />

CORPS EN CHUTE LIBRE - jusqu’au visage <strong>de</strong> Nadia écrasée au sol - BRUITAGE<br />

CORPS HUMAIN QUI S’ÉCRASE AU SOL APRÈS UNE TELLE CHUTE - ses yeux<br />

grands ouverts sur la mort, sa tête baignant dans une flaque <strong>de</strong> sang qui grandit petit<br />

à petit.<br />

EXT – BAS DE L’IMMEUBLE - JOUR<br />

Autour du cadavre <strong>de</strong> Nadia, les HABITANTS DE LA CITÉ, JEUNES ET MOINS<br />

JEUNES, commencent à affluer et à former un cercle silencieux.<br />

Le barrage humain est percé avec conviction par Gia, qui prend la vision-choc <strong>de</strong><br />

plein fouet. Il recule, pose ses mains en panique sur tout ceux alentour à sa fuite.<br />

Manque presque <strong>de</strong> tomber. La ligne <strong>de</strong> badauds se referme sur Gia qui disparaît<br />

comme apparu.<br />

Démarrage MUSIQUE, THÈME EXTRAIT B.O.F. « REQUIEM FOR A DREAM »<br />

(OVER)<br />

138


INT – APPART GIANELLI : SALLE DE BAINS CHAMBRE DE GIA - SOIR<br />

SUITE THÈME MUSICAL EXTRAIT B.O.F « REQUIEM FOR A DREAM » (OVER)<br />

Le reflet <strong>de</strong> Gia dans la glace. Il se regar<strong>de</strong>, l’œil hagard, comme déconnecté. Puis<br />

un trouble dans le regard et il semble revenir à la réalité. Plus bas, UNE TONDEUSE<br />

À CHEVEUX SE MET EN MARCHE. Gia, mâchoires serrées, l’amène avec<br />

conviction sur le sommet <strong>de</strong> son crâne, au haut <strong>de</strong> son front, et commence à se<br />

raser la tête et à se transformer sous nos yeux, en temps réel !<br />

Les mèches <strong>de</strong> cheveux par touffes entières tombent EN RYTHME SUR LA<br />

MUSIQUE (COUPS D’ARCHER SUR LES VIOLONS)<br />

Quand IL ÉTEINT - (relâche LA TONDEUSE dans le fond <strong>de</strong> la vasque) - c’est pour<br />

fixer intensément son nouveau visage, monter en puissance comme dans une transe<br />

et partir d’un coup, le miroir reflétant une marche décidée à l’allure guerrière,<br />

SYNCHRONE AVEC LA TRANSITION 1 er MOUVEMENT / 2 ème MOUVEMENT DU<br />

THÈME MUSICAL.<br />

EXT – IMMEUBLE GIA : EN BAS → RUES DE LA CITÉ « LES GROUX » - JOUR<br />

SUITE THÈME MUSICAL EXTRAIT B.O.F « REQUIEM FOR A DREAM »<br />

Gia toujours en mo<strong>de</strong> règlement <strong>de</strong> compte, passe les portes <strong>de</strong> son immeuble, vêtu<br />

du vieux et trop large pantalon <strong>de</strong> jogging <strong>de</strong> la page 1, associé à un non moins<br />

vieux tee-shirt, le haut du jogging, veste taille XXL en épais sweat <strong>de</strong> coton. On ne le<br />

lâche pas le long <strong>de</strong> son parcours <strong>de</strong> combattant à travers la cité sous les regards<br />

« un peu » effrayés <strong>de</strong> ceux qu’il croise. Sans entendre ce qu’il leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, les<br />

bras indicateurs <strong>de</strong> direction <strong>de</strong> certains, l’empressement avec lequel il quitte ces<br />

« informateurs », révèlent que Gia cherche quelque chose, quelqu’un et vite ! Les<br />

pans <strong>de</strong> sa veste gran<strong>de</strong> ouverte battant <strong>de</strong> chaque côté <strong>de</strong> sa silhouette lancée à<br />

pleine vitesse développent son envergure et le ren<strong>de</strong>nt impressionnant pour ceux sur<br />

son passage rageur et vengeur.<br />

QUELQUES SECONDES PLUS TARD<br />

EXT – CITÉ « LES GROUX » : BÂTIMENT BLANC – JOUR<br />

SUITE THÈME MUSICAL EXTRAIT B.O.F « REQUIEM FOR A DREAM »<br />

Gia emprunte maintenant un escalier <strong>de</strong> béton blanc, étroit et en colimaçon pour se<br />

retrouver sur le toit (une surface <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> superficie du même béton blanc) d’un<br />

bâtiment <strong>de</strong> 3 étages, en plein centre <strong>de</strong> la cité.<br />

139


À l’autre bout, il i<strong>de</strong>ntifie…<br />

...Sofrane <strong>de</strong> dos (le caïd n’est pas seul mais avec D’AUTRES GARS).<br />

Gia se dirige droit sur le regroupement, accélère le pas.<br />

Un <strong>de</strong>s lascars perd son sourire crâne quand ses yeux découvrent Gia au <strong>de</strong>rnier<br />

moment, si proche, juste le temps d’avertir Sofrane d’une tape sur le bras. Sofrane<br />

se retourne.<br />

Gia est déjà là, sur lui.<br />

Début d’un affrontement entre les <strong>de</strong>ux hommes - LA MUSIQUE S’EMBALLE.<br />

Pendant toute la durée du combat, l’image alterne RALENTIS et ACCÉLÉRÉS.<br />

Sofrane évite <strong>de</strong> justesse le coup <strong>de</strong> poing porté par Gia.<br />

Aveuglé par la colère, Gia en perd l’équilibre et tombe vers l’avant, aidé par la<br />

poussée <strong>de</strong> Sofrane en train <strong>de</strong> se déporter.<br />

À peine Gia se retrouve au sol qu’il réagit pour se relever.<br />

Sofrane l’en empêche d’un violent coup <strong>de</strong> pied dans le ventre…<br />

…qui écroule Gia à plat. Là encore, les bras <strong>de</strong> Gia sont vite en position <strong>de</strong> levier<br />

mais un nouveau coup <strong>de</strong> pied <strong>de</strong> Sofrane, toujours au même endroit, décolle Gia <strong>de</strong><br />

la surface du sol. Il se retrouve sur le dos, encore conscient mais ko. Sa tête remue<br />

légèrement <strong>de</strong> droite à gauche.<br />

Sofrane se penche <strong>de</strong>ssus et roue le visage <strong>de</strong> Gia <strong>de</strong> coups <strong>de</strong> poing avec un<br />

acharnement assassin. Les jambes <strong>de</strong> Gia sont agitées <strong>de</strong> convulsions à chaque<br />

coup porté à la face. Jusqu’à plus <strong>de</strong> mouvement.<br />

Sofrane se relève, regar<strong>de</strong> le résultat <strong>de</strong> sa série <strong>de</strong> coups et crache sur…<br />

…le visage <strong>de</strong> Gia en piteux état (le crachat atteint bien sa cible).<br />

Puis Sofrane lève ou plutôt « arme » son pied et présente la semelle <strong>de</strong> son talon au<strong>de</strong>ssus<br />

du…<br />

…faciès encore animé <strong>de</strong> mouvements <strong>de</strong> Gia.<br />

UNE VOIX D’ENFANT SE FAIT ALORS ENTENDRE DANS UN CRI SOUDAIN ET<br />

DÉSESPÉRÉ.<br />

MOHEDINE<br />

(off)<br />

Nooo-ooo-n !<br />

Sofrane bloque net son début d’action et ramène son pied au sol tout en<br />

s’intéressant à l’endroit d’où est parti le cri déchirant. Il relève la tête pour découvrir…<br />

…Mohedine, tremblant <strong>de</strong> rage et <strong>de</strong> colère, les traits <strong>de</strong> son visage bouleversés par<br />

l’émotion. Dressé <strong>de</strong>vant les autres qui <strong>de</strong>rrière lui ont tous une mimique semblant<br />

« phonétiser » : « Ouh pas beau à voir le carnage », ci. « Ouh ça va bar<strong>de</strong>r pour le<br />

p’tit (qui a osé tenir tête au chef) », là.<br />

140


Sofrane, lui aussi, a les traits du visage bouleversés par l’émotion. Il s’agit <strong>de</strong> la<br />

hargne, toute cette violence qu’il a puisé, fait monter en lui pour contrer Gia et qu’il a<br />

du mal à évacuer pour « re<strong>de</strong>scendre » un peu. Ses yeux <strong>de</strong> fou sanguinaire fixe<br />

Mohedine et les spasmes qui agitent les muscles <strong>de</strong> son visage (lui) font peur.<br />

Il recule, ses jambes le portent mais il vacille sous le coup du trop plein <strong>de</strong> violence<br />

qu’il vient <strong>de</strong> laisser s’exprimer. Il se retourne, commence à marcher dans la direction<br />

opposée et s’éloigne chancelant <strong>de</strong> la scène du crime ainsi que <strong>de</strong> « ses » hommes.<br />

Mohedine veut aller rejoindre le corps inanimé <strong>de</strong> Gia mais les autres l’en empêchent<br />

en le retenant.<br />

LA MUSIQUE OCCUPE TOUTE LA BANDE SON.<br />

Lu sur les lèvres <strong>de</strong> Mohedine (il hurle), le visage marqué par une douleur infinie :<br />

« Giii-aaa… »<br />

Après la série <strong>de</strong> coups tout juste encaissée par Gia en pleine tête, voilà que celle-ci<br />

se tourne poussivement vers là d’où viennent les « cris ». Les yeux ont du mal à<br />

rester ouverts mais dans le rouge (<strong>de</strong> son) sang qui a repeint son visage, naît ce qui<br />

ressemble à une tentative <strong>de</strong> sourire. Où l’on voit qu’il a <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts <strong>de</strong> cassées.<br />

Là-bas, à quelques mètres, Mohedine et la « main d’œuvre » <strong>de</strong> Sofrane, n’en<br />

reviennent pas. Rassuré par le signe <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> Gia, Mohedine ne hurle plus. Mais<br />

son silence reflète le choc visuel imprimé par la découverte du visage ensanglanté<br />

<strong>de</strong> son héros.<br />

Si la bouche <strong>de</strong> Gia continue <strong>de</strong> jouer la comédie du sourire, son regard en revanche<br />

ne ment pas et l’on peut y lire toute l’étendue <strong>de</strong> sa douleur.<br />

Les yeux <strong>de</strong> Mohedine commencent à se remplir <strong>de</strong> larmes et c’est avec l’énergie du<br />

désespoir qu’il remet <strong>de</strong> la voix en effectuant mouvements <strong>de</strong>s épaules et <strong>de</strong>s bras,<br />

les poings serrés.<br />

Gia cesse <strong>de</strong> sourire pour que l’on s’intéresse à la lueur renaissant dans ses yeux.<br />

Pour marquer le coup, sa tête décolle péniblement du sol.<br />

AU RALENTI, les petits poings <strong>de</strong> Mohedine enchaînent les séries dans le vi<strong>de</strong>.<br />

Ordonné, toute la panoplie <strong>de</strong>s coups <strong>de</strong> la boxe y passe. Du noble art !<br />

AU RALENTI, fasciné par le ballet <strong>de</strong> ces petits poings, Gia puise dans ses<br />

ressources pour entamer un redressement sur ses <strong>de</strong>ux pieds. Derrière lui, encore à<br />

portée, Sofrane continue néanmoins <strong>de</strong> s’éloigner.<br />

Les yeux pleins d’admiration <strong>de</strong> Mohedine accompagnent Gia vers le haut. Les<br />

autres qui l’entourent, expriment la même chose dans leurs yeux emplis<br />

d’étonnement.<br />

Gia est <strong>de</strong>bout sur ses <strong>de</strong>ux jambes, chancelant, manquant <strong>de</strong> retomber mais<br />

retrouvant stabilité d’un frein in extremis du pied sur le béton.<br />

Un sourire, douloureux encore, en direction <strong>de</strong> Mohedine puis Gia se transcen<strong>de</strong>. La<br />

colère se réinjecte dans ses yeux, les muscles faciaux sont tendus à trembler,<br />

le corps bandé comme un arc, ses mains se ferment pour re<strong>de</strong>venir ses poings<br />

quand il entame <strong>de</strong> se retourner vers Sofrane.<br />

141


Mohedine l’encourage <strong>de</strong> LA VOIX (COUVERTE PAR LA MUSIQUE). Libre <strong>de</strong> toute<br />

emprise, ses enchaînements <strong>de</strong> coups dans le vi<strong>de</strong> prennent <strong>de</strong> l’ampleur : crochets,<br />

directs, uppercuts, droites, gauches.<br />

Gia, toujours peu assuré sur ses jambes même s’il y a du mieux, se signale à<br />

Sofrane à en voir ses lèvres bouger. Dans son dos, on aperçoit Mohedine, toujours<br />

en mouvement parmi les grands.<br />

Sofrane, le dos rond massif, arrête net sa marche et (lentement) sa tête se tourne.<br />

Le « bond » que font ses sourcils trahit le choc visuel.<br />

Sofrane termine <strong>de</strong> se retourner complètement pour faire face à un revenant.<br />

Gia fait un pas, <strong>de</strong>ux, il tient à peine sur ses jambes, encore groggy.<br />

D’un geste <strong>de</strong> la main dépourvu d’énergie, il invite son adversaire à le rejoindre – un<br />

faible sourire, au mieux un rictus.<br />

Sofrane marque un temps. Sa moue indique une certaine incrédulité quand il remue<br />

la tête, affiche son petit sourire crâne dans l’en-avant, vers Gia.<br />

La distance qui sépare les <strong>de</strong>ux hommes fond en quelques enjambées guerrières<br />

sous les regards <strong>de</strong>s quelques spectateurs, Mohedine se démenant toujours au<br />

premier rang, tous suspendus à l’issue du contact imminent.<br />

Gia efface progressivement son sourire au profit d’un masque <strong>de</strong> concentration et<br />

d’une posture plus menaçante. Il arme à peine sa gar<strong>de</strong> que le bras <strong>de</strong> Sofrane part<br />

en direction <strong>de</strong> son visage ensanglanté. Avec une vista incroyable, il déporte son<br />

buste et évite <strong>de</strong> justesse le coup qui s’annonçait violent et fatal.<br />

Sofrane, surpris par le vi<strong>de</strong>, part sur quelques pas, entraîné en avant par le poids <strong>de</strong><br />

son corps.<br />

Gia en profite pour se replacer et tente timi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> lancer son jeu <strong>de</strong> jambes. Clin<br />

d’œil complice à l’attention <strong>de</strong> Mohedine.<br />

Mohedine y répond par un sourire <strong>de</strong> joie sincère.<br />

Sofrane à l’arrêt, sa masse stabilisée en fin <strong>de</strong> course, légèrement cassée vers<br />

l’avant, tourne brusquement la tête en direction <strong>de</strong> Gia et c’est (<strong>de</strong>)<br />

l’incompréhension qu’exprime son regard.<br />

Vite, il (lui) refait face et lance un nouvel assaut dont la cible est encore et toujours le<br />

visage <strong>de</strong> Gia et la flèche, son poing <strong>de</strong> boxeur poids lourd. Gia esquive le coup avec<br />

maestria et se permet même <strong>de</strong> rajouter une petite poussée sur le flanc dans le<br />

retrait du buste (ou son replacement).<br />

Sofrane part en déséquilibre pour quelques pas <strong>de</strong> côté.<br />

Gia semble retrouver ses sensations. Il sautille, joue <strong>de</strong> ses jambes comme sur le<br />

ring, se permet même une grimace provocatrice digne <strong>de</strong> l’égo d’un Ali ! « Oooh… je<br />

suis trop fort » semble-t-il vouloir dire.<br />

Mohedine n’en est plus à sourire mais à rire ! Les autres autour s’ils n’en sont pas<br />

rendus là, ont tout <strong>de</strong> même l’air amusé…<br />

Sofrane en bout <strong>de</strong> course se redresse. De dos, il prend du temps <strong>de</strong> récupération.<br />

Inspire (la levée/montée <strong>de</strong>s épaules le trahit !). Il se retourne et la frustration qu’il<br />

ressent est évi<strong>de</strong>nte : voir sa mine contrariée.<br />

142


Toujours dans un style brouillon, il se jette sur Gia et envoie une série <strong>de</strong> coups<br />

(crochets) désordonnés que,<br />

Gia évite tous avec un art consommé, très technique et en un sens esthétique, <strong>de</strong><br />

l’esquive.<br />

Sofrane se fait cueillir sur un contre par « l’artiste » : un direct qui lui arrive au foie.<br />

Il se « casse » (« plie ») en <strong>de</strong>ux, est vite redressé par l’uppercut enchaîné à un<br />

crochet (direct ?) en plein visage.<br />

Mohedine est déchaîné. Il vit à un <strong>de</strong>gré d’intensité supérieur le combat, boxe dans<br />

le vi<strong>de</strong> un adversaire imaginaire. Mais il n’est plus le seul ! Les autres spectateurs s’y<br />

mettent aussi, rentrent dans le jeu <strong>de</strong>s encouragements démonstratifs, les poings<br />

fermés serrés et boxe tous azimuts. Les <strong>de</strong>rniers supporters du caïd sont en<br />

panique.<br />

C’est une renaissance ! Tous les coups <strong>de</strong> Gia arrivent !<br />

Et Sofrane soûlé <strong>de</strong> coups recule mais ne rompt pas.<br />

Gia y met tout ce qu’il a encore en réserve.<br />

INSERTS FLASH-BACK<br />

sur THÈME MUSICAL EXTRAIT B.O.F « REQUIEM FOR A DREAM »<br />

succession rapi<strong>de</strong> d’images déjà vues dans le film où l’on voit Gia en compagnie <strong>de</strong><br />

son couple d’amis, Nadia et Karim, si plein <strong>de</strong> vie !<br />

EXT – IMMEUBLE GIA : EN BAS - JOUR<br />

SUITE THÈME MUSICAL EXTRAIT B.O.F « REQUIEM FOR A DREAM »<br />

Retour sur Sofrane. Les coups pleuvent, travail <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction en règle toujours<br />

orchestré <strong>de</strong> poing <strong>de</strong> maître par Gia. Les jambes reculent, il est k.o <strong>de</strong>bout quand,<br />

Gia, dans UN CRI VENU D’AILLEURS, arme loin en arrière son coup final. Son<br />

poing vengeur,<br />

prend la direction du visage « explosé » <strong>de</strong> Sofrane.<br />

Tous les autres sont suspendus à l’issue <strong>de</strong> ce combat. Même le temps semble figé.<br />

Le coup atteint son objectif : arriver directement sur la pommette déjà ouverte. Le<br />

sang gicle et Sofrane part en vol plané arrière - SILENCE BLANC - Sous lui, on<br />

découvre le vi<strong>de</strong>.<br />

Gia avance d’un pas ou <strong>de</strong>ux. Il est au bord <strong>de</strong> la corniche. Il regar<strong>de</strong> en bas.<br />

Sofrane continue <strong>de</strong> tomber dans le vi<strong>de</strong>, tétanisé <strong>de</strong> terreur.<br />

143


Gia ne quitte pas Sofrane <strong>de</strong>s yeux jusqu’au SON SOURD ET LOURD DU CORPS<br />

RENTRÉ EN CONTACT AVEC LE SOL. L’impact visuel fait à peine ciller ses<br />

paupières si gonflées qu’elles lui ferment presque les yeux.<br />

Il se détourne <strong>de</strong> la corniche et s’éloigne d’une démarche au déhanché fatigué. Il<br />

passe <strong>de</strong>vant la lignée <strong>de</strong> lascars orphelins <strong>de</strong> leur chef et sur son passage, pose la<br />

main sur l’épaule <strong>de</strong> Mohedine pour l’emmener avec lui.<br />

INT - APPART GIA : CHAMBRE GIA - JOUR<br />

« Suractif », Gia, qui a changé <strong>de</strong> vêtements (et porte un bonnet sur sa tête, bas sur<br />

les yeux), lavé le sang sur son visage, remplit nerveusement <strong>de</strong> (linge <strong>de</strong> re)changes<br />

son fameux sac <strong>de</strong> sport. Il s’empare <strong>de</strong> plusieurs boîtiers cd et k7 audio (ban<strong>de</strong>s<br />

démo) qu’il rajoute au contenu. Il quitte la chambre dans la même énergie, le même<br />

empressement.<br />

INT - APPART GIA : COULOIR - JOUR<br />

Gia toujours aussi speed dans le couloir. Il s’arrête <strong>de</strong>vant l’entrée du salon.<br />

INT - APPART GIA : SALON – JOUR<br />

Mr Gianelli est assis dans son fauteuil <strong>de</strong>vant la télé. Au programme, un jeu télévisé<br />

débile.<br />

L’œil vitreux, l’air hagard, il tient une bouteille <strong>de</strong> vin rouge au ¾ vi<strong>de</strong> dans sa main<br />

droite.<br />

En train <strong>de</strong> cuver qu’il est, il ne voit pas que son fils est dans son dos, en train <strong>de</strong><br />

l’observer <strong>de</strong>bout dans l’encadrement <strong>de</strong> l’entrée.<br />

INT - APPART GIA : COULOIR – JOUR<br />

Gia baisse les yeux, la tête et part dans le couloir.<br />

144


INT - APPART GIA : VESTIBULE - JOUR<br />

Gia sort <strong>de</strong> sa poche revolver une lettre qu’il dépose sur le meuble dans l’entrée. Il<br />

se rapproche <strong>de</strong> la porte, la main sur la poignée, regar<strong>de</strong> l’endroit comme pour s’en<br />

imprégner une <strong>de</strong>rnière fois.<br />

Il ouvre, sort. On reste sur la porte qui se referme…<br />

INT - APPART MISTER O : VESTIBULE / HALL D’ENTRÉE - JOUR<br />

…s’ouvre sur Gia, qui n’attend pas pour rentrer. Mister O a à peine le temps <strong>de</strong><br />

marquer son étonnement à la vue du visage cabossé que Gia le « passe » en sur<br />

régime et fonce dans le couloir.<br />

INT - APPART MISTER O : SALON - JOUR<br />

Derek, Alistair, Zyno sont assis dans <strong>de</strong>s fauteuils. Zyno stoppe net la discussion<br />

quand il voit Gia pour l’instant hors champ. Il bondit sur ses jambes.<br />

ZYNO<br />

Mer<strong>de</strong>, Gia !<br />

(Derek et Alistair se retournent)<br />

Qu’est-ce qu’i t’es arrivé ?<br />

(N.A : ne pas oublier qu’ils découvrent aussi le crâne rasé <strong>de</strong> Gia)<br />

Les <strong>de</strong>ux autres se lèvent à leur tour d’un bond et avec Zyno viennent sur Gia.<br />

DEREK<br />

Wouah !<br />

ALISTAIR<br />

Oh la la mon pote, c’est quoi ça !<br />

ZYNO<br />

Qui t’as fait ça ?<br />

145


Gia passe entre eux pour rejoindre le centre <strong>de</strong> la pièce. Il est en effervescence.<br />

GIA<br />

J’ai pas l’temps d’vous expliquer. Sofrane est<br />

mort.<br />

Mister O reçoit la fin <strong>de</strong> sa phrase en même temps qu’il rejoint le groupe. Il relève les<br />

yeux pour les fixer sur Gia.<br />

DEREK<br />

T’es sérieux ?<br />

Gia sort une lettre pliée <strong>de</strong> la poche <strong>de</strong> son mutek.<br />

GIA<br />

Nadia avait laissé ça<br />

(il la tend encore pliée à Zyno)<br />

dans ma boîte aux lettres avant…<br />

(sa gorge se noue)<br />

Zyno fait une drôle <strong>de</strong> tête en acceptant la feuille <strong>de</strong> papier, qu’il déplie prestement. Il<br />

lit avec Derek et Alistair collés à lui. Mister O, tendu, observe Gia du coin <strong>de</strong> l’œil.<br />

Gia tourne les yeux vers Mister O.<br />

O prend soin <strong>de</strong> détourner les siens. Zyno relève la tête alors que Derek et Alistair<br />

continuent <strong>de</strong> lire.<br />

ZYNO<br />

(d’une voix fébrile)<br />

Elle est…<br />

Derek et Alistair lèvent les yeux en même temps pour les suspendre aux lèvres et à<br />

la réponse <strong>de</strong> Gia.<br />

Gia fixe Zyno, soutient son regard sans rien prononcer. Et pourtant…<br />

Les larmes envahissent les yeux <strong>de</strong> Zyno, la lettre tremble entre ses mains. Derek<br />

s’écarte, recule, les <strong>de</strong>ux mains sur la tête, se retourne et part finalement dans un<br />

coin <strong>de</strong> la pièce. Alistair est encore en questionnement. Il se tourne vers Mister O,<br />

qui réagit pareil à un signal.<br />

146


Gia regar<strong>de</strong> Derek.<br />

MISTER O<br />

(s’adressant à Gia avec un début<br />

<strong>de</strong> panique qui sonne faux dans<br />

la voix)<br />

Attends, non. Où est Nadia ? Pourquoi elle<br />

n’est pas là avec nous ce soir ?<br />

ALISTAIR<br />

(sans conviction)<br />

Elle va arriver… ?<br />

Isolé dans un coin <strong>de</strong> la pièce, Derek, <strong>de</strong> dos, gar<strong>de</strong> les mains sur sa tête, silencieux.<br />

Gia détourne son attention. Dans sa rotation, son regard porte un court instant sur…<br />

Zyno toujours submergé par l’émotion, pleurant à chau<strong>de</strong>s larmes. Il tend la lettre à<br />

Gia.<br />

GIA<br />

(à Alistair sur un ton direct)<br />

Non…<br />

Mister O l’arrache <strong>de</strong> la main faible <strong>de</strong> Zyno. Il se plonge dans une lecture soucieuse.<br />

Actant avec talent, il se décompose au bout <strong>de</strong> quelques lignes, pendant qu’Alistair<br />

recule et sonné, s’effondre dans le fauteuil le plus proche pour y rester immobile les<br />

yeux dans le vi<strong>de</strong>.<br />

Mister O redresse la tête, fait monter l’émotion : ses yeux s’embuent <strong>de</strong> larmes et<br />

D’UNE VOIX APHONE, SES LÈVRES BALBUTIENT.<br />

MISTER O<br />

Non… non…<br />

C’en est trop pour Gia qui prend Mister O dans ses bras et attire Zyno à eux.<br />

Zyno, sans repère, un enfant perdu, se laisse entraîner.<br />

Gia serre leurs <strong>de</strong>ux têtes sur son poitrail avec toute la force <strong>de</strong> leur peine associée :<br />

SANGLOTS ÉTOUFFÉS, sincères chez Zyno, simulés à la Mister O.<br />

Alistair dans son fauteuil, est toujours figé corps/regard. Dans le coin <strong>de</strong> la pièce,<br />

Derek (<strong>de</strong> dos) s’est rapproché du sol : il est maintenant accroupi, en face à face<br />

avec le mur.<br />

147


FONDU AU NOIR<br />

BREF ÉCRAN NOIR<br />

FONDU D’OUVERTURE RAPIDE<br />

INT - APPART MISTER O : SALON - SOIR<br />

GIA<br />

(assis en avant dans un <strong>de</strong>s<br />

fauteuils)<br />

J’aimerais que vous vous occupiez d’mon<br />

père en mon absence.<br />

FERMETURE CUT ou FONDU AU NOIR TRÈS RAPIDE<br />

OUVERTURE INSTANTANÉE sur Derek, assis en avant d’un <strong>de</strong>s fauteuils, l’air<br />

maussa<strong>de</strong>.<br />

FERMETURE RAPIDE<br />

COURT ÉCRAN NOIR<br />

GIA<br />

(off)<br />

De Moulé. Je serai pas là pour veiller sur lui.<br />

OUVERTURE RAPIDE sur Alistair, assis en avant dans un autre fauteuil, visage <strong>de</strong><br />

circonstance.<br />

FERMETURE RAPIDE<br />

COURT ÉCRAN NOIR<br />

GIA<br />

(off)<br />

Pour l’enterrement, voilà…<br />

(Alistair baisse les yeux).<br />

C’est tout ce que j’ai pu sortir.<br />

OUVERTURE RAPIDE sur Zyno (même posture, même attitu<strong>de</strong> que les 2 autres)<br />

148


FERMETURE RAPIDE<br />

COURT ÉCRAN NOIR<br />

GIA<br />

(off)<br />

Il faut que j’gar<strong>de</strong> un peu d’argent pour le<br />

voyage et une fois sur place.<br />

OUVERTURE RAPIDE sur Mister O – <strong>de</strong>bout en appui contre un meuble. La tête<br />

baissée, occupé à « rouler ».<br />

Gia toujours assis, massif.<br />

GIA<br />

(off)<br />

Désolé <strong>de</strong> n’pas pouvoir faire plus. Mais si je<br />

reste je suis mort.<br />

GIA<br />

Mh<br />

(détournant la tête sur le côté)<br />

je suis déjà mort.<br />

(regard dans le vi<strong>de</strong>)<br />

MISTER O<br />

(off)<br />

Gia le fataliste.<br />

Le TON étonnement CYNIQUE employé par O, « ramène » Gia dans la pièce, ainsi<br />

que les trois blacks, visages surpris, retournés vers le plus longiligne d’entre eux.<br />

Dans une succession <strong>de</strong> gestes précis, Mister O humecte le clope sur sa longueur, le<br />

fait tourner entre ses doigts, le porte à son « bec » et L’ALLUME AU BRIQUET.<br />

Limite arrogant sur la première bouffée.<br />

INT - APPART MISTER O : VESTIBULE – SOIR<br />

À touche-touche dans l’étroitesse du vestibule, Gia prend congé <strong>de</strong> ses amis : Derek,<br />

Alistair, Zyno, Mister O<br />

149


Il enquille trois accola<strong>de</strong>s viriles en guise d’adieu et se tourne vers la porte où Mister<br />

O est posté <strong>de</strong> profil. Ils restent les yeux dans les yeux jusqu’à ce que…<br />

Gia provoque la même accola<strong>de</strong>. Plus longue que les précé<strong>de</strong>ntes, il y met un terme<br />

et reprend son sac posé à ses pieds. La main posée sur le loquet d’ouverture <strong>de</strong> la<br />

porte, il s’adresse d’une voix calme à Mister O.<br />

GIA<br />

Je te contacte (dès que j’) arrive(é) là-bas.<br />

Tu donneras <strong>de</strong> mes nouvelles aux autres.<br />

MISTER O<br />

T’es sûr <strong>de</strong> c’que tu fais ? Y-a pas moyen<br />

que tu r’viennes sur ta décision ?<br />

Le silence et le doux déni <strong>de</strong> la tête <strong>de</strong> Gia en guise <strong>de</strong> réponse. Un <strong>de</strong>rnier regard d’au<br />

revoir à ses trois niggas. Il ouvre la porte – dans le passage, Mister O ne fait pas le geste<br />

pour le retenir - et sort.<br />

MISTER O<br />

(J’t’en prie) Réfléchis.<br />

La porte se referme, tirée <strong>de</strong> l’extérieur.<br />

FONDU AU NOIR<br />

SILENCE BLANC SUR L’ÉCRAN NOIR<br />

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE<br />

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