Les Secrets de Wiste.. - Index of

— Les enfants prennent les habitudes de ceux avec qui ils vivent. Même à l’adolescence, ta mère était
douce et bonne avec tout le monde. Elle ne faisait jamais de remarque désobligeante à qui que ce soit.
— Elle n’a pas changé, dis-je en reposant la boîte de céréales sur la table.
— De qui tiens-tu cette langue bien pendue alors ?
Je me lève en soupirant.
— Je ne sais pas. De qui votre fille tient-elle sa douceur ?
Peu après, je décide d’aller courir seule sur Scarborough Road dans la direction opposée à Wisteria,
vers les champs de maïs. J’ai déjà compris qu’il serait inutile d’espérer une invitation au match de
football. À mon retour, je prends une longue douche, j’avale rapidement mon déjeuner et je propose à
grand-mère de m’accompagner faire des courses en ville. Elle m’informe qu’elle ne se mêle à la
« populace » que lorsque c’est absolument nécessaire.
— Je vais demander à Matt de te déposer, déclare-t-elle en revanche.
— Merci, mais j’irai par mes propres moyens.
D’après mes calculs, il n’y a que vingt minutes de marche entre le manoir et les magasins sur High
Street, et je suis bien trop fière pour accepter de me laisser conduire par quelqu’un qui le ferait
uniquement par obéissance à grand-mère.
En début d’après-midi, je traverse donc à pied le pont qui enjambe la crique du Whist. Lorsque
j’arrive à l’intersection avec High Street, je découvre un panneau qui annonce : Samedi portes ouvertes.
Environ quatre pâtés de maisons avant le port, la zone commerçante de la ville s’est transformée en un
immense étalage. Des livres de poche sont empilés dans des brouettes au pied du perron de la librairie
Urspruch. Des mobiles et des carillons se balancent aux branches du sycomore planté devant la galerie
Faye. L’antiquaire Teague a fait de son pas de porte en brique rouge un salon de style victorien agrémenté
de chaises et d’un canapé. Des groupes de promeneurs sortent des magasins, y entrent, d’autres flânent
dans la rue. Les voitures passent lentement, visiblement habituées à cette ambiance de week-end
particulière.
Quand j’arrive à la Gloire d’antan, Ginny trouve à peine le temps de me dire bonjour. Sa vendeuse,
malade, est rentrée se coucher et elle se trouve seule pour tenir la caisse et s’occuper des clients.
— Vous voulez que je vous aide ? lui proposé-je. Je travaille souvent pour la clinique vétérinaire de
mon père. Je sais rendre la monnaie et m’occuper des règlements par carte bancaire.
— Oh, ma chérie, tu es en vacances.
— Ça me ferait plaisir, lui dis-je. Matt ne veut rien avoir à faire avec moi. Grand-mère ne veut rien
avoir à faire avec qui que ce soit. J’ai besoin de m’occuper.
Ginny fait rouler son collier en perles d’ambre entre ses doigts.
— Eh bien… je dois reconnaître qu’un petit coup de main ne serait pas de trop, finit-elle par déclarer
en regardant furtivement un client. J’accepte !
Arborant un tablier brodé au nom de la boutique, et armée de formulaires de crédit ainsi que d’une
petite caisse avec monnayeur, je prends place à une table installée sur le trottoir. Et le travail commence.
Je détache les étiquettes de prix ; je mets les marchandises dans des boîtes, les boîtes dans des sacs ; je
déchiffre les nombres inscrits sur les permis de conduire pour les reporter sur les chèques. Certains