Scenario dialogué - Carasco, Raymonde - Free

40 - INTERIEUR. NUIT. ENTREE DE L'IMMEUBLE.
La jeune femme sent une présence, la découvre à l'ombre
qui s'inscrit brusquement dans le rectangle que la porte découpe
sur le sol, parmi le jeu des feuillages. La sihouette de l'homme
est dans l'embrasure.
D'un geste vif, elle éclaire le hall.
L'homme est jeune, vêtu d'un pantalon et d'un blouson de
toile genre "jeans", très propre, presque neuf. Les cheveux
courts, un sourire anodin aux lèvres. Assez grand. Plutôt maigre,
étroit d'épaules. Il pourrait être n'importe quel locataire.
Il la salue. Toujours la même expression rassurante.
Elle a monté quelques marches, veillant à laisser un
intervalle suffisant entre eux. Elle a paré au plus pressé:
éviter la possibilité d'une bifurcation vers l'escalier qui
descend à la cave. Personne au rez-de-chaussé, occupé par un
magasin.
Il prononce quelques mots, d'une voix si basse qu'elle
s'étonne de l'entendre.
L'HOMME - ... vous demander...
Elle fait signe de la tête: Non.
L'HOMME - ... besoin que vous me prouviez ...
Elle voit son trouble. La voix tremblante, hachée. Le
corps, lui, est tendu à l'extrême. Quelque chose qui est comme de
la peur, mais beaucoup plus encore, innommable.
Elle sait sa seule force: ce savoir qu'elle a de la peur
de l'homme.
Il saisit son poignet. Sa force est inouïe.
Elle calcule très vite. Leur position dans l'escalier. Le
trousseau de clefs qu'elle tenait déjà de l'autre main, dont elle
pourrait faire usage. Le deséquilibre de ses chaussures à talons
fins. Son appartement, à droite, qu'elle doit se garder d'ouvrir.
A son tour, elle a bondi. Elle s'est arrachée à la
violence de l'homme. Elle est en haut de l'escalier. Elle écrase
la sonnette des voisins de palier, à gauche.
On entend la porte d'entrée claquer violemment.
Il a pris la fuite.