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La promesse – Qu'est-ce que promettre Cours 2 ... - Bruno Ambroise

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<strong>La</strong> <strong>promesse</strong> <strong>–</strong> <strong>Qu'est</strong>-<strong>ce</strong> <strong>que</strong> <strong>promettre</strong><br />

<strong>Cours</strong> 2 : Exploration du premier thème : <strong>promesse</strong>, engagement personnel ou<br />

exemples)<br />

social ?<br />

- T.D. -<br />

Présentation du texte de Hume + discussion des thèses. (formulation +<br />

+ Travail sur texte de Kant : dégager arguments pour déterminer <strong>ce</strong> qu'il<br />

donne à penser.<br />

Travail sur un texte (30 min.) :<br />

• Lire (et relire <strong>–</strong> avec l'aide d'un crayon à papier) le texte et essayer<br />

d’en comprendre l’idée générale (le thème) c’est-à-dire <strong>ce</strong> dont il<br />

parle (par exemple de l’art et de la techni<strong>que</strong>, de l’action, de la<br />

connaissan<strong>ce</strong>, etc.) ainsi <strong>que</strong> <strong>ce</strong> qui y est démontré (la thèse) et le<br />

problème au<strong>que</strong>l répond <strong>ce</strong> texte (la problémati<strong>que</strong>). Parfois, il est<br />

plus facile de découper d’abord le texte pour bien comprendre où<br />

veut en venir l’auteur.<br />

• Découper le texte en parties : cha<strong>que</strong> partie correspondant à une<br />

nouvelle idée, un nouvel argument avancé par l’auteur, qu'il faut<br />

isoler et spécifer.<br />

• Essayer de donner un titre à chacune de <strong>ce</strong>s parties (d’en dégager le<br />

thème) et de résumer l’idée où l’argument qui y est avancé (la thèse)<br />

de manière la plus précise possible.<br />

1


- C.M. -<br />

1 <strong>–</strong> L'engagement promissif est-il personnel ou social ?<br />

Ou : puis-je faire une <strong>promesse</strong> tout seul ? (la for<strong>ce</strong> de l'engagement)<br />

L'idée est ici d'évo<strong>que</strong>r l'éventuel rôle de la société dans l'effectuation de la<br />

<strong>promesse</strong> et de se demander si la logi<strong>que</strong> de la <strong>promesse</strong> la présuppose (Rappel :<br />

étudier la « logi<strong>que</strong> » de <strong>que</strong>l<strong>que</strong> chose, c'est essayer d'établir ses conditions<br />

né<strong>ce</strong>ssaires et suffsantes <strong>–</strong> et non pas contingentes ou histori<strong>que</strong>s. C'est donc<br />

essayer de trouver la façon dont <strong>ce</strong>la fonctionne né<strong>ce</strong>ssairement dans tous les cas,<br />

malgré les éventuels dysfonctionnement ou les choses adventi<strong>ce</strong>s qui peuvent y<br />

être associées dans une occurren<strong>ce</strong> particulière. Par exemple, la logi<strong>que</strong> de<br />

l'enseignement veut <strong>que</strong> je parle en disant des choses intéressantes et <strong>que</strong> vous<br />

écoutiez de manière intéressée en apprenant des choses <strong>–</strong> il n'est pas né<strong>ce</strong>ssaire <strong>que</strong><br />

je porte un pull rose).<br />

<strong>La</strong> <strong>que</strong>stion est donc : peut-on (logi<strong>que</strong>ment) faire une <strong>promesse</strong> tout seul.<br />

Hume est célèbre pour avoir contesté <strong>ce</strong> point et avoir initié la <strong>que</strong>stion de savoir <strong>ce</strong><br />

qui engage vraiment dans la <strong>promesse</strong> (ou le fait de la faire).<br />

1.1. Hume et l'impossibilité de s'engager soi-même.<br />

Le problème de Hume est de comprendre l'engagement qui naît de la<br />

<strong>promesse</strong> <strong>–</strong> l'engagement, précisément, de tenir sa <strong>promesse</strong>. L'idée est de savoir<br />

d'où vient l'engagement (nouveau, qui ne pré-existe pas à la <strong>promesse</strong>) pris par le<br />

fait dire une <strong>promesse</strong> <strong>–</strong> sachant <strong>que</strong> <strong>ce</strong>la ne semble pas pouvoir venir des mots<br />

eux-mêmes (on s'éloigne donc déjà d'une pensée théologico-religieuse qui, dans la<br />

scolasti<strong>que</strong> médiévale, pouvait faire résider l'effcacité de <strong>ce</strong> type de parole <strong>–</strong> et<br />

donc l'obligation prise <strong>–</strong> dans la garantie divine : ainsi, la <strong>promesse</strong> pouvait être<br />

engageante, par<strong>ce</strong> <strong>que</strong> Dieu m'obligeait à la tenir. Ce n'est plus le cas dans le cadre<br />

de la pensée moderne. Depuis Descartes, il n'est plus aussi facile de faire appel à<br />

Dieu pour expli<strong>que</strong>r des phénomènes inexpliqués). Chez Hume, on va donc avoir<br />

une socio-genèse et dvt histori<strong>que</strong> de la <strong>promesse</strong> et de l'obligation qui lui est liée<br />

(tient au fait qu'il est empiriste). Mais dvt qui a sa logi<strong>que</strong> propre, qui est rendu<br />

né<strong>ce</strong>ssaire en fonction des principes gouvernant le comportement des hommes (de<br />

leur nature). Parmi <strong>ce</strong>s principes, un qui est essentiel dans le dvt historico-logi<strong>que</strong><br />

2


de la <strong>promesse</strong>, on va le voir, est, paradoxalement, l'égoïsme des hommes. <strong>La</strong><br />

morale ne vient qu'après, pour conforter, d'une <strong>ce</strong>rtaine façon, l'accomplissement<br />

de la <strong>promesse</strong> dans la société. On va essayer de comprendre la structure de <strong>ce</strong>tte<br />

argumentation (en la reconstruisant), sachant <strong>que</strong> le problème de Hume est de<br />

savoir comment on peut créer une obligation dans un monde naturel.<br />

1/ Un premier élément de la réfexion de Hume qui va à l'encontre du<br />

caractère naturel de l'obligation de <strong>promesse</strong> porte sur la <strong>que</strong>stion de savoir si c'est<br />

une faculté humaine qui permet à l'homme de s'engager à respecter sa <strong>promesse</strong><br />

(explication qui serait alors anthropologi<strong>que</strong>) : l'homme peut-il en <strong>que</strong>l<strong>que</strong> sorte, en<br />

faisant une <strong>promesse</strong>, s'obliger lui-même (à tenir la <strong>promesse</strong> qu'il a faite) ?<br />

Autrement dit, en faisant une <strong>promesse</strong>, l'homme dit-il qu'il s'oblige à la tenir ?<br />

Hume élabore alors une argumentation qui fait appel à une <strong>ce</strong>rtaine psychologie<br />

des facultés ; et si sa psychologie est datée et obsolète, la valeur logi<strong>que</strong> de<br />

l'argument reste néanmoins valable.<br />

On pourrait ainsi supposer <strong>que</strong> l'engagement dérive des facultés de l'homme<br />

mises en oeuvre en faisant une <strong>promesse</strong>. Hume en distingue trois : la résolution, le<br />

désir, et la volonté. Première chose à noter, la résolution n'oblige à rien en elle-<br />

même : je peux bien être résolu à faire telle ou telle chose, <strong>ce</strong> n'est pas pour autant<br />

<strong>que</strong> je suis obligé de le faire (tout simplement par<strong>ce</strong> <strong>que</strong> je ne peux pas m'obliger<br />

moi-même <strong>–</strong> ou plutôt, je suis toujours libre de me défaire de mon engagement en<br />

changeant de résolution. <strong>La</strong> contrainte ne peut pas naître de <strong>que</strong>l<strong>que</strong> chose <strong>que</strong> je<br />

maîtrise). Deuxième chose, l'obligation ne naît pas du désir, car à supposer qu'on ne<br />

désire pas faire <strong>ce</strong> <strong>que</strong> l'on a promis, l'obligation ne disparaît pas pour autant. Je<br />

peux ainsi <strong>promettre</strong> de laver la vaisselle en ne désirant absolument pas le faire,<br />

mais simplement pour ne plus subir les foudres de ma compagne. L'obligation va<br />

donc même à l'encontre du désir. Hume écarte également la volonté car <strong>ce</strong>lle-ci ne<br />

porte <strong>que</strong> sur l'actuel (ou le présent) et non pas sur le futur : je ne peux pas vouloir<br />

le futur (forme de stoïcisme). Il en tire la conclusion <strong>que</strong> la seule solution qui reste<br />

est de supposer un acte qui correspondrait à vouloir l'obligation de la <strong>promesse</strong>.<br />

L'obligation serait donc extérieure au vouloir, mais le vouloir s'accorderait à <strong>ce</strong>tte<br />

obligation, il y agréerait. Il serait d'accord pour s'obliger, en autorisant en <strong>que</strong>l<strong>que</strong><br />

sorte la <strong>promesse</strong> à l'obliger. Mais il va juger <strong>ce</strong>la absurde.<br />

En effet, pour Hume, la moralité dépend des désirs, en <strong>ce</strong> sens <strong>que</strong> je ne veux<br />

3


<strong>que</strong> <strong>ce</strong> qui est bon pour moi. Une qualité est jugée bonne quand elle nous plaît et<br />

mauvaise quand elle nous déplaît. Dans <strong>ce</strong> cadre, nous disons <strong>que</strong> nous sommes<br />

obligés de faire <strong>que</strong>l<strong>que</strong> chose lors<strong>que</strong> <strong>ce</strong>lle-ci exer<strong>ce</strong> un attrait sur nous (nous ne<br />

voulons pas ne pas la mettre en prati<strong>que</strong>). Par consé<strong>que</strong>nt, l'obligation ne change<br />

<strong>que</strong> si le sentiment (vis-à-vis de la chose à faire) change. Par exemple, je m'obligeais<br />

à bien m'habiller pour faire cours par<strong>ce</strong> <strong>que</strong> j'avais l'impression <strong>que</strong> c'était <strong>ce</strong> qu'il<br />

fallait faire, en <strong>ce</strong> sens <strong>que</strong> j'y trouvais une qualité. Si je n'y trouve plus <strong>ce</strong>tte qualité,<br />

si mes sentiments changent à <strong>ce</strong>t égard, alors je ne me sentirais plus obliger de<br />

m'habiller correctement.<br />

Toute la for<strong>ce</strong> de l'argumentation de Hume à <strong>ce</strong> niveau repose sur le fait <strong>que</strong><br />

la volonté n'a pas d'effet sur <strong>ce</strong> <strong>que</strong> nous trouvons ou non bon (un peu comme chez<br />

Descartes). Ce n'est pas nous qui décidons de l'effet <strong>que</strong> produit sur nous une<br />

action ou une qualité donnée. Par consé<strong>que</strong>nt, <strong>ce</strong>la n'a pas de sens de supposer <strong>que</strong>,<br />

dans la <strong>promesse</strong>, nous voudrions une obligation nouvelle : nous ne choisissons pas<br />

les obligations, puisqu'elles s'imposent à nous selon <strong>ce</strong> <strong>que</strong> nos sentiments trouvent<br />

plaisant ou déplaisant. Hume en tire la conclusion <strong>que</strong> la <strong>promesse</strong> ne dérive pas<br />

d'un acte de l'esprit (plus indépendan<strong>ce</strong> de la volonté et du sentiment/désir : la<br />

volonté ne crée pas de désirs nouveaux, ni donc d'obligation <strong>–</strong> à supposer même<br />

qu'elle le veuille) <strong>–</strong> et qu'elle ne dérive donc pas naturellement de l'esprit humain.<br />

2/ Un deuxième ensemble de réfexions à l'encontre de l'idée <strong>que</strong> la <strong>promesse</strong><br />

crée des obligations de manière naturelle est fondé sur un examen des obligations<br />

dites naturelles <strong>–</strong> qui se distinguent des obligations morales, en <strong>ce</strong> <strong>que</strong> nous leur<br />

obéissons compulsivement (ou naturellement, par instinct). Autant nous ne<br />

respecterions pas une obligation morale si elle n'était pas morale, autant nous<br />

respections les obligations naturelles sans qu'on nous oblige à le faire. L'idée est <strong>que</strong><br />

nous aurions tendan<strong>ce</strong> à faire à autrui <strong>ce</strong> <strong>que</strong> nous ne voulons pas qu'on nous fasse<br />

si aucune valeur morale ne nous empêchait de le faire (une sorte de devoir dont<br />

nous ressentons le caractère obligatoire) ; alors <strong>que</strong> nous ne <strong>ce</strong>sserions pas de venir<br />

en aide à nos enfants si rien ne nous y obligeait (de telle sorte <strong>que</strong> l'obligation de le<br />

faire n'est pas ressentie comme une contrainte venant de l'extérieur de mon être).<br />

[Bon, <strong>ce</strong>tte distinction entre obligation naturelle et non-naturelle est très<br />

contestable, mais repose sur l'anthropologie du 18 ème siècle, qui considérait qu'il y<br />

avait une nature humaine universelle et des sentiments universels, des sortes<br />

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d'instinct <strong>–</strong> voir Rousseau]<br />

Or, remar<strong>que</strong> Hume, précisément rien n'oblige, sinon la morale (une instan<strong>ce</strong><br />

différente de ma nature), à tenir une <strong>promesse</strong> obligeait, nous ne tiendrions pas nos<br />

<strong>promesse</strong>s. Autrement dit, si rien ne nous y. <strong>La</strong> for<strong>ce</strong> d'obligation de la <strong>promesse</strong><br />

serait donc extérieure à la nature de l'homme elle-même.<br />

3/ un troisième élément du raisonnement de Hume (plus implicite et qu'on<br />

tire des remar<strong>que</strong>s fnales) est <strong>que</strong>, pour lui, la <strong>promesse</strong> n'est pas « naturellement<br />

intelligible » en tant qu'énoncé composé de mots. Cela contrairement aux mots qui<br />

désignent des objets et des évènements perçus (<strong>–</strong> même si <strong>ce</strong>la passe, chez Hume<br />

l'empiriste, par l'intermédiaire des sensations et <strong>que</strong> <strong>ce</strong> <strong>que</strong> nous per<strong>ce</strong>vons<br />

directement <strong>ce</strong> sont des images des choses) <strong>–</strong> en gros, les objets qu'on rencontre<br />

dans la nature et qui peuvent servir de référents aux mots (<strong>ce</strong> dont ils parlent ;<br />

exemple : un lion (réel) est le référent du mot/nom « lion » ; facile de penser la<br />

référen<strong>ce</strong> du langage en termes de dénomination, mais plus compliqué de le penser<br />

pour les verbes, adjectifs, etc.). En tout cas, d'une <strong>ce</strong>rtaine façon, il est évident de<br />

donner un sens à <strong>ce</strong>s mots : il sufft d'observer la nature pour savoir de quoi ils<br />

parlent. C'est plus compliqué pour la <strong>promesse</strong> : elle ne correspond visiblement à<br />

rien qui se trouve dans la nature (Hume anticipe ici la remar<strong>que</strong> d'Austin sur le<br />

caractère spécif<strong>que</strong>, d'un point de vue linguisti<strong>que</strong>, de la <strong>promesse</strong> <strong>–</strong> et des actes de<br />

parole en général). Elle ne fait référen<strong>ce</strong> à rien. On pourrait pourtant supposer<br />

qu'elle acquiert un sens en référant à <strong>que</strong>l<strong>que</strong> chose qui correspond à la <strong>promesse</strong> :<br />

à savoir, l'obligation qui lui correspond. Ainsi, la <strong>promesse</strong> créerait une obligation<br />

de par la signifcation des mots « <strong>promettre</strong> » qui réfèrerait à l'obligation pré-<br />

existante dans la nature (on l'y rencontrerait). Ce serait une façon d'expli<strong>que</strong>r son<br />

effcacité (qui dériverait, en <strong>que</strong>l<strong>que</strong> sorte, d'une obligation préalable, déjà là) Or il<br />

n'y a rien de tel dans la nature (il faudra comparer plus tard avec <strong>ce</strong> <strong>que</strong> dit<br />

Reinach). En effet, rien dans la nature n'oblige à quoi <strong>que</strong> <strong>ce</strong> soit. Il est donc<br />

problémati<strong>que</strong> de comprendre la <strong>promesse</strong> « naturellement ».<br />

A supposer pourtant <strong>que</strong> la <strong>promesse</strong> créée une obligation (on le suppose),<br />

on pourrait imaginer qu'elle le crée comme le fait le droit : un lien légal se<br />

trouverait alors établi entre deux personnes, par le<strong>que</strong>l l'une d'elle serait obligée de<br />

respecter <strong>ce</strong> qu'elle a dit qu'elle ferait. Mais, en l'occurren<strong>ce</strong>, un tel lien n'existe <strong>que</strong><br />

par la for<strong>ce</strong> du droit, qui peut obliger la personne « promettante » à tenir sa<br />

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<strong>promesse</strong>. S'il y a création d'un lien juridi<strong>que</strong>, alors <strong>ce</strong>la suppose l'existen<strong>ce</strong> d'un<br />

droit qui le règle <strong>–</strong> mais alors nous ne nous intéressons plus à la <strong>promesse</strong>.<br />

Faut-il alors supposer <strong>que</strong> la <strong>promesse</strong> crée une contrainte/obligation sur<br />

<strong>ce</strong>lui qui la pronon<strong>ce</strong> du fait qu'elle est prononcée, comme si elle était auto-<br />

référentielle (faisait référen<strong>ce</strong> à elle-même), c-est-à-dire comme si, en disant « Je<br />

promets », je disais implicitement « je promets <strong>–</strong> me trouve par là lié <strong>–</strong> par<strong>ce</strong> <strong>que</strong> je<br />

dis <strong>que</strong> je promets » ? Comme si donc l'effcacité résidait dans le sens des mots :<br />

c'est par<strong>ce</strong> <strong>que</strong> je dis <strong>que</strong> je promets <strong>que</strong> je m'oblige moi-même. On peut <strong>ce</strong>rtes<br />

comprendre <strong>que</strong> le langage possède un <strong>ce</strong>rtain pouvoir en raison d'une <strong>ce</strong>rtaine<br />

forme d'auto-référentialité ; en effet, si j'écris sur le tableau « j'écris sur le tableau<br />

par<strong>ce</strong> <strong>que</strong> j'écris sur le tableau », alors <strong>ce</strong>t énoncé est rendu vrai du fait de son auto-<br />

référentialité. Il est en effet écrit sur le tableau du fait <strong>que</strong> j'écris dessus. Il faudrait<br />

supposer un pro<strong>ce</strong>ssus similaire dans le cas de la <strong>promesse</strong>, comme si le fait de la<br />

dire la « réaliser ». Le problème est <strong>que</strong>, dans le cas du tableau sur le<strong>que</strong>l on écrit <strong>–</strong><br />

fait qui rend vraie la phrase qu'on écrit, qui vient en <strong>que</strong>l<strong>que</strong> sorte la « réaliser » -, il<br />

y a <strong>que</strong>l<strong>que</strong> chose à observer qui rend vraie la phrase ; tel n'est précisément pas le<br />

cas dans le cas de la <strong>promesse</strong> : promettant, je n'observe pas une obligation venant<br />

« vérifer » mon énoncé de <strong>promesse</strong>. Cela par<strong>ce</strong> <strong>que</strong> l'énonciation de la <strong>promesse</strong><br />

n'est pas un acte de contrainte comme l'écriture sur le tableau <strong>que</strong> j'écris sur le<br />

tableau est un acte d'écrire sur le tableau. Autrement dit, le sens des mots utilisé<br />

pour faire la <strong>promesse</strong> ne semble pas créer <strong>ce</strong> qu'ils disent faire <strong>–</strong> du moins ne<br />

l'observe-t-on pas comme on observe un phénomène « naturel » (ou causal).<br />

Il faut d'ailleurs remar<strong>que</strong>r <strong>que</strong> l'on peut utiliser les mots servant à <strong>promettre</strong><br />

<strong>–</strong> par exemple « Je promets de faire la vaisselle <strong>ce</strong> soir » - sans pour autant réussir à<br />

entraîne l'effet obligeant voulu. Je peux rater ma <strong>promesse</strong>, c'est-à-dire rater à créer<br />

une obligation même en ayant dit <strong>ce</strong> qu'il faut dire pour faire une <strong>promesse</strong>. C'est<br />

donc <strong>que</strong> l'obligation générée par la <strong>promesse</strong> ne l'est pas par le sens des mots.<br />

Est-<strong>ce</strong> alors à dire <strong>que</strong> la <strong>promesse</strong> aurait la for<strong>ce</strong> d'une prédiction, comme si,<br />

en promettant, je parvenais à prévoir le futur ? En effet, quand je promets de faire la<br />

vaisselle, je m'engage à faire en sorte <strong>que</strong> le futur corresponde à <strong>ce</strong> <strong>que</strong> j'ai dit qu'il<br />

sera. En <strong>ce</strong> sens, mon action évoquée <strong>–</strong> et qui aura lieu si je tiens ma <strong>promesse</strong> <strong>–</strong> est<br />

précisément <strong>ce</strong> qui rend vraie la <strong>promesse</strong>. Mais la <strong>promesse</strong> n'est précisément pas<br />

une prédiction, en <strong>ce</strong> sens <strong>que</strong> si je ne tiens pas une <strong>promesse</strong>, on ne dira pas qu'elle<br />

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était fausse, mais <strong>que</strong> je n'étais pas sincère. Le fait <strong>que</strong> la <strong>promesse</strong> soit ou non<br />

réalisée n'entraîne en effet pas un effet d'annulation de l'obligation engendrée par la<br />

<strong>promesse</strong> (pour le dire autrement : une <strong>promesse</strong> ne devient pas vraie à la manière<br />

dont une prédiction le devient). Je dois tenir ma <strong>promesse</strong>, peu importe <strong>ce</strong> qui<br />

advient dans le futur.<br />

<strong>La</strong> conclusion <strong>que</strong> Hume tire de <strong>ce</strong>t ensemble de réfexions est :<br />

l'engagement pris par la <strong>promesse</strong> n'est pas naturel (n'est pas une création d'ordre<br />

naturel) (il ne dérive pas de la nature des hommes), il est donc conventionnel (il<br />

dérive de la vie en société). [noter <strong>que</strong>, dans le contexte religieux de l'épo<strong>que</strong>, <strong>ce</strong>la<br />

peut-être surprenant : <strong>ce</strong>la signife <strong>que</strong> Dieu ne peut pas faire de <strong>promesse</strong> aux<br />

hommes s'il ne s'adresse pas à eux dans un langage humain, c'est-à-dire réglé par<br />

les conventions humaines : Dieu serait obligé de se soumettre aux conventions<br />

humaines pour leur <strong>promettre</strong> <strong>que</strong>l<strong>que</strong> chose. Et d'ailleurs, c'est <strong>ce</strong> qu'il fait au<br />

travers de la Bible, qui est précisément un texte). Pourquoi est-il conventionnel ?<br />

L'idée de Hume est <strong>que</strong> la <strong>promesse</strong>, puisqu'elle ne relève pas (du moins pas<br />

directement) de la nature humaine, est une invention. Mais une invention est<br />

toujours réalisée pour satisfaire <strong>ce</strong>rtains besoins <strong>–</strong> dès lors, elle ne s'éloigne pas tant<br />

<strong>que</strong> <strong>ce</strong>la de la nature humaine : elle en dérive. C'est par<strong>ce</strong> <strong>que</strong> la nature humaine<br />

donne aux hommes les besoins qu'ils ont <strong>que</strong> <strong>ce</strong>ux-ci ont été conduit à inventer la<br />

<strong>promesse</strong>. Il n'y avait <strong>ce</strong>rtes rien de naturel à <strong>ce</strong>tte invention (elle n'était pas<br />

causalement déterminée, ni ne s'ensuivait de la nature de l'homme), mais elle était<br />

favorisée par la nature de l'homme. <strong>La</strong> convention vient en <strong>que</strong>l<strong>que</strong> sorte s'inscrire<br />

ou s'inclure dans la nature, sans remettre <strong>ce</strong>lle-ci en cause.<br />

Comment naît ainsi la <strong>promesse</strong> ? Hume présuppose <strong>que</strong> la <strong>promesse</strong> est,<br />

<strong>que</strong>l<strong>que</strong> part, une obligation à faire <strong>que</strong>l<strong>que</strong> chose de favorable à autrui : je ne<br />

m'engage en effet vis-à-vis de <strong>que</strong>lqu'un à faire <strong>que</strong>l<strong>que</strong> chose <strong>que</strong> si <strong>ce</strong>tte chose lui<br />

est favorable <strong>–</strong> sinon, en tout cas, il n'a pas intérêt à <strong>ce</strong> <strong>que</strong> je lui promette une telle<br />

chose. [Noter qu'on pose là <strong>–</strong> implicitement - une restriction à la <strong>promesse</strong> : je ne<br />

pourrais pas <strong>promettre</strong> <strong>que</strong>l<strong>que</strong> chose qui n'est pas favorable à <strong>que</strong>lqu'un. Cela est<br />

typi<strong>que</strong> de l'utilitarisme humien <strong>–</strong> et c'est une défnition implicite de la <strong>promesse</strong><br />

encore très prégnante. Mais ne peut-on pas <strong>promettre</strong> de se faire du mal, ou de te<br />

faire du mal ? Est-<strong>ce</strong> alors automati<strong>que</strong>ment une mena<strong>ce</strong> ?]<br />

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Or l'être humain est par nature relativement égoïste : sans <strong>promesse</strong>, il n'a<br />

pas tendan<strong>ce</strong> à faire, dans le futur, <strong>ce</strong> qu'il a dit qu'il fera (notamment s'il s'agit de<br />

faire du bien aux autres) [Nous sommes limités en bonté, dit Hume]. De <strong>ce</strong> fait, il<br />

n'y a pas vraiment de collaboration entre les hommes <strong>–</strong> ou <strong>ce</strong>lle-ci est très limitée.<br />

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