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Les mensonges de l'Histoire - François Favre - Mani, Christ d'Orient ...

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<strong>Les</strong> <strong>mensonges</strong> <strong>de</strong> l’Histoire<br />

Pierre Miquel<br />

© Perrin, 2002, pp. 34-37<br />

<strong>Les</strong> premiers grands <strong>mensonges</strong> dans <strong>l'Histoire</strong> d'Occi<strong>de</strong>nt ont la religion<br />

pour prétexte. <strong>Les</strong> procès qui se succè<strong>de</strong>nt illustrent la parfaite mauvaise foi<br />

<strong>de</strong>s inquisiteurs, qui, sous couleur <strong>de</strong> défendre les principes, servent <strong>de</strong>s<br />

intérêts <strong>de</strong> pouvoir. <strong>Les</strong> chevaliers qui parcourent l'Allemagne au temps <strong>de</strong>s<br />

premières croisa<strong>de</strong>s pour marcher vers les lieux saints sont <strong>de</strong>s barons pillards<br />

qui ne négligent pas <strong>de</strong> dépouiller sur leur passage les communautés juives du<br />

Rhin et <strong>de</strong> l'Allemagne du Sud. Ils ont toutes les excuses : les juifs<br />

n'empoisonnent-ils pas les puits et ne massacrent-ils pas les enfants chrétiens<br />

? Par ces <strong>mensonges</strong>, ils plai<strong>de</strong>nt leur cause <strong>de</strong>vant les évêques protecteurs <strong>de</strong>s<br />

communautés, <strong>de</strong>vant le pape lui-même. Rien ne les arrête. Ils ont la lance au<br />

poing et le mensonge en bouche. Le mon<strong>de</strong> entier ne doit-il pas périr lors du<br />

retour du <strong>Christ</strong> à Jérusalem ? A quoi bon se gêner ? Pourquoi ne pas massacrer<br />

les habitants <strong>de</strong> la ville ? Dieu ne les ressuscitera pas, car ils n'ont pas la<br />

foi du <strong>Christ</strong> qui sauve.<br />

<strong>Les</strong> procès <strong>de</strong>s cathares du Languedoc sont également conduits par <strong>de</strong>s<br />

motifs <strong>de</strong> brigandage nobiliaire et papal. Le légat n'accepte pas qu'un comte <strong>de</strong><br />

Toulouse couvre les villes révoltées qui ne consentent plus à verser les annates<br />

— une re<strong>de</strong>vance correspondant à un an <strong>de</strong> revenus qui était payée aux<br />

récipiendaires d'un bénéfice — au pape et bafouent son autorité. Aucun prince ne<br />

peut s'affranchir <strong>de</strong> la communauté chrétienne dont le pape est formellement le<br />

chef. <strong>Les</strong> cathares doivent périr. Aucun mensonge n'est trop fort pour dénoncer<br />

leurs mauvaises moeurs, leur refus du sacrement et du mariage, leurs communautés<br />

libres et dissolues même si les d parfaits » pourraient donner <strong>de</strong>s leçons <strong>de</strong><br />

morale à n'importe quel prince <strong>de</strong> l'Église. <strong>Les</strong> cathares ont passé un pacte avec<br />

le diable en refusant l'autorité du pape. Ils doivent retourner au néant.<br />

Une croisa<strong>de</strong> est prêchée contre eux, appelant au combat les seigneurs du<br />

Nord. Ils se précipitent à la chevauchée, <strong>de</strong>rrière Simon IV, comte <strong>de</strong> Montfort.<br />

Le droit et la foi sont pour eux. Ils pourront sans risque mettre en proie les<br />

terres <strong>de</strong>s seigneurs ennemis. Mensonge sinistre, qui fait du comte <strong>de</strong> Toulouse<br />

Raymond VI le successeur <strong>de</strong> celui qui avait conquis un siècle plus tôt la tour<br />

<strong>de</strong> David à Jérusalem en 1099, un apostat, un renégat, un ennemi du <strong>Christ</strong>.<br />

Mensonge payant, qui permet la colonisation par les barons du Nord <strong>de</strong>s riches<br />

terres du Midi. Qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ra pardon aujourd'hui aux cathares ? Sont-ils maudits<br />

<strong>de</strong> toute éternité ? Le légat du pape qui les a tous fait massacrer dans Béziers<br />

est-il au paradis <strong>de</strong>s justes ?<br />

L'intolérance poursuit son oeuvre dans les crises du Moyen Âge, toujours<br />

soutenue par l'autorité spirituelle du clergé qui tient la foi orthodoxe pour<br />

excuse à tout mensonge. Condamnés, les vaudois, disciples candi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Pierre<br />

Valdo, pour qui la vraie foi est dans la vertu du recueillement et non dans la<br />

constitution <strong>de</strong>s domaines et <strong>de</strong>s empires. Massacrés, les Vaudois <strong>de</strong>s Alpilles,<br />

sous le règne éblouissant <strong>de</strong> <strong>François</strong> Ie, envoyés au bûcher en 1545 par le<br />

prési<strong>de</strong>nt d'Oppè<strong>de</strong>, du parlement d'Aix. Voués aux flammes, comme suppôts du<br />

diable, les hussites <strong>de</strong> Bohême — en attendant les huguenots —, les sectes<br />

révoltées d'Europe centrale.<br />

Une guerre <strong>de</strong> Trente Ans s'engage (<strong>de</strong> 1618 à 1648), au cours <strong>de</strong> laquelle<br />

vingt millions d'Allemands et d'Européens trouvent la mort. <strong>Les</strong> seigneurs ont<br />

pris parti pour la foi nouvelle, moins par conviction que pour faire main basse<br />

sur les biens immenses du clergé. <strong>Les</strong> guerres <strong>de</strong> Religion en France sont celles


<strong>de</strong>s princes contre le pouvoir royal. Mensonge pur que la justification par la<br />

foi <strong>de</strong> ces massacres : la religion est <strong>de</strong>venue un enjeu <strong>de</strong> pouvoir.<br />

Ceux qui, par leur révolte individuelle, font la leçon aux puissants<br />

périssent dans les souffrances insensées <strong>de</strong>s supplices et <strong>de</strong>s bûchers. Mensonge<br />

que le procès et la condamnation d'Abélard. Bernard <strong>de</strong> Clairvaux veut assurer le<br />

pouvoir du pape sur les princes, et rejette en enfer toute contestation<br />

d'intellectuels. Abélard, le plus brillant, est le premier frappé, « jeté en un<br />

sac en Seine », comme l'a chanté Georges Brassens.<br />

Après lui Jeanne d'Arc, dont on conteste l'inspiration divine. Qu'elle ait<br />

permis aux Français <strong>de</strong> se redresser justifie tous les <strong>mensonges</strong> accumulés dans<br />

son procès par l'évêque Cauchon, agent <strong>de</strong> l'Angleterre. Mais aussi la mortelle<br />

indifférence du roi Charles VII, qui abandonne celle qui l'a sauvé. Pour qui se<br />

prend la Pucelle ? Il n'est d'autorité et <strong>de</strong> lumière que dans le roi, oint du<br />

seigneur, véritable représentant du ciel. Ceux qui veulent établir un rapport<br />

individuel avec Dieu doivent le faire en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l'État.<br />

Maudits, les Templiers, qui ont assuré la présence physique <strong>de</strong> la chrétienté<br />

en Orient contre les assauts <strong>de</strong>s infidèles. <strong>Les</strong> <strong>mensonges</strong> les plus grossiers<br />

servent à les discréditer, à les faire passer pour <strong>de</strong>s sodomites sans principes<br />

et sans foi. Que leur trésor tente le roi Philippe le Bel est probable. Mais<br />

dans sa bataille avec le pape, il n'a que faire d'un ordre partout installé en<br />

comman<strong>de</strong>ries et en relais, capable <strong>de</strong> menacer l'autorité souveraine. Que les<br />

Templiers disparaissent ! Des suppôts du diable ! Qu'ils périssent au bûcher et<br />

que leurs cendres soient jetées dans la Seine ! <strong>Les</strong> grands inquisiteurs<br />

d'Espagne et du Nouveau Mon<strong>de</strong>, les persécuteurs <strong>de</strong>s juifs, <strong>de</strong>s Indiens et <strong>de</strong>s<br />

sorcières connaissent la métho<strong>de</strong> : mentir, au nom <strong>de</strong> la foi, obliger leurs<br />

victimes à mentir pour plus sûrement les supprimer. Le mensonge est donc bien au<br />

coeur <strong>de</strong> <strong>l'Histoire</strong>, sous toutes ses formes et sous tous les régimes. Elle ne<br />

respire que par lui.

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