Migraine : - Fondation pour la Recherche Médicale
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<strong>Migraine</strong> :<br />
une ma<strong>la</strong>die qui se soigne<br />
SOMMAIRE<br />
La prise en charge de <strong>la</strong> migraine :<br />
manque d’information ou de formation ?…. p. 2<br />
À chaque migraineux son traitement………. p. 3<br />
Vivre avec <strong>la</strong> migraine …………………….…. p. 5<br />
À propos de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong><br />
<strong>Recherche</strong> <strong>Médicale</strong> ………………………..… p. 9<br />
Pour en savoir + ………………………………. p. 9<br />
Avec <strong>la</strong> participation de :<br />
> Pr Gilles Géraud<br />
Chef du service de neurologie du CHU de Toulouse-Rangueil,<br />
président de <strong>la</strong> Société française d’étude des migraines et céphalées.<br />
> Dr Hélène Massiou<br />
Service de neurologie de l’Hôpital Lariboisière, Paris.<br />
Propos recueillis à l'occasion d'un débat grand public organisé<br />
par <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> <strong>Recherche</strong> <strong>Médicale</strong> et France Info dans le<br />
cadre des "Rencontres santé". Vendredi 25 juin 2004, à <strong>la</strong><br />
Maison de <strong>la</strong> Radio (Paris). Débat animé par Marina Carrère<br />
d’Encausse, co-présentateur du Journal et du magazine de <strong>la</strong><br />
santé sur France 5.<br />
Document disponible sur le site de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> <strong>Recherche</strong><br />
<strong>Médicale</strong> www.frm.org<br />
Publication : août 2004.<br />
> Pr André Pradalier<br />
Directeur du centre <strong>Migraine</strong>s et céphalées de l’hôpital Louis Mourier de Colombes,<br />
secrétaire général du Club <strong>Migraine</strong>s et céphalées.<br />
Crédits photos : <strong>Fondation</strong> <strong>Recherche</strong> <strong>Médicale</strong><br />
Marina Carrère d’Encausse – « Plus de six millions de Français sont concernés par <strong>la</strong> migraine. Les<br />
femmes en sont les premières victimes, surtout les femmes jeunes puisque <strong>la</strong> migraine touche plus<br />
25 % des femmes âgées de 30 à 39 ans.<br />
On estime par ailleurs que 5 % à 10 % des enfants souffrent de<br />
migraine. Quand on sait en outre à quel point <strong>la</strong> migraine peut faire<br />
souffrir, on comprend bien que cette affection altère <strong>la</strong> qualité de<br />
vie. Alors que des traitements existent, 8 migraineux sur 10 ne<br />
consultent pas, et un sur deux a recours à l’automédication.<br />
Tout ce que souhaitez savoir sur les migraines ainsi que les<br />
réponses à vos questions sont à retrouver dans cette synthèse du<br />
débat. »<br />
<strong>Migraine</strong> : une ma<strong>la</strong>die qui se soigne • www.frm.org 1
La prise en charge de <strong>la</strong><br />
migraine : manque<br />
d’information ou de formation ?<br />
Pr Gilles Géraud,<br />
Chef du service de neurologie du CHU de Toulouse-<br />
Rangueil, président de <strong>la</strong> Société française d’étude<br />
des migraines et céphalées.<br />
> Pourquoi est-on migraineux ?<br />
La migraine part du cerveau et non des yeux,<br />
des sinus, du cou, de <strong>la</strong> vésicule biliaire ou du<br />
foie. En revanche, il existe beaucoup de<br />
facteurs déclenchants qui peuvent être liés à<br />
l’alimentation, à <strong>la</strong> vue, au cou… Pour des<br />
raisons que l’on ne<br />
connaît pas encore très<br />
bien, on observe au<br />
niveau de<br />
l’hypotha<strong>la</strong>mus une<br />
activation d’amas<br />
cellu<strong>la</strong>ires - de<br />
neurones - qui vont<br />
déclencher le<br />
processus de migraine.<br />
D’une certaine façon,<br />
ce dernier <strong>pour</strong>rait être<br />
comparée à un orage. Dans un premier temps,<br />
l’atmosphère s’alourdit : le migraineux se sent<br />
anormalement fatigué ou a une appétence<br />
particulière. La migraine est globalement un<br />
conflit entre le neurone et le vaisseau. Les<br />
éc<strong>la</strong>irs de l’orage peuvent être comparés à ce<br />
que voient 20 % des migraineux au début de<br />
leur migraine : l’aura visuelle (f<strong>la</strong>sh voire figures<br />
hallucinatoires). Ce phénomène enclenche un<br />
processus au niveau des méninges, c’est-à-dire<br />
l’enveloppe du cerveau. De l’hypotha<strong>la</strong>mus<br />
partent des ordres qui activent le système<br />
trigémino-vascu<strong>la</strong>ire, lequel provoque une<br />
di<strong>la</strong>tation et même une inf<strong>la</strong>mmation stérile<br />
(non bactérienne) des méninges. La<br />
vasodi<strong>la</strong>tation autour du cerveau va entraîner <strong>la</strong><br />
libération de toute une série de substances qui<br />
vont entretenir le phénomène, l’étendre sur les<br />
méninges et provoquer <strong>la</strong> douleur.<br />
> Epidémiologie* de <strong>la</strong> migraine.<br />
Il est difficile de définir les frontières de <strong>la</strong><br />
migraine. En effet, certains maux de tête sont<br />
idiopathiques, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas<br />
dus à une lésion, une tumeur ou à un<br />
hématome. 30 % des Français souffrent de<br />
céphalées idiopathiques. On estime qu’il existe<br />
en réalité 12 % de migraineux, c’est-à-dire des<br />
personnes répondant à l’ensemble des critères<br />
IHS (international headache society) de <strong>la</strong><br />
migraine. Si l’on admet qu’il peut manquer un<br />
de ces critères <strong>pour</strong> définir une migraine, on<br />
atteint 20 % de migraineux.<br />
L’enquête FRAMIG 3*, dont les résultats ont été<br />
publiés en décembre 2003, montre que, parmi<br />
ces personnes, seulement 40 % savent qu’elles<br />
sont migraineuses, 30 % n’ont pas identifié<br />
leurs maux de tête comme une migraine et<br />
30 % pensent qu’elles ne sont pas<br />
migraineuses. Ce sous-diagnostic de <strong>la</strong><br />
migraine mérite réflexion. C’est sans doute <strong>la</strong><br />
raison <strong>pour</strong> <strong>la</strong>quelle seulement 1 migraineux<br />
sur 5 consulte un médecin. Parmi les autres,<br />
certains n’ont jamais consulté tandis que<br />
d’autres ont cessé de consulter. Vis-à-vis de<br />
ces derniers, le corps médical a sans doute une<br />
responsabilité. Enfin, 50 % des migraineux<br />
pratiquent l’automédication en al<strong>la</strong>nt<br />
directement chez le pharmacien <strong>pour</strong> se<br />
procurer des produits sans ordonnance,<br />
lesquels peuvent calmer les crises mais, bien<br />
souvent, ne peuvent les arrêter définitivement.<br />
Question du public – « L’origine de <strong>la</strong> migraine<br />
est-elle d’ordre génétique ? Dépend-elle d’une<br />
pollution atmosphérique ? »<br />
Pr G. Géraud - Il y a, en effet, très<br />
vraisemb<strong>la</strong>blement une origine génétique à <strong>la</strong><br />
migraine. Elle est prouvée <strong>pour</strong> certaines<br />
formes de migraine (migraine hémiplégique<br />
familiale). L’activité des neurones est régulée<br />
par des canaux <strong>la</strong>issant passer des ions<br />
sodium / potassium. La stabilité du neurone<br />
dépend donc de l’équilibre de ces canaux. Les<br />
dysfonctions ou insuffisances à ce niveau sont<br />
d’origine génétique : le neurone du migraineux<br />
est plus « excitable » que le neurone du nonmigraineux.<br />
De fait, certaines personnes ont un<br />
seuil migraineux extrêmement élevé : <strong>la</strong><br />
moindre contrariété, le moindre stress peut<br />
provoquer une crise. On utilise actuellement<br />
des traitements <strong>pour</strong> rendre le neurone moins «<br />
excitable ». C’est <strong>pour</strong>quoi, certains traitements<br />
de <strong>la</strong> migraine utilisés aujourd’hui ont en fait été<br />
mis au point initialement <strong>pour</strong> traiter l’épilepsie.<br />
Question du public – « Considérez-vous <strong>la</strong><br />
migraine comme une ma<strong>la</strong>die ? »<br />
Pr G. Géraud - Sur un p<strong>la</strong>n physiopathologique,<br />
si l’on s’appuie sur <strong>la</strong> notion de seuil<br />
migraineux, on peut dire que les personnes<br />
migraineuses sont plus ou moins sensibles. Et<br />
les personnes qui vont faire quelques crises<br />
migraineuses dans leur vie ne peuvent être<br />
<strong>Migraine</strong> : une ma<strong>la</strong>die qui se soigne • www.frm.org 2
qualifiées de « ma<strong>la</strong>des ». En revanche,<br />
beaucoup de migraineux ont des crises<br />
fréquentes et doivent être considérés comme<br />
des ma<strong>la</strong>des. D’ailleurs, <strong>la</strong> migraine est jugée<br />
comme l’une des ma<strong>la</strong>dies potentiellement les<br />
plus handicapantes par l’OMS*.<br />
Pr A. Pradalier - Il y a ma<strong>la</strong>die migraineuse en<br />
cas de répétition de crises.<br />
Question du public – « Existe-t-il un lien entre<br />
certains types de méningite et les migraines ? »<br />
Pr G. Géraud - Non. Dans presque tous les<br />
cas, <strong>la</strong> méningite est due à l’introduction dans<br />
l’organisme d’un agent pathogène. Ce<strong>la</strong> dit, par<br />
certains aspects, on peut considérer <strong>la</strong> crise<br />
migraineuse comme une méningite aiguë,<br />
stérile et qui se répète. Et les signes de <strong>la</strong><br />
méningite, sauf <strong>la</strong> fièvre, sont très proches de <strong>la</strong><br />
crise migraineuse : céphalée, vomissements,<br />
photophobie*…<br />
Pr A. Pradalier - Par définition, <strong>la</strong> migraine<br />
présente un caractère uni<strong>la</strong>téral : elle ne<br />
concerne qu’un côté du crâne. Par ailleurs, si<br />
l’on sait comment une crise se déclenche, on<br />
ignore <strong>pour</strong>quoi elle s’arrête.<br />
Question du public – « Je suis migraineuse<br />
depuis l’âge de 13 ans et cette situation est<br />
insupportable. Comment ne pas être<br />
découragée ? »<br />
Pr G. Géraud – Assurez-vous avant tout de<br />
consulter un médecin vraiment spécialisé dans<br />
le domaine de <strong>la</strong> migraine.<br />
Pr A. Pradalier – 10 % des migraineux<br />
« posent » d’énormes problèmes dans le sens<br />
où leur migraine est difficile à soigner. Mais <strong>la</strong><br />
situation peut évoluer. De plus, il convient de<br />
rechercher des facteurs supplémentaires - les<br />
co-morbidités - qui aggravent l’état du<br />
migraineux. Il s’agit de l’anxiété, des troubles<br />
de <strong>la</strong> personnalité (parfois troubles dépressifs)<br />
ou de l’abus médicamenteux.<br />
M. Carrère d’Encausse – « Les médecins sont<br />
souvent très mal formés en <strong>la</strong> matière. Cette<br />
formation va-t-elle s’améliorer ? »<br />
Pr G. Géraud - Un médecin suit, en moyenne,<br />
deux heures de cours sur les céphalées au<br />
cours de sa formation… Toutefois, cette<br />
situation devrait évoluer. L’Agence nationale<br />
d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes)<br />
fait des recommandations en ce sens à<br />
l’attention des médecins. Elle a notamment<br />
édité un auto-questionnaire sur le traitement<br />
usuel de <strong>la</strong> migraine.<br />
Question du public – « J’ai longtemps souffert<br />
de ce que l’on appelle les migraines<br />
ophtalmiques. Je prends désormais du<br />
Gynergene® mais sa consommation ne peut<br />
être trop fréquente. Que faire ? »<br />
Pr G. Géraud - Le Gynergene® empêche <strong>la</strong><br />
céphalée d’apparaître ou va l’interrompre en<br />
moins de deux heures. L’auto-questionnaire sur<br />
le traitement usuel comporte quatre questions :<br />
• Êtes-vous sou<strong>la</strong>gé en moins de deux<br />
heures ?<br />
• Tolérez-vous le médicament ?<br />
• Une seule prise par crise ?<br />
• Reprenez-vous vos activités habituelles en<br />
moins de deux heures ?<br />
Si vous répondez positivement à ces quatre<br />
questions, ne changez rien à votre traitement<br />
habituel.<br />
À chaque migraineux<br />
son traitement<br />
Dr Hélène Massiou,<br />
Service de neurologie de l’Hôpital Lariboisière, Paris.<br />
On ne sait pas guérir <strong>la</strong> migraine. En effet, il<br />
s’agit d’une ma<strong>la</strong>die liée à une excitabilité<br />
anormale dans le<br />
cerveau. On peut<br />
cependant modifier cette<br />
excitabilité. En outre, <strong>la</strong><br />
migraine peut fortement<br />
évoluer au cours de <strong>la</strong> vie,<br />
voire disparaître d’ellemême<br />
vers l’âge de 50 ou<br />
60 ans.<br />
Nous disposons d’un<br />
arsenal thérapeutique conséquent et qui permet<br />
de proposer deux types de traitement :<br />
• le traitement de <strong>la</strong> crise<br />
Il concerne tous les migraineux et vise à arrêter<br />
<strong>la</strong> crise au plus vite.<br />
• le traitement de fond<br />
Il s’agit d’un médicament, ou d’une méthode<br />
non-médicamenteuse, dont le but est d’espacer<br />
<strong>Migraine</strong> : une ma<strong>la</strong>die qui se soigne • www.frm.org 3
les crises et qui est réservé à des patients qui<br />
ont un nombre re<strong>la</strong>tivement élevé de crises par<br />
mois ou qui ont de grandes difficultés à couper<br />
leurs crises.<br />
Les traitements de <strong>la</strong> crise se répartissent entre<br />
traitements non spécifiques et traitements<br />
spécifiques.<br />
Les premiers recouvrent les antalgiques* et les<br />
anti-inf<strong>la</strong>mmatoires non stéroïdiens (AINS). La<br />
majorité des migraineux utilisent ce type de<br />
traitement et les achètent avec ou sans<br />
ordonnance. Il est tout à fait légitime de<br />
prescrire des anti-inf<strong>la</strong>mmatoires non<br />
stéroïdiens voire des antalgiques de grade 2 à<br />
un migraineux. Mais un grand nombre de<br />
migraineux ne sont pas sou<strong>la</strong>gés par ces<br />
antalgiques et doivent passer aux traitements<br />
spécifiques qui sont uniquement délivrés sur<br />
ordonnance. Ce<strong>la</strong> suppose donc qu’ils<br />
consultent et que le médecin soit au fait de ces<br />
traitements.<br />
Les traitements spécifiques sont de deux<br />
c<strong>la</strong>sses : les ergotés et les triptans qui ont fait<br />
l’objet de nombreux développements ces<br />
dernières années. Ces derniers peuvent être<br />
utilisés de façon sûre mais ne peuvent être<br />
prescrits chez des personnes qui ont des<br />
antécédents de troubles coronariens et<br />
d’hypertension artérielle. Les triptans ont<br />
transformé <strong>la</strong> vie d’un grand nombre de<br />
migraineux mais restent trop peu utilisés (9 %<br />
d’utilisation chez les migraineux en France).<br />
Parmi les grandes c<strong>la</strong>sses médicamenteuses<br />
du traitement de fond, on trouve les<br />
bêtabloquants et d’autres molécules<br />
spécifiques comme les anti-épileptiques.<br />
D’autres techniques peuvent également se<br />
révéler efficaces : acupuncture, re<strong>la</strong>xation... Le<br />
traitement de fond sera proposé à un<br />
migraineux <strong>pour</strong> lequel un médicament de crise<br />
est peu efficace et qui souffre d’un handicap<br />
non négligeable lié à sa migraine. Ce traitement<br />
de fond est nécessaire lorsque le migraineux<br />
utilise plus de 8 à 10 jours par mois, un<br />
médicament de crise.<br />
L’une des spécificités de <strong>la</strong> migraine par rapport<br />
aux autres douleurs tient précisément aux<br />
risques d’abus médicamenteux. Il concerne des<br />
migraineux qui, dans des contextes de<br />
surcharge de travail, de stress, de dépression,<br />
voient leurs crises migraineuses devenir plus<br />
fréquentes. Cette situation les amènent à<br />
multiplier les traitements de crise (spécifiques<br />
ou non spécifiques). Se développe alors un<br />
phénomène d’accoutumance et de rebond : <strong>la</strong><br />
prise du médicament, toujours plus fréquente,<br />
est de moins en moins efficace… Le<br />
migraineux souffre alors d’une céphalée<br />
chronique par abus médicamenteux dont <strong>la</strong><br />
seule issue est le sevrage. Dans certains cas, il<br />
est nécessaire d’hospitaliser les patients dans<br />
le cadre de ce sevrage. Dans tous les cas, un<br />
traitement de fond doit être institué et <strong>pour</strong>suivi<br />
au moins six mois. Si le migraineux souffre par<br />
ailleurs de dépression, celle-ci doit également<br />
être prise en charge.<br />
En résumé, il faut adapter les traitements à<br />
chaque patient. Or beaucoup de migraineux se<br />
découragent après <strong>la</strong> première consultation<br />
lorsqu’ils n’obtiennent pas d’emblée un résultat<br />
satisfaisant, ce qui ne permet pas au médecin<br />
de trouver, pas à pas, le traitement le plus<br />
approprié.<br />
M. Carrère d’Encausse – « L’automédication<br />
peut-elle être dangereuse ? »<br />
Dr H. Massiou - L’automédication entre dans <strong>la</strong><br />
catégorie des traitements de crise non<br />
spécifiques. Elle peut être utile à certains<br />
migraineux. Elle est dangereuse en termes<br />
d’abus médicamenteux et d’autant plus qu’elle<br />
est, par définition, accessible à tous.<br />
Question du public – « Je suis migraineuse<br />
depuis l’âge de 5 ans et ai essayé une<br />
multitude de traitements, de fond comme de<br />
crise, qui sont devenus, petit à petit, inefficaces.<br />
Je suis suivie depuis quatre ans à l’Hôpital<br />
Lariboisière et ai été hospitalisée il y a deux<br />
mois. J’ai le sentiment d’avoir tout essayé… Me<br />
préconisez-vous de passer certains examens<br />
spécifiques ? »<br />
Dr H. Massiou - Il n’existe aucun moyen<br />
d’identifier <strong>la</strong> migraine par le biais d’un examen.<br />
L’imagerie et le <strong>la</strong>boratoire ne sont d’aucune<br />
aide dans un cas comme le vôtre, malheureusement<br />
c<strong>la</strong>ssique.<br />
En revanche, de nouvelles pistes médicamenteuses<br />
sont explorées, notamment avec les<br />
antiépileptiques. Toutefois, <strong>la</strong> réponse aux<br />
antimigraineux relève d’une sensibilité<br />
individuelle : les médicaments doivent être<br />
essayés mais ne sont pas nécessairement<br />
efficaces. Des associations de traitements de<br />
fond peuvent être proposées en cas d’échecs<br />
successifs de traitements pris isolément.<br />
Pr G. Géraud - Beaucoup de migraineux ont le<br />
sentiment d’avoir tout essayé. C’est rarement<br />
<strong>Migraine</strong> : une ma<strong>la</strong>die qui se soigne • www.frm.org 4
vrai. De plus, ces traitements n’ont pas toujours<br />
été suivis dans les meilleures conditions.<br />
Pr A. Pradalier - Au sein du Club <strong>Migraine</strong>s et<br />
céphalées, j’ai rencontré un certain nombre de<br />
cas « difficiles ». Cependant, j’aimerais insister<br />
sur le fait que, sur une vie entière, globalement,<br />
dans au moins 80 % des cas, on parvient à des<br />
résultats positifs. L’existence de telles<br />
associations est aussi une façon d’encourager<br />
<strong>la</strong> recherche.<br />
Question du public – « Je suis kinésithérapeute.<br />
Certains patients m’ont signalé des problèmes<br />
de migraine. Après trois ou quatre séances de<br />
mobilisation vertébrale, leur douleur a<br />
disparu. »<br />
Dr H. Massiou - L’acupuncture et <strong>la</strong> re<strong>la</strong>xation<br />
ont fait l’objet de « grands essais contrôlés ».<br />
La controverse sur l’ostéopathie et les<br />
manipu<strong>la</strong>tions cervicales est complexe. Les<br />
liens entre le cou et <strong>la</strong> migraine ne sont pas<br />
c<strong>la</strong>irement identifiés même si 30 % des<br />
migraineux disent souffrir du cou pendant leurs<br />
crises. En réalité, seules de très rares<br />
migraines sont d’origine cervicale. La crise se<br />
déclenche en cas de mauvaise posture ou lors<br />
du port d’un objet lourd. À ce jour, une seule<br />
étude a mis en évidence que, dans les très<br />
rares migraines d’origine cervicale, on apporte<br />
aux patients un éventuel bénéfice par <strong>la</strong><br />
manipu<strong>la</strong>tion cervicale. Mais quand on fait une<br />
manipu<strong>la</strong>tion avec torsion du cou, on risque de<br />
provoquer une dissection des artères du cou,<br />
c’est à dire <strong>la</strong> formation d’un hématome dans<br />
leur paroi qui peut entraîner un accident<br />
vascu<strong>la</strong>ire cérébral. Par conséquent, <strong>la</strong><br />
manipu<strong>la</strong>tion cervicale n’est pas un geste<br />
anodin. Ce geste ne doit être indiqué que dans<br />
des cas très particuliers, lorsque l’on a <strong>la</strong><br />
conviction que l’on peut apporter un bénéfice<br />
au patient qui sera supérieur au risque qu’on lui<br />
fait prendre. À ce titre, le patient doit être<br />
informé des risques que cette manipu<strong>la</strong>tion<br />
comporte.<br />
L’ostéopathie, les thérapies manuelles douces<br />
sont un peu différents. Il s’agit avant tout de<br />
détendre le patient.<br />
Pr A. Pradalier - Il peut exister un lien entre le<br />
cou et le mal de tête, mais pas forcément entre<br />
le cou et <strong>la</strong> migraine dont nous parlons.<br />
Question du public – « Que pensez-vous des<br />
bienfaits du yoga <strong>pour</strong> ce type de ma<strong>la</strong>die ? »<br />
Dr H. Massiou - Le yoga est intéressant dans<br />
ce cadre s’il se présente comme une re<strong>la</strong>xation.<br />
En revanche, plusieurs patients m’ont dit<br />
souffrir parfois de crises migraineuses pendant<br />
des séances de yoga au cours desquelles ils<br />
adoptent des postures forcées ou prolongées.<br />
D’une façon générale, nous préconisons des<br />
techniques de re<strong>la</strong>xation des muscles<br />
cervicaux.<br />
Pr A. Pradalier - Ces techniques ne sont pas<br />
forcément contre-indiquées. Nous pensons en<br />
revanche qu’elles doivent être adaptées à<br />
chaque patient.<br />
Vivre avec <strong>la</strong> migraine<br />
Professeur André Pradalier<br />
Directeur du centre <strong>Migraine</strong>s et céphalées de<br />
l’hôpital Louis Mourier de Colombes Secrétaire<br />
général du Club <strong>Migraine</strong>s et céphalées.<br />
J’aimerais au préa<strong>la</strong>ble insister sur l’utilité de <strong>la</strong><br />
<strong>Fondation</strong> <strong>Recherche</strong> <strong>Médicale</strong> et sur le fait que<br />
nous devons aider cette <strong>Fondation</strong>.<br />
La recherche est de trois ordres :<br />
• recherche épidémiologique ;<br />
• recherche physiopathologique ;<br />
• recherche thérapeutique.<br />
Cette dernière doit être<br />
développée,<br />
notamment sur les<br />
traitements préventifs.<br />
Je dirige un club de<br />
migraineux – le club<br />
migraines et céphalées<br />
- depuis 1981. En<br />
1996, ce club a réalisé<br />
une enquête sur les<br />
facteurs favorisant <strong>la</strong><br />
survenue des crises. Je rappelle que ces<br />
facteurs ne sont pas <strong>la</strong> cause de <strong>la</strong> migraine.<br />
Ainsi, les personnes interrogées ont cité,<br />
comme facteur favorisant :<br />
• le stress (68 % des personnes<br />
interrogées) ;<br />
• l’anxiété (43 %) ;<br />
• <strong>la</strong> contrariété (32 %) ;<br />
• les soucis (32 %) ;<br />
• les grandes émotions (18 %) ;<br />
• l’état dépressif (18 %).<br />
<strong>Migraine</strong> : une ma<strong>la</strong>die qui se soigne • www.frm.org 5
En outre, 62 % des patientes interrogées ont dit<br />
que <strong>la</strong> migraine apparaissait au moment des<br />
règles. La pilule semble être un facteur<br />
déclenchant <strong>pour</strong> 12 % des patientes.<br />
La fatigue, certaines odeurs, le surmenage, le<br />
rythme de vie, les repas irréguliers, les<br />
exacerbations saisonnières, <strong>la</strong> luminosité, <strong>la</strong><br />
chaleur sont d’autres facteurs cités. Par<br />
conséquent, les facteurs sont multiples.<br />
Le cerveau du migraineux est un peu<br />
particulier, soit parce qu’il est hyper-excitable<br />
soit parce qu’il est hypo-inhibé. Il convient de<br />
repérer les facteurs favorisants et de faire en<br />
sorte de les juguler par des techniques<br />
médicamenteuses ou non médicamenteuses.<br />
Le retentissement de <strong>la</strong> migraine sur <strong>la</strong> vie<br />
dépend de plusieurs facteurs :<br />
• <strong>la</strong> fréquence des crises ;<br />
• l’intensité des crises ;<br />
• le handicap qu’elles engendrent.<br />
Le coût médical (frais de médecin,<br />
hospitalisation, examen) de <strong>la</strong> migraine en<br />
France représente plus d’un milliard d’euros.<br />
On recense 300 millions de crises migraineuses<br />
chaque année en France. L’arrêt de travail <strong>pour</strong><br />
migraine est, en moyenne, de 3 à 4 jours par<br />
an.<br />
La migraine chez l’enfant est une réalité. Dans<br />
70 % des cas, on trouve des antécédents<br />
familiaux. 5 % des enfants, 10 % à 12 % des<br />
hommes, 20 % à 25 % des femmes sont<br />
migraineux. La migraine peut commencer très<br />
tôt chez l’enfant. Elle se signale souvent par de<br />
<strong>la</strong> pâleur, des nausées, des maux de ventre,<br />
des maux de tête. Le traitement le plus simple<br />
consiste à faire dormir l’enfant. Ensuite, on peut<br />
utiliser du paracétamol ou un antiinf<strong>la</strong>mmatoire.<br />
Question du public – « Je ne peux utiliser de<br />
triptans car je suis âgé de moins de 15 ans.<br />
D’autres médicaments <strong>pour</strong>raient-ils être<br />
efficaces ? »<br />
Pr A. Pradalier - Actuellement, selon le principe<br />
de <strong>la</strong> précaution d’emploi, par peur qu’un<br />
médicament puisse avoir des effets<br />
secondaires, on ne prescrit pas le triptan. Ce<br />
principe est particulièrement vrai pendant <strong>la</strong><br />
grossesse de patientes migraineuses : elles<br />
n’ont droit qu’au paracétamol.<br />
Un enfant peut prendre du paracétamol et y<br />
associer un anti-inf<strong>la</strong>mmatoire en sirop. Il doit<br />
aussi chercher à se re<strong>la</strong>xer, à bien dormir.<br />
Pr G. Géraud - Il peut également essayer<br />
l’imigran® en spray nasal. Les triptans ont été<br />
testés sur les enfants mais n’ont pas donné de<br />
résultats significatifs. Ce<strong>la</strong> ne signifie pas qu’ils<br />
ne sont pas efficaces. En réalité, l’effet p<strong>la</strong>cebo<br />
étant considérable chez l’enfant, il est difficile<br />
de tirer des conclusions. Chez l’enfant, <strong>la</strong> crise<br />
passe généralement en une heure, contre<br />
quatre heures chez l’adulte. Dès lors, il est<br />
difficile d’apprécier l’efficacité d’une technique<br />
chez l’enfant.<br />
Question du public – « Les migraines nocturnes<br />
surviennent souvent vers deux ou trois heures<br />
du matin. Existe-t-il un traitement particulier ? »<br />
Pr G. Géraud - La migraine qui démarre <strong>la</strong> nuit<br />
est un phénomène c<strong>la</strong>ssique, dans <strong>la</strong> mesure<br />
où le tronc cérébral est très actif pendant le<br />
sommeil. En général, <strong>la</strong> douleur est si forte que<br />
le sujet se réveille. Tel est bien le problème : il<br />
n’est pas possible de se traiter précocement<br />
mais uniquement lors du réveil. Un traitement<br />
de fond est nécessaire, en utilisant par exemple<br />
le Nocertone®.<br />
Pr A. Pradalier - La migraine nocturne est plus<br />
fréquente chez les sujets âgés. Par ailleurs,<br />
certaines personnes souffrent de « migraines<br />
de week-end ». On a tendance à dire qu’elles<br />
sont le résultat d’une chute de <strong>la</strong> tension<br />
nerveuse. Si <strong>la</strong> crise est à ce point régulière, on<br />
suggère de se lever à <strong>la</strong> même heure qu’en<br />
semaine ou de prendre un médicament le<br />
vendredi soir, comme le Gynergene®.<br />
Pr G. Géraud - Nous parlons ici du mécanisme<br />
anticipatoire qui consiste à prendre un<br />
médicament alors que <strong>la</strong> crise n’a pas démarré.<br />
Il faut se méfier de ces pratiques qui<br />
conduisent, très rapidement, à l’abus<br />
médicamenteux.<br />
Question de <strong>la</strong> salle – « J’ai un enfant de 11<br />
ans suivi <strong>pour</strong> des migraines accompagnées de<br />
vertiges, de troubles de <strong>la</strong> marche, et survenant<br />
toutes les 10 semaines. Ce type de migraine<br />
est-il fréquent ? Existe-t-il des traitements<br />
particuliers ? »<br />
Dr H. Massiou - Il existe, chez l’enfant, des<br />
équivalents migraineux, qui sont un groupe de<br />
symptômes épisodiques qui évoluent par<br />
crises, comme <strong>la</strong> migraine, et qui peuvent être<br />
remp<strong>la</strong>cés plus tard par de réelles migraines.<br />
Parmi ces équivalents migraineux, existent les<br />
vertiges paroxystiques de l’enfant qui peuvent<br />
<strong>Migraine</strong> : une ma<strong>la</strong>die qui se soigne • www.frm.org 6
durer quelques heures voire quelques jours,<br />
mais sans maux de tête. Ces enfants peuvent<br />
être sou<strong>la</strong>gés par des traitements non<br />
spécifiques de <strong>la</strong> crise migraineuse, comme les<br />
anti-inf<strong>la</strong>mmatoires.<br />
Certaines ma<strong>la</strong>dies, très rares, les ataxies<br />
paroxystiques, se caractérisent par des<br />
épisodes de troubles de l’équilibre. Les enfants<br />
atteints de ces ma<strong>la</strong>dies doivent utiliser un<br />
médicament appelé le Diamox®.<br />
Question du public – « Comment traiter les<br />
crises survenant pendant les règles ? »<br />
Dr H. Massiou -60 % des migraineuses<br />
indiquent souffrir de migraine pendant leurs<br />
règles. Et 5 à 7 % d’entre elles n’ont de crise<br />
qu’au moment de leurs règles. Ces femmes ont<br />
une migraine dite purement hormonodépendantes<br />
: le seul facteur déclenchant est <strong>la</strong><br />
chute du taux d’œstrogènes* qui survient en fin<br />
de cycle. Ces crises peuvent être liées à l’arrêt<br />
de <strong>la</strong> prise de pilule. Quand ces femmes ont<br />
des migraines bien ciblées et prévisibles, elles<br />
peuvent être sou<strong>la</strong>gées de façon efficace par<br />
des œstrogènes donnés par voie cutanée 48<br />
heures avant le déclenchement présumé de <strong>la</strong><br />
crise.<br />
Question du public – « De ma naissance<br />
jusqu’à l’âge de 20 ans, j’ai souffert de vertiges<br />
paroxystiques. Ces vertiges ont cessé par une<br />
séance d’acupuncture. J’ai ensuite souffert de<br />
migraines, <strong>la</strong> nuit, jusqu’à l’âge de 60 ans. »<br />
Pr A. Pradalier - Il faut se méfier des<br />
coïncidences : l’arrêt de vos vertiges par une<br />
séance d’acupuncture n’était peut-être qu’une<br />
coïncidence.<br />
En tant que médecins, nous nous demandons<br />
toujours si nous sommes devant une<br />
coïncidence de symptômes. Nous établissons<br />
une re<strong>la</strong>tion chronologique entre <strong>la</strong> prise de<br />
médicament et les symptômes.<br />
Question du public – « Une hypertension<br />
artérielle peut-elle déclencher une migraine ?<br />
Une migraine peut-elle déclencher une<br />
hypertension artérielle ? »<br />
Pr G. Géraud - Une hypertension artérielle peut<br />
déclencher une céphalée, en particulier s’il<br />
s’agit d’une hypertension artérielle aiguë.<br />
Certaines femmes enceintes enregistrent une<br />
élévation de leur tension artérielle, ce qui<br />
provoque un à-coup hypertensif et déclenche<br />
une céphalée aiguë très violente.<br />
En revanche, les personnes souffrant<br />
d’hypertension artérielle chronique ne sont pas<br />
plus migraineuses que les autres.<br />
Question du public – « Connaît -on le mode<br />
d’action des bêtabloquants ? »<br />
Pr G. Géraud - Non, même si on suppute un<br />
effet anti-stress.<br />
Dr H. Massiou - Des études très poussées ont<br />
montré que les bêtabloquants diminuaient en<br />
partie l’hyper-excitabilité du cerveau du<br />
migraineux mais on ignore comment.<br />
Question du public – « Mes migraines sont<br />
provoquées par <strong>la</strong> lumière, ce qui me<br />
handicape particulièrement puisque je suis<br />
étudiant en art dramatique et soumis à <strong>la</strong><br />
lumière des projecteurs. Je regrette que l’on<br />
n’ait pas suffisamment exploré <strong>la</strong> question de <strong>la</strong><br />
psychologie de <strong>la</strong> migraine. Ne pensez -vous<br />
pas que <strong>la</strong> conscience des stimuli potentiels a<br />
parfois plus d’impact que le stimulus luimême<br />
? »<br />
Pr A. Pradalier - La luminosité est un facteur<br />
déclenchant ou favorisant mais n’est pas <strong>la</strong><br />
cause de votre migraine. Elle tend à augmenter<br />
<strong>la</strong> fréquence des crises mais ne modifie pas<br />
votre risque d’avoir une migraine. Pour réduire<br />
ce risque, vous pouvez porter des lunettes<br />
teintées !<br />
Pr G. Géraud - Il est également possible que le<br />
fait de monter sur scène provoque chez vous<br />
un stress qui déclenche une crise de migraine.<br />
Cette dernière vous rend intolérant à <strong>la</strong><br />
lumière…<br />
Dr H. Massiou - Nous avons évoqué l’anxiété<br />
de l’anticipation de <strong>la</strong> crise. Certains patients<br />
redoutent tellement d’avoir des crises que ce<strong>la</strong><br />
provoque une migraine. D’où l’intérêt de<br />
disposer d’un traitement de crise vraiment<br />
efficace. Les patients redoutent beaucoup<br />
moins d’avoir une crise et, de ce fait, en ont<br />
moins.<br />
Question du public – « Les migraines peuventelles<br />
se déclencher à l’âge de 70 ans ? »<br />
Pr G. Géraud - Ce<strong>la</strong> mérite d’effectuer des<br />
examens poussés <strong>pour</strong> s’assurer qu’il ne s’agit<br />
<strong>Migraine</strong> : une ma<strong>la</strong>die qui se soigne • www.frm.org 7
pas de migraines symptomatiques ou de<br />
céphalées pseudo-migraineuses qui seraient<br />
dues à une lésion. Certaines personnes sont<br />
persuadées qu’elles deviennent migraineuses à<br />
l’âge de 40 ans ou 50 ans. Pourtant, elles ont<br />
souvent déjà été migraineuses à une période<br />
de leur vie.<br />
Question du public – « Vous souleviez<br />
précédemment le manque d’information des<br />
médecins généralistes en <strong>la</strong> matière. Que faire<br />
lorsqu’un médecin généraliste et qu’un médecin<br />
spécialiste émettent deux avis différents ? »<br />
Pr G. Géraud - Il faut solliciter un troisième<br />
avis… J’ai néanmoins tendance à privilégier<br />
l’avis du spécialiste.<br />
Dr H. Massiou - Les médecins ont moins des<br />
avis que des attitudes différentes. Le<br />
généraliste est souvent plus prudent et agit<br />
selon le principe de précaution absolue. Les<br />
spécialistes, qui ont plus l’habitude de prescrire<br />
certains médicaments, sont plus <strong>la</strong>rges dans<br />
leurs indications.<br />
Question du public – « La migraine est une<br />
ma<strong>la</strong>die invalidante <strong>pour</strong> de nombreuses<br />
personnes. Est-elle une ma<strong>la</strong>die grave ? J’ai lu<br />
par exemple que les migraineux présentaient<br />
plus de risques d’avoir un accident vascu<strong>la</strong>ire<br />
cérébral. »<br />
Dr H. Massiou - Des études ont montré que <strong>la</strong><br />
ma<strong>la</strong>die migraineuse augmentait très<br />
légèrement le risque d’accident ischémique<br />
cérébral, mais uniquement chez <strong>la</strong> femme<br />
jeune. Ce risque ne doit pas être vécu comme<br />
quelque chose d’inquiétant mais doit inviter à <strong>la</strong><br />
précaution, notamment chez les femmes<br />
migraineuses qui présentent d’autres facteurs<br />
de risque vascu<strong>la</strong>ire (tabac, pilule, hypertension<br />
etc.).<br />
Récemment, une controverse s’est développée<br />
autour de l’idée, soutenue par une étude, que <strong>la</strong><br />
migraine pouvait provoquer des images<br />
d’ischémie cérébrale, des « trous b<strong>la</strong>ncs ».<br />
Nous voyons <strong>pour</strong> notre part des milliers de<br />
migraineux. Les examens d’imagerie médicale<br />
par IRM qui sont réalisées ne font apparaître<br />
qu’exceptionnellement de telles images.<br />
L’infarctus migraineux, c’est-à-dire le fait que<br />
suite à une crise de migraine avec aura, on<br />
puisse conserver un déficit visuel, est<br />
extrêmement rare.<br />
Pr A. Pradalier - Je précise que <strong>la</strong> durée de vie<br />
moyenne d’un migraineux n’est pas différente<br />
de celle d’une autre personne. À l’âge de 80<br />
ans, 95 % des personnes qui étaient<br />
migraineuses ne le sont plus. On assiste aussi<br />
à une diminution très nette des crises chez les<br />
femmes après <strong>la</strong> ménopause.<br />
Question du public – « Vous avez fait état de<br />
traitements anti-épileptiques. Pourriez-vous en<br />
dire davantage ? »<br />
Pr G. Géraud - Certains traitements antiépileptiques<br />
sont efficaces contre <strong>la</strong> migraine,<br />
en traitement préventif, du fait de<br />
l’hyperexcitabilité des neurones génétiquement<br />
programmée dans <strong>la</strong> migraine.<br />
Question du public – « Plusieurs méthodes,<br />
peut-être dignes d’intérêt, n’ont pas été<br />
abordées. En tant que médecin du travail,<br />
j’entends beaucoup de récits de personnes qui<br />
expliquent comment leur migraine a disparu :<br />
rééducation orthoptique, régime alimentaire<br />
spécifique, séances de kinésithérapie… »<br />
Dr H. Massiou - À l’heure actuelle, nous<br />
n’avons aucune donnée permettant d’affirmer<br />
que <strong>la</strong> migraine puisse être corrélée avec les<br />
troubles de <strong>la</strong> convergence* si ces derniers<br />
peuvent provoquer des maux de tête. Mais ils<br />
sont bien différents des vraies crises<br />
migraineuses. Quand on prend en charge un<br />
migraineux, ne serait-ce qu’en l’écoutant, il<br />
peut s’améliorer du fait seul de cette simple<br />
prise en charge, par une sorte d’effet p<strong>la</strong>cebo.<br />
De même, <strong>la</strong> migraine peut s’améliorer au<br />
travers de modifications de l’ hygiène de vie,<br />
par exemple <strong>la</strong> pratique du sport ou un régime<br />
alimentaire.<br />
Pr A. Pradalier - De nombreux progrès ont été<br />
accomplis au cours des dix dernières années.<br />
Beaucoup de voies recherche restent à<br />
explorer. Il faut multiplier les essais avant de<br />
prendre position. Nous avons également besoin<br />
d’un apport médicamenteux, au vu de <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion à traiter, alors que les techniques<br />
psychothérapiques sont longues, non<br />
remboursées…<br />
<strong>Migraine</strong> : une ma<strong>la</strong>die qui se soigne • www.frm.org 8
À propos de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> <strong>Recherche</strong> <strong>Médicale</strong><br />
« La <strong>Fondation</strong> <strong>Recherche</strong> <strong>Médicale</strong> (FRM) a été créée en 1947 par les professeurs Jean Bernard et<br />
Jean Hamburger devant le manque de financement de <strong>la</strong> recherche publique en France. Cette<br />
question reste cruciale. En tant que fondation privée, <strong>la</strong> FRM ne reçoit pas de subvention de l’État.<br />
Grâce à une dotation qui lui permet de payer les frais de structures, de personnel, etc, les fonds<br />
qu’elle récolte (25 millions d’euros) sont totalement redistribués à <strong>la</strong> recherche publique, à environ 700<br />
chercheurs chaque année, ce qui est considérable. L’action de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> reste limitée mais elle<br />
compte énormément dans <strong>la</strong> vie des chercheurs. La <strong>Fondation</strong> est totalement libre dans ses choix et<br />
ne se focalise pas sur une pathologie particulière. Cette année, <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> va notamment verser 3,5<br />
millions d’euros <strong>pour</strong> soutenir des projets de recherche sur les ma<strong>la</strong>dies allergiques, un problème<br />
croissant de santé publique. »<br />
Pour en savoir +<br />
Les migraines ?<br />
Dossier spécial de « <strong>Recherche</strong> & Santé » n°99, <strong>la</strong> revue de <strong>la</strong><br />
<strong>Fondation</strong> <strong>Recherche</strong> <strong>Médicale</strong>, juillet 2004.<br />
> http://www.frm.org/informez/info_rs_numero.php?revue=26<br />
Retrouvez également un dossier complet sur les migraines, sur le site<br />
web de <strong>la</strong> <strong>Fondation</strong> <strong>Recherche</strong> <strong>Médicale</strong> :<br />
> http://www.frm.org/informez/info_ressources_dossiers_article_sommaire.php?id=31<br />
La migraine : mieux <strong>la</strong> connaître, mieux <strong>la</strong> soigner<br />
Par le Pr Gilles Géraud.<br />
Editions Mi<strong>la</strong>n<br />
« Les essentiels ».<br />
La migraine<br />
Par André Pradalier<br />
Editions Odile Jacob<br />
Collection Santé au quotidien<br />
Association France <strong>Migraine</strong><br />
59, avenue Kléber<br />
75116 Paris<br />
> http://www.sosmigraine.com<br />
Eric Palluat de Besset<br />
Directeur général<br />
Pour plus d’informations<br />
<strong>Fondation</strong> <strong>Recherche</strong> <strong>Médicale</strong><br />
54, rue de Varenne<br />
75007 Paris<br />
> www.frm.org<br />
Conception du document : C<strong>la</strong>ude POUVREAU<br />
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