Untitled - University Library

36 LES ROUGON-MACQUART
Voyons, interrompit M. Josserand, vas-tu maintenant
me reprocher d'avoir ete honnete ?
Elle se leva, s'avanga vers lui, en brandissant son
Lamartine.
- Honnete I comment 1'entendez-vous ?... Soyez
d'abord honnete envers moi. Les autres ne viennent
qu'ensuite, j'espere ! Et, je TOUS le repete, monsieur,
c'est ne pas etre honnete que de mettre une jeune fille
dedans, en ayant 1'air de vouloir etre riche un jour,
puis en s'abrutissant i garder la caisse des autres!
Vrai, j'ai ete fiioutee d'une jolie facon 1... Ah! si
c'etait a refaire, et si j'avais seulement connu votre
famille !
Bile marchait violemment. II ne put retenir un
commencement d'impatience,
de paix.
malgre son grand desir
Tu devrais allerte coucher, fileonore, dit-il. II est
plus d'une heure, et je t'assure que ce travail est presse...
Ma famille ne t'a rien fait, n'en parle pas.
Tiens 1 pourquoi done ? Votre famille. n'est pas
plus sacree qu'une autre,jepense...Personne n'ignore,
a Glermont, quo votre pere, apres avoir vendu son
etude d'avoue, s'est laisse ruiner par une bonne. Vous
auriez marie vos filles depuis longtemps,
s'il n'avait
pas couru la gueuse, a soixante-dix ans passes. Encore
un qui m'a fiioutee I
M. Josserand avait pali. II repondit d'une voix trem-
blante, qui peu a peu s'elevait :
ficoutez, ne nous jetons pas une fois de plus nos
families a la tete... Votre pere ne m'a jamais paye
votre dot, les trente mille francs qu'il avait promis.
Hein ? quoi? trente mille francs 1
Parfaitement, ne faites pas 1'etonnee... Et si mon
pere a eprouve des malheurs, le votre s'est conduit
d'une fagon indigne a notre egard. Jamais je n'ai vu