Horlogerie et joaillerie éditio... - La vie éco
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AVANT-PROPOS<br />
Le Temps si précieux<br />
Photo couverture : Cartier<br />
Evoquer la haute horlogerie<br />
<strong>et</strong> la <strong>joaillerie</strong> c’est forcément<br />
parler du luxe. Toutefois,<br />
ces deux domaines peuvent<br />
aussi faire écho à ce fameux «superflu<br />
nécessaire». En eff<strong>et</strong>,<br />
concernant la lecture du temps ;<br />
d’aucuns clameraient qu’il est stupide<br />
de dépenser des sommes<br />
considérables pour lire l’heure à<br />
son poign<strong>et</strong>, alors que c<strong>et</strong>te dernière<br />
s’affiche dans nos véhicules, ordinateurs,<br />
téléphones mobiles…<br />
Pareillement, à quoi bon m<strong>et</strong>tre la<br />
main au portefeuille <strong>et</strong> se lancer<br />
dans des dépenses somptuaires<br />
pour de somptueuses parures afin<br />
que les élégantes se parent de leurs<br />
plus beaux atours ? Alors pour fermer<br />
la bouche à ces rabats-joie, les<br />
amateurs éclairés répondront qu’il<br />
s’agit avant tout de se faire plaisir.<br />
Certes <strong>et</strong> lorsque le plaisir de<strong>vie</strong>nt<br />
passion au point de se métamorphoser<br />
en virus de collectionneur,<br />
une montre ou un bijou de<strong>vie</strong>nnent<br />
des garde-temps <strong>et</strong> des joyaux. <strong>La</strong><br />
simple dimension du plaisir esthétique<br />
est alors dépassée. Le produit,<br />
l’article en question de<strong>vie</strong>nnent<br />
obj<strong>et</strong> de connaissance <strong>et</strong> nous<br />
font pénétrer dans des univers insoupçonnés.<br />
Derrière eux apparaissent<br />
des hommes <strong>et</strong> des<br />
femmes qui perpétuent des traditions<br />
<strong>et</strong> des savoir-faire ancestraux<br />
lesquels œuvrent de conserve avec<br />
des cerveaux visionnaires afin de<br />
réaliser des prouesses. N’oublions<br />
pas que pour ce qui est de la haute<br />
horlogerie, dès lors que l’on scrute<br />
le domaine des grandes complications<br />
on ne sera pas étonné d’apprendre<br />
que parfois quatre horlogers<br />
travaillent en permanence durant<br />
six mois afin de manufacturer<br />
un modèle. Dans le même ordre<br />
d’esprit, si l’on souhaite une pièce<br />
de <strong>joaillerie</strong> sur commande ou si<br />
l’on pénètre dans un atelier haut<br />
de gamme, on sera surpris par la<br />
pépinière de talents aguerris qui se<br />
dévoue pour concevoir une pièce<br />
éblouissante. Dans les deux cas,<br />
l’horlogerie <strong>et</strong> la <strong>joaillerie</strong> sont des<br />
mondes fascinants. Malheureusement,<br />
la culture consumériste, en<br />
démocratisant les montres <strong>et</strong> les<br />
bijoux, a favorisé le volume au détriment<br />
de la qualité. Jadis, gard<strong>et</strong>emps<br />
<strong>et</strong> <strong>joaillerie</strong> étaient réservés<br />
à une élite fortunée. Avec la révolution<br />
industrielle <strong>et</strong> ses corollaires<br />
bouleversement des us <strong>et</strong> coutumes,<br />
omniprésence de la technologie,<br />
asservissement de l’individu<br />
transformé en homme-machine…<br />
acquérir une montre ou un bijou<br />
est devenu normal. Naguère, com-<br />
Lorsque le<br />
plaisir<br />
de<strong>vie</strong>nt<br />
passion au<br />
point de se<br />
métamorphoser<br />
en<br />
virus de<br />
collectionneur,<br />
une<br />
montre ou un<br />
bijou<br />
de<strong>vie</strong>nnent<br />
des gard<strong>et</strong>emps<br />
<strong>et</strong> des<br />
joyaux. <strong>La</strong><br />
simple<br />
dimension du<br />
plaisir<br />
esthétique<br />
est alors<br />
dépassée. Le<br />
produit,<br />
l’article en<br />
question<br />
de<strong>vie</strong>nnent<br />
obj<strong>et</strong> de<br />
connaissance<br />
<strong>et</strong> nous font<br />
pénétrer dans<br />
des univers<br />
insoupçonnés<br />
me aujourd’hui, le plaisir demeure<br />
(comme pour tout acte d’achat<br />
d’ailleurs), mais il s’estompe sans<br />
doute plus vite de nos jours tant il<br />
est banalisé. Le paradoxe veut aussi<br />
que c<strong>et</strong> aspect insipide peut également<br />
se manifester pour des<br />
achats dispendieux. En eff<strong>et</strong>, l’élite<br />
avertie d’hier a été remplacée par<br />
des fortunes patrimoniales («nouveaux<br />
riches», notamment) où le<br />
«paraître», la culture bling-bling<br />
ont donné sens à des existences individualistes<br />
où s’afficher avec une<br />
montre fastueuse (tant par ses dimensions<br />
que par les matières<br />
qu’elle arbore) ou une parure hypnotique<br />
(le tout associé à d’autres<br />
obj<strong>et</strong>s de marque luxueuse) a joué<br />
le rôle de «curseur social». Bien<br />
sûr, les opérateurs des secteurs de<br />
l’horlogerie <strong>et</strong> de la <strong>joaillerie</strong> ne<br />
vont pas snober c<strong>et</strong>te clientèle.<br />
Bien au contraire. D’ailleurs, il<br />
suffit de parcourir les salons dédiés<br />
à ces deux domaines, ou pénétrer<br />
dans des boutiques chic, voire s’informer<br />
par le biais de divers médias<br />
; pour se rendre compte que<br />
les manufactures créent des tendances<br />
destinées prioritairement à<br />
c<strong>et</strong>te clientèle fortunée. Par<br />
exemple, on peut évoquer une<br />
grande Maison horlogère qui réalise<br />
des cadrans en émail dont les<br />
motifs sont impérativement asiatiques,<br />
pour ne pas dire exclusivement<br />
chinois. Une autre manufacture<br />
a créé un modèle totalement<br />
axé sur le chiffre 8. Pourquoi pas le<br />
7 ou le 9 ? Sans l’avouer ouvertement,<br />
tout simplement parce que<br />
chez les Chinois le 8 porte bonheur.<br />
D’autres ont poussé la subtilité<br />
plus loin en offrant au public<br />
un cabin<strong>et</strong> luxueux renfermant<br />
deux garde-temps identiques en<br />
tant que modèles, mais différents<br />
au niveau des matières utilisées.<br />
Encore une fois, on veut charmer<br />
le marché chinois, puisque selon<br />
un rituel très policé, il est de bon<br />
goût d’offrir un cadeau en double<br />
exemplaire. Pourquoi pas ? Après<br />
tout, il faut bien engranger des liquidités<br />
afin de pouvoir continuer<br />
à réaliser des merveilles qui nous<br />
font tous rêver. Hier Russie, aujourd’hui<br />
Chine, demain Inde, voire<br />
Mexique, Brésil…, le commerce<br />
se mondialise <strong>et</strong> suit l’argent que<br />
l’on dit inodore. Mais là où le bât<br />
blesse, c’est que les goûts <strong>et</strong> l’esthétique<br />
proprement occidentaux<br />
risquent d’être soumis à ces tendances<br />
qui sont plus proches de la<br />
mode que du luxe. Rien à voir avec<br />
les styles orientalistes, japonisants<br />
d’antan où ces influences étaient<br />
III <strong>La</strong> Vie <strong>éco</strong> – Vendredi 29 avril 2011<br />
plus subtiles. Aujourd’hui les opérateurs<br />
réfléchissent en termes de<br />
cibles clientèle <strong>et</strong> d’<strong>éco</strong>nomie<br />
d’échelle. Pour c<strong>et</strong> ultime point, il<br />
nous appartient d’ailleurs d’être<br />
vigilant. En eff<strong>et</strong>, il est utile de<br />
comparer. Par exemple, on ne peut<br />
pas m<strong>et</strong>tre sur le même podium<br />
une montre automatique à mouvement<br />
d’ébauche <strong>et</strong> celle qui dissimulera<br />
une mécanique développée<br />
au sein de sa propre manufacture.<br />
C’est encore plus cinglant avec la<br />
<strong>joaillerie</strong>. <strong>La</strong> qualité des pierres<br />
fines <strong>et</strong> précieuses obéit à des<br />
grades déterminés. Les ors utilisés<br />
aussi. Donc prudence. Pourtant,<br />
pour de nombreuses clientes qui<br />
font le tour des enseignes avant de<br />
j<strong>et</strong>er leur dévolu sur telle ou telle<br />
pièce, carats <strong>et</strong> poids de l’or sont<br />
l’un des principaux critères qui entrent<br />
dans la négociation commerciale.<br />
A ce niveau, exiger des explications<br />
quasi érudites sur le monde<br />
des pierres, le travail d’orfèvrerie,<br />
réclamer les certificats d’authenticité,<br />
voire demander l’expertise<br />
d’un gemmologue peuvent<br />
s’avérer des précautions nécessaires,<br />
surtout si l’article de<br />
<strong>joaillerie</strong> affiche une somme<br />
conséquente <strong>et</strong> est aussi acquis<br />
dans un bat de thésaurisation. Hélas,<br />
pour notre porte-monnaie, ces<br />
deux univers subissent la hausse<br />
des matières premières. Sur l’or, la<br />
flambée a lieu depuis plusieurs années.<br />
Depuis quelques mois, c’est<br />
au tour des diamants (environ<br />
25%). Donc l’impact frappe le<br />
consommateur. Ce dernier doit<br />
être d’autant plus vigilant, tant la<br />
tentation est grande de lui présenter<br />
des articles de moindre qualité<br />
à des tarifs attractifs. Outre les<br />
conseils exprimés auparavant,<br />
notre ach<strong>et</strong>eur peut aussi vérifier<br />
le «made in», car des marques réputées<br />
arborent fièrement «Paris»<br />
<strong>et</strong> non «made in France» car une<br />
partie (souvent le sertissage) de<br />
leur production est délocalisée en<br />
Asie (où, il est vrai, règnent des<br />
mains expertes puisqu’il existe làbas<br />
une riche tradition de gemmologie).<br />
En somme, si l’essentiel<br />
est de se faire plaisir, il nous incombe<br />
également d’être un peu<br />
plus avide de renseignements, voire<br />
de s’initier à ces deux univers<br />
qui brillent de mille feux. Non seulement<br />
pour éviter de se brûler les<br />
ailes, mais surtout pour acquérir<br />
des connaissances en la matière<br />
qui feront de nous des amateurs<br />
avertis <strong>et</strong> pas des «faschion victims»<br />
■<br />
JEAN-PIERRE TAGORNET