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Chagrin d'école

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été les premiers surpris d’apprendre que, quarante-cinq<br />

ans plus tard, un de leurs élèves, grâce à eux devenu<br />

professeur, jouerait les disciples au point de leur dresser<br />

une statue ! D’autant que, comme ma violoncelliste du<br />

Blanc-Mesnil, une fois rentrés chez eux, en dehors de la<br />

correction de nos copies ou de la préparation de leurs<br />

cours, ils ne devaient plus guère penser à nous. Ils avaient<br />

à coup sûr d’autres centres d’intérêt, une curiosité ouverte,<br />

qui devaient nourrir leur force, ce qui expliquait, entre<br />

autres, la densité de leur présence en classe.<br />

(Mademoiselle Gi, surtout, me semblait avoir un appétit à<br />

dévorer le monde et ses bibliothèques.) Ce n’était pas<br />

seulement leur savoir que ces professeurs partageaient<br />

avec nous, c’était le désir même du savoir ! Et c’est le goût<br />

de sa transmission qu’ils me communiquèrent. Du coup,<br />

nous allions à leurs cours la faim au ventre. Je ne dirais<br />

pas que nous nous sentions aimés par eux, mais<br />

considérés, à coup sûr (respectés, dirait la jeunesse<br />

d’aujourd’hui), considération qui se manifestait jusque dans<br />

la correction de nos copies, où leurs annotations ne<br />

s’adressaient qu’à chacun de nous en particulier. Le<br />

modèle du genre étant les corrections de monsieur Beaum,<br />

notre professeur d’histoire en hypokhâgne. Il exigeait qu’on<br />

laissât vierge la dernière page de nos dissertations pour<br />

qu’il pût y taper à la machine – en rouge, sur un seul<br />

interligne – le corrigé détaillé de chaque devoir !<br />

Ces professeurs, rencontrés dans les dernières

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