Julien l'apprenti - Source - Arte

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Julien l’apprenti La vie devant soi Clavier (Bernard Haller) et Julien (Gaspard Ulliel). Comment est née l’idée de l’histoire de Julien ? Jacques Otmezguine : Avec Jean-Claude Grumberg, nous avions rencontré Didier Decoin alors qu’il dirigeait la fiction à France 2 pour parler d’un projet sur le monde de la fourrure entre les deux guerres. Decoin nous raconte alors que son père, le cinéaste Henri Decoin, était entré comme apprenti à 14 ans chez des fourreurs avant la guerre de 1914. Nous avons aussitôt pensé à mettre en scène un jeune “goy” qui entre dans un univers juif, détaché de tout sentiment religieux mais qui représente un monde étranger et qui fait exploser l’étanchéité des communautés. Pour Julien, l’apprentissage de la vie passe par différentes étapes formatrices. Par celui d’un métier, par la rencontre avec des êtres humains plus ou moins fréquentables, par la rencontre d’un discours politique ou d’une théorie philosophique – mais toujours dans le concret du quotidien. Un apprentissage rural aussi, au cours de son séjour à la ferme où il est au contact d’une réalité violente. Il y a aussi la nourriture, la sexualité vécue très tôt, la rencontre du premier amour avec la fille des Rosmer… Vous restituez avec une précision étonnante l’univers de la pelleterie et de la fourrure. Nous avons eu la chance de pouvoir tourner dans la dernière pelleterie encore équipée d’anciennes machines – sur notre demande, cette entreprise a eu la gentillesse d’attendre la fin du tournage pour se moderniser. (…) Les comédiens ont fait des stages dans un atelier de fourrure. Francis Huster, très humblement, est allé apprendre le maniement des peaux, les gestes de base. À travers son personnage, il rend hommage à son grand-père tailleur, un juif polonais venu s’installer en France, au “pays des libertés”, disait-il, et qui est mort à Auschwitz. La reconstitution d’époque est remarquable Mon intention n’était pas de faire une fresque historique. J’ai préféré réfléchir de façon plus pointue à l’utilisation de la figuration et des éléments de l’époque, Une réalisation fluide, une interprétation remarquable… Avec Julien l’apprenti, Otmezguine et Grumberg signent un grand téléfilm. Entretien. Julien (Benjamin Rolland) veut porter l’étoile jaune en solidarité avec Maurice (Francis Huster). contrebalancée par une évocation sonore de la rue, des extérieurs, de la guerre grâce à une bande son pointue. (…) J’ai tout fait pour m’éloigner de la notion de “brillance” dans les couleurs qui est le propre des reconstitutions historiques classiques. Il fallait casser cette distance qu’elle procure. Le chef opérateur Alain Marcoen, habitué des frères Dardenne, a aimé cette idée que j’avais de se rapprocher du noir et blanc tout en gardant le traitement couleur. Jusqu’au choix des costumes avec Sylviane Combes où il fallait annuler toute idée de “clinquant”. “Un travelling est une affaire de morale”, dit Godard. Dans la deuxième partie, un long travelling poignant nous fait découvrir la disparition des Rosmer. Je voulais faire passer l’idée de la mort sans montrer de cadavre ; les accumulations de cadavres des camps montrent l’horreur mais ne racontent pas moralement et intellectuellement la Shoah. Je préférais filmer le vide de la mort, la disparition. La caméra est très mobile et rapide quand Julien arrive pour vivre chez les Rosmer. Ensuite, ce travelling très lent, très détaillé sur le même décor, devient impitoyable, parce que maintenant, toute trace de vie a disparu. Je suis fasciné par les destructions d’immeubles qui laissent à découvert les traces des papiers peints sur les murs, l’emplacement d’un cadre, des signes qui représentent toute une vie. Les endroits vides. L’absence d’un être disparu, son silence, causent une douleur sans fin, plus que sa mort elle-même. Je trouvais important aussi de faire toucher cette idée folle qu’un jour, un certain Hitler en Allemagne a décidé que tous les petits fourreurs du monde le gênaient... Comment les humains ont pu arriver à accepter cette idée-là ? ■ Propos recueillis par Gaillac-Morgue
22.15 Le dernier navire Documentaire de Jean-Marc Moutout (France, 2000-52mn) Coproduction : ARTE France, TS Productions ARTE FRANCE Après cinq siècles d’activité, les Ateliers et Chantiers du Havre vont fermer dans l’indifférence générale. Jean-Marc Moutout a filmé ouvriers et responsables pendant la construction de leur dernier navire. Ils sont monteurs, soudeurs, contrôleurs… Beaucoup voyaient dans leur emploi une “bouée de sort i e ”. Mais comme dit l’un d’eux, “les bouées crèvent aussi”. Cert a i n s sont là depuis plus de vingt-cinq ans. Des familles entières ont travaillé ou travaillent e n c o re ici. La ferm e t u re prochaine les laisse désemparés. Même si les conditions de travail sont souvent dures et le salaire peu élevé, tous étaient prêts à re s t e r. Jean-Marc Moutout donne la parole à ces ouvriers ainsi qu’aux responsables des Ateliers et Chantiers du Havre. Les entretiens ry t h m e n t la construction d’un bateau – le dernier à ê t re mis à flot par les chantiers du Havre … Un monde disparaît Ce film propose une réflexion sur les mutations de notre société : la transformation du r a p p o rt au travail, l’absence de mobilisation, la résignation… Ces confidences d’hommes et de femmes de tous âges, sans excès ni pathos, font percevoir leur détresse. En toile de fond, l’achèvement du dernier bateau et sa sortie en mer. La vision du chantier (des Lilliputiens en salopette bleue s’acharnant sur un Gulliver d’acier) est saisissante. Quand le monstre dorloté rejoint la mer, la joie justifie enfin les peines. Même si elle se mêle d’amertume : la fin des travaux sonne le glas d’un monde. 23.20 La chemise du serviteur (Naukar ki Kameez) Film de Mani Kaul (Inde, 1997-1h42mn) - VOSTF Scénario : Vinod Kumar Shukla, Mani Kaul Avec : Pankaj Sudhir Mishra (Santu), Anu Joseph (Bade Babu), Om Praksh Dwivedi (Bahu) Photographie : K. U. Mahanan Musique : Pushparaj Koshti Production : Miryam van Lier ZDF Grand format Cinéma “Mon chef est venu et m’a dit : ‘Bon, ben… Tu arrêtes tout, tu prépares ta caisse, parce que ce soir tu t’en vas.’ Ça tombe comme un couperet.” (Un ouvrier intérimaire) Prix Netpac du meilleur film asiatique au Festival de Rotterdam 1999 Inédit en France À la suite d’une méprise, un fonctionnaire des impôts se retrouve domestique… Mani Kaul porte un regard ironique sur les expériences socialistes menées en Inde dans les années 70. À découvrir. P rovince du Madhya Pradesh, dans les années 70. Santu est employé par les services fiscaux de sa ville pour confisquer les marchandises de contre b a nde. Sa femme est aide cuis i n i è re chez le médecin local, qui est aussi le propriétaire de leur petite maison. Un jour, le supérieur h i é r a rchique de Santu lui demande de conduire un jeune homme chez le notable du village. Afin d ’ ê t re plus présentable, le f o n c t i o n n a i re doit revêtir la chemise d’un des serv iteurs. Celle-ci lui va comme un gant. Santu fait à tel point illusion qu’il se re t rouve contraint de rester au service du sahib... India 70 Mani Kaul est cinéaste, mais aussi peintre et musicien. La plupart de ses films font la part belle à la musique et à l’univers esthétique de l’Inde. La Chemise du serviteur est l’adaptation du roman éponyme de Vi n o d Kumar Shukla. Le réalisateur porte un re g a rd ironique sur la corruption, la manipulation et l’indiff é rence des milieux gouv e rnementaux et des dirigeants économiques. Une vision tragi-comique des classes moyennes qui luttent au quotidien pour leur survie. Bahu (Om Praksh Dwivedi) et Santu (Pankaj Sudhir Mishra) réparent le toit de la hutte.
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