Éric Barrielle, Ben, Denis Castellas - FRAC Provence-Alpes-Côte d ...
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[ COMMUNIQUÉ DE PRESSE ]<br />
Fonds régional d’art contemporain <strong>Provence</strong>-<strong>Alpes</strong>-<strong>Côte</strong> d’Azur<br />
Présences contemporaines 2<br />
<strong>Éric</strong> <strong>Barrielle</strong>, <strong>Ben</strong>, <strong>Denis</strong> <strong>Castellas</strong>, Leonardo Cremonini, Marie Ducaté,<br />
Gérard Eppelé, Michel Haas, Guy Ibanez, Art Keller, Joël Kermarrec, Piotr<br />
klemensiewicz, Jean Le Gac, François Martin, Jacques Monory, Marc Pataut,<br />
Yvan Salomone, Antonio Segui, Gérard Titus-Carmel, Solange Triger<br />
Œuvres de la collection du Frac <strong>Provence</strong>-<strong>Alpes</strong>-<strong>Côte</strong> d’Azur<br />
à la Bibliothèque universitaire de Nice<br />
du 28 août 2006 au 29 juin 2007<br />
Pour la deuxième année consécutive, ce partenariat avec la Bibliothèque universitaire de Nice permet aux<br />
étudiants et aux enseignants ainsi qu’à tous les visiteurs d’appréhender une large sélection d’œuvres de la<br />
collection du Frac durant toute l’année universitaire dans les espaces de travail et de consultation. Présences<br />
contemporaines regroupe une vingtaine d’artistes dont les œuvres construisent un parcours qui illustre le<br />
contexte pluriel de l'art au travers de la photographie, de la peinture et du dessin. Ici, la fréquentation de l'art<br />
d'aujourd'hui comme système de représentation du monde se fait au quotidien, face au flot d'informations et<br />
d'images que déversent tous les médias à l'heure de la communication mondialisée Les sujets de prédilection<br />
des œuvres – quelquefois difficile à saisir sans préparation – s’articulent autour des territoires de l’imaginaire<br />
et des décors de notre vie quotidienne. Ce partenariat rejoint la principale mission du Frac, diffuser et<br />
promouvoir une collection autonome auprès d'un large public, ceci afin de contribuer à la compréhension des<br />
problématiques qui traversent notre époque. Ces œuvres invitent à entrer dans des mondes ni tout à fait<br />
étrangers ni tout à fait familiers. Les techniques étant des plus traditionnelles, c’est le jeu de leurs<br />
confrontations qui nous amène à observer et à comprendre les différentes démarches. Ainsi, cette rencontre<br />
invite à aiguiser les regards en les nourrissant de sens nouveaux.<br />
<strong>Éric</strong> <strong>Barrielle</strong> Caneb layette, 1983, Liquidation stock dame, 1983<br />
Né en 1950 à Nîmes. Vit et travaille à Marseille.<br />
Dans la quête d’une émotion ressentie dans des lieux qui parlent de modernité, <strong>Éric</strong> Barielle se consacre<br />
depuis plus de vingt ans à la photographie. Les nouveaux territoires de notre imaginaire et les décors de notre<br />
vie quotidienne sont ses sujets de prédilection. Souterrains de métro, parkings, centres commerciaux, halls de<br />
gare nous sont confiés selon lui, comme des « Ambiances, états d’âme, impressions fugitives de choses vues<br />
en pensant à autre chose, aperçues du coin de l’œil en regardant ailleurs, ou lorsque désœuvré et<br />
s’abandonnant à la vacuité du regard, on voit enfin les choses. Ces photographies ne sont que des tremplins<br />
pour l’imaginaire, des marches sur lesquelles trébuche l’intellect qui s’enlise, laissant libre le champ à<br />
l’imagination vagabonde. Nous cessons notre dialogue intérieur et s’abolit la frontière entre les choses et<br />
nous, nous sommes dans les choses et elles sont en nous.» Figurations de la fugacité de l’instant, Caneb<br />
layette et Liquidation stock dame, par un jeu de flou et un cadrage resserré, rendent les personnages plus<br />
qu’anonymes. Ils deviennent de véritables motifs de compositions colorées, qui fusionnent avec leur<br />
environnement, lieux de la modernité, et participent ainsi à la portée symbolique de l’image photographique.<br />
<strong>Ben</strong> C’est la vie, 1984<br />
Né en 1935 à Naples. Vit et travaille à Nice.<br />
Promoteur de l’art d’attitude, c’est par son intermédiaire que l’esprit Fluxus pénètre et perdure en France. <strong>Ben</strong><br />
ne se contente pas de produire des œuvres, il fournit aussi la matière des débats. Étant un artiste au sens<br />
fort, un artiste inquiet, il a pour principe de s’affronter au monde. Son œuvre, considérée comme la théorie<br />
globale d’une production de différence, nous montre que pour lui l’histoire n’est rien d’autre que celle des<br />
différences successives. Le principe fondateur de sa démarche est de « dire la vérité. » Ses propositions se<br />
concrétisent en objets, actions, installations, concerts et publications. Trouble-fête d’un monde qu’il incarne et<br />
dénie à la fois, passeur et témoin à l’affût du nouveau, c’est l’écriture qui, comme un commentaire sans fin,
elie ses multiples faits et gestes. En effet, il opte pour une graphie enfantine : une écriture large, ronde, avec<br />
des ronds sur les i. Dans C’est la vie, <strong>Ben</strong> se met au tableau et par des petites phrases courtes ainsi que par<br />
un contenu apparemment naïf, il tente de nous expliquer le monde. Proclamant une fois encore que le « sens<br />
de la vie c’est la diversification », il nous confirme son intérêt pour la condition humaine, sa grandeur et sa<br />
petitesse, sa misère et sa gloire.<br />
<strong>Denis</strong> <strong>Castellas</strong> Sans titre, 1998<br />
Né en 1959 à Marseille. Vit et travaille à Nice .<br />
Appartenant à une génération française qui se situe entre Supports-Surfaces et la Nouvelle Figuration des<br />
années 80, <strong>Denis</strong> <strong>Castellas</strong> développe un travail aux multiples facettes où se côtoient peintures, dessins,<br />
collages et assemblages de matériaux divers. Ses œuvres, issues d’un processus créatif lent et compliqué,<br />
ont pour enjeu de retrouver l’innocence. Chaque tableau est un survivant : faut-il qu’il soit innocent pour<br />
survivre. Le point de départ est souvent une photo. Au fur et à mesure que le travail avance, il la recouvre, lui<br />
ôte ses détails jusqu'à ce qu'il n'en reste plus rien, en tout cas en apparence. Il se pourrait fort bien que la<br />
peinture continue à entretenir des rapports avec l'image dont elle a pris la place, des rapports qui ne seraient<br />
plus de ressemblance visuelle, mais de connivence dans l'expression. <strong>Denis</strong> <strong>Castellas</strong> superpose des<br />
images-écrans puisées dans la culture ambiante. C'est dans l'intention de nous proposer une peinture<br />
presque figurative et différentes variétés d’écritures qu'il pratique ce médium, même si son procédé n'en est<br />
pas moins une volonté de détruire l'image afin d'obtenir de nouvelles formes.<br />
Leonardo Cremonini Les entraves entrouvertes, 1980-1982<br />
Né en1925 à Bologne. Vit et travaille à Paris.<br />
Peintre appartenant à la Figuration Narrative, Leonardo Cremonini dérange nos habitudes. Il exerce sa liberté,<br />
sa lucidité et son esprit critique au cœur même de l’utilisation des images. Séduisante par sa maîtrise<br />
technique, sa peinture nous trouble par sa tonalité spirituelle et onirique. De nombreux écrivains et<br />
philosophes s’intéressent à ses toiles car elles ne sont pas seulement picturales mais aussi littéraires et<br />
philosophiques. Sous l’angle du « voyeurisme », l’artiste s’obstine à chercher le visage de l’homme. Un<br />
homme qu’il place au centre de sa peinture et comme dans la vie sociale, véritable point de rencontre de<br />
toutes les contradictions vitales contemporaines. Ses tableaux racontent et organisent des intrigues ambiguës<br />
et sous-entendent une série de raisonnements sur le rôle du sujet, du regard, du désir et de la volupté.<br />
Les bambins, embryons macrocéphales, qui apparaissent dans Les entraves entrouvertes nous fixent d’un<br />
œil vide. Certains ont les yeux bandés rien ne se passe ici entre les êtres, ni regard, ni parole. Des châssis,<br />
possibles cadres de miroir brisé, permettent une ouverture du regard. « Représenter un miroir, une fenêtre ou<br />
un tableau à l’intérieur de mon tableau permet aussi de donner à la surface de ma toile le rôle ambigu du<br />
doute, comme la crise d’une iconographie. » Ici, le temps est congelé, le silence absolu sans recours. C’est le<br />
vertige, face à une familiarité estivale soudain devenue étrangère et menaçante.<br />
Marie Ducaté Nu dans un cercle, 1983<br />
Née en 1954 à Lille. Vit et travaille à Marseille.<br />
Collectionneuse et exploratrice, créatrice polymorphe, Marie Ducaté accumule et juxtapose les genres aussi<br />
bien que les médiums. Elle travaille de manière distanciée divers registres d’expressions tels que la peinture,<br />
la céramique, le design, le verre. Ses toiles sont de véritables supermarchés de l’histoire de l’art dans<br />
lesquelles les références culturelles déjà conditionnées en objets de consommation (et de décoration) sont là,<br />
à profusion, à disposition pour une reconnaissance et une lecture immédiates. Pour l’artiste, la peinture et la<br />
sculpture doivent se nourrir réciproquement, d’où la juxtaposition de genres qui nie les hiérarchies et présente<br />
tout sur le même plan. « Je voudrais créer un territoire de signes qui existent par leur réunion, ouvrant une<br />
porte sur un petit pays. ».<br />
Ouvrant une fenêtre sur les corps, Nu dans le cercle met en scène l’homme lui-même comme objet de désir<br />
et de plaisir. Cette peinture circulaire est présentée dans un cadre au format carré, très présent, constitué de<br />
jouets en plastique collés, il contraste fortement avec la peinture par sa matière et par sa forme. Il nous fait<br />
entrer de plein pied dans le travail de Marie Ducaté lié à un imaginaire collectif, chargé de références<br />
évidentes à l’histoire de la peinture, très coloré et parfois à la limite du kitsch. Cette peinture de citation se<br />
réfère à de grands mythes, traitant du corps, de la sensualité, des saisons… Réalisant une poésie festive,<br />
l’artiste nous entraîne dans un univers de rêve et de liberté constitué de plaisirs charnels, de fêtes et<br />
d’enchantements.<br />
2
Gérard Eppelé La dérive n°11, 1983<br />
Né en 1929 à Cherbourg. Vit et travaille à Arles.<br />
Dans une quête émotionnelle du vécu, Gérard Eppelé s’engage dans l’exploration du monde et des<br />
sentiments. Sensible à la spiritualité de l’art africain, il met en place des représentations qui sont le reflet d’un<br />
questionnement perpétuel concernant la société et la condition humaine. Elles racontent ses doutes, ses<br />
tourments. « Ma peinture est la trace d’un vécu instinctif et cette foule aberrante me sert d’alibi à ma propre<br />
certitude. » C’est pourquoi l’expérience de la douleur lui est indispensable. Ses supports deviennent le lieu<br />
d’inscription de cette souffrance. Il agit par thème, par communauté d’idées : « à chaque fois je raconte ma<br />
propre histoire et j’essaie de comprendre celle des autres.».<br />
En perpétuel mouvement, les personnages intemporels de La dérive n°11, étranges prophètes chevelus,<br />
courent, fuient nous proposant le constat de notre indigence mais aussi le confort d’une dignité. Compagnons<br />
de quarante années de vie de l’artiste – lui-même décrit comme « mortel en défaut d’éternité » – ils nous<br />
restituent leurs témoignages comme un portait psychologique de notre société. On ne peut donc qu’aller à<br />
leur rencontre, comme une expérience de la conscience et du regard.<br />
Michel Haas La suppliciée, vers 1980<br />
Né en 1934 à Paris. Vit et travaille à Paris.<br />
Michel Haas utilise des procédés simples comme l’eau, le fusain, le crayon, l’encre ou la colle pour travailler<br />
(voire attaquer) le papier comme un espace pour faire apparaître des formes abstraites, ou figuratives. Il<br />
malaxe, triture et mélange ces matériaux selon une technique contre-nature qui les coagule et les solidifie. De<br />
cette matière brute et chaleureuse devenu support dur et rugueux, apparaissent des figures, des silhouettes<br />
qui semblent flotter et danser comme en apesanteur. Ces formes schématisées, voire tronquées – ici , les<br />
personnages sont coupés à la hauteur du cou et à mi-mollets – évoquent des scènes archétypales ou des<br />
espaces narratifs qu’explicitent clairement les titres. Une image apparaît pour « activer l’espace, comme la<br />
chute d’une pierre manifeste la profondeur d’un puits » (Pierre Scheider.cat exposition à la Galerie Noëlla<br />
Gest .1981). II nous fait parvenir des figures, des silhouettes qui semblent flotter et danser comme en<br />
apesanteur. Venant d’ailleurs, ces figures schématisées, emblématiques s’exhibent comme des personnages<br />
d’un temps vécu.<br />
Guy Ibanez Le voyage des Cigognes, avril 1988<br />
Né en 1951 à Casablanca. Vit et travaille à Marseille.<br />
Dans sa recherche pour établir un dialogue entre le réel et l’imaginaire, Guy Ibanez créé un univers qui nous<br />
est familier. Son défi : que la couleur, la matière et même le style puissent montrer encore et toujours une<br />
réalité picturale comme vraie réalité. Dans ses toiles, transparaît une quête de sens qui ouvre sur des<br />
précipices mais qui laisse néanmoins entrevoir un sol où il sera possible de se poser, même si celui-ci, nous<br />
le vérifions, chaque jour, n’en finit pas de se dérober. Et c’est peut-être pour cela que ses toiles sont aussi des<br />
lieux de confrontation dans lesquels l’artiste articule un travail de recouvrements et de transparences pour<br />
donner à voir l’histoire du tableau en train de se faire. À travers les doutes, les repentirs, Guy Ibanez prend<br />
possession de l’espace avec une pugnacité qui ne dément ni la vigueur ni l’assurance avec lesquelles le<br />
dessin organise la surface, empiète sur la couleur, comme pour mieux l’ébranler. À l’origine du voyage des<br />
Cigognes, une inquiétude : l’investigation du sensible, formes ébauchées ou décantées, couleurs accidentées<br />
et par là même, maintenues « vivantes », n’ est ce pas une origine qui est ici appréhendée ? Le travail dans<br />
cette peinture est d’accéder à cette somptuosité qui est sa raison d’être et dont, en définitive, la forme tire sa<br />
signifiance.<br />
Art Keller Mise à vue, 1995, Composante essentielle, 1995<br />
Collection Yoon Ja & Paul Devautour<br />
Si des personnages fictifs peuvent tenir des propos qui nous font réfléchir, pourquoi des artistes fictifs ne le<br />
pourraient-ils pas ? Faire de l’art sans en faire c’est la quête des opérateurs d’art Yoon Ja & Paul Devautour.<br />
Pour eux, l’art est comme un jeu dont le but est d’assurer le contrôle de la définition de règles. Diversité,<br />
abondance et imagination caractérisent leur collection, placée sous le double signe de réel et de la fiction. Art<br />
Keller est un des artistes de cette collection et en témoigne. Dans Mise à vue et Composante essentielle,<br />
l’artiste en connaissance des pouvoirs des mots, fait du discours sur l’art la matière même de son travail.<br />
Comme d’autres artistes recyclent les déchets, Art keller recycle les citations extraites de revues d’art et<br />
renverse d’un coup toute une économie de légitimation. Dans ses œuvres, le discours sur le travail et la place<br />
3
de l’artiste est directement appréhendé et l’on peut se demander si ce sont les textes qui illustrent les images<br />
ou vice-versa ? Décontextualisation, détournement : des scènes d’actions qui restent énigmatiques flirtent<br />
avec l’immobilité des dialogues abstraits. Signifiant et signifié, théorie et pratique, idéologie et réalité sont<br />
totalement dissociés. Pourtant rien n’empêche le spectateur d’essayer de lier l’humour des images et le<br />
sérieux des textes.<br />
Joël Kermarrec Lug et Neg, 1982<br />
Né en 1939 à Ostende (Bélgique). Vit et travaille à Paris.<br />
La pratique de Joël Kermarrec se caractérise par la diversité de techniques abordées – dessin, peinture,<br />
collage, installations – sous-tendue par un fil tenu mais puissant, celui de la couleur. Très tôt il conduit sa<br />
démarche picturale sur un registre qui fait appel aux sens et à l’imaginaire. Il vit le dessin comme une activité<br />
contradictoire entre conscience et inconscience. Des entrevues, des jeux d’apparitions-disparitions nous<br />
amènent à une métaphysique de l’illusion. Partant toujours d’éléments pris au monde sensible (figures<br />
humaines, objets et animaux) il gomme toute signification lisible et ne conserve que quelques traces. Peintre<br />
complexe, à l’intelligence et la culture brillantes, il nous offre Lug et Neg sur le mode du fragment. Cette<br />
peinture témoigne sa fascination pour les déplacements du lapin, ses zigzags et détours le fascinent. Il veut<br />
tenir un discours qui divague autant que la course des lapins, ces êtres erratiques, qui errent dit Kermarrec<br />
« entre la nuit et le jour, entre le non-savoir et le savoir entre le jeu et le sérieux ». Aimant les jeux des mots,<br />
l’artiste nous raconte que si l’on enlève les deux lettres g, le mot Lune se lit sur le diptyque. Autour de ces<br />
dessins Joël Kermarrec parle, préférant les hypothèses.<br />
Piotr Klemensiewicz Une guerre et une histoire sans parole, 1983<br />
Né en 1956 à Marseille où il vit et travaille.<br />
Coloriste fulgurant et talentueux, Piotr Klemensiewicz appartient à une génération d’artistes français qui, s’ils<br />
n’appartiennent pas à des écoles ou à un groupe, poursuivent par de multiples voies un travail qui abolit le<br />
vieil antagonisme entre abstraction et figuration. Son véritable projet est de proposer un langage s’adressant<br />
directement aux sens qui associe la libre rigueur de l’abstraction et la liberté de la représentation. Piotr<br />
Klemensiewicz choisit des compositions simples : une maison qui flotte, un damier qui tourne. Un vocabulaire<br />
de formes élémentaires que l’artiste utilise sans cesse et que l'on identifie toujours, mais qui revient de<br />
manière différente, nous plaçant dans un doute définitif quant à savoir ce qu’est le monde réel. Ses maisons<br />
sont soumises à des effets d’éclairage lunaire et suggèrent une ambivalence entre espace intérieur et<br />
extérieur. Sans portes ni fenêtres, ces constructions métaphoriques, ouvertes sur la peinture et pourtant<br />
closes sur elles-mêmes, ont l’harmonie troublante et bousculée d’un rêve dont on s’éveille à peine et dont les<br />
fragments vous quittent l’un après l’autre, aspirés par leur terre d’origine.<br />
Une guerre est une histoire sans parole, nous plonge dans cette énigme que peut être le tableau. Dans une<br />
perspective vacillante, sillonnée par les lignes géométriques d’un damier, se crée un espace abstrait,<br />
poétique, à la fois onirique et mystérieux… « la construction d’un monde qui se poursuivrait à l’infini ».<br />
Baignées par un halo de lumière, comme en apesanteur, les figures semblent défier les lois de la physique, la<br />
maison se fait alors métaphore d’une intimité secrète, d’un espace intangible qu’il faudrait percer.<br />
Jean Le Gac Le délassement du peintre français (avec Florent Max), 1983<br />
Né en 1936 à Tamaris (près d’Alès).Vit et travaille à Paris<br />
Jean Le Gac se livre à un long travail de représentation du peintre et nous propose – au travers d’une<br />
représentation classique de la peinture : photos et textes eux-mêmes photographiés – le récit des faits et<br />
gestes d’un peintre anonyme. L’œuvre qu’il poursuit se confond donc intimement avec le matériel narratif qui<br />
la constitue. L’artiste projette ses problèmes, ses doutes et ses humeurs sur son double, à la troisième<br />
personne, en spectateur de la scène. Sa figure disparaît alors progressivement au profit de différents<br />
personnages. Le peintre est partout et nulle part. Cette absence n’organise pas seulement la scène, elle<br />
définit le tableau lui-même devenu tout entier signe de l’absence.<br />
Devenant l’objet d’une enquête permanente dans laquelle alternent parodies du discours ethnographique et<br />
nouvelles à suspens, Le délassement du peintre français, soulève la question de la propriété artistique.<br />
L’artiste reproduit avec les techniques traditionnelles (pastel, fusain, photo et texte) des illustrations<br />
empruntées à la littérature populaire qui permettent à son personnage de vivre de nouvelles aventures, toutes<br />
également stéréotypées. Évocateur d’une fiction qui n’en finit pas de mettre en abyme ses procédés, cet<br />
assemblage de textes et d’images devient garant de récits infinis pour le spectateur.<br />
4
François Martin, Les petits oiseaux méchants,1995<br />
Né en 1945 à Paris. Vit et travaille à Paris<br />
Inquiet et en quête de sa propre peinture François Martin construit des collages fragiles, des associations de<br />
formes et de sujets peints à la hâte. D’une main distraite, rageuse ou épuisée, tout son catalogue d’images<br />
est représenté sur fond de tâches, de coulures, de ratures et de graffitis variés. L’œuvre de cet artiste est<br />
profondément étrangère à la mythologie comme horizon originaire ou récit indépassable. Rien n’est plus<br />
absent de son sentiment des choses que le ressentiment héroïque, il se tient dans l’insistance infime du<br />
présent multiple. Ces œuvres retournent toute perspective entropique, sans destin ni destination ; elles se<br />
souviennent du chaos comme de ce qui advient et dansent comme au premier jour sur la boucle insensée<br />
d’un monde épars. C’est leur triomphe de s’ouvrir à l’ordre improbable du ténu, du divers, de l’instable, pour<br />
lui c’est « ce champ fragile où il s’agit de tenter l’organisation du disparate au plus loin possible du précaire. »<br />
Amateur de fragments, il accumule tous les savoirs, pratique cette notion de "hasard élaboré" et fait naître<br />
l'obligation ou l'urgence de l'image.<br />
Jacques Monory Fragile n°12, 1989<br />
Né en 1934 à Paris. Vit et travaille à Cachan (Val-de-Marne).<br />
Dès 1962 Jacques Monory se rebelle contre l’abstraction et se rapproche des artistes de la Figuration<br />
Narrative jusqu’à devenir une des figures essentielles de cette scène picturale. Peintre avant tout, il réalise<br />
aussi des films et a écrit plusieurs livres. Jacques Monory aborde la description de la société moderne, avec<br />
ses faits-divers, ses événements, ses images médiatiques, et construit un univers très particulier jouant de<br />
ses obsessions, des stéréotypes et des clichés. Ses tableaux sont de véritables mises en scène – chaos,<br />
catastrophes, violences – qui se découvrent au travers d’écrans bleuâtres. En effet, l’artiste utilise la<br />
monochromie bleue pour renforcer le sentiment de déréalisation qu’on éprouve face aux images d’un<br />
quotidien transformé en désastre. Fragile fait partie de la série du même nom peinte de 1985 à 1990 et dont<br />
le sujet est la fragilité des images, des choses, de l’histoire. La précision quasi chirurgicale augmente la<br />
contradiction entre l’impression de réalité photographique et le climat « d’onirisme actif » qui nous sont<br />
proposés. Ambiguïté perpétuelle entre le vécu, le rêve, le cauchemar, le rêve éveillé, le cinéma mental, le<br />
souvenir tel est une fois encore l’un des thèmes de Jacques Monory qui cite volontiers ces vers d’Edgard<br />
Poe : « Car tout ce que nous voyons ou sentons est un rêve à l’intérieur d’un rêve. »<br />
Marc Pataut Portrait de Yannick Venot, Compagnon d’Emmaüs, Scheerwiller, 1993, janvier 1995<br />
Né en 1952 à Paris. Vit et travaille à Aubervilliers.<br />
Photographe et vidéaste, Marc Pataut est sensible aux problèmes politiques et de société. Il crée en 1991 le<br />
collectif « Ne pas plier » avec le graphiste Gérard Paris-Clavel pour développer et diffuser « des images<br />
d’urgences » sociales et politiques. Son travail dépasse délibérément le cadre d’une pratique photographique<br />
pour s’engager dans le social avec tous les supports de la communication. Il met ainsi les arts graphiques au<br />
service de luttes collectives et de pratiques d’éducation populaire, ses expériences le rapprochent des<br />
minorités et des exclus, enfants psychotiques, délinquants, immigrés... Le corps, sa présence, ses traces et<br />
ses souffrances sont ses sujets de prédilection.<br />
La série réalisée pour les Compagnons d’Emmaüs dont ce polyptyque fait partie répond à la question de<br />
comment photographier une communauté qui n’existe que dans la relation à l’autre. L’idée de communauté<br />
n’est ici, pas construite comme une unité figée, mais bien comme un ensemble de relations en constante<br />
évolution et auxquelles la lente recherche photographique veut participer : « je vais marquer à la craie au sol<br />
la position de chacun afin que le suivant puisse se placer dans ce groupe virtuel, un groupe qui n’existera que<br />
dans la mémoire, dans le travail que chacun devra faire pour le constituer »<br />
Yvan Salomone Sans titre, 2.03, 1995, Sans titre, 4.06, 1995<br />
Né en 1957 à Saint-Malo où il vit et travaille.<br />
Après avoir réalisé pendant presque deux ans des panoramas, Yvan Salomone adopte un programme<br />
systématique qui repose sur la figure du détective accumulant les indices (preuves). À partir de repérages<br />
photographiques, qu’il nomme « petits exemplaires », il réalise une aquarelle par semaine, toutes de mêmes<br />
dimensions. Le choix de cette technique, très liquide et transparente, exprime sa volonté de ne pas réaliser<br />
5
des images qui soient des reportages ou des idéalisations forcées des lieux. Ces espaces portuaires sont<br />
pour lui « des lieux, des bricolage en marge de cités fortement architecturées et nettoyées, des lieux clos qui<br />
s’arrangent des moyens de bords ». Le peintre ne donne pas de titre à ses œuvres : il précise la date de<br />
réalisation, ce qui les ancre dans la réalité. Sans titre, 2.03, 1995, Sans titre, 4.06, 1995 exhibent des traces<br />
qui permettent de repérer une activité sociale dont l’économie et la production sont les maîtres mots, et où en<br />
même temps l’absence de toute présence humaine détache ces lieux contemporains de leur caractère<br />
fonctionnel. C’est avant tout à la composition plastique de ses tableaux que l'artiste s’attache. Ces sujets<br />
éminemment modernes rencontrent ici la technique classique de l’aquarelle. Ainsi, le choix de la représenter<br />
de matériaux bruts (espaces portuaires, béton, acier…) se confronte à la légèreté et la grâce que requière<br />
l’aquarelle donnant ainsi toute la singularité à ces compositions. Assortie de contraintes singulières l’aquarelle<br />
donne au motif traité une indéniable délicatesse qui nous entraîne fort loin, dans une pratique à la fois ludique<br />
et tendue de la peinture.<br />
Antonio Segui Le moulin rouge, 1981<br />
Né en 1934 en Argentine. Vit et travaille à Paris.<br />
Déclinant la thématique de l’espace urbain, Antonio Segui propose une vision allégorique de la société<br />
moderne. Cet univers surréaliste où la condition humaine est traitée avec dérision est renforcé par la naïveté<br />
de la touche picturale, la délimitation des contours et les aplats de couleur. Au-delà des tendances artistiques<br />
actuelles, la peinture d’Antonio Segui raconte avec une candeur barbare le dérisoire de la vie. Mettant en<br />
scène l’absurde, ses œuvres naissent du plaisir de peindre et de raconter des histoires ambiguës, incertaines.<br />
Ses pièces relèvent d’une mythologie iconographique et littéraire personnelle. En décrivant un univers urbain<br />
incohérent, infatigablement arpenté par des personnages qui se hâtent sans but, chaque tableau invite au<br />
décryptage de petits récits tragi-comiques. Dans ses peintures, les villes ne sont pas le lieu de masses<br />
anonymes, mais le domaine de l’individu. Ainsi, de petits bonhommes moustachus, vêtus d’un costume et<br />
coiffés d’un chapeau, se présentent en quête de chimère individuelle. Dans le Moulin rouge, le sujet semble à<br />
la fois traditionnel et spectaculaire, il devient une façon de manipuler le temps. Deux personnages<br />
moustachus, emblématiques du travail apparaissent comme le double de l’artiste et rôdent comme des<br />
fantômes dans une représentation qui bien qu’approximative semble avant tout symbolique. Ce tableau fait<br />
partie d’une série sur un parcours touristique au travers des monuments de Paris. Il se situe entre le réel et<br />
l’imaginaire, le fantasme et l’anecdotique, le souvenir intime et les lieux communs. C’est le récit humoristique<br />
d’une réalité domestique, plutôt familière qui se dévoile peu a peu et donne au spectateur l’opportunité de<br />
récréer sa propre histoire.<br />
Solange Triger Tournesol, 1998, Tournesol, 1998, Tournesol, 1998<br />
Née à 1958 à Safi (Maroc). Vit et Travaille à Toulon.<br />
Les recouvrements et superpositions de peinture que Solange Triger opère provoquent un effet dramatique et<br />
donnent au spectateur l'illusion de motifs qui se transforment sans cesse. Rien n'est net ou clairement<br />
reconnaissable et cela donne à ses toiles une force et une profondeur pénétrantes. Avec la série des<br />
Tournesols, elle mène une réflexion sur l'influence de la lumière, du temps et de l'espace sur l'éphémère. La<br />
lumière ravive et détruit, éclaircit et intensifie, diffuse et focalise, elle est le transformateur qui bascule d'une<br />
réalité à l'autre. La fleur est traitée frontalement et sa forme ronde occupe presque tout l’espace du tableau.<br />
Le cœur de la fleur très foncé concentre la tension et l’équilibre du regard. La superposition de multiples<br />
couches picturales de jaune donne la mesure entre apparition et disparition. Le jaune, par la diffusion de sa<br />
lumière hors de la toile devient flou, comme un halo. « Ma peinture est là aussi, dans un espace mouvant à la<br />
lumière du flou et du net, de l’attraction et de la répulsion. Comme « une ombre au tableau », je pose en<br />
dernier lieu le cœur de la fleur, le centre obscur de la lumière, la tâche. Peindre est archaïque. C’est un<br />
décalage total avec la société d’aujourd’hui. C’est ce décalage qui me pousse à peindre encore."<br />
Gérard Titus-Carmel, Caparaçon II, 1981<br />
Né en 1942 à Paris. Vit et travaille à Oulchy-le-Château<br />
L'œuvre picturale de Gérard Titus-Carmel naît dans les années 70 : époque où l'art est remis en cause. Parmi<br />
les nombreuses questions qui agitent le monde de l'art, celles de la conception du dessin et du support<br />
émergent. Auparavant le dessin devait être réalisé selon des normes académiques précises. Dorénavant il<br />
servira à retranscrire une image mentale. Ces idéaux sont notamment repris par le mouvement Support-<br />
Surface dont l’artiste est proche. Ce courant artistique contestataire prône la notion d'autonomie de l'œuvre<br />
d'art par le dépassement de son format.<br />
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Dans le travail de Gérard Titus-Carmel, la notion de multiple constitue une base et permet la répétition d'un<br />
même motif sur la toile selon des règles établies. Par cela l'objet représenté devient abstrait : une simple<br />
forme géométrique dégagée de sa fonction première s'inscrivant comme une figure artistique. Cela se<br />
retrouve dans l'aquarelle intitulée Caparaçon II issue d’une série du même nom réalisée en 1981, qui<br />
représente une armure de cheval dépliée dont l'encolure est tournée vers le haut. Cette armure reste<br />
reconnaissable mais est transformée par un imaginaire précis. Le spectateur a l'impression de regarder la<br />
grande porte d'un temple ou encore un large rideau de scènes dont les plis sont traités aux antipodes du<br />
vérisme comme les barres qui scandent le fond. « Une liberté nouvelle dans l'usage d'une aquarelle plus<br />
fluide que jamais, et qui ne craint pas la couleur, des formes amples et rythmées travaillées sur un papier de<br />
grand format préalablement marouflé sur toile ». Jean Frémon<br />
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