Voir le document PDF - Association des optométristes du Québec
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Artic<strong>le</strong><br />
Mise en contexte<br />
La gestion clinique <strong>du</strong> jeune hypermétrope<br />
non strabique et non amblyope<br />
Par Docteure Caro<strong>le</strong> Melançon, optométriste<br />
L’hypermétropie chez <strong>le</strong>s enfants de 4 à 12 ans non<br />
strabique et non amblyope est souvent corrigée de façon<br />
très variab<strong>le</strong> selon <strong>le</strong>s différentes philosophies de<br />
pratique existantes. Il nous apparait que <strong>le</strong>s gui<strong>des</strong><br />
cliniques con<strong>du</strong>isant à ces philosophies sont incomp<strong>le</strong>ts<br />
d’une part, et ne reflètent pas l’ensemb<strong>le</strong> <strong>des</strong> problèmes<br />
avec <strong>le</strong>squels <strong>le</strong>s cliniciens sont aux prises quotidiennement<br />
d’autre part. En effet, peu d’entre eux tiennent compte<br />
<strong>du</strong> facteur de la vision fonctionnel<strong>le</strong>. Par ail<strong>le</strong>urs, <strong>le</strong>s<br />
recherches demeurent incomplètes relativement à<br />
l’impact de l’hypermétropie sur <strong>le</strong> développement <strong>des</strong><br />
habi<strong>le</strong>tés visuomotrices d’un enfant et sur ses habi<strong>le</strong>tés<br />
cognitives de même que sur <strong>le</strong> seuil critique de correction.<br />
Les lacunes sont éga<strong>le</strong>ment importantes relativement à<br />
l’interaction réciproque entre l’hypermétropie et <strong>le</strong>s<br />
différents syndromes affectant <strong>le</strong>s apprentissages<br />
scolaires tels que <strong>le</strong>s troub<strong>le</strong>s déficitaires de l’attention<br />
pour ne citer que celui-ci. Cela ne peut qu’entraîner <strong>des</strong><br />
dissensions au niveau <strong>des</strong> jugements cliniques portant<br />
sur l’importance relative d’un diagnostic d’hypermétropie.<br />
Nous pensons qu’en l’absence de tel<strong>le</strong>s recherches, <strong>le</strong><br />
principe de précaution devrait s’appliquer et l’auteur en<br />
a fait sa philosophie de pratique tant dans son approche<br />
diagnostique que thérapeutique.<br />
Mots clés : hypermétropie, accommodation, vergence,<br />
f<strong>le</strong>xibilité accommodative, enfant, difficultés scolaires,<br />
troub<strong>le</strong> déficitaire de l’attention.<br />
L’hypermétropie et <strong>le</strong>s philosophies de<br />
pratique<br />
Il existe peu de gui<strong>des</strong> de pratique clairs et comp<strong>le</strong>ts qui<br />
traitent de la gestion <strong>des</strong> cas d’hypermétropie. La majorité<br />
traite de la correction de l’hypermétropie é<strong>le</strong>vée, symétrique<br />
ou anisométrique pour <strong>le</strong>s enfants en très bas<br />
âge (0 à 3 ans) dans <strong>le</strong> but de prévenir <strong>le</strong> développement<br />
de « pathologies fonctionnel<strong>le</strong>s » tel<strong>le</strong>s que l’amblyopie<br />
ou l’apparition d’un strabisme. Ces notions sont particulièrement<br />
bien connues et <strong>document</strong>ées. Et malgré tout,<br />
il persiste une zone grise qui semb<strong>le</strong> reliée au processus<br />
physiologique d’emmétropisation. Faisant référence à<br />
une expérimentation de Smith et Hung effectuée en<br />
1997 sur <strong>des</strong> bébés singes 1 , dans laquel<strong>le</strong> une correction<br />
convexe semblait interférer avec l’emmétropisation et<br />
consolider la persistance d’une hypermétropie rési<strong>du</strong>el<strong>le</strong>,<br />
Mutti rapporte que <strong>le</strong>s cliniciens semb<strong>le</strong>nt résister au besoin<br />
parfois clairement estimé de corriger l’hypermétropie<br />
chez <strong>le</strong>s jeunes enfants. Pourtant toujours selon<br />
Mutti1, la plus grande partie <strong>du</strong> processus s’effectue pendant<br />
la première année de vie. Atkinson et ses collègues<br />
ont publié <strong>des</strong> textes abondant dans <strong>le</strong> même sens en<br />
2000 2 . Ainsi plusieurs questions demeurent. Parmi el<strong>le</strong>s,<br />
jusqu’où doit-on corriger l’hypermétropie sans affecter<br />
ce processus tout en diminuant <strong>le</strong>s risques amblyogéniques<br />
et <strong>le</strong>s risques moteurs liés au strabisme? En effet, il<br />
n’existe pas de niveau précis où chaque enfant hypermétrope<br />
développe de l’amblyopie ou <strong>du</strong> strabisme 3 . Ceci<br />
peut expliquer que, même dans <strong>le</strong>s gui<strong>des</strong> existants, il<br />
existe un manque notab<strong>le</strong> de consensus parmi <strong>le</strong>s différents<br />
intervenants <strong>du</strong> domaine oculo-visuel, et ces dissensions<br />
se reflètent dans la pratique même <strong>des</strong> cliniciens.<br />
Ainsi, une équipe de plusieurs <strong>optométristes</strong> de différentes<br />
éco<strong>le</strong>s américaines d’optométrie a mené une enquête<br />
sur <strong>le</strong>s différentes philosophies de pratique clinique entourant<br />
la correction de l’hypermétropie auprès d’<strong>optométristes</strong><br />
et d’ophtalmologistes ayant une pratique<br />
pédiatrique active 4 . Ils rapportent que pour une clientè<strong>le</strong><br />
âgée de deux ans, près de 65 % d’<strong>optométristes</strong> contre<br />
25 % d’ophtalmologistes considèrent prescrire à partir<br />
de +3,00D tandis que 25 % d’<strong>optométristes</strong> contre 66 %<br />
considèrent la correction à partir de +5,00D.<br />
De la même façon, il existe un grand écart dans <strong>le</strong>s<br />
philosophies de pratique concernant la correction de<br />
l’hypermétropie chez <strong>le</strong>s enfants d’âge verbal préscolaire<br />
et scolaire (4 à 12 ans) alors que <strong>le</strong> processus<br />
d’emmétropisation est pratiquement terminé. Dans <strong>le</strong><br />
cadre de cette même enquête4, <strong>le</strong>s auteurs rapportent<br />
que pour <strong>le</strong>s enfants de 4 ans, 67 % d’<strong>optométristes</strong><br />
contre 42 % d’ophtalmologistes prescrivent à partir de<br />
+3,00D alors que 9,5 % d’<strong>optométristes</strong> contre 54,4 %<br />
d’ophtalmologistes <strong>le</strong> considèrent aussi tardivement qu’à<br />
partir de +5,00D.<br />
Ces enquêtes et ces gui<strong>des</strong> témoignent aussi d’une<br />
confrontation entre <strong>le</strong>s approches cliniques scientifiques<br />
et fonctionnel<strong>le</strong>s. Les unes s’attardent à l’appréciation de<br />
l’amplitude de l’hypermétropie et de l’acuité visuel<strong>le</strong><br />
rési<strong>du</strong>el<strong>le</strong>… de loin…, <strong>le</strong>s autres à la présence de<br />
symptômes subjectifs d’asthénopie ou à <strong>des</strong> difficultés de<br />
la fonction binoculaire. Certains plus aventureux<br />
intègrent <strong>des</strong> notions moins « optométriques » de<br />
rendement scolaire pour se guider. La différence dans la<br />
décision thérapeutique, à mon avis, vient donc surtout<br />
<strong>des</strong> objectifs premiers de la correction.<br />
1. Éviter <strong>le</strong> strabisme et l’amblyopie.<br />
2. Corriger l’acuité visuel<strong>le</strong> déficiente.<br />
3. Rétablir <strong>le</strong>s capacités de la vision binoculaire<br />
et accommodative.<br />
4. Permettre une fonction visuel<strong>le</strong> efficace et confortab<strong>le</strong><br />
de façon soutenue.<br />
Plus on s’oriente vers l’énoncé 4, plus l’analyse <strong>du</strong> cas doit<br />
être complète et globa<strong>le</strong>.<br />
L’Optométriste - novembre/décembre 2011<br />
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L’Optométriste - novembre/décembre 2011<br />
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Tab<strong>le</strong>au 1 : Version tra<strong>du</strong>ite et adaptée <strong>des</strong> tab<strong>le</strong>aux de l’artic<strong>le</strong> de l’auteur Cotter 5<br />
Les gui<strong>des</strong> existants à l’heure actuel<strong>le</strong> considèrent<br />
généra<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s énoncés 1 et 2. Mais <strong>le</strong>s recherches sont<br />
encore bien incomplètes sur ces énoncés, et <strong>le</strong>s<br />
interrogations sont encore nombreuses concernant <strong>le</strong>s<br />
énoncés 3 et 4 et l’interrelation avec l’hypermétropie.<br />
À l’instar de l’auteure Leat 6 , on peut constater que de<br />
nombreuses recherches sont contradictoires et qu’il<br />
manque de connaissances au sujet <strong>du</strong> niveau<br />
d’hypermétropie pouvant provoquer <strong>des</strong> altérations <strong>des</strong><br />
fonctions accommodatives et de convergence. On en sait<br />
trop peu éga<strong>le</strong>ment à propos de l’impact de<br />
l’hypermétropie sur plusieurs aspects plus subtils de la<br />
fonction visuel<strong>le</strong> incluant <strong>le</strong> développement <strong>des</strong> habi<strong>le</strong>tés<br />
visuel<strong>le</strong>s et l’influence sur <strong>le</strong> développement cognitif<br />
d’un enfant 6 . Ainsi la correction de l’hypermétropie chez<br />
<strong>le</strong>s enfants d’âge verbal préscolaire et scolaire semb<strong>le</strong><br />
souvent in<strong>du</strong>ire un certain inconfort chez <strong>le</strong>s cliniciens,<br />
ou à tout <strong>le</strong> moins une incertitude. Comment prédire<br />
qu’un enfant sera plus ou moins immunisé à l’impact<br />
fonctionnel d’une hypermétropie, ou qu’il sera capab<strong>le</strong><br />
de compenser l’accommodation requise tout au long de<br />
ses activités?<br />
Cette problématique et ce manque d’harmonisation <strong>des</strong><br />
gui<strong>des</strong> de pratique justifient certes l’inconfort <strong>des</strong><br />
cliniciens à prescrire pour <strong>le</strong>s hypermétropies <strong>des</strong> enfants.<br />
Mais il existe aussi un discours qui tend à banaliser cette<br />
amétropie et semb<strong>le</strong> faire oublier <strong>le</strong>s impacts<br />
physiologiques et fonctionnels importants qui peuvent<br />
en décou<strong>le</strong>r. En 1912, Duane a conclu que l’amplitude de<br />
l’accommodation était é<strong>le</strong>vée à un jeune âge et cela<br />
semb<strong>le</strong> avoir influencé et immobilisé la réf<strong>le</strong>xion clinique<br />
relativement à l’amplitude accommodative pour de<br />
nombreuses années. C’est ainsi que, dans un artic<strong>le</strong> récent<br />
de l’année 2007, Sean P. Donahue, ophtalmologiste de
l’éco<strong>le</strong> de médecine de Nashvil<strong>le</strong> au Tennessee, exprime<br />
bien cet état de pensée très répan<strong>du</strong> chez l’ensemb<strong>le</strong> <strong>des</strong><br />
cliniciens :<br />
Typiquement, <strong>le</strong>s enfants en bonne santé<br />
possèdent <strong>du</strong>rant <strong>le</strong>ur première décennie de vie<br />
douze ou plus d’amplitude d’accommodation.<br />
En conséquence, même l’hypermétropie<br />
modérée (voir la classification en page 6) non<br />
corrigée ne dégrade pas l’acuité chez <strong>le</strong>s jeunes<br />
enfants. Ainsi il n’y a qu’un besoin minimal de<br />
corriger l’hypermétropie modérée, sauf quand<br />
el<strong>le</strong> est associée à un strabisme. 7<br />
Nous verrons plus loin que l’hypermétropie modérée fait<br />
référence à <strong>des</strong> seuils de 2,25 à 5,00D. Pourtant et<br />
heureusement, d’autres cliniciens, dont un<br />
ophtalmologiste par surcroît, sont interpelés par de<br />
nombreux symptômes ressentis en vision de près, reliés<br />
potentiel<strong>le</strong>ment à <strong>des</strong> problèmes accommodatifs et à <strong>des</strong><br />
diminutions de performance scolaire. En 2004, <strong>le</strong>s Suédois<br />
Stern, Gel<strong>le</strong>rstedt et Sjöström 8 constatent que <strong>le</strong> système<br />
accommodatif n’est pas examiné de façon systématique<br />
probab<strong>le</strong>ment en raison de l’hypothèse entourant<br />
l’amplitude d’accommodation <strong>des</strong> jeunes. Ils<br />
entreprennent une recherche sur <strong>le</strong>s amplitu<strong>des</strong><br />
d’accommodation monoculaire et binoculaire parmi un<br />
nombre important d’enfants de 6 à 10 ans. Les résultats<br />
de cette étude démontrent que l’amplitude<br />
d’accommodation est inférieure à l’amplitude atten<strong>du</strong>e<br />
pour <strong>le</strong>ur âge : <strong>le</strong>s amplitu<strong>des</strong> monoculaires révè<strong>le</strong>nt <strong>des</strong><br />
différences en moyenne de l’ordre de 3,50 à 3,60D et l’on<br />
ne peut présupposer hors de tout doute que <strong>le</strong>s<br />
amplitu<strong>des</strong> d’accommodation sont é<strong>le</strong>vées chez tous <strong>le</strong>s<br />
jeunes de 6 à 10 ans. Selon <strong>le</strong>s auteurs, <strong>le</strong>s résultats de<br />
cette étude signifient qu’il y a un besoin clinique de faire<br />
de l’examen de l’amplitude accommodative une partie<br />
intégrante de l’examen <strong>des</strong> yeux d’un enfant.<br />
Il n’est pas de notre intention, dans cet artic<strong>le</strong>, de décrire<br />
toutes <strong>le</strong>s philosophies entourant la correction ou la noncorrection<br />
de l’hypermétropie, ni de discuter <strong>des</strong> opinions<br />
<strong>des</strong> cliniciens, ni de confirmer ou de réfuter <strong>le</strong>s conclusions<br />
<strong>des</strong> recherches <strong>des</strong> uns et <strong>des</strong> autres. Mais considérant<br />
l’exemp<strong>le</strong> précédent relativement à l’amplitude<br />
d’accommodation et son importance dans l’évaluation<br />
clinique de l’hypermétropie, il nous paraît intéressant et<br />
uti<strong>le</strong> de sensibiliser <strong>le</strong>s cliniciens, en amont, à la recherche<br />
<strong>des</strong> signes potentiels de la présence d’une hypermétropie<br />
que nous jugeons cliniquement significative. En effet,<br />
outre <strong>le</strong>s gui<strong>des</strong> de pratique clinique, <strong>le</strong>s cliniciens doivent<br />
appliquer <strong>le</strong>ur jugement professionnel dans l’évaluation<br />
de la pertinence d’une correction.<br />
Cependant, dans <strong>le</strong> but d’appliquer avec assurance notre<br />
jugement professionnel, il est essentiel de diagnostiquer<br />
ces hypermétropies et de bien en connaître <strong>le</strong>s impacts<br />
physiologiques afin de ne négliger aucun <strong>des</strong> outils<br />
diagnostiques qui sont à notre portée.<br />
Classifications de l’hypermétropie<br />
Précisons d’abord quelques notions. Selon certains<br />
auteurs et suivant la classification de l’<strong>Association</strong><br />
américaine <strong>des</strong> <strong>optométristes</strong> 9 , on classifiera<br />
l’hypermétropie de différentes façons.<br />
On pourra la qualifier selon son amp<strong>le</strong>ur, de faib<strong>le</strong> à<br />
é<strong>le</strong>vée, selon la quantité dioptrique de l’amétropie<br />
mesurée en réfraction sous cycloplégie.<br />
• L’hypermétropie est considérée comme faib<strong>le</strong><br />
lorsqu’el<strong>le</strong> est de +2,00D ou moins.<br />
• L’hypermétropie modérée a un éventail de va<strong>le</strong>urs<br />
allant de +2,25 à +5,00D.<br />
• L’hypermétropie é<strong>le</strong>vée quant à el<strong>le</strong> sera supérieure à<br />
+5,00D.<br />
Afin de mieux refléter <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> de l’accommodation dans <strong>le</strong><br />
processus visuel, on considérera éga<strong>le</strong>ment <strong>le</strong>s résultats<br />
<strong>des</strong> réfractions cycloplégique et non cycloplégique.<br />
• L’hypermétropie manifeste est déterminée par la<br />
réfraction non cycloplégique, compensée ou non par<br />
l’accommodation.<br />
• L’hypermétropie latente est révélée par la réfraction<br />
sous cycloplégie et s’additionne à l’hypermétropie<br />
manifeste pour établir l’amp<strong>le</strong>ur de l’hypermétropie.<br />
Outre cette classification théorique, sur <strong>le</strong> plan clinique,<br />
on s’attardera à déterminer si l’hypermétropie est<br />
significative ou non. C’est ce qui nous amènera à établir<br />
la nécessité d’une correction visuel<strong>le</strong>. Il s’agit d’une<br />
classification qui se veut fonctionnel<strong>le</strong> et ne doit pas se<br />
limiter à l’appréciation brute <strong>du</strong> seul critère de l’acuité<br />
visuel<strong>le</strong>, et encore moins de la seu<strong>le</strong> acuité visuel<strong>le</strong> au<br />
loin. Le caractère significatif de l’amétropie est<br />
inextricab<strong>le</strong>ment lié à la notion de vision fonctionnel<strong>le</strong>,<br />
c’est-à-dire, à la façon dont une personne, comme un<br />
tout, est capab<strong>le</strong> d’utiliser sa vision pour effectuer<br />
quotidiennement <strong>des</strong> tâches qui sont dépendantes de sa<br />
vision, de façon efficace et confortab<strong>le</strong>, sans créer de<br />
gêne ou provoquer de symptômes, qu’ils soient physiques,<br />
physiologiques ou fonctionnels, autrement dit, liés à une<br />
éventuel<strong>le</strong> diminution de performance.<br />
L’Optométriste - novembre/décembre 2011<br />
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L’Optométriste - novembre/décembre 2011<br />
20<br />
Éléments cliniques à considérer<br />
Nous verrons l’ensemb<strong>le</strong> <strong>des</strong> éléments qui doivent attirer<br />
notre attention et être pris en compte, soit pour déce<strong>le</strong>r<br />
la présence d’une hypermétropie latente, soit pour aider<br />
à gérer une hypermétropie d’amp<strong>le</strong>ur faib<strong>le</strong> à modérée<br />
une fois qu’el<strong>le</strong> est diagnostiquée. Rappelons que nous<br />
nous attardons aux hypermétropies symétriques chez <strong>le</strong>s<br />
enfants de 4 à 12 ans et que nous excluons d’emblée<br />
l’ensemb<strong>le</strong> <strong>des</strong> cas impliquant une amblyopie ou un<br />
strabisme de même que <strong>le</strong>s hypermétropies asymétriques<br />
ou anisométriques qui sont de nature amblyogénique<br />
pour <strong>le</strong>squels <strong>le</strong>s gui<strong>des</strong> sont assez précis. Les éléments<br />
qui suivent ne sont pas présentés dans l’ordre habituel<br />
d’un examen visuel. En l’occurrence, ce sera <strong>le</strong> portrait<br />
global de l’enfant qui permettra de déterminer si une<br />
intervention serait souhaitab<strong>le</strong> et bénéfique.<br />
Questionner sur <strong>le</strong> rendement scolaire<br />
Questionner <strong>le</strong>s parents demeure toujours la base de tout<br />
examen clinique réussi. Les réponses nous amènent à<br />
poser <strong>des</strong> hypothèses diagnostiques qui nous permettent<br />
de figurer une stratégie de tests et de procéder à une<br />
cueil<strong>le</strong>tte de données pertinentes. En effet, au fur et à<br />
mesure que se dérou<strong>le</strong> l’histoire <strong>du</strong> cas, <strong>le</strong>s éléments se<br />
classent automatiquement dans notre tête selon <strong>le</strong> type<br />
de problème possib<strong>le</strong> : santé oculaire, acuité visuel<strong>le</strong>/<br />
problème de réfraction, efficacité visuel<strong>le</strong>/accommodation<br />
et vergences, motricités oculaires et traitement de<br />
l’information visuel<strong>le</strong>. En plus de la panoplie de questions<br />
bien connues <strong>des</strong> cliniciens quant aux symptômes<br />
d’asthénopie pouvant être reliés à l’hypermétropie, de<br />
santé généra<strong>le</strong> et oculaire personnel<strong>le</strong> et familia<strong>le</strong>, de la<br />
prise de médicaments, il nous apparaît essentiel de poser<br />
<strong>des</strong> questions complémentaires sur <strong>le</strong>s capacités<br />
d’apprentissage et sur <strong>le</strong>s performances scolaires de<br />
l’enfant. Ces informations vont nous aider éventuel<strong>le</strong>ment<br />
à prendre une décision dans <strong>le</strong> cas où un problème<br />
asymptomatique d’hypermétropie d’amp<strong>le</strong>ur légère à<br />
modérée se révé<strong>le</strong>rait en cours d’examen. Est-il possib<strong>le</strong><br />
que ce problème devienne une interférence visuel<strong>le</strong> tel<strong>le</strong><br />
qu’il gêne la bonne performance scolaire de l’enfant? De<br />
façon généra<strong>le</strong> <strong>le</strong>s parents ne donnent pas ces<br />
informations spontanément, ni ne par<strong>le</strong> faci<strong>le</strong>ment <strong>des</strong><br />
syndromes ou <strong>des</strong> troub<strong>le</strong>s affectant l’attention et <strong>le</strong>s<br />
apprentissages : il faut <strong>le</strong>s y inviter.<br />
Examen clinique de base :<br />
Nous passerons ici en revue <strong>le</strong>s divers éléments<br />
susceptib<strong>le</strong>s, d’une part, de nous mettre sur la piste de<br />
l’hypermétropie latente et d’autre part, de nous amener<br />
à classifier cette hypermétropie dans la catégorie<br />
Questions de base sur <strong>le</strong> rendement<br />
scolaire<br />
Comment vont <strong>le</strong>s apprentissages à la maternel<strong>le</strong><br />
ou à l’éco<strong>le</strong>?<br />
Lecture : décodage, vitesse, compréhension,<br />
rétention de l’information<br />
Écriture, motricité fine : précis, appliqué, brouillon<br />
Recopie : perd <strong>le</strong> fil, fait beaucoup d’erreurs<br />
Aime-t-il l’éco<strong>le</strong>?<br />
Problème de comportement et d’attention<br />
Niveau de réussite : en deçà de ses efforts<br />
Rendement : inconstant, souvent fatigué<br />
Est-il suivi par un professionnel <strong>du</strong> domaine<br />
scolaire?<br />
Psychologue<br />
Orthopédagogue<br />
Orthophoniste<br />
Si en difficulté scolaire, a-t-il un diagnostic10 établi?<br />
TDA; TDAH; TED; TSA; dys<strong>le</strong>xie; problème<br />
d’audition centra<strong>le</strong><br />
A-t-il une médication spécifique?<br />
« significative » ou non. Comme nous évoquons <strong>le</strong>s<br />
examens d’enfants d’âge verbal préscolaire et scolaire, il<br />
va de soi que l’évaluation doit impérativement inclure un<br />
ensemb<strong>le</strong> de tests de près : l’enfant passe plus de 54 % de<br />
son temps exclusivement en vision de près et plus de 21 %<br />
en transfert de VP à VL à VP. Autrement dit, la fonction<br />
accommodative est très fortement sollicitée et <strong>le</strong> testage<br />
de près nous permettra d’en évaluer la capacité, la<br />
résistance et éventuel<strong>le</strong>ment de constater <strong>des</strong> altérations<br />
qui nous amèneront peut-être à mieux diagnostiquer et<br />
à mieux gérer <strong>le</strong>s hypermétropies latentes significatives.<br />
Une inconsistance dans <strong>le</strong>s mesures d’acuité<br />
La fatigue générée par une forte demande accommodative<br />
et <strong>le</strong>s ajustements fréquents entre la vision de loin et la<br />
vision de près amène souvent une inconsistance dans <strong>le</strong>s<br />
réponses de mesure d’acuité visuel<strong>le</strong>, tant en vision de<br />
loin que de près. La variabilité, encore plus que <strong>le</strong> résultat<br />
brut qui sert souvent de référence au critère de correction<br />
de l’hypermétropie, devrait aussi être notée et prise en<br />
compte. Chez un enfant, on soupçonne souvent une<br />
mauvaise collaboration lorsque <strong>le</strong>s résultats sont variab<strong>le</strong>s<br />
ou diffici<strong>le</strong>s à obtenir en cours d’examen. Il semb<strong>le</strong> plutôt<br />
que <strong>le</strong>s deman<strong>des</strong> importantes suscitées par l’examen,<br />
surtout en après-midi après une journée d’éco<strong>le</strong>, vont<br />
épuiser ses capacités accommodatives et exacerber ou<br />
même provoquer un spasme de l’accommodation qui<br />
rend alors l’examen diffici<strong>le</strong> et inconsistant.
C’est ainsi que <strong>le</strong>s mesures d’acuité pendant l’examen<br />
pourraient varier. On pourra aussi noter une diminution<br />
ou une difficulté dans la mesure de l’acuité stéréoscopique 5 .<br />
Selon Mutti, la précision de l’accommodation de même<br />
que l’acuité visuel<strong>le</strong> au loin semb<strong>le</strong>nt être diminuées chez<br />
<strong>le</strong>s enfants hypermétropes non corrigés : la zone grise de<br />
correction se situerait entre +2D à +3D 11 . Ces difficultés<br />
devraient donc nous amener à un examen exhaustif de la<br />
fonction accommodative et l’examen sous cycloplégie sera<br />
fortement recommandé pour confirmer ou infirmer la<br />
présence d’une hypermétropie latente.<br />
Une réponse accommodative excessive,<br />
insuffisante ou variab<strong>le</strong><br />
L’hypermétrope dépense de l’énergie constamment pour<br />
compenser son amétropie. Bien que l’enfant soit réputé<br />
posséder une amplitude d’accommodation moyenne de<br />
12 D, nous avons vu que ce fait clinique ne devrait pas<br />
être pris pour acquis chez tous <strong>le</strong>s enfants; prenons donc<br />
pour prémisse que ce n’est pas <strong>le</strong> cas... 8 et passons au<br />
crib<strong>le</strong> <strong>le</strong> système accommodatif de l’enfant. Ne pas <strong>le</strong><br />
faire équivaut à ne pas poser la question pour savoir si un<br />
problème existe.<br />
Parmi l’arsenal d’outils que nous possédons, on retrouve<br />
évidemment <strong>le</strong>s tests de réfraction et, en tête de liste, de<br />
gran<strong>des</strong> oubliées : <strong>le</strong>s rétinoscopies. Eh oui, <strong>le</strong>s fameuses<br />
rétinoscopies, dynamique de loin et de près, la<br />
rétinoscopie Mohindra, et pourquoi pas la rétinoscopie<br />
cognitive! Il s’agit de tests objectifs de grande qualité qui<br />
permettent de bien analyser la réponse accommodative<br />
d’un enfant de façon très objective. D’une part, <strong>le</strong><br />
clinicien peut contrô<strong>le</strong>r l’apport et <strong>le</strong>s variations de<br />
l’accommodation par la cou<strong>le</strong>ur <strong>du</strong> ref<strong>le</strong>t rétinoscopique<br />
et par <strong>le</strong> diamètre pupillaire. D’autre part, la relation<br />
entre <strong>le</strong>s tests de loin et de près nous indique très souvent<br />
la présence d’une hypermétropie latente. L’autoréfracteur,<br />
quoique très uti<strong>le</strong>, ne peut pas nous donner ces<br />
informations et peu d’appareils contrô<strong>le</strong>nt vraiment<br />
l’accommodation. Les réponses accommodatives<br />
mesurées de près nous informent éga<strong>le</strong>ment <strong>du</strong> lag<br />
accommodatif, dont l’amp<strong>le</strong>ur est un bon indicateur <strong>des</strong><br />
différents problèmes allant <strong>du</strong> spasme d’accommodation<br />
à l’insuffisance accommodative et aux problèmes de<br />
vergences 12,13. On situe la norma<strong>le</strong> <strong>du</strong> lag aux a<strong>le</strong>ntours de<br />
0.75D. Quant à la technique Mohindra, el<strong>le</strong> est réputée<br />
avec raison pour son efficacité et sa facilité d’utilisation<br />
chez <strong>le</strong>s jeunes enfants. Par ail<strong>le</strong>urs, ses résultats sont<br />
assez comparab<strong>le</strong>s à ceux d’une rétinoscopie sous<br />
cycloplégie même si cette dernière demeure essentiel<strong>le</strong><br />
pour préciser <strong>le</strong> montant total d’hypermétropie dans <strong>le</strong><br />
cadre d’un premier diagnostic.<br />
Un mot sur la cycloplégie<br />
La cycloplégie demeure un outil diagnostique<br />
incontournab<strong>le</strong> pourvu qu’el<strong>le</strong> n’agisse pas en lieu et<br />
place de l’examen analytique de base, même si el<strong>le</strong><br />
est plus rapide et faci<strong>le</strong> d’utilisation chez un enfant<br />
diffici<strong>le</strong>. En effet, il est essentiel lors d’un examen qui<br />
se veut analytique, de connaître <strong>le</strong>s réactions visuel<strong>le</strong>s<br />
réf<strong>le</strong>xes habituel<strong>le</strong>s lors de l’in<strong>du</strong>ction ou de<br />
l’annulation de certains stress visuels tel<strong>le</strong>s la<br />
proximité d’un stimulus ou l’accommodation qu’il<br />
provoque.<br />
À un stimulus donné, ou à une distance donnée, estce<br />
que l’organisme tend à fournir une réponse<br />
accommodative norma<strong>le</strong>, inférieure ou excessive,<br />
une réponse de centration norma<strong>le</strong> ou non? Qu’en<br />
est-il <strong>des</strong> capacités fusionnel<strong>le</strong>s et de la f<strong>le</strong>xibilité<br />
d’adaptation aux différents stimuli? Qu’en est-il <strong>du</strong><br />
comportement réf<strong>le</strong>xe de posture et <strong>des</strong> adaptations<br />
consacrées? Toutes ces informations nous renseignent<br />
sur la condition réel<strong>le</strong> et dynamique de l’organisme<br />
visuel en action.<br />
Vient ensuite la réfraction subjective qui dans <strong>le</strong> cas d’une<br />
hypermétropie, nous en donnera <strong>le</strong> montant manifeste.<br />
Quel qu’il soit, un résultat plus concave que celui de la<br />
rétinoscopie au loin est un indicateur potentiel de présence<br />
de spasme ou de pseudo-myopie. Un exemp<strong>le</strong> typique et<br />
fréquent serait une rétinoscopie au loin de l’ordre de 0 ou<br />
+0,25 et un résultat de subjectif de −0,50. Généra<strong>le</strong>ment,<br />
ce genre de cas m’amènerait à redoub<strong>le</strong>r de vigilance. Un<br />
truc très faci<strong>le</strong> pour aider à circonscrire ce genre de<br />
problème consiste à refaire brièvement un test subjectif<br />
binoculaire au loin après avoir testé la vision de près.<br />
Lorsque <strong>le</strong> problème n’est pas structuré on retrouvera <strong>des</strong><br />
résultats de près de 0,50 à 0,75 plus convexes et <strong>le</strong>s acuités<br />
visuel<strong>le</strong>s qui étaient un peu <strong>le</strong>ntes et diffici<strong>le</strong>s à mesurer<br />
redeviennent faci<strong>le</strong>s. Si <strong>le</strong> problème est bien structuré, en<br />
l’occurrence un spasme de longue date, <strong>le</strong>s résultats au<br />
loin demeureront inchangés. L’examen sous cycloplégie<br />
confirmera la présence d’une légère hypermétropie non<br />
manifeste. Dans <strong>le</strong>s 2 cas, une intervention est requise et <strong>le</strong><br />
reste de l’examen nous guidera quant à la thérapeutique<br />
indiquée : correction optique, réé<strong>du</strong>cation visuel<strong>le</strong> ou une<br />
combinaison <strong>des</strong> deux.<br />
Les résultats <strong>du</strong> test d’acceptation de convexe se doivent<br />
d’être comparés avec ceux <strong>du</strong> test de subjectif de loin.<br />
D’une part, on vérifiera que l’écart entre eux rencontre la<br />
va<strong>le</strong>ur atten<strong>du</strong>e de l’ordre de 1,00 à 1,25D, et d’autre<br />
part, nos résultats devraient éga<strong>le</strong>ment se rapprocher de<br />
L’Optométriste - novembre/décembre 2011<br />
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L’Optométriste - novembre/décembre 2011<br />
22<br />
ceux de notre rétinoscopie au près. Une très grande<br />
acceptation de convexe nous met sur la piste d’un résultat<br />
au loin sous-évalué donc potentiel<strong>le</strong>ment d’un spasme<br />
accommodatif. Un faib<strong>le</strong> résultat nous met plutôt sur la<br />
piste d’un problème accommodatif d’amplitude ou de<br />
f<strong>le</strong>xibilité.<br />
La mesure de l’amplitude d’accommodation, quant à el<strong>le</strong>,<br />
représente un indice essentiel sur <strong>le</strong>s capacités et<br />
l’en<strong>du</strong>rance <strong>du</strong> travail de près. Cette mesure fera une<br />
énorme différence dans l’appréciation et l’interprétation<br />
de la présence et de l’implication d’une hypermétropie<br />
modérée. En effet, une insuffisance d’accommodation<br />
entraîne <strong>des</strong> pertes d’attention et de compréhension lors<br />
de la <strong>le</strong>cture, une en<strong>du</strong>rance ré<strong>du</strong>ite et <strong>des</strong> ajustements<br />
diffici<strong>le</strong>s entre la vision de loin et de près à la fin d’une<br />
journée d’éco<strong>le</strong> 14,15 .<br />
L’ensemb<strong>le</strong> <strong>des</strong> résultats précédents, ou en cas d’absence<br />
de problème, la présence de symptômes subjectifs, nous<br />
indiquera la pertinence de compléter notre évaluation<br />
<strong>du</strong> système accommodatif par <strong>le</strong> test de f<strong>le</strong>xibilité<br />
accommodative. Les normes sont bien connues et,<br />
rencontrées ou non, il demeure important d’y rajouter<br />
quelques observations subjectives tel<strong>le</strong>s que <strong>le</strong><br />
ra<strong>le</strong>ntissement dans la performance et une meil<strong>le</strong>ure<br />
performance dans <strong>le</strong> convexe ou dans <strong>le</strong> concave. Il est<br />
aussi intéressant de procéder à un test de f<strong>le</strong>xibilité entre<br />
la vision de loin et la vision de près 16 .<br />
Je passe sous si<strong>le</strong>nce <strong>le</strong>s tests <strong>des</strong> accommodations<br />
relatives positives et négatives et celui de l’appréciation<br />
perceptuel<strong>le</strong> de près (subjectif binoculaire au près) qui<br />
deviennent <strong>des</strong> incontournab<strong>le</strong>s au fur et à mesure que<br />
nos examens nous mènent vers un choix thérapeutique<br />
par <strong>le</strong>ntil<strong>le</strong>s.<br />
C’est clair, mais… c’est fatigant…<br />
Jeune patient de 4e année, +0,75D au loin, bonne<br />
acuité visuel<strong>le</strong> au loin et au près, pas de maux de<br />
tête, pas de vision doub<strong>le</strong>, PRC tout à fait normal à<br />
4 cm... il ne semb<strong>le</strong> pas y avoir de problème.<br />
Rendez-vous de contrô<strong>le</strong> dans un an? … OU<br />
Examen <strong>des</strong> vergences?...<br />
Il va de soi que l’analyse visuel<strong>le</strong> ne peut être complète en<br />
l’absence de l’évaluation <strong>des</strong> vergences, qu’el<strong>le</strong>s soient<br />
habituel<strong>le</strong>s ou secondaires à un stimulus accommodatif<br />
donné en cours d’examen. Lagacé 17 nous rappel<strong>le</strong> qu’une<br />
phorie au près inférieure à 2 d’exodéviation ou de<br />
l’ésophorie est l’expression d’un système en difficulté qui<br />
compense de façon constante et qui amène inconfort et<br />
inefficacité.<br />
Si vous vou<strong>le</strong>z vous en convaincre, tentez de lire<br />
15 minutes avec <strong>des</strong> prismes qui vont créer une<br />
ésophorie de près. Vous ne serez sans doute pas<br />
très efficaces. 17<br />
Chez <strong>le</strong>s jeunes enfants de 4 à 6 ans, l’analyse <strong>du</strong> système<br />
<strong>des</strong> vergences s’effectue fort bien sans <strong>le</strong> visiomètre. Une<br />
analyse de base de la phorie en vision de loin et de près<br />
avec la tige de Maddox et la barre de prismes s’avère très<br />
efficace. La mesure <strong>des</strong> réserves fusionnel<strong>le</strong>s associées à<br />
la phorie est toute aussi efficace et fiab<strong>le</strong> puisque la<br />
simp<strong>le</strong> observation <strong>des</strong> yeux <strong>du</strong> patient au test de la barre<br />
de prismes nous donne nos mesures. Par ail<strong>le</strong>urs, chez <strong>le</strong>s<br />
plus vieux, l’utilisation <strong>du</strong> visiomètre est sans doute plus<br />
rapide si on mesure <strong>le</strong>s phories avec différentes <strong>le</strong>ntil<strong>le</strong>s<br />
pour vérifier l’impact d’une correction visuel<strong>le</strong>.<br />
Étonnamment, tout cela est très rapide à effectuer et <strong>le</strong>s<br />
enfants collaborent très bien. Les auteurs Goss et Becker 18<br />
nous rappel<strong>le</strong>nt qu’il sera important par ail<strong>le</strong>urs de noter<br />
la technique de mesure puisque <strong>le</strong>s résultats à la barre de<br />
prismes et au visiomètre ne sont pas identiques. On devra<br />
donc utiliser la même technique lors <strong>des</strong> examens de<br />
contrô<strong>le</strong> si on veut comparer nos résultats.<br />
Toute condition d’ésophorie ou de vergences fusionnel<strong>le</strong>s<br />
négatives insuffisantes devrait être considérée. Dans <strong>le</strong>s<br />
cas d’hypermétropie manifeste ou latente, on retrouvera<br />
souvent une posture visuel<strong>le</strong> en excès de convergence<br />
avec <strong>des</strong> capacités de réserves fusionnel<strong>le</strong>s négatives<br />
faib<strong>le</strong>s. Inversement, ces mesures sont donc souvent un<br />
indicateur d’une hypermétropie latente potentiel<strong>le</strong>. Dans<br />
ces cas, et bien sûr avant de procéder à la cycloplégie, il<br />
sera opportun de vérifier <strong>le</strong> rapport AC/A afin de prévoir<br />
la posture visuel<strong>le</strong> d’une correction éventuel<strong>le</strong>. Sans en<br />
faire une étude exhaustive, on veut une indication<br />
clinique de base. Aussi, dès que nous mesurons une<br />
phorie ortho ou éso au près, on fait immédiatement<br />
varier la demande accommodative de 1,00D et on reprend<br />
une nouvel<strong>le</strong> mesure de phorie, pour évaluer rapidement<br />
l’impact de l’accommodation sur la posture visuel<strong>le</strong>. Cette<br />
technique est une variante de la technique <strong>du</strong> gradient<br />
qui requiert de stimu<strong>le</strong>r l’accommodation de 2 dioptries.<br />
Cotter5 mentionne que son premier souci devant un<br />
jeune hypermétrope de 3,00D qui lit à 33 cm est de savoir<br />
s’il peut supporter cette demande accommodative de<br />
6,00D. En plus el<strong>le</strong> nous rappel<strong>le</strong> que si l’enfant est<br />
ésophore et possède un rapport AC/A modéré à é<strong>le</strong>vé :<br />
… chaque fois que l’enfant accommode, même avec son<br />
12,00D, pour voir clairement au près, une ésophorie<br />
significative sera présente au près pour laquel<strong>le</strong> il devra<br />
avoir une capacité fusionnel<strong>le</strong> négative (divergence)<br />
suffisante pour maintenir une vision binoculaire claire et
confortab<strong>le</strong>. Des enfants comme ceux-ci sont susceptib<strong>le</strong>s<br />
de bénéficier d’une correction hypermétrope pour la<br />
<strong>le</strong>cture et <strong>le</strong>s activités de près. 5<br />
Cela bien sûr rencontre notre prétention selon laquel<strong>le</strong> il<br />
ne s’agit pas simp<strong>le</strong>ment de déterminer que<br />
l’hypermétropie est modérée ou même légère et que<br />
l’amplitude d’accommodation est bonne pour décider<br />
d’une intervention thérapeutique. Même en cas<br />
d’absence de symptômes, il est clair que ce système visuel<br />
est en difficulté et inefficace.<br />
Ma philosophie entourant la thérapeutique<br />
<strong>des</strong> cas d’hypermétropie<br />
Considérer <strong>le</strong> profil clinique global d’un enfant est<br />
extrêmement important avant de déterminer si la<br />
correction d’une hypermétropie, même légère, serait<br />
souhaitab<strong>le</strong> ou non. Nous avons vu qu’il comprend une<br />
analyse visuel<strong>le</strong> complète et <strong>le</strong> profil comportemental de<br />
l’enfant. Mes bases de correction sont fortement<br />
influencées par ma pratique clinique orientée vers la<br />
réé<strong>du</strong>cation visuel<strong>le</strong> d’une part et par la forte<br />
concentration de cas en difficultés d’apprentissage qui<br />
me sont recommandés. Les deux tab<strong>le</strong>aux suivants<br />
montrent une compilation de l’ensemb<strong>le</strong> <strong>des</strong> 103<br />
nouveaux cas d’enfants âgés de 3 et 12 ans s’étant<br />
présentés à ma clinique pour une première consultation<br />
entre <strong>le</strong> 15 février 2011 et <strong>le</strong> 30 juin 2011. Près de 66 %<br />
d’entre eux m’ont été recommandés en raison de<br />
difficultés d’apprentissage scolaire liées ou non à un<br />
troub<strong>le</strong> tel que <strong>le</strong>s TDA, TDAH, TED, TSA 10 ou autres.<br />
On voit, d’après <strong>le</strong>s tab<strong>le</strong>aux, que 41,7 % de ces 103<br />
enfants avaient une hypermétropie supérieure à 1,25D<br />
qui présentait suffisamment d’indications cliniques ou de<br />
symptômes pour bénéficier d’une correction par lunette.<br />
La majorité <strong>des</strong> cas ont été revus pour contrô<strong>le</strong> de<br />
prescription après 6 semaines et la correction optique<br />
s’est avérée bénéfique : soit que l’analyse visuel<strong>le</strong> a<br />
montré une amélioration <strong>des</strong> habi<strong>le</strong>tés au préalab<strong>le</strong><br />
déficientes ou que <strong>le</strong>s parents ont noté une amélioration<br />
appréciab<strong>le</strong> <strong>des</strong> signes et symptômes ou de la performance<br />
scolaire. Un questionnaire à cet effet était remis aux<br />
parents lors de la livraison de la lunette. Il est certain que<br />
cette compilation clinique n’est pas scientifique,<br />
cependant ces chiffres indiquent une proportion<br />
nettement plus é<strong>le</strong>vée de cas d’hypermétropie<br />
cliniquement significative chez <strong>le</strong>s enfants que ce qui<br />
existe à l’heure actuel<strong>le</strong> dans <strong>le</strong>s recherches<br />
épidémiologiques. Mes critères vont évidemment au-delà<br />
de l’amplitude de l’hypermétropie et de l’amplitude<br />
d’accommodation d’un enfant, mais englobent<br />
l’ensemb<strong>le</strong> <strong>du</strong> fonctionnement visuel binoculaire.<br />
Les « borderline » en difficulté scolaire<br />
Une hypermétropie légère disons de +1,25 D peut paraître<br />
très anodine, mais un enfant en difficulté d’apprentissage<br />
– soit parce qu’il est dys<strong>le</strong>xique, soit parce qu’il souffre<br />
d’un troub<strong>le</strong> déficitaire de l’attention − doit fournir<br />
davantage d’attention et de concentration à la fois dans<br />
ses classes et dans ses travaux scolaires à la maison. Dans<br />
un artic<strong>le</strong> intitulé : « Accommodation and Vergence<br />
Require Effort-to-See 19 » <strong>le</strong>s auteurs démontrent qu’il<br />
Tab<strong>le</strong>au 2 : Compilation personnel<strong>le</strong> de 103 consultations, nouveaux patients âgés de 6 à 12 ans, <strong>du</strong> 15 février 2011 au<br />
30 juin 2011<br />
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faut une attention soutenue et de la concentration pour<br />
fournir la demande accommodative et de vergence<br />
nécessaire à une activité visuel<strong>le</strong>. « Ainsi, l’accommodation<br />
et la vergence ne sont pas simp<strong>le</strong>ment <strong>des</strong> réponses<br />
réf<strong>le</strong>xes à un stimulus adéquat... » Il serait intéressant<br />
d’investiguer et d’analyser l’inverse chez <strong>des</strong> enfants de<br />
plus en plus nombreux à être diagnostiqués d’un TDA ou<br />
d’un TDAH : <strong>le</strong>ur déficit d’attention et <strong>le</strong>ur incapacité à<br />
soutenir un niveau de concentration é<strong>le</strong>vé ou prolongé<br />
affectent-ils <strong>le</strong>s réponses réf<strong>le</strong>xes d’accommodation et de<br />
vergences? Des réponses norma<strong>le</strong>s en milieu clinique<br />
sont-el<strong>le</strong>s <strong>le</strong> ref<strong>le</strong>t réel <strong>du</strong> fonctionnement visuel en<br />
classe?<br />
Mon expérience avec ce type de cas est que pour une<br />
grande majorité, l’apport d’un correctif est bénéfique.<br />
Même sans atteinte à la vision binoculaire, je considère<br />
que ce travail accommodatif au près et ces rajustements<br />
dans <strong>le</strong>s variations de deman<strong>des</strong> accommodatives<br />
répétées entre <strong>le</strong>s distances de travail loin/près peuvent<br />
devenir une interférence potentiel<strong>le</strong> non négligeab<strong>le</strong> aux<br />
efforts que fournit l’enfant. Cela doit être expliqué<br />
comme tel aux parents. Ainsi, chez un enfant en difficulté,<br />
ou un enfant qui réussit, mais dont <strong>le</strong> rendement n’est<br />
pas à la hauteur de ses efforts ou de son potentiel, ou qui<br />
réussit, mais prend une médication pouvant affecter ses<br />
performances accommodatives, je suggèrerai une<br />
correction optique afin d’éliminer une interférence<br />
possib<strong>le</strong> aux apprentissages. Bien sûr, cela demande plus<br />
de temps pour expliquer aux parents pourquoi un enfant<br />
qui voit clair et ne se plaint pas pourrait bénéficier d’une<br />
correction optique. Sans étonnement, pourtant, <strong>le</strong>s<br />
parents comprennent fort bien et abondent généra<strong>le</strong>ment<br />
dans <strong>le</strong> même sens. À certains plus réticents, je propose<br />
l’essai d’une correction pendant un mois avec une fiche<br />
d’observation à remplir par eux ou par <strong>le</strong> professeur. Il ne<br />
faut jamais oublier que si convaincu que l’on soit, <strong>le</strong><br />
parent demeure <strong>le</strong> décideur et son choix doit être<br />
respecté.<br />
Prêt de lunette<br />
Dans <strong>le</strong>s cas de doute sérieux quant à l’apport d’une<br />
correction, soit <strong>du</strong> clinicien, soit <strong>du</strong> parent, on peut<br />
procéder par essai de lunette. Avoir quelques lunettes<br />
pour enfants prémontées de <strong>le</strong>ntil<strong>le</strong>s convexes de<br />
+0,75 D à +1,25 D est une excel<strong>le</strong>nte idée pour un<br />
outil de diagnostic qui permet de vérifier « in situ »<br />
l’impact réel de la correction.<br />
Le taux de cas d’hypermétropie significative et de<br />
correction optique qui s’avère bénéfique est-il plus é<strong>le</strong>vé<br />
dans ma clientè<strong>le</strong> à cause de la représentation é<strong>le</strong>vée <strong>des</strong><br />
enfants en difficultés scolaires ou présentant <strong>des</strong> troub<strong>le</strong>s<br />
affectant <strong>le</strong> comportement? Compte tenu de<br />
l’augmentation fulgurante <strong>des</strong> cas de troub<strong>le</strong>s<br />
d’apprentissages, de troub<strong>le</strong>s déficitaires de l’attention,<br />
de dys<strong>le</strong>xie, de troub<strong>le</strong>s <strong>du</strong> spectre autistique<br />
diagnostiqués récemment au <strong>Québec</strong> comme ail<strong>le</strong>urs, il<br />
m’apparait urgent que la recherche se concentre sur cette<br />
question pour nous offrir <strong>des</strong> gui<strong>des</strong> cliniques actualisés à<br />
la hauteur <strong>des</strong> défis auxquels nous faisons face.<br />
Les éso avec ou sans hypermétropie latente<br />
Je suis aussi et encore souvent très étonnée de certains<br />
résultats post-cycloplégiques... Ayant déjà comme routine<br />
d’examen tout mon arsenal de rétinoscopies et de<br />
subjectif post examen de près, il m’arrive encore de<br />
retrouver <strong>des</strong> hypermétropies d’une amp<strong>le</strong>ur non<br />
soupçonnée dont la portion latente peut al<strong>le</strong>r jusqu’à<br />
2,00D. Il est cependant moins étonnant de constater que<br />
cela cadre très bien avec <strong>le</strong> profil ésophorique de l’enfant<br />
qui avait attiré mon attention lors de l’analyse visuel<strong>le</strong>. Il<br />
va de soi qu’avec l’aide <strong>du</strong> calcul <strong>du</strong> rapport AC/A ou <strong>des</strong><br />
résultats de redressement de la posture phorique obtenus<br />
à l’aide de notre test subjectif de près, une correction<br />
adéquate avec ou sans foyer selon <strong>le</strong> cas sera prescrite.<br />
D’autre part, il ne fait pas de doute qu’un hypermétrope,<br />
même léger, avec un problème de vergence (ésophorie,<br />
vergences fusionnel<strong>le</strong>s négatives faib<strong>le</strong>s) et d’insuffisance<br />
accommodative, nécessite une correction optique 5,14 .<br />
Les hypermétropes légers non fonctionnels<br />
Les cas <strong>le</strong>s plus surprenants sont sans doute <strong>le</strong>s<br />
hypermétropies légères de +0,75 à +1,00D avec un profil<br />
de vision binoculaire près de la norma<strong>le</strong>, mais qui ont<br />
beaucoup de plaintes typiques de fatigue visuel<strong>le</strong>. La<br />
réfraction cycloplégique ne révè<strong>le</strong> aucune hypermétropie<br />
latente. Pourtant, fonctionnel<strong>le</strong>ment, certains tests de<br />
performance visuel<strong>le</strong> sont inadéquats : grande fatigabilité<br />
aux tests de f<strong>le</strong>xibilité accommodative et dysfonction<br />
oculomotrice au test de DEM20. Il m’est apparu<br />
quelquefois invraisemblab<strong>le</strong> qu’un léger +1,00 D fasse<br />
une différence aussi majeure pour un enfant qui semblait<br />
en p<strong>le</strong>ine possession de ses capacités accommodatives.<br />
Mais tel fut pourtant <strong>le</strong> cas au grand bonheur <strong>des</strong> parents<br />
et de l’enfant qui eux, ont vu <strong>des</strong> différences significatives.<br />
Généra<strong>le</strong>ment nous aurons, dans ces cas, réglé <strong>le</strong><br />
problème de f<strong>le</strong>xibilité accommodative par réé<strong>du</strong>cation<br />
et par la suite fait un essai de lunettes pour vérifier<br />
l’impact réel de la correction à porter en vision de près.
Les enfants d’âge préscolaire<br />
Chez <strong>le</strong>s enfants d’âge préscolaire de 3 à 5 ans, je<br />
considère qu’il ne faut pas négliger l’impact de<br />
l’hypermétropie sur <strong>le</strong> développement <strong>des</strong> habi<strong>le</strong>tés<br />
cognitives et motrices. Certaines étu<strong>des</strong> démontrent<br />
qu’une hypermétropie non corrigée de 4D ou plus entre<br />
3 ans et 5 ans, provoque une diminution importante et<br />
significative de la fonction visuomotrice, de même que<br />
<strong>des</strong> résultats sous-normaux aux habi<strong>le</strong>tés cognitives 21,22 .<br />
Mon expérience clinique m’a amené à constater que ces<br />
observations étaient justifiées, et pas uniquement chez<br />
<strong>le</strong>s enfants de niveau socio-économique défavorisé<br />
(comme ceux de l’étude de Cambridge par Atkinson et<br />
ses collègues). Il n’est pas rare en effet de mesurer au<br />
DEM par exemp<strong>le</strong>, un retard significatif dans la<br />
performance oculomotrice chez <strong>des</strong> enfants de 6 à 10<br />
ans. Un échec à ce test indique généra<strong>le</strong>ment une<br />
mauvaise efficacité en <strong>le</strong>cture 23 . Mais, à quel niveau se<br />
situe exactement l’effet préjudiciab<strong>le</strong> de l’hypermétropie?<br />
Ni <strong>le</strong>s recherches actuel<strong>le</strong>s, ni mon expérience ne<br />
permettent de <strong>le</strong> mesurer avec précision. Je rejoins à cet<br />
égard l’auteure Leat 6 qui considère que, dès l’âge de 4<br />
ans, une hypermétropie de l’ordre de +2,50D à +3,00D est<br />
susceptib<strong>le</strong> d’engendrer <strong>des</strong> déséquilibres visuels, une<br />
perte d’efficacité <strong>des</strong> habi<strong>le</strong>tés visuomotrice et<br />
perceptuel<strong>le</strong>s. Une correction optique est donc<br />
souhaitab<strong>le</strong>. Par ail<strong>le</strong>urs, il est de mise de sous corriger<br />
d’environ 1,00 à 1,50D selon <strong>le</strong> cas, non seu<strong>le</strong>ment par<br />
précaution face au processus d’emmétropisation encore<br />
actif, mais aussi en fonction <strong>des</strong> besoins visuels présents,<br />
bien qu’encore ré<strong>du</strong>its à cet âge.<br />
Conclusion<br />
Lorsqu’il s’agit de prescription pour l’enfant<br />
hypermétrope, <strong>le</strong>s gui<strong>des</strong> de pratique clinique existants<br />
en optométrie et en ophtalmologie sont soit flous soit<br />
incomp<strong>le</strong>ts. Ils sont orientés vers l’absence de condition<br />
pathologique fonctionnel<strong>le</strong> (strabisme, amblyopie) et<br />
relativement si<strong>le</strong>ncieux concernant l’efficacité <strong>du</strong> système<br />
visuel. Ils partent souvent de la prémisse que tous <strong>le</strong>s<br />
enfants ont un système accommodatif performant,<br />
capab<strong>le</strong> de supporter <strong>des</strong> hypermétropies modérées ce<br />
qui, en réalité, est faux.<br />
Les recherches actuel<strong>le</strong>s sont souvent contradictoires ou<br />
incomplètes quant aux impacts multip<strong>le</strong>s physiologiques<br />
et fonctionnels de l’hypermétropie non corrigée et la<br />
pratique dominante s’en ressent. Comment pourrait-on<br />
mieux tenir compte <strong>des</strong> stress in<strong>du</strong>its par la condition<br />
globa<strong>le</strong> (scolaire, comportementa<strong>le</strong> et médica<strong>le</strong>, etc.) de<br />
l’enfant dans l’évaluation <strong>du</strong> caractère significatif de<br />
l’hypermétropie? À ce sujet, on pourrait s’inspirer <strong>du</strong><br />
principe de précaution qui nous enseigne que l’incertitude<br />
sur <strong>le</strong>s risques d’une activité ne constitue pas une raison<br />
valide de repousser l’adoption de mesures de prévention.<br />
Ce principe stipu<strong>le</strong> éga<strong>le</strong>ment qu’en situation<br />
d’incertitude, il faut rompre avec la démarche classique<br />
qui consiste à ne prévenir que <strong>le</strong>s dangers reconnus<br />
certifiés de nos actions. Dans <strong>le</strong> cas qui nous préoccupe, il<br />
s’agit de faire pencher la balance en faveur <strong>du</strong> côté<br />
fonctionnel global de la condition visuel<strong>le</strong> plutôt que<br />
d’orienter exclusivement notre pensée clinique <strong>du</strong> côté<br />
<strong>des</strong> risques de déficiences fonctionnel<strong>le</strong>s pathologiques<br />
tels que <strong>le</strong> strabisme et l’amblyopie.<br />
Dans cet esprit, notre démarche consistera à vérifier si<br />
l’organisme est capab<strong>le</strong> de supporter <strong>le</strong>s tâches qu’on lui<br />
demande. Cela comporte, nous l’avons vu, une analyse<br />
visuel<strong>le</strong> complète. En cas de doute, la question décisive<br />
sera alors de savoir si l’effort visuel requis pour réaliser<br />
ces tâches peut devenir une interférence qui diminue<br />
l’efficacité visuel<strong>le</strong> ou la performance globa<strong>le</strong> d’un<br />
enfant. Si tel est <strong>le</strong> cas, l’impact sur sa réussite scolaire et<br />
sur son bien-être psychologique sera très important.<br />
Ces principes m’ont toujours été très uti<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong> cadre<br />
d’une pratique où je rencontre une grande quantité<br />
d’enfants qui ont <strong>des</strong> difficultés d’apprentissage liées ou<br />
non à différents troub<strong>le</strong>s. D’autre part, la pertinence<br />
d’utiliser <strong>le</strong>s mêmes principes s’impose aussi pour <strong>le</strong>s<br />
enfants qui n’ont pas ces caractéristiques. Faut-il attendre<br />
qu’ils soient en difficulté pour intervenir? À mon avis, il y<br />
a plusieurs signes physiologiques évidents, lors d’une<br />
analyse visuel<strong>le</strong>, qui nous amènent à considérer l’àpropos<br />
d’une correction avant même l’apparition de<br />
signes ou de symptômes physiques ou fonctionnels chez<br />
un indivi<strong>du</strong>.<br />
C’est l’essence même de notre travail que de prévenir <strong>le</strong>s<br />
problèmes et de promouvoir la santé visuel<strong>le</strong> dans son<br />
sens large, comme nous <strong>le</strong> rappel<strong>le</strong> la définition de la<br />
santé selon l’OMS : « Un état de bien-être total physique,<br />
social et mental de la personne. Ce n’est pas la simp<strong>le</strong><br />
absence de maladie ou d’infirmité. »<br />
Références<br />
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Question for Hyperopic Development», Optometry and Vision<br />
Science, février 2007, vol. 84, no 2, p. 97 102.<br />
2. Attinkson, J., S. Anker et coll. «Normal emmetropization in<br />
infants with spectac<strong>le</strong> correction for hyperopia», Investigative<br />
Ophtalmolpgy & Visual Science, novembre 2000, vol. 41, no<br />
12, p. 3726 3731.<br />
L’Optométriste - novembre/décembre 2011<br />
25
L’Optométriste - novembre/décembre 2011<br />
26<br />
3. Mutti, D. O., R. Candy et coll. «Infant and child hyperopia»,<br />
Optometry and Vision Science, février 2007, vol. 84, no 2, p. 80.<br />
4. Lyons, S. A., L. A. Jones et coll. «A Survey of Clinical Prescribing<br />
Philosophies for Hyperopia», Optometry and Vision Science, avril<br />
2004, vol. 81, no 4, p. 233 237.<br />
5. Cotter, S. A. «Management of Childhood Hyperopia: A Pediatric<br />
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de l’attention avec hyperactivité; TED : troub<strong>le</strong> envahissant <strong>du</strong><br />
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Parizeau<br />
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no 7, p. 387 399. Le DEM (developmental eye movement test) est<br />
une épreuve calibrée et quantifiée de la performance de la<br />
motricité oculaire comportant un vo<strong>le</strong>t d’évaluation de<br />
l’automaticité verba<strong>le</strong> et un vo<strong>le</strong>t impliquant la composante<br />
oculomotrice, en l’occurrence <strong>le</strong>s sacca<strong>des</strong>. Les résultats ont été<br />
normalisés statistiquement et permettent de diagnostiquer une<br />
dysfonction oculomotrice.<br />
21. Atkinson, J., O. Braddick et coll. «Infant hyperopia: detection,<br />
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