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la musicotherapie active avec une personne atteinte ... - Florie BERT

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UNIVERSITÉ PAUL-VALÉRY<br />

MONTPELLIER III<br />

Arts - Lettres - Langues - Sciences Humaines et Sociales<br />

Département MUSIQUE<br />

Filière de MUSICOTHÉRAPIE<br />

11, rue Saint Louis<br />

34000 Montpellier<br />

DIPLÔME UNIVERSITAIRE DE MUSICOTHÉRAPEUTE<br />

LA MUSICOTHERAPIE ACTIVE<br />

AVEC UNE PERSONNE ATTEINTE<br />

DE LA MALADIE D’ALZHEIMER AU STADE MODERE :<br />

A LA RECHERCHE DE NOUVEAUX MOYENS D’EXPRESSION<br />

Mémoire présenté et soutenu par :<br />

<strong>Florie</strong> <strong>BERT</strong><br />

Né(e) le :10/10/1985<br />

Directeur de mémoire :<br />

Aurélie CARRIERE (Psychologue clinicienne)<br />

Soutenance: octobre 2009<br />

JURY<br />

Monsieur le Professeur Jean-Pierre BLAYAC, Président<br />

Madame Anne-Marie MAURIN<br />

Monsieur Pierre-Luc BENSOUSSAN<br />

Monsieur Olivier MAROTIN<br />

1


UNIVERSITÉ PAUL-VALÉRY<br />

MONTPELLIER III<br />

Arts - Lettres - Langues - Sciences Humaines et Sociales<br />

Département MUSIQUE<br />

Filière de MUSICOTHÉRAPIE<br />

11, rue Saint Louis<br />

34000 Montpellier<br />

DIPLÔME UNIVERSITAIRE DE MUSICOTHÉRAPEUTE<br />

LA MUSICOTHERAPIE ACTIVE<br />

AVEC UNE PERSONNE ATTEINTE<br />

DE LA MALADIE D’ALZHEIMER AU STADE MODERE :<br />

A LA RECHERCHE DE NOUVEAUX MOYENS D’EXPRESSION<br />

Mémoire présenté et soutenu par :<br />

<strong>Florie</strong> <strong>BERT</strong><br />

Né(e) le : 10/10/1985<br />

Directeur de mémoire : Aurélie CARRIERE<br />

(Psychologue clinicienne)<br />

Soutenance : octobre 2009<br />

JURY<br />

Monsieur le Professeur Jean-Pierre BLAYAC, Président<br />

Madame Anne-Marie MAURIN<br />

Monsieur Pierre-Luc BENSOUSSAN<br />

Monsieur Olivier MAROTIN<br />

3


REMERCIEMENTS<br />

Je tiens à remercier tous ceux qui, de près ou de loin, m’ont permis de terminer<br />

ce mémoire dans les meilleures conditions possibles.<br />

Je tiens tout particulièrement à remercier tous les professeurs de l’enseignement<br />

de musicothérapie qui nous ont prodigué conseils, écoute et aide dans cette tâche<br />

difficile qu’est l’écriture d’un mémoire de fin d’études :<br />

• M. le professeur B<strong>la</strong>yac pour ses précieuses informations sur <strong>la</strong> manière d’écrire<br />

un mémoire, <strong>la</strong> méthodologie à utiliser, les normes à respecter ;<br />

• Mme Vidal pour son soutien considérable lors de nos stages à travers les<br />

séminaires d’analyse de stage, pour son ouverture, sa capacité d’écoute et pour<br />

toutes les perspectives qu’elle nous a offerte ;<br />

• M. Marotin et M. Bensoussan pour tous leurs conseils pratiques et l’aide qu’ils<br />

nous ont fournie pour améliorer nos techniques en séance ;<br />

• enfin tous les autres professeurs qui nous ont offert <strong>une</strong> formation aussi<br />

complète durant trois ans.<br />

Je tiens également à remercier tout le <strong>personne</strong>l de <strong>la</strong> maison de retraite Hotelia<br />

pour son accueil chaleureux et compréhensif, pour <strong>la</strong> manière dont ils m’ont intégrée<br />

parmi eux et soutenue tout au long de ces six mois de stage.<br />

Je veux particulièrement remercier :<br />

• Mme Boreil, <strong>la</strong> directrice, de m’avoir acceptée en tant que stagiaire et ainsi<br />

permis de vivre <strong>une</strong> expérience passionnante auprès des <strong>personne</strong>s âgées,<br />

• Mme Keita d’avoir accepté d’être ma maître de stage et de m’avoir<br />

accompagnée durant ces six mois, écoutée, conseillée, soutenue,<br />

• ainsi que tous les membres du <strong>personne</strong>l soignant des cantous pour leur<br />

compréhension, leur enthousiasme, leur aide et leurs encouragements qui m’ont<br />

été très précieux.<br />

Je tiens aussi à remercier infiniment Aurélie Carrière, ma directrice de mémoire,<br />

pour avoir bien voulu accepter cette tâche, pour sa relecture, ses corrections, son intérêt,<br />

ses nombreux conseils et sa patience tout au long de l’écriture de mon mémoire.<br />

Enfin, je tiens à remercier :<br />

• ma mère pour son travail de mise en page, aide sans <strong>la</strong>quelle je me serais<br />

trouvée face à de grandes difficultés,<br />

• ainsi que tous mes camarades de promotion pour <strong>la</strong> bonne ambiance et<br />

l’entraide qu’ils ont su instaurer entre nous, sans lesquels ce travail d’écriture<br />

aurait été beaucoup plus difficile et pénible.<br />

5


INTRODUCTION<br />

SOMMAIRE<br />

1. LA MAISON DE RETRAITE HOTELIA<br />

2. QUELQUES NOTIONS THEORIQUES<br />

3. PRISE EN SOIN<br />

4. REFLEXION<br />

CONCLUSION<br />

BIBLIOGRAPHIE<br />

ANNEXES<br />

6


INTRODUCTION<br />

« À quoi <strong>la</strong> musique fait appel en nous, il est difficile de le savoir ; ce qui est certain,<br />

c'est qu'elle touche <strong>une</strong> zone si profonde que <strong>la</strong> folie elle-même n'y saurait pénétrer. »<br />

Cette phrase d’Emile Michel Cioran illustre particulièrement <strong>la</strong> raison pour <strong>la</strong>quelle<br />

mon intérêt s’est porté sur <strong>la</strong> musicothérapie ainsi que le travail qui va être présenté tout<br />

au long de ce mémoire.<br />

Intéressée depuis longtemps par <strong>la</strong> psychologie, <strong>la</strong> musicothérapie m’est tout de suite<br />

apparue comme un moyen d’allier mon travail à ma passion, <strong>la</strong> musique. La musique<br />

réveille les émotions, <strong>la</strong> musique est généralement très liée à <strong>la</strong> sphère affective pour<br />

beaucoup de <strong>personne</strong>s, c’est donc un moyen privilégié pour permettre d’exprimer des<br />

éléments douloureux de <strong>la</strong> vie d’un patient que les mots ne suffisent plus à sou<strong>la</strong>ger, un<br />

instrument de dialogue, de réassurance, de thérapie. Chez <strong>la</strong> <strong>personne</strong> âgée démente,<br />

dont <strong>la</strong> mémoire est sévèrement affectée par <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, il est aisé de penser que <strong>la</strong><br />

musique peut également permettre d’accéder à des souvenirs chargés en émotions qui<br />

ne peuvent plus être rappelés à <strong>la</strong> conscience autrement.<br />

C’est entre autres pour ces raisons qu’il m’a paru intéressant de travailler <strong>avec</strong> des<br />

<strong>personne</strong>s âgées <strong>atteinte</strong>s de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer ou d’autres démences<br />

dégénératives liées au vieillissement.<br />

J’ai effectué mon stage en vue du diplôme de musicothérapeute, d’octobre à mai 2009,<br />

dans <strong>une</strong> maison de retraite médicalisée accueil<strong>la</strong>nt des <strong>personne</strong>s âgées valides à<br />

dépendantes, au cœur de Montpellier : <strong>la</strong> maison de retraite Hotelia. Outre l’intérêt<br />

particulier que j’éprouvais pour l’importance de <strong>la</strong> musique dans <strong>une</strong> thérapie <strong>avec</strong> des<br />

<strong>personne</strong>s âgées <strong>atteinte</strong>s de démences, j’ai choisi ce type d’institution pour le public<br />

que j’y rencontrerais. En effet, je n’avais encore auc<strong>une</strong> expérience de travail <strong>avec</strong> des<br />

<strong>personne</strong>s âgées et, <strong>la</strong> moyenne d’âge de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion française augmentant, il apparaît<br />

assez probable que j’aie à être confrontée à ce type de patients dans mon futur métier de<br />

musicothérapeute, il me paraissait donc très important de posséder <strong>une</strong> expérience<br />

solide dans ce domaine.<br />

Ce mémoire a pour but de présenter et de tenter d’analyser l’évolution d’<strong>une</strong> patiente<br />

<strong>atteinte</strong> de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer au cours de douze séances de musicothérapie <strong>active</strong>.<br />

La musicothérapie peut-elle permettre à <strong>une</strong> patiente n’ayant presque plus accès à <strong>la</strong><br />

parole de trouver un nouveau moyen de communication ? Peut-elle constituer un lieu de<br />

p<strong>la</strong>isir, de détente et d’expression pour <strong>une</strong> patiente <strong>atteinte</strong> d’<strong>une</strong> ma<strong>la</strong>die dégénérative<br />

à un stade re<strong>la</strong>tivement avancé en proie à des angoisses et à <strong>une</strong> perte de repères ? Peuton,<br />

au fil des séances, constater de réels changements chez cette patiente permettant de<br />

dire que <strong>la</strong> musicothérapie représente un réel apport dans sa vie ?<br />

Je commencerai par décrire succinctement l’institution dans <strong>la</strong>quelle j’ai effectué mon<br />

stage : <strong>la</strong> maison de retraite Hotelia. Je détaillerai ensuite le tableau clinique de <strong>la</strong><br />

ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer au stade où se trouve <strong>la</strong> patiente que nous suivrons dans ce<br />

mémoire, de sorte de pouvoir mieux comprendre les réactions de cette <strong>personne</strong>, les<br />

problèmes rencontrés et les éléments à prendre en compte pour adapter au mieux <strong>la</strong><br />

thérapie. Je dirai aussi quelques mots de <strong>la</strong> musique, de <strong>la</strong> musicothérapie et des travaux<br />

qui ont déjà été faits <strong>avec</strong> <strong>la</strong> musicothérapie auprès de <strong>personne</strong>s <strong>atteinte</strong>s de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die<br />

d’Alzheimer. Après quoi, je présenterai le travail que j’ai effectué <strong>avec</strong> cette patiente au<br />

cours des douze séances de musicothérapie que nous avons eues ensemble. Enfin,<br />

j’aborderai un certain nombre de points de réflexion, au sujet des observations,<br />

hypothèses, éventuels résultats et difficultés que cette prise en soin aura suscités ainsi<br />

que sur le travail en maison de retraite et ma p<strong>la</strong>ce de stagiaire musicothérapeute au sein<br />

de l’institution.<br />

1


1. LA MAISON DE RETRAITE HOTELIA<br />

1.1. Généralités et historique<br />

La maison de retraite Hotelia, située au 662 avenue de <strong>la</strong> Pompignane en plein cœur de<br />

Montpellier, est <strong>une</strong> résidence du groupe Korian. Ce groupe privé, dont le réseau est<br />

étendu sur toute <strong>la</strong> France, propose divers types d’établissements : des résidences de<br />

retraite médicalisées, des cliniques de soin et de réadaptation et des cliniques<br />

psychiatriques.<br />

Hotelia porte ce nom évocateur car il s’agissait à l’origine d’un hôtel de luxe. Il y a <strong>une</strong><br />

vingtaine d’années, un groupe commercial racheta l’établissement pour en faire <strong>une</strong><br />

résidence de luxe pour <strong>personne</strong>s âgées. Ce n’est qu’environ quinze ans plus tard<br />

qu’Hotelia, rachetée par le groupe Korian, est devenue un Ehpad (établissement<br />

hébergeant des <strong>personne</strong>s âgées dépendantes) privée à but lucratif accueil<strong>la</strong>nt tous types<br />

de résidents : <strong>personne</strong>s valides, semi-valides, dépendantes, Alzheimer, Parkinson,<br />

autres démences, désorientées… Grand établissement, elle dispose de cent trente lits,<br />

dont <strong>une</strong> quarantaine en secteurs protégés appelés cantous.<br />

Hotelia propose un accueil permanent ou temporaire, des soins nombreux et adaptés aux<br />

résidents.<br />

Les objectifs du groupe Korian sont d’offrir un espace adapté à <strong>la</strong> <strong>personne</strong> âgée,<br />

sécurisant, lui permettant de conserver ses facultés motrices et intellectuelles et de<br />

garder son autonomie. Le but de ces maisons de retraite est aussi de favoriser <strong>la</strong><br />

convivialité entre les résidents, de favoriser les échanges sociaux, tout en conservant<br />

l’intimité et <strong>la</strong> liberté des <strong>personne</strong>s. Les engagements principaux du groupe Korian,<br />

concrétisés par des signatures de conventions au sujet de <strong>la</strong> médicalisation, en<br />

particulier <strong>avec</strong> les conseils généraux, sont le respect de <strong>la</strong> <strong>personne</strong> âgée, de sa volonté<br />

et de sa dignité.<br />

Ces principes théoriques sont du moins ceux que l’on peut lire sur les papiers du groupe<br />

Korian. Dans <strong>la</strong> pratique, <strong>la</strong> réalité des choses fait que certaines difficultés sont<br />

rencontrées au sein de l’établissement. Le manque cruel de <strong>personne</strong>l et le peu d’heures<br />

dont disposent les employés non médicaux comme l’animatrice font que les<br />

engagements énumérés ci-dessus sont difficiles à tenir : les résidents n’ont que peu<br />

d’échanges entre eux et <strong>avec</strong> le <strong>personne</strong>l et les activités se font parfois rares, c’est du<br />

moins le ressenti que j’en ai eu, étayé par des remarques du <strong>personne</strong>l soignant qui<br />

souhaiterait pouvoir donner plus de temps aux résidents.<br />

2


1.2. Le <strong>personne</strong>l soignant<br />

Hotelia dispose d’<strong>une</strong> équipe soignante très complète et formée aux besoins des<br />

résidents, proposant un <strong>la</strong>rge panel de soins et <strong>une</strong> permanence dans l’assistance.<br />

La maison de retraite est sous <strong>la</strong> direction de Mme Boreil.<br />

Une sous-directrice est chargée plus particulièrement des rapports <strong>avec</strong> les familles.<br />

L’équipe soignante est ensuite composée d’un médecin coordonateur, de psychologues,<br />

d’<strong>une</strong> ergothérapeute, de plusieurs kinésithérapeutes exerçant <strong>une</strong> permanence vingtquatre<br />

heures sur vingt-quatre, d’<strong>une</strong> animatrice, d’infirmières, d’aides soignantes et<br />

d’aides médicopsychologiques. Pour ce qui est des médecins effectuant le suivi des<br />

résidents, chaque résident peut avoir son propre médecin traitant et les médecins<br />

viennent en visite. Il faut aussi citer le <strong>personne</strong>l qui vient de manière plus ponctuelle :<br />

le pédicure, <strong>la</strong> coiffeuse…<br />

La psychologue qui est mon maître de stage, Mme Keita, est présente trois jours par<br />

semaine. Elle est particulièrement responsable des problèmes des soignants et des<br />

rapports <strong>avec</strong> les familles. Une autre psychologue se charge plus particulièrement des<br />

problèmes des résidents.<br />

L’animatrice, elle, est présente quatre après-midis par semaine et propose des activités<br />

variées, souvent dans les arts p<strong>la</strong>stiques. De <strong>la</strong> gymnastique douce est également<br />

proposée aux résidents.<br />

Concernant <strong>la</strong> communication entre les soignants, plusieurs réunions sont organisées par<br />

semaine. Il y a tout d’abord les transmissions, qui ont lieu tous les jours à <strong>la</strong> même<br />

heure, horaire qui a d’ailleurs changé plusieurs fois durant les six mois que j’ai passés à<br />

Hotelia, car <strong>la</strong> difficulté est de trouver un moment où les aides soignantes ont<br />

suffisamment de temps pour le consacrer aux transmissions. Le principe des<br />

transmissions est de rapporter tous les problèmes rencontrés dans <strong>la</strong> journée, les choses<br />

inhabituelles qui se sont produites, pour pouvoir en parler et éventuellement mettre au<br />

courant un médecin, un kinésithérapeute…<br />

Le deuxième type de réunion est les réunions autour du projet de vie des résidents. Il<br />

s’agit d’<strong>une</strong> rencontre qui regroupe l’infirmière référente d’un certain résident, le<br />

médecin coordonateur et <strong>la</strong> psychologue, d’<strong>une</strong> durée d’à peu près <strong>une</strong> heure, pour<br />

parler uniquement d’un résident et de son projet de vie, de soins, et parfois aussi de fin<br />

de vie. Ce<strong>la</strong> permet de discuter d’<strong>une</strong> part des soins médicaux les plus adaptés, mais pas<br />

seulement ; le projet de vie concerne toute <strong>la</strong> vie du résident, ce<strong>la</strong> peut donc aussi<br />

toucher le repas, <strong>la</strong> vie sociale, les activités… Ces réunions m’intéressaient beaucoup,<br />

malheureusement, je n’ai pas eu l’occasion d’assister à <strong>une</strong> seule des réunions<br />

concernant les patients que j’ai pris en charge. En effet les patients étant très nombreux,<br />

les réunions concernant ceux que je prenais en thérapie n’ont pas eu lieu durant <strong>la</strong><br />

période où j’étais en stage.<br />

1.3. Description de l’établissement<br />

Bien que située en pleine ville, <strong>la</strong> maison de retraite Hotelia ressemble de<br />

l’extérieur à <strong>une</strong> résidence de luxe, entourée d’<strong>une</strong> grande cour et d’un coin de verdure,<br />

sur lequel donnent les nombreux petits balcons des chambres.<br />

L’intérieur est très propre, dans un style plutôt moderne et très lumineux. Le hall, bien<br />

éc<strong>la</strong>iré, est très spacieux et c’est là que les résidents passent <strong>la</strong> plupart de leur temps et<br />

qu’<strong>une</strong> grande partie des animations a lieu. Il est rempli de fauteuils et de tables, on y<br />

3


trouve <strong>une</strong> télévision, ainsi que le comptoir de l’accueil. De nombreuses pièces donnent<br />

sur le hall, ainsi qu’un grand ascenseur, deux plus petits et <strong>une</strong> cage d’escalier<br />

permettant de monter dans les trois étages. Ce hall donne sur toutes les parties<br />

importantes de l’établissement hormis les chambres. Dans <strong>la</strong> partie du hall <strong>la</strong> plus<br />

proche de l’entrée, on trouve le secrétariat <strong>avec</strong> ses différents bureaux, <strong>la</strong> salle de<br />

transmissions, qui est en fait <strong>la</strong> salle de réunion où ont lieu toutes les réunions dont j’ai<br />

parlé plus haut et <strong>la</strong> grande salle à manger, d’où l’on peut accéder aux cuisines. Dans le<br />

fond du grand hall, on trouve encore quelques bureaux comme celui de <strong>la</strong> psychologue,<br />

l’infirmerie, le bureau où sont rangés tous les dossiers des résidents, <strong>la</strong> salle d’animation<br />

ainsi que l’un des trois cantous de l’établissement. Les chambres des résidents sont<br />

réparties dans les trois étages. Au premier étage, on trouve également les deux autres<br />

cantous.<br />

1.4. Les cantous<br />

Avec les conseils de <strong>la</strong> psychologue, j’ai choisi au cours de mon stage de travailler<br />

particulièrement <strong>avec</strong> les résidents des cantous, j’expliquerai ce choix plus tard. Il<br />

m’apparaît donc nécessaire de développer ce qu’est un cantou et son rôle au sein d’<strong>une</strong><br />

maison de retraite.<br />

1.4.1. Qu’est-ce qu’un cantou ?<br />

A l’origine, le cantou, en occitan, désignait le foyer, le coin du feu. C’était <strong>une</strong> pièce à<br />

l’intérieur même de <strong>la</strong> pièce principale de <strong>la</strong> maison. C’est le lieu où se réunissait <strong>la</strong><br />

famille pour <strong>la</strong> plupart des activités de <strong>la</strong> vie quotidienne et pour partager les moments<br />

de convivialité ensemble.<br />

Depuis <strong>une</strong> réforme des établissements hébergeant des <strong>personne</strong>s âgées dépendantes<br />

(EHPAD), le cantou, anciennement appelé espace de vie, secteur protégé ou pavillon,<br />

désigne un secteur de l’établissement hébergeant les <strong>personne</strong>s les plus dépendantes.<br />

Cantou, en plus de faire référence à <strong>la</strong> signification du mot occitan, est un sigle qui<br />

signifie Centre d’Activités Naturelles Tirées d’Occupations Utiles.<br />

Il s’agit d’<strong>une</strong> petite structure accueil<strong>la</strong>nt <strong>une</strong> dizaine de <strong>personne</strong>s âgées souffrant de<br />

troubles du comportement, Désorientées, <strong>atteinte</strong>s de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer ou<br />

d’autres démences à un stade avancé. Ces unités, intégrées à un établissement du type<br />

maison de retraite comme à Hotelia ou autonomes, disposent d’un équipement adapté à<br />

<strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce des <strong>personne</strong>s âgées.<br />

Le <strong>personne</strong>l d’encadrement diplômé est formé à <strong>la</strong> prise en charge de <strong>personne</strong>s âgées<br />

désorientées et partage <strong>la</strong> vie des résidents. Une maîtresse de maison assure le bon<br />

fonctionnement du cantou. La <strong>personne</strong> âgée est associée, selon ses possibilités, aux<br />

activités de <strong>la</strong> vie quotidienne du cantou : mise du couvert, vaisselle, épluchage… Dans<br />

<strong>la</strong> pratique, j’ai pu constater que mis à part <strong>la</strong> vaisselle, les résidents des cantous ne<br />

participaient à peu près jamais à <strong>une</strong> quelconque activité de <strong>la</strong> vie quotidienne. De<br />

nombreuses réglementations d’hygiène et de sécurité ont peu à peu pratiquement<br />

empêché <strong>la</strong> possibilité pour les résidents de faire <strong>la</strong> cuisine eux-mêmes, même encadrés<br />

et le reste des activités est généralement fait à leur p<strong>la</strong>ce.<br />

4


Le principe, au départ, des cantous, était d’apporter <strong>une</strong> plus grande convivialité et un<br />

sentiment de famille et d’entourage à ces <strong>personne</strong>s très désorientées, <strong>avec</strong> un espace de<br />

vie au milieu des chambres et le terme de maîtresse de maison pour <strong>la</strong> <strong>personne</strong> en<br />

charge du cantou. Ce<strong>la</strong> permet également à <strong>la</strong> <strong>personne</strong> de se sentir encore utile et<br />

intégrée dans des activités de vie quotidienne. J’ai néanmoins pu découvrir, en discutant<br />

<strong>avec</strong> le <strong>personne</strong>l, que beaucoup considéraient cette nouvelle dénomination et ces<br />

nouvelles mesure comme <strong>une</strong> sorte d’hypocrisie vis-à-vis de <strong>la</strong> <strong>personne</strong> âgée, <strong>une</strong><br />

façon de se rassurer quant au fait qu’elles sont mieux prises en charge alors que <strong>la</strong><br />

réalité n’a guère changé d’auparavant : un nombre bien insuffisant de <strong>personne</strong>l<br />

soignant et par conséquent, des résidents dont on s’occupe à <strong>la</strong> chaîne pour les soins du<br />

corps mais qui n’ont plus de vie sociale.<br />

1.4.2. Organisation des cantous à Hotelia<br />

La maison de retraite Hotelia compte trois cantous, un au rez-de-chaussée et deux au<br />

premier étage, portant chacun le nom d’un grand musicien : le cantou Mozart, le Cantou<br />

Chopin et le Cantou Vivaldi. Deux des cantous sont mixtes, le troisième n’héberge que<br />

des femmes. Chaque cantou compte entre 12 et 15 résidents, le nombre n’est jamais fixe<br />

car il peut arriver de nouveaux résidents en besoin et certains autres décèdent. Pour<br />

chaque cantou, deux équipes font un roulement durant <strong>la</strong> semaine, les p<strong>la</strong>ges de travail<br />

pouvant s’étaler sur deux jours comprenant <strong>la</strong> nuit entre les deux. Chaque équipe est<br />

constituée d’<strong>une</strong> maîtresse de maison et d’<strong>une</strong> aide soignante, ce qui apparaît comme<br />

très peu pour <strong>une</strong> quinzaine de résidents totalement dépendants.<br />

Les cantous sont tous agencés pratiquement de <strong>la</strong> même façon : un long couloir sur<br />

lequel donnent <strong>la</strong> plupart des chambres. Ce couloir aboutit dans <strong>une</strong> grande salle,<br />

l’espace de vie, où l’on trouve de nombreuses chaises et tables, des fauteuils, <strong>la</strong><br />

télévision et un coin cuisine <strong>avec</strong> le strict minimum. Ces espaces sont protégés par <strong>une</strong><br />

porte qui, de l’intérieur, s’ouvre en tapant un code, évitant ainsi toute possibilité de<br />

fugue des résidents encore capables de marcher et très désorientés.<br />

1.4.3. Organisation d’<strong>une</strong> journée type<br />

Il me faut également faire un point sur l’emploi du temps de ces secteurs pour<br />

expliquer <strong>la</strong> difficulté que j’ai pu avoir à proposer des horaires pour les séances de<br />

musicothérapie. Les levers et les toilettes se font entre huit heures et onze heures trente.<br />

Le repas étant servi à Midi et les résidents nécessitant un certain temps pour être<br />

installés pour le repas, les maîtresses de maison m’ont c<strong>la</strong>irement fait comprendre que<br />

je représentais <strong>une</strong> gêne plus qu’autre chose lorsque je venais chercher les résidents le<br />

matin. En effet, l’organisation étant variable en fonction de <strong>la</strong> fatigue des résidents entre<br />

autre, il leur était impossible de me garantir que le résident que je venais chercher soit<br />

prêt à l’heure choisie chaque semaine.<br />

Une fois le repas terminé, <strong>la</strong> plupart des résidents sont couchés pour <strong>la</strong> sieste, les autres<br />

se mettent généralement devant <strong>la</strong> télévision où à <strong>une</strong> p<strong>la</strong>ce qu’ils ont l’habitude<br />

d’occuper.<br />

5


C’est un moment très calme qui dure à peu près jusqu’à quinze heures et où <strong>la</strong> maîtresse<br />

de maison prend sa pause, <strong>la</strong>issant l’aide soignante seule pour <strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce du cantou.<br />

Ce moment également était peu propice aux séances de musicothérapie. Enfin vers<br />

quinze heures commencent les levers pour l’après-midi. Le goûter est servi à quinze<br />

heures trente. Il y a ensuite, entre seize heures et dix-huit heures, <strong>une</strong> période de temps<br />

libre, <strong>la</strong> seule en réalité de <strong>la</strong> journée, propice aux activités et, pour moi, à des séances.<br />

C’est aussi durant cette période que le kinésithérapeute vient prendre les résidents qui<br />

en ont besoin. J’ai pu remarquer que le <strong>personne</strong>l soignant du cantou, qui a durant cette<br />

période le seul moment possible pour organiser des animations, ne le fait<br />

qu’extrêmement rarement, profitant souvent de ce répit pour souffler un peu. A dix-huit<br />

heures, le dîner est servi, puis commencent directement les couchers.<br />

1.5. Ma salle de musicothérapie, ses avantages, ses inconvénients<br />

Il me paraît très important pour <strong>la</strong> suite de décrire <strong>la</strong> salle dans <strong>la</strong>quelle j’ai fait toutes<br />

mes séances de musicothérapie. En effet, cette salle, du fait de sa fonction première et<br />

de sa position, a été pour moi l’objet de bien des réflexions.<br />

La seule salle que l’on a proposé de mettre à ma disposition est <strong>la</strong> salle d’animation. En<br />

effet, l’établissement ne disposait d’auc<strong>une</strong> salle non utilisée que j’aurais pu occuper.<br />

On m’avait bien fait deux autres propositions, mais j’ai dû les refuser pour des raisons<br />

bien évidentes. La première était le bureau de <strong>la</strong> psychologue, mais en plus du fait que<br />

je trouvais peu pratique et gênant pour elle d’utiliser son bureau, il s’agit d’<strong>une</strong> toute<br />

petite pièce guère plus spacieuse qu’un p<strong>la</strong>card à ba<strong>la</strong>i. L’autre proposition était <strong>la</strong> salle<br />

de réunions, mais je me suis vite rendue compte qu’il y avait en réalité des réunions en<br />

permanence, parfois des imprévues à des heures inhabituelles, et de plus <strong>la</strong> disposition<br />

de <strong>la</strong> salle remplie de chaises et de tables était tout sauf pratique.<br />

C’est donc bien <strong>la</strong> salle d’animation que j’ai fini par choisir, bien que l’expression<br />

« mettre à disposition » ne soit qu’à demi juste puisque j’ai dû partager durant tout mon<br />

stage cette salle <strong>avec</strong> l’animatrice, ce qui a posé un certain nombre de problèmes.<br />

La salle d’animations donne directement dans le hall d’entrée, mais elle se situe<br />

tout au fond à gauche du hall, dans un coin un peu à l’écart des zones de passage, ce qui<br />

lui permet d’être re<strong>la</strong>tivement calme. Par ailleurs, elle est assez bien isolée, les séances<br />

de musicothérapie se dérou<strong>la</strong>ient donc dans un cadre silencieux, donc favorable. Située<br />

près des ascenseurs, elle est re<strong>la</strong>tivement pratique pour emmener les résidents de leur<br />

cantou à <strong>la</strong> salle de musicothérapie. Elle dispose d’un lecteur CD qui, bien qu’un peu<br />

vieux, fonctionne bien, ce qui me permet de ne pas être obligée d’emmener mon<br />

matériel ou d’en emprunter dans un autre endroit de <strong>la</strong> maison de retraite. Enfin, on y<br />

trouve un synthétiseur Yamaha de très bonne qualité, au c<strong>la</strong>vier taille piano, qui m’a été<br />

extrêmement utile lors de certaines de mes séances.<br />

Cette salle a par contre le désavantage non négligeable d’être immense. C’est<br />

<strong>une</strong> salle qui sert à l’occasion de salle de projection, où l’on peut faire asseoir autour de<br />

tables bon nombre de résidents. Je craignais, et à raison car ce<strong>la</strong> s’est avéré par <strong>la</strong> suite,<br />

que mes patients soient assez désorientés, perturbés et que leur attention soit<br />

difficilement captable dans <strong>une</strong> telle pièce.<br />

6


Par ailleurs, comme il s’agit de <strong>la</strong> salle d’animation, elle est encombrée d’étagères où<br />

sont entreposées les multiples créations artistiques des résidents, de meubles contenant<br />

du matériel pour l’animation et de panneaux où sont affichés des dessins ou des<br />

peintures faites en animation, ce qui a tendance à détourner en permanence l’attention<br />

des patients.<br />

De plus, <strong>la</strong> salle est rarement rangée de <strong>la</strong> même façon lorsque j’y arrive : tantôt tous les<br />

fauteuils sont alignés en rangées devant le grand écran suite à <strong>la</strong> projection d’un film,<br />

tantôt les tables sont au milieu suite à un atelier quelconque, tantôt rangées en U tout<br />

autour de <strong>la</strong> pièce suite à <strong>une</strong> réunion. Le temps me manquant et les meubles étant<br />

plutôt lourds, il m’est impossible de ranger <strong>la</strong> salle toujours de <strong>la</strong> même manière pour<br />

accueillir les résidents. Pour pallier à ce problème, j’organise un coin de <strong>la</strong> pièce pour<br />

être plus particulièrement le lieu où se déroulera <strong>la</strong> séance, coin que je m’efforce, lui,<br />

d’organiser toujours de <strong>la</strong> même manière.<br />

L’autre souci important lié au fait que cette pièce est <strong>la</strong> salle d’animation concerne les<br />

horaires. Sur les trois jours où je suis en stage, l’animatrice est présente deux des jours<br />

de quinze à dix-huit heures et je dois donc libérer <strong>la</strong> salle à trois heures ces jours-là. Les<br />

équipes m’ayant fait comprendre qu’il était très difficile pour elles que je prenne les<br />

résidents le matin et <strong>la</strong> plupart des résidents faisant <strong>la</strong> sieste en début d’après-midi, il<br />

m’a été terriblement difficile d’établir des horaires pour les séances.<br />

Un autre inconvénient majeur de cette salle est sa localisation dans le hall. En<br />

effet, il n’est pas rare qu’un membre du <strong>personne</strong>l, ayant besoin d’<strong>une</strong> chaise, vienne <strong>la</strong><br />

prendre dans ma salle plutôt qu’ailleurs parce que c’est moins éloigné, perturbant ainsi<br />

<strong>la</strong> séance. J’ai eu beau tenter de c<strong>la</strong>rifier les horaires, j’ai eu ce souci jusqu’à <strong>la</strong> fin de<br />

mon stage.<br />

7


2. QUELQUES NOTIONS THEORIQUES<br />

A présent que j’ai présenté l’institution dans <strong>la</strong>quelle j’ai travaillé durant six mois, il me<br />

semble important, pour mieux comprendre le travail que j’ai effectué <strong>avec</strong> <strong>la</strong> patiente<br />

dont je vais développer les séances de musicothérapie, de dire quelques mots du<br />

vieillissement, de sa pathologie, de <strong>la</strong> musicothérapie en général et plus particulièrement<br />

des travaux qui ont déjà été faits en musicothérapie <strong>avec</strong> les <strong>personne</strong>s âgées démentes.<br />

Ceci permettra de mieux appréhender les symptômes de Mme C ma patiente, de mieux<br />

comprendre ses réactions et d’entrevoir l’intérêt que peut avoir pour elle <strong>la</strong><br />

musicothérapie <strong>active</strong>.<br />

2.1. Vieillissement normal et vieillissement pathologique<br />

Il est avant tout nécessaire, lorsque l’on parle de <strong>personne</strong>s âgées, de bien noter <strong>la</strong><br />

différence entre ce qui relève du vieillissement normal et ce qui relève du vieillissement<br />

pathologique, en l’occurrence, d’<strong>une</strong> démence de type Alzheimer. En effet, certaines<br />

manifestations physiques ou psychologiques chez un sujet âgé sont uniquement le signe<br />

d’<strong>une</strong> vieillesse normale et il est important, pour détecter le début d’<strong>une</strong> quelconque<br />

démence, de bien les différencier de symptômes d’<strong>une</strong> quelconque ma<strong>la</strong>die.<br />

2.1.1. Le vieillissement normal<br />

Même si certains critères permettent objectivement de les différencier, il existe <strong>une</strong><br />

sorte de continuum entre vieillissement normal et vieillissement pathologique. Il<br />

n’existe pas un vieillissement normal, mais des vieillissements normaux, qui<br />

s’échelonnent selon des degrés de qualité et de durée. Ces différences proviennent<br />

généralement de <strong>la</strong> personnalité du sujet, mais aussi de son histoire, de son contexte<br />

socioculturel et familial. [3]<br />

Pour distinguer le vieillissement normal du vieillissement pathologique, il existe<br />

plusieurs critères.<br />

Le premier est le critère statistique : on décrira alors le vieillissement normal comme un<br />

vieillissement offrant au sujet des performances se situant de part et d’autre de <strong>la</strong><br />

moyenne, dans <strong>la</strong> limite d’un ou de deux écarts-type.<br />

8


On peut aussi utiliser le critère clinique : Rowe et Khan (cités par Bousquet) [2]<br />

définissent trois modèles évolutifs de vieillissement : le vieillissement <strong>avec</strong> pathologie<br />

et/ou handicap, le vieillissement habituel <strong>avec</strong> <strong>atteinte</strong> de certaines fonctions, mais sans<br />

pathologie définie et le vieillissement réussi, c’est-à-dire sans <strong>atteinte</strong> de certaines<br />

fonctions et sans pathologie.<br />

Le vieillissement altère progressivement tous les aspects de <strong>la</strong> santé. [21] Sur le p<strong>la</strong>n<br />

physique, tous les tissus et organes du corps sont atteints par <strong>une</strong> dégénérescence :<br />

baisse de <strong>la</strong> vue, de l’ouïe, des capacités locomotrices, affaiblissement du système<br />

immunitaire… Sur le p<strong>la</strong>n mental, on va observer un déclin normal des capacités<br />

intellectuelles : pertes de mémoire, baisse de l’attention, difficultés de concentration…<br />

Mais il s’agit là d’<strong>une</strong> dégradation normale et qui ne renvoie à auc<strong>une</strong> pathologie.<br />

On ne peut pas dégager de règles générales en matière d’évolution dans le vieillissement<br />

normal. Certaines études un peu anciennes établissent des âges précis où commence le<br />

déclin des fonctions mnésiques, puis celui des capacités verbales, enfin celui des<br />

capacités visuospaciales [2] Mais d’autres études détruisent cette hypothèse en exposant<br />

des modèles très différents selon les sujets. En définitive, il faut retenir qu’il y a <strong>une</strong> très<br />

grande variabilité interindividuelle dans le vieillissement normal, liée à un très grand<br />

nombre de facteurs : l’âge, le sexe, le niveau de sco<strong>la</strong>rité, le statut matrimonial,<br />

l’entourage, <strong>la</strong> famille, le niveau de santé, le niveau de stress, etc. [16]<br />

Le vieillissement normal est l’objet de nombreux lieux communs, clichés et stéréotypes<br />

qui ressortaient jusque dans des études scientifiques sérieuses il y a quelques dizaines<br />

d’années : <strong>la</strong> vieillesse entrainerait un aigrissement du caractère, les <strong>personne</strong>s âgées<br />

seraient plus avares, hargneuses, égoïstes, instables. Même si aujourd’hui les<br />

scientifiques décrivent les choses tout autrement, ces lieux communs sont encore très<br />

présents dans beaucoup d’esprits, un fait qui est source d’incompréhensions, de<br />

catalogage et qui peut conduire à un fossé entre les générations et de terribles difficultés<br />

de communication, un problème particulièrement difficile dans <strong>une</strong> maison de retraite<br />

qui prend en charge <strong>une</strong> centaine de résidents âgés.<br />

Des études plus récentes, même si celle sur <strong>la</strong>quelle s’appuie ce mémoire est encore<br />

ancienne, aboutissent à des conclusions toutes autres concernant <strong>la</strong> personnalité du sujet<br />

âgé : cette étude démontre au contraire <strong>une</strong> stabilité de <strong>la</strong> personnalité, <strong>une</strong> conservation<br />

des traits de caractère. [22] Il est particulièrement intéressant de prendre ces données en<br />

compte lors d’<strong>une</strong> prise en soin. Le caractère d’un patient peut nous donner des indices<br />

sur ce qu’il était auparavant, même si lui ne s’en souvient à peu près pas. Comme nous<br />

le verrons, ma patiente Mme C a <strong>une</strong> personnalité bien trempée, un fort caractère, elle<br />

est souvent dans l’opposition et <strong>la</strong> revendication, il est intéressant de pouvoir supposer<br />

qu’elle possédait déjà un tel caractère durant toute sa vie pour mieux comprendre ce<br />

qu’elle a pu vivre, notamment quand il a été décidé qu’elle serait p<strong>la</strong>cée en institution.<br />

En résumé, on pourrait presque dire que le vieillissement normal n’est caractérisé par<br />

aucun symptôme particulier concernant <strong>la</strong> personnalité et le comportement, nous ne<br />

parlons pas ici bien sûr de l’évolution physique normale du sujet âgé : baisse de<br />

l’activité physique et des capacités motrices, baisse de <strong>la</strong> vue, de l’audition…<br />

Le vieillissement est néanmoins différent selon chaque individu et on pourra constater<br />

quelques évolutions du comportement propres à chaque <strong>personne</strong>, à son histoire.<br />

9


Il faut tout de même noter dans l’évolution normale de <strong>la</strong> <strong>personne</strong> âgée <strong>une</strong> difficulté<br />

de plus en plus grande à s’adapter. La <strong>personne</strong> âgée devient moins souple et un<br />

changement, de lieu, d’habitudes, devient plus rapidement pénible et difficile.<br />

Néanmoins, il ne s’agit pas de désadaptation complète, si un tel état survient, il est<br />

pathologique.<br />

De manière générale, l’évolution psychique de <strong>la</strong> <strong>personne</strong> âgée n’est pas différente de<br />

celle de l’adulte. Les manifestations particulières que l’on peut rencontrer au cours de <strong>la</strong><br />

vieillesse sont uniquement liées à un contexte particulier. Par exemple, un sujet qui a<br />

toujours renforcé son estime de soi grâce à <strong>la</strong> valorisation apportée par sa vie<br />

professionnelle peut se trouver dans <strong>une</strong> situation de décompensation au moment de <strong>la</strong><br />

retraite et très mal supporter cette situation de retraité où il ne trouve plus d’activités<br />

suffisamment gratifiantes.<br />

Néanmoins, les mécanismes de défense déjà présents à l’âge adulte existent toujours<br />

chez les <strong>personne</strong>s âgées et sont toujours les mêmes. Ainsi on peut parler de<br />

refoulement, de sublimation, d’inversion, d’iso<strong>la</strong>tion, de dép<strong>la</strong>cement, etc., au même<br />

titre que pour <strong>une</strong> <strong>personne</strong> adulte, ce qui permet à <strong>la</strong> <strong>personne</strong> âgée de parvenir à<br />

trouver un équilibre et de s’adapter.<br />

2.1.2. Le vieillissement pathologique<br />

Il est difficile de marquer <strong>une</strong> limite stricte entre le vieillissement normal et le<br />

vieillissement pathologique comme nous l’avons déjà souligné.<br />

Il faut bien comprendre que <strong>la</strong> vieillesse est source de nombreux et plus ou moins<br />

profonds changements qui vont bouleverser <strong>la</strong> vie de l’individu. Nous en avons déjà<br />

évoqué un certain nombre : <strong>la</strong> perte de son travail et donc <strong>la</strong> baisse de l’estime de soi, <strong>la</strong><br />

capacité d’adaptation aux changements, <strong>la</strong> perte des capacités biologiques… Mais on<br />

peut aussi souligner l’isolement, <strong>la</strong> perte d’un conjoint ou d’amis, le handicap…<br />

Tous ces événements sont susceptibles de conduire le sujet à <strong>une</strong> crise mettant à<br />

l’épreuve ses capacités de réinvestissement et de sublimation. Cette crise peut<br />

déboucher sur un nouvel équilibre, mais elle peut aussi, si elle est mal gérée par<br />

l’individu, aboutir à <strong>une</strong> décompensation entraînant des pathologies. On pense bien<br />

souvent à <strong>la</strong> dépression qui affecte <strong>une</strong> grande partie des <strong>personne</strong>s âgées, mais <strong>une</strong><br />

incapacité à gérer cette crise peut aussi conduire à l’apparition d’<strong>une</strong> démence.<br />

Il est évident qu’un conflit psychique et <strong>une</strong> désorganisation mentale ne sont pas à eux<br />

seuls responsables de l’apparition d’<strong>une</strong> démence sénile comme <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die<br />

d’Alzheimer. Bien d’autres facteurs sont à mettre en cause, nous évoquerons à nouveau<br />

ce sujet plus tard, comme <strong>la</strong> dégénérescence physiologique, des facteurs génétiques et<br />

bien d’autres encore. Néanmoins il est important de comprendre que le vieillissement<br />

pathologique est souvent entraîné par <strong>la</strong> difficulté pour les <strong>personne</strong>s âgées à résoudre<br />

<strong>une</strong> crise psychologique liée à leur situation même, et qu’à son tour, l’apparition d’<strong>une</strong><br />

pathologie est généralement source d’angoisses, d’<strong>une</strong> perte de l’estime de soi<br />

également, risquant de provoquer d’autres pathologies associées, comme l’anxiété<br />

généralisée ou <strong>la</strong> dépression.<br />

10


2.2. La ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer<br />

Comme nous le verrons lorsque je présenterai ma patiente, Mme C est <strong>atteinte</strong> d’<strong>une</strong><br />

ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer re<strong>la</strong>tivement avancée et elle a déjà perdu un certain nombre de ses<br />

capacités. Je vais donc dans les paragraphes suivants présenter <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer<br />

et surtout les différents symptômes qui <strong>la</strong> caractérisent pour permettre de mieux<br />

appréhender les difficultés, les comportements, les réactions de Mme C.<br />

2.2.1. Généralités<br />

2.2.1.1. Quelques chiffres<br />

La ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer est <strong>une</strong> démence sénile dégénérative qui touche un nombre de<br />

<strong>personne</strong>s de plus en plus important chaque année et qui représente <strong>la</strong> quatrième cause<br />

de mortalité en France. Pour mieux comprendre son importance au sein de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />

âgée, je commencerai par présenter quelques chiffres, en me basant sur les études<br />

INSEE et DREES de 2008. [5]<br />

La ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer touche 5 % des <strong>personne</strong>s âgées de plus de 65 ans, en 2007,<br />

860000 <strong>personne</strong>s en France en sont <strong>atteinte</strong>s. D’après les études INSEE, un million<br />

trois cent mille <strong>personne</strong>s pourraient en être <strong>atteinte</strong>s en 2020, ce qui signifie <strong>une</strong><br />

<strong>personne</strong> âgée sur quatre, ce chiffre en partie expliqué par le vieillissement de <strong>la</strong><br />

popu<strong>la</strong>tion. En effet, depuis les années 80, ce vieillissement s’accélère : d’ici 2040, un<br />

tiers de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion devrait être âgée de plus de 60 ans. En 2006, l’espérance de vie<br />

des femmes est de 84 ans et celle des hommes de 77,1 ans. En dix ans, les hommes ont<br />

gagné 3,1 ans d’espérance de vie et les femmes 2,1 ans.<br />

La ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer étant liée au vieillissement, ces chiffres sont assez a<strong>la</strong>rmants<br />

quant à l’avenir des <strong>personne</strong>s âgées et à leur prise en charge. En France, on dénombre<br />

160000 nouveaux cas par an.<br />

La fréquence de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die augmente <strong>avec</strong> l’âge : comme nous l’avons vu, 5 % des<br />

<strong>personne</strong>s de plus de 65 ans en sont <strong>atteinte</strong>s, et 20 pourcents des <strong>personne</strong>s de plus de<br />

80 ans. Après 75 ans, <strong>la</strong> démence en général est au premier p<strong>la</strong>n des ma<strong>la</strong>dies touchant<br />

les <strong>personne</strong>s âgées ; on dénombre 18 % des <strong>personne</strong>s de cet âge qui seraient atteints<br />

d’<strong>une</strong> démence. La ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer touche trois fois plus les femmes que les<br />

hommes. Elle constitue 80 % des cas de démences en France à l’heure actuelle.<br />

2.2.1.2. Définition et présentation générale<br />

La ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer est <strong>une</strong> ma<strong>la</strong>die dégénérative du système nerveux central<br />

caractérisée par <strong>une</strong> détérioration durable et progressive des fonctions cognitives. Il<br />

s’agit d’<strong>une</strong> démence sénile, donc liée au vieillissement, et dégénérative, ce qui signifie<br />

que c’est <strong>une</strong> ma<strong>la</strong>die à l’heure actuelle incurable et à l’évolution lente et progressive.<br />

Avant tout, tentons de mieux expliquer ce qu’est <strong>une</strong> démence : <strong>une</strong> démence est un<br />

affaiblissement mental global frappant l’ensemble des capacités psychiques et altérant<br />

progressivement <strong>la</strong> cognition, les activités, l’affectivité. [9]<br />

11


Les déficits portent sur <strong>la</strong> mémoire, les praxies (compétences motrices acquises par<br />

apprentissage), les gnosies (comprendre, identifier les objets), le <strong>la</strong>ngage, l’affectivité<br />

(anxiété, agressivité), l’autonomie dans <strong>la</strong> vie quotidienne. Dans <strong>la</strong> démence, il y a<br />

toujours <strong>une</strong> notion de perte, d’incurabilité.<br />

Les premiers signes de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer touchent <strong>la</strong> mémoire à court terme.<br />

Ensuite apparaissent des troubles du <strong>la</strong>ngage et de l’attention. Puis arrivent des troubles<br />

de <strong>la</strong> reconnaissance des formes, des objets, des visages, enfin des troubles du jugement.<br />

Puis les troubles s’accentuent et <strong>la</strong> mémoire se détériore de plus en plus.<br />

La ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer apparaît généralement entre 60 et 85 ans. Dans quelques cas<br />

rares des <strong>personne</strong>s plus je<strong>une</strong>s peuvent être <strong>atteinte</strong>s. Il semblerait que les <strong>personne</strong>s<br />

ayant <strong>une</strong> activité intellectuelle intense soient plus protégées de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, peut-être<br />

parce qu’elles ont plus de réserves cognitives…<br />

2.2.1.3. Les lésions cérébrales<br />

La ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer se caractérise par des lésions de <strong>la</strong> partie interne du lobe<br />

temporal du cortex. Ces lésions sont prédominantes et apparaissent dès le début de <strong>la</strong><br />

ma<strong>la</strong>die. Ensuite, elles progressent vers le cortex temporopariétal, l’hippocampe et<br />

atteignent au fur et à mesure l’ensemble du cerveau. [7]<br />

Il y a deux types de lésions qui caractérisent <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer. Les premières sont<br />

les p<strong>la</strong>ques séniles : ce sont des lésions qui résultent de l’accumu<strong>la</strong>tion d’<strong>une</strong> protéine,<br />

<strong>la</strong> bêta-amyloïde. Un fragment de cette protéine vient se déposer sur les couches<br />

supérieures du cortex. On ne sait toujours pas pourquoi cette protéine se scinde en deux.<br />

Le deuxième type de lésions est les dégénérescences neurofibril<strong>la</strong>ires : Il s’agit de<br />

fi<strong>la</strong>ments à l’intérieur des neurones qui s’enroulent en forme d’hélice. Ceci est dû à<br />

l’accumu<strong>la</strong>tion de <strong>la</strong> protéine tau à l’intérieur des neurones.<br />

2.2.2. Les causes et les facteurs de risque<br />

Les chercheurs s’accordent à dire qu’il n’existe pas <strong>une</strong> cause unique à <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die<br />

d’Alzheimer, mais <strong>une</strong> pluralité de causes dont certaines sont encore probablement<br />

inconnues. En plus des causes probables, les chercheurs ont mis en évidence un certain<br />

nombre de facteurs de risques pouvant entrer en compte. [7]<br />

Le niveau d’études et socioculturel jouerait un rôle : le risque d’Alzheimer serait plus<br />

faible pour des <strong>personne</strong>s ayant un niveau d’études élevé ou appartenant à <strong>une</strong> c<strong>la</strong>sse<br />

socioprofessionnelle élevée.<br />

La consommation de certains produits jouerait elle aussi un rôle : <strong>une</strong> consommation<br />

modérée d’alcool serait un facteur protecteur contre <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. Le thé, contenant <strong>une</strong><br />

substance neutralisant <strong>la</strong> molécule qui dégrade l’acétylcholine, pourrait lutter contre les<br />

dégénérescences neurofibril<strong>la</strong>ires. Enfin, l’intoxication à l’aluminium pourrait être un<br />

facteur de risque pour le déclenchement d’<strong>une</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer.<br />

Des antécédents de traumatismes crâniens, surtout répétés, pourraient prédisposer à <strong>la</strong><br />

ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer.<br />

Il pourrait aussi y avoir dans certains cas <strong>une</strong> cause génétique, surtout lorsque <strong>la</strong><br />

ma<strong>la</strong>die se déc<strong>la</strong>re précocement : le gène qui code <strong>la</strong> protéine bêta-amyloïde se trouve<br />

sur le chromosome 21, mais d’autres chromosomes seraient également en ligne de<br />

compte : le 1, le 14, le 19.<br />

12


Il pourrait aussi y avoir un facteur de risque infectieux : il existe <strong>une</strong> bactérie à l’origine<br />

d’<strong>une</strong> pneumonie de faible intensité qui provoque l’inf<strong>la</strong>mmation des tissus et serait<br />

responsable de l’apparition de p<strong>la</strong>ques séniles. Mais il faut bien notifier que ce n’est pas<br />

parce qu’un cerveau présente des p<strong>la</strong>ques séniles que son propriétaire va forcément<br />

contracter <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer.<br />

Pour terminer, il faut évoquer les facteurs psychiques : tous les facteurs que nous avons<br />

évoqués jusqu’ici semblent montrer que les troubles d’Alzheimer sont consécutifs aux<br />

lésions. Mais certains chercheurs ont suggéré l’hypothèse inverse : ce seraient des<br />

troubles psychologiques qui entraîneraient les lésions. Le stress face à <strong>la</strong> perte de<br />

certaines capacités, l’angoisse de <strong>la</strong> mort provoqueraient des lésions. [15]<br />

2.2.3. Le diagnostic<br />

Le diagnostic précoce de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer est d’<strong>une</strong> importance capitale pour que<br />

<strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die puisse être bien traitée, le sujet pris en charge correctement. Or, en France,<br />

dans <strong>une</strong> grande partie des cas, <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die est diagnostiquée très tard, soit à cause de <strong>la</strong><br />

peur de <strong>la</strong> famille d’entendre le nom d’<strong>une</strong> ma<strong>la</strong>die qui inquiète, soit parce qu’un<br />

conjoint ou un parent veut à tout prix pouvoir s’occuper de <strong>la</strong> <strong>personne</strong> et lui épargner<br />

de souffrir davantage. C’est, nous le verrons, le cas de Mme C, ma patiente, dont <strong>la</strong><br />

pathologie a été diagnostiquée très tardivement car son mari refusait les examens<br />

médicaux pour <strong>la</strong> protéger. Une enquête a montré que le dé<strong>la</strong>i moyen en France entre<br />

les premiers symptômes et le diagnostic était de 24 mois, ce qui est très supérieur à <strong>la</strong><br />

plupart des autres pays d’Europe. 25 % des sujets atteints reçoivent le diagnostic alors<br />

qu’ils sont déjà passés dans <strong>la</strong> phase installée de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. Enfin, en France toujours,<br />

seulement 50 % des sujets atteints par <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer reçoivent un diagnostic.<br />

[5]<br />

Pourtant, un diagnostic précoce permet <strong>une</strong> plus grande information du ma<strong>la</strong>de et de son<br />

entourage, il évite de nombreux conflits que les symptômes de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, agressivité,<br />

jalousie, entraînent dans les familles, il permet aussi au ma<strong>la</strong>de de choisir lui-même<br />

l’institution où il souhaite être pris en charge, ce qui évite <strong>la</strong> culpabilité de l’entourage<br />

et le sentiment d’abandon et de désespoir du sujet. Enfin, les quelques traitements visant<br />

à ralentir l’évolution de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die ne sont réellement efficaces qu’au début de <strong>la</strong><br />

démence. [7]<br />

Actuellement, le diagnostic de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer ne peut se faire que par<br />

élimination d’autres pathologies et il n’est donc pas fiable à 100 %. La question doit se<br />

poser dès l’apparition des premiers troubles : troubles de <strong>la</strong> mémoire à court terme,<br />

troubles comportementaux (suspicion, jalousie…). Un médecin généraliste peut prendre<br />

le sujet en charge et établir <strong>avec</strong> lui ses antécédents, traumatismes crâniens, dépression,<br />

prise de toxiques, d’alcool, de médicaments… Il fera alors passer au sujet <strong>une</strong> batterie<br />

de tests pour tenter de détecter si les symptômes ne peuvent pas être le signe d’<strong>une</strong> toute<br />

autre pathologie.<br />

On commencera par <strong>une</strong> analyse de sang, pouvant révéler par exemple des carences<br />

comme celle en vitamine B12, carence qui produit les mêmes symptômes que <strong>la</strong><br />

ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer.<br />

Si cette analyse ne révèle rien, le médecin généraliste fera faire au patient d’autres tests<br />

neurologiques pour tenter d’écarter d’autres possibilités de pathologie : un scanner<br />

permet d’éliminer toutes les démences de type vascu<strong>la</strong>ire ainsi que <strong>la</strong> possibilité d’<strong>une</strong><br />

tumeur.<br />

13


L’IRM permet de visualiser les atrophies cérébrales et les aires où se situent les p<strong>la</strong>ques<br />

séniles. Aucun système d’imagerie ne peut permettre de visualiser directement les<br />

lésions de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer, d’où <strong>la</strong> difficulté du diagnostic. On peut aussi faire<br />

passer au sujet un électroencéphalogramme, permettant de mesurer l’activité électrique<br />

du cerveau.<br />

Parallèlement, le médecin peut faire passer au patient des tests psychométriques pour<br />

évaluer son activité intellectuelle. [1] Ces tests permettent d’évaluer <strong>la</strong> mémoire,<br />

l’orientation dans l’espace et le temps, les processus opératoires, les apraxies et<br />

agnosies.<br />

Si l’ensemble de ces examens ne révèle auc<strong>une</strong> autre pathologie susceptible de<br />

provoquer les symptômes, le médecin pourra poser le diagnostic de ma<strong>la</strong>die<br />

d’Alzheimer.<br />

2.2.4. Les différentes phases<br />

Bien que les lésions cérébrales puissent apparaître jusqu’à trente ans avant l’apparition<br />

des premiers symptômes, c’est à partir de ceux-ci que l’on peut définir <strong>une</strong> évolution de<br />

<strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, même si chaque individu ne va pas développer exactement les mêmes<br />

manifestations, les mêmes symptômes et pas forcément dans le même ordre ou au<br />

même moment. A partir des premiers symptômes, <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die va se développer en<br />

différentes phases successives, dont <strong>la</strong> transition n’est pas nette mais progressive.<br />

L’espérance de vie après les premiers signes de <strong>la</strong> démence est de huit à douze ans.<br />

On compte quatre phases dans l’évolution de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer.<br />

- La phase légère est <strong>la</strong> première phase de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, elle dure de deux à quatre<br />

ans. Elle est caractérisée par des troubles mnésiques et comportementaux :<br />

troubles de <strong>la</strong> mémoire épisodique à court terme, troubles légers de l’attention et<br />

du <strong>la</strong>ngage, légère modification de l’humeur.<br />

- On trouve ensuite le stade modéré qui évolue sur <strong>une</strong> période de deux à six ans.<br />

La perte d’autonomie est significative, les troubles mnésiques et<br />

comportementaux s’aggravent. On observe <strong>une</strong> perte des repères spatiaux et<br />

temporels et le patient commence à avoir des difficultés plus ou moins grandes<br />

pour reconnaître les objets usuels et les visages. La perte du <strong>la</strong>ngage s’accentue.<br />

- Vient ensuite le stade sévère : il dure de deux à quatre ans. La mémorisation est<br />

à présent totalement altérée. Le <strong>la</strong>ngage, <strong>la</strong> compréhension deviennent<br />

pratiquement inexistants. Les troubles physiques deviennent eux aussi très<br />

envahissants.<br />

- Enfin, survient <strong>la</strong> phase terminale qui dure environ deux ans. Le patient a perdu<br />

toute autonomie, il est grabataire. La fatigue, <strong>la</strong> perte de poids et les problèmes<br />

bronchiques finissent par entraîner <strong>la</strong> mort.<br />

Mme C, <strong>la</strong> patiente dont je vais présenter l’évolution durant mes six mois de stage en<br />

séances de musicothérapie, se trouve encore dans <strong>la</strong> phase modérée, bien qu’il soit<br />

difficile de l’évaluer <strong>avec</strong> certitude. Je vais donc développer à présent les troubles de <strong>la</strong><br />

ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer à ce stade.<br />

14


2.2.5. Le stade modéré<br />

Les troubles les plus importants, qui caractérisent <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer dans son<br />

intégralité, sont les troubles de <strong>la</strong> mémoire. [9] Au stade modéré, ils sont antérogrades<br />

(difficulté d’emmagasiner de nouveaux souvenirs) et rétrogrades (difficulté à se<br />

souvenirs de souvenirs passés). Ils concernent autant <strong>la</strong> mémoire à court terme que <strong>la</strong><br />

mémoire à long terme. Seule <strong>la</strong> mémoire procédurale (mémoire des gestes<br />

automatiques) est conservée très longtemps. Les troubles de mémoire entraînent un<br />

certain nombre de troubles associés : <strong>la</strong> difficulté à se repérer (<strong>la</strong> <strong>personne</strong> peut se<br />

perdre même dans un endroit qu’elle connaissait très bien), changements de<br />

comportements (apathie, tristesse, perte d’intérêt pour <strong>la</strong> vie), perte de repères<br />

temporaux (confusion dans les moments de <strong>la</strong> journée).<br />

Le stade modéré est aussi caractérisé par <strong>une</strong> aphasie : le patient ne trouve plus les mots<br />

pour définir un objet ou <strong>une</strong> <strong>personne</strong>. Au stade modéré, même les objets les plus<br />

familiers sont touchés. Face à ce trouble très gênant pour <strong>la</strong> <strong>personne</strong>, elle va adapter<br />

son discours : soit elle va se mettre à parler très longuement, soit s’enfermer dans un<br />

mutisme, soit produire des discours très incohérents, à <strong>la</strong> limite du délire. Mme C<br />

semble vouloir parler beaucoup, mais lorsqu’elle est compréhensible, son discours est<br />

très incohérent.<br />

La ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer est aussi caractérisée par les troubles des praxies : apraxie<br />

idéomotrice (<strong>la</strong> <strong>personne</strong> devient incapable d’exécuter des gestes symboliques ou de<br />

mimer l’utilisation d’un objet), apraxie idéative (<strong>la</strong> <strong>personne</strong> devient incapable d’utiliser<br />

certains objets ou d’exécuter un enchaînement de gestes), apraxie constructive<br />

(difficulté pour assembler des objets en deux ou trois dimensions).<br />

La ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer se caractérise aussi par des agnosies : ce sont des troubles de <strong>la</strong><br />

reconnaissance des objets alors que <strong>la</strong> fonction sensorielle n’est pas altérée. Ce<strong>la</strong> touche<br />

également <strong>la</strong> reconnaissance des visages, même des gens proches.<br />

Au stade modéré, on constate aussi des troubles du jugement : difficulté à distinguer un<br />

objet d’un autre, perte des principes qui faisaient discerner à <strong>la</strong> <strong>personne</strong> ce qu’elle<br />

estimait bien ou mal…<br />

La <strong>personne</strong> se retrouve aussi confrontée à des troubles importants de l’attention, c’est<br />

<strong>une</strong> chose qui ressortira souvent dans mes séances de musicothérapie <strong>avec</strong> Mme C :<br />

difficultés pour focaliser son attention longtemps sur un objet, dispersion de <strong>la</strong> pensée et<br />

des actions…<br />

Pour terminer, il faut évoquer les troubles du comportement et les troubles de l’humeur,<br />

qui s’accentuent <strong>avec</strong> le déclin des fonctions cognitives. La <strong>personne</strong> perd<br />

progressivement son emprise sur le réel.<br />

On constate chez beaucoup de ma<strong>la</strong>des des troubles de l’affectivité : ce peut être de<br />

l’apathie, voire de <strong>la</strong> dépression, mais aussi de l’agressivité, de <strong>la</strong> colère. Les troubles<br />

du <strong>la</strong>ngage rendent difficile <strong>la</strong> compréhension de ces réactions, comme nous pourrons le<br />

voir <strong>avec</strong> Mme C dans les toutes dernières séances.<br />

La <strong>personne</strong> est également sujette à un comportement de déambu<strong>la</strong>tion, d’errance, ainsi<br />

que d’agitation.<br />

Le ma<strong>la</strong>de souffre aussi de troubles neurovégétatifs : troubles du sommeil, incontinence,<br />

anorexie...... Ces troubles ont tendance à renforcer l’anxiété et les troubles du<br />

comportement.<br />

Enfin, certains patients présentent aussi quelques troubles psychotiques, comme le<br />

délire.<br />

15


2.3. La musicothérapie <strong>active</strong><br />

Avant que d’expliquer pourquoi avoir accordé un intérêt tout particulier à l’importance<br />

de <strong>la</strong> musique et de <strong>la</strong> musicothérapie <strong>avec</strong> les <strong>personne</strong>s <strong>atteinte</strong>s de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die<br />

d’Alzheimer, il m’apparaît nécessaire de dire quelques mots rapides pour présenter <strong>la</strong><br />

musicothérapie, en particulier <strong>la</strong> musicothérapie <strong>active</strong> que j’utiliserai <strong>avec</strong> ma patiente,<br />

de manière à mieux faire comprendre mon travail auprès de Mme C.<br />

La musicothérapie est <strong>une</strong> démarche de soin utilisant <strong>la</strong> musique dans le but de<br />

permettre à des <strong>personne</strong>s en difficulté, de quelque sorte qu’elle soit, de trouver un lieu<br />

d’expression, de communication, de développement de son imagination, de<br />

renforcement de son estime de soi. Elle s’appuie sur les sonorités, sur <strong>la</strong> musique, sur<br />

les sons, pour permettre à un patient de communiquer, au travers de nombre de<br />

médiateurs : des instruments, <strong>la</strong> voix, des sons ou des musiques enregistrés et même son<br />

propre corps. La musique et les sons sont <strong>une</strong> source de p<strong>la</strong>isir, grâce à <strong>la</strong> stimu<strong>la</strong>tion de<br />

plusieurs sens. Ces stimu<strong>la</strong>tions peuvent amener le patient à retrouver des souvenirs, des<br />

sensations, grâce à ce que l’on appelle <strong>la</strong> mémoire émotionnelle, <strong>la</strong> mémoire qui associe<br />

à un stimulus sensoriel <strong>une</strong> sensation, <strong>une</strong> émotion, un sentiment. Et cette mémoire,<br />

contrairement à <strong>la</strong> mémoire épisodique, sémantique et même dans les derniers moments<br />

de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die procédurale, semblerait ne jamais disparaître. Ainsi, <strong>la</strong> musicothérapie a<br />

pour but d’amener le patient au bien-être et à <strong>la</strong> détente psychique. [1]<br />

La musicothérapie <strong>active</strong> se situe dans l’action de chanter et de produire <strong>une</strong><br />

communication instrumentale, donc non verbale. C’est un outil extraordinaire dans <strong>la</strong><br />

prise en soin de <strong>personne</strong>s <strong>atteinte</strong>s de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer qui, comme nous l’avons<br />

vu plus haut, ont généralement très difficilement accès à <strong>la</strong> parole, mais ne sont pas<br />

dénuées pour autant du désir et du besoin de s’exprimer.<br />

La musicothérapie <strong>active</strong> s’appuie en grande partie sur l’analyse d’improvisations<br />

musicales regroupant le thérapeute et le patient. Cette médiation par <strong>la</strong> musique, dont <strong>la</strong><br />

pratique est beaucoup plus instinctive que celle de <strong>la</strong> parole, permet de faciliter <strong>la</strong><br />

communication entre un patient en grande difficulté psychique et le musicothérapeute<br />

qui est là pour être capable de recevoir l’improvisation du patient comme <strong>une</strong> tentative<br />

de dialogue et pour pouvoir y répondre de manière appropriée. [10] On verra au cours<br />

de mes séances <strong>avec</strong> Mme C que bien que j’aie l’envie de prévoir des exercices plus<br />

cadrés, en réalité nos 12 séances de musicothérapie se sont à peu près totalement<br />

composées d’improvisations entre Mme C et moi.<br />

On ne peut pas parler de thérapie sans parler de cadre thérapeutique. Ce terme de cadre<br />

reviendra plusieurs fois dans les questionnements que je me ferai au sujet de mes<br />

séances, il me semble donc important de développer un peu cette notion.<br />

La notion de cadre est issue de <strong>la</strong> pratique psychanalytique mais elle a été ensuite<br />

étendue à tous les domaines de <strong>la</strong> psychothérapie. Le cadre est un ensemble de critères<br />

précis, d’éléments au cours d’<strong>une</strong> séance de thérapie qui ne varieront pas d’<strong>une</strong><br />

rencontre à l’autre. Il s’agit d’abord de <strong>la</strong> fréquence des séances, de leur durée et du lieu<br />

où elles se déroulent. Il peut aussi s’agir de <strong>la</strong> position des <strong>personne</strong>s dans <strong>la</strong> pièce. Le<br />

cadre englobe aussi l’assurance pour le patient du secret professionnel, que tout ce qui<br />

sera dit en séance n’en sortira pas. Le cadre consiste aussi à poser des règles, celles<br />

généralement posées en musicothérapie étant le respect du matériel et des <strong>personne</strong>s<br />

présentes (ne pas se blesser ou blesser l’autre, ne pas abîmer les instruments.)<br />

16


Le cadre a plusieurs fonctions : celle d’un contenant, dans lequel le patient se sent en<br />

sécurité, celle de limites qui correspondent aux limites du monde extérieur et qui<br />

donnent un repère stable au patient, limites qu’il sait ne pas pouvoir franchir pour<br />

garantir de conserver sa re<strong>la</strong>tion <strong>avec</strong> le thérapeute. Le cadre sécurise par sa stabilité, le<br />

fait qu’il est juste envers le patient et qu’il représente un point fixe au milieu d’<strong>une</strong> vie<br />

qui peut paraître, notamment pour <strong>une</strong> <strong>personne</strong> <strong>atteinte</strong> de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer,<br />

désorganisée et sans plus aucun repère.<br />

Le cadre représente aussi un espace privé, intime où <strong>la</strong> <strong>personne</strong> pourra s’exprimer hors<br />

de <strong>la</strong> vue du monde extérieur, dans un espace physique et psychologique réduit et<br />

confiné. Néanmoins, notamment dans des institutions où les imprévus de dernière<br />

minute, les changements d’emploi du temps sont monnaie courante, il faut pouvoir<br />

s’adapter. Le respect de l’horaire, par exemple, ne peut pas toujours être garanti. Selon<br />

Martin [12], même si le cadre est susceptible d’aménagements, il doit toujours garantir<br />

<strong>la</strong> réalité interne, <strong>la</strong> réalité psychique du patient construite sur <strong>la</strong> perception de ce qui se<br />

produit, organisée par <strong>la</strong> mémoire, <strong>la</strong> structuration, organisée en signe et signification.<br />

En d’autres termes, l’enveloppement psychique que garantit le cadre, ce sentiment de<br />

sécurité et d’intimité doit absolument être conservé par le thérapeute, même si le cadre<br />

temporel ou spatial doit subir des variations.<br />

Pour terminer sur <strong>la</strong> musicothérapie, il me semble important de souligner qu’elle<br />

s’inscrit dans <strong>une</strong> prise en charge pluridisciplinaire. En particulier en ce qui concerne<br />

les <strong>personne</strong>s âgées démentes, <strong>la</strong> musicothérapie n’a de sens que si elle s’inclue dans un<br />

projet de vie conçu par <strong>une</strong> équipe soignante dont les membres se complètent. La prise<br />

en soin musicothérapeutique se réalise dans le cadre d’<strong>une</strong> prescription médicale et <strong>la</strong><br />

musicothérapie s’inscrit dans un ensemble de projets mis en p<strong>la</strong>ce pour apporter de<br />

l’aide au patient. Elle ne se suffit pas à elle-même, elle s’inscrit dans <strong>une</strong> démarche<br />

d’équipe. [1]<br />

2.4. Musicothérapie et ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer<br />

Louis Ploton [15] insiste particulièrement sur le fait que <strong>la</strong> <strong>personne</strong> <strong>atteinte</strong> de <strong>la</strong><br />

ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer reste <strong>une</strong> <strong>personne</strong> à part entière. Elle est certes intellectuellement<br />

très diminuée, sa mémoire, son jugement, ses capacités de réflexion, d’analyse, son<br />

discours, sont terriblement altérés, elle n’en demeure pas moins <strong>une</strong> <strong>personne</strong> capable<br />

de sentiments, d’émotions, d’affection, de sensibilité. Elle reste un être de re<strong>la</strong>tion, un<br />

être fécond pour peu que l’on sache faire preuve d’empathie.<br />

Néanmoins, nous avons vu que <strong>la</strong> <strong>personne</strong> âgée <strong>atteinte</strong> de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer ne<br />

peut plus s’exprimer de manière satisfaisante par le biais du verbal. C’est là qu’apparaît<br />

l’intérêt de <strong>la</strong> musique. La musicothérapie va permettre à ces <strong>personne</strong>s de s’exprimer<br />

en utilisant un autre médiateur.<br />

De nombreuses études ont montré que <strong>la</strong> musique avait <strong>une</strong> action biophysiologique,<br />

même sur des sujets à des stades avancés de démence, ce qui <strong>la</strong>isse à penser qu’au-delà<br />

de leur incapacité à communiquer, et peut-être également à comprendre le monde qui<br />

les entoure, <strong>la</strong> musique stimule encore certains processus chez ces sujets, trouve un écho<br />

en eux, écho que ne trouvent plus des paroles rationnelles ni même des objets ou des<br />

visages. Pour illustrer ces actions biophysiologiques, on peut citer l’étude de Norberga<br />

et al [13] qui s’est intéressée aux réactions de deux <strong>personne</strong>s <strong>atteinte</strong>s de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die<br />

d’Alzheimer au stade terminal suite à <strong>une</strong> stimu<strong>la</strong>tion durant 15 jours par de <strong>la</strong> musique.<br />

17


On observe durant ces stimu<strong>la</strong>tions par l’écoute de musique entre autres manifestations<br />

<strong>une</strong> accélération du rythme cardiaque et de <strong>la</strong> respiration. Ces patients qui ne<br />

communiquent plus, semblent complètement déconnectés du monde montrent <strong>une</strong><br />

réaction physique à <strong>la</strong> musique, et on peut supposer que cette réaction n’est que le<br />

témoin d’<strong>une</strong> réaction psychologique, les signes observés étant ceux provoqués par<br />

l’intensité de certaines émotions.<br />

Les résultats d’<strong>une</strong> étude de Susuki et al [18] viennent étayer l’idée que <strong>la</strong> musique et en<br />

particulier <strong>la</strong> musicothérapie entraînent des résultats biophysiologiques significatifs :<br />

cette étude a, entre autres, comparé les taux de chromogranine A, témoin du niveau de<br />

stress, et de l’immunoglobuline A, témoin de l’efficacité du système immunitaire, d’un<br />

groupe contrôle et d’un groupe de <strong>personne</strong>s <strong>atteinte</strong>s de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer ayant<br />

suivi 25 séances de musicothérapie en trois mois. Les auteurs constatent <strong>une</strong> baisse<br />

significative du stress et <strong>une</strong> amélioration elle aussi significative du système<br />

immunitaire pour les <strong>personne</strong>s ayant bénéficié de musicothérapie.<br />

Il semble donc évident que, chez les <strong>personne</strong>s âgées démentes, <strong>la</strong> musicothérapie ait un<br />

réel effet physiologique : elle est à <strong>la</strong> fois apaisante, source d’émotions et donc à<br />

l’origine de sensations, de p<strong>la</strong>isir ou de dép<strong>la</strong>isir, elle semble même avoir un effet sur<br />

des processus purement biologiques comme le système immunitaire.<br />

Pour comprendre à quel point ces bienfaits sont particulièrement intéressants pour <strong>la</strong><br />

<strong>personne</strong> âgée <strong>atteinte</strong> de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer, il est intéressant d’évoquer le fait<br />

qu’à l’inverse de beaucoup de capacités intellectuelles, les fonctions liées à <strong>la</strong> musique<br />

ne semblent pas être dégradée par <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. L’étude de Gagnon et al [6] compare les<br />

résultats d’un groupe de <strong>personne</strong>s <strong>atteinte</strong>s de démences de type Alzheimer à ceux d’un<br />

groupe de <strong>personne</strong>s âgées suivant un vieillissement normal dans des épreuves de<br />

jugement émotionnel de <strong>la</strong> musique, se basant particulièrement sur le mode et le tempo,<br />

deux composantes importantes pour juger si <strong>une</strong> musique est heureuse ou triste. On ne<br />

constate pas de différence notable entre ces deux groupes, ce qui semble signifier que<br />

contrairement à l’ensemble du jugement chez les <strong>personne</strong>s démentes de type<br />

Alzheimer qui est généralement altéré, le jugement émotionnel induit par <strong>la</strong> musique<br />

n’est pas altéré. Sur ce p<strong>la</strong>n, les capacités cognitives ne semblent pas suivre le déclin<br />

que subissent, nous l’avons vu, les autres fonctions cognitives.<br />

D’autres études semblent même montrer qu’en présence de musique, les capacités<br />

cognitives de <strong>la</strong> <strong>personne</strong> <strong>atteinte</strong> de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer sont améliorées, comme le<br />

montre cette étude de Thompson et al où des sujets déments confrontés à <strong>une</strong> tâche de<br />

catégorisation <strong>la</strong> réussissent mieux en présence de musique que sans. [20]<br />

Une autre étude de Susuki et al [19] montre qu’il n’y a pas de différence significative<br />

aux résultats du Mini-mental test entre des <strong>personne</strong>s <strong>atteinte</strong>s de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die<br />

d’Alzheimer prises en soin en musicothérapie et un groupe contrôle mais que par contre<br />

on observe <strong>une</strong> amélioration significative dans un sous-test évaluant le <strong>la</strong>ngage.<br />

Enfin, <strong>la</strong> musicothérapie semble avoir un effet positif sur le comportement.<br />

Même si aucun effet à long terme n’a été observé, des séances hebdomadaires de<br />

musicothérapie auprès de ma<strong>la</strong>des d’Alzheimer semblent réduire leur niveau d’agitation<br />

à court terme. [11]<br />

Par ailleurs, l’étude de Susuki et al que nous avons déjà citée précédemment montre que<br />

les séances de musicothérapie entraînent <strong>une</strong> amélioration du comportement typique de<br />

<strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer. [18]<br />

18


On constate donc que <strong>la</strong> musicothérapie semble avoir un effet bénéfique pour les<br />

<strong>personne</strong>s <strong>atteinte</strong>s de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer sur <strong>la</strong> sphère émotionnelle, cognitive,<br />

comportementale et même physiologique.<br />

Suzanne Ogay [14] explique que <strong>la</strong> musique agit par stimuli multifactoriels grâce à sa<br />

composition. L’harmonie de <strong>la</strong> musique a <strong>une</strong> action sur ce qui relève du sensoriel : le<br />

timbre sur le cognitif, <strong>la</strong> mélodie sur l’affectif et le rythme sur le comportemental.<br />

Cette catégorisation est beaucoup trop restrictive, car il est bien difficile de pouvoir<br />

prétendre savoir si c’est plus un rythme, <strong>une</strong> mélodie, un timbre de voix ou<br />

d’instruments qui va éveiller <strong>une</strong> émotion chez un patient, il l’est peut-être encore<br />

davantage de savoir si c’est l’un de ces trois aspects d’<strong>une</strong> musique qui va calmer,<br />

détendre <strong>une</strong> <strong>personne</strong>. Il est probable que ce soit dans beaucoup de cas <strong>une</strong><br />

combinaison des trois, ainsi que l’association à des souvenirs, à des pensées. Tout ceci<br />

n’est pas réellement étudiable scientifiquement et surtout, chaque individu a <strong>une</strong><br />

sensibilité tellement différente qu’il est impossible de faire des généralités.<br />

Néanmoins, l’idée est bien là : par le biais de <strong>la</strong> musique, <strong>la</strong> musicothérapie peut aider<br />

les patients Alzheimer à maintenir leurs compétences cognitives, elle peut les aider à<br />

exprimer des émotions, des sentiments et elle peut également parvenir à améliorer leurs<br />

comportements (agitation, agressivité…).<br />

Enfin, chez le ma<strong>la</strong>de d’Alzheimer, si <strong>la</strong> mémoire explicite est très rapidement<br />

lourdement dégradée, <strong>la</strong> <strong>personne</strong> conserve sa mémoire implicite [17]. Or, comme nous<br />

l’avons vu, <strong>la</strong> musique éveille des émotions, même chez <strong>la</strong> <strong>personne</strong> démente n’ayant<br />

plus accès à sa mémoire épisodique, et ces émotions sont liées à des souvenirs que <strong>la</strong><br />

musique évoque. Il semblerait donc que <strong>la</strong> mémoire émotionnelle soit partie intégrante<br />

de <strong>la</strong> mémoire implicite, mémoire qui n’est pas altérée par <strong>la</strong> démence.<br />

Les séances de musicothérapie permettent donc, sans l’utilisation du verbal, de faire<br />

revivre aux patients des moments de leur vie et de les exprimer par d’autres moyens que<br />

les mots.<br />

La musicothérapie <strong>active</strong>, que j’utiliserai <strong>avec</strong> ma patiente Mme C, représente de plus<br />

un moyen d’expression pour des <strong>personne</strong>s démentes qui n’ont plus accès à <strong>la</strong> parole ou<br />

qui, si elles y ont accès, se retrouvent généralement <strong>avec</strong> les mots dans <strong>une</strong> situation<br />

d’échec. L’utilisation d’instruments, de sa voix ou de son corps pour communiquer <strong>avec</strong><br />

le thérapeute va annuler toute cette notion d’échec provoquée par <strong>la</strong> perte des mots,<br />

l’angoisse de ne plus se rappeler ou encore un discours tout simplement incohérent : <strong>la</strong><br />

<strong>personne</strong> pourra utiliser les instruments, son corps ou encore les notes qu’elle peut<br />

produire, les sons qu’elle peut moduler, comme un substitut de <strong>la</strong> parole dans lequel elle<br />

est totalement libre et sans les limites imposées par sa ma<strong>la</strong>die et le thérapeute va<br />

pouvoir lui répondre sur le même registre.<br />

2.5. Questionnements, problématique<br />

Il apparaît évident que <strong>la</strong> musicothérapie <strong>active</strong> est hautement intéressante et peut être<br />

grandement bénéfique pour <strong>une</strong> <strong>personne</strong> <strong>atteinte</strong> de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer. Les effets<br />

positifs que nous venons de voir sont tous scientifiquement démontrés et poussent à<br />

explorer plus avant cette voie.<br />

Néanmoins, entre <strong>la</strong> théorie et <strong>la</strong> pratique, il demeure un grand pas à franchir, un pas<br />

d’incertitude, d’interrogations, lié au fait que chaque patient est différent et qu’il n’est<br />

nulle règle applicable de manière totalement identique pour chacun.<br />

19


Comment mettre en pratique <strong>la</strong> communication par les instruments quand on n’est pas<br />

certain d’être compris ? Comment entrer en re<strong>la</strong>tion <strong>avec</strong> <strong>une</strong> <strong>personne</strong> qui semble très<br />

difficilement capable de conserver son attention sur <strong>une</strong> chose plus de quelques<br />

secondes ? Comment savoir quel exercice proposer pour qu’il soit réellement adapté<br />

aux besoins du patient ? Par où commencer ? Quel médiateur, du corps, des instruments,<br />

de <strong>la</strong> voix, doit-on utiliser ?<br />

C’est <strong>avec</strong> toutes ces questions que j’ai commencé ma prise en soin de Mme C et<br />

auxquelles j’ai peu à peu tenté de répondre au fil des séances. Ce sont les<br />

questionnements qui jalonneront par <strong>la</strong> suite toute ma prise en soin.<br />

20


3.1. Présentation de madame C<br />

3.1.1. Présentation générale<br />

3. PRISE EN SOIN<br />

Agée de 74 ans, Mme C est <strong>une</strong> petite femme encore très vive malgré sa ma<strong>la</strong>die. C’est<br />

<strong>une</strong> <strong>personne</strong> que l’on peut souvent voir déambuler, manipuler divers objets. Elle<br />

cherche aussi beaucoup à parler, même si elle est très difficilement compréhensible.<br />

Elle aime <strong>la</strong> musique et elle semble facilement se <strong>la</strong>isser aller à chanter ou à danser.<br />

Mariée, sans enfants, Mme C exerçait le métier de secrétaire de direction. Lorsque les<br />

premiers signes de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die apparaissent, son mari fait tout pour <strong>la</strong> garder auprès de<br />

lui. Il finit par embaucher <strong>une</strong> <strong>personne</strong> pour l’aider à s’occuper de sa femme. Cet<br />

homme et cette aide finissent par se rapprocher, tandis que l’état de Mme C se détériore<br />

jusqu’à ce qu’il apparaisse évident qu’elle ne peut plus être aidée à domicile et que son<br />

mari décide de <strong>la</strong> p<strong>la</strong>cer en maison de retraite.<br />

Plus tard, son mari et cette autre femme s’installent ensemble et c’est toujours en sa<br />

compagnie qu’il vient rendre visite à Mme C.<br />

Les seules visites que reçoit Mme C sont celles de son mari, qui n’ont lieu qu’<strong>une</strong> à<br />

deux fois par an. Lors de ces visites, elle apparaît anxieuse, nerveuse et en colère. Au fil<br />

des années, cette colère s’estompe pour <strong>la</strong>isser p<strong>la</strong>ce à un repli sur elle-même<br />

lorsqu’elle voit son mari et sa compagne. Mme C n’a pas de dame de compagnie, elle<br />

est donc re<strong>la</strong>tivement seule.<br />

3.1.2. Pathologie et traitement<br />

Mme C est <strong>atteinte</strong> d’<strong>une</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer pure, sans pathologies associées. Elle<br />

serait <strong>atteinte</strong> de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die depuis longtemps, environ sept ans, mais le diagnostic a été<br />

fait extrêmement tardivement car son mari souhaitait <strong>la</strong> protéger et a donc évité tout<br />

bi<strong>la</strong>n médical pendant longtemps.<br />

21


Son score au MMS (Mini Mental Score), test qui évalue l’orientation temporo-spatiale,<br />

l’apprentissage, <strong>la</strong> mémoire, l’attention, le raisonnement, le <strong>la</strong>ngage est de 7/30 en<br />

juillet 2007 et de 4/30 en octobre 2008, ce qui témoigne d’<strong>une</strong> évolution de <strong>la</strong> démence<br />

et d’<strong>une</strong> perte importante des capacités cognitives. Ces chiffres extrêmement bas<br />

révèlent un stade re<strong>la</strong>tivement avancé de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer. [4]<br />

La ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer de Mme C s’accompagne de déambu<strong>la</strong>tion, elle marche sans<br />

but, parfois durant des heures, parfois semb<strong>la</strong>nt suivre un trajet précis qui ne mène nulle<br />

part. Elle est également, par moments, accompagnée d’agitation. Mme C aime aussi<br />

prendre et dissimuler des objets de toute sorte.<br />

Mme C conserve un bon capital moteur, entre autre en ce qui concerne le maniement<br />

des objets, elle mange seule par exemple. Elle peut aussi faire sa toilette seule, et<br />

s’habiller seule à condition que ses vêtements lui soient donnés dans l’ordre.<br />

Par contre, on constate <strong>une</strong> totale perte des repères spatiaux, elle est incapable de<br />

retrouver un lieu ou de savoir où elle se trouve.<br />

Sur le p<strong>la</strong>n verbal, Mme C reste capable de prononcer des mots, même si parfois son<br />

élocution est difficile à comprendre, mais elle est difficilement capable de formuler des<br />

phrases cohérentes. Par ailleurs, elle marmonne beaucoup, semble souvent parler pour<br />

elle-même sans être compréhensible. Elle fait également beaucoup de néologismes.<br />

Au niveau de l’écriture, elle peut former des lettres, des mots, mais pas de phrases<br />

cohérentes.<br />

Concernant le traitement de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, Mme C prend seulement deux médicaments :<br />

Reminyl et Risperdal. Ce sont deux traitements qui ont pour unique but de ralentir<br />

l’évolution de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer. [8]<br />

- Le Reminyl agit sur l’acétylcholinestérase, limitant <strong>la</strong> destruction de<br />

l’acétylcholine dans le cerveau, cette substance étant soupçonnée d’avoir un rôle<br />

important dans les processus de mémoire et d’apprentissage.<br />

- Quant au Risperdal, il s’agit d’un neuroleptique empêchant le captage par les<br />

neurorécepteurs de <strong>la</strong> dopamine et de <strong>la</strong> sérotonine.<br />

3.1.3. Le choix du patient<br />

Comme j’en ai parlé plus haut, j’ai, sur les conseils de <strong>la</strong> psychologue, pris <strong>la</strong> décision<br />

de ne prendre en thérapie que des <strong>personne</strong>s résidant dans les cantous ; il me semble<br />

donc judicieux de justifier ce choix. Les résidents des cantous sont les seuls à ne pas<br />

bénéficier des animations proposées par l’animatrice pour les <strong>personne</strong>s de<br />

l’établissement. Souvent très touchés par des pathologies du vieillissement, ces<br />

résidents ont du mal à s’intégrer aux autres encore valides et moins dépendants. Même<br />

si de temps en temps quelques animations sont mises en p<strong>la</strong>ce par le <strong>personne</strong>l soignant<br />

des cantous, ces résidents sont <strong>la</strong> plupart du temps désœuvrés et un peu seuls. La mise<br />

en p<strong>la</strong>ce de séances de musicothérapie représente donc l’apport d’un élément nouveau<br />

dans leur journée, d’<strong>une</strong> activité. C’est de plus pour eux <strong>une</strong> réelle possibilité de se<br />

sentir vraiment écoutés et objet d’attention.<br />

Par ailleurs, <strong>une</strong> grande partie d’entre eux a des difficultés à s’exprimer par <strong>la</strong> parole, <strong>la</strong><br />

musique semble donc un excellent moyen de leur permettre de dialoguer, de se détendre<br />

et de développer leur créativité.<br />

22


Enfin, ces résidents, souvent atteints de démences dégénératives et en fin de vie, doivent<br />

faire face à des angoisses de mort, liées à <strong>la</strong> perte de leur autonomie, de leurs souvenirs,<br />

de leurs capacités, <strong>la</strong> musicothérapie peut leur apporter un soutien, un lieu d’expression<br />

et d’accompagnement.<br />

Il convient à présent d’expliquer le choix de <strong>la</strong> prise en soin de Mme C. L’équipe<br />

soignante me décrit immédiatement Mme C comme <strong>une</strong> <strong>personne</strong> <strong>active</strong>, qui bouge<br />

beaucoup. J’apprends que c’est <strong>une</strong> <strong>personne</strong> qui chante facilement dès qu’elle entend<br />

un air qu’elle reconnaît, qui se met à danser lorsqu’elle entend <strong>une</strong> musique entraînante.<br />

Même si je n’arrive pas à obtenir de renseignements sur son rapport à <strong>la</strong> musique quand<br />

elle était plus je<strong>une</strong>, il semble donc que c’est <strong>une</strong> femme qui apprécie <strong>la</strong> musique, y est<br />

sensible et sait s’exprimer par ce biais.<br />

Mme C est aussi <strong>une</strong> femme qui ne reçoit jamais de visites, elle n’a pas de dame de<br />

compagnie comme certaines autres résidentes et elle est souvent exclue des sorties à<br />

cause de son agitation et de sa difficulté à ne pas déambuler.<br />

La musicothérapie semble donc particulièrement appropriée à cette résidente, d’abord à<br />

cause de son affinité <strong>avec</strong> <strong>la</strong> musique, ensuite parce que c’est <strong>une</strong> <strong>personne</strong> qui a<br />

particulièrement besoin d’attention, enfin parce qu’elle a beaucoup de mal à s’exprimer<br />

verbalement mais semble capable de chanter ou d’utiliser son corps à l’aide de <strong>la</strong><br />

musique.<br />

3.2. Méthodologie<br />

Il convient à présent, avant de commencer à décrire <strong>la</strong> prise en soin de Mme C, que<br />

j’expose en quelques mots les méthodes pratiques que j’ai employées pour organiser<br />

mes séances, en particulier <strong>la</strong> manière dont j’ai organisé mon temps et celle dont j’ai<br />

pris des notes au cours des séances.<br />

Même si les séances <strong>avec</strong> Mme C sont principalement basées sur des jeux<br />

d’improvisation, je les prépare toujours à l’avance, prenant <strong>une</strong> demi-heure <strong>la</strong> veille au<br />

soir pour sélectionner les musiques que je compte éventuellement diffuser et pour<br />

réfléchir aux exercices que je compte proposer.<br />

Les séances, comme j’en reparlerai plus tard, ont lieu le mardi à 14 heures 30, je me<br />

réserve donc <strong>une</strong> demi-heure avant <strong>la</strong> séance pour préparer <strong>la</strong> salle, réorganiser le<br />

mobilier qui est très souvent dép<strong>la</strong>cé à causes des activités diverses qui ont lieu dans<br />

cette pièce et installer le matériel dont j’ai besoin, c’est-à-dire principalement le lecteur<br />

de CD et le c<strong>la</strong>vier.<br />

Il m’est très rapidement apparu dès <strong>la</strong> première rencontre qu’il m’était totalement<br />

impossible de prendre <strong>la</strong> moindre note durant les séances, étant donné que je suis moimême<br />

très impliquée dans le jeu et dans le dialogue <strong>avec</strong> Mme C. J’ai vite compris qu’il<br />

m’était impossible de faire des ruptures dans <strong>la</strong> communication, même minimes, pour<br />

noter des paroles ou des gestes de Mme C. En outre, Mme C souffrant d’importants<br />

troubles de l’attention, le moindre écart de ma part à ce que nous sommes en train de<br />

faire peut avoir des conséquences désastreuses sur <strong>la</strong> séance : Mme C détourne alors son<br />

attention de <strong>la</strong> musique et de <strong>la</strong> raison pour <strong>la</strong>quelle elle est <strong>avec</strong> moi et dès lors n’a plus<br />

qu’<strong>une</strong> idée, partir. Il m’est alors très difficile de capter à nouveau son attention, j’ai<br />

donc abandonné toute possibilité de prendre <strong>la</strong> moindre note durant les séances.<br />

23


Je me réserve par conséquent <strong>une</strong> p<strong>la</strong>ge horaire immédiatement après <strong>la</strong> séance pour<br />

prendre en note tout ce qui a été dit et fait, cette p<strong>la</strong>ge horaire pouvant aller d’<strong>une</strong> demiheure<br />

à <strong>une</strong> heure en fonction de mes disponibilités. Je profite également de ce temps<br />

pour écrire un premier bi<strong>la</strong>n à chaud de ce que j’ai pu retirer de ce qui s’est passé pour<br />

Mme C. Je restitue ensuite au propre mes notes quelques jours après et je complète mon<br />

bi<strong>la</strong>n des observations, remarques et réflexions que j’ai pu faire durant ce temps de recul<br />

de quelques jours et après relecture du déroulement des séances précédentes pour<br />

étudier <strong>une</strong> éventuelle évolution.<br />

Cette technique de prise de notes a l’inconvénient de ne pas me permettre de retenir de<br />

mémoire tous les échanges verbaux entre Mme C et moi, il me faut donc préciser que<br />

seules sont rapportées au style direct les paroles dont je suis sûre de l’exactitude.<br />

3.3. Premiers pas dans <strong>la</strong> prise en soin<br />

3.3.1. L’entretien<br />

Après trois semaines d’observation dans <strong>la</strong> maison de retraite et après <strong>une</strong> première<br />

sélection, à l’aide de <strong>la</strong> psychologue, de résidents pouvant bénéficier de séances de<br />

musicothérapie, j’ai commencé à passer des entretiens <strong>avec</strong> les différents résidents, pour<br />

apprendre à les connaître davantage et pour mieux me présenter à eux. Néanmoins,<br />

Mme C est <strong>une</strong> <strong>personne</strong> au discours très peu cohérent, dont l’élocution fait qu’elle est<br />

difficile à comprendre, je ne lui ai donc pas proposé un entretien conventionnel pour ne<br />

pas <strong>la</strong> mettre en situation d’échec et sachant de toute façon qu’il lui serait à peu près<br />

impossible de répondre à <strong>la</strong> plupart de mes questions. Je l’ai toutefois prise un moment<br />

en chambre pour me représenter à elle et lui expliquer en quoi consistait mon travail. Je<br />

lui ai demandé si elle aimait <strong>la</strong> musique et sa réponse a été « Oui ». Je lui ai proposé que<br />

l’on se voie ensemble <strong>une</strong> première fois pour un essai, <strong>une</strong> rencontre autour de <strong>la</strong><br />

musique pour voir si nous pourrions faire quelque chose ensemble. J’ai en effet pris<br />

l’habitude de présenter de cette manière le bi<strong>la</strong>n psychomusical, car j’ai pu remarquer<br />

que le terme de bi<strong>la</strong>n a tout de suite quelque chose d’inquiétant pour les <strong>personne</strong>s, <strong>une</strong><br />

connotation d’examen, de jugement. A cette proposition, elle a tout de suite semblé<br />

enthousiaste et a accepté.<br />

3.3.2. Le bi<strong>la</strong>n psychomusical actif<br />

Je retrouve donc madame C le mardi 25 novembre vers 14h30, comme nous l’avions<br />

convenu lors de notre petit entretien <strong>la</strong> semaine précédente. Etant donné les difficultés<br />

de communication de madame C, sa pathologie touchant <strong>la</strong> mémoire et <strong>la</strong><br />

communication, je choisis de ne pas lui faire passer de bi<strong>la</strong>n psychomusical réceptif.<br />

Demander à cette patiente de parler sur <strong>une</strong> musique me paraît en effet le meilleur<br />

moyen de <strong>la</strong> mettre en échec et de ne rien lui apporter.<br />

24


Nous nous retrouvons donc pour un bi<strong>la</strong>n psychomusical actif.<br />

Celui-ci se déroule en trois étapes :<br />

- Une première étape où je demande à Mme C de jouer <strong>avec</strong> les instruments mis à<br />

sa disposition comme elle le veut quand elle le veut,<br />

- Une deuxième étape où je diffuse quatre extraits musicaux et où je lui demande<br />

de jouer comme elle veut et quand elle veut sur <strong>la</strong> musique,<br />

- Une dernière étape où je lui propose que nous jouions ensemble comme nous le<br />

voulons <strong>avec</strong> les instruments.<br />

Voici les quatre extraits diffusés lors de <strong>la</strong> deuxième partie du bi<strong>la</strong>n (voir CD pistes 1, 2<br />

3 et 4) :<br />

- Premier extrait, extrait mélodique : Hyrule Castle. The legend of Zelda Ocarina<br />

of Time, Hyrule Symphony. (1999)<br />

- Deuxième extrait, extrait harmonique : The immo<strong>la</strong>tion scene. Extrait de : Star<br />

Wars The Ciths Revenge sound track. John Williams. (2005)<br />

- Troisième extrait, extrait électroacoustique : Détours. Michel Redolfi. (1999)<br />

- Quatrième extrait, extrait rythmique : Doundounbé. Ensemble national des<br />

percussions de Guinée. (année non spécifiée)<br />

Pour ce bi<strong>la</strong>n, j’ai disposé <strong>une</strong> série d’instruments sur <strong>une</strong> table ronde dans l’un des<br />

coins de <strong>la</strong> pièce, celui où se trouve le c<strong>la</strong>vier, au fond à droite en entrant dans <strong>la</strong> salle<br />

(voir p<strong>la</strong>n de <strong>la</strong> salle de musicothérapie en annexe 1). C’est l’endroit que je conserverai<br />

toujours pour faire mes séances, car lorsque je dispose les chaises de manière à fermer<br />

cet endroit, tournant le dos au reste de <strong>la</strong> salle, ce<strong>la</strong> restreint le cadre et aide à centrer<br />

l’attention de Mme C qui a beaucoup de mal à se concentrer longtemps sur <strong>une</strong><br />

occupation. J’ai donc disposé deux chaises, l’<strong>une</strong> dos à <strong>la</strong> fenêtre et l’autre pas tout à<br />

fait en face, dos au c<strong>la</strong>vier.<br />

Voici <strong>la</strong> liste des instruments que je mets à <strong>la</strong> disposition de Mme C pour ce bi<strong>la</strong>n (voir<br />

photo en annexe 2) :<br />

- Un giro<br />

- Un tambour PVC<br />

- Un woodblock<br />

- Un œuf shaker<br />

- Une paire de c<strong>la</strong>ves<br />

- Une <strong>la</strong>me sonore<br />

- Un triangle<br />

- Une couronne de cymbalettes.<br />

Lorsque je reviens du cantou Vivaldi <strong>avec</strong> Mme C, <strong>la</strong> psychologue entre dans ma salle<br />

en même temps que moi, tire <strong>une</strong> chaise et vient s’asseoir <strong>avec</strong> nous, sans m’en avoir<br />

parlé au préa<strong>la</strong>ble. Un peu mal à l’aise, je signale seulement qu’il faut <strong>la</strong>isser faire Mme<br />

C comme elle l’entend et ne pas intervenir.<br />

25


Première partie :<br />

Lorsqu’elle arrive dans <strong>la</strong> salle et s’installe auprès des instruments, Mme C s’intéresse<br />

directement à eux et commence à les prendre, les toucher, jouer <strong>avec</strong>. Elle secoue l’œuf<br />

shaker, puis tape sur le woodblock.<br />

Mais dès l’instant où j’explique pourquoi nous sommes là, où je me présente et où je<br />

donne <strong>la</strong> première consigne, elle n’ose plus jouer. Elle me regarde et prononce des<br />

paroles que je ne comprends pas entièrement mais dans lesquelles je discerne qu’elle<br />

s’attend à ce que ce soit moi qui joue pour elle. Il faut très longtemps avant qu’elle ne se<br />

décide. Pendant ce temps, <strong>la</strong> psychologue prend des instruments et commence à jouer<br />

pour inciter Mme C, elle parle, lui explique des choses et met des instruments dans ses<br />

mains. Je lui explique à nouveau que Mme C doit être <strong>la</strong>issée libre de ne pas jouer et de<br />

faire ce qu’elle veut et que nous n’avons pas à intervenir. Elle repose les instruments en<br />

disant : « Oui, je vous <strong>la</strong>isse faire ». Finalement, Mme C touche les c<strong>la</strong>ves en disant :<br />

« Elles sont raides. » Puis elle prend <strong>une</strong> c<strong>la</strong>ve et se met à taper sur <strong>la</strong> <strong>la</strong>me sonore. Elle<br />

fait ce geste quelques secondes, puis elle se met à taper sur <strong>la</strong> <strong>la</strong>me sonore <strong>avec</strong> <strong>la</strong><br />

baguette du triangle. Néanmoins, elle ne joue que très peu de temps et après un moment<br />

de silence je finis par proposer que nous passions à <strong>la</strong> deuxième partie du bi<strong>la</strong>n.<br />

Deuxième partie :<br />

Extrait 1 : Mme C se met immédiatement à taper du pied, puis des mains, en rythme. Au<br />

bout de quelques instants, elle ne se contente pas de marquer le rythme mais elle<br />

introduit des accents sur certains temps, toujours <strong>avec</strong> mains et pieds.<br />

Extrait 2 : Elle se met à compter les instruments en disant : « Y’en a un paquet ! » Puis<br />

elle parle de quand elle était petite, même si toutes ses paroles ne sont pas<br />

compréhensibles. Elle se lève, avance sa chaise, se rassoit. Puis elle se relève et elle dit :<br />

« C’est mou ça. C’est trop mou, y’a rien qui arrive. »<br />

C’est à ce moment-là que <strong>la</strong> psychologue déc<strong>la</strong>re qu’elle va me <strong>la</strong>isser, elle se lève et<br />

sort de <strong>la</strong> pièce. L’extrait se termine dans le silence.<br />

Extrait 3 : Mme C semble perturbée. Elle touche les instruments, elle se lève, s’assoit…<br />

Finalement elle se relève et sort de <strong>la</strong> pièce. Je vais <strong>la</strong> rejoindre en douceur en lui disant<br />

que ce n’est pas tout à fait fini. Cette scène se reproduit deux fois durant ce troisième<br />

extrait.<br />

Extrait 4 : je sens que j’ai totalement perdu l’attention de Mme C. J’essaie de <strong>la</strong><br />

reconcentrer, sans résultat, et j’abrège le quatrième extrait.<br />

Troisième partie :<br />

Mme C ne joue pas <strong>avec</strong> moi, quel que soit l’instrument que je prenne et malgré <strong>une</strong><br />

répétition de <strong>la</strong> consigne. Elle regarde vers <strong>la</strong> porte, elle pense probablement à partir,<br />

elle ne s’intéresse plus du tout aux instruments.<br />

Après deux minutes, je lui déc<strong>la</strong>re que nous avons terminé et je lui demande quel est<br />

l’instrument qu’elle a préféré, sur quoi elle me désigne le woodblock. Puis je lui<br />

demande si elle aimerait entamer <strong>une</strong> série de séances de musicothérapie <strong>avec</strong> moi, je<br />

reformule cette demande de plusieurs manières pour être sûre d’être bien comprise, et<br />

elle me répond que oui. Je lui explique donc que je <strong>la</strong> ramène au cantou et que je<br />

repasserai lui proposer un horaire pour nos séances.<br />

26


Bi<strong>la</strong>n<br />

Il est certain que Mme C est à l’aise <strong>avec</strong> <strong>la</strong> musique et <strong>avec</strong> les instruments. La<br />

manière dont elle est spontanément allée vers les instruments au début de <strong>la</strong> séance le<br />

prouve. Mme C a le sens du rythme et elle est capable d’improvisations, comme le<br />

montre <strong>la</strong> manière dont elle a frappé des mains en accentuant certains temps sur le<br />

premier extrait musical. Je remarque qu’il est difficile de focaliser son attention<br />

longtemps et c’est un point que je devrai prendre en compte lors de mes futures séances,<br />

néanmoins, il me semble qu’il pourrait être tout à fait intéressant pour Mme C d’être<br />

prise en charge en musicothérapie <strong>active</strong>.<br />

La présence de <strong>la</strong> psychologue alors que nous n’en avions pas du tout parlé au préa<strong>la</strong>ble<br />

et son comportement durant le bi<strong>la</strong>n m’ont posé un problème. Je crains que ce<strong>la</strong> ait<br />

contribué à perturber Mme C, à détourner son attention, je pense notamment au moment<br />

où <strong>la</strong> psychologue a quitté <strong>la</strong> pièce au milieu du bi<strong>la</strong>n. Malgré le fait qu’il se soit passé<br />

des choses très intéressantes au cours de ce bi<strong>la</strong>n, je ne peux m’empêchera d’éprouver<br />

un sentiment d’échec. Je prends donc <strong>la</strong> résolution d’aller en parler <strong>avec</strong> <strong>la</strong> psychologue<br />

le plus rapidement possible, et cet incident ne s’est jamais reproduit.<br />

3.3.3. Objectifs<br />

Suite à ce bi<strong>la</strong>n psychomusical et à quelques entretiens informels <strong>avec</strong> des membres de<br />

l’équipe soignante pour connaître leurs attentes quant à mon travail, suite également à<br />

<strong>une</strong> discussion <strong>avec</strong> <strong>la</strong> psychologue, je commence à envisager <strong>une</strong> série de séances <strong>avec</strong><br />

Mme C en vue d’atteindre quelques objectifs thérapeutiques.<br />

Mme C a de plus en plus de difficultés à dialoguer <strong>avec</strong> son entourage, ses possibilités<br />

de s’exprimer par <strong>la</strong> parole s’amenuisent peu à peu. Or, c’est <strong>une</strong> <strong>personne</strong> <strong>atteinte</strong> par<br />

<strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer, <strong>une</strong> ma<strong>la</strong>die dégénérative source de nombreuses angoisses face<br />

à <strong>la</strong> perte de ses capacités, de ses souvenirs, face à l’idée de <strong>la</strong> mort, il m’apparaît donc<br />

très important que Mme C puisse exprimer ces angoisses par un autre biais que <strong>la</strong><br />

parole, tel est mon principal objectif. La musique comme moyen d’expression sera aussi<br />

un moyen de développer son inventivité, sa créativité et son imagination dans un<br />

univers où elle n’en a plus tellement l’occasion.<br />

De plus, Mme C ne reçoit pratiquement jamais de visites, elle n’a pas de soutien<br />

familial dans l’épreuve qu’elle traverse, <strong>la</strong> thérapie que je vais tenter de mettre en p<strong>la</strong>ce<br />

a donc également pour but d’offrir à Mme C un appui, un accompagnement dans <strong>la</strong><br />

ma<strong>la</strong>die.<br />

Comme nous l’avons vu, <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer provoque <strong>une</strong> perte des repères dans<br />

le temps et l’espace. La présence des séances de musicothérapie de manière récurrente<br />

et régulière tous les mardis a également pour but de donner à Mme C un repère fixe, un<br />

élément immuable dans son univers perturbé par <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die.<br />

Enfin, Mme C souffre de troubles de l’attention, elle présente également de l’agitation<br />

et elle déambule beaucoup. L’un des objectifs de cette thérapie sera de lui permettre de<br />

focaliser son attention, de parvenir à utiliser son agitation d’<strong>une</strong> manière constructive et<br />

créative, et de lui permettre d’entretenir ses capacités motrices.<br />

27


3.4. Prise en soin de Mme C en musicothérapie <strong>active</strong> : les séances<br />

Mme C ne faisant pas <strong>la</strong> sieste et <strong>la</strong> période entre quatorze heures et quinze heures étant<br />

<strong>la</strong> plus creuse de <strong>la</strong> journée, je lui propose donc de <strong>la</strong> prendre en séance de<br />

musicothérapie <strong>active</strong> tous les mardis à 14h30. Cette heure s’avérera particulièrement<br />

propice puisqu’hormis les fois où elle refusera de venir et les rares mardis où <strong>une</strong><br />

réunion exceptionnelle m’empêchera de <strong>la</strong> prendre, je n’aurai sur toute <strong>la</strong> durée de mon<br />

stage aucun contretemps à ce moment de <strong>la</strong> journée.<br />

Séance 1<br />

Mardi 2 décembre, 14h30 : durée 20 minutes.<br />

Objectifs : Entrer en contact, établir <strong>la</strong> communication, apprendre à mieux se<br />

connaître au travers de <strong>la</strong> musique. Comme Mme C semble facilement jouer sur <strong>la</strong><br />

musique, envisager d’utiliser le c<strong>la</strong>vier. Je propose <strong>une</strong> séance de découverte <strong>avec</strong><br />

de petites percussions et un choix limité : un œuf shaker, des c<strong>la</strong>ves et un<br />

woodblock.<br />

Disposition : dans un coin de <strong>la</strong> salle d’animation, deux fauteuils pas tout à fait en<br />

face l’un de l’autre. Un peu à l’écart à côté se trouve <strong>la</strong> table <strong>avec</strong> les instruments. Je<br />

conserverai cette disposition, à très peu de chose près, identique lors de toutes les<br />

prochaines séances. Mme C s’installe <strong>la</strong> première fois sur le fauteuil qui fait face au<br />

c<strong>la</strong>vier et c’est <strong>une</strong> p<strong>la</strong>ce qu’elle conservera lors de toutes les séances suivantes.<br />

Lorsque j’arrive au cantou pour chercher Mme C, l’aide soignante semble très sou<strong>la</strong>gée<br />

que je l’emmène pour <strong>une</strong> petite demi-heure. Elle me <strong>la</strong> décrit comme très agitée. Mais<br />

Mme C semble contente de venir et elle me suit facilement.<br />

Arrivée dans <strong>la</strong> salle, elle va s’assoir directement. Je rappelle qui je suis et je l’informe<br />

des règles en des termes simples, que je reformule pour être sûre d’être comprise : tout<br />

ce qui se passera ici restera entre nous et il faut respecter le matériel et les <strong>personne</strong>s<br />

présentes.<br />

Je lui montre les instruments, elle semble intéressée, elle regarde et son attention semble<br />

focalisée sur les instruments et sur ce que je lui dis. Je lui propose de se lever et d’en<br />

choisir un parmi les trois. Je me lève pour montrer l’exemple, elle se lève également<br />

mais au lieu d’aller vers <strong>la</strong> table, elle va à <strong>la</strong> porte et sort. Je vais <strong>la</strong> chercher et je lui<br />

demande si elle souhaite vraiment sortir et elle me répond : « Non, mais il faut que <strong>la</strong><br />

porte soit fermée. »<br />

La porte était déjà fermée, mais lorsqu’elle dit ce<strong>la</strong>, elle est en train de <strong>la</strong> fermer de<br />

l’extérieur. Je lui dis que si elle veut rester, il faut qu’elle rentre et elle le fait. Mais elle<br />

se met alors à tourner autour de <strong>la</strong> grande table d’animation, furetant partout. S’engage<br />

alors <strong>une</strong> discussion stérile où je lui demande si elle veut jouer et où elle me parle de<br />

tout sauf de <strong>la</strong> musique. Elle parle sans cesse, je n’ai pas pu tout noter car elle parle très<br />

vite et souvent de manière incompréhensible. Elle parle de gens dont je n’arrive pas à<br />

savoir l’identité.<br />

28


Finalement, je lui dis que nous sommes dans cette salle pour <strong>la</strong> musicothérapie, que si<br />

elle ne souhaite pas assister à <strong>la</strong> séance elle peut partir et que sinon il faut qu’elle<br />

revienne dans le coin des instruments. Pour essayer de renouer le dialogue, je prends le<br />

woodblock et je me mets à jouer mais elle réplique immédiatement « Non, ca m’énerve<br />

ça » J’essaie ensuite <strong>avec</strong> l’œuf, puis les c<strong>la</strong>ves, en lui demandant si ça l’énerve aussi ou<br />

si elle préfère, mais elle repart dans un monologue sur <strong>une</strong> <strong>personne</strong> dont je ne<br />

comprends pas l’identité. Elle dit qu’il faut en voir d’autres, qu’il n’y en a pas assez,<br />

alors je lui propose de voir d’autres instruments. Je me dirige vers mon sac et elle vient<br />

m’y rejoindre, mais lorsque je lui dis que je vais sortir de nouveaux instruments, elle<br />

repart à l’autre bout de <strong>la</strong> pièce en me disant « Non, vous faites chier. » Je remarque que<br />

parfois elle me vouvoie, parfois elle me tutoie.<br />

Je repense alors à mon projet de jouer du c<strong>la</strong>vier et je lui déc<strong>la</strong>re que je vais lui montrer<br />

quelque chose ; elle me prête à nouveau attention. « Me montrer quelque chose, c’est<br />

quoi ? » Je me dirige vers le c<strong>la</strong>vier et elle me suit. Je me mets alors à improviser un<br />

premier morceau, plutôt dans un style rock. Elle reste silencieuse et immobile près de<br />

moi, elle semble écouter. Ensuite, je me mets à jouer <strong>une</strong> valse et, sans se détourner, elle<br />

se met à bouger les pieds. Esquisse-t-elle un pas de danse ?<br />

Mais de nouveau, son attention se détourne rapidement et elle va fureter dans le fond de<br />

<strong>la</strong> salle. A nouveau, l’échange entre nous devient stérile. Je lui refais alors <strong>la</strong> proposition<br />

de partir et elle me dit non. Je lui demande si elle veut faire de <strong>la</strong> musique, elle me dit<br />

non également. Je lui demande ce qu’elle souhaite faire, elle me répond qu’elle n’a<br />

envie de rien faire. Je lui dis alors que <strong>la</strong> séance est terminée, il est alors 14 heures 45 et<br />

il me semble qu’un quart d’heure pour <strong>une</strong> première séance est suffisant.<br />

A ce moment, elle s’assoit sur un fauteuil dans le fond de <strong>la</strong> salle et refuse de se lever,<br />

malgré mon insistance sur le fait que nous avons terminé. Ce<strong>la</strong> dure environ cinq<br />

minutes. J’explique que nous avons terminé, que nous devons libérer <strong>la</strong> salle mais elle<br />

répond des paroles totalement incohérentes par rapport à ce que je dis, parfois même<br />

elle se met en colère sans que je ne comprenne le rapport entre ses paroles et les<br />

miennes.<br />

A un moment donné, elle me parle de « fime » Je lui demande ce que c’est que « fime »<br />

et elle me répond très en colère : « Oh mais vous n’y comprenez vraiment rien ! » Je lui<br />

dis que oui, je ne connais pas tout et elle me rétorque : « Non mais vraiment, tu<br />

travailles du chapeau ! »<br />

Plusieurs fois, je vais à <strong>la</strong> porte, je l’ouvre et je l’invite poliment à sortir, sans résultat.<br />

Enfin, ce<strong>la</strong> doit être probablement <strong>la</strong> dixième fois que je lui dis qu’il est temps de quitter<br />

<strong>la</strong> salle, elle finit par se lever. Tandis que nous marchons vers <strong>la</strong> porte, je lui rappelle<br />

que nous avons convenu de nous retrouver tous les mardis à <strong>la</strong> même heure et je lui<br />

demande si elle tient toujours à revenir, ce à quoi elle me répond un « oui » franc.<br />

Je vais à <strong>la</strong> porte et je dis <strong>une</strong> phrase qui ressemble à « Bien, on y va » mais à cet<br />

instant, elle se p<strong>la</strong>nte devant moi, elle me regarde bien en face et elle me dit « non. » Je<br />

demande pourquoi non, et brusquement, elle éc<strong>la</strong>te de rire, prend mon menton dans sa<br />

main et me dit « Je vou<strong>la</strong>is voir si vous y alliez en premier, moi je vous <strong>la</strong>issais aller en<br />

premier. » Je ne suis pas certaine d’avoir parfaitement compris ses paroles, quoi qu’il en<br />

soit elle rit toujours. Alors je lui demande : « Ah d’accord, c’était pour me taquiner<br />

alors. » Et elle répond oui en riant, puis elle ajoute d’autres choses que je ne comprends<br />

pas bien.<br />

De retour au cantou, alors que le trajet s’est fait dans le silence, lorsqu’on lui propose de<br />

s’asseoir, elle répond en me regardant : « Non, on rigo<strong>la</strong>it et on discutait. »<br />

29


Bi<strong>la</strong>n<br />

Il ne faut surtout pas disperser Mme C sans quoi son attention se décroche totalement.<br />

Le simple fait de lui proposer de se lever pour choisir un instrument suffit à <strong>la</strong><br />

déconcentrer, c’est donc <strong>une</strong> chose à éviter. Par ailleurs, travailler <strong>avec</strong> elle dans <strong>une</strong><br />

salle aussi grande et remplie de tant d’objets n’est vraiment pas l’idéal.<br />

Le seul moment où j’ai réellement capté son attention est celui où j’ai joué du c<strong>la</strong>vier.<br />

Là, elle semb<strong>la</strong>it non seulement à l’écoute, mais aussi sur le point d’être elle-même<br />

<strong>active</strong>. La danse est peut-être un moyen d’expression à encourager <strong>avec</strong> Mme C.<br />

Je pense de manière générale utiliser le procédé de jouer sur de <strong>la</strong> musique dans les<br />

prochaines séances : soit l’accompagner au c<strong>la</strong>vier, soit diffuser des musiques.<br />

J’ai le sentiment d’avoir été particulièrement démunie et très ma<strong>la</strong>droite face à <strong>la</strong><br />

réaction de Mme C dans <strong>la</strong> quasi-totalité de <strong>la</strong> séance. J’ai tout essayé pour <strong>la</strong> recentrer<br />

sur les instruments, j’ai essayé de dialoguer par <strong>la</strong> parole et c’était non seulement<br />

inefficace mais ce<strong>la</strong> a semblé irritant pour Mme C. Je pense que, sous l’effet du stress<br />

lié au fait que c’était ma première séance <strong>avec</strong> elle, j’ai cherché à obtenir exactement ce<br />

que j’avais prévu au lieu de m’adapter. Lors des prochaines séances, je crois que je<br />

gagnerais à utiliser ses dép<strong>la</strong>cements, à les exploiter d’un point de vue musical plutôt<br />

que de chercher vainement à les empêcher.<br />

Je suis néanmoins perplexe quant à ce qui s’est passé durant cette séance. Mme C étaitelle<br />

réellement désintéressée, démotivée, ou cherchait-elle à me tester ? Ce qui s’est<br />

passé à <strong>la</strong> fin, son hi<strong>la</strong>rité, comme si elle m’avait fait <strong>une</strong> b<strong>la</strong>gue, me <strong>la</strong>isserait plutôt à<br />

penser qu’elle a voulu évaluer ma réaction mais, <strong>avec</strong> <strong>une</strong> <strong>personne</strong> <strong>atteinte</strong> de <strong>la</strong><br />

ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer comme Mme C, peut-on réellement supposer que ce moment<br />

d’hi<strong>la</strong>rité se rapporte à tout ce qui s’est passé durant <strong>la</strong> séance ou seulement à <strong>la</strong> fin ?<br />

Ce<strong>la</strong> a-t-il même un réel rapport <strong>avec</strong> <strong>la</strong> séance ?<br />

Par ailleurs, sa réaction de retour sur le cantou, le fait d’exprimer qu’elle prenait du<br />

p<strong>la</strong>isir en ma compagnie, alors même que nous n’échangions auc<strong>une</strong> parole, semble<br />

encourageant quant au fait qu’elle ait envie de continuer à venir en séance et qu’elle ait,<br />

malgré ses réactions, pris du p<strong>la</strong>isir dans certains moments de cette première séance.<br />

30


Séance 2<br />

Mardi 9 décembre, 14h30 : Durée à peine <strong>une</strong> minute.<br />

Objectif : chanter mes explications et mes consignes, utiliser le c<strong>la</strong>vier et le chant<br />

pour capter l’attention de Mme C. Je propose vu le peu de succès des petites<br />

percussions d’utiliser les tambours PVC pour communiquer et accompagner le<br />

c<strong>la</strong>vier.<br />

Lorsque j’arrive au cantou pour chercher Mme C, celle-ci n’est pas du tout motivée. Je<br />

lui parle un moment, mais elle refuse de venir. Elle me dit que quelque chose ne va pas,<br />

je lui propose d’en discuter durant <strong>la</strong> séance si elle le souhaite mais elle refuse. A ce<br />

moment, <strong>une</strong> dame présente sur le cantou en tant que dame de compagnie pour deux<br />

autres résidentes s’en mêle : « Ben alors, vous allez venir <strong>avec</strong> <strong>la</strong> je<strong>une</strong> fille ! » Je dis<br />

qu’il est inutile d’insister davantage si elle ne veut pas venir et que je reviendrai <strong>la</strong><br />

semaine suivante. Mais <strong>la</strong> dame de compagnie réplique, en présence de Mme C : « Vous<br />

savez très bien qu’elle n’a pas du tout compris ce que vous lui demandiez. » Et elle<br />

demande aussitôt à un aide soignant de descendre Mme C en salle d’animation. Je n’ai<br />

pas le temps de réagir qu’il l’entraîne déjà vers <strong>la</strong> porte.<br />

Une fois que nous sommes seules dans <strong>la</strong> salle de musicothérapie, Mme C fait <strong>une</strong> fois<br />

le tour de <strong>la</strong> pièce, n’écoute absolument pas ce que je lui dis et ressort aussitôt. Je <strong>la</strong><br />

retrouve dans le hall et je lui demande si elle veut vraiment partir, elle répond oui. Je lui<br />

demande, suite à ces deux premières séances qui me <strong>la</strong>issent un sentiment d’échec, si<br />

elle veut poursuivre les séances de musicothérapie toutes les semaines, ce à quoi elle me<br />

répond : « Bien sûr que oui. »<br />

31


Bi<strong>la</strong>n<br />

Je suis très mal à l’aise par rapport à ce qui s’est passé <strong>avec</strong> <strong>la</strong> dame de compagnie, et<br />

ceci à plusieurs niveaux. J’ai vraiment le sentiment que Mme C a été forcée et je l’ai<br />

vécu comme de <strong>la</strong> maltraitance envers elle. Si j’ai bien conscience qu’<strong>avec</strong> les<br />

<strong>personne</strong>s âgées, un non peut parfois signifier un oui ou un « je ne sais pas » et si j’ai<br />

conscience qu’il est important d’insister, le fait d’entraîner de force ne me paraît pas du<br />

tout <strong>une</strong> chose bénéfique pour mes séances. Montrer au patient qu’il a <strong>une</strong> entière<br />

liberté de décider de venir ou pas me paraît <strong>une</strong> étape indispensable dans l’établissement<br />

d’<strong>une</strong> re<strong>la</strong>tion de confiance entre patient et thérapeute.<br />

Je me rends compte que j’ai peur de <strong>la</strong> manière dont Mme C a vécu ce moment et de <strong>la</strong><br />

manière dont elle me considère et j’ai conscience que <strong>la</strong> question que je lui ai posée<br />

pour savoir si elle souhaitait continuer les séances visait bien plus à me rassurer qu’à<br />

réellement savoir ce que désirait Mme C.<br />

Par ailleurs, cette dame de compagnie n’avait pas à intervenir au sujet d’<strong>une</strong> résidente<br />

dont elle n’a pas <strong>la</strong> charge et elle avait encore moins à donner des ordres à un aide<br />

soignant. Néanmoins, j’ai jugé que ma position de stagiaire ne me permettait pas de<br />

faire <strong>la</strong> moindre remarque, mais je réalise que j’aurais probablement dû le faire. Je dois<br />

admettre qu’à ce moment-là je n’avais pas bien conscience du rôle de ces dames de<br />

compagnie au sein de l’établissement, rôle qui m’a davantage été expliqué plus tard par<br />

<strong>la</strong> psychologue. Ces <strong>personne</strong>s n’appartiennent pas au <strong>personne</strong>l de <strong>la</strong> maison de retraite<br />

mais sont payées par les familles qui le souhaitent. Elles n’ont par conséquent auc<strong>une</strong><br />

décision à prendre concernant les soins et encore moins d’ordre à donner à l’équipe<br />

soignante. J’apprends par <strong>la</strong> psychologue bien plus tard que cette <strong>personne</strong> est en conflit<br />

<strong>avec</strong> l’équipe du cantou Vivaldi et pose des problèmes en franchissant les limites<br />

imposées par son travail.<br />

Je suis donc particulièrement inquiète de <strong>la</strong> manière dont je pourrai envisager <strong>la</strong><br />

troisième séance <strong>avec</strong> Mme C, pourtant, si elle a refusé cette séance, elle a par contre<br />

paru assurée sur le fait qu’elle souhaitait poursuivre <strong>la</strong> thérapie, même si cette réponse<br />

peut poser des questions : l’a-t-elle réellement comprise ? A-t-elle répondu ce qu’elle<br />

pensait ou ce qu’elle a perçu que j’avais inconsciemment envie d’entendre ?<br />

32


Séance 3<br />

Mardi 16 décembre, 14 h 30 : durée 15 minutes.<br />

Objectif : Tenter de recréer le dialogue suite à <strong>la</strong> séance précédente, tenter de<br />

focaliser l’attention de Mme C. Je me propose de reprendre ce que j’avais prévu<br />

pour <strong>la</strong> séance précédente, à savoir utiliser le c<strong>la</strong>vier, proposer les tambours PVC et<br />

chanter mes paroles.<br />

A mon arrivée, je trouve <strong>la</strong> salle d’animation complètement en désordre. Un film a été<br />

diffusé <strong>la</strong> veille, les chaises et fauteuils sont donc tous alignés en rangées, faisant face à<br />

un grand écran au fond de <strong>la</strong> pièce. Les rideaux sont tous fermés et les tables empilées<br />

sur les côtés. Je n’ai ni <strong>la</strong> force physique, ni le temps pour remettre tout en p<strong>la</strong>ce, je<br />

décide donc d’aménager le coin habituel <strong>avec</strong> les deux fauteuils dans <strong>la</strong> position<br />

habituelle et un grand tabouret entre eux, faisant office de table basse, sur lequel je<br />

dispose les deux tambours PVC.<br />

Lorsque je vais <strong>la</strong> chercher au cantou Vivaldi, Mme C est tout de suite intéressée pour<br />

venir en séance : « Oui, oui bien sûr, je veux bien essayer. »<br />

Note : <strong>la</strong> dame de compagnie de <strong>la</strong> semaine précédente se trouve dans <strong>une</strong> chambre <strong>avec</strong><br />

<strong>une</strong> résidente et n’est donc pas présente. Ce<strong>la</strong> a-t-il un lien ?<br />

Lorsque nous entrons dans <strong>la</strong> salle de musicothérapie, Mme C fait un petit tour de <strong>la</strong><br />

pièce puis elle vient s’asseoir sur le siège que je lui indique. Après un bref rappel des<br />

règles, je lui montre les deux tambours PVC que j’ai prévus pour <strong>la</strong> séance et je lui<br />

propose de les tester et d’en choisir un. Je montre l’exemple en tapant moi-même sur les<br />

deux tambours. Quand j’ai un peu joué je lui redis qu’elle peut en choisir un et, pointant<br />

du doigt l’un des deux tambours, elle me dit « Je vous ai dit celui-là. » Elle semble ne<br />

pas oser le prendre elle-même alors je le lui tends et elle le prend. Je lui dis qu’à<br />

présent, elle peut jouer <strong>avec</strong> comme elle le veut mais, à ce moment, elle repose le<br />

tambour et se met à frapper dans ses mains. Elle fait un rythme sur 8 temps, <strong>avec</strong> un<br />

tempo de 90 à peu près, en frappant les sept premiers temps et en <strong>la</strong>issant un silence sur<br />

le huitième. Aussitôt, je reprends son rythme en frappant dans mes mains. Au bout d’un<br />

petit moment, toujours en respectant parfaitement le rythme, elle se met à improviser<br />

sur son thème de départ, toujours <strong>avec</strong> un silence sur le dernier temps. Elle double<br />

certains temps, <strong>la</strong>isse des silences, fait des contretemps. Je me mets à improviser à mon<br />

tour et un petit jeu s’installe ainsi : parfois elle marque simplement <strong>la</strong> pulsation et c’est<br />

moi qui improvise, parfois nous inversons, parfois nous improvisons toutes les deux en<br />

même temps. Au bout d’un petit moment, je prends l’un des tambours PVC et je me<br />

mets à jouer sur son thème tandis qu’elle continue de frapper des mains. En tout, notre<br />

jeu a duré environ deux minutes. Ensuite, elle se lève et marche vers <strong>la</strong> porte. Je me lève<br />

à mon tour et je lui propose de poursuivre notre jeu en marchant. Mon but est d’utiliser<br />

ses dép<strong>la</strong>cements dans le cadre de <strong>la</strong> séance. Je recommence à frapper dans mes mains<br />

en reprenant son rythme, mais elle sort de <strong>la</strong> salle.<br />

Je <strong>la</strong> rejoins en lui disant que <strong>la</strong> séance n’est pas terminée et je lui demande, comme<br />

chaque fois, si elle souhaite réellement partir. Elle me répond : « j’ai assez fait,<br />

j’écouterai plus tard. » Je lui dis que j’avais prévu d’autres choses pour <strong>la</strong> séance mais<br />

que c’est comme elle veut. Comme elle ne semble pas vouloir revenir, je lui dis que je<br />

vais <strong>la</strong> raccompagner au cantou, que je vais juste récupérer mes affaires. Elle me suit<br />

dans <strong>la</strong> salle et curieusement, elle retourne à l’endroit où j’ai disposé les fauteuils pour<br />

<strong>la</strong> séance. Je <strong>la</strong> rejoins et je lui montre que j’avais aussi prévu d’utiliser le c<strong>la</strong>vier.<br />

33


A peine ai-je joué deux notes totalement au hasard sur le c<strong>la</strong>vier qu’elle reprend son<br />

rythme inventé plus tôt en le complexifiant encore, doub<strong>la</strong>nt certains temps. Je me mets<br />

alors à jouer des accords en improvisant sur son rythme. Nous jouons ainsi deux<br />

nouvelles minutes, peut-être un peu plus mais à ce moment je n’ai pas regardé l’heure.<br />

Puis elle s’arrête et se dirige à nouveau vers <strong>la</strong> porte, et cette fois lorsque je lui demande<br />

si elle est sûre de vouloir partir, elle me répond un oui c<strong>la</strong>ir. Je déc<strong>la</strong>re alors que <strong>la</strong><br />

séance est terminée et je <strong>la</strong> raccompagne jusqu’au cantou.<br />

Quand nous arrivons sur le cantou, Mme C va s’asseoir et reste un long moment assise,<br />

ce qui est très rare. Je m’assois <strong>avec</strong> elle ainsi que d’autres <strong>personne</strong>s du cantou,<br />

résidents et soignants, pour parler un peu et, au bout d’<strong>une</strong> minute, Mme C se met à<br />

frapper dans ses mains. Elle ne reprend pas le rythme de <strong>la</strong> séance mais elle fait un<br />

nouveau rythme, assez enlevé.<br />

34


Bi<strong>la</strong>n<br />

C’est <strong>la</strong> première fois qu’un réel dialogue musical se crée entre Mme C et moi. Mme C<br />

a montré qu’elle pouvait s’exprimer en musique, faire preuve d’imagination et<br />

d’improvisation, mais elle s’est aussi montrée à l’écoute dans les moments où nous<br />

avons improvisé ensemble, même si le plus souvent c’est moi qui l’ai suivie. En tout,<br />

nous n’avons eu que quatre minutes de jeu sur toute <strong>la</strong> séance, mais c’est <strong>la</strong> première<br />

fois que ce<strong>la</strong> se produit.<br />

J’ai du mal à savoir quels facteurs ont provoqué un tel changement. J’avais, à tout<br />

hasard, <strong>la</strong>issé les rideaux tirés, ce<strong>la</strong> a-t-il constitué un facteur de moins de distraction<br />

pour Mme C de ne pas pouvoir regarder dehors, focalisant donc davantage son attention<br />

sur ce qu’il s’est passé au cours de <strong>la</strong> séance ? L’absence de <strong>la</strong> dame de compagnie de <strong>la</strong><br />

fois précédente quand je suis allée <strong>la</strong> chercher a-t-elle contribué au fait qu’elle soit<br />

davantage motivée et réceptive ? Mais ce<strong>la</strong> peut aussi venir d’<strong>une</strong> simple évolution<br />

normale de notre re<strong>la</strong>tion : Mme C me connaît un peu mieux, elle sait à présent ce qu’il<br />

se passe en séance, elle sait également, même si consciemment il est très probable<br />

qu’elle n’en ait aucun souvenir, que <strong>la</strong> fois précédente, je ne l’ai pas retenue quand elle<br />

n’a pas souhaité rester et <strong>une</strong> re<strong>la</strong>tion de confiance a donc pu commencer à s’établir<br />

entre nous.<br />

D’autre part, comme toute <strong>personne</strong> <strong>atteinte</strong> de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer, Mme C a un<br />

caractère très changeant, l’évolution constatée lors de cette séance peut tout simplement<br />

venir du fait qu’elle se trouvait de meilleure humeur ce jour-là.<br />

Quoi qu’il en soit, elle apparaît calme et détendue lors de son retour sur le cantou,<br />

puisqu’elle s’assoit directement et reste ainsi un long moment. Elle semble également<br />

enjouée, comme l’indique le fait qu’elle se met à frapper dans ses mains.<br />

Mme C n’est apparemment pas à l’aise <strong>avec</strong> les instruments et préfère de beaucoup<br />

utiliser son corps, ce<strong>la</strong> était déjà apparu au bi<strong>la</strong>n et ce<strong>la</strong> ressort lors de cette séance où<br />

elle rejette le tambour pour frapper dans ses mains. Je compte en tenir compte lors des<br />

prochaines séances.<br />

Je réalise que l’inquiétude que j’avais en début de séance est totalement dissipée et que<br />

cette séance m’a redonné confiance en le fait que cette prise en soin est bénéfique et<br />

utile. J’ai conscience que je peux à nouveau me retrouver confrontée à un refus lors des<br />

prochaines séances, mais ce<strong>la</strong> ne m’angoisse plus.<br />

J’appréhende cependant que les deux semaines de vacances qui arrivent et où nous ne<br />

nous verrons pas détruisent ce fragile début de re<strong>la</strong>tion.<br />

Mardi 6 janvier :<br />

La salle d’animation est occupée toute <strong>la</strong> journée à cause d’<strong>une</strong> réunion de l’équipe de<br />

direction, je ne peux donc pas assurer ma séance. Je monte prévenir Mme C de ce petit<br />

changement, même si elle ne semble pas vraiment réaliser ce que je lui dis. Ce<strong>la</strong><br />

m’inquiète car ce<strong>la</strong> rallonge le temps passé sans séance.<br />

Après réflexion et <strong>une</strong> discussion <strong>avec</strong> <strong>la</strong> psychologue, je décide finalement de prendre<br />

Mme C en séance le lendemain, mercredi, à <strong>la</strong> même heure, en lui expliquant bien que<br />

c’est exceptionnel pour ne pas perturber le cadre.<br />

35


Séance 4<br />

Mercredi 7 janvier, 14 h 30 : durée 30 minutes.<br />

Objectifs : poursuivre dans <strong>la</strong> continuité de <strong>la</strong> séance précédente. Je veux tenter de<br />

reprendre les éléments qui ont semblé fonctionner pour maintenir <strong>la</strong> communication<br />

<strong>avec</strong> Mme C. Je me propose donc de faire <strong>une</strong> séance sans instruments, utilisant<br />

uniquement les percussions corporelles. Je propose aussi l’utilisation du c<strong>la</strong>vier pour<br />

accompagner Mme C et <strong>la</strong> voix, principalement <strong>la</strong> voix chantée. Je veux aussi tenter<br />

de reprendre le rythme inventé <strong>la</strong> fois précédente dans l’optique d’essayer<br />

d’improviser dessus et de créer un lien <strong>avec</strong> <strong>la</strong> séance précédente.<br />

Lorsque je vais chercher Mme C sur le cantou, elle est tout de suite volontaire : « Oui,<br />

je veux bien. »<br />

Nous arrivons dans <strong>la</strong> salle de musicothérapie que j’ai organisée comme les fois<br />

précédentes, <strong>avec</strong> deux chaises disposées au même endroit qu’à l’ordinaire près du<br />

c<strong>la</strong>vier, je lui indique l’<strong>une</strong> des chaises et elle va s’y asseoir. Après un rapide rappel des<br />

règles, je lui explique que je propose aujourd’hui que nous travaillions sans instruments,<br />

uniquement en nous servant de nos mains. Je lui rappelle qu’elle avait inventé un<br />

rythme à <strong>la</strong> séance précédente et je le lui refais. A peine l’ai-je joué <strong>une</strong> fois qu’elle se<br />

met à le reproduire <strong>avec</strong> moi. Nous jouons ainsi ensemble le rythme un moment puis,<br />

sans nous interrompre, nous nous mettons à improviser toutes les deux sur ce rythme de<br />

base. A un moment, elle se met à marquer seulement <strong>la</strong> pulsation et j’improvise seule<br />

sur sa pulsation. Puis, comme elle reprend <strong>une</strong> improvisation, je me mets à mon tour à<br />

ne marquer que <strong>la</strong> pulsation. Un peu plus tard, elle se remet à marquer <strong>une</strong> pulsation,<br />

mais seulement un temps sur deux, toujours parfaitement en rythme. Il apparaît évident<br />

qu’elle n’a auc<strong>une</strong> difficulté <strong>avec</strong> le sens du rythme, que c’est même quelque chose de<br />

bien ancré chez elle.<br />

Mais après quelques minutes de jeu, elle se lève et se met à marcher. J’essaie d’attirer<br />

son attention en rejouant au piano ce que j’avais joué lors de <strong>la</strong> séance précédente et en<br />

l’invitant à frapper dans ses mains pour m’accompagner, mais elle m’ignore et se met,<br />

comme deux séances auparavant, à faire le tour des tables.<br />

Je finis par me mettre à mon tour a tourner autour des tables en improvisant à nouveau<br />

en frappant dans mes mains, mais elle semble totalement ailleurs.<br />

Au bout de quelques nouvelles minutes, elle s’assoit sur <strong>une</strong> chaise et je viens m’assoir<br />

à côté d’elle. Il y a un moment de silence, et brusquement elle se met à chantonner.<br />

Bouche fermée, dans un registre grave, elle fredonne <strong>une</strong> petite mélodie <strong>avec</strong> un<br />

ambitus de 5 notes à peu près. Je reprends aussitôt son chant.<br />

Puis, elle se met à chanter <strong>une</strong> gamme majeure, toujours bouche fermée, qu’elle monte<br />

puis redescend plusieurs fois. A nouveau, je reprends son chant. Je lui dis ensuite que<br />

c’est <strong>une</strong> excellente idée de chanter et je lui propose que nous continuions ensemble.<br />

Mais il semble que si je mets des mots sur le fait qu’elle chante, ce<strong>la</strong> <strong>la</strong> bloque car elle<br />

cesse immédiatement de chanter et se met à me parler, même si je ne comprends pas<br />

tout ce qu’elle me dit. Elle me dit que « Le petit pourrait le faire ». Je lui demande si<br />

elle parle de chanter et elle répète : « il pourrait le faire ». Je lui demande alors si elle,<br />

elle veut le faire, chanter <strong>avec</strong> moi. Elle me répond quelque chose que je ne comprends<br />

pas, elle se lève et elle se remet à tourner autour des tables, par<strong>la</strong>nt parfois. Je <strong>la</strong> <strong>la</strong>isse<br />

faire et je garde le silence.<br />

36


Au bout d’un moment, alors que je ne lui parle plus, elle se remet à fredonner <strong>la</strong><br />

première mélodie qu’elle m’a chantée. Je <strong>la</strong> reprends et je lui demande si c’est bien ce<strong>la</strong><br />

mais elle ne me répond pas.<br />

Comme elle se dirige vers le coin de <strong>la</strong> pièce où se trouve le c<strong>la</strong>vier, je vais au c<strong>la</strong>vier et<br />

je rejoue sur l’instrument <strong>la</strong> petite mélodie qu’elle chante. Mais à nouveau, elle retourne<br />

dans le fond de <strong>la</strong> salle.<br />

Néanmoins, régulièrement, elle continue de fredonner, ajoutant des notes à sa mélodie<br />

initiale. A nouveau, je reprends tout ce qu’elle chante et je le chante à mon tour. A un<br />

moment où je lui redemande après avoir chanté sa mélodie si c’est bien ce<strong>la</strong> qu’elle<br />

chante, elle me répond « Oui » de manière c<strong>la</strong>ire.<br />

Tandis que nous chantons ainsi, entrecoupées de moments de silence, elle se met à<br />

frotter les nappes qui sont disposées sur les tables du fond de <strong>la</strong> pièce <strong>avec</strong> le p<strong>la</strong>t de <strong>la</strong><br />

main. Je lui pose des questions pour essayer de comprendre pourquoi elle fait ce<strong>la</strong>,<br />

émettant des suggestions et je finis par comprendre que c’est pour nettoyer les miettes.<br />

Il y a effectivement quelques miettes sur ces nappes, probablement un vestige d’un<br />

goûter servi lors d’<strong>une</strong> réunion.<br />

Pour recentrer l’attention de Mme C, je propose <strong>une</strong> petite consigne : l’<strong>une</strong> de nous<br />

propose <strong>une</strong> petite mélodie et l’autre essaie de <strong>la</strong> reproduire. Elle me dit « D’accord ».<br />

C’est je crois <strong>la</strong> première fois qu’elle dit « d’accord » à <strong>une</strong> consigne que je donne. Je<br />

lui demande si elle veut commencer et elle me répond : « C’est comme vous voulez. »<br />

Je commence donc à chanter <strong>une</strong> petite mélodie simple, mais elle reste parfaitement<br />

muette et continue de nettoyer les miettes alors qu’il n’y en a plus <strong>une</strong> seule là où elle le<br />

fait.<br />

Il faut attendre un moment avant qu’elle ne se mette finalement à chanter, mais alors,<br />

elle ne reprend pas du tout ma mélodie mais en chante <strong>une</strong> nouvelle. Je dis alors :<br />

« Bien, d’accord, c’est moi qui vais refaire ce que vous faites. » Cette fois, mon<br />

intervention parlée ne <strong>la</strong> perturbe pas et elle continue de chanter, puis je reprends sa<br />

phrase musicale et je <strong>la</strong> rechante. A présent, elle joue <strong>avec</strong> un papier, probablement un<br />

embal<strong>la</strong>ge de gâteau ou de bonbon oublié.<br />

Ce<strong>la</strong> doit durer quelques minutes, puis je m’apprête à annoncer <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> séance, mais<br />

juste à ce moment-là, elle se met pour <strong>la</strong> première fois à chanter bouche ouverte, un peu<br />

le même style de mélodie qu’auparavant, mais sur « La<strong>la</strong><strong>la</strong> ». Je l’imite, mais elle<br />

s’arrête très rapidement. J’annonce alors <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> séance, elle se lève mais c’est<br />

seulement pour aller se rassoir un peu plus loin. Il faut que je répète un bon nombre de<br />

fois que <strong>la</strong> séance est terminée et que je finisse par lui prendre le bras pour qu’elle se<br />

lève et accepte de sortir.<br />

37


Bi<strong>la</strong>n<br />

J’étais beaucoup plus décontractée lors de cette séance. Je connaissais davantage les<br />

réactions de Mme C et je commence à savoir comment réagir dans certaines situations.<br />

Je ne suis par exemple pas allée lui courir après <strong>la</strong> première fois qu’elle s’est levée et a<br />

commencé sa déambu<strong>la</strong>tion, mais j’ai cherché à recapter son attention directement en<br />

utilisant <strong>la</strong> musique. Je réalise également que je me <strong>la</strong>isse de moins en moins effrayer<br />

par les silences. Lors des premières séances, j’avais tendance à parler dès qu’il ne se<br />

passait rien pour combler le vide, à présent j’arrive à <strong>la</strong>isser s’installer le silence.<br />

Peut-être a-t-elle ressenti ces modifications dans mon attitude, en tout cas de grands<br />

changements se sont produits lors de cette séance. En effet, alors que les infirmières me<br />

disaient qu’elle chantait facilement sur le cantou lorsqu’elles diffusaient de <strong>la</strong> musique,<br />

c’est <strong>la</strong> première fois qu’elle chante dans <strong>une</strong> séance. Je ne suis pas parvenue à savoir si<br />

elle reprenait <strong>une</strong> mélodie connue, mais elle a su me chanter des choses variées, et il y a<br />

probablement quelque chose à faire dans ce domaine dans lequel elle semble à l’aise et<br />

capable d’improviser.<br />

J’ai pu constater que le fait de parler, surtout quand elle chantait, avait tendance à <strong>la</strong><br />

déstabiliser. Le fait que je mette des mots sur ce qui s’est passé, le fait que je lui<br />

propose, en par<strong>la</strong>nt, de chanter semble <strong>la</strong> mettre en difficulté ou peut-être <strong>la</strong> gêner. Ce<strong>la</strong><br />

me ramène à <strong>une</strong> idée que j’avais déjà eue précédemment, celle de chanter toutes mes<br />

paroles et consignes.<br />

38


Séance 5<br />

Mardi 13 janvier, 14 h 30 : durée 10 minutes.<br />

Objectifs : essayer de travailler <strong>avec</strong> <strong>la</strong> voix. Rechercher des sons que l’on peut faire<br />

<strong>avec</strong> sa voix. Essayer de chanter de petites mélodies, de reprendre ce qui a été fait au<br />

cours de <strong>la</strong> séance précédente. Essayer également de reprendre ce qui est fait à <strong>la</strong><br />

voix <strong>avec</strong> le c<strong>la</strong>vier. J’ai également parlé plusieurs fois de chanter les consignes et<br />

de manière générale tout ce qui est dit en séance, mais en fin de compte je ne l’ai<br />

jamais fait, prise par ce qui se passait <strong>avec</strong> Mme C et occupée à réfléchir à comment<br />

continuer les séances, ce<strong>la</strong> m’est un peu sorti de l’esprit, je vais tenter de le faire<br />

aujourd’hui.<br />

Quand j’arrive au cantou, Mme C fait <strong>la</strong> sieste, ce qui est extrêmement rare. Comme<br />

ce<strong>la</strong> fait longtemps qu’elle est couchée, l’aide soignante <strong>la</strong> réveille.<br />

Lorsque nous entrons dans <strong>la</strong> salle, Mme C va directement s’asseoir, sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce<br />

opposée au c<strong>la</strong>vier, qui tourne le dos au reste de <strong>la</strong> pièce. Après un bref rappel des<br />

règles, je lui parle de ce qu’elle a chanté <strong>la</strong> dernière fois, elle me dit qu’elle s’en<br />

rappelle. Je lui propose de chanter aujourd’hui, elle dit qu’elle n’a pas envie. Elle dit<br />

que <strong>la</strong> dernière fois, j’avais allumé un… mais elle ne poursuit pas. Je lui demande si elle<br />

parle du piano et je vais l’allumer et jouer quelques notes pour lui montrer. Elle n’a<br />

absolument auc<strong>une</strong> réaction. Je me mets alors au piano à improviser sur un thème<br />

simple et elle reste parfaitement immobile et muette, il m’est difficile de savoir si elle<br />

écoute ou non. Au bout d’un moment, je lui demande si ce<strong>la</strong> lui a plu, elle me répond<br />

« non, pas tellement ». Je lui propose à nouveau de chanter mais elle répète qu’elle n’a<br />

pas envie. Je lui propose de jouer de <strong>la</strong> musique, elle me dit non, et elle répond de même<br />

quand je propose d’en écouter.<br />

Je lui demande alors si elle est fatiguée et elle me dit que oui. Elle ne parle presque pas,<br />

elle ne bouge pas, ce qui est très inhabituel chez elle. Finalement, elle se lève et va droit<br />

vers <strong>la</strong> porte. Mais quand je lui demande si elle veut réellement partir, elle fait demitour<br />

et se met à arpenter <strong>la</strong> salle. Je lui pose à nouveau <strong>la</strong> question et cette fois elle<br />

répond que oui elle souhaite partir. Je <strong>la</strong> ramène donc au cantou.<br />

Bi<strong>la</strong>n<br />

J’ai le sentiment que Mme C était très fatiguée et qu’elle aurait probablement préféré<br />

continuer sa sieste. Elle n’était pas du tout dans son état de vigi<strong>la</strong>nce normal. Par<br />

conséquent, il ne s’est rien passé en séance, toutefois, elle a répondu à mes questions de<br />

manière cohérente, elle semb<strong>la</strong>it donc présente et attentive, ce qui n’était pas le cas lors<br />

des toutes premières séances. Une réelle communication s’est-elle établie entre Mme C<br />

et moi grâce à <strong>la</strong> musique, qui lui permette de me parler plus facilement, même<br />

verbalement ?<br />

39


Mardi 20 janvier :<br />

J’apprends en arrivant qu’<strong>une</strong> réunion exceptionnelle se déroule dans <strong>la</strong> salle<br />

d’animation. Je ne peux donc pas prendre Mme C en séance.<br />

Le mardi suivant, je me retrouve confrontée au même problème. Je m’inquiète<br />

beaucoup de ces longues périodes sans séance, <strong>la</strong> communication et <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion étant<br />

déjà difficiles à établir <strong>avec</strong> Mme C, d’autant plus que les vacances s’approchent.<br />

Le mardi suivant, 3 février, Mme C refuse finalement de venir malgré plusieurs rappels<br />

de ce que nous faisons ensemble pour être sûre d’être comprise. Ce jour-là, elle ne<br />

déambule pas, elle est assise et ce depuis le début de l’après-midi d’après les aides<br />

soignantes. Je lui précise donc que nous ne nous reverrons pas pendant deux semaines à<br />

cause des vacances et je lui donne rendez-vous à <strong>la</strong> même heure dans trois semaines.<br />

Séance 6<br />

Mardi 24 février, 14h30 : durée 22 minutes.<br />

Objectifs : Reprendre le travail <strong>avec</strong> <strong>la</strong> voix : chanter les consignes, essayer<br />

d’improviser, diffuser des musiques à <strong>la</strong> mélodie simple pour pouvoir chanter <strong>avec</strong><br />

<strong>la</strong> musique et s’en servir de base pour des improvisations.<br />

Je propose deux musiques : <strong>la</strong> musique mélodique du bi<strong>la</strong>n actif, <strong>une</strong> musique que<br />

Mme C a donc déjà entendue lors de son bi<strong>la</strong>n psychomusical, et <strong>une</strong> musique du<br />

groupe Debout sur le Zinc (voir CD en annexe piste 5).<br />

J’envisage en fonction de comment ce<strong>la</strong> se passera de reprendre ces musiques dans<br />

les futures séances pour faire davantage de lien entre les séances, surtout <strong>avec</strong> le<br />

trou occasionné par les vacances et les séances qui n’ont pas eu lieu auparavant.<br />

Lorsque je vais <strong>la</strong> chercher sur le cantou, l’aide soignante m’apprend que Mme C est<br />

très agitée, qu’elle refuse de s’asseoir, ce qui est généralement mauvais signe pour ce<br />

qui va se passer en séance. D’ailleurs, dès que nous entrons dans <strong>la</strong> salle de<br />

musicothérapie, elle se met à marcher vers l’endroit opposé de celui où nous faisons les<br />

séances, me tournant le dos.<br />

Je commence à chanter : « Bonjour, madame C, vous êtes ici pour <strong>la</strong> séance de<br />

musicothérapie. » sur <strong>une</strong> musique en do majeur que j’improvise au fur et à mesure.<br />

Puis je chante qu’aujourd’hui, nous allons dire toutes nos paroles en chantant. Je l’invite<br />

à venir s’assoir, lui disant que nous allons écouter de <strong>la</strong> musique, toujours en chantant.<br />

Elle ne répond pas mais elle me suit aussitôt et elle va s’assoir. Comme je continue<br />

d’expliquer ce que nous allons faire en chantant, elle se met à frapper des mains en<br />

rythme sur mon chant puis à fredonner, sans mots, <strong>une</strong> mélodie qui fait réponse à <strong>la</strong><br />

mélodie de mes consignes chantées.<br />

40


Je diffuse <strong>la</strong> musique de Zelda Ocarina of time et aussitôt, elle se met à battre des mains<br />

en rythme, puis rapidement, <strong>avec</strong> moi, elle se met à fredonner <strong>la</strong> mélodie. Nous<br />

chantons parfois ensemble, parfois je <strong>la</strong> <strong>la</strong>isse faire seule, parfois c’est elle qui écoute,<br />

parfois je chante le début d’<strong>une</strong> phrase musicale, elle <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> même phrase.<br />

J’enchaîne directement <strong>avec</strong> <strong>la</strong> musique de Debout sur le Zinc : à nouveau je suis<br />

impressionnée par <strong>la</strong> facilité <strong>avec</strong> <strong>la</strong>quelle elle trouve le rythme et s’y adapte et <strong>avec</strong><br />

<strong>la</strong>quelle elle trouve et chante <strong>la</strong> mélodie.<br />

Après ce morceau, j’annonce, toujours en chantant, que je vais diffuser encore un<br />

nouveau morceau et que <strong>la</strong> consigne est toujours de chanter comme l’on veut et quand<br />

on veut sur <strong>la</strong> musique. Mme C se met à frapper des mains pour m’accompagner quand<br />

je chante <strong>la</strong> consigne, alors je profite de ce rythme que ce<strong>la</strong> <strong>la</strong>nce pour <strong>la</strong> rejoindre en<br />

frappant dans mes mains à mon tour sur le rythme.<br />

Nous nous mettons ensuite à improviser sur ce rythme, puis Mme C se met d’elle-même<br />

à fredonner <strong>une</strong> petite mélodie, mélodie que je reprends et qui ressemble un peu à celle<br />

que j’utilise pour donner mes consignes.<br />

Petit à petit se met en p<strong>la</strong>ce un jeu de question/réponse <strong>avec</strong> <strong>une</strong> mélodie composée de<br />

cinq premières notes puis de deux autres détachées du premier groupe de notes. L’<strong>une</strong><br />

de nous chante <strong>la</strong> première partie et l’autre répond <strong>avec</strong> les deux dernières notes, ou<br />

parfois nous chantons tout ensemble, toujours en frappant un rythme dans nos mains.<br />

Je décide ensuite de compliquer un peu <strong>la</strong> phrase musicale, chantant <strong>une</strong> première partie<br />

de phrase suspensive, puis <strong>une</strong> seconde concluante et chaque fois, Mme C complète <strong>la</strong><br />

phrase de manière appropriée, ce qui semble montrer qu’elle n’est pas uniquement dans<br />

<strong>la</strong> répétition, l’imitation ou <strong>la</strong> stéréotypie mais bien dans l’écoute et le dialogue.<br />

Contrairement aux autres fois où c’est arrivé que nous improvisions ainsi, elle ne<br />

s’arrête pas, reste assise et c’est moi qui finis par mettre un terme à l’improvisation au<br />

bout de quelques minutes.<br />

Je diffuse alors <strong>la</strong> marche nuptiale de Mendelssohn (CD en annexe piste 6). Sans l’avoir<br />

écoutée <strong>une</strong> seule fois, Mme C se met aussitôt à chanter, ce qui semble indiquer qu’elle<br />

connaît cette musique et pour <strong>la</strong> première fois ce jour-là elle chante bouche ouverte sur<br />

« <strong>la</strong><strong>la</strong><strong>la</strong> », tout en battant <strong>la</strong> mesure <strong>avec</strong> le pied. Quand <strong>la</strong> musique se termine, je lui<br />

demande si elle <strong>la</strong> connaissait et elle me répond : « Oh oui, diable ! »<br />

J’enchaîne directement <strong>avec</strong> <strong>la</strong> symphonie du nouveau monde de Dvorak (CD en<br />

annexe piste 7). Là aussi elle se met à chanter <strong>la</strong> mélodie presque aussitôt, ce qui<br />

signifie soit qu’elle connaît cette musique ce qui est très possible, soit qu’elle a <strong>une</strong><br />

faculté étonnante pour retrouver les mélodies, <strong>une</strong> chose que le début de <strong>la</strong> séance<br />

semble confirmer. Nous chantons donc <strong>la</strong> mélodie ensemble et quand vient le passage<br />

plus enlevé de <strong>la</strong> fin de l’extrait, elle se met à faire le rythme en tapant sur le bras de son<br />

fauteuil qui est en bois, suivant le rythme de <strong>la</strong> mélodie qui est pourtant très rapide.<br />

Quand <strong>la</strong> musique s’arrête, elle dit « Oh, c’est fini. » d’un air un peu dépité, du moins<br />

c’est ainsi que ce<strong>la</strong> m’apparaît. Je propose, toujours en mettant mes paroles en musique,<br />

que nous reprenions <strong>la</strong> mélodie en chantant mais cette fois sans <strong>la</strong> musique derrière, et<br />

que l’on essaie d’improviser dessus, comme on veut et quand on veut.<br />

Immédiatement, elle se met à chanter, elle se souvient parfaitement de <strong>la</strong> mélodie, et pas<br />

seulement des deux phrases du début, elle est capable de me restituer presque tout<br />

l’extrait que nous venons d’entendre.<br />

Au bout d’un moment, elle arrête de chanter et reprend sur le bras de son fauteuil le<br />

rythme de <strong>la</strong> fin de l’extrait. Je reprends donc ce rythme <strong>avec</strong> elle puis nous<br />

improvisons dessus, cherchant des variations, durant un petit moment.<br />

41


Après quelques minutes, considérant que c’est depuis le début des séances celle où elle<br />

s’est concentrée le plus longtemps, sans relâcher son attention, sans se lever, et ne<br />

souhaitant pas en faire trop d’un coup et prolonger progressivement le temps des<br />

séances, j’annonce que <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> séance est proche et que nous allons réécouter le<br />

morceau entendu tout au début. Mon idée est ainsi de marquer <strong>avec</strong> des limites c<strong>la</strong>ires et<br />

musicales le début et <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> séance. J’explique que ce morceau marquera<br />

dorénavant <strong>la</strong> fin de chac<strong>une</strong> de nos séances.<br />

Aussitôt qu’elle entend l’extrait, Mme C se met à chanter <strong>la</strong> mélodie, signe qu’elle s’en<br />

souvient et ne fait pas que <strong>la</strong> reproduire.<br />

Pour davantage marquer que cette musique est celle de <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> séance, je me mets à<br />

chanter des paroles : « On va dire que c’est <strong>la</strong> musique de <strong>la</strong> fin. »<br />

Lorsque <strong>la</strong> musique se termine, j’annonce que c’est fini pour aujourd’hui et que nous<br />

nous retrouverons le mardi suivant. Je lui demande, cette fois en par<strong>la</strong>nt, comment s’est<br />

passé pour elle cette séance et elle me répond, ce qui m’étonne car il est difficile<br />

d’obtenir d’elle des réponses cohérentes : « Très bien, c’était très bien. »<br />

Mais malgré le fait que je me sois levée, elle ne bouge pas de son fauteuil et a l’air<br />

déçue.<br />

Finalement, après un ou deux rappels que <strong>la</strong> séance est terminée, elle se lève sans que<br />

j’aie besoin d’aller <strong>la</strong> prendre par le bras et nous rentrons.<br />

Deux fois durant <strong>la</strong> séance, je me suis mis machinalement à parler au lieu de chanter<br />

pour annoncer ma consigne et chaque fois, quand j’ai repris en chantant, ajoutant,<br />

toujours en chantant, que je n’avais pas respecté ma propre consigne de chanter toutes<br />

les paroles, elle s’est mise à rire.<br />

42


Bi<strong>la</strong>n<br />

J’appréhendais beaucoup cette séance, malgré un temps que je me suis imposée avant <strong>la</strong><br />

séance pour me détendre et mettre mes idées à p<strong>la</strong>t, je craignais que le fragile début de<br />

re<strong>la</strong>tion établi entre Mme C et moi ait été mis à mal par ces quatre semaines sans<br />

séance. Mon inquiétude n’a fait que se renforcer quand <strong>la</strong> première chose que j’ai<br />

entendue en entrant dans le cantou a été <strong>la</strong> voix d’<strong>une</strong> aide soignante rappe<strong>la</strong>nt Mme C à<br />

l’ordre, puis quand cette même aide soignante m’a confié que c’était difficile <strong>avec</strong> Mme<br />

C aujourd’hui. Je me suis donc sentie immédiatement sou<strong>la</strong>gée quand j’ai vu <strong>la</strong> tournure<br />

qu’a prise <strong>la</strong> séance. Je réalise en relisant mes notes que dès <strong>la</strong> deuxième séance,<br />

j’envisageais de chanter tout ce que je dis en séance mais il a fallu attendre <strong>la</strong> séance six<br />

pour que je le fasse vraiment.<br />

Cette constatation m’a un peu bouleversée et m’a fait me demander si je n’avais pas<br />

gaspillé de nombreuses séances où il aurait pu se passer plus de choses et je me sens<br />

envahie d’un certain sentiment de culpabilité. Je crois qu’en réalité je me sentais très<br />

mal à l’aise <strong>avec</strong> ma voix, j’avais peur du jugement de Mme C. J’avais le sentiment que<br />

le fait de chanter me décrédibiliserait à ses yeux. Je crois que c’est <strong>la</strong> peur d’un nouvel<br />

échec dans mes séances qui m’a poussée à chanter malgré <strong>la</strong> difficulté que j’éprouvais à<br />

le faire.<br />

Mais dès que j’ai eu chanté quelques phrases, j’ai pu constater que j’accrochais<br />

beaucoup plus l’attention de Mme C et j’ai réalisé que je me sentais beaucoup plus<br />

détendue en chantant mes consignes et par conséquent beaucoup plus à l’écoute. Il est<br />

probable que Mme C l’ai ressenti et par conséquent se soit elle aussi sentie plus à l’aise,<br />

mieux écoutée.<br />

Je pense également que le chant touche beaucoup plus Mme C, focalise davantage son<br />

attention et <strong>la</strong> pousse davantage à s’exprimer.<br />

J’envisage pour les semaines suivantes de continuer à utiliser le chant, pour mes<br />

consignes et en règle générale pour communiquer <strong>avec</strong> Mme C.<br />

Je pense garder <strong>la</strong> musique que j’ai utilisée pour marquer <strong>la</strong> fin des séances : c’est en<br />

effet <strong>une</strong> musique à <strong>la</strong> mélodie simple que Mme C connaît bien à présent et qui sera<br />

comme <strong>une</strong> balise, <strong>une</strong> limite renforçant le cadre.<br />

Je pense également réutiliser <strong>la</strong> symphonie du nouveau monde pour ouvrir <strong>la</strong> séance<br />

prochaine, car cet extrait a été source de beaucoup d’improvisations et pourra permettre<br />

de rappeler ce qui a été fait <strong>la</strong> fois précédente.<br />

J’ai conscience que l’utilisation de <strong>la</strong> marche nuptiale était un peu risquée. A vrai dire je<br />

ne l’avais absolument pas prévue lors de ma préparation de <strong>la</strong> séance mais j’ai senti que<br />

l’utilisation des musiques facilitait le jeu de Mme C. C’est l’<strong>une</strong> des premières<br />

musiques du CD que j’étais en train d’utiliser et je me suis dit que <strong>la</strong> mélodie pouvait<br />

être connue de Mme C ce qui pouvait être intéressant. Sur le moment je n’ai absolument<br />

pas pensé à <strong>la</strong> connotation affective immense que pouvait avoir ce morceau, mais<br />

apparemment il n’a pas provoqué de réactions particulières chez Mme C, bien que ce<br />

soit <strong>une</strong> chose dont il est très difficile de s’assurer, si ce n’est le p<strong>la</strong>isir de chanter un<br />

morceau apparemment connu.<br />

43


Mardi 3 mars, 14h30.<br />

Lorsque j’arrive au cantou Vivaldi, Mme C déambule dans le couloir. Je <strong>la</strong> retrouve et je<br />

<strong>la</strong> salue, puis je lui explique que je viens pour <strong>la</strong> musicothérapie. Je lui demande si elle<br />

veut venir, elle me dit oui et je lui prends le bras pour l’accompagner. Tandis que nous<br />

marchons, elle se met à chantonner un air que je ne connais pas. Nous arrivons à <strong>la</strong> porte<br />

du cantou. A ce moment-là j’ai lâché le bras de Mme C pour taper le code de <strong>la</strong> porte.<br />

Lorsque je me retourne vers elle, elle s’est éloignée dans l’autre sens. Je l’appelle mais<br />

elle part à toute vitesse à l’autre bout du cantou. Je vais <strong>la</strong> chercher, lui rappelle qu’elle<br />

m’a dit quelques instants plus tôt qu’elle vou<strong>la</strong>it venir en séance mais quand je lui<br />

demande si elle veut toujours venir, elle me répond non. Je lui demande pourquoi mais<br />

elle marmonne des choses incompréhensibles. J’insiste plusieurs fois, lui prenant le bras<br />

pour l’encourager, mais elle se détourne chaque fois et s’éloigne. Ne souhaitant pas non<br />

plus <strong>la</strong> forcer je finis par repartir.<br />

Je me rends compte que même si ce<strong>la</strong> fait longtemps à présent que je suis dans<br />

l’établissement, je ne sais toujours pas bien comment me situer par rapport au refus des<br />

résidents.<br />

Certains membres du <strong>personne</strong>l ont tendance à emmener de force les résidents aux<br />

activités quoi qu’ils en disent, mais c’est <strong>une</strong> chose qui me paraît excessive, surtout<br />

lorsqu’il s’agit de séances de musicothérapie où il me paraît important que <strong>la</strong> <strong>personne</strong><br />

soit impliquée dans le projet, même si elle est très <strong>atteinte</strong> par <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die et donc peu à<br />

même de prendre des décisions.<br />

D’autres soignants ont au contraire tendance à considérer qu’un non est un non, mais j’ai<br />

appris à force de côtoyer les <strong>personne</strong>s âgées démentes qu’un non peut parfois cacher un<br />

oui et être simplement <strong>une</strong> réponse automatique.<br />

Je trouve néanmoins qu’il est très difficile de trouver le juste milieu et de savoir quand il<br />

faut insister et pousser <strong>la</strong> <strong>personne</strong> et quand il faut s’arrêter.<br />

Pour cette fois, je me suis permise d’insister car Mme C semb<strong>la</strong>it de prime abord motivée<br />

pour venir en séance. Le fait qu’elle se soit mise à fredonner un air tout en marchant à<br />

mes côtés peut signifier qu’elle a vraiment compris de quoi il s’agissait et je considère ce<br />

chant spontané comme un témoin encourageant que <strong>la</strong> musicothérapie et <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion par <strong>la</strong><br />

musique <strong>avec</strong> moi ont pour Mme C <strong>une</strong> importance suffisante pour qu’elle soit parvenue<br />

à faire du lien entre <strong>la</strong> musique et ma présence. Pourtant, elle semb<strong>la</strong>it réellement ne pas<br />

souhaiter venir. Etait-ce simplement qu’elle ne se sentait pas motivée ce jour-là ? Peut-on<br />

y voir <strong>une</strong> conséquence du fait que beaucoup de choses ont changé lors de <strong>la</strong> séance<br />

précédente où Mme C s’est énormément impliquée, et ce refus révèlerait-il <strong>une</strong> peur des<br />

choses qui pourraient ressortir dans les séances suivantes ?<br />

44


Mardi 10 mars<br />

Lorsque j’arrive à Hotelia, il y a <strong>une</strong> réunion du <strong>personne</strong>l dans <strong>la</strong> salle d’animation jusqu’à<br />

15 h. Je monte sur le cantou mais j’apprends qu’à partir de 15 h, Mme C sera chez le<br />

coiffeur. J’attends son retour, me proposant de décaler <strong>la</strong> séance d’<strong>une</strong> heure ou deux, mais<br />

elle revient au moment du goûter, ce qui retarde encore <strong>la</strong> séance et <strong>la</strong> déstabilise<br />

complètement dans ses habitudes. Quand enfin je lui propose de venir en séance vers<br />

16h20, elle commence à venir <strong>avec</strong> moi mais à peine avons-nous fait quelques pas qu’elle<br />

me repousse violemment du bras et repart dans le sens inverse pour aller s’asseoir.<br />

Etrangement, ce jour-là, elle ne parle pas du tout, ce qui est rare chez elle.<br />

Note : La dame de compagnie qui est déjà intervenue <strong>une</strong> fois est présente sur le cantou et<br />

elle a essayé de s’en mêler. Peut-on faire un lien ? Par ailleurs, le fait que Mme C refuse de<br />

venir alors que je propose <strong>la</strong> séance à <strong>une</strong> heure inhabituelle peut-il signifier que Mme C a<br />

encore quelques repères dans le temps qu’elle tient à conserver ? Peut-on attribuer <strong>une</strong><br />

responsabilité à <strong>la</strong> musicothérapie dans tout ce<strong>la</strong> ?<br />

Séance 7<br />

Mardi 17 mars, 14h50 : durée approximativement 25 minutes.<br />

Aujourd’hui, tout se passe sans problème lorsque je vais chercher Mme C au cantou<br />

Vivaldi. Elle est en train de déambuler du côté de <strong>la</strong> porte du cantou lorsque je lui dis<br />

bonjour. Je lui propose d’aller en musicothérapie et elle accepte immédiatement, je lui<br />

offre mon bras et elle le prend.<br />

Les chaises sont disposées de <strong>la</strong> manière habituelle, <strong>avec</strong> le lecteur CD sur ma droite et<br />

le piano derrière moi. En entrant, Mme C va directement s’assoir à sa p<strong>la</strong>ce habituelle.<br />

Je commence par chanter <strong>la</strong> petite chanson que j’avais improvisée <strong>la</strong> fois précédente<br />

pour lui dire bonjour, <strong>une</strong> mélodie toute simple en do majeur que j’ai un peu é<strong>la</strong>borée et<br />

dont les paroles sont : « Bonjour, Mme C. Bonjour Mme C. Nous sommes ici en<br />

musicothérapie et tout ce qui se dira ici restera entre nous. »<br />

Aujourd’hui encore, je m’efforcerai durant toute <strong>la</strong> séance de chanter <strong>la</strong> moindre de mes<br />

paroles.<br />

Pour commencer, je propose d’écouter <strong>une</strong> musique que nous avons déjà écoutée <strong>la</strong> fois<br />

précédente et je dis que nous pouvons faire ce que nous voulons dessus, chanter, frapper<br />

des mains…<br />

Je diffuse <strong>la</strong> symphonie du nouveau monde et directement, elle dit très distinctement :<br />

« Ah je me rappelle, je me rappelle ! » Et aussitôt après elle se met à chanter <strong>la</strong> mélodie.<br />

Je me mets à chanter <strong>avec</strong> elle. Puis elle se met à frapper des mains, frappant seulement<br />

trois temps sur quatre, marquant les temps forts de <strong>la</strong> musique par des coups plus forts.<br />

Comme lors de <strong>la</strong> séance précédente, lorsque l’extrait se termine, je propose que nous<br />

reprenions <strong>la</strong> musique sans le CD et je commence à chanter <strong>la</strong> mélodie. Elle me rejoint<br />

aussitôt en chantant. Puis, elle reprend <strong>la</strong> mélodie quelques tons en-dessous, puis elle<br />

cesse de chanter et se contente de marquer <strong>la</strong> pulsation en frappant dans ses mains, en<br />

conservant le tempo du morceau. Je me mets sur cette pulsation à frapper dans mes<br />

mains en suivant le rythme de <strong>la</strong> mélodie puis je commence à improviser sur sa<br />

pulsation qu’elle maintient très régulière.<br />

45


Au bout d’un moment, elle se met à doubler <strong>la</strong> pulsation, tout en conservant<br />

parfaitement le tempo. Je continue d’improviser sur cette nouvelle pulsation, parfois<br />

reprenant le rythme de <strong>la</strong> mélodie du morceau, parfois improvisant totalement.<br />

Je lui demande ensuite si elle souhaite réentendre le morceau et elle me répond<br />

plusieurs choses que je ne comprends pas, parmi lesquelles je distingue les mots<br />

« Puisque nous sommes seules… » et « écouter ». Elle me parle aussi de manger <strong>avec</strong><br />

moi, je lui réponds que je n’ai pas de quoi manger mais qu’ici pour communiquer j’ai de<br />

<strong>la</strong> musique et elle répond : « Ah d’accord, bien sûr. »<br />

Je diffuse à nouveau l’extrait et à nouveau, elle improvise dessus en frappant dans ses<br />

mains et parfois elle chante. Je remarque que parfois, au lieu de frapper dans ses mains,<br />

elle fait un rythme en les frottant l’<strong>une</strong> contre l’autre, <strong>une</strong> chose que je <strong>la</strong> vois faire pour<br />

<strong>la</strong> première fois ; je reprends aussitôt ce geste. A <strong>la</strong> fin de l’extrait, elle respecte le fondu<br />

en frappant dans ses mains de plus en plus doucement. Durant <strong>la</strong> dernière partie de<br />

l’extrait, me souvenant du geste qu’elle avait inventé <strong>la</strong> fois précédente en tapant sur le<br />

bras de son fauteuil, je le reprends et aussitôt, elle le reprend un peu, même si elle ne<br />

reste pas longtemps dessus, aujourd’hui il ne semble pas lui p<strong>la</strong>ire. Ce<strong>la</strong> signifie qu’elle<br />

est à l’écoute et qu’elle m’observe.<br />

Une fois l’extrait terminé, c’est elle qui initie <strong>une</strong> improvisation en reprenant dans ses<br />

mains un rythme trois impacts/un silence, trois impacts/un silence, un rythme que nous<br />

avons déjà utilisé. Je me mets à improviser dessus et j’essaie d’introduire quelques<br />

nouveaux gestes comme le frappé sur les cuisses, mais elle ne les reprend pas. Puis nous<br />

nous mettons à accélérer peu à peu notre jeu jusqu’à un tempo très rapide, avant de nous<br />

arrêter.<br />

Je réalise que je suis incapable de dire si c’est elle ou moi qui a initié ce jeu<br />

d’accélération, ce qui me <strong>la</strong>isse penser qu’à ce moment-là de <strong>la</strong> séance, nous devions<br />

être en très étroite communication puisque l’intention de l’<strong>une</strong> a immédiatement été<br />

perçue par l’autre.<br />

A ce moment-là, je propose d’introduire le piano et je me lève pour m’installer devant<br />

le c<strong>la</strong>vier sur lequel je commence par reprendre le thème principal de <strong>la</strong> symphonie du<br />

nouveau monde, avant de peu à peu improviser sur ce thème et en sortir.<br />

Malgré <strong>la</strong> consigne que j’ai donnée, à savoir qu’elle pouvait jouer, chanter ou danser<br />

comme elle le vou<strong>la</strong>it sur <strong>la</strong> musique, Mme C ne bouge pas ; elle semble écouter. Au<br />

bout d’un moment, elle se lève et essaie de rapprocher son fauteuil du piano. Je joue un<br />

moment, puis je me retourne vers elle pour lui proposer à nouveau <strong>une</strong> improvisation<br />

ensemble mais elle ne semble pas réceptive. Je demande alors si elle souhaite que je<br />

rejoue du piano. Elle me répond quelque chose que je ne comprends pas, puis elle se<br />

lève et se dirige vers le fond de <strong>la</strong> pièce. Je remarque qu’elle n’est pas dans <strong>la</strong><br />

déambu<strong>la</strong>tion comme lors des premières séances : elle se contente de s’éloigner un peu<br />

puis de s’assoir plus loin. Je me retourne alors vers le piano et je reprends le thème de<br />

Dvorak mais sur un rythme plus rapide et enlevé. Dès que je commence à jouer, Mme C<br />

se rapproche à nouveau et se rassoit sur son fauteuil habituel.<br />

Lorsque j’arrête de jouer, à nouveau elle se lève et repart vers le fond de <strong>la</strong> pièce. Je me<br />

lève, je me tourne vers elle et je l’appelle en chantant son nom : immédiatement, elle se<br />

retourne et me regarde. Mais je me rends compte que je n’arrive plus vraiment à capter<br />

son attention. J’essaie d’engager <strong>une</strong> nouvelle improvisation mais elle se détourne<br />

aussitôt.<br />

46


J’annonce alors <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> séance et je me mets à fredonner <strong>la</strong> « musique de <strong>la</strong> fin ».<br />

Elle ne semble pas me prêter attention. Alors, je diffuse <strong>la</strong> musique en question et<br />

aussitôt, Mme C revient s’assoir à sa p<strong>la</strong>ce habituelle et se met à frapper dans ses mains.<br />

Je lui chante les paroles, que j’ai également un peu améliorées : « Cette musique c’est,<br />

cette musique c’est, cette musique c’est <strong>la</strong> musique de <strong>la</strong> fin. On se revoit ici <strong>la</strong> semaine<br />

prochaine, on se revoit ici mardi prochain. »<br />

Lorsque <strong>la</strong> musique se termine, Mme C se lève et va s’assoir plus loin dans <strong>la</strong> salle.<br />

Lorsque je m’approche d’elle, elle se décale d’un fauteuil. Ce pourrait être pour<br />

s’éloigner de moi ou pour me <strong>la</strong>isser <strong>une</strong> p<strong>la</strong>ce à côté d’elle, c’est difficile à interpréter.<br />

Je m’assois malgré tout sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce qu’elle vient de libérer et je lui demande comment<br />

elle a vécu cette séance. Elle est étrangement silencieuse, elle a <strong>la</strong> tête baissée et je<br />

ressens qu’elle ne se sent pas comme d’habitude. J’ai totalement conscience qu’il s’agit<br />

purement d’un ressenti qui n’a rien d’objectif et qu’il est uniquement le fruit d’<strong>une</strong><br />

interprétation néanmoins je lui en fais part. Je lui dis que je <strong>la</strong> sens étrange et je lui<br />

demande ce qu’elle ressent en ce moment. Elle baragouine quelque chose de totalement<br />

incompréhensible alors je tente :<br />

« Vous vous sentez triste ?<br />

-Non.<br />

-Vous vous sentez mé<strong>la</strong>ncolique ? »<br />

Elle répond un « Mmm » que je ne pourrais ni qualifier de oui, ni de non.<br />

« Vous vous sentez heureuse ? »<br />

Cette fois elle ne répond rien et se lève pour aller s’asseoir plus loin. Je m’approche<br />

d’elle et je lui dis que si elle a envie de parler, elle peut. Elle marmonne des choses que<br />

je n’arrive pas à comprendre, je tente de répéter ce qu’elle me dit en demandant des<br />

explications, mais elle ne répond rien, puis elle se lève et se dirige vers <strong>la</strong> porte.<br />

Je <strong>la</strong> rejoins, je lui dis que <strong>la</strong> séance est terminée et que je <strong>la</strong> raccompagne, mais à<br />

nouveau elle se détourne et retourne au fond de <strong>la</strong> pièce. Une nouvelle fois j’explique<br />

que <strong>la</strong> séance est terminé et cette fois, elle va jusqu’à <strong>la</strong> porte que j’ouvre et elle sort.<br />

Quand je lui dis que je <strong>la</strong> raccompagne chez elle, elle demande « Où ça ? » et je lui<br />

explique où se trouve le cantou Vivaldi. C’est <strong>la</strong> première fois qu’elle me demande où<br />

je <strong>la</strong> ramène.<br />

47


Bi<strong>la</strong>n<br />

Cette séance me conforte dans le fait qu’il y a <strong>une</strong> réelle évolution de Mme C depuis le<br />

début de <strong>la</strong> prise en soin. La séance précédente n’était pas un hasard puisque je retrouve<br />

cette même communication lors de cette séance. Le choix de reprendre <strong>la</strong> symphonie du<br />

nouveau monde me paraît avoir été judicieux car il a <strong>une</strong> nouvelle fois été source de<br />

nombreuses improvisations et jeux et j’envisage d’introduire de nouvelles musiques lors<br />

des prochaines séances.<br />

J’ai vraiment senti à <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> séance que Mme C avait besoin d’exprimer des choses<br />

et j’ai le sentiment de ne pas lui offrir dans les séances suffisamment de possibilités de<br />

s’exprimer. Je sens que le chant serait un bon moyen mais je ne sais pas trop comment<br />

l’amener à chanter davantage, à improviser <strong>avec</strong> sa voix.<br />

De même, elle semble captivée par l’écoute du piano et je pense intégrer à nouveau des<br />

moments où je joue du piano dans les prochaines séances. Un problème technique se<br />

pose : le piano est situé dans un renfoncement et je trouve ce<strong>la</strong> gênant de tourner le dos<br />

à Mme C lorsque je joue.<br />

Dans l’ensemble, j’ai l’impression que l’attention de Mme C se capte beaucoup plus<br />

facilement et pour <strong>une</strong> durée beaucoup plus longue qu’auparavant depuis ces deux<br />

dernières séances. Sans compter <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> séance un peu particulière, il y a eu vingt<br />

minutes où j’ai eu l’attention pleine et entière, du moins en apparence, de Mme C.<br />

Durant ces vingt minutes, elle était impliquée dans <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion au travers du chant, des<br />

percussions corporelles et même des dép<strong>la</strong>cements.<br />

J’ai en effet le sentiment que ses dép<strong>la</strong>cements dans cette dernière séance ne<br />

ressemblent pas à sa manière coutumière de déambuler liée à <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die. En effet, il<br />

semble qu’elle utilise le fait de se dép<strong>la</strong>cer et de changer de siège comme un jeu, voire<br />

un moyen de s’exprimer. Ce<strong>la</strong> se voit par exemple dans le moment où je joue du piano,<br />

où elle se dép<strong>la</strong>ce dès que j’arrête de jouer et où elle revient dès que je reprends. C’est<br />

un peu comme si elle exprimait le fait qu’elle prend p<strong>la</strong>isir à écouter <strong>la</strong> musique et<br />

qu’elle ne souhaite pas qu’elle s’arrête, voire qu’elle souhaite être en communication<br />

<strong>avec</strong> moi quand je joue de <strong>la</strong> musique mais pas par <strong>la</strong> parole.<br />

On retrouve également cette utilisation des dép<strong>la</strong>cements dans <strong>la</strong> communication<br />

lorsque je lui pose des questions sur son ressenti où elle se dép<strong>la</strong>ce dès que je pose <strong>une</strong><br />

question qui ne semble pas lui convenir : « Vous vous sentez heureuse ? » Bien sûr, le<br />

fait d’être partie à ce moment-là de notre conversation peut être un hasard, néanmoins,<br />

le fait qu’elle s’éloigne juste après ces paroles me paraît tout de même important à<br />

noter, ma question étant choisie pour <strong>la</strong> faire réagir, étant donné qu’elle n’avait<br />

effectivement pas particulièrement l’air de se sentir heureuse. De même, lorsque je lui<br />

annonce que <strong>la</strong> séance est terminée, elle s’éloigne à nouveau le plus loin possible de<br />

moi. Souhaite-t-elle m’indiquer qu’elle aurait voulu que ce<strong>la</strong> dure plus longtemps ?<br />

48


Mardi 24 mars<br />

A cause d’un emploi du temps bousculé, je dois prendre Mme C plus tard que<br />

d’habitude, après seize heures. Lorsque j’arrive au cantou, <strong>une</strong> activité est proposée, de<br />

découpage et de dessin. Je propose <strong>la</strong> musicothérapie à Mme C qui me répond qu’il<br />

n’est pas encore l’heure. J’explique qu’exceptionnellement il est plus tard que<br />

d’habitude mais que je lui propose tout de même de <strong>la</strong> prendre en séance, mais malgré<br />

tout elle refuse de venir. Lorsque je lui donne rendez-vous pour le mardi suivant, elle<br />

me dit que « Oui, c’est intéressant. »<br />

Une nouvelle fois, on retrouve un refus quand je change d’horaire,<br />

Et cette fois <strong>la</strong> raison du refus est c<strong>la</strong>irement exprimée, « Il n’est pas encore l’heure. »<br />

même si <strong>la</strong> réalité est qu’il est au contraire trop tard, l’idée est c<strong>la</strong>irement exprimée, ce<br />

n’est pas le moment et Mme C le sait. Ce<strong>la</strong> me conforte dans le fait que, même <strong>avec</strong> <strong>une</strong><br />

mémoire très déficiente et de gros problèmes dans l’orientation temporo-spatiale, Mme<br />

C a parfaitement intégré le cadre que j’ai tenté de mettre en p<strong>la</strong>ce pour que mes séances<br />

soient basées sur quelque chose de solide et de sécurisant.<br />

Séance 8<br />

Mercredi premier avril, 14h30 : durée 30 minutes.<br />

Notes :<br />

- La veille, <strong>une</strong> conférence m’empêche d’assurer ma séance que j’ai donc décalée<br />

au lendemain même heure après avoir prévenu Mme C.<br />

- La séance a même duré plus qu’<strong>une</strong> demi-heure, trente minutes étant le temps<br />

compris entre notre entrée dans <strong>la</strong> salle et <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> musique de fin de séance.<br />

Nous avons parlé ensuite mais je n’ai pas pensé à regarder l’heure à <strong>la</strong>quelle<br />

nous avons quitté <strong>la</strong> pièce.<br />

Lorsque j’arrive sur le cantou, Mme C est en train de se faire couper les ongles par deux<br />

je<strong>une</strong>s filles, ce sont elles qui l’escortent jusqu’ à <strong>la</strong> porte du cantou lorsque je<br />

l’emmène en musicothérapie. Elle semble beaucoup aimer les deux je<strong>une</strong>s filles et elle<br />

vient très facilement.<br />

Lorsque nous entrons dans <strong>la</strong> salle de musicothérapie, Mme C va directement s’assoir,<br />

mais au lieu de sa p<strong>la</strong>ce habituelle, elle choisit un fauteuil à l’autre bout de <strong>la</strong> pièce. Je<br />

m’approche et m’assois près d’elle puis je commence à chanter <strong>la</strong> petite chanson de<br />

début de séance. La première fois, Mme C semble totalement sans réaction. Je <strong>la</strong> chante<br />

à nouveau en m’accompagnant cette fois en frappant dans mes mains. Cette fois, Mme<br />

C m’imite aussitôt en frappant elle aussi dans ses mains. A partir d’<strong>une</strong> pulsation<br />

commencée pour accompagner <strong>la</strong> chanson de début de séance, <strong>une</strong> improvisation se<br />

<strong>la</strong>nce. Nous explorons plusieurs rythmes différents, et aujourd’hui, c’est beaucoup elle<br />

qui initie et moi qui suis. Elle commence par proposer <strong>une</strong> pulsation assez rapide, noire<br />

à 120 à peu près, sur <strong>la</strong>quelle j’improvise. Elle joue <strong>avec</strong> l’intensité, tapant de plus en<br />

plus fort, puis à nouveau très doux. Elle reprend parfois des éléments de mon<br />

improvisation qu’elle intègre au milieu de sa pulsation.<br />

Elle enchaîne <strong>avec</strong> un rythme 5 croches 3 demi-soupirs, un rythme déjà utilisé lors des<br />

premières séances sur lequel elle joue un moment <strong>avec</strong> moi.<br />

49


Puis elle retourne sur un rythme plus lent, noire à 60 à peu près. J’improvise toujours<br />

lorsqu’elle joue <strong>une</strong> pulsation, les rôles s’inversant parfois. Elle reprend ensuite un<br />

rythme très rapide, encore plus que le premier (<strong>la</strong> noire à 150 à peu près.)<br />

Un nouveau rythme compliqué s’installe ensuite, un rythme beaucoup plus lent, où elle<br />

marque <strong>une</strong> pulsation régulière, <strong>la</strong>issant un silence en fin de mesure, et où je joue à<br />

contretemps, <strong>la</strong> rejoignant seulement sur le dernier temps.<br />

Je mets finalement fin à l’improvisation et je propose d’écouter un premier extrait<br />

musical et de jouer quand on veut et comme on veut dessus.<br />

Note : lors de cette séance comme lors des deux précédentes je chante toutes mes<br />

paroles et mes consignes.<br />

Je diffuse, <strong>une</strong> nouvelle fois, <strong>la</strong> symphonie du nouveau monde. Le lecteur de CD se<br />

trouvant à son endroit habituel, il est à l’opposé de là où s’est assise Mme C. Lorsque <strong>la</strong><br />

musique commence, elle ne bouge pas de là où elle est mais elle se met aussitôt à<br />

frapper dans ses mains. Elle commence par marquer <strong>la</strong> pulsation, puis elle marque le<br />

rythme de <strong>la</strong> mélodie. Aujourd’hui, elle ne chante pas. Je me joins à elle pour<br />

accompagner <strong>la</strong> musique. Je constate qu’elle fait des variations qu’elle ne faisait pas<br />

lors des séances précédentes, qu’elle improvise un peu plus sur <strong>la</strong> musique. Je reprends<br />

ensuite sur <strong>la</strong> fin de l’extrait le geste de taper sur le bras du fauteuil, geste qu’elle<br />

reprend aussitôt mais qu’elle modifie : alors que précédemment nous tapions <strong>avec</strong> le<br />

p<strong>la</strong>t de <strong>la</strong> main, elle se met à taper <strong>avec</strong> les ongles.<br />

Lorsque l’extrait se termine, nous repartons aussitôt dans <strong>une</strong> improvisation, en utilisant<br />

le bras du fauteuil comme percussion. Je remarque que lorsque j’essaie de proposer de<br />

nouvelles rythmiques, Mme C ne les reprend jamais, elle est pourtant attentive à ce que<br />

je fais puisqu’elle reprend mes gestes quand j’en propose de nouveaux.<br />

Une nouvelle fois, elle fait preuve de beaucoup d’inventivité dans ses rythmes, elle ne<br />

se <strong>la</strong>isse pas perturber lorsque j’improvise par-dessus mais elle s’adapte à ce que je joue<br />

puisqu’elle reprend parfois des éléments de mon improvisation pour les intégrer à sa<br />

rythmique.<br />

Nous terminons cette improvisation de manière étonnante puisqu’en tapant toutes deux<br />

exactement ensemble un coup plus fort que les autres sur notre bras de fauteuil sans<br />

s’être donné le moindre signal préa<strong>la</strong>ble, ce qui me porte à penser que nous sommes à<br />

ce moment-là de <strong>la</strong> séance très complices dans notre improvisation et donc dans <strong>la</strong><br />

communication.<br />

Je me dirige alors vers le piano en proposant à Mme C de m’accompagner comme elle<br />

le souhaite, en frappant dans ses mains ou en chantant, ou les deux. Le piano se trouvant<br />

du côté opposé de <strong>la</strong> pièce, je lui dis qu’elle peut me suivre jusque là-bas si elle le<br />

souhaite mais elle n’en fait rien.<br />

Comme d’habitude, je commence par reprendre le thème de <strong>la</strong> symphonie du nouveau<br />

monde avant de m’en éloigner peu à peu pour aboutir à <strong>une</strong> improvisation bien<br />

différente du thème original. Je m’efforce de reprendre des éléments de mon<br />

improvisation de <strong>la</strong> semaine précédente et d’en ajouter de nouveaux. Mme C reste où<br />

elle est mais je l’entends se dép<strong>la</strong>cer derrière moi. Toutefois, chaque fois que je me<br />

retourne tout en continuant à jouer, elle se réinstalle bien correctement dans son fauteuil<br />

comme si elle n’avait pas bougé. Ce<strong>la</strong> me rappelle son jeu de dép<strong>la</strong>cements de <strong>la</strong> séance<br />

précédente que j’ai envie de tenter d’exploiter.<br />

J’essaie de jouer longtemps sans me retourner pour voir ce qu’elle va faire mais à ce<br />

moment-là, elle ne bouge plus du tout de là où elle est. Par ailleurs, à aucun moment<br />

elle ne chante ni ne frappe dans ses mains.<br />

50


C’est seulement lorsque je cesse de jouer qu’elle se met à app<strong>la</strong>udir. Je <strong>la</strong>isse un long<br />

moment de silence, puis je reprends mon jeu sur le piano, <strong>avec</strong> un thème à deux temps<br />

très enlevé et rapide. Cette fois, elle se met aussitôt à frapper des mains en rythme mais<br />

ce<strong>la</strong> ne dure qu’<strong>une</strong> poignée de secondes. Pour attirer à nouveau son attention, je me<br />

mets à chanter son nom sur <strong>la</strong> musique que je suis en train de jouer. Mais je sens que<br />

son attention s’est complètement décrochée cette fois et je finis par me lever et par me<br />

rapprocher d’elle, tout en continuant de chanter son nom. J’essaie de poursuivre mon<br />

chant, de reprendre des rythmiques que nous avons utilisé dans le début de <strong>la</strong> séance en<br />

frappant dans mes mains, mais je n’ai plus du tout l’attention de Mme C.<br />

Je propose alors <strong>une</strong> seconde musique pour que nous improvisions dessus. Je diffuse<br />

l’extrait de Gjal<strong>la</strong>rhorn (Voir CD en annexe piste 8), mais Mme C est totalement<br />

déconcentrée et je n’arrive plus à ramener son attention sur <strong>la</strong> musique. Cette fois, elle<br />

se lève, elle fouille sur <strong>une</strong> table, récupère des papiers et se met à jouer <strong>avec</strong>, à en faire<br />

un rouleau, à le déchirer, à cacher le rouleau derrière elle, à le ressortir…Je lui rappelle<br />

qu’elle ne doit pas abîmer ce qui se trouve dans cette salle et je lui demande de reposer<br />

le papier. Elle le pose effectivement, mais elle le reprend aussitôt.<br />

Pendant ce temps, <strong>la</strong> musique s’est terminée. Je reprends à <strong>la</strong> voix des éléments<br />

mélodiques de <strong>la</strong> symphonie du nouveau monde et de Gjal<strong>la</strong>rhorn pour lui rappeler les<br />

règles que j’énonce en début de séance et lui demander de reposer le papier.<br />

Ce manège dure longtemps, je décide finalement de mettre un terme à <strong>la</strong> séance. Je le<br />

lui annonce puis je vais diffuser <strong>la</strong> « musique de <strong>la</strong> fin » en espérant qu’elle rappellera le<br />

cadre à Mme C.<br />

J’ignore si c’est à cause de <strong>la</strong> musique, mais Mme C se dirige effectivement vers <strong>la</strong><br />

porte pour sortir. Je vais lui dire que <strong>la</strong> musique n’est pas terminée, que <strong>la</strong> séance sera<br />

terminée à <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> musique, elle retourne donc s’assoir tout au fond de <strong>la</strong> pièce.<br />

Lorsque <strong>la</strong> musique se termine, je <strong>la</strong> rejoins et je lui annonce que cette fois <strong>la</strong> séance est<br />

finie. Je lui demande si elle a envie de me dire comment elle l’a vécue, elle marmonne<br />

quelque chose que j’ai énormément de mal à comprendre. De manière générale, au<br />

cours de cette séance, j’ai trouvé qu’elle était verbalement beaucoup moins<br />

compréhensible que d’habitude. Elle semble bougonne, contrariée. Je lui demande si<br />

quelque chose <strong>la</strong> contrarie, elle me répond « oui ». Je lui dis qu’elle peut en parler si elle<br />

le souhaite, j’essaie de lui poser des questions, de <strong>la</strong>isser des silences pour l’écouter,<br />

mais elle ne dit rien de plus. Finalement, elle se lève, je l’escorte jusqu’à <strong>la</strong> porte et<br />

nous sortons.<br />

Arrivées à l’ascenseur, alors qu’elle a marché volontiers jusque-là, elle refuse de<br />

monter, faisant barrage de son bras pour m’empêcher de <strong>la</strong> conduire à l’intérieur de <strong>la</strong><br />

cabine. J’essaie de lui expliquer qu’elle doit rentrer au cantou, de trouver des mots<br />

différents pour lui dire où nous allons mais les mots ne suffisent plus, je suis obligée de<br />

l’entraîner à l’intérieur de l’ascenseur. Je lui demande si quelque chose l’angoisse, je lui<br />

demande pourquoi elle ne veut pas rentrer mais je n’obtiens auc<strong>une</strong> réponse.<br />

Une fois à l’étage, elle sort vivement de l’ascenseur et file dans le couloir du côté<br />

opposé au cantou Vivaldi. Je <strong>la</strong> rattrape et je commence à essayer de <strong>la</strong> ramener du côté<br />

du cantou, lui expliquant qu’elle doit à présent rentrer, qu’elle ressortira plus tard mais<br />

qu’il est temps qu’elle rentre, mais cette fois, elle devient violente.<br />

51


Elle me pousse furieusement, je suis d’ailleurs étonnée de sa force. Je n’osais pas<br />

employer ma propre force, essayant de parler, mais je m’y vois contrainte, je suis<br />

obligée de lutter contre elle et de l’entraîner contre son gré jusqu’au cantou où j’ai<br />

toutes les peines du monde à <strong>la</strong> faire entrer. Durant tout ce temps, elle est très en colère,<br />

me dit de lui ficher <strong>la</strong> paix, m’insulte…<br />

Bi<strong>la</strong>n<br />

Dès le début de <strong>la</strong> séance, Mme C est contrariée, perturbée, comme le montre le fait<br />

qu’elle va s’assoir à l’autre bout de <strong>la</strong> salle de musicothérapie alors que lors des deux<br />

séances précédentes, elle est directement allée s’assoir à sa p<strong>la</strong>ce habituelle.<br />

Pourtant, <strong>la</strong> communication s’établit bien entre elle et moi, elle parvient à exprimer des<br />

choses au travers de <strong>la</strong> musique, elle se montre même particulièrement productive et fait<br />

appel à son imagination. Mais elle semble aujourd’hui ne pas arriver ou ne pas vouloir<br />

focaliser son attention sur <strong>la</strong> musique et ce qui se passe durant <strong>la</strong> séance.<br />

J’avais comme projet d’introduire dans chaque séance <strong>une</strong> nouvelle musique qui<br />

deviendrait <strong>la</strong> musique d’introduction de <strong>la</strong> séance suivante pour faire davantage de lien,<br />

c’était mon but en diffusant <strong>la</strong> musique de Gjal<strong>la</strong>rhorn, mais <strong>avec</strong> ce qu’il s’est passé<br />

durant cette séance je ne sais pas si je dois conserver ce projet. Néanmoins, je pense<br />

qu’il est intéressant pour conserver <strong>une</strong> cohésion entre les séances.<br />

Mme C a c<strong>la</strong>irement exprimé <strong>une</strong> contrariété au cours de cette séance, même si je ne<br />

suis pas parvenue à en savoir plus, et je me demande si cette contrariété ne vient pas de<br />

quelque chose qui se serait passé au sein du cantou, au vu de <strong>la</strong> scène qui s’est produite<br />

sur le chemin du retour où Mme C a exprimé qu’elle n’avait absolument pas envie de<br />

rentrer.<br />

Comme <strong>la</strong> fois où un aide soignant a obligé Mme C à descendre pour ma séance, je me<br />

rends compte que j’ai très mal vécu cette scène de lutte <strong>avec</strong> Mme C. J’ai eu le<br />

sentiment d’être particulièrement ma<strong>la</strong>droite, je me sens coupable d’avoir été obligée de<br />

recourir à <strong>la</strong> force et de n’avoir rien pu faire par d’autres moyens. J’ai beaucoup de<br />

difficultés <strong>avec</strong> ce concept d’enfermement, <strong>avec</strong> cette privation de liberté, même si je<br />

sais que c’est pour le bien des résidents et je sens que cet épisode m’a secouée.<br />

Je me rends également compte que lorsque j’ai décidé de diffuser <strong>la</strong> musique de fin de<br />

séance, il n’y a pas eu de progression logique vers cette fin. Je l’ai décidée<br />

arbitrairement parce que je me sentais impuissante face à <strong>la</strong> situation et j’ai le sentiment<br />

que <strong>la</strong> séance à un peu échappé à mon contrôle.<br />

De manière générale, Mme C ressentait <strong>une</strong> certaine contrariété, peut-être même <strong>une</strong><br />

peur ou <strong>une</strong> colère, comme le révèle son refus de rentrer dans le cantou. Cette séance lui<br />

a peut-être permis de l’exprimer davantage qu’elle ne peut le faire dans son milieu<br />

habituel mais il me semble que <strong>la</strong> musicothérapie devrait davantage pouvoir lui<br />

permettre d’évacuer d’<strong>une</strong> manière ou d’<strong>une</strong> autre ses ressentis, c’est ce que je<br />

souhaiterais travailler lors des prochaines séances.<br />

52


Séance 9<br />

Mardi 21 avril, 14h30 : durée 20 minutes.<br />

Objectif : Après ces deux semaines de vacances sans séances, il faut permettre à<br />

Mme C de retrouver ses repères. Pour ce<strong>la</strong>, je compte reprendre mon principe de<br />

faire entendre à Mme C <strong>une</strong> musique diffusée lors de <strong>la</strong> séance précédente et d’en<br />

introduire <strong>une</strong> nouvelle. Je me pose <strong>la</strong> question de rediffuser <strong>une</strong> nouvelle fois <strong>la</strong><br />

symphonie du nouveau monde, qui a été écoutée plusieurs fois déjà et qui pousse<br />

facilement Mme C au jeu et à l’improvisation. En effet, lorsque j’ai introduit <strong>la</strong><br />

musique de Gjal<strong>la</strong>rhorn lors de <strong>la</strong> séance précédente, Mme C ne semb<strong>la</strong>it pas du tout<br />

à l’écoute et je me demande si le fait de <strong>la</strong> rediffuser produira un rappel. Néanmoins,<br />

je crois que le fait qu’elle ne semb<strong>la</strong>it pas attentive ne signifie pas forcément qu’elle<br />

n’a pas entendu et je décide de n’utiliser Dvorak que s’il devient vraiment<br />

nécessaire de recapter l’attention de Mme C ou de <strong>la</strong> sécuriser. Aujourd’hui, je<br />

choisis d’introduire <strong>la</strong> marche pour <strong>la</strong> cérémonie des turcs de Lully pour sa mélodie<br />

simple et qui se répète beaucoup (CD en annexe piste 9).<br />

Je découvre à mon retour des vacances que Mme C a changé de cantou pendant mon<br />

absence. Elle est désormais au cantou Mozart, au rez-de-chaussée. Je m’en étonne<br />

particulièrement car c’est <strong>une</strong> <strong>personne</strong> terriblement désorientée, qui a très peu de<br />

repères et je crains que ce changement <strong>la</strong> perturbe complètement. De plus, ce<br />

changement s’est fait juste après mon départ en vacances, ce qui signifie que deux<br />

semaines sont passées sans séances pour pouvoir exprimer les sentiments que ce<br />

chamboulement lui inspire. J’apprends que c’est à <strong>la</strong> demande de son mari que ce<br />

changement a été fait, car le prix de l’ancienne chambre de Mme C était trop élevé pour<br />

lui, mais j’ignore si Mme C a eu connaissance que <strong>la</strong> décision venait de lui.<br />

Lorsque j’arrive au cantou Mozart, je trouve Mme C sur <strong>la</strong> terrasse, entourée de deux<br />

compagnes de son ancien cantou qui sont venues <strong>la</strong> voir. Dès qu’elle me voit, Mme C<br />

vient vers moi, prend mon visage dans ses mains et dépose trois bises sur mes joues,<br />

<strong>une</strong> chose qui n’était jamais arrivée auparavant. Je lui demande si elle souhaite venir en<br />

séance de musicothérapie, elle me dit oui et c’est elle qui prend spontanément mon bras,<br />

encore <strong>une</strong> chose qu’elle n’a jamais faite jusqu’à présent.<br />

Lorsque nous arrivons devant <strong>la</strong> porte de sortie du cantou, je cherche de <strong>la</strong> main le<br />

boîtier pour le code, mais comme je connais mal le cantou, je cherche du mauvais côté<br />

et c’est Mme C qui me dit : « C’est de l’autre côté. » De manière générale, elle parle<br />

plus qu’à l’ordinaire et elle est davantage présente, par exemple quand je lui demande si<br />

ce<strong>la</strong> lui convient de descendre les quelques marches qui se trouvent à <strong>la</strong> sortie du cantou<br />

ou si elle préfère le p<strong>la</strong>n incliné et où elle me répond très c<strong>la</strong>irement.<br />

Une fois dans <strong>la</strong> salle de musicothérapie, c’est elle qui m’entraîne par le bras vers nos<br />

p<strong>la</strong>ces habituelles. Elle semble également plus calme qu’à l’ordinaire. Je commence <strong>la</strong><br />

séance en lui par<strong>la</strong>nt de son déménagement, je lui demande comment elle se sent. Elle<br />

me répond qu’elle se sent bien, même s’il y a des … (Je ne parviens pas à saisir le<br />

terme, mais apparemment, il y a quelque chose qui <strong>la</strong> contrarie), mais elle me répète<br />

qu’elle est bien.<br />

53


Je me mets à chanter le chant du bonjour et presque aussitôt, elle se met à chanter <strong>la</strong><br />

mélodie <strong>avec</strong> moi, c’est <strong>la</strong> première fois qu’elle le fait. Quand j’ai terminé, elle me dit :<br />

« C’est bien calé. » Il est vrai que cette chanson est très carrée, tombe bien sur les temps<br />

et a <strong>une</strong> fin dont <strong>la</strong> mélodie est assez prévisible.<br />

J’explique ensuite que je vais diffuser <strong>une</strong> musique que nous avons déjà entendue et que<br />

nous pouvons jouer, chanter et même danser comme nous voulons sur <strong>la</strong> musique. Je<br />

remarque que, comme c’est déjà arrivé plusieurs fois, quand je chante mes consignes,<br />

elle rit légèrement.<br />

Mme C écoute un petit moment <strong>la</strong> musique, puis elle se met à battre <strong>la</strong> pulsation dans<br />

ses mains, je <strong>la</strong> suis. Au bout d’un moment, elle double le rythme, puis elle reprend un<br />

peu plus tard sa pulsation simple. Par contre elle n’improvise pas. A un moment, elle<br />

s’arrête de frapper dans ses mains et elle me demande si je vais danser ce soir. Je lui<br />

réponds en lui demandant si elle, elle a envie de danser. Elle me dit qu’elle ne saurait<br />

pas. Je lui dis qu’elle peu toujours essayer et je me lève pour l’encourager, mais elle<br />

reste assise.<br />

Lorsque <strong>la</strong> musique se termine, je lui demande si ce<strong>la</strong> lui a fait penser à <strong>la</strong> danse, elle<br />

me répond que oui. Je lui demande si elle dansait quand elle était plus je<strong>une</strong>, elle me dit<br />

que oui, puis elle me parle du fait qu’elle connaissait des danses, elle parle de plus<br />

simples et de plus compliquées, je ne comprends pas entièrement tout mais je suis<br />

étonnée de me rendre compte qu’elle est resté dans le sujet de ma question pour sa<br />

réponse, <strong>une</strong> chose qu’elle n’arrive presque jamais à faire à son stade de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die.<br />

Je propose que nous reprenions ce que nous venons d’écouter, mais sans <strong>la</strong> musique et<br />

elle dit : « Sans <strong>la</strong> musique ? C’est beaucoup plus intéressant. » Je me mets donc à<br />

chanter <strong>la</strong> mélodie et elle se met à frapper des mains en rythme. Nous continuons ainsi<br />

un moment, puis je cesse de chanter et nous nous <strong>la</strong>nçons dans <strong>une</strong> improvisation en<br />

frappant dans nos mains. Je remarque que Mme C est particulièrement à l’écoute<br />

aujourd’hui, car dès que je propose un changement de rythme, elle me suit et s’adapte<br />

facilement. Mais c’est souvent elle qui propose des changements et des nouveautés au<br />

cours de l’improvisation. Nous passons d’un rythme binaire à un rythme ternaire, <strong>une</strong><br />

sorte d’imitation d’un pas de cheval, puis nous retournons sur quelque chose de binaire.<br />

Nous jouons sur des accélérations du rythme, j’essaie aussi de jouer à contre-temps<br />

d’elle et elle parvient à conserver parfaitement le rythme.<br />

Je propose ensuite de jouer du piano et qu’elle m’accompagne comme elle le souhaite.<br />

Je reprends au c<strong>la</strong>vier <strong>la</strong> musique de Gjal<strong>la</strong>rhorn et aussitôt, elle se met à frapper dans<br />

ses mains, mais comme durant le morceau et contrairement à ce qui s’est passé juste<br />

avant, elle n’improvise pas du tout. Au bout d’un moment, elle s’arrête complètement.<br />

Je joue encore un moment, mais je sens son attention se perdre, elle finit par se lever<br />

pour aller s’assoir au fond de <strong>la</strong> pièce. Je me retourne alors vers elle et je chante, sur <strong>la</strong><br />

musique que j’étais en train de jouer : « Mme C, revenez <strong>avec</strong> moi. » Je répète plusieurs<br />

fois ce chant et elle finit par se lever et venir me rejoindre, <strong>une</strong> chose qui est<br />

habituellement impossible à obtenir d’elle quand elle a décidé de quitter notre coin.<br />

Je diffuse alors <strong>la</strong> musique de Lully en donnant toujours <strong>la</strong> même consigne de jouer et<br />

de chanter comme on veut quand on veut. Mais elle reste silencieuse et immobile et sur<br />

<strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> musique, elle se lève et se dirige vers <strong>la</strong> porte. Je lui demande si elle souhaite<br />

partir, elle me répond que oui et je lui rappelle que <strong>la</strong> séance n’est terminée que quand<br />

nous avons entendu <strong>la</strong> musique de <strong>la</strong> fin, musique que je chante pour illustrer mes<br />

paroles. Elle retourne alors aussitôt s’asseoir.<br />

54


Comme elle a exprimé le souhait de partir, je diffuse alors <strong>la</strong> musique de <strong>la</strong> fin en<br />

chantant les paroles par-dessus. Elle se met aussitôt à frapper des mains et je lui propose<br />

un nouveau rythme en alternant le frappé dans les mains et le frappé du pied par terre.<br />

Elle reprend mon geste de frapper <strong>avec</strong> le pied et ce<strong>la</strong> semble lui p<strong>la</strong>ire car elle le garde.<br />

Au bout d’un moment elle se lève mais ce n’est pas pour partir : elle se met à esquisser<br />

des sortes de pas de danse, se ba<strong>la</strong>nçant d’un pied sur l’autre, tapant du pied, avançant<br />

ou recu<strong>la</strong>nt l’un de ses pieds. J’essaie de l’imiter du mieux que je peux et nous dansons<br />

ainsi ensemble un moment, mais, à cet instant, quelqu’un du <strong>personne</strong>l soignant entre<br />

dans <strong>la</strong> salle sans frapper pour faire visiter <strong>une</strong> famille. Il ressort aussitôt mais Mme C a<br />

visiblement été perturbée par cette intrusion, elle s’est réfugiée au fond de <strong>la</strong> pièce et ne<br />

veut plus revenir. Je m’approche d’elle et je lui dis alors que <strong>la</strong> séance est terminée et<br />

que je vais <strong>la</strong> raccompagner au cantou. C’est alors qu’elle me dit c<strong>la</strong>irement : « Je ne<br />

veux pas y aller. »<br />

Je lui demande pourquoi, elle marmonne quelque chose d’incompréhensible, se lève et<br />

va s’asseoir un peu plus loin. Je lui demande si elle ne veut pas m’en parler, elle me<br />

répond non. Puis elle se lève et se met à marcher vers <strong>la</strong> porte en tirant derrière elle <strong>la</strong><br />

chaise sur <strong>la</strong>quelle elle était assise. Je lui explique qu’elle ne peut pas emporter <strong>la</strong> chaise<br />

hors de <strong>la</strong> salle, qu’il y en aura d’autres pour elle, et aussitôt elle pose <strong>la</strong> chaise et<br />

s’assoit dessus. Je demande : « Vous ne voulez pas y aller ? »<br />

Elle répond à nouveau que non. Je me risque à demander pourquoi et elle me répond :<br />

« Parce que c’était bien. » Je demande si c’est <strong>la</strong> musicothérapie qui était bien et elle<br />

répond : « Oui, c’était bien ici. »<br />

C’est finalement elle qui se lève d’elle-même après cet échange, et je <strong>la</strong> raccompagne au<br />

cantou.<br />

Bi<strong>la</strong>n<br />

J’ai le sentiment qu’il s’est passé beaucoup de choses durant cette séance et que je n’en<br />

ai peut-être pas suffisamment profité, j’ai l’impression de n’avoir pas vu un grand<br />

nombre de choses.<br />

Il m’apparaît tout d’abord que l’intégration de Mme C au nouveau cantou s’est plutôt<br />

bien passée, au regard de son humeur et de sa motivation. Elle semble avoir trouvé<br />

quelques repères, peut-être aussi le fait de pouvoir sortir sur <strong>la</strong> terrasse (le cantou<br />

Vivaldi n’a pas de terrasse et n’offre auc<strong>une</strong> possibilité de sortir) lui fait du bien. J’ai<br />

néanmoins le sentiment que quelque chose <strong>la</strong> contrarie et ce sentiment sera renforcé par<br />

des choses qui ressortiront lors de <strong>la</strong> séance suivante.<br />

J’ignore si Mme C m’a reconnue quand je suis arrivée sur le cantou, mais le fait qu’elle<br />

vienne m’embrasser témoigne tout du moins du fait qu’elle m’a perçue comme un<br />

élément positif pour elle. En effet, Mme C a un caractère très tranché et, même si on ne<br />

comprend pas toujours ses motivations, elle se montre très démonstrative, autant envers<br />

ce qu’elle perçoit comme bon pour elle qu’envers ce qu’elle perçoit comme hostile.<br />

55


Bi<strong>la</strong>n (suite)<br />

Je peux émettre l’hypothèse que <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion thérapeutique qui s’est maintenant<br />

c<strong>la</strong>irement établie entre nous est importante pour elle et que ces bises était un moyen de<br />

l’exprimer.<br />

En ce qui concerne <strong>la</strong> séance, je remarque que Mme C trouve de plus en plus de moyens<br />

de s’exprimer. Je réalise notamment que ses dép<strong>la</strong>cement, loin d’être toujours<br />

simplement dus au fait qu’elle ne parvient pas à maintenir son attention, sont aussi<br />

souvent des moyens d’exprimer des choses, en particulier, le refus de parler, le non,<br />

qu’elle exprime en s’éloignant. L’apparition de <strong>la</strong> danse est également un signe que <strong>la</strong><br />

musique lui permet d’explorer de nouveaux moyens de communiquer. Je pense qu’il<br />

peut être bien de tenter de l’encourager à s’exprimer dans cette voie. Je suis<br />

profondément frustrée par l’interruption qui a empêché Mme C de continuer de danser.<br />

Je réalise que je n’ai mis aucun mot sur cet incident et que c’est probablement <strong>une</strong><br />

erreur. J’ai fait comme si de rien n’était alors que cette interruption a visiblement<br />

contrarié Mme C.<br />

Enfin, je constate que Mme C s’exprime de plus en plus même à travers <strong>la</strong> parole, ce qui<br />

va à l’encontre de ce que semblent dire <strong>la</strong> plupart des membres de l’équipe soignante<br />

qui m’ont dit à mon retour de vacances que Mme C était de plus en plus difficile à<br />

comprendre. C’est aujourd’hui <strong>la</strong> première fois qu’elle exprime verbalement le fait<br />

d’avoir éprouvé du p<strong>la</strong>isir à être en séance. Le fait de traîner <strong>la</strong> chaise derrière elle<br />

pourrait être interprété comme un moyen de signifier qu’elle aimerait rester encore, ou<br />

peut-être un désir d’emporter quelque chose de <strong>la</strong> séance de musicothérapie dans son<br />

environnement quotidien. Je réalise que j’ai écourté <strong>la</strong> séance parce que Mme C se<br />

dirigeait vers <strong>la</strong> porte et qu’elle a répondu oui quand je lui ai demandé si elle souhaitait<br />

partir mais que ce oui ne signifiait pas nécessairement un réel oui à ma question, et je<br />

me demande si je n’aurais pas dû prolonger quelque peu <strong>la</strong> séance.<br />

Quelques jours plus tard, je me renseigne davantage sur le changement de chambre de<br />

Mme C. J’apprends alors, contrairement à ce que j’avais imaginé tout d’abord, que son<br />

intégration au cantou Mozart s’est très mal passée. Elle s’est trouvée confrontée à <strong>une</strong><br />

perte totale de repères, elle était complètement perdue et très angoissée. Elle s’est<br />

retrouvée sans aucun lien <strong>avec</strong> qui que ce soit et elle s’est mise à ne plus reconnaître<br />

<strong>personne</strong>, même les résidents et les soignants de son ancien cantou.<br />

Il me faut alors revoir mes interprétations de certaines de ses réactions. Le fait qu’elle<br />

m’ait fait <strong>la</strong> bise et ait montré tant d’empressement à venir en musicothérapie ne<br />

témoignait probablement pas d’<strong>une</strong> humeur meilleure que d’habitude comme je l’avais<br />

d’abord supposé, mais au contraire de <strong>la</strong> reconnaissance d’un élément fixe, connu dans<br />

cet univers sans repère dans lequel elle se trouvait totalement perdue et démunie. Ce<strong>la</strong><br />

explique également davantage le désir d’emporter <strong>avec</strong> elle <strong>une</strong> chaise, ce qui symbolise<br />

un élément de <strong>la</strong> salle de musicothérapie, ce lieu où elle se sent écoutée et objet<br />

d’attention, un lieu qui contrairement à tout le reste, n’a pas changé.<br />

56


Séance 10<br />

Mardi 28 avril, 14h50 : durée 15 minutes.<br />

Objectifs : Je n’ai pas d’objectifs précis pour cette séance si ce n’est celui de<br />

poursuivre dans <strong>la</strong> continuité des séances précédentes en reprenant le même schéma.<br />

Mme C a exprimé des choses qu’elle n’avait jamais extériorisées auparavant, je<br />

voudrais tenter d’essayer de continuer sur cette voie. Je souhaiterais essayer de<br />

réintroduire <strong>la</strong> danse, nouveau moyen d’expression apparu lors de <strong>la</strong> séance<br />

précédente.<br />

En début de séance je diffuserai <strong>la</strong> marche pour <strong>la</strong> cérémonie des turcs entendue lors<br />

de <strong>la</strong> séance précédente et <strong>la</strong> musique que j’introduirai aujourd’hui est <strong>la</strong> petite<br />

musique de nuit de Mozart, musique plutôt simple et dynamique, dans un style très<br />

différent de Lully (CD en annexe piste 10).<br />

Comme <strong>la</strong> semaine précédente, Mme C semble motivée lorsque je viens <strong>la</strong> chercher.<br />

Elle prend directement mon bras et elle commence d’elle-même à se diriger vers <strong>la</strong><br />

sortie alors que je suis encore en train de parler à <strong>une</strong> aide soignante. Lorsque nous<br />

arrivons devant <strong>la</strong> salle de musicothérapie, elle me lâche le bras pour pouvoir entrer<br />

avant moi dans <strong>la</strong> pièce puis, <strong>une</strong> fois à l’intérieur, elle me reprend le bras pour<br />

m’entraîner vers les chaises.<br />

Nous commençons par parler un peu, elle parle beaucoup aujourd’hui mais j’ai<br />

énormément de mal à <strong>la</strong> comprendre, elle invente beaucoup de mots.<br />

Je chante ensuite <strong>la</strong> chanson de début de séance. Elle semble écouter mais elle ne réagit<br />

pas. Puis elle se lève et part au fond de <strong>la</strong> salle. Je <strong>la</strong> rappelle en chantant mais elle ne<br />

revient pas. J’explique alors que nous allons écouter <strong>une</strong> musique que nous avons déjà<br />

entendue <strong>la</strong> semaine précédente et je donne toujours <strong>la</strong> même consigne. Dès que <strong>la</strong><br />

musique commence, Mme C commence à revenir vers moi, en marchant en rythme en<br />

faisant de petits pas dansés. Je vais à sa rencontre en l’imitant et nous regagnons nos<br />

p<strong>la</strong>ces, toujours en faisant des sortes de petits pas de danse. Elle se met à frapper des<br />

mains en rythme, puis, suivant le rythme de <strong>la</strong> musique, elle fait un rythme plus<br />

complexe : deux coups, un silence, trois coups, un silence. Elle joue aussi sur l’intensité<br />

de ses coups. J’improvise <strong>avec</strong> elle.<br />

Puis elle dit quelque chose que je ne comprends pas totalement dans lequel il est<br />

question de quelqu’un qui est parti. Lorsque <strong>la</strong> musique se termine, j’essaie de<br />

poursuivre l’improvisation mais elle s’arrête. Elle me dit que ça gratte, <strong>la</strong>isse un silence,<br />

puis elle me demande : « Il vous manque ? » Y voyant un lien <strong>avec</strong> ce qu’elle a dit<br />

pendant <strong>la</strong> musique sur quelqu’un qui serait parti, je lui demande si à elle, quelqu’un lui<br />

manque, mais elle ignore <strong>la</strong> question. Elle me demande alors combien ça fait en francs,<br />

je me demande si elle parle de <strong>la</strong> séance, si elle se demande si c’est payant. Je réponds<br />

alors que les séances de musicothérapie sont gratuites pour elle, qu’elles sont comprises<br />

dans les services offerts par <strong>la</strong> maison de retraite. Elle me parle ensuite de gens qui sont<br />

contents de quelque chose, mais elle semble contrariée. Je lui demande alors si elle, elle<br />

n’est pas contente. A ce moment elle se lève vivement et se dirige vers <strong>la</strong> porte qu’elle<br />

ouvre. Dans <strong>la</strong> salle d’animation, il y a deux portes, celle qui donne sur le hall et <strong>une</strong><br />

autre qui donne sur <strong>une</strong> pièce de rangement. Etrangement, lors de cette séance et pour <strong>la</strong><br />

première fois, c’est <strong>la</strong> deuxième porte, celle qui ne donne pas sur le hall, qu’elle va<br />

essayer de franchir chaque fois qu’elle va vouloir partir.<br />

57


Je <strong>la</strong> rejoins et je lui demande si elle souhaite déjà partir, sur quoi elle retourne s’asseoir<br />

sans dire un mot. Elle choisit <strong>une</strong> chaise qui n’est pas celle qu’elle occupait auparavant<br />

et <strong>la</strong> tourne de sorte qu’elle tourne le dos à <strong>la</strong> partie de <strong>la</strong> pièce où nous faisons les<br />

séances. A nouveau, je lui demande si elle souhaite partir ou rester, elle me répond<br />

rester. Je lui demande alors pourquoi, si elle souhaite rester, elle sort de <strong>la</strong> salle. Elle<br />

semble contrariée par <strong>la</strong> question, grogne quelque chose et à nouveau, elle se lève et va<br />

ouvrir <strong>la</strong> deuxième porte puis elle sort de <strong>la</strong> salle. Je lui explique que c’est l’autre porte<br />

pour sortir et aussitôt, elle retourne s’assoir.<br />

Je retourne auprès d’elle et je lui demande si elle souhaite parler de quelque chose. Elle<br />

me dit alors qu’il est parti, qu’il n’y a plus, que c’est fini. Je lui demande de qui elle<br />

parle, elle ne me répond pas. Je lui demande si ça lui fait mal que ce soit fini, à nouveau<br />

elle se lève et retourne vers <strong>la</strong> porte. Puis <strong>une</strong> nouvelle fois elle retourne s’asseoir.<br />

Je lui demande <strong>une</strong> nouvelle fois si elle veut rentrer, cette fois elle me répond « Oui je<br />

veux rentrer. » Dans sa manière de parler, ses intonations, elle semble particulièrement<br />

triste ou angoissée. Je tente de lui demander ce qui <strong>la</strong> contrarie, elle me répond que c’est<br />

<strong>une</strong> <strong>personne</strong>. Je lui demande si elle souhaite en parler, elle me répond « Pas<br />

maintenant. »<br />

Je repose <strong>une</strong> nouvelle fois <strong>la</strong> question pour savoir si elle souhaite partir, elle me répond<br />

à nouveau par l’affirmative. Je décide alors de diffuser <strong>la</strong> musique de fin de séance<br />

même si je n’ai pas fait du tout ce que j’avais prévu pour aujourd’hui, en chantant les<br />

paroles. Elle l’écoute jusqu’à <strong>la</strong> fin et cette fois, quand <strong>la</strong> musique est terminée, elle se<br />

lève et se dirige directement vers <strong>la</strong> bonne porte.<br />

58


Bi<strong>la</strong>n<br />

Je me pose beaucoup de questions concernant cette séance. Avec le recul je réalise que<br />

je n’ai pas réellement fait de <strong>la</strong> musicothérapie, que cette séance était terriblement<br />

centrée sur le verbal, que j’ai pratiquement parlé tout le temps alors qu’ordinairement, je<br />

chante toutes mes paroles. Ce<strong>la</strong> m’interroge d’autant plus que <strong>la</strong> communication par <strong>la</strong><br />

parole est particulièrement limitée pour Mme C et que mes objectifs étaient sensés être<br />

de privilégier et de favoriser les autres moyens d’expression, comme <strong>la</strong> danse. Je réalise<br />

que je me suis probablement trop impliquée <strong>personne</strong>llement dans cette séance où j’ai<br />

probablement eu davantage envie de parler <strong>avec</strong> Mme C que de mener <strong>une</strong> réelle séance<br />

de musicothérapie.<br />

De plus, Mme C a parlé de quelqu’un qui est parti, puis elle m’a demandé « Il vous<br />

manque ? », et il se trouve que ces propos concordent particulièrement <strong>avec</strong> <strong>une</strong><br />

situation <strong>personne</strong>lle très difficile dans <strong>la</strong>quelle je me trouve depuis seulement deux<br />

semaines. Même si je sais que c’est probablement d’elle qu’elle me parle, je suis<br />

interloquée par <strong>la</strong> manière dont ces propos concordent à ma situation, est-il possible que<br />

sans même que je l’évoque, elle l’ait ressentie ?<br />

J’ai conscience qu’il faut que je prenne un peu de recul pour retrouver <strong>la</strong> bonne<br />

distance à avoir <strong>avec</strong> Mme C.<br />

Concernant <strong>la</strong> séance, j’ai le sentiment tout de même que Mme C exprime de plus en<br />

plus de choses au fil des semaines. J’ignore si c’est le signe qu’<strong>une</strong> réelle re<strong>la</strong>tion<br />

thérapeutique s’est établie, si c’est l’effet de <strong>la</strong> musique ou si c’est, et c’est loin d’être à<br />

exclure, le fait que j’ai envie d’interpréter de plus en plus de choses. Il est probable que<br />

tous ces facteurs soient liés.<br />

Les séances semblent en tout cas amener Mme C à davantage verbaliser, <strong>une</strong> chose qui,<br />

d’après les infirmières, est pourtant de plus en plus difficile, elles déc<strong>la</strong>rent qu’à présent<br />

<strong>la</strong> communication est presque impossible <strong>avec</strong> Mme C.<br />

Une nouvelle fois, je ne peux que remarquer que le comportement de Mme C est aussi<br />

un moyen de s’exprimer pour elle. J’ai constaté que c’est toujours après <strong>une</strong> question un<br />

peu intrusive de ma part que Mme C soit va à l’autre bout de <strong>la</strong> pièce, soit sort de <strong>la</strong><br />

salle, comme pour exprimer que j’ai touché un point sensible, <strong>une</strong> zone dans <strong>la</strong>quelle<br />

elle ne veut pas entrer. Le fait de retourner <strong>la</strong> chaise pour me tourner le dos, par<br />

exemple, est un refus c<strong>la</strong>ir de me <strong>la</strong>isser continuer sur un sujet quelle ne souhaite pas<br />

aborder.<br />

Mon but pour les dernière séances est d’arriver à pousser Mme C à exprimer ces choses<br />

au travers de <strong>la</strong> musique pour reprendre <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce qui est <strong>la</strong> mienne, celle de<br />

musicothérapeute, mais j’ignore pour l’instant comment arriver à un tel résultat en<br />

faisant davantage que d’appliquer les techniques que j’utilise actuellement.<br />

59


Séance 11<br />

Mardi 19 mai, 14h30 : durée inconnue.<br />

Objectifs : A nouveau, 2 séances de musicothérapie n’ont pas pu avoir lieu <strong>avec</strong><br />

Mme C, <strong>la</strong> première parce que j’étais très ma<strong>la</strong>de, <strong>la</strong> seconde à cause d’<strong>une</strong> réunion<br />

exceptionnelle du <strong>personne</strong>l qui s’est étendue sur deux jours, m’empêchant<br />

d’occuper ma salle. Je retrouve Mme C <strong>avec</strong> toujours cette appréhension que le<br />

contact soit difficile après deux semaines sans séances. Comme finalement, <strong>la</strong> petite<br />

musique de nuit de Mozart n’a pas été introduite lors de <strong>la</strong> séance précédente, je me<br />

propose de rediffuser <strong>la</strong> marche pour <strong>la</strong> cérémonie des turcs pour débuter, puis<br />

d’introduire <strong>la</strong> petite musique de nuit. Je voudrais davantage permettre à Mme C<br />

d’exprimer ses émotions au travers de l’improvisation et j’ai envie de tenter <strong>une</strong><br />

consigne plus précise visant à demander à Mme C d’exprimer un sentiment en<br />

particulier à travers son improvisation. Il me semble que ce serait plus facile <strong>avec</strong> un<br />

instrument qui offrirait davantage de possibilités et de sonorités, mais j’ai l’intuition<br />

qu’introduire un instrument à ce stade de <strong>la</strong> prise en soin risquerait de perturber<br />

Mme C plus qu’autre chose et que mieux vaut continuer sur le système que nous<br />

avons instauré.<br />

Lorsque j’arrive sur le cantou, il n’y a aucun soignant visible, tout est très calme, Mme<br />

C est assise sur un fauteuil. A mon approche, elle se lève en marmonnant des paroles<br />

incompréhensibles, se dirige vers moi et pose sa main sur mon bras en un geste que je<br />

pense chaleureux. M’a-t-elle reconnue ? Puis elle se dirige vers le coin cuisine. Tandis<br />

que je m’approche d’elle, elle se met à battre <strong>la</strong> mesure sur <strong>une</strong> table. Se souvient-elle<br />

de pourquoi je suis là ? Je <strong>la</strong> salue et je lui demande si elle veut venir en séance de<br />

musicothérapie. Elle me rejoint, me prend le bras et m’entraîne dans le couloir. En<br />

chemin, je croise un aide soignant et je lui signale que j’emmène Mme C en séance. Au<br />

moment où nous franchissons <strong>la</strong> porte du cantou, Mme C me lâche brusquement le bras<br />

et s’accroche à l’aide-soignant, refusant de venir <strong>avec</strong> moi. L’aide soignant finit par<br />

nous accompagner jusqu’à <strong>la</strong> salle de musicothérapie, Mme C refusant de se séparer de<br />

lui.<br />

Une fois à l’intérieur et <strong>la</strong> porte refermée, Mme C va s’asseoir tout au fond de <strong>la</strong> pièce.<br />

Je m’approche d’elle et je lui demande comment elle va. Elle ne me répond pas et se<br />

lève. Je m’apprête à chanter <strong>la</strong> chanson de début de séance mais elle se dirige vers <strong>la</strong><br />

porte menant à <strong>la</strong> pièce attenante à <strong>la</strong> salle de musicothérapie et sort. Je <strong>la</strong> rejoins et je<br />

lui demande si elle souhaite déjà partir. Je lui rappelle qu’elle est là pour <strong>la</strong> séance de<br />

musicothérapie qui dure environ <strong>une</strong> petite demi-heure. Elle me pousse <strong>avec</strong> force et me<br />

dit : « Laissez-moi, vous ne m’intéressez pas, je ne veux plus vous voir. » Je lui<br />

demande si c’est <strong>la</strong> musicothérapie qui ne l’intéresse pas, elle me répond non. Je lui dis<br />

alors que nous allons rentrer et j’ouvre <strong>la</strong> porte qui donne sur le hall. Mais elle se<br />

dégage et va à l’autre bout de <strong>la</strong> pièce, où il y a encore <strong>une</strong> autre porte. Je <strong>la</strong> retiens par<br />

le bras en lui disant qu’elle n’a pas le droit d’aller là-bas. Elle me répète plusieurs fois :<br />

« Tu m’énerves, tu m’énerves ! » Mais au lieu de sortir dans le hall elle retourne dans <strong>la</strong><br />

salle de musicothérapie et va s’assoir tout au fond. Je lui rappelle ce que nous faisons ici<br />

et je lui dis que je vais chanter <strong>la</strong> chanson de début de séance. Elle me répond :<br />

« Chantez si vous voulez. » Je sens de l’exaspération dans sa voix.<br />

60


Je chante <strong>la</strong> chanson du bonjour, et pendant que je chante, elle se met à rire comme c’est<br />

déjà arrivé dans d’autres séances, mais contrairement aux autres fois, ce rire ne me<br />

semble pas un rire de p<strong>la</strong>isir ou d’amusement, mais plutôt un rire moqueur ou ironique,<br />

bien qu’il ne s’agisse que d’un sentiment très subjectif. A peine ai-je fini de chanter<br />

qu’elle se lève et sort à nouveau dans <strong>la</strong> pièce attenante à <strong>la</strong> salle de musicothérapie.<br />

Décidant de continuer à lui parler en chantant, je lui demande si elle veut réellement<br />

partir ou si elle veut rester, mais au lieu de répondre, elle me pousse et se dirige à<br />

nouveau vers <strong>la</strong> troisième porte de <strong>la</strong> petite pièce. A nouveau je <strong>la</strong> rattrape et j’essaie de<br />

lui parler en chantant, à nouveau elle me repousse <strong>avec</strong> violence et me déc<strong>la</strong>re : « Tu<br />

m’emmerdes. » Elle le répète plusieurs fois. Mais quand <strong>une</strong> nouvelle fois je lui ouvre<br />

<strong>la</strong> porte qui donne sur le hall, elle retourne dans <strong>la</strong> salle de musicothérapie et retourne<br />

s’asseoir au fond. Je décide alors de diffuser <strong>la</strong> marche pour <strong>la</strong> cérémonie des turcs. Dès<br />

que <strong>la</strong> musique commence, Mme C se lève et vient s’assoir à sa p<strong>la</strong>ce habituelle.<br />

Pourtant, elle ne semble même pas écouter <strong>la</strong> musique et à peine quelques secondes<br />

après s’être assise, elle se lève à nouveau et ressort.<br />

Je lui déc<strong>la</strong>re alors que j’ai compris qu’elle ne souhaitait pas rester pour cette fois et que<br />

nous nous reverrions <strong>la</strong> semaine suivante. Je commence à <strong>la</strong> ramener au cantou mais<br />

<strong>une</strong> nouvelle fois, elle lutte pour aller à l’opposé de là où je <strong>la</strong> conduis et je suis obligée<br />

de l’empoigner <strong>avec</strong> force pour l’empêcher de s’enfuir. Elle proteste beaucoup et à un<br />

moment, elle me dit : « Je m’en fiche de vous, c’est ça que vous ne voulez pas<br />

comprendre. »<br />

Je lui réponds que j’ai compris qu’elle n’avait auc<strong>une</strong> envie de rester <strong>avec</strong> moi, mais<br />

qu’elle n’avait pas non plus envie de rentrer.<br />

Lorsque j’ouvre <strong>la</strong> porte du cantou, elle entre en trombe et s’enfuit le plus loin possible<br />

de moi.<br />

Bi<strong>la</strong>n<br />

J’ai un nouveau sentiment d’échec. Il ne me reste qu’<strong>une</strong> séance <strong>avec</strong> Mme C avant <strong>la</strong><br />

fin de mon stage et je me demande bien comment je pourrai terminer cette prise en<br />

charge. Je sais bien que ces changements d’humeur sont liés en grande partie à <strong>la</strong><br />

ma<strong>la</strong>die, néanmoins je pense que j’ai mal réagi, que je n’ai pas su exploiter ce qui se<br />

passait dans cette séance. En effet je suis convaincue que certaines réactions et paroles<br />

de Mme C avaient réellement du sens, même si ce n’est pas celui qui est apparent mais<br />

j’ai été beaucoup trop déstabilisée pour le voir sur le moment. J’admets que je me suis<br />

trouvé dans l’incapacité totale d’analyser ce qui se passait et d’agir en conséquence et<br />

que même en reprenant <strong>la</strong> séance quelques heures plus tard, je suis incapable de mettre<br />

du sens sur ce qui est arrivé. Il faudra attendre <strong>la</strong> dernière séance et des éléments de <strong>la</strong><br />

vie de Mme C appris très tardivement lors de mon dernier jour de stage pour<br />

comprendre par exemple que <strong>la</strong> réaction de refus et celle de révolte de Mme C peuvent<br />

venir de <strong>la</strong> peur d’être <strong>une</strong> nouvelle fois abandonnée comme elle l’a été par son mari.<br />

J’avais prévu d’expliquer à Mme C que c’était l’avant-dernière fois que nous nous<br />

voyions en séance pour qu’elle soit préparée à <strong>la</strong> dernière séance, mais <strong>avec</strong> <strong>la</strong> manière<br />

dont <strong>la</strong> séance s’est déroulée, j’ai complètement oublié de le faire et je m’en sens très<br />

coupable. Toutefois, je n’exclus pas le fait qu’elle en ait tout de même eu conscience, ce<br />

qui expliquerait peut-être certaines de ses réactions.<br />

61


Séance 12<br />

Mardi 26 mai, 14h30 : durée inconnue.<br />

Objectifs : C’est ma dernière séance <strong>avec</strong> Mme C. Je souhaite terminer cette série de<br />

séances en utilisant mon schéma habituel mais en introduisant des éléments déjà<br />

rencontrés lors de séances précédentes pour faire un rappel, comme <strong>une</strong> sorte de<br />

bi<strong>la</strong>n. Ainsi je compte commencer par <strong>la</strong> musique écoutée <strong>la</strong> fois précédente, <strong>la</strong><br />

marche pour <strong>la</strong> cérémonie des turcs, mais au lieu d’introduire <strong>une</strong> nouvelle musique,<br />

je compte diffuser <strong>la</strong> symphonie du nouveau monde, qui a beaucoup servi lors<br />

d’autres séances. Je prévois aussi <strong>une</strong> improvisation <strong>avec</strong> le piano, reprenant des<br />

thèmes déjà joués.<br />

Lorsque je vais chercher Mme C au cantou Mozart, j’explique <strong>une</strong> première fois, pour<br />

Mme C et pour le <strong>personne</strong>l soignant, que c’est <strong>la</strong> dernière fois que je <strong>la</strong> prends en<br />

séance. Ce jour-là je <strong>la</strong> trouve assise et quand je lui parle, elle semble ne pas me<br />

remarquer, pourtant elle remarque l’aide soignante quand elle vient lui parler à son tour.<br />

Finalement, lorsque j’offre mon bras à Mme C, elle le prend de bonne grâce et<br />

m’accompagne volontiers. Sur le trajet, elle dit quelque chose que je ne comprends pas,<br />

je lui propose de m’expliquer en séance, elle me répond oui.<br />

Arrivée dans <strong>la</strong> salle de musicothérapie, elle va s’assoir à un endroit très inhabituel, sur<br />

<strong>une</strong> chaise contre le mur de gauche. Je vais m’assoir près d’elle et je lui rappelle que<br />

c’est notre dernière séance ensemble en musicothérapie. Puis, je chante <strong>la</strong> petite<br />

chanson du bonjour. A peine ai-je commencé à chanter qu’elle se lève et va droit à <strong>la</strong><br />

porte qu’elle ouvre pour sortir. Je <strong>la</strong> rejoins et je lui demande si elle ne souhaite<br />

réellement pas profiter de cette dernière séance, ayant l’habitude que chez elle un départ<br />

ne signifie pas toujours un refus mais plutôt l’expression d’<strong>une</strong> contrariété. Une<br />

première fois, elle accepte de revenir <strong>avec</strong> moi dans <strong>la</strong> salle mais va s’assoir tout au<br />

fond de <strong>la</strong> pièce. Je me mets à lui parler en chantant, lui proposant de me rejoindre pour<br />

écouter ensemble <strong>une</strong> musique. Je chante ensuite uniquement son nom sur <strong>une</strong> mélodie<br />

simple, pour lui montrer que c’est pour elle que je suis là. Mais je remarque que, tandis<br />

qu’auparavant le chant attirait son attention, <strong>la</strong> rendait plus réceptive, aujourd’hui, dès<br />

que je chante, elle se ferme et retourne vers <strong>la</strong> porte pour sortir. Comme elle s’en va <strong>une</strong><br />

nouvelle fois, je <strong>la</strong> retiens par le bras pour essayer de mettre des mots sur ce qui se<br />

passe, parler de sa contrariété, mais elle ne me <strong>la</strong>isse pas le temps de parler, elle se<br />

dégage vivement en disant que je « l’emmerde ».<br />

Je décide donc de <strong>la</strong> ramener au cantou, voyant bien que rien de plus ne pourra se passer<br />

pour cette séance, mais j’ai l’impression que, plus que <strong>la</strong> musicothérapie, c’est moi<br />

qu’elle fuit car elle essaie en permanence de s’éloigner le plus possible de moi.<br />

Sur le chemin du retour, elle me dit : « Vous êtes trop petite vous. » Je demande :<br />

« Trop petite, c’est-à-dire, trop je<strong>une</strong> ? » Elle répond : « Oui, trop petite. » Une dernière<br />

fois avant d’arriver au cantou, je m’arrête, je me tourne vers elle et je lui demande si<br />

elle est certaine de ne plus vouloir retourner en musicothérapie, lui rappe<strong>la</strong>nt qu’elle<br />

peut me parler, que c’est <strong>la</strong> dernière fois que nous nous voyons. Elle me répond alors :<br />

« C’est de <strong>la</strong> merde. » tout en continuant d’avancer.<br />

Une fois dans le cantou, je souhaite lui dire au revoir, peut-être un dernier mot, mais dès<br />

que je m’approche d’elle ou que je lui adresse <strong>la</strong> parole, elle part en courant à l’autre<br />

bout du cantou. Elle va même jusqu’à finalement s’enfermer dans <strong>une</strong> chambre qui<br />

n’est pas <strong>la</strong> sienne.<br />

62


Bi<strong>la</strong>n<br />

Sur le coup, je me sens complètement frustrée par cette dernière séance qui n’en a pas<br />

été <strong>une</strong>. J’aurais aimé qu’il se passe des choses en rapport <strong>avec</strong> <strong>la</strong> musique, que Mme C<br />

puisse s’exprimer, dire, chanter ou jouer ses angoisses, ses craintes, ses contrariétés. J’ai<br />

le sentiment que cette séance a été bâclée, que j’aurais pu et que j’aurais dû mettre des<br />

mots sur les comportements de Mme C, l’aider à s’exprimer par des questions…<br />

Avec un peu de recul et après avoir parlé <strong>avec</strong> <strong>la</strong> psychologue et <strong>avec</strong> <strong>une</strong> maîtresse de<br />

maison qui connaissait bien Mme C, je réalise au contraire que Mme C s’est beaucoup<br />

exprimée aujourd’hui, même si ce n’est pas du tout de <strong>la</strong> façon dont je l’aurais souhaité.<br />

Mme C a énormément été marquée par l’abandon, l’abandon de son mari qui lui rend à<br />

présent visite seulement deux à trois fois par an et toujours accompagné d’<strong>une</strong> autre<br />

femme et qu’elle a probablement vécu <strong>la</strong> fin de nos séances comme un nouvel abandon.<br />

Elle a donc tenté de réduire, de rabaisser le travail que nous avons fait ensemble pour ne<br />

pas montrer à quel point il est douloureux pour elle de perdre tout ce<strong>la</strong>. Je regrettais lors<br />

de <strong>la</strong> séance précédente de ne pas avoir pu parler à Mme C du fait qu’il s’agissait de<br />

l’avant-dernière fois que nous nous rencontrions, mais en réalité, son comportement qui<br />

ressemb<strong>la</strong>it beaucoup à celui qu’elle à eu aujourd’hui permet de supposer qu’elle avait<br />

ressenti que <strong>la</strong> fin approchait.<br />

Son comportement de fuite à l’autre bout de <strong>la</strong> salle ou à l’autre bout du cantou n’est<br />

pas sans m’évoquer le récit des visites de son mari que m’a fait <strong>la</strong> maîtresse de maison,<br />

à savoir que lorsque son mari arrive <strong>avec</strong> sa nouvelle compagne, elle va se réfugier dans<br />

le fond de <strong>la</strong> pièce et reste muette et immobile.<br />

Depuis six mois, même si de nombreuses fois, Mme C a refusé de venir en séances ou<br />

<strong>une</strong> réunion m’a empêché de <strong>la</strong> prendre, je viens <strong>la</strong> voir toutes les semaines, je<br />

m’intéresse à elle et je lui consacre <strong>une</strong> demi-heure, un temps qui lui est exclusivement<br />

réservé. En plus d’être là pour lui permettre de s’exprimer, je suis son unique visite, <strong>une</strong><br />

visite régulière qui n’a à peu près jamais manqué. Sa réaction violente peut donc<br />

aisément s’expliquer si l’on considère qu’elle a réalisé que ces visites al<strong>la</strong>ient<br />

brutalement s’interrompre pour ne plus jamais se reproduire.<br />

63


4. REFLEXION<br />

4.1. L’apport de <strong>la</strong> musicothérapie pour Mme C<br />

Après ces douze séances, riches en événements plus ou moins encourageants, chargés<br />

en tout cas d’éléments pas toujours faciles à comprendre, il me paraît nécessaire de<br />

revenir sur les questions que j’avais soulevées au début de ce travail ainsi que sur les<br />

objectifs que je m’étais fixés en début de stage pour <strong>la</strong> thérapie de Mme C.<br />

Que c’est-il réellement passé si l’on tente d’avoir un regard global sur l’ensemble de <strong>la</strong><br />

prise en soin ? Mes objectifs ont-ils été atteints ? Suis-je parvenue à répondre aux<br />

questionnements que je m’étais faits ? Que puis-je tirer de cette expérience pour mon<br />

métier futur ?<br />

Ma problématique touchait principalement <strong>la</strong> communication. Mme C s’avère être <strong>une</strong><br />

<strong>personne</strong> au discours généralement complètement incohérent, de plus, elle est très agitée<br />

et elle est souvent dans l’opposition. La question d’entrer en communication m’est donc<br />

directement apparue comme principale. Dans les premières séances, on se rend très vite<br />

compte que Mme C n’est pas à l’aise <strong>avec</strong> les instruments. Il est difficile de dire si c’est<br />

leur maniement qui lui pose problème, ou simplement leur son (Mme C me dit à<br />

plusieurs reprises que je l’énerve quand j’utilise un instrument pour attirer son<br />

attention.) La question que je me suis posée au début de ce travail de savoir comment<br />

décider de quelle technique adopter s’est en réalité résolue de manière simple et<br />

évidente. Mme C ne vou<strong>la</strong>it pas des instruments, par contre, elle battait volontiers des<br />

mains en écoutant <strong>une</strong> musique, et c’est elle-même qui a spontanément introduit le<br />

chant au bout de quelques séances. De même, il est très vite apparu évident qu’il était à<br />

peu près impossible de mettre en p<strong>la</strong>ce un exercice réglementé <strong>avec</strong> Mme C, c’est donc<br />

le moyen de l’improvisation qui s’est imposé de lui-même.<br />

L’un de mes objectifs était de permettre à Mme C de développer sa créativité et il ne fait<br />

à peu près aucun doute que cet objectif ait été atteint. Mme C a su improviser, faire<br />

preuve d’inventivité, créer de nouveaux rythmes en frappant dans ses mains. Au prise<br />

<strong>avec</strong> <strong>une</strong> ma<strong>la</strong>die comme celle d’Alzheimer qui retire peu à peu à l’individu toutes ses<br />

capacités et donc toute possibilité d’exprimer ce qu’il est, ce qu’il ressent, l’empêchant<br />

de se sentir gratifié, <strong>la</strong> possibilité d’improviser musicalement est un moyen considérable<br />

de redonner sa dignité à <strong>la</strong> <strong>personne</strong>, de <strong>la</strong> faire se sentir encore maîtresse de sa vie,<br />

capable de produire quelque chose qui peut lui paraître beau.<br />

Par ailleurs, j’ai déjà évoqué le sujet de l’agitation au cours de ma revue bibliographique<br />

et je me demandais comment composer <strong>avec</strong> l’agitation <strong>avec</strong> Mme C qui est <strong>une</strong><br />

<strong>personne</strong> particulièrement agitée, qui bouge beaucoup, reste rarement en p<strong>la</strong>ce. Ce<strong>la</strong><br />

rejoint aussi le sujet de l’attention, Mme C ayant d’énormes difficultés à focaliser son<br />

attention sur un objet. Si dans son milieu habituel sur le cantou auc<strong>une</strong> différence de<br />

comportement n’a été notée, on constate qu’au fil des séances, hormis les dernières dont<br />

nous reparlerons plus tard, Mme C est capable de rester concentrée sur ce qu’elle fait de<br />

plus en plus longtemps sans même sembler en éprouver de <strong>la</strong> difficulté ou de l’ennui.<br />

64


La plus grande question demeure ce que Mme C a pu exprimer ou non de ses angoisses,<br />

de ses frustrations, colères, émotions en tout genre, de ses désirs, de ses craintes, durant<br />

ces douze séances de musicothérapie.<br />

Mme C est <strong>atteinte</strong> d’<strong>une</strong> ma<strong>la</strong>die qui en elle-même est terriblement angoissante : <strong>la</strong><br />

détresse face à <strong>la</strong> perte de ses capacités, <strong>la</strong> peur de <strong>la</strong> mort… Vient s’ajouter à tout ce<strong>la</strong><br />

<strong>la</strong> douloureuse séparation d’<strong>avec</strong> son mari, le sentiment qu’elle a été abandonnée et<br />

trahie. Je me suis longuement interrogée sur ce que <strong>la</strong> musicothérapie avait pu lui<br />

apporter par rapport au besoin d’exprimer ses souffrances. Je me suis souvent demandée<br />

si les quelques événements qui paraissaient des progrès qui se sont produits en séances<br />

n’étaient pas tout simplement le fruit du hasard.<br />

Néanmoins, si l’on considère les séances dans leur continuité et dans leur ensemble,<br />

quelques points importants ressortent.<br />

Sur le p<strong>la</strong>n musical, on remarque qu’au fil des séances, l’improvisation se développe,<br />

dure de plus en plus longtemps. On constate que le chant, par exemple, est initié par<br />

Mme C lors de <strong>la</strong> séance 4, c’est elle qui prend l’initiative de chanter alors que je ne<br />

l’avais jamais fait auparavant. Elle montre ainsi son désir d’utiliser <strong>la</strong> musique pour<br />

s’exprimer selon <strong>une</strong> méthode qu’elle choisit complètement.<br />

De plus, on constate que les séances conduisent de plus en plus Mme C à s’exprimer<br />

d’après ce qu’elle fait de ses dép<strong>la</strong>cements. Si lors de <strong>la</strong> toute première séance par<br />

exemple, elle semble dans <strong>la</strong> déambu<strong>la</strong>tion et l’errance, on se rend compte que ces<br />

dép<strong>la</strong>cements deviennent de plus en plus significatifs au fil du temps, ils sont <strong>une</strong><br />

manière d’exprimer son ressenti pour ma patiente. On peut par exemple rappeler les<br />

moments où elle choisit de s’éloigner ou d’aller à l’autre bout de <strong>la</strong> pièce suite à <strong>une</strong><br />

question gênante que je lui pose, ou, encore plus démonstrative, <strong>la</strong> séance où elle<br />

emporte <strong>une</strong> chaise <strong>avec</strong> elle pour signifier son désir de ne pas partir.<br />

Enfin, on peut juger du fait que <strong>la</strong> musicothérapie a permis à Mme C d’exprimer son<br />

ressenti grâce au p<strong>la</strong>n verbal : tandis que les soignants me confient qu’elle est de moins<br />

en moins compréhensible sur le cantou, sur les dernières séances, si elle utilise<br />

beaucoup moins <strong>la</strong> musique, elle prononce en revanche quelques phrases très c<strong>la</strong>ires,<br />

que ce soient ses phrases de refus des deux dernières séances ou le fait, lors de <strong>la</strong> séance<br />

9, qu’elle a apprécié d’être en musicothérapie.<br />

Enfin, <strong>la</strong> réaction de Mme C lors des deux dernières séances, loin de témoigner d’<strong>une</strong><br />

instabilité liée à <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, montre au contraire l’expression de sentiments très forts et<br />

violents pour ma patiente : <strong>la</strong> peur de l’abandon, <strong>la</strong> colère de perdre <strong>une</strong> re<strong>la</strong>tion qui<br />

était devenue importante pour elle, l’angoisse de <strong>la</strong> solitude, l’incompréhension du<br />

rejet... Il serait bien prétentieux d’affirmer que c’est grâce aux dix séances de<br />

musicothérapie qui ont précédé ces deux dernières séances un peu particulières que<br />

Mme C a pu ainsi exprimer ces émotions. Ce que l’on peut dire par contre, c’est que<br />

c’est <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion qui s’est installée entre Mme C et moi, <strong>une</strong> re<strong>la</strong>tion qui n’aurait<br />

probablement pas été possible sans <strong>la</strong> musique pour nous permettre d’entrer en<br />

communication, qui a créé un climat de confiance suffisant pour que Mme C puisse<br />

s’exprimer librement. On peut aussi penser que c’est grâce à cette re<strong>la</strong>tion d’abord<br />

initiée par <strong>la</strong> musique que le verbal a pu émerger à nouveau.<br />

65


4.2. Retour sur mon travail et mon vécu<br />

Beaucoup de questions et de doutes se sont posés à moi durant toute <strong>la</strong> durée du stage,<br />

et encore bien après, tandis que j’écrivais mon mémoire, et il me semble important ici<br />

de faire part de ces réflexions.<br />

Ma re<strong>la</strong>tion <strong>avec</strong> ma patiente, tout d’abord, m’a souvent posé problème, surtout vers <strong>la</strong><br />

fin de mon stage. Comme je l’ai déjà mentionné, <strong>la</strong> communication verbale étant très<br />

altérée pour Mme C, j’ai toujours eu le problème de savoir si je devais prendre ses<br />

paroles au pied de <strong>la</strong> lettre, les juger comme complètement incohérentes ou tenter de<br />

trouver un juste milieu, tenter de les interpréter. Ce<strong>la</strong> m’a particulièrement génée dans<br />

les moments où elle refusait d’aller en séance, quand je ne savais pas si je devais<br />

prendre ce non pour argent comptant. Ce problème s’est également posé lorsque je me<br />

suis rendu compte que le verbal prenait de plus en plus de p<strong>la</strong>ce dans nos séances.<br />

Comment savoir si c’était <strong>une</strong> bonne chose ou si au contraire ce<strong>la</strong> enfermait encore<br />

davantage Mme C dans un système de communication qui l’angoissait et <strong>la</strong> limitait dans<br />

son besoin d’expression ?<br />

Ce constat que les dernières séances s’axaient davantage sur le verbal m’a également<br />

donné un autre sujet de réflexion que j’ai déjà quelque peu évoqué : n’étais-je pas en<br />

train de sortir du cadre de mes compétences et de mon travail de musicothérapeute en<br />

tentant de parler ainsi <strong>avec</strong> Mme C ? En effet, objectivement, rien ne justifiait<br />

réellement que nous arrivions à du dialogue de cette manière-là, notamment dans <strong>la</strong><br />

dixième séance où ça n’est pas <strong>la</strong> musique qui a entraîné <strong>la</strong> parole. En faisant un retour<br />

sur ce que j’ai vécu à ce moment-là, je crois que j’avais envie de dépasser mon rôle et<br />

de devenir plus proche de Mme C, j’avais envie de <strong>la</strong> comprendre davantage que ce<br />

qu’elle ne vou<strong>la</strong>it bien me donner par <strong>la</strong> musique qui me paraissait peut-être un peu trop<br />

frustrant.<br />

Néanmoins, <strong>la</strong> musicothérapie n’est-elle pas un moyen thérapeutique comme un autre<br />

pour amener le patient à dire ses souffrances ? Si <strong>la</strong> musique est un moyen privilégié<br />

<strong>avec</strong> des <strong>personne</strong>s démentes car celles-ci n’ont plus accès à <strong>la</strong> parole, l’émergence d’un<br />

dialogue verbal n’est-il pas au contraire un signe que <strong>la</strong> thérapie a été positive à tel point<br />

que <strong>la</strong> patiente a même réussi à parler ?<br />

Ces questions se sont beaucoup posées à moi et je ne suis pas parvenue à avoir un avis<br />

tranché sur le sujet. La communication verbale me paraissait dangereuse dans le sens où<br />

je ne vou<strong>la</strong>is pas avoir <strong>la</strong> tentation de penser que c’était un aboutissement et qu’elle était<br />

suffisante à Mme C pour s’exprimer, néanmoins, je l’ai aussi perçue comme un signe<br />

encourageant que les séances n’étaient pas inutiles.<br />

La position du thérapeute est ce qui m’a paru l’<strong>une</strong> des choses les plus difficiles au long<br />

de ce stage : on doit <strong>la</strong> conserver durant les séances, mais aussi en dehors des séances<br />

<strong>avec</strong> les patients quand tous les autres soignants les cajolent et les appellent par leur<br />

prénom, et également <strong>avec</strong> l’équipe soignante qui ne nous considère pas toujours<br />

comme un thérapeute à part entière.<br />

Ce<strong>la</strong> nous conduit au point suivant que je souhaitais évoquer : l’intégration au sein de<br />

l’institution et <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>avec</strong> l’équipe soignante. Mon intégration au sein de<br />

l’établissement s’est très bien passée, en grande partie grâce à <strong>la</strong> psychologue qui m’a<br />

introduite auprès de toutes les <strong>personne</strong>s que je serais amenée à rencontrer par <strong>la</strong> suite et<br />

qui m’a <strong>la</strong>issé parler lors d’<strong>une</strong> réunion pour expliquer mon projet et mon travail.<br />

66


J’ai donc été particulièrement bien acceptée par les équipes soignantes. Je me suis<br />

néanmoins retrouvée confrontée à certaines difficultés que je vais exposer ici.<br />

La première a été de parvenir à faire comprendre aux soignants que <strong>la</strong> musicothérapie<br />

était bel et bien <strong>une</strong> thérapie et non de l’animation. J’ai expliqué les choses à plusieurs<br />

reprises mais, <strong>la</strong> musique étant souvent associée aux loisirs, il est très difficile de faire<br />

accepter cette notion.<br />

Le second problème que j’ai rencontré décou<strong>la</strong>it directement de celui-ci : il n’était pas<br />

rare que les aides soignantes n’accordent auc<strong>une</strong> importance au cadre que je tentais de<br />

mettre en p<strong>la</strong>ce pour mes patients. J’ai plusieurs fois dû répondre à des phrases comme :<br />

« Vous prenez le premier patient qui est prêt, peu importe de l’heure et de l’ordre. » ou<br />

encore « Vous n’avez qu’à faire <strong>la</strong> séance en chambre ou dans le salon. » La position du<br />

stagiaire est particulièrement délicate car il est considéré, à juste titre, comme en<br />

formation et donc comme ne possédant pas toutes les connaissances lui permettant de<br />

savoir comment il doit agir au sein de <strong>la</strong> maison de retraite. Il faut savoir s’affirmer sans<br />

donner l’impression de prendre les gens de haut et ce<strong>la</strong> conduit parfois à des situations<br />

peu évidentes à gérer.<br />

Ce<strong>la</strong> nous conduit au dernier point que je souhaitais évoquer concernant l’intégration à<br />

l’équipe soignante : <strong>la</strong> difficulté de dire non. Particulièrement dans les premières<br />

semaines de stage où l’on ne connaît pas très bien les équipes et où les équipes ne nous<br />

connaissent pas et appréhendent encore mal notre rôle, il est très difficile de refuser sans<br />

se mettre dans <strong>une</strong> situation compliquée lorsqu’on nous demande de faire certaines<br />

choses. Ainsi, on m’a par exemple demandé de faire l’<strong>une</strong> de mes séances de<br />

musicothérapie <strong>avec</strong> l’un de mes patients dans le salon de l’un des cantous pour que les<br />

autres puissent en profiter. On m’a également demandé de faire un groupe d’animation<br />

musicale <strong>avec</strong> les résidents de l’un des cantous dont certains suivaient des séances de<br />

musicothérapie <strong>avec</strong> moi par ailleurs. J’ai bien dû refuser ces deux demandes qui toutes<br />

deux al<strong>la</strong>ient à l’encontre de mon travail de musicothérapeute, mais le refus est souvent<br />

difficile à admettre pour les autres soignants et l’image que l’on s’imagine que les<br />

autres vont avoir de nous, celle de quelqu’un d’égoïste qui veut garder son travail pour<br />

lui, rend <strong>la</strong> tâche encore plus difficile. Je me suis souvent demandée jusqu’à quel point<br />

je devais me plier aux demandes et jusqu’à quel point je pouvais refuser ce qui me<br />

paraissait comme excessif.<br />

67


CONCLUSION<br />

A l’issue de ces six mois de stage et particulièrement de <strong>la</strong> prise en soin de Mme C, je<br />

me trouve enrichie d’<strong>une</strong> expérience fort intéressante pour mon futur métier de<br />

musicothérapeute. Même si, contrairement à <strong>une</strong> idée parfois répandue dans le grand<br />

public, <strong>la</strong> musique ne peut pas soigner certaines ma<strong>la</strong>dies à l’heure actuelle incurables<br />

comme <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer, elle est un médiateur formidable pour entrer en re<strong>la</strong>tion<br />

<strong>avec</strong> des <strong>personne</strong>s démentes. Les séances <strong>avec</strong> Mme C ont peu à peu amené ma<br />

patiente à développer sa créativité et à y prendre p<strong>la</strong>isir, mais aussi à communiquer<br />

réellement, à exprimer des choses qu’elle ressentait au plus profond d’elle, d’abord<br />

musicalement, puis peu à peu <strong>avec</strong> <strong>la</strong> parole, alors qu’elle était considérée comme<br />

incapable de prononcer quoi que ce soit qui ait du sens. Si <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer<br />

continue inexorablement son œuvre destructrice et éloigne de plus en plus Mme C du<br />

monde, <strong>la</strong> musicothérapie aura pu au moins lui donner un espace d’expression, de<br />

détente et de p<strong>la</strong>isir indispensable pour pouvoir surmonter psychologiquement cette<br />

ma<strong>la</strong>die et envisager un peu plus sereinement l’avenir.<br />

Dans un pays où <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion vieillit de plus en plus, <strong>la</strong> musicothérapie paraît donc un<br />

excellent moyen, moins coûteux à <strong>la</strong> société que nombre d’autres soins, pour<br />

accompagner les <strong>personne</strong>s âgées vers leur fin de vie. Ce<strong>la</strong> permet en particulier à celles<br />

qui affrontent <strong>la</strong> démence de se sentir encore écoutées, capable d’inventivité et de<br />

créativité et donc, considérées non comme un fardeau inutile à <strong>la</strong> société mais comme<br />

des <strong>personne</strong>s à part entière, <strong>avec</strong> leur dignité et leur droit de vivre.<br />

68


TABLE DES MATIERES<br />

INTRODUCTION…………………………………………………………………1<br />

1. LA MAISON DE RETRAITE HOTELIA ............................................................... 2<br />

1.1. Généralités et historique ........................................................................................ 2<br />

1.2. Le <strong>personne</strong>l soignant ............................................................................................ 3<br />

1.3. Description de l’établissement............................................................................... 3<br />

1.4. Les cantous ............................................................................................................ 4<br />

1.4.1. Qu’est-ce qu’un cantou ? ................................................................................ 4<br />

1.4.2. Organisation des cantous à Hotelia................................................................. 5<br />

1.4.3. Organisation d’<strong>une</strong> journée type..................................................................... 5<br />

1.5. Ma salle de musicothérapie, ses avantages, ses inconvénients.............................. 6<br />

2. QUELQUES NOTIONS THEORIQUES................................................................. 8<br />

2.1. Vieillissement normal et vieillissement pathologique........................................... 8<br />

2.1.1. Le vieillissement normal................................................................................. 8<br />

2.1.2. Le vieillissement pathologique ..................................................................... 10<br />

2.2. La ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer ...................................................................................... 11<br />

2.2.1. Généralités .................................................................................................... 11<br />

2.2.1.1. Quelques chiffres ...................................................................................... 11<br />

2.2.1.2. Définition et présentation générale ........................................................... 11<br />

2.2.1.3. Les lésions cérébrales ............................................................................... 12<br />

2.2.2. Les causes et les facteurs de risque............................................................... 12<br />

2.2.3. Le diagnostic................................................................................................. 13<br />

2.2.4. Les différentes phases.................................................................................. 14<br />

2.2.5. Le stade modéré ............................................................................................ 15<br />

2.3. La musicothérapie <strong>active</strong> ..................................................................................... 16<br />

2.4. Musicothérapie et ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer.............................................................. 17<br />

2.5. Questionnements, problématique......................................................................... 19<br />

3. PRISE EN SOIN..................................................................................................... 21<br />

3.1. Présentation de madame C................................................................................... 21<br />

3.1.1. Présentation générale .................................................................................... 21<br />

3.1.2. Pathologie et traitement ................................................................................ 21<br />

3.1.3. Le choix du patient ....................................................................................... 22<br />

3.2. Méthodologie....................................................................................................... 23<br />

3.3. Premiers pas dans <strong>la</strong> prise en soin ....................................................................... 24<br />

3.3.1. L’entretien..................................................................................................... 24<br />

3.3.2. Le bi<strong>la</strong>n psychomusical actif ........................................................................ 24<br />

3.3.3. Objectifs........................................................................................................ 27<br />

69


3.4. Prise en soin de Mme C en musicothérapie <strong>active</strong> : les séances.......................... 28<br />

Séance 1 .......................................................................................................... 28<br />

Séance 2 .......................................................................................................... 31<br />

Séance 3 .......................................................................................................... 33<br />

Séance 4 .......................................................................................................... 36<br />

Séance 5 .......................................................................................................... 39<br />

Séance 6 .......................................................................................................... 40<br />

Séance 7 .......................................................................................................... 45<br />

Séance 8 .......................................................................................................... 49<br />

Séance 9 .......................................................................................................... 53<br />

Séance 10 ........................................................................................................ 57<br />

Séance 11 ........................................................................................................ 60<br />

Séance 12 ........................................................................................................ 62<br />

4. REFLEXION .......................................................................................................... 64<br />

4.1. L’apport de <strong>la</strong> musicothérapie pour Mme C........................................................ 64<br />

4.2. Retour sur mon travail et mon vécu..................................................................... 66<br />

CONCLUSION…………………………………………………………………..71<br />

BIBLIOGRAPHIE<br />

ANNEXES<br />

70


BIBLIOGRAPHIE<br />

71


BIBLIOGRAPHIE<br />

1. Beyer M<br />

La musicothérapie, un outil pour communiquer <strong>avec</strong> les <strong>personne</strong>s âgées démentes<br />

Soins gérontologie 2008;13:24-25<br />

2. Bousquet E, Lauque S, Adoue D, Vel<strong>la</strong>s B, Albarede JL<br />

Vieillissement <strong>avec</strong> succès : Données actuelles.<br />

In : L’année gérontologique 1997, vieillir <strong>avec</strong> succès. Paris : Serdi Publisher;<br />

1997.p.9-32.<br />

3. Darcourt G<br />

Vieillissement normal et vieillissement pathologique<br />

In Encyclopédie médico-chirurgicale; 2000<br />

4. Derouesné C, Poitreneau J, Hugonot L, Ka<strong>la</strong>fat M, Dubois B, Laurent B<br />

Le Mini-Mental State Examination (MMSE) : un outil pratique pour l'évaluation de<br />

l'état cognitif des patients par le clinicien.<br />

Presse Méd 1999;28:1141-8<br />

5. DREES<br />

L’état de santé de <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion en France<br />

Etudes et résultats n° 623; février 2008<br />

6. Gagnon L, Peretz I, Fülöp T<br />

Musical Structural Determinants of Emotional Judgments in Dementia of the<br />

Alzheimer Type<br />

Neuropsychology 2009;23(1):90-97<br />

7. Khosravi M<br />

La vie quotidienne du ma<strong>la</strong>de d’Alzheimer<br />

Ed : Doin Editions 2006<br />

8. Lebert F, Pasquier F<br />

Traitement médical des manifestations psychiatriques et comportementales de <strong>la</strong><br />

ma<strong>la</strong>die d'Alzheimer.<br />

Rev Neurol 2003;159:825-30<br />

9. Lebert F, Pasquier F<br />

Symptômes comportementaux et psychologiques lors de démences<br />

In : encyclopédie médicochirurgicale de neurologie; 1999<br />

10. Lecourt, E<br />

La musicothérapie analytique de groupe<br />

Cour<strong>la</strong>y: Fuzeau; 2007<br />

11. Ledger A, Baker F<br />

An investigation of long-term effects of group music therapy on agitation levels of<br />

People with Alzheimer’s Disease<br />

Aging and Mental Health 2007;11(3):330-338<br />

72


12. Martin M<br />

Le cadre thérapeutique à l’épreuve de <strong>la</strong> réalité (du cadre analytique au pacte)<br />

Penser <strong>la</strong> santé mentale 2001-2;17:103-120<br />

13. Norberga A, Melinb E, Asplunda K<br />

Reactions to music, touch and object presentation in the final stage of dementia:<br />

an exploratory study<br />

International Journal of Nursing Studies 2003;40:473-479<br />

14. Ogay S<br />

Alzheimer – Communiquer grâce à <strong>la</strong> musicothérapie<br />

Ed : l’Harmattan 1996<br />

15. Ploton L<br />

La ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer, à l’écoute d’un <strong>la</strong>ngage<br />

Chronique sociale: Lyon; 1999<br />

16. Ska B, Poissant A, Joanette Y<br />

La variabilité interindividuelle dans les modifications cognitives liées à l’âge.<br />

In : L’année gérontologique 1997, Vieillir <strong>avec</strong> succès. Paris : Serdi Publisher;<br />

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17. Son G, Therrien B, Whall A<br />

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Journal of nursing scho<strong>la</strong>rship 2002;34(3):263-267<br />

18. Suzuki M, Kanamori M, Nagasawa S, Tokiko I, Takayuki S<br />

Music therapy-induced changes in behavioral evaluations, and saliva chromogranin A<br />

and immunoglobulin A concentrations in elderly patients with senile dementia<br />

Geriatr Gerontol Int 2007;7:61-71<br />

19. Suzuki M, Kanamori M,, Watanabe M, Nagasawa S, Kojima E, Ooshiro H, Nakahara D<br />

Behavioral and endocrinological evaluation of music therapy for elderly patients with<br />

dementia<br />

Nursing and Health Sciences 2004;6:11-18<br />

20. Thompson R, Moulin C, Jones S, Jones R<br />

Music Enhances Category Fluency in Healthy Older Adults and Alzheimer’s Disease<br />

Patients<br />

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21. Tubiana M<br />

Le vieillissement aspects médicaux et sociaux<br />

Comptes rendus Biologie 2002;325(6):699-717<br />

22. Vésina J, Cappeliez P, Landreville P<br />

Psychologie gérontologique.<br />

Montréal-Paris-Casab<strong>la</strong>nca: Gaëtan Morin; 1994<br />

73


F.<strong>BERT</strong><br />

ANNEXE 1<br />

P<strong>la</strong>n de <strong>la</strong> salle de musicothérapie<br />

Fenêtre<br />

Porte<br />

Mme C<br />

Tables<br />

étagère<br />

Hall<br />

é<br />

t<br />

a<br />

g<br />

è<br />

r<br />

e<br />

s<br />

Petite<br />

pièce<br />

74


ANNEXE 2<br />

Photo de l’instrumentarium du bi<strong>la</strong>n psychomusical actif<br />

75


ANNEXE 3<br />

Liste des extraits diffusés (voir CD)<br />

1) Hyrule Castle. The legend of Zelda Ocarina of Time, Hyrule Symphony. (1999)<br />

2) The immo<strong>la</strong>tion scene. Extrait de : Star Wars The Ciths Revendge sound track. John<br />

Williams. (2005)<br />

3) Détours. Michel Redolfi. (1999)<br />

4) Doundounbé. Ensemble national des percussions de Guinée. (année non spécifiée)<br />

5) Les tontons. Debout sur le zinc. (2006)<br />

6) La marche nuptiale. Felix Mendelssohn, extrait de Songe d’<strong>une</strong> nuit d’été.<br />

7) Symphonie n° 9 « du nouveau monde ». Dvorak. (1893)<br />

8) Minuet from Jeppo-Polska. Gjal<strong>la</strong>rhorn. (2000)<br />

9) La marche pour <strong>la</strong> cérémonie des turcs. Jean-Baptiste Lully, « Le bourgeois<br />

Gentilhomme ». (1681)<br />

10) La petite musique de nuit. W.A. Mozart.<br />

76


Résumé :<br />

C’est au sein de <strong>la</strong> maison de retraite médicalisée Hotelia, au cœur de Montpellier, que<br />

s’est déroulé mon stage pour le diplôme de musicothérapeute. Durant six mois,<br />

d’octobre 2008 à mai 2009, j’ai pris en soin <strong>avec</strong> <strong>la</strong> musicothérapie des <strong>personne</strong>s âgées<br />

démentes dont Mme C, <strong>la</strong> patiente qui fait l’objet de ce mémoire. Atteinte de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die<br />

d’Alzheimer au stade modéré, Mme C a bénéficié de douze séances de musicothérapie<br />

<strong>active</strong>. Si <strong>la</strong> communication verbale est très difficile <strong>avec</strong> cette patiente, elle a pu, au fil<br />

des séances, trouver par le biais de <strong>la</strong> musique, de <strong>la</strong> voix, de l’improvisation, de<br />

l’utilisation de son corps, de nouveaux moyens de développer sa créativité et d’exprimer<br />

ses émotions.<br />

Mots clés : Musicothérapie <strong>active</strong>, musique, ma<strong>la</strong>die d’Alzheimer, communication,<br />

expression, improvisation.<br />

Abstract :<br />

It is within the medicalized old people's home Hotelia, in Montpellier downtown, that<br />

was held my training course for the diploma of music therapeutist. During six months,<br />

from October 2008 to May 2009, I took in care, with music therapy, lunatic elderly of<br />

which Mrs. C, the patient who is the subject of this memory. Suffering from<br />

Alzheimer’s disease at the moderated stage, Mrs. C profited from twelve sessions of<br />

<strong>active</strong> music therapy. Even if the verbal communication is very difficult with this<br />

patient, she could find new means for developing her creativity and expressing her<br />

emotions, in the course of sessions, by the means of music, voice, improvisation and the<br />

use of her body.<br />

Key words : <strong>active</strong> music therapy, music, Alzheimer’s disease, communication,<br />

expression, improvisation.<br />

77

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