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COMMENTAIRE<br />

Texte A : Flaubert, L’Éducation sentimentale, 1869.<br />

Vous commenterez le texte A (Flaubert, L’Éducation sentimentale)<br />

en vous aidant du parcours de lecture suivant :<br />

- Vous étudierez l'aspect réaliste de la description.<br />

- Vous montrerez que Flaubert permet au lecteur de découvrir les<br />

sentiments de Frédéric.<br />

I. <strong>Le</strong> réalisme : Une traversée de Paris<br />

1. <strong>Le</strong>s noms :<br />

"Paris" est nommément cité ("ce bon air de Paris"), ainsi que la<br />

"Seine", mais aussi des noms de lieux, plus ou moins célèbres :<br />

Jardin des Plantes<br />

quai Saint-Bernard<br />

Pont-Neuf<br />

par les rues Saint-Honoré, Croix-des-Petits-Champs et du Bouloi,<br />

on atteignit la rue Coq-Héron<br />

<strong>Le</strong> lecteur connaît certains de ces noms, s'il est provincial", il les<br />

connaît tous s'il est Parisien ; en tout cas, le lieu romanesque existe, le<br />

lecteur le sait, et le décor est typiquement réaliste, puisqu'il appartient au<br />

monde dans lequel vivent l'auteur et son lecteur.<br />

2. <strong>Le</strong>s activités :<br />

<strong>Le</strong>s "balayeurs" nettoient les trottoirs (il s'agit donc du début de la<br />

journée).<br />

<strong>Le</strong>s commerces :<br />

seuil des marchands de vin garni de paille<br />

garçons épiciers secouant leur brûloir à café<br />

Dans les deux cas, la vision est celle du personnage qui se<br />

trouve dans la diligence, incapable de voir l'intérieur des magasins, mais<br />

dont le regard s'attarde sur des détails significatifs, aisément repérables :<br />

le seuil, le geste des commis qui s'occupent de la torréfaction du café.<br />

L'animation de la rue :<br />

mouvement de tous les piétons croisés lg 3-4<br />

"décrotteurs avec leurs boîtes" / « garçon épiciers secouant leur<br />

brûloir à café » lg 12


"Des femmes trottinaient sous des parapluies"<br />

Comme pour les commerces, l'auteur a évité la monotonie d'une<br />

liste de personnages énumérés sans autre précision : les cireurs de<br />

souliers ont leur boîte, contenant cirage et brosses, les femmes sont<br />

saisies dans leur mouvement pressé.<br />

<strong>Le</strong>s commerces comme les cireurs s'inscrivent dans une réalité<br />

économique : tous ces gens travaillent pour gagner leur vie ; le métier<br />

des "décrotteurs" rappelle aussi la réalité des rues de Paris au XIXe s.,<br />

boueuses à la moindre pluie.<br />

"trottinaient sous des parapluies" : la marche rapide, à petits pas,<br />

suggérée par le verbe "trottiner" s'explique à la fois par la pluie et par les<br />

robes portées à l'époque, qui entravaient le mouvement des jambes.<br />

"sous des parapluies" reprend toutes les allusions au temps<br />

morose et à la boue parisienne.<br />

3. Un itinéraire : une description en mouvement qui suit la<br />

progression du fiacre<br />

a) En diligence :<br />

"palonniers" : terme technique.<br />

<strong>Le</strong> comportement du cocher, qui presse ses chevaux, par le fouet<br />

et par la voix : "La mèche du long fouet claquait dans l’air humide. <strong>Le</strong><br />

conducteur lançait son cri sonore : "Allume ! allume ! ohé !"<br />

b) Un trajet rapide :<br />

"et les balayeurs se rangeaient, les piétons sautaient en arrière,<br />

la boue jaillissait contre les vasistas"<br />

"<strong>Le</strong>s boutiques défilaient"<br />

<strong>Le</strong>s gens ont peur d'être renversés, la boue jaillit avec force,<br />

projetée par les roues.<br />

<strong>Le</strong> verbe "défilaient" suggère une rapidité que l'auteur n'aurait pas<br />

obtenue avec le simple "se succédaient" + succession des connecteurs<br />

temporels associés au verbes de mouvement qui marquent la vitesse :<br />

"après", "puis on repassa", "on descendit", "on entra".<br />

c) De l'extérieur vers le centre de Paris :<br />

Au boulevard anonyme succède la grille du Jardin des Plantes", le<br />

premier "fiacre" – ancêtre des taxis – prouve que l'on est dans paris<br />

"intra muros".<br />

"la foule augmentait, le bruit devenait plus fort".


L'activité est de plus en plus soutenue au fur et à mesure que<br />

l'on se rapproche du centre. On va des boulevards extérieurs à l’intérieur<br />

de la cour de l’hôtel et en parallèle on de rapproche de Mme Arnoux.<br />

II. L'analyse psychologique : l’importance de la focalisation interne<br />

1. Un amoureux de la vie :<br />

Retrouver Paris, revoir M me Arnoux sont des bonheurs associés à<br />

la joie de vivre = enthousiasme du jeune homme à l’occasion de son<br />

retour.<br />

Enfin la grille du Jardin des Plantes se déploya.<br />

La grille est animée, le verbe pourrait convenir aux ailes d'un<br />

oiseau plus qu'à une grille.<br />

"la foule augmentait, le bruit devenait plus fort".<br />

Frédéric aurait pu se sentir gêné – il n'est est rien, au contraire, et<br />

l'on devine sa joie devant le mouvement de Paris, qui est celui de la vie.<br />

"on prit le quai Napoléon"<br />

"on repassa"<br />

"on descendit"<br />

"on atteignit"<br />

"et l’on entra dans la cour de l’hôtel."<br />

<strong>Le</strong> pronom indéfini "on" associe Frédéric au cocher, à la diligence.<br />

<strong>Le</strong> personnage ne fait plus qu'un avec le véhicule, dont le mouvement<br />

est apprécié, dans sa rapidité, au bonheur de vivre, de bouger et<br />

d'aimer. La vitesse de la diligence représente l’impatience du jeune<br />

homme de revenir à Paris. La ville est perçue du point de vue de<br />

Frédéric d’où les sens convoqués : vue, odorat, ouïe mais aussi les<br />

verbes de pensée et de sentiments.<br />

2. Un amoureux de Paris :<br />

"La Seine, jaunâtre, touchait presque au tablier des ponts. Une<br />

fraîcheur s’en exhalait. Frédéric l’aspira de toutes ses forces,<br />

savourant ce bon air de Paris qui semble contenir des effluves<br />

amoureux et des émanations intellectuelles ; il eut un<br />

attendrissement en apercevant le premier fiacre. Et il aimait jusqu’au<br />

seuil des marchands de vin garni de paille, jusqu’aux décrotteurs avec<br />

leurs boîtes, jusqu’aux garçons épiciers secouant leur brûloir à café."


Deux mots appartenant au vocabulaire affectif sont utilisés : il<br />

"aimait jusqu’au seuil des marchands de vin garni de paille", un fiacre<br />

suscite de l' "attendrissement."<br />

<strong>Le</strong>s réactions semblent excessives – elles traduisent une émotion<br />

profonde et sincère. La vitesse de l’arrivée est proportionnelle à<br />

l’enthousiasme du jeune homme.<br />

<strong>Le</strong> verbe "aimer" est d'ailleurs précisé par "jusqu'au", suivi de trois<br />

compléments d'objet direct désignant un détail (le seuil) ou des<br />

personnages ordinaire, exerçant des métiers modestes, ce qui prouve,<br />

naturellement, que Frédéric aima aussi tout ce qui n'est pas énuméré, et<br />

qui serait plus normalement "aimable" (les monuments parisiens, les<br />

commerces de luxe…).<br />

L'attendrissement est comparable à celui que l'on éprouverait en<br />

retrouvant un ami perdu de vue depuis longtemps – il ne s'agit pourtant<br />

que d'un fiacre, mais un fiacre est caractéristique de Paris !<br />

"La Seine, jaunâtre, touchait presque au tablier des ponts. Une<br />

fraîcheur s’en exhalait. Frédéric l’aspira de toutes ses forces,<br />

savourant ce bon air de Paris qui semble contenir des effluves<br />

amoureux et des émanations intellectuelles".<br />

Objectivement, la Seine est peu engageante : le suffixe –"âtre a<br />

quelque chose de péjoratif dans "jaunâtre". Cependant, cette première<br />

impression négative est complètement effacée par la "fraîcheur" que le<br />

fleuve communique à l'air, et que Frédéric veut assimiler, en l'aspirant<br />

"de toutes ses forces", parce qu'il représente pour lui deux aspects ("des<br />

effluves amoureux et des émanations intellectuelles") qui réunissent le<br />

cœur et l'esprit, les sentiments et l'intelligence.<br />

2. L'amoureux de M me Arnoux :<br />

1. <strong>Le</strong> jeu avec le temps :<br />

a) Une impatience naturelle :<br />

"Enfin la grille du Jardin des Plantes se déploya."<br />

L'adverbe de temps traduit l'impatience.<br />

Des allusions à Mme Arnoux révèlent sa souhait de la revoir.<br />

"Des femmes trottinaient sous des parapluies ; il se penchait pour<br />

distinguer leur figure ; un hasard pouvait avoir fait sortir M me Arnoux."<br />

"il voulut voir ses fenêtres, elles étaient loin." > il ne la nomme pas,<br />

elle est une évidence. L'impatience suscite des espoirs déçus. L'idée<br />

d'un "hasard", d'une coïncidence providentielle n'est pas très rationnelle.


Dans les deux cas, le lecteur comprend la déception de Frédéric,<br />

signe de son impatience et de son amour.<br />

b) Un homme qui veut "faire durer son plaisir"<br />

"Pour faire durer son plaisir, Frédéric s’habilla le plus lentement<br />

possible, et même il se rendit à pied au boulevard Montmartre ; il souriait<br />

à l’idée de revoir, tout à l’heure, sur la plaque de marbre, le nom chéri."<br />

L'impatience cède la place à un comportement inverse : les<br />

retrouvailles sont certaines, elles vont avoir lieu – il faut à présent<br />

savourer les moments précieux qui les précèdent – mais le réalisme<br />

procède avec logique : la lenteur mise à s'habiller permettra d'être<br />

élégant et donc séduisant devant la femme aimée ; une promenade à<br />

pied permettra d'apprécier les rues de Paris, et d'en avoir un autre<br />

aperçu que depuis une diligence.<br />

Ce qui est envisagé, d'ailleurs, ce n'est pas le moment où Frédéric<br />

sera en présence de la femme, mais celui où il verra son nom. <strong>Le</strong><br />

personnage prend ainsi plaisir à multiplier les étapes, à dilater le temps.

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