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<strong>Causes</strong> toujours<br />
Mars - Avril - Mai 2011|Trimestriel <strong>n°</strong><strong>21</strong><br />
Groupe Socialiste d’Action et de Réflexion sur l’Audiovisuel<br />
asbl<br />
Belgique - Belgïe<br />
P.P.<br />
1099 Bruxelles x<br />
BC10823<br />
P605057
Une nouvelle livraison du <strong>Causes</strong> <strong>Toujours</strong> avec<br />
en fil rouge le combat syndical. Tout d’abord, le<br />
film documentaire coproduit avec la RTBF du<br />
réalisateur Jérôme Laffont qui dresse un portrait<br />
du leader syndical André Renard. Ce film est un<br />
regard, un certain point de vue sur le combat<br />
qu’André Renard a mené contre la loi Unique<br />
et qui a conduit au conflit social le plus long de<br />
l’histoire de notre pays (34 jours d’arrêt de travail<br />
général et un million de grévistes dans tout le<br />
pays) et l’un des plus sanglants aussi avec le<br />
décès de quatre personnes sur le pavé des rues.<br />
Ensuite, l’outil pédagogique “Regards Nord/Sud”<br />
qui a été réalisé en collaboration avec Solidarité<br />
socialiste et qui s’intéresse à la notion de travail<br />
décent et qui dresse des ponts intéressants avec<br />
le travail syndical dans les pays du Sud.<br />
Deux films, deux regards, deux réalités sur le<br />
monde syndical d’hier et d’aujourd’hui. A l’heure<br />
d’écrire ces quelques lignes, il est impossible<br />
de ne pas les relier avec le contexte socioéconomique<br />
actuel encore perturbé par la<br />
crise libérale de 2008 et de ne pas rappeler la<br />
pertinence et la nécessité absolue de préserver<br />
les acquis sociaux qui ont permis de sauvegarder<br />
le pouvoir d’achat des travailleurs. A cet égard, il<br />
faut rappeler pourquoi la xième remise en cause<br />
du système d’indexation automatique des salaires<br />
par certains est insupportable :<br />
1. Insupportable parce le coût de la vie augmente<br />
et que la non-indexation diminue le pouvoir d’achat<br />
des travailleurs. Avec l’indexation automatique des<br />
salaires, les travailleurs auront automatiquement<br />
droit à 3,9 % d’augmentation, soit un total de<br />
4,2 % si l’on tient compte de la norme qui figure<br />
dans le pré-accord interprofessionnel. Ceux qui<br />
prétendent défendre le travail et l’emploi en faisant<br />
un sort à ce qui constitue une protection du salaire<br />
des gens aboutit en fait à les appauvrir.<br />
Comprenne qui pourra.<br />
2. Insupportable parce qu’en demandant de lancer<br />
une étude sur ce système, ils oublient qu’il a déjà<br />
fait l’objet d’une véritable réforme.<br />
En effet, depuis 1994, l’indexation des salaires<br />
est liée à l’évolution de l’indice santé, soit l’indice<br />
des prix à la consommation qui reflète l’évolution<br />
des prix de tous les biens et services duquel il faut<br />
enlever les boissons alcoolisées, le tabac et les<br />
carburants. Ce faisant, certains risques d’inflation<br />
liés à l’indexation automatique ont été maîtrisés.<br />
Cette réforme difficile a été assumée par les<br />
partis de gauche au pouvoir à l’époque. Dans ce<br />
contexte, il est intellectuellement malhonnête de<br />
parler d’irresponsabilité dans le chef de ceux qui<br />
ont su réformer un système empreint de justice<br />
sociale sans le vider de sa substance.<br />
3. Insupportable enfin parce que s’attaquer à<br />
l’indexation automatique des salaires, c’est aussi<br />
jeter un écran de fumée sur les vrais enjeux :<br />
l’envolée des prix des biens et des services de<br />
première nécessité. C’est ainsi que l’électricité<br />
augmente de 17 % en moyenne par an et que<br />
le gaz a augmenté de 20% entre décembre<br />
2009 et décembre 2010. C’est injustifié et<br />
- s’agissant du gaz - c’est 12% de plus que la<br />
moyenne européenne. C’est en mettant en place<br />
un véritable encadrement des prix pour certains<br />
biens que nous contribuerons à préserver le<br />
pouvoir d’achat.<br />
Nous vous souhaitons beaucoup de plaisir à la<br />
découverte de nos activités !<br />
2<br />
Editorial<br />
Renaud Bellen<br />
Directeur du GSARA<br />
Production<br />
”André Renard :<br />
trois moments<br />
d’un parcours<br />
syndical”<br />
Le GSARA vient d’achever la production<br />
de la biographie du dirigeant syndical<br />
socialiste, dont la vie politique et<br />
syndicale s’est déroulée durant une<br />
période de profonds bouleversements<br />
en Belgique.<br />
Formé dans le marasme des années 30 et de la<br />
Grande Crise, aguerri dans les luttes ouvrières<br />
qu’il mena durant la seconde guerre mondiale, à<br />
la tête de nombreuses grèves dont celle de l’hiver<br />
60-61, André Renard appartient à une génération<br />
de syndicalistes aujourd’hui disparue. A travers<br />
archives et témoignages, ce film tente de restituer<br />
les errements et les espoirs d’une époque, ainsi<br />
que le destin d’un homme.<br />
Entretien avec Jérôme Laffont, réalisateur<br />
_ propos recueillis par Régine Langsner<br />
Quel a été votre objectif en réalisant ce film ?<br />
J’ai été engagé par le GSaRa pour la réalisation de ce documentaire.<br />
À la base c’était une commande de la RTBF et le projet d’un de ses<br />
journalistes, Daniel Pétry. Nous nous sommes vus à plusieurs reprises<br />
pour tenter de définir un point de vue sur le personnage de Renard et de<br />
son époque. Je me suis également occupé de la forme et de la structure.<br />
Personnellement, je suis fortement intéressé par le monde du travail. Je<br />
m’étais déjà penché sur le mouvement ouvrier liégeois, quand arcelor<br />
avait annoncé son plan de licenciement en 2005. J’étais en dernière<br />
année à l’INSaS et j’avais fait un film autour de la mémoire ouvrière (“Au<br />
cœur du chaud, des vestiges et des hommes”).<br />
Quelle image avez-vous voulu rendre d’André Renard ?<br />
C’était très compliqué de condenser la vie d’andré Renard en 52 minutes.<br />
Et puis c’est toute une partie de l’histoire du mouvement ouvrier qui est<br />
racontée dans le film. Durant mon travail de recherche je me suis vite<br />
aperçu que faire un portrait d’andré Renard serait compliqué en raison de<br />
son importante activité syndicale et donc il a fallu orienter le film sur un<br />
axe précis de sa vie. Et ce qui m’intéressait surtout, car c’était aussi lié à<br />
l’actualité, c’était le combat fédéraliste de Renard.<br />
Comment s’est déroulée la préparation<br />
du film ?<br />
On a eu très peu de temps de préparation, à<br />
peine 3 mois, pour trouver les archives, les<br />
témoins, faire les repérages... Les archives<br />
étaient très dispersées dans tout le pays,<br />
à Liège, à Gand, dans des musées et des<br />
instituts. Pour celles de la RTBF, souvent, des<br />
bandes son avaient disparu, les dates étaient<br />
hasardeuses. C’est dommage, qu’en Belgique<br />
peu de moyens sont investis pour sauvegarder<br />
ce patrimoine-là. Mais la recherche d’archives<br />
fut néanmoins l’une des parties les plus<br />
passionnantes du travail.<br />
Il a été difficile aussi de trouver des témoins<br />
qui ont connu Renard. Beaucoup sont morts<br />
aujourd’hui. On en a trouvé une dizaine, filmé<br />
huit, et au final on n’en a gardé que trois. Un<br />
liégeois, un carolorégien et un anversois pour<br />
situer les choses géographiquement.<br />
Les évènements des Grèves de 1960<br />
© AMSAB<br />
André Renard<br />
durant les Grèves de 1960<br />
© AMSAB<br />
Y a t-il encore aujourd’hui des personnages comparables<br />
à André Renard ?<br />
Je ne pense pas, car la particularité du personnage est d’avoir été à la<br />
fois un dirigeant syndical très attaché à sa région, à sa base, mais aussi,<br />
d’avoir été un meneur de grèves importantes. a partir des années 30 et<br />
surtout pendant la guerre, c’est quelqu’un qui va mener des combats<br />
de classes extrêmement féroces contre les patrons belges et contre<br />
l’occupant. Des milliers de travailleurs l’écoutaient. Ce genre de leader<br />
n’existe plus à mon avis.<br />
Quel parallèle peut-on faire entre l’histoire que vous racontez<br />
et l’actualité ?<br />
andré Renard a vécu la crise des années 30. aujourd’hui nous vivons aussi<br />
une crise qui est en train de profondément changer la société. Et puis le film<br />
parle aussi du combat ouvrier belge et je pense qu’il y a encore aujourd’hui<br />
une place pour ce combat. C’est pour cela que ce film est important, car<br />
des personnages comme andré Renard reviendront, comme reviendront<br />
les militants qui sont dans le film et les luttes ouvrières. ■<br />
Ce film a été diffusé les 23 et 27 février sur La Deux et sur Arte<br />
André Renard : trois moments d’un parcours syndical<br />
( 54’ 17” - Couleur - 2011 - fr, néerl - s-tr. fr)<br />
Réalisation Jérôme Laffont / Daniel Petry • Image Alain Mohy • Son Loïc Villiot • Montage<br />
Roberto Ayllon • Mixage Omar Perez • Musique Harold Noben • Production GsARA / RTBF •
Quel a été l’objectif au départ de ce projet, d’où vient<br />
l’idée ?<br />
L’objectif était de créer un outil pédagogique à destination<br />
des délégués syndicaux sur la question du “travail décent”.<br />
Suite à l’organisation de deux journées de formation sur ce<br />
thème, l’année dernière, en collaboration entre la FGTB et<br />
Solidarité Socialiste, nous avions dressé le constat que les<br />
délégués ne s’étaient pas vraiment appropriés cette notion et<br />
ils ne comprenaient pas vraiment ce que ça voulait dire. Nous<br />
avons donc décidé de mettre en place, avec la collaboration du<br />
CEPaG (centre d’éducation populaire andré Genot) un groupe<br />
de travail sur le sujet à travers la création d’un outil pédagogique<br />
à destination des délégués syndicaux.<br />
Il y avait aussi eu une campagne en ce sens il y a 3 ans dans<br />
laquelle la FGTB était partie prenante. L’idée était de créer des<br />
ponts entre travailleurs du Nord et du Sud.<br />
Quand les délégués pensaient “travail décent”, ça leur faisait<br />
penser à un travailleur asiatique ou africain qui gagne 50<br />
dollars par mois, quelqu’un de très loin de leurs préoccupations<br />
quotidiennes, de leur vécu. Un cliché, en réalité. Ils ne se<br />
sentaient pas concernés, ils ne sentaient pas qu’il y a un destin<br />
commun entre travailleurs du Nord et du Sud.<br />
On parle souvent des problèmes de délocalisation, le fait que la<br />
Chine, l’asie, le Maghreb offrent des conditions de travail bien<br />
en deçà des normes sociales européennes et que c’est la raison<br />
pour laquelle nos entreprises européennes délocalisent vers<br />
certains pays du Sud. On considère plutôt le travailleur du Sud<br />
comme un concurrent, et pas du tout comme un allié dans une<br />
lutte pour des conquêtes sociales.<br />
a travers le travail de ce groupe “travail décent”, nous avons voulu<br />
aborder cette notion dans une perspective plus large et tenter de<br />
créer des liens de solidarité entre travailleurs du Nord et du Sud,<br />
par un outil qui part d’exemples issus de leur vécu. On a voulu<br />
créer une formation que les délégués, formateurs, animateurs<br />
puissent s’approprier; il s’agissait en même temps de comprendre<br />
qu’elles étaient les préoccupations des travailleurs. On part de<br />
réalités du monde du travail en Belgique et dans le Sud pour<br />
construire une idéologie commune de ce que peut être un travail<br />
décent. Une logique du bas vers le haut plutôt que l’inverse !<br />
Pourquoi parler des relations Nord / Sud par le biais<br />
des libertés syndicales ?<br />
Nous avons pensé aux conditions de travail; mais de par la<br />
nature de notre partenaire, il était plus intéressant de le faire par<br />
le biais des libertés syndicales, tant en Belgique que dans le Sud,<br />
et de voir où se situaient les similarités et les différences, et de<br />
constater ainsi où il y a encore des combats communs à mener<br />
pour l’application des droits fondamentaux des travailleurs et le<br />
respect des libertés syndicales au travail.<br />
Quelles sont les cinq thématiques soulevées<br />
et pourquoi s’être limité à celles-ci ?<br />
Il a fallu faire un choix parmi les libertés syndicales. Nous avons<br />
choisi cinq sous-thématiques qui semblaient vraiment constituer<br />
une préoccupation commune pour l’ensemble des membres du<br />
groupe qui planchaient sur cette question.<br />
Le choix s’est porté sur des choses aussi fondamentales que la<br />
liberté d’association, le droit à la concertation, le droit de grève,<br />
la formation; et, le rôle citoyen du délégué.<br />
Si ces libertés fondamentales semblent être un acquis auquel<br />
on ne touche plus en Belgique, elles sont plus que jamais<br />
mises à mal aujourd’hui : on se retrouve en butte à un même<br />
système qui retire des droits aux travailleurs en Belgique et en<br />
Colombie. On est face à un ennemi commun. Les situations ne<br />
sont pas toujours si différentes que ça. On constate qu’ici, il<br />
ne faut pas se reposer sur ses acquis. Il faut garder à l’esprit<br />
que nous avons affaire à des conquêtes sociales et pas à des<br />
acquis sociaux. D’autre part, il y a des luttes communes à mener<br />
entre travailleurs de Belgique et d’Europe, mais de concert avec<br />
les travailleurs du Sud. Lutter pour davantage de droits pour les<br />
travailleurs du Sud, c’est aussi lutter pour le respect des normes<br />
sociales ici, en Belgique, qui sont ébranlées tous les jours au<br />
nom de la sacro-sainte compétitivité des entreprises.<br />
Quel est le public cible ? Est-ce un public conscient<br />
des enjeux ?<br />
On a travaillé dans le groupe de travail “travail décent” avec<br />
des animateurs et des formateurs de différentes centrales<br />
de la FGTB wallonne. On a laissé la porte ouverte, venait qui<br />
voulait; des animateurs du SETCa, de la CGSP cheminots, de<br />
la Centrale générale.<br />
L’idée était de créer un outil pédagogique qui allait pouvoir être<br />
approprié par ces mêmes animateurs mais aussi par toute<br />
personne de la FGTB wallonne qui n’avait pas été associée à ce<br />
projet et qui voudrait aborder la question des libertés syndicales<br />
avec des travailleurs dans l’entreprise.<br />
Il fallait que cet outil soit par ailleurs assez souple, de manière à<br />
ce qu’il puisse être utilisé par tous lors de formations courtes ou<br />
dans le cadre de journées thématiques.<br />
Le livret pédagogique accompagne le DVD. Il a été conçu comme<br />
un appui aux formateurs qui voudraient être aiguillés pour<br />
savoir quelles sont les possibilités d’utilisation du DVD, à savoir<br />
comment approfondir certaines thématiques en posant certaines<br />
questions liées aux interviews que l’on a recueillies... Comment<br />
et quelles thématiques peut-on aborder par rapport à chaque<br />
interview ? ... car elles permettent de parler de concurrence,<br />
de dumping social, de mondialisation, et bien d’autres termes,<br />
comme les règles de libéralisation où la privatisation des services<br />
publics. Ce sont des portes qui permettent d’aborder beaucoup<br />
de questions liées au monde du travail.<br />
Production<br />
Vous avez dit “libertés” syndicales ? Regard Nord/Sud<br />
Le GSARA s’est associé à l’ONG Solidarité Socialiste, afin de réaliser un outil pédagogique<br />
à destination des délégués syndicaux.<br />
Interview de<br />
François Sarramagnan,<br />
collaborateur à la coordination de projet<br />
_ propos recueillis par Régine Langsner<br />
Quelles ont été les réactions des gens interviewés au<br />
Sud par rapport à votre projet ?<br />
Nous avons eu très peu d’écho, mise à part la Colombie, où<br />
l’idée qu’il y ait un dialogue entre syndicalistes du Nord et du<br />
Sud fut particulièrement bien reçue. au Burkina aussi, on a<br />
remarqué qu’ils avaient trouvé pertinent de pouvoir s’adresser à<br />
des syndicalistes belges. Eux aussi, ont une série de clichés sur<br />
notre situation, de même que nous avons des clichés par rapport<br />
à l’afrique évidemment. On sentait qu’ils prenaient un certain<br />
plaisir à s’adresser à des syndicalistes de chez nous, même s’ils<br />
ne rencontrent pas les mêmes situations.<br />
Les partenaires au Sud recevront aussi des exemplaires de<br />
l’outil pour les utiliser chez eux.<br />
Pour quelles raisons avez-vous choisi de collaborer<br />
avec le GSARA ?<br />
Je pense qu’il y avait une expérience technique et de production<br />
audiovisuelle qui était assez intéressante. Ce qui nous a dirigés<br />
dans notre choix c’est surtout leur connaissance du milieu syndical<br />
et des enjeux sociaux en Belgique, mais aussi une ouverture<br />
sur des sujets plus internationaux, à des préoccupations qui ne<br />
touchent pas uniquement la Belgique.<br />
Il y avait un socle de valeurs et connaissances communes qui<br />
nous permettaient de pouvoir nous reposer en toute quiétude sur<br />
l’expertise du GSaRa.<br />
Ce qui a été vraiment un point fort intéressant dans cette<br />
collaboration, c’est qu’il y a eu un dialogue permanent entre les<br />
responsables des projets. Nous avons essayé de faire les chose<br />
de la manière la plus participative possible et de partager les<br />
idées et les doutes qu’on pouvait avoir par rapport à la réalisation<br />
de ce DVD, et d’avoir chaque fois un consensus.<br />
Le groupe de travail a appris énormément sur les situations<br />
que rencontraient les travailleurs du Sud. Cela leur a donné<br />
une ouverture d’esprit et maintenant ils se sentent à l’aise<br />
pour aborder la question du travail décent avec les délégués<br />
syndicaux. Ils ont compris que c’était au coeur même de leur<br />
action syndicale.<br />
Nous avons appris aussi ce que ça implique de mener un travail<br />
journalistique en collaboration avec une boîte de production ici,<br />
et avec des journalistes du Sud.<br />
Cet outil est - à mon sens - promis à un bel avenir et offre des<br />
belles perspectives de diffusion tous azimuts. ■<br />
3
Activités régionales<br />
ª Brabant wallon<br />
Retour sur l’atelier d’expression audiovisuelle à<br />
l’occasion de la sortie du DVD “La vie, l’avis des<br />
gens” - projet CAP 48.<br />
Rencontre avec Monique Deveen<br />
Coordinatrice, animatrice & réalisatrice<br />
GSARA Brabant wallon<br />
Tout d’abord, parle-nous un peu de ton expérience...<br />
Le GSaRa Brabant wallon réalise depuis de nombreuses années<br />
des ateliers d’expression audiovisuelle. Depuis 2006, un atelier<br />
vidéo et trois ateliers photos ont été menés avec des personnes<br />
handicapées. Ces activités visent à valoriser les différentes<br />
compétences, à interpeller, à éveiller ou à changer le regard à<br />
l’autre, à créer des passerelles entre personnes handicapées et<br />
personnes valides.<br />
Ce projet est original à plus d’un titre ?<br />
L’atelier d’expression audiovisuelle “La vie, l’avis des gens”<br />
a consisté en la réalisation de micros-trottoirs. Ce projet avait<br />
pour objectifs l’autonomie, l’émancipation et la valorisation des<br />
participants au travers de la réalisation d’un projet dont ils étaient<br />
porteurs. Des personnes handicapées sont allées micro et<br />
caméra au poing à la rencontre des gens.<br />
L’aspect novateur et original du projet réside dans la fonction<br />
occupée par la personne handicapée. Les rôles ont été inversés.<br />
Ce sont les personnes handicapées qui sont allées à la rencontre<br />
des valides, qui les ont questionnés sur des sujets de société et<br />
d’actualité, qui ont eu le rôle valorisant de journaliste; cette fois,<br />
ce sont eux qui étaient derrière la caméra.<br />
Comment s’est déroulé cet atelier ?<br />
_ propos recueillis par Karine Morales<br />
L’atelier s’est déroulé en trois phases : 1) acquisition des prérequis<br />
de la technique et du langage audiovisuel spécifiquement<br />
adaptés aux techniques de l’interview, 2) Réalisation : Choix du<br />
sujet et élaboration des questions, recherches et discussions<br />
sur le thème. Le traitement du sujet : réalisation micros-trottoirs,<br />
visionnement et analyse, recherches spécifiques en fonction des<br />
propos des passants, prises de vue d’images illustratives sur le<br />
sujet traité. Le dérushage : visionnement, choix des séquences,<br />
maquettage et montage final. 3) Postproduction : conception et<br />
réalisation de la jaquette et du label du DVD.<br />
Chaque étape a été l’occasion de réflexion, d’échanges et de<br />
discussions. L’atelier a eu lieu de mars 2010 à février 2011 à<br />
Louvain-la-Neuve, à raison de deux journées en moyenne par<br />
semaine. Il a débouché sur la réalisation de six capsules : “Le<br />
handicap”, “La biodiversité”, “La tour infinie”, “Les graffs”, “La<br />
ruralité” et “La réouverture du Cinéscope”.<br />
Il a été mené avec Mathieu Kervizic et Darius Niedzielski, deux<br />
personnes porteuses à la fois de handicap mental et de handicap<br />
physique. Sept personnes valides ont, de façon occasionnelle,<br />
participé à celui-ci. L’équipe de reportage s’est formée aux<br />
techniques de l’interview par le biais de petits exercices qu’ils<br />
évaluaient à chaque fois, leur permettant ainsi d’évoluer et<br />
d’acquérir les outils nécessaires au bon déroulement du projet.<br />
Très vite, ils ont été sur le terrain. Ils ont été tour à tour caméraman<br />
et interviewer.<br />
Les premières interviews ont été quelque peu source de stress<br />
mais, au fur et à mesure ils ont surmonté leur réserve, leur<br />
timidité et leurs angoisses et remplacé celles-ci par une prise<br />
de confiance, une assurance et une fierté non dissimulée. Cette<br />
assurance leur a permis sur le terrain d’adapter rapidement leurs<br />
interviews aux circonstances et aux réponses des passants<br />
qui ont été parfois désarçonnés par leurs questions qu’ils ont<br />
trouvées très pertinentes.<br />
Les participants ont choisi les thèmes abordés en fonction<br />
de leur envie et de l’actualité du moment. Chaque sujet a été<br />
travaillé spécifiquement. Les préparations des micros-trottoirs<br />
les ont amenés à faire des recherches et à se documenter :<br />
dictionnaire, bibliothèque, Internet… ainsi, par exemple, pour<br />
le sujet sur “La Tour Infinie” du dessinateur François Schuiten,<br />
ils ont commencé par lire différentes BD de l’auteur afin de<br />
connaître son travail et d’appréhender son univers. Elles leur<br />
ont permis de rencontrer des personnes ressource : étudiants<br />
du département de communication, personnes travaillant dans<br />
le domaine de l’audiovisuel ou de l’écologie, etc. Elles ont été<br />
source de questionnements et de débats.<br />
Le sujet du handicap a été particulièrement riche en échanges<br />
et questionnements car c’est également un sujet de discussion<br />
parfois sensible au sein de leurs familles, avec leurs parents,<br />
frères et sœurs. Les réponses des passants ont également<br />
alimenté leurs discussions au retour des interviews et pendant la<br />
phase de dérushage. Les participants ont également travaillé à<br />
la conception de la jaquette et l’habillage du DVD. La Régionale<br />
a eu des contacts réguliers avec les parents des deux personnes<br />
handicapées, ainsi qu’avec l’accompagnatrice de l’un d’eux.<br />
Qu’est-ce que ce projet a apporté aux participants et<br />
qu’en ont-ils retiré ?<br />
Les deux participants se sont fort impliqués dans le projet au<br />
point de vouloir continuer le travail en dehors des horaires et du<br />
planning initialement prévus.<br />
Ils étaient très liés, au point de partir plusieurs fois ensemble<br />
en vacances. Ils ont aussi gardé de très bons contacts avec les<br />
personnes valides qui ont participé à l’atelier ainsi qu’avec certains<br />
passants interviewés qu’ils rencontrent encore régulièrement<br />
dans les rues de la cité universitaire de Louvain-la-Neuve.<br />
L’intégration des personnes handicapées s’est faite à la fois au<br />
sein de l’atelier mais aussi via les rencontres et contacts pris dans<br />
le cadre de la préparation des sujets, via la relation interviewer/<br />
interviewé et continuera via la diffusion de leur réalisation qui<br />
pourra être vue telle quelle, mais aussi servir de support de<br />
débats ainsi que d’outil pédagogique pour d’autres institutions.<br />
En quelques mots, ce projet a été pour eux :<br />
Source d’apprentissage :<br />
Ils ont acquis de nouvelles compétences et de nouvelles<br />
connaissances (notamment par le biais des recherches qu’ils ont<br />
effectuées à la bibliothèque, dans le dictionnaire, via la presse etc.).<br />
Source de développement personnel :<br />
Le fait de devoir aller vers les gens leur a permis d’acquérir<br />
de l’assurance, de la confiance en soi. Cette confiance a été<br />
un facteur d’émancipation et d’épanouissement. Mathieu n’a<br />
plus peur ni honte d’aborder les gens pour leur demander son<br />
chemin, il va seul désormais à la boulangerie, prend le train seul<br />
pour Bruxelles etc. Darius s’est mis à l’informatique et explore<br />
maintenant les médias audiovisuels.<br />
Source de valorisation :<br />
C’étaient eux les journalistes. Ils étaient fiers de montrer aux<br />
gens qu’ils utilisaient et étaient capables d’utiliser du matériel,<br />
et qui plus est, du matériel de qualité professionnelle, dont ils<br />
étaient responsables. La confiance qu’on leur a accordée en leur<br />
confiant ce matériel était aussi une source de fierté. En répondant<br />
aux interviews, les gens leur ont consacré du temps.<br />
Ils ont rencontré et interviewé des personnalités, professeurs<br />
à l’université, artistes, directeur de cinéma, acteurs culturels et<br />
politique, etc.<br />
Une équipe de la RTBF a réalisé un reportage sur leur travail<br />
mené en atelier. Ce reportage a été diffusé sur antenne en “prime<br />
time” au JT de la RTBF de 19h30 le 6 octobre 2010, ce qui leur a<br />
valu énormément de réactions positives.<br />
Et pour toi et la Régionale du Brabant wallon ?<br />
La Régionale du GSaRa a, elle aussi, eu des retombées positives<br />
suite à la diffusion du reportage au J.T.<br />
Parmi les répercussions significatives découlant de cette<br />
diffusion, le GSaRa Brabant wallon a été invité à participer en<br />
tant qu’intervenant au colloque organisé dans le cadre de la<br />
“Journée européenne de la personne handicapée” par la Haute<br />
École Louvain en Hainaut, le 29 novembre 2010 à Gosselies.<br />
Cette journée avait pour objectifs la découverte d’outils adaptés,<br />
le partage des expériences ainsi que la volonté de faire évoluer<br />
les représentations, et s’adressait principalement aux étudiants<br />
Educateurs Spécialisés.<br />
La Régionale y a présenté les différents ateliers d’expression<br />
photographique et audiovisuelle menés depuis 2006 avec des<br />
personnes valides et/ou porteuses d’un handicap, appuyant<br />
ainsi les objectifs de valorisation et d’intégration de la personne<br />
handicapée portée par l’atelier.<br />
GSaRa Brabant wallon : 010/453.427<br />
Ce projet a bénéficié du soutien de la Ministre wallonne de la Santé, de l’Action<br />
sociale et de l’Egalité des chances et de la Ministre en Charge de la Personne<br />
handicapée de la Commission Communautaire Française.
Activités régionales<br />
ª Charleroi<br />
L’atelier mené les lundis après-midi à l’Espace Citoyen de<br />
Marchienne-au-Pont tournera une “carte de visite” de la Maison<br />
de l’Imprimerie et des Lettres de Wallonie à Thuin, tandis que<br />
l’atelier du Passage 45 se lancera dans un reportage et un microtrottoir<br />
à propos des aspects les plus critiqués de la Ville sur les<br />
plans accueil et propreté.<br />
La régionale se lance également dans une production en<br />
partenariat avec la Funoc et les syndicats à propos des<br />
réponses que leurs membres chômeurs désirent apporter aux<br />
traditionnelles critiques du citoyen adressées aux sans emplois.<br />
En pratique : explication de la technique caméra et son, contenu<br />
des images et image de soi, paraître et prendre la parole, choix<br />
des arguments et réponses aux attaques. Un travail qui s’étendra<br />
sur une quinzaine de jeudis.<br />
Au Vecteur - 20 h<br />
Rue de Marcinelle, 30 - 6000 Charleroi<br />
En partenariat avec Le Vecteur : 071/278.678 - www.vecteur.be<br />
● 23 mars<br />
CRUDE<br />
de Joe BERLINGER ( 105’ - 2009 - Canada / UsA )<br />
Ce film montre le combat des petits Davids que sont les indiens<br />
d’Amazonie, pour défendre la terre de leurs ancêtres contre<br />
les Goliaths-pollueurs que sont les sbires de Chevron/Texaco.<br />
Il s’agit de la destruction d’un mode de vie ancestral.<br />
● 20 avril<br />
Homo Toxicus<br />
de Carole POLIQUIN ( 88’ - 2008 - Canada )<br />
Il nous fera un bilan de santé terrifiant en nous sensibilisant<br />
aux tonnes de substances toxiques qui sont libérées dans<br />
l’environnement et qui s’infiltrent à notre insu dans nos corps.<br />
Une enquête inédite menée avec rigueur et humour, au point<br />
où l’on en est !!<br />
● 18 mai<br />
L’ Amérique latine<br />
à la reconquête d’elle-même<br />
de Gonzalo aRIJON ( 110’ - 2010 - France )<br />
L’Amérique latine, sous la conduite de présidents progressistes,<br />
se reconstruit après avoir été défigurée par des leaders<br />
inféodés aux USA et aux instances économiques capitalistes.<br />
Un état des lieux optimiste pour des nations qui reprennent en<br />
main leurs destins.<br />
caceac - 19 h<br />
rue Léon Bernus, 7 - 6000 Charleroi - 19h - 071 / 313.186<br />
● 19 mars<br />
Rabiatou Diallo, femmes battantes<br />
de Kesso Kassé<br />
( Radio télévision guinéenne - Coproduction CIRTEF - 26’ )<br />
En partenariat avec le CACEAC (Centre d’Assistance<br />
Culturelle aux Etudiants Africains), la régionale propose une<br />
programmation de films et d’émissions de télévisions africaines<br />
ainsi que des productions du CIRTEF (Conseil International des<br />
Radios et Télévisions d’Expression Française).<br />
evere - 19 h<br />
Maison communale d’Evere, Square Hoedemackers - 19 h 30<br />
● 8 mars : Journée internationale de la femme*<br />
Picture me<br />
de Sara Ziff et Ole Schell<br />
( 109 ‘ - 2009 - vo s-t fr.)<br />
Pendant cinq ans, le mannequin Sara Ziff (campagnes Calvin<br />
Klein, Stella McCartney et Dolce & Gabbana) a filmé les coulisses<br />
de la mode. Accompagnée de son ex petit-ami Ole Schell, elle<br />
a amassé une centaine d’heures de confessions étonnantes sur<br />
des aspects habituellement cachés des conditions de vie des<br />
mannequins : abus sexuels, anorexie, très jeune âge des modèles,<br />
argent facile... Un documentaire qui brise la loi du silence et qui<br />
dévoile tout ce que personne n’avait osé dénoncer auparavant.<br />
Film récompensé au Festival International du Film de Milan.<br />
‡ Débat : La mode, objet d’obscures séductions ?<br />
* En coordination avec les<br />
FPS (Femmes Prévoyantes<br />
Socialistes de Evere).<br />
En présence de membres<br />
des Responsible Young<br />
Designers.<br />
Le débat devrait être des<br />
plus intéressant et éclairer<br />
le public sur les tendances<br />
et l’évolution du métier de<br />
mannequin qui connaît<br />
des dessous parfois peu<br />
reluisants.<br />
GSaRa Charleroi : 071/651.945<br />
ª La Louvière<br />
La régionale de La Louvière a débuté depuis le 17 janvier une<br />
nouvelle session de préformation en tâches administratives<br />
(module 1). Nous accueillons 24 stagiaires qui bénéficieront<br />
d’un cursus de formation de six mois afin qu’ils acquièrent<br />
les compétences professionnelles et les aptitudes sociales<br />
nécessaires à la fonction d’employé administratif.<br />
En parallèle de ses activités de prestataires de services pour<br />
le Forem (initiation à l’informatique pour les peintres pylônes -<br />
chauffeurs routier et perfectionnement en informatique pour les<br />
logisticiens - niveau 1), la régionale de La Louvière a débuté,<br />
en collaboration avec le Ce.R.A.I.C., son projet F.S.E. “Ecrivain<br />
public” qui devra permettre aux personnes étrangères ou d’origine<br />
étrangère qui rencontrent des difficultés dans la rédaction de<br />
courriers ou de documents nécessaires à leur inclusion sociale<br />
et leur intégration socioprofessionnelle.<br />
Vu que certaines personnes ne maîtrisent pas entièrement<br />
les subtilités du français et ont des incompréhensions dans<br />
l’utilisation des termes adéquats, la méconnaissance des<br />
différentes institutions et de leurs fonctions sont autant de freins<br />
à une intégration rapide sur le marché de l’emploi.<br />
Ce projet “Ecrivain public” s’articule autour de deux phases<br />
distinctes :<br />
• la première s’adresse aux responsables et /ou animateurs des<br />
associations de personnes étrangères ou d’origine étrangère<br />
de la région de La Louvière et du Centre afin qu’ils maîtrisent<br />
techniquement l’informatique, la syntaxe mais aussi qu’ils aient<br />
une connaissance approfondie du paysage institutionnel belge.<br />
Au terme de cette phase, les “Ecrivains publics” seront alors à<br />
même d’accompagner les personnes étrangères ou d’origine<br />
étrangère dans la rédaction correcte de tout document.<br />
• la deuxième proposera la mise en place et l’accompagnement<br />
des personnes formées en immersion c’est-à-dire dans leur<br />
association. En effet, ces personnes pourront aider les personnes<br />
étrangères ou d’origine étrangère à favoriser leur inclusion sociale<br />
et leur intégration socioprofessionnelle.<br />
ª Bruxelles<br />
DOCS-débats au CCM - 19 h<br />
Centre Communautaire Maritime<br />
Rue Vandenboogaerde 93 - 1080 Molenbeek (Métro Ribaucourt).<br />
GSaRa Bruxelles - herve.brindel@<strong>gsara</strong>.be - 02 / <strong>21</strong>8.80.88<br />
Prochaines dates : <strong>21</strong>/03 - 11/04 - 9/05 - 6/06<br />
Les titres des films et les thématiques des débats seront<br />
communiqués sur www.<strong>gsara</strong>.be.<br />
Revue de presse (extraits) Facebook te fiche, ne t’en fiche pas<br />
5
Campagne Facebook te fiche, ne t’en fiche pas<br />
Interview de<br />
Philippe Mahoux<br />
Président du Groupe PS au Sénat<br />
Président du Conseil d’Administration du GSArA<br />
_ propos recueillis par Julie Van der Kar<br />
coordinatrice Grandes campagnes<br />
L’homme d’affaire Warren Buffet a dit : “Il faut 20<br />
ans pour construire une réputation, 5 minutes pour la<br />
détruire”. Vous plaidiez en octobre dernier pour un droit<br />
à l’oubli numérique (droit de pouvoir effacer des données<br />
répertoriées sur Internet, pour permettre à l’internaute<br />
de garder la maîtrise des données personnelles qu’il a<br />
publiées sur Internet). Qu’en est-il ?<br />
Je pense que ce débat est essentiel. Il n’est pas simple, on le<br />
sait. Il faut donc débattre. Et, d’abord, se donner les moyens,<br />
comme législateur, de maîtriser ses enjeux, de comprendre les<br />
questions techniques, sociologiques, légales.<br />
J’ai donc proposé au Sénat la création d’un groupe de travail qui<br />
abordera le thème général de la protection de la vie privée sur le<br />
net, c’est-à-dire l’usage des données perso nnelles, dont la<br />
pratique du “profilage” - la construction de votre “profil” d’usager<br />
sur base de votre comportement sur le net, les sites visités,<br />
les recherches effectuées, les médias consultés, les fenêtres<br />
publicitaires ouvertes, les mots-clés dans vos e-mails, etc. -, qui<br />
permet de vous envoyer des informations ciblées, mais aussi et<br />
surtout des propositions commerciales adaptées, informations<br />
qui ont une valeur marchande énorme, on s’en doute. Et bien<br />
entendu, sur le droit à l’oubli.<br />
Ce groupe de travail est maintenant sur pied; il va procéder<br />
à des auditions, examiner des propositions. Il rendra ses<br />
conclusions à l’été.<br />
Pourquoi circonscrire le débat au sein de la Commission<br />
“Informatique et libertés” et ne pas l’ouvrir à la société<br />
civile ?<br />
Il ne s’agit certainement pas de se couper de la société civile;<br />
comme parlementaire, notre mission, c’est d’examiner si des<br />
textes de lois sont nécessaires pour régler des problèmes de<br />
sociétés, et le cas échéant, élaborer ces textes. Et précisément<br />
parce que ce débat doit se faire en étant en connexion avec la<br />
société, les parlementaires doivent pouvoir écouter les experts,<br />
les usagers. Ce sera l’objet des auditions. Cela n’exclut pas en<br />
parallèle, ou après, si le besoin s’en faisait sentir, l’organisation<br />
d’évènements plus larges.<br />
Croyez-vous en la possibilité de créer une charte (au<br />
niveau belge, européen ou mondial) dans le but de<br />
sensibiliser et éduquer les usagers du web, de faciliter<br />
la gestion des données publiées par l’internaute<br />
lui-même, adopter des mesures spécifiques pour<br />
les mineurs,... Au vu de la relative efficacité de<br />
l’autorégulation, à quoi espérez-vous aboutir ?<br />
Je l’ai dit, je m’inscris dans une optique législative. Notre rôle de<br />
parlementaire n’est pas d’élaborer des chartes. Nous édictons<br />
des lois, qui sont des règles partagées fondant la vie en société.<br />
La question est sans doute : une loi nationale doit-elle, peut-elle,<br />
régler la question du respect de la vie privée sur internet ? Je<br />
pense qu’il n’y a pas une réponse univoque. Certaines choses<br />
doivent être strictement délimitées par une loi; pour prendre<br />
un exemple : on ne peut diffuser les informations personnelles<br />
concernant la santé d’une personne qu’aux personnes et<br />
institutions directement concernées, visées par la loi (et ses<br />
mesures d’exécution). La loi (au sens général donc) doit indiquer<br />
clairement ses limites, indiquer les modalités de transfert possible<br />
entre personnes désignées. Cette loi existe. On peut la faire<br />
valoir devant les tribunaux ordinaires, mais on a créé en plus<br />
chez nous, comme dans la plupart des pays démocratiques, une<br />
haute autorité de surveillance de ces domaines : la commission<br />
de protection de la vie privée. Ces instances, les régulateurs,<br />
peuvent agir au-delà de la stricte application des textes : elles<br />
communiquent au niveau international, et tentent de fixer des<br />
normes d’application uniformes, des standards, dans le monde<br />
entier. C’est évidemment nécessaire vu le caractère mondialisé<br />
du réseau dont nous parlons. Ces standards peuvent être<br />
adoptés volontairement par un ensemble d’acteurs, formant<br />
une charte. a un niveau contraignant supérieur, des conventions<br />
internationales donnent un effet obligatoire à certains de ses<br />
principes. a cet égard, il faut que l’Union Européenne soit aussi un<br />
“ C’est<br />
en débat<br />
Le droit<br />
à l’oubli<br />
en cela qu’intervient<br />
l’idée de droit à l’oubli :<br />
donner les moyens de<br />
la marche arrière, du<br />
changement d’avis.<br />
”<br />
acteur important et efficace de la réglementation de ces pratiques,<br />
car il y a plus de sens à le faire, au niveau européen qu’au niveau<br />
national, même si je pense que le législateur national a encore un<br />
rôle à jouer en la matière pour protéger l’individu.<br />
Cela dit, il faut aussi que chacun soit conscient qu’aucun<br />
réseau ne sera jamais parfaitement inviolable. Et donc que si<br />
des lois, des conventions internationales peuvent encadrer la<br />
transmission d’informations sur le net, l’efficacité de ces règles<br />
sera limitée par les possibilités de protection techniques. Et qu’il<br />
y a un risque, pour toute information mise en ligne, quel que soit<br />
son statut, d’être un jour connue par quelqu’un qui n’avait pas<br />
à la connaître, voire rendue publique. Et cela peut-être pas du<br />
fait volontaire d’un acteur légitime de l’internet, mais aussi de la<br />
part d’un hacker. La violation de réseau est une infraction, qu’il<br />
faut condamner. Mais il faut être conscient de son existence<br />
quand on réfléchit, comme individu, comme instance publique<br />
ou privée détentrice de fichiers de données personnelles ou<br />
comme législateur, à la mise d’informations en ligne.<br />
L’Union européenne veut également davantage<br />
protéger les données personnelles des internautes.<br />
Dans le même temps, la Commission européenne<br />
négocie l’accord multilatéral ACTA, qui autorise aux<br />
fournisseurs d’accès de transmettre directement des<br />
données personnelles de leurs abonnés aux industries<br />
du divertissement. Etrange paradoxe. Croyez-vous qu’à<br />
l’avenir la défense des droits et libertés des citoyens<br />
sur Internet prévaudra sur les modèles économiques ?<br />
C’est indispensable. Et je ne pourrais me résoudre à accepter<br />
l’inverse. Mais ce qui est sûr c’est que les questions vont<br />
se complexifier, notamment du fait même des actions des<br />
individus, dont certains sont acteurs volontaires de la diffusion<br />
des informations personnelles qui les concernent sur Internet.<br />
Les uns par inconscience des conséquences potentielles, les<br />
autres selon une forme d’idéologie, de la transparence ou de<br />
l’existence virtuelle...<br />
La notion de vie privée n’est-elle pas désuète ? Vouloir<br />
à tout prix protéger les données sur les réseaux<br />
sociaux et respecter la vie privée n’est-il pas un combat<br />
d’arrière-garde au regard de la mise à nu volontaire des<br />
internautes, surtout des jeunes appelés la “génération<br />
des transparents” ?<br />
Certainement pas. Le concept de la vie privée protège l’individu.<br />
Il lui assure la protection contre l’intrusion (l’intrusion des autres,<br />
de l’autorité) dans la sphère qui constitue sa personnalité. Que<br />
quelqu’un - qu’une génération - veuille faire connaître autrement<br />
certains éléments de sa personnalité est éminemment<br />
acceptable. Ça ne remet pas en cause le principe de base : la<br />
vie privée doit être protégée de l’intrusion non consentie. Il ne<br />
me semble d’ailleurs pas que quiconque, parmi ceux que vous<br />
appelez “les transparents” veulent se retrouver “nu” devant tous,<br />
déshabillé du moindre attribut contre son plein gré. Ce que font<br />
les internautes qui le désirent, c’est dévoiler, volontairement,<br />
des pans de leur vie privée. Des pans importants, peut-être, des<br />
pans qu’il y a 50 ans on aurait considérés comme totalement<br />
“inmontrables”, sans doute. Mais ils ne décident pas de se<br />
livrer à jamais et sans limite à la curiosité insatiable du net. Et<br />
s’ils voulaient le faire, je pense fondamentalement qu’il faudrait<br />
leur interdire de poser tout acte définitif, d’annihiler leur libre<br />
arbitre, pour le présent comme pour l’avenir. C’est en cela<br />
qu’intervient l’idée de droit à l’oubli : donner les moyens de la<br />
marche arrière, du changement d’avis. Cela ne doit pas être un<br />
droit absolu. C’est une question qui ne doit pas s’opposer à la<br />
vérité historique, au droit à l’archivage du passé. Mais c’est une<br />
formalité qui doit rendre aisée la modification - et la suppression<br />
de données privées diffusées sur le net à un moment donné,<br />
même volontairement.<br />
A l’heure de la transparence, que pensez-vous de<br />
Wikileaks en tant que sénateur ? Pour citer Caroline<br />
Fourest (essayiste et journaliste) “La transparence sans<br />
responsabilité mène au totalitarisme. La responsabilité<br />
sans transparence asphyxie la démocratie”. Où vous<br />
situez-vous par rapport à ce débat qui fait rage entre<br />
apôtres de la transparence absolue et partisans du<br />
secret ?<br />
Je ne sais pas si parce que l’échelle a changé, nous devons<br />
penser différemment. De tout temps, des informations ont été<br />
tenues secrètes pour de mauvaises comme pour de bonnes
aisons. De tout temps, des secrets ont été divulgués. Quand<br />
je dis que l’échelle a changé, c’est en observant qu’aujourd’hui,<br />
ce sont des dizaines de milliers de petits et de grands secrets<br />
qui peuvent être divulgués à la terre entière presqu’en un<br />
instant. Notons que si c’est possible, par exemple dans le<br />
cas des câbles diplomatiques américains, c’est parce que ces<br />
énormes quantités de matières “sensibles” ont été rassemblées<br />
en un seul lieu virtuel, manifestement mal protégé par l’autorité<br />
victime de leur diffusion. avant le temps des réseaux, il était<br />
très improbable qu’une seule source puisse avoir accès à une<br />
telle masse de documents.<br />
Sur le fond de votre question, je pense que quelques principes<br />
restent valables : 1. Le secret est rarement la garantie<br />
de pratiques démocratiques 2. La transparence absolue<br />
permanente est une dictature. Ce qu’il faut, ce sont des balises,<br />
posées après un débat démocratique. Quand un état décide<br />
de maintenir des informations secrètes, il faut que les raisons<br />
de ce secret puissent être débattues démocratiquement, en<br />
connaissance de cause quant aux types d’information que l’on<br />
se propose de “classer” secrètes. Et il faut que les institutions<br />
démocratiques aient les moyens de vérifier que personne, au<br />
sein du système d’Etat, n’abuse de cette possibilité.<br />
Quant à l’organisme qui diffuse ces secrets, Wikileaks :<br />
je dirais que comme démocrate, je préfère que ce type<br />
d’organisme puisse exister plutôt que de se voir interdit, même<br />
si je n’approuve pas forcément toutes les déclarations du<br />
fondateur de ce site. Si je suis favorable à la circulation de<br />
l’information, je pense qu’il est préférable que ces informations<br />
soient diffusées à travers la presse internationale, qui peut<br />
alors effectuer un travail de vérification et de contextualisation<br />
des informations propre au travail - et aux responsabilités - des<br />
journaliste, plutôt que rendues publiques en “vrac”.<br />
Comment envisagez-vous l’avenir en terme du droit<br />
à l’oubli alors que Gordon Bell et Jim Gemmell,<br />
mènent depuis une dizaine d’années des recherches,<br />
soutenues par Microsoft, sur des projets d’e-mémoire<br />
comme MyLifeBits (littéralement “Mes bouts de<br />
vie”) ? Un corpus d’information (y compris des<br />
données médicales et émotionnelles en temps réel)<br />
qui serait accessible en permanence, où que l’on soit<br />
dans le monde. Les auteurs y voient la possibilité<br />
pour nos descendants de pouvoir à terme “explorer”<br />
notre vie, pourquoi pas via le biais d’un avatar nous<br />
représentant, et ainsi nous permettre d’accéder à une<br />
sorte d’”immortalité numérique”.<br />
a titre personnel, je me méfie de tous les fantasmes<br />
d’immortalité, et j’avoue que je m’interroge sur cette volonté<br />
de “laisser trace de tout” (ou presque). Mais la question n’est<br />
pas de savoir si on peut le faire ou pas. Si on le désire, on le<br />
peut. Mais ce qui est capital, ce qui est l’objet de mon attention,<br />
c’est de garantir l’effectivité du changement d’avis. Et je crains<br />
que si les législateurs nationaux et supra-nationaux ne l’exigent<br />
pas, on accorde beaucoup plus d’importance à la collecte<br />
effrénée de l’information qu’aux possibilités de suppression<br />
des éléments qui appartiennent sans conteste à l’individu.<br />
Misez-vous sur l’éducation aux médias ? Que pensezvous<br />
(en toute franchise) d’une démarche telle que la<br />
campagne de sensibilisation “Facebook te fiche, ne<br />
t’en fiche pas” menée par le GSARA ?<br />
L’éducation est prioritaire. La démarche du GSaRa est<br />
essentielle, mais ce n’est pas méprisant de dire qu’elle<br />
n’est pas, à elle seule, suffisante. D’autres campagnes sont<br />
nécessaires pour attirer l’attention de tous les citoyens. Mais<br />
c’est à l’école que revient le rôle central dans cette éducation.<br />
Il est évident que nos vies de citoyen et d’hommes seront de<br />
plus en plus “connectées”. L’école doit donc éduquer de futurs<br />
citoyens “numériques” responsables, maîtres d’eux-mêmes<br />
et de leur image. C’est un défi très difficile, qui demande bien<br />
entendu que les professeurs soient aidés pour maîtriser les<br />
concepts en jeu. Mais c’est capital. ■<br />
Internet renforce-t-il l’appareil démocratique ?<br />
Depuis l’adoption massive d’Internet par les ménages, la vision<br />
d’un appareil consultatif agrandi et simplifié a naturellement<br />
germé. Augmenté des outils 2.0, Internet pourrait être un espace<br />
public élargi, où tout un chacun participerait au processus<br />
démocratique délocalisé sur la toile. Force est de constater<br />
que cet “espace public politique” n’existe pas - encore ? - sur<br />
internet. Les débats se déroulent de plus en plus massivement<br />
sur la toile dans une multitude d’espaces accessibles à chacun,<br />
certes. Mais on ne peut pas dire que l’appareil démocratique<br />
s’y soit transposé : les prises de décisions ou la rédaction des<br />
législations ne se font pas de façon massivement collaborative<br />
par les citoyens unanimement branchés dans un espace<br />
public simplifié, sécurisé, économique et réactif. Bien que cette<br />
possibilité soit techniquement possible, son accomplissement<br />
induirait une volonté politique forte de transfert des pouvoirs vers<br />
les masses connectées et une perte d’influence de la classe<br />
politique incarnée. Et pour aller au-delà des quelques timides<br />
mesures d’un gouvernement 2.0, les initiatives ne se bousculent<br />
pas au portillon. C’est très certainement mieux ainsi.<br />
Comme nous l’évoquions dans le <strong>Causes</strong> toujours précédent<br />
(<strong>n°</strong>20), nos hommes politiques ont relativement peu utilisé le<br />
cyberespace autrement que comme une vitrine. Dans d’autres<br />
pays (Tunisie, Égypte, Iran, par exemple) on a vu le pouvoir<br />
investir bien plus de moyens dans le façonnage du net-paysage<br />
national ! Que ce soit par la censure imposée ou par la création de<br />
“clusters de recherche” ou par l’entretien de “faux bloggers” payés<br />
pour répandre le credo officiel. S’agissant d’Internet, le pouvoir ne<br />
réagit que lorsque les enjeux menacent la “bonne marche” des<br />
affaires courantes au sein de la société civile qu’ils administrent<br />
ou à la demande du monde entrepreneurial. Finalement, peu<br />
de choses sont envisagées par la classe politique afin se servir<br />
d’internet comme outil de (bonne) gouvernance.<br />
C’est donc la société civile des internautes qui s’est massivement<br />
projetée politiquement sur la toile. Outre cette société civile et ses<br />
représentants , un troisième “acteur” tient un rôle primordial : il<br />
s’agit bien sûr de l’omniprésent “partenaire commercial” dont ni le<br />
peuple ni l’État ne sauraient s’émanciper. Le dynamisme présent<br />
dans l’”espace public internet” (notion restant fondamentalement<br />
à définir) est rendu possible par ces incessants échanges avec<br />
ce “partenaire commercial”.<br />
Ainsi, l’absence d’un cyberespace public assumé et sécurisé<br />
par les Etats et les citoyens pour débattre de la gestion de la<br />
cité, relègue le débat démocratique dans les tortueux tunnels<br />
de l’Internet (libre !) et aux anciens schémas de l’activisme et<br />
de la lutte politique : campagnes de sensibilisation, pétitions,<br />
distribution massive de courriels, etc.<br />
Prise entre deux époques, cette idée d’une super-agora grecque<br />
améliorée et transparente, aussi utopique qu’elle puisse paraître,<br />
sous-tend pourtant massivement le concept d’Internet libre tel<br />
que défendu par beaucoup aujourd’hui. Mais sous un autre angle,<br />
on voit très bien comment un espace numérique, principalement<br />
contrôlé par les États, pourrait être liberticide.<br />
Alors un espace public et politique affranchi des contingences<br />
économiques et privées est-il souhaitable ?<br />
Système représentatif mis à mal<br />
D’une part, on constate ces derniers mois une radicalisation des<br />
positions et une critique de plus en plus palpable des citoyens envers<br />
les appareils étatiques : depuis le précédent numéro du <strong>Causes</strong><br />
toujours, les Wikileaks, Anonymous et les manifestations organisées<br />
depuis facebook, ont fortement rythmé l’agenda politique.<br />
Regards sur le mé dia<br />
Le cas Wikileaks fera sans doute date dans l’Histoire de nos<br />
sociétés de l’information. Cherchant à pousser les États dans<br />
leurs contradictions, Jullian Assange, en bon anarchiste, a publié<br />
une quantité indigeste d’informations concernant ces États. Il l’a<br />
fait par le sacro-saint canal de la liberté d’information (un des<br />
piliers théoriques des démocraties visées) et prenant la posture<br />
du journaliste d’investigation. Répandant ainsi l’idée que les<br />
gouvernements des pays dits démocratiques ont des méthodes<br />
de gouvernance carrément contestables. Le mode de diffusion<br />
original, “sous le manteau” pourrait-on dire, de ces “fuites du<br />
système” accrédite ainsi en quelque sorte la théorie paranoïaque<br />
du grand complot des États et fait planer le doute qui, via l’internet<br />
notamment, va s’infiltrer, courir de forums en chats publics<br />
et dégrader la confiance qui lie le citoyen à son système de<br />
représentation. Ce Cables-Gate aura eu la particularité d’être un<br />
acte fort politiquement; un acte stratégique et intimement lié à son<br />
idéal de libre circulation de l’information typique d’ internet.<br />
Guerre d’influences, infowar<br />
Internet et Politique # 2<br />
_ Bernard Fostier, coordinateur pédagogique<br />
Quel espace public sur internet<br />
et quelles tendances politiques ?<br />
En réaction, les Etats-Unis ont décidé d’adopter une attitude de<br />
déni et de provocation avec l’accord silencieux des autres États,<br />
optant pour des solutions répressives et stigmatisantes au lieu<br />
de prendre en compte le problème dans sa globalité. Derrière<br />
son clavier, l’internaute observe et compte les points pendant<br />
un temps. Bien sûr les câbles lui ont rappelé que les Etats ont<br />
quelques cadavres dans le placard diplomatique, mais, dans<br />
ce grand mouvement de contre-attaque du pouvoir politique,<br />
il a surtout constaté que certaines entreprises commerciales<br />
emblématiques ont très vite fait corps avec le pouvoir, brisant le<br />
partenariat qui le liait à leur client (Amazon lâche l’hébergement<br />
de Wikileaks, Paypal lui coupe les vivres, ...). (La réaction des<br />
internautes fut #operation_payback)<br />
Pour l’internaute européen, c’est encore de ces grosses entreprises<br />
(symboles d’une économie mondialisée) alliée à un Etat répressif<br />
qu’il s’agit lorsque l’on parle de le brider dans sa consommation<br />
culturelle et d’adopter des outils de filtrages (hadopi, copyright<br />
renforcé, acta, deep-packet inspection, etc. *). Ces solutions qui<br />
visent à contrôler et à brider l’internet (notamment) ne font que<br />
renforcer cette image d’un Etat-voyou qui se fourbit des armes<br />
pour agir contre sa population même.<br />
Dans la foulée de ce Wiki-Noël, les internautes constatent<br />
simultanément qu’internet est un outil de mobilisation incroyable.<br />
La masse fait désormais la force face à un adversaire étatique<br />
considéré comme mal-faisant (et ce, même s’il est appuyé dans<br />
sa démarche par de puissants lobbys). Contournement de la<br />
censure tunisienne (#opTunisia) , blocage des installations<br />
égyptiennes (réseau 56k offert par l’opérateur FDN), les centaines<br />
de mirorleaks** copiés chez les particuliers, ...<br />
Au nom de la liberté individuelle ou de la liberté d’information, le<br />
citoyen enthousiaste rejoint les légions d’anonymes pour défendre un<br />
internet libre et neutre, une société moins sécurisée et contrôlée.<br />
Modèle collaboratif ou le modèle économique classique<br />
mis à mal<br />
D’autre part, on l’a vu, le “partenaire commercial” n’est pas<br />
toujours enclin à encourager l’internet libre que désire le citoyeninternaute.<br />
Cet internet-là suppose un flux libre pour les données<br />
et un partage maximum de celles-ci. Ce conflit-là est en cours<br />
depuis un bout de temps (souvenez-vous du rachat de Napster<br />
en 2001). Sur ce terrain-là , le “partenaire politique” est très<br />
attendu de part et d’autre afin d’arbitrer loyalement le différent.<br />
En attendant , les individus ne se sont pas croisé les bras et,<br />
via internet, on assiste à l’émergence d’un modèle économique<br />
‡<br />
7
Ê<br />
nouveau, un modèle collaboratif et partagé : celui de l’encyclopédie Wikipédia et celui des logiciels libres. Nés<br />
avec et grâce à l’Internet, ce mode de production utilise le travail bénévole de chacun désirant s’investir et<br />
contribuer à l’élaboration de produits compétitifs et gratuits. Sous des formats ouverts et toujours perfectibles (à<br />
l’opposé d’un produit commercial classique protégé par un copyright dont seule l’entreprise propriétaire dispose),<br />
ce travail collaboratif porte ses fruits : aujourd’hui plus de la moitié de l’Europe surfe avec Firefox, de plus en<br />
plus d’administration et de sociétés privées passent sous Linux, les dernières séries à la mode sont gratuites et<br />
se passent de diffuseurs télévisuels. Qui irait encore payer pour une encyclopédie papier ? Dès aujourd’hui, on<br />
peut acquérir une imprimante 3D qui “coule” des objets usuels dont le plan3D peut-être téléchargé gratuitement !<br />
(Si vous êtes fabricants de porte-manteaux, de coquetiers, ou d’autres objets usuels simples, il y a du souci à<br />
se faire ! )<br />
Bien entendu, cet altruisme fait grincer des dents. Et l’on aurait peur de voir le phénomène s’étendre à la vraie<br />
vie (sic)! Cette méthode de travail collaboratif, si singulière au monde de l’internet, est même usitée dorénavant<br />
pour poser des actes politiques tels que les déclarations d’intentions du groupe Anonymous qui se rédigent /<br />
corrigent très rapidement et via le clavier de dizaines d’auteurs simultanément.<br />
Les modèles d’organisation et de partage des connaissances comme Wikipédia mènent tout droit à une économie<br />
de la contribution et de la gratuité. Et ce patrimoine commun qui se veut hors commerce réclame une reconnaissance<br />
et un environnement ouvert pour se développer, hors de portée des stratégies commerciales ou politiques.<br />
Ainsi donc, ce qu’est l’espace public, le bien commun de la société aujourd’hui sur internet, est en passe de se<br />
transformer et de devenir un véritable enjeu politique, économique et sociétal.<br />
Ce qui fait la force, c’est le nombre et l’ouverture ! ■<br />
Dans le prochain numéro de <strong>Causes</strong> toujours : Quels ponts sont envisageables entre le politique et les enjeux<br />
colossaux nés de la croissance d’ internet ?<br />
* in <strong>Causes</strong> toujours <strong>n°</strong>20<br />
** copies-miroir du site wikileaks sur des serveurs privés<br />
Festival<br />
FILMER A TOUT PRIX<br />
14 ème édition - 11 > 16 Novembre 2011 - Flagey<br />
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Marc Charlier, Valérie Crucq, Monique Deveen, Bernard Fostier, Régine Langsner, Roland Schulte, Julie van der Kar<br />
l Relecture Karine Morales l Graphisme Marc Charlier<br />
l Couverture Photo : Les grèves à Liège durant la Question Royale (1950) - © Province de Liège - Musée de la Vie wallonne.<br />
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Bourgoignie • André Ceuterick • Benoît Delbeque • Valérie Déom • Etienne<br />
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