Editorial Lettre en Santé Publique Bucco- Dentaire - aspbd
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Les hypoplasies linéaires de l’émail<br />
d<strong>en</strong>taire dans les populations anci<strong>en</strong>nes.<br />
Djillali Hadjouis<br />
Au cours de la calcification de l’émail, un trouble du<br />
stade formatif intervi<strong>en</strong>t à une strie de Retzius et<br />
empêche la formation de l’émail. Les améloblastes,<br />
qui habituellem<strong>en</strong>t sécrèt<strong>en</strong>t des protéines sont<br />
détruits et ne peuv<strong>en</strong>t plus repr<strong>en</strong>dre leur processus.<br />
Cet arrêt causé par un phénomène de stress va<br />
développer une hypoplasie linéaire sous forme de<br />
stries ou bandes horizontales plus ou moins larges.<br />
La reprise de la formation de l’émail ne se fera que<br />
par l’intermédiaire de nouveaux améloblastes. Ainsi<br />
trois à quatre épisodes d’arrêt de croissance se<br />
manifesteront sous l’effet d’un certain nombre<br />
d’affections ou de stress. De cause surtout générale,<br />
l’atteinte hypoplasique de l’émail se r<strong>en</strong>contre le plus<br />
souv<strong>en</strong>t lors des maladies de la petite <strong>en</strong>fance, des<br />
car<strong>en</strong>ces alim<strong>en</strong>taires et nutritionnelles ou des<br />
maladies infectieuses. C’est donc un indice de santé<br />
de l’<strong>en</strong>fant.<br />
Par ailleurs, il est à souligner que les hypoplasies<br />
linéaires de l’émail d<strong>en</strong>taire (HLED), anomalies du<br />
développem<strong>en</strong>t, sont à dissocier des autre<br />
hypoplasies génétiques et infectieuses. En effet,<br />
l’altération de la structure de l’émail d<strong>en</strong>taire se<br />
manifeste égalem<strong>en</strong>t dans les troubles de<br />
l’amélog<strong>en</strong>èse (hypoplasie de l’émail néonatal), de<br />
l’aménog<strong>en</strong>èse imparfaite, de la d<strong>en</strong>tinog<strong>en</strong>èse<br />
imparfaite ou de l’épidermolyse bulleuse<br />
dystrophique (hypoplasie piquetée généralisée de<br />
l’émail). Généralem<strong>en</strong>t les différ<strong>en</strong>ts types<br />
d’amélog<strong>en</strong>èse imparfaite notamm<strong>en</strong>t le type<br />
hypoplasique à piquetage randomisé et localisé se<br />
transmet selon le mode autosomique dominant.<br />
De même que les d<strong>en</strong>ts syphilitiques (d<strong>en</strong>ts<br />
d’Hutchinson) développ<strong>en</strong>t des hypoplasies de<br />
l’émail des incisives définitives d’Hutchinson<br />
r<strong>en</strong>contrées lors de la syphilis congénitale tardive.<br />
Les populations atteintes de rachitisme vitaminorésistant<br />
ou phosphocalcique développ<strong>en</strong>t le plus<br />
souv<strong>en</strong>t ces bandes transversales sur la couronne de<br />
la d<strong>en</strong>t. En effet, la corrélation <strong>en</strong>tre une car<strong>en</strong>ce<br />
vitaminique (rachitisme) et les hypoplasies linéaires<br />
de l’émail est connue depuis longtemps (Grahn<strong>en</strong> et<br />
Selander 1954) et plusieurs travaux ont été<br />
consacrés à ce g<strong>en</strong>re d’études.<br />
Les nécropoles médiévales fouillées dans le<br />
départem<strong>en</strong>t du Val de Marne ont livré plusieurs<br />
c<strong>en</strong>taines de squelettes de tous âges qui permett<strong>en</strong>t<br />
une reconstitution paléodémographique,<br />
paléoépidémiologique et paléocar<strong>en</strong>tielle.<br />
Ainsi dans la population funéraire de l’église Sainte<br />
Colombe de Chevilly Larue 12,7% prés<strong>en</strong>te des<br />
hypoplasies linéaires de l‘émail. La répartition est<br />
plus importante dans les blocs incisivo-canin (51,1%)<br />
et prémolaire (39,06%) (Hadjouis, 1999).<br />
Dans un site plus réc<strong>en</strong>t datant du XVIIème siècle,<br />
un temple et son cimetière protestant fur<strong>en</strong>t fouillés<br />
<strong>en</strong> 2005 à Saint-Maurice. La fouille de sauvetage<br />
(INRAP <strong>en</strong> collaboration avec le laboratoire<br />
départem<strong>en</strong>tal d’Archéologie du Val de Marne) a mis<br />
<strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce les vestiges du plus important temple de<br />
la communauté hugu<strong>en</strong>ote dans le royaume de<br />
France (temple de char<strong>en</strong>ton). Le cimetière att<strong>en</strong>ant<br />
était situé à l’emplacem<strong>en</strong>t des serres de l’hôpital<br />
Esquirol (Hadjouis, 2008). Sur les 165 squelettes<br />
exhumés, 70% prés<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t des lésions de<br />
rachitisme et d’ostéomalacie (Hadjouis, 2006).<br />
Consci<strong>en</strong>t de l’importance de ces lésions sur une<br />
bonne partie de la population, un sujet de thèse a été<br />
proposé et sout<strong>en</strong>u à la faculté de Chirurgie d<strong>en</strong>taire<br />
de Montrouge (Paris 5) portant sur l’év<strong>en</strong>tuelle<br />
relation qui pourrait exister <strong>en</strong>tre les hypoplasies<br />
linéaires de l’émail d<strong>en</strong>taire et les lignes de Harris sur<br />
les tibias (Amar, 2008).<br />
Comme sur les couronnes d<strong>en</strong>taires, les lignes de<br />
Harris se prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t sous la forme de lignes<br />
transversales radio-opaques, formées au niveau des<br />
métaphyses des os longs sur des individus stressés<br />
(Harris, 1926, 1931). Là aussi des études<br />
paléopathologiques de populations anci<strong>en</strong>nes se<br />
sont basées sur la quantification des lignes de Harris<br />
pour connaître les états sanitaires à différ<strong>en</strong>tes<br />
périodes (Mc-H<strong>en</strong>ry, 1968) ; Heim et Licht<strong>en</strong>berg,<br />
2000).<br />
La confrontation de ces deux types de lésions dans<br />
la population de Saint Maurice ne fait pas ressortir<br />
une corrélation significative. Tous les individus<br />
porteurs de lignes de Harris ont des hypoplasies<br />
linéaires de l’émail d<strong>en</strong>taire (à l’exception d’un<br />
individu <strong>en</strong> d<strong>en</strong>ture temporaire). Tous les individus<br />
porteurs d’hypoplasies linéaires de l’émail d<strong>en</strong>taire<br />
(61%) n’ont pas forcém<strong>en</strong>t de lignes de Harris.<br />
Cep<strong>en</strong>dant on peut noter que les canines<br />
mandibulaires sont les d<strong>en</strong>ts les plus touchées par<br />
l’hypoplasie linéaire de l’émail d<strong>en</strong>taire (84,14%),<br />
elles sont suivies par les canines (64,28%), les<br />
incisives c<strong>en</strong>trales (42,85%) et latérales du maxillaire<br />
(28,47%) puis les premières de la mandibule<br />
(29,92%), <strong>en</strong>fin celles du maxillaire (29,63%) (Amar<br />
et Hadjouis, 2008). Alors que les tibias touchés par<br />
les lignes de Harris représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t à peine 20%. La<br />
faible préval<strong>en</strong>ce des lignes de Harris peut<br />
s’expliquer par des individus ayant succombé avant<br />
de développer les séquelles de stress.