Gouvernance de la RNICS, redécoupage territorial et ... - Icid 2010

Abstract
Gouvernance de la RNICS, redécoupage territorial et schémas d’aménagement
Silmang DIOUF, Géographe, IPAR 1
Papa FAYE, Sociologue, IPAR/ISM 2 ,
Cheikh Oumar BA, Socio-anthropologue, IPAR
Le Bassin Versant de la Somone polarise des intérêts touristiques, miniers, de conservation
de la nature et de décentralisation. Des initiatives locales tentent de préserver les ressources
naturelles. Mais, l’État sénégalais n’a suffisamment ni pris en compte ces initiatives ni évalué
les conséquences locales de son schéma d’aménagement du territoire. Ainsi, en 2008 une
nouvelle commune à été crée qui inclue dans son territoire une bonne partie de la réserve
de la communauté rurale de Somone. Ce redécoupage administratif et territorial pose des
problèmes de gouvernance foncière entre les deux collectivités locales (CL): de gestion
administrative et juridique de la Réserve Naturelle d’Intérêt Communautaire de la Somone
(RNICS), gestion financière relative à la répartition des recettes. Si la RNICS était et demeure
la meilleure initiative locale de conservation des ressources forestières dans le BVS, le
redécoupage territorial fondé sur des calculs électoralistes ainsi que la vocation industrielle
et minière affectée à la zone constituent des facteurs de blocage réels. En effet, à la suite
d’une rencontre entre le maire de la nouvelle Commune de Somone et le comité de gestion
de la RNICS, le décret municipal qui vient d’être signé cette semaine et portant redéfinition
des conditions de gestion de la réserve et répartition des recettes, annonce nettement un
conflit ouvert entre d’une part les deux CL et d’autre part le comité de gestion et la Comune
de Somone.
Mots clés : RNICS, redécoupage administratif et territorial, aménagement, Etat, collectivités locales,
gestion des ressources naturelles.
1 www.ipar.sn
2 www.ism.sn
1

Liste des sigles et abréviations :
ACCES : Action concertée pour la citoyenneté, l’Entr’aide et la Solidarité
AOF : Afrique Occidentale Française
BVS : Bassin Versant de la Somone
CIV : Comité inter-villageois
CL : Collectivité Locale
COPRONAT : Collectif des GIE des Femmes pour la protection de la nature et du
développement durable
CR : Communauté rurale/Conseil rural
DPN : Direction des parcs nationaux
GIE : Groupement d’intérêt Economique
GIRMAC : Gestion Intégrée des Ressources Maritimes et Côtières
GRN – RN : Gestion des Ressources Naturelles – Ressources Naturelles
ONG : Organisation Non Gouvernementale
IPAR : Initiative prospective agricole et rurale
ISM : Institut supérieur de management
RFPPN : Regroupement des Femmes de Popenguine pour la Protection de la Nature
RNICS : Réserve Naturelle d’intérêt Communautaire de Somone
RNP : Réserve Naturelle de Popenguine
SAPCO : Société d’aménagement et de promotion des côtes et des zones touristiques du
Sénégal
2

Introduction
La sécheresse du début des années 1970 a contribué à une forte dégradation des ressources
naturelles dans les pays sahéliens et soudano-sahéliens. Elle s’est traduite par une diminution
et une irrégularité de la pluviométrie. La disponibilité des ressources naturelles s’est
considérablement amoindrie, modifiant fortement les modes de vie en milieu rural.
La pression sur les ressources naturelles s’est accrue considérablement, du fait des facteurs
naturels (érosion éolienne et hydrique) et des facteurs anthropiques relatifs à la compétition
sur la gestion des ressources naturelles. Les ressources végétales, qui font l’objet d’une
exploitation intensive, sont les plus affectées par ce phénomène. Le sol perd ses valeurs
nutritives, sous l’effet de l’érosion essentiellement hydrique due aux ruissellements, et la
végétation. La raréfaction des points d’eau, hypothéque, à la fois les activités culturales et
pastorales, ainsi que la régénération naturelle.
La dégradation accélérée des écosystèmes, combinée aux contre performances agro-sylvopastorales
de ces dernières décennies 3 a amené les autorités à adopter des politiques de
protection et de conservation des ressources naturelles. Plusieurs lois et textes réglementaires
sont élaborés par les pouvoirs publics 4 . Ces instruments juridiques cohabitent souvent avec
des systèmes traditionnels et coutumiers de gestion des ressources. Cette nouvelle dynamique
qui met en jeu l’implication des populations et des autres acteurs, à toutes les étapes du
processus de développement, voudrait que le choix des objectifs de développement et la
recherche de solutions aux problèmes du milieu se fassent non seulement en tenant compte
des atouts, défis et obstacles mais également en s’appuyant sur les ressources dont dispose la
localité.
Dans l’esprit de la décentralisation, le développement durable est considéré comme une
gestion rationnelle des affaires publiques locales, garantissant les principes démocratiques
dans le jeu des pouvoirs. Les conceptions proposées sont diverses et tentent de concilier les
sphères environnementales, économiques et sociales. Le choix des pouvoirs publics, à travers
les différentes réformes, s’appuie surtout sur des enjeux politiques, à travers la gestion
optimale des ressources, le renforcement de la démocratie et de la « bonne gouvernance » à
l’échelle locale. Or, le développement d’une communauté locale obéit à une logique de
polarisation de son espace, c'est-à-dire la création de conditions pouvant garantir la
satisfaction durable des besoins des populations vivant au sein de cet espace. D’où
l’importance de prendre en compte les dimensions sociopolitiques et environnementales lors
de l’élaboration de nouvelles politiques de développement.
Dans le bassin versant de la Somone (BVS), l’Etat est très présent dans la gestion des
ressources et potentialités. Ce dynamisme a été renforcé par les politiques de décentralisation,
en vigueur au Sénégal depuis la période coloniale. Celles-ci ont été fortement approfondies en
1996 avec la création des collectivités locales comme entités administratives et juridiques
autonomes ainsi que par la régionalisation 5 . Cette option consacre la forte implication des
populations dans le choix des priorités de développement local. Avec le transfert de neuf
3 Sécheresse, désertification et crise économique 1970-­‐2000
4 ENDA-­‐GRAF et IPAR, 2009-­‐2010. Rapport sur l’état des lieux du cadre juridique et institutionnel de la GRN du Sénégal. Ce
document fait une revue ciblée des plusieurs textes de lois : la loi sur le domaine national de 1964, les codes de l’eau, de
l’environnement, de la forêt, de la pêche, etc.
5 Les collectivités locales jouissent d’une libre administration et d’une gestion financière autonomie, Loi 96-­‐06 du 22 mars
1996 portant Code des collectivités locales. En plus, la loi fondamentale nationale en son l’article 102, constitutionnalise
cette autonomie administrative des collectivités locales.
3

domaines de compétences, dont le secteur de l’environnement et de la GRN 6 , les collectivités
locales deviennent un acteur clé dans la promotion de la gouvernance des ressources locales et
du développement durable.
La politique de gestion des ressources naturelles du BVS s’est traduite par la protection et la
conservation des espaces environnementaux, à travers la création d’aires protégées : forêt
classée de Bandia en 1933 et réserve naturelle de Popenguine depuis 1986. La gouvernance de
ces aires protégées est assurée par le Ministère en charge de l’environnement, à travers sa
direction des eaux et foret et la direction des parcs nationaux. La législation de la conservation
est encadrée par des dispositions légales et institutionnelles (lois et règlements). Des agents
des eaux et forêts et ceux des parcs nationaux assurent la protection et la conservation des
écosystèmes sur la base des dispositions du code forestier et du code de l’environnement.
Le but de cet article est de décrire les contradictions entre les choix locaux et les politiques
nationales en matière d’aménagement du territoire d’une part et les oppositions entre les choix
de l’Etat eux-mêmes : volonté de conservation et affectations récurrentes des zones à
conserver à d’autres fins. Il a pour ambition aussi de montrer comment les politiques
politiciennes, notamment les calculs électoralistes, peuvent se mettre en faux contre des
initiatives locales et apolitiques d’utilité publique.
Les données qui sont présentées et analysées ici ont été recueillies dans le BVS et
spécifiquement dans les villages parties prenantes à la Réserve Naturelle d’Intérêt
Communautaire de la Somone (RNICS). La méthode d’investigation, essentiellement
qualitative, était fondée sur des entretiens ethnographiques conduits dans les localités
limitrophes à la RNICS mais aussi par des enquêtes collectives de type socioanthropologiques.
Cet article est structuré principalement autour de trois sections. La première consiste en une
description du contexte, la deuxième porte sur un point sur des dynamiques locales de
conservation des ressources naturelles dans le BVCS suivi d’une analyse organisationnelle et
institutionnelle de la RNICS. La dernière section traite des impacts du redécoupage
administratif et territorial sur la gestion de la RNICS.
1. Contexte de l’Etude
Le BVS est situé au Sud Est de Dakar, dans la région de Thiès, entre le Village de Diass (CR
de Diass) et la ville de Mbour. Il est limité à l’Ouest par l’océan atlantique et les rebords du
massif de Diass, au Nord par ceux de la falaise de Thiès, à l’Est et au Sud par la plaine
sablonneuse qui va de Tassette à Ngaparou en passant par Nguekhokh. Il couvre une
superficie de 409 km 2 , soit 13,4 % de la région et polarise huit (08) collectivités locales des
départements de Mbour (CR de Notto et CR de Tassette) et la région de Thiès (communes de
Ngaparou, Nguekhokh, Popenguine-Ndayane, Somone et les CR de Diass et Sindia).
6 Loi 96-­‐07 du 22 mars 1996
4

Carte 01 : Situation du Bassin versant de la Somone
La Réserve Naturelle d’intérêt communautaire de la Somone (RNICS) et la Réserve Naturelle
de Popenguine (RNP) sont parties intégrantes de ce bassin. La RNICS est située à soixantecinq
65 km de Dakar sur la route de Mbour, entre 14°30 et 14°50 Nord et 17°10 Ouest, en
aval du bassin versant, à la bouche du cours d’eau de la Somone. Elle se localise dans la
région de Thiès, particulièrement dans le département de Mbour. Elle est à cheval sur une
petite partie dans la CR de Sindia () et en majorité dans la commune de Somone depuis 2008.
Elle couvre une superficie de 700 ha. Elle est ceinturée par trois villages de la CR de Sindia
(Guereo, Thiafoura et Sorokhassap) sur la rive nord et la Commune de Somone sur la Rive
Sud et à l’Est. Elle débouche à l’Ouest sur l’océan atlantique.
Sur le plan démographique du BVS, il est difficile de déterminer des statistiques fiables pour
raisons liées au fait que :
- L’appellation de bassin versant n’est pas n’est pas reconnue administrativement, mais
n’est seulement qu’un espace délimité en fonction de la similitude des caractéristiques
physiques des villages ou CL la composant par les intervenants, ONG ou chercheurs ;
- Et en plus les territoires géographiques des CR de Sindia et de Diass ont été
redécoupés en 2008, avec l’émergence de trois nouvelles collectivités qui s’ajoutent
aux cinq (5) premières : Popenguine, Somone et Nguekokh.
A cause de ces deux raisons principales, on peut seulement retenir que la population de la
région de Thiès qui était de 941151 habitants en 1988, est estimée de l’ordre de 1305464
habitants en 2003, soit une croissance de 27,9 %. Cette population est inégalement répartie
dans l’espace de la région. En effet, l’évolution démographique était plus importante dans le
département de Thiès en 1988, mais quinze ans après, celle de Mbour l’a surpassée avec une
densité de 296h/km 2 contre 264. Cette situation reflète le caractère dynamique de
l’urbanisation de la région de Thiès, notamment du département de Mbour qui concentre la
plus grande partie du BVS. En 1988 et 2003, les taux d’urbanisme ont profondément
augmenté dans tous les départements : de 50 à 57 % à Thiès, de 34 à 46, 3% à Mbour, de 16 à
19, 6 % (DPS, EMUS 2003). Cette forte urbanisation est le résultat de la pression que subit
cette partie du littoral de la petite côte. Dans la zone du bassin versant de la Somone, se trouve
la Réserve naturelle de la Somone (RNICS). Elle est localisée entre la commune de Somone
et la communauté rurale de Sindia, entre les quatre villages qui forment le comité de gestion.
La population environnante est estimée à environ 15376 habitants, représentant le cumul de la
5

population des quatre (04) localités qui la composent, à savoir Sorokhassap (1500),
Thiafoura (1500), Guereo 8000 et Somone (4376).
Compte tenu du rôle important de la zone en tant que pole économique et touristique, la
position sur le littoral de la Petite côte, le BVS est très marquée par une intense spéculation
foncière pour l’habitat et l’hôtellerie. Le tourisme s’est développé à partir de 1975 avec la
présence de la SAPCO (Société d’aménagement et de promotion des côtes et des zones
touristiques du Sénégal) qui a contribué à l’aménagement et à la promotion des
investissements dans la station de Saly. On note que le secteur a atteint sa vitesse de croisière
avec la dévaluation du franc CFA intervenue en 1994. Aujourd’hui, la région de Thiès compte
80 établissements touristiques dont 65 situés dans le département de Mbour qui est le
principal leader du fait de la présence de 12 hôtels à Saly et de deux à Nianing (Domaine et
Club) contre 06 réceptifs à Tivaouane et 09 à Thiès. La région compte également 24
résidences para-hôtelières. A Somone, Popenguine comme à Saly, la tendance est la
transformation des résidences personnelles en des réceptifs touristiques en vil prix pour faire
face à la conjoncture économique très accrue au Sénégal. Le Tourisme balnéaire est plus
développé à Somone avec les infrastructures d’accueil, tandis qu’à Guereo c’est le tourisme
intégré avec les cabanons.
Sa situation géographique lui offre de réelles potentialités pour la pêche 7 dans l’Océan
Atlantique mais aussi sur la lagune de la Somone située à l’intérieur de la RNICS. L’essentiel
de la production régionale, soit 80 % 8 provient de l’axe Ndayane-Joal où se situe précisément
le BVS et la RNICS. L’agriculture est pratiquée chez les Seereer Noon et l’élevage par la
communauté Peulh allochtone présente surtout à Nguekokh et Diass, Sindia et Tassette 9 . Cette
agriculture pluviale subit le repli des isohyètes qui varient actuellement entre 300 et 500
contre 500 et 800 mm durant la période 1931-1960 10 et d’un climat de type transition entre le
climat d’alizée maritime de la cote sénégalaise et le climat continental sahélo-soudanien. Bref,
la RNICS est située dans la zone sahélo-soudanienne. Les cultures sont pratiquées en fonction
des types de sols existants : l’arachide et le mil (souna) sur les sols ferrugineux tropicaux
lessivés ou sols dior, caractérisés par leur texture sableuse ; maïs et mil sur les sols
ferrugineux tropicaux peu ou pas lessivés appelés sols decks, de texture argilo-sablonneuse ;
les cultures maraîchères et l’arboriculture au niveau des sols hydromorphes ou sols de basfond,
de texture argilo-humifère. Les caractéristiques pédologiques sont étroitement liées au
fait que le BVS fait partie des zones les plus accidentées du Sénégal même si les niveaux des
élévations sont assez modestes en termes de hauteur, 9 m en moyenne.
Le BVS apparaît, comparé au reste du Sénégal à l’exception de la Casamance conflictuelle,
une zone de classement par excellence. Le domaine forestier classé compte treize forêts
couvrant une superficie de 98768, 5 hectares soit un taux de classement de 14,9 %. Le tableau
ci-dessous indique la situation des forêts classées par département.
7 La région occupe la première place en matière de pêche artisanale au Sénégal. Elle fournit 70% de la
production nationale selon le Schéma régional d’aménagement de Thiès.
8 Idem
9 Il existe d’ailleurs un GIE des éleveurs et une maison des éleveurs très dynamiques à Nguekokh appuyés par
l’ONG française « Chênes et Baobabs », et un Comité inter villageois des éleveurs à Tassette qui s’active dans la
surveillance de la forêt classée de Bandia.
10 Schéma régional d’aménagement de la région de Thiès, 2003, p. 8.
6

Tableau N°01 : Situation du potentiel ligneux par département
Thiès Mbour Tivaouane Région
Départements
Nbre de forêts classées 04 06 03 13
Supérficie (ha) 21755,8 17262,7 59750 98768,5
Taux de classement
Source : IREF/Thiès
11,6 % 10,7 % 18,7 % 14,9 %
Nonobstant les efforts consentis par l’Etat dans le cadre de la création des aires protégées
(Bandia, Thiès, Popenguine, etc.), plusieurs unités industrielles de d’exploitation des
ressources du sous sol sont présentes dans la région de Thiès. Sur le plan minier, la région de
Thiès polarise l'essentiel des activités du pays. En effet, dans le cadre de sa politique minière
et de la promotion de l’initiative privée, l’Etat du Sénégal a été amené à autoriser l’ouverture
et l’exploitation de carrières et de mines dans la région.
Actuellement près d'une centaine d'autorisations d’ouverture et d’exploitation de carrières
couvrant une superficie de 800 hectares y sont répertoriées. Le nombre d’entreprises privées
productrices de granulats est passé de dix sept (17) en 1991 à quatre vingt dix (90) en 2004.
L'activité des carrières porte essentiellement sur l'exploitation du basalte, du gré et du
calcaire. Les trois quarts (3/4) de la production de granulats calcaires sont destinés à
l’industrie du bâtiment et aux cimenteries, le reste de la production étant consacré à la
réalisation de dalles de trottoirs, de pierres ornementales, et aux ballasts de voies ferrés. Les
granulats calcaires représentent à eux seuls 76% de la production totale.
Quant à l’exploitation minière, elle concerne le phosphate dans le département de Thiès et
l’attapulgite (argile industrielle) et céramique à Mbour. La superficie régionale exploitée est
de l’ordre de 25000 ha. Les emplois sont estimés (permanents et temporaires) à environ 5000
mais la primauté des autochtones dans les recrutements des unités minières, déclarée lors de
leur installation, n’est jamais respectée. Pour preuve, un mouvement d’humeur s’est
développé au village de Bandia, dans le BVS pour protester contre le non respect des
engagements malgré les dommages en termes de pollution sonore et de l’air. Le mouvement,
parti d’une marche de protestation caractérisée par le port de brassards rouge et d’incinération
de pneus sur la route nationale N°1, a pris maintenant la forme d’une association des jeunes
pour la défense des intérêts des populations locales, basée à Bandia.
Dans le BVS et près de la RNICS, on note la présence des grandes unités d’exploitation : eau
de source par Kirène, les ciments du Sahel pour l’extraction mionière. En plus, il y a la
construction en cours de l’aéroport internationale Blaise Diagne, un circuit de course
automobile, les établissements touristiques, notamment sur le littoral (Popenguine, Guéréo,
Somone et Ngaparou), les infrastructures sportives (Centre de formation des arbitre de
Thiafoura).
2. Les dynamiques locales de conservation
De nombreuses organisations interviennent dans la GRN. Nous en avons choisis quelques
organisations suivant des critères bien déterminés. La plus ancienne (réserve naturelle de
Popenguine–RNP) ; celles qui ont des caractéristiques assez spéciales (ACCES-Mampuya–
mi-publique), réserve de Bandia (privée), et une réserve d’intérêt communautaire (RNICS).
7

2.1 Présentation des organisations locales de GRN
Dans le BVS, la presque totalité des organisations de GRN s’activent dans la conservation et
la protection des ressources forestières. La zone est l’espace par excellence des aires
protégées et des forêts classées. Les classements et les dynamiques de protection ont fait suite
au constat fait sur l’état la dégradation avancée de cet écosystème aussi bien par les
techniciens que par les populations environnantes. Cependant, ces aires protégées revêtent des
statuts différents.
2.1.1 DPN-COPRONAT, règlement intérieur ou accord bipartite ?
La Réserve Naturelle de Popenguine créée par décret présidentiel décret présidentiel N°86-
604 du 21 mai 1986 et couvre une superficie de 1009 ha. Il s’agit d’une mise en défens d'une
formation rocheuse et côtière à végétation d'épineux, avec un prolongement marin. La
délimitation est bien marquée comme l’incite le code forestier avec un mur de clôture. Son
administration relève de la compétence du service des Parcs nationaux, qui d’ailleurs ont
proposé le règlement intérieur qui institutionnalise et légalise l’implication des femmes dans
les activités de conservation.
Deux parties sont signataires essentiels du règlement intérieur : le service de la Conservation
ou Direction des parcs nationaux (DPN) d’une part et le collectif des GIE des Femmes pour la
protection de la nature et du développement durable (COPRONAT) d’autre part. La signature
de ce règlement correspond, il faut se le rappeler, avec les premières années de changement
d’approche de gouvernance des aires protégées. En lieu et place de la protection qui a prévalu
depuis 1972 et qui était garantie par les seuls agents de la DPN, la conservation a été proposée
à partir de 1992. L’implication des populations dans les activités de conservation des espaces
forestiers, même protégées a été édictée lors du Sommet de la Terre de Rio. Dès lors, la
conservation est entendue comme alliant protection et exploitation rationnelle des ressources
des aires protégées. Cette nouvelle configuration devrait s’accompagner d’un changement à la
fois de comportement et d’attitude des agents de la conservation envers les populations
riveraines de ces espaces ; la collaboration plutôt que la répression, qui était fortement
exprimée par l’uniforme et le port de fusil. C’est dans ce cadre que, les femmes conseillées
par le chef du service de la conservation d’alors, ont sollicité et obtenu le partenariat pour la
gestion de RNP qui était déjà mise en défens.
L’accord en question est bipartite et n’implique sous aucune forme les CL dans sa mise en
œuvre. Une explication possible à ce fait est son antériorité à la politique de décentralisation
dans le secteur forestier, qui n’est advenue qu’en avec la promulgation du code forestier de
1998. D’ailleurs, ce code est appelé « code forestier décentralisateur » par certains forestiers
au Sénégal (FAYE, 2007). Pourtant, les limites de la forêt impliquent quatre CL.
8

2.1.2. Les dynamiques autour de la forêt classée de Bandia
La forêt classée de Bandia située à cheval sur les départements de Mbour et de Thiès. Sa
superficie est de 10.750 ha et son classement est intervenu le 16 octobre 1933 à la suite de
l’arrêté du Gouverneur général de l’Afrique Occidentale Française (AOF). Elle constituait,
avec les forêts de Thiès et de Pout, les massifs boisés les plus riches et surtout les plus
proches de Dakar, et l’administration coloniale avait fait venir du Fouta-Djalon près de 500
familles qui y pratiquaient des coupes régulières de bois de feu, de charbon de bois et quelque
bois d’œuvre pour les besoins des centres urbains de Dakar et Thiès. Chaque année, de 1938
jusqu’en 1952, une moyenne de 561 ha était exploitée avec des rendements de l’ordre de 45
quintaux de charbon à l’ha et 150m 3 de bois d’œuvre. Face aux feux de brousse et le
surpâturage, il fallait améliorer l’exploitation et en 1952 fut élaboré le premier plan
d’aménagement de la forêt.
L’inspecteur des Eaux et Forêts Bellouard, qui avait fait l’étude, avait déjà dressé les enjeux
économiques mais aussi écologiques, en signalant la présence d’espèces végétales
équatoriales et avait subdivisé la forêt en trois séries : une de bois de feu avec une rotation
tous les 18 ans sur les 80 % de l’espace, une série de bois d’œuvre et une série dite station
d’essai chargée d’étudier le comportement de certaines espèces de bois d’œuvre comme les
caïlcédrats et rôniers, entre autres. Une mode de gestion qui a prévalu jusqu’en 1980 où pour
arrêter la dégradation continue de la forêt consécutive à la longue sécheresse et à la
surexploitation, l’Etat a mis sur pied le Projet Autonome de Reboisement de la Forêt de
Bandia (PARFOB) financé par l’USAID à hauteur de 3.750.000 dollars pour régénérer la
forêt par la plantation d’environ 300 hectares d’eucalyptus, de prosopis et autres espèces. Une
initiative qui n’a pas totalement atteint ses objectifs et qui a sans doute amené les autorités à
tenter l’expérience de la réserve animalière encouragée en cela par la proximité de la station
balnéaire de Saly Portudal (DAFF, 2003).
Pour faire face au déficit en personnel, le service forestier a ouvert aux usagers de cette forêt,
la possibilité de s’impliquer à sa préservation. Par conséquent, il a été créé un comité de
cogestion par le GIE Passan, un Comité inter-villageois au village riverain de Bandia, le CIV
des éleveurs de Tassette, et enfin avec l’ONG Chênes et Baobab, la Maison des éleveurs de
Nguekokh.
2.1.3 ACCES Mampuya, une initiative privée en faveur des conventions locales
ACCES Mapuya entretient des relations directes avec les femmes organisées dans des
groupements de base, avec l’appui de partenaires au développement et bailleurs de fonds.
Leurs actions qui consistent à appuyer la mise en place d’aires protégées à l’échelle des
villages, avec le partenariat des CL, est une initiative intéressante. Elle responsabilise les
acteurs communautaires dans la gestion de ces espaces et doit aboutir à la mise en place de
conventions locales.
Cependant cette expérience est privée et ne met l’accent que sur les organisations de femmes
partenaires.
2.2 La RNICS : une dynamique communautaire d’adaptation au changement climatique
par la conservation des écosystèmes d‘une zone de terroir :
Dans cette sous section sont présentés les facteurs ayant sous tendu la création de la RNICS,
les acteurs et groupes d’acteurs concernés, sa composition et son fonctionnement ainsi que les
processus des décisions surtout dans le cadre de la régulation l’exploitation commerciale.
2.2.1 Contexte d’émergence de la RNICS :
9

Les motivations de la mise en place de cette dynamique reposent sur trois facteurs essentiels :
une volonté des populations à trouver des solutions aux conséquences de la
désertification et du changement climatique qui se traduisent par une dégradation de
l’environnement et de ses ressources, une dissémination du cheptel et une baisse de la
productivité et des rendements agropastorales ;
mise en place d’une nouvelle dynamique pour une gestion concertée, synergie d’action
pour une meilleure adaptation aux changements du climat et ses corolaires.
un engagement des acteurs ayant un impact dans la gestion des ressources naturelles et
du foncier à préserver leur environnement par la conservation de la diversité
biologique et
l’influence de la dynamique du COPRONAT autour de la RNP, dans laquelle des GIE
de femmes des villages limitrophes sont impliqués.
Avec l’influence des initiatives des femmes du RFPPN, mais aussi des femmes des GIE de
Guéréo, de Thiafoura et de Soro Khassap qui sont très dynamiques dans les actions de GRN
entreprises par le COPRONAT à l’échelle de la RNP, les autorités de la communauté rurale
de Sindia en 1999, ont décidé de créer une réserve naturelle communautaire par délibération
du conseil rural N° 003/CRS du 19 octobre 1999 approuvé par le Sous-préfet de Sindia le 25
octobre 1999. Cet arrêté délimite le terrain sur sept (07) km 2 dont le bornage a été appuyé par
le GIRMAC, à travers la Direction des Parcs Nationaux.
L’espace polarisé par la RNICS est une zone tampon entre la commune de Somone et la
Communauté rurale de Sindia, située dans le département de Mbour, région de Thiès.
2.2.2 Analyses organisationnelle et institutionnelle
La gestion de la réserve naturelle est assurée par un ensemble d’acteurs qui ont décidé de
mutualiser leurs forces pour défendre leur milieu et garder un cadre de vie harmonieux
pouvant garantir la satisfaction de leurs besoins présents et futurs :
les collectivités locales, CR de Sindia et tout récemment commune de Somone ;
les acteurs locaux organisés dans des structures communautaires de base et des GIE ;
des organisations non gouvernementales (ONG) ;
et de l’Etat et de ses différents démembrements (administration territoriale, services
techniques déconcentrés).
L’organisation de la gestion repose sur trois paliers : un comité d’orientation, un comité de
gestion et un bureau exécutif.
Le comité d’orientation :
Organe de coordination de la régulation, d’échange et de concertation entre les différentes
familles d’acteurs (Etat, STD, organisations de la société civile, secteurs privés, etc) ayant un
10

intérêt, direct ou indirect, dans la gestion des ressources naturelles de cette aire protégée. Il
constitue un cadre de concertation et de prise de décision. Il appuie le comité de gestion et la
bureau exécutif dans la mise en œuvre des régles de conservation de la biodiversité.
Le comité de gestion :
Il vise une certane représentativité des acteurs en présence. Ainsi, il est composé de la presque
totalité des catégories d’acteurs directement ou indirectement concernées par toutes formes
d’usages des ressources qui font l’objet de la dynamique de conservation : végétation et
lagune :
représentant des collectivités locales ;
Des Présidentes des GIE des villages limitrophes de la reserve ;
Un representant de l’Etat (Sous Prefet et Prefet) ;
Le Commendant de la bigade de gendarmerie ;
Les représentants des services techniques déconcentrés (Eaux et Forêt, service des pêches
de Nguékhokh et les Parcs nationaux).
Le Bureau exécutif :
La mise en œuvre des actions de conservation est assurée par un bureau exécutif qui est sous
la tutelle d’une équipe d’agents des parcs nationaux dirigée par un conservateur. Elle travaille
en étroite collaboration avec des volontaires des villages riverains de la réserve, appuyée par
les femmes des GIE membres du comité de gestion de la RNICS. Dès sa création, un
règlement intérieur a été établi et a servi de code de conduite au sein du cadre de concertation.
Pour renforcer la dynamique et lui donner un cachet juridique, des normes de gestion et des
règles d’accès à la réserve sont établies de commun accord entre les différentes parties
prenantes à la gestion. Cette réglementation est validée par le Conseil rural de Sindia. Un
arrêté du Sous préfet rend la décision légale et fait office de communiqué public.
Par exemple pour l’exploitation des ressources halieutiques de la lagune de Somone qui se
trouve au sein de la réserve, il est établi par arrêté du Sous Préfet numéro 15/ASD du 03
juillet 2009 une période de repos biologique de quatre mois (13 juillet – 10 novembre).
Pendant cette période, toute exploitation des ressources halieutique de la lagune est
formellement interdite sous toutes ses formes. Cet arrêté est rendu publique partout où besoin
est et le Conservateur de la réserve, appuyé par les GIE des villages, les volontaires de
l’environnement (Ecogardes) et le Commandant de la gendarmerie assure l’application des
dispositions arrêtées.
De même, l’accès à la réserve pour toute personne, notamment pour la plage, est régulé par
des postes de contrôle installés au niveau de chaque village limitrophe, qui appuient la
surveillance et la conservation des ressources de l’aire protégée. Un an après sa création, en
2000 un arrêté du Sous préfet numéro 32/ASD du 22 octobre définit le champ d’action de
chaque acteur impliqué dans la gestion de la réserve naturelle communautaire.
3. La gestion de la RNICS et le redécoupage administratif
Les conséquences du redécoupage administratif et territorial sur la gestion de la RNICS se
posent aussi sur les plans administratif, juridique que financier.
3.1 Une stratégie de lutte contre la sécheresse et adaptation aux conséquences des
changements climatiques qui bénéficie du soutien des autorités
Pendant les premières années de sa création, 1999-2007, la gestion de la réserve s’est déroulée
dans un cadre uniforme, mettant ensemble une pluralité d’acteurs dont les rôles et
11

esponsabilités, bien définis, étaient complémentaires. Comme réponses aux changements
climatiques, les populations ont trouvé l’articulation aussi bien avec le conseil rural - qui non
seulement a octroyé l’espace par délibération, mais accompagne la dynamique de gestion
concertée – qu’avec l’Etat avec la mise en place d’une équipe d’agents des parcs nationaux.
Durant cette période, l’aire protégée se située dans un seul et même espace éco-géographique,
polarisé par une seule collectivité locale, la communauté rurale de Sindia. Au plan politique et
administratif, la gouvernance était caractérisée par une certaine homogénéité et une grande
harmonie. Un comité de gestion décide, le service de la conservation exécute et la sous
préfecture de Sindia assure la légalité.
L’adaptation au changement du cadre de vie des populations et le durcissement du tissu
économique se sont traduits par de nouvelles formes d’activités et de services.
3.1.1 Les conséquences socio-économiques de la conservation
Les retombées du contrôle de l’accès à la réserve, notamment la plage et les autres formes
d’exploitations récréatives offrent de réelles perspectives d’amélioration des conditions de vie
des populations, avec les revenus qu’elles procurent.
Cette valorisation de la RNICS, rendue possible par une mobilisation effective des
populations locales et l’appui des services techniques et administratives, profite de la situation
géographique du BVS qui fait partie intégrante de la station balnéaire de la Petite Côte
sénégalaise, du coup très convoitée par les promoteurs touristiques et hôtelliers. Elle est
devenue une plaque tournante du tourisme sénégalais, source importante de revenus.
En effet, la régulation de l’accés et de l’exploitation des ressources et services de la réserve
par la tarification, des retombées financières de l’ordre de 20 762 500 FCFA sont collectées à
partir des postes de contrôle par les écogardes, les femmes des GIE et les agents de
l’administration de la RNICS. Les recettes sont recouvrées mensuellement et sont
redistribuées entre les différents acteurs du Comité de gestion selon une clé de répartition
conconsuelle, qui se présente comme suit : 40% sont versés dans les fonds destinés à
l’aménagement du site et aux investissements ; 20 % pour motiver les Ecogardes ; 20 % aux
quatre GIE ; 10 % pour les CL ; et 10 % pour le fonctionnement de la RNICS.
Les fonds qui servent à l’aménagement du site et aux investissemenst locaux (40 % des
recettes), ont permis en 2009, de contribuer à l’accés aux services sociaux de base pour les
populations des quatre (04) villages par un certain nombre de réalisations que le tableau cidessous
tente de mettre en exergue. Cette forme de réinvestissement est fortement appréciée
par les populations villageoises et constitue un facteur motivant pour la mobilisation des GIE
des localités riveraines.
Tableau N° 01: Services et équipements sociaux rélaisés en 2009
Services/équipements Localités
Montant
(FCFA)
Achat de médicaments Tous les postes de santé 600. 000
Construction/réhabilitation de salles Toutes les écoles des 04 villages, soit
2.000.000
de classe
500.000/village
Construction de radier Thiafoura 4.600.000
Curage de lie Somone 400.000
Construction et équipement de 04
poste de contrôle
Périmètre de la RNICS Non déterminé
12

Source: Service de la Conservation de Somone, Comptabilité de la RNICS, 2009-2001.
Grace aux activités connexes à la régulation de la réserve, lutte contre la déforestation par la
création de bois villageois, les femmes des villages environnants développent le maraichage
et l’arboriculture. Elles disposent de source de ravitaillement en fruits et légumes, et
augmentant ainsi leurs revenus. A Guéréo, les récoltes de légumes en 2008 ont produits
350.000 FCFA et quinze (15) charettes de bois de chauffe ont été collectées, ce qui représente
une valeur de 7000 FCFA l’unité (soit 105.000 FCFA).
Les usagers sont conscients des avancées et témoignent de l’efficience de la réglementation
sur l’état des RN. Les entretiens avec les populations pêcheurs riverainnes de la lagnes ont
montré que, contrairement à la situation de rareté des ressources halieutiques constatée ces
dernières décennies, la lagune est devenue plus productrice depuis la régulation de
l’exploitation des ressources par l’application de périodes de repos biologiques de quatre mois
chaque année. Les eaux seraient devenues plus poissonneuses, à la grande satisfaction des
populations. Ces acteurs de la pêche ont confié que les prises augmentent en qualité et en
quantité, par conséquent, ils s’investisssent dans le plaidoyer pour un respect stricte de la
réglementation en vigueur.
Les avantages que procurent la mise en place d’un système de gestion régulée constituent une
source de motivation supplémentaire, aussi bien pour les acteurs concernés que pour les
populations qui, constatant les investissements et réalisations, adhèrent davantage à la
politique de gestion mise en place. En effet, au sein des villages concernés par la gestion de la
réserve, les populations locales s’investissent davantage dans les activités de reboisement, de
lutte contre les feux de brousse et de protection de l’environnement avec des brigades de
surveillance par des volontaires Ecogardes, coordonnées par l’administration de la réserve en
collaboration avec les GIE des femmes et la brigade de gendarmerie.
3.1.2 Un développement écologique, résultant d’une écocitoyenneté locale
Dans les villages de Thiafoura, Sora Khassap et Guereo, les femmes des GIE entretiennent
des bois villageois, ce qui contribue à un développement écologique et améliore du coup
l’environnement et le cadre de vie des populations. Ces bois villageois sont constitués sur des
espaces fonciers affectés par le Conseil rural de Sindia aux différents groupements. En plus
du maraichage développé et des ressources qu’ils procurent, ces bois sont exploités par les
femmes pour la production rationnelle de bois de chauffe, réduisant considérablement les
prélèvements sur les ressources forestières. Ils contribuent au développement de la
biodiversité et à la lutte contre la désertification.
Par le curage de la lagune , les eaux restent disponibles toutes l’années, au grand bonheur des
oiseaux et des ressources halieutiques qui deviennent plus abondantes et plus présentes. Des
paysans ont affirmés, lors des entretiens de terrains, qu’il devient de plus en plus difficile de
récolter du mil, du sorgho à cause des oiseaux (mange-mil) qui s’attaquent aux semies et aux
récoltes, tellement ils sont devenus abondants aux alentours de la réserve. Les statiques
recueillies auprés de la conservation font état de 3598 oiseux en 2006, contre 12864 en 2008,
toutes espèces confondues. L’importance de l’avifaune est tributaire à la disponibilité de l’eau
en permanence dans la lagune, au développement écologique (une mangrove en disparition,
de plus en plus présentes autour de la lagune de nos jours) et d’un environnement paisible,
favorable au repos et à la reproduction.
13

3.2 Impacts du redécoupage administratif et territorial sur la gouvernance de la RNICS
En juillet 2008, une évolution importante intervient dans la gouvernance territoriale du Bassin
versant de la Somone qui passe de cinq (05) à huit (08) collectivités locales. Ces changements
intervenus ne sont pas sans conséquences dans la gestion de la RNICS. Le redécoupage
administratif et territorial pose des problèmes de gouvernance politique, juridique et
financière.
Le nouveau découpage territorial intervenu, faisant de Somone une commune dont les limites
seraient établies à la rive gauche de la lagune, a rétrécit la communauté rurale de Sindia. La
réserve, jadis localisée exclusivement dans la communauté rurale de Sindia, se retrouve après
le redécoupage administratif et territorial, à cheval entre la collectivité locale précitée et la
commune de Somone. Les villages périphériques de Sora Khassap, Thiafoura et Guereo
dépendent administrativement de la communauté rurale de Sindia alors que l’essentiel de la
réserve reste dans le nouveau périmètre de la commune de Somone.
Par ailleurs, ce redécoupage pose des problèmes de gouvernance administrative et juridique
en ce sens que le contrôle de légalité a posteriori de tous les actes posés dans le cadre de la
gestion de la RNICS qui était de la compétence du Sous Préfet passe aussi sous la
responsabilité administrative du Préfet de département. En effet, les actes du maire de la
commune sont assujettis au contrôle de légalité a posteriori du Préfet et nom du Sous Préfet.
Par conséquent, la modification du règlement intérieur s’avère imminente afin d’y intégrer le
passage de la compétence du contrôle de légalité du Sous Préfet – autorité déconcentrée de
l’Arrondissement– au Préfet – autorité déconcentrée du Département. Les relations entre la
déconcentration et la décentralisation politique sont complexes au Sénégal et se traduisent
parfois par des oppositions (KANTE 2006). Selon le Code des Collectivités locales en
vigueur, le Sous préfet assure le contrôle de légalité a posteriori dans la communauté rurale,
et le Préfet a compétence à contrôler les actes posés par la commune.
Avec de nouvelles collectivités locales aux statuts différents –une commune et une
communauté rurale–, aux vocations différentes en termes d’urbanisation et de ruralité, des
problèmes de coordination des délibérations pour cause d’affectations foncières sont
récurrents. Ces problèmes se traduisent par des empiétements d’établissements hôteliers et
touristiques dans la RNICS mais surtout par un conflit foncier entre les collectivités locales
concernant le contrôle de la réserve. Ce conflit qui était latente lorsque nous suscitions cette
recherche, se dessine de plus en plus avec la préparation d’un projet de décret de la Commune
de Somone pour le contrôle exclusive de la réserve et une revendication de plus de 10 % des
recettes qu’elle génère. Il faut rappeler que ces 10 % étaient destinés à la CR de Sindia qui est
la CR ayant affecté, par délibération de son conseil, le site de la RNICS et que depuis le
redécoupage ils étaient logés au comité de gestion pour le fonctionnement des organes de
l’organisation. Le maire de la Commune de Somone s’appuie sur l’argument selon, lequel la
réserve se situe presque exclusivement dans les limites territoriales de sa CL. Après rencontré
le comité de gestion, il réclame même plus de 10% des recettes pour la seule Commune de
Somone. Si nous nous exerçons à voir la part que représentent les recettes collectées au poste
de contrôle de Somone, nous constatons nettement qu’elle fait plus du double de celles
générées par l’ensemble des trois autres en plus de Bureau 11 . En effet, sur les 20 762 500
FCFA, Somone à lui seul génère 13 602 000 FCFA soit 65,5%. Sachant, que ce sont écogardes
et les GIE de villages, qui sont mobilisés pour la collecte des droits d’entrée à la
11 Les fonds collectés au niveau du bureau de la conservation situé à Somone sont transversaux à tous les
postes. Ils sont constitués pour l’essentiel des redevances tirées des contentieux.
14

RNICS au niveau des postes de contrôle, on peut, toute ambition prospective gardée,
s’attendre à l’émergence d’un conflit ouvert entre d’un côté les deux CL et d’autre part entre
les GIE de village et la mairie de Somone.
Source: Service de la Conservation de Somone, Comptabilité de la RNICS, 2009-2001.
Si la mise en place de la RNICS était à l’origine une affaire de GIE de village (Guéréo, Soro
Khassap, Thiafoura 1 et Thiafoura 2), elle est devenue un enjeu politique entre les deux CL,
en conséquente au redécoupage administrative et territorial. Pis encore, cette situation a rendu
inopérant un compromis issu d’une large concertation entre autochtone pour laisser la place à
un éventuel conflit ouvert entre populations jadis voisines et parentes. Au Sénégal, la
politique politicienne a l’art de saper le climat social au niveau des communautés en
instaurant des oppositions parfois violentes entre partis et voire des factions au sein d’un
même parti dans les villages, quartiers et ville. En lieu et place d’une politique cohérente
d’aménagement du territoire et d’un cadastre rural, les réaménagements opérés à la carte par
un Président sur la base de ses propres intérêts ne peuvent que mener à des situations comme
celle analysée dans ce texte. Qu’elle utilité et pertinence, peut-on se demander pour
l’existence d’une direction de l’aménagement du territoire au Sénégal ?. Sur des calculs
pareils, le nombre de régions est passé à 10 à 14 depuis l’alternance intervenue en 2000 et CR
de 320 à plus de 360.
Conclusions
Répartition des recettes selon les postes de contrôle de la
RNICS, année 2009
Bureau
Somone
Guereo
Thiafoura
Soro Khassap
La toute première initiative autour de la RNP a engendré un foisonnement d’organisations de
GRN. Avec le changement de paradigme de protection stricte à la conservation, à la fin des
années 1970’ qui s’est accentué dans les années 80’, les populations sénégalaises sont
impliquées de plusieurs façons dans la gestion des forêts. Le BVS, constitué dans sa presque
totalité de forêts classées, a connu l’émergence et le développement de multitudes de réserves.
Dans le réseau d’aires protégées du Sénégal, celles du BVS s’illustrent parmi les plus
réussies. La RNICS, avec la réserve de Fadiouth, ont un statut spécial de réserve
communautaire. Ainsi considérée, les collectivités locales dans le terroir desquelles se
trouvent ces types de réserves et qui délibèrent pour leur création, gagne une place centrale
dans leur gestion. Mais le redécoupage administratif et territorial, faiblement participatif
ressemblent pour certains à du top-down. Il pose des problèmes complexes de gestion. Une
anticipation est nécessaire pour parvenir à résoudre de façon idoine d’autres conséquences
plus graves pouvant découler de ces aménagements décrétés par le Chef de l’Etat. Une étude
15

longitudinale et transversale de toutes les collectivités locales réaménagées pourrait offrir plus
de données sur les impacts de la vague de redécoupages administratifs et territoriaux sur la
gestion, surtout foncière.
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