Mon portrait historique et philosophique Lcsm Oeuvres posthumes ...

C y v a r d \ 2007-11-25
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Le lendemain de la troisième décade du mois fructidor, l'an deux de la
République française qui répond au 21 septembre de l'ancien style ou à
l'équinoxe d'automne je me suis transporté d'Amboise à ma maison de
Chandon, tant pour y récolter la vendange que pour essayer le nouveau genre
de vie que j’allais être obligé de mener, me trouvant seul avec une servante, moi
qui jusqu'à ce moment avais toujours vécu avec compagnie. Je me disposai de
mon mieux pour que cette nouvelle carrière ne me fût pas préjudiciable, et que
les grands travaux que j’avais à y suivre ne s'y ressentissent pas de ma paresse.
J’étais extenué de fatigues, non seulement pour avoir monté la garde la veille,
mais encore à cause de tous les trains d'emballage ; je n'étais qu'à moitié dans
mes mesures. Avant de partir j’allai dire adieu aux Calmelet et quoique je n’aie
point de reproche à me faire d'y avoir dit des choses déplacées, je sentis
cependant un moment de vide qui me fit connaître combien nous devons nous
surveiller, et ne pas compter sur des demies préparations. Ce départ, et ce
nouveau genre de vie peut et doit devenir une époque pour moi. J’ai pris dans la
maison pour mon cabinet la chambre où vingt ans auparavant je reçus dans le
coeur la circoncision.
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Dans le supplément aux Confessions de J.J. Rousseau j’ai remarqué de
nouveau combien lui et moi avions d'analogie dans nos humeurs, dans notre
caractère, dans nos goûts, et même dans nos passions, ainsi que dans quelquesunes
de nos infirmités. J’y ai vu aussi avec plaisir qu'il avait connu mon ami
Kirchberger et qu'il en disait du bien. Au reste j’ai été moins content de ce
supplément que des Confessions même si ce n'est par intervalle, ayant trouvé de
temps en temps des mouvements d'âme délicieux. Ce supplément me parait
aussi moins bien écrit ; il m'a en quelque façon donné la clef du style de
l'auteur. Son plus grand prix consiste dans les contrastes, et quelques fois plus
dans le contraste des mots que dans le contraste des idées ; aussi cet intéressant
auteur nous laisse-t-il souvent dans les avenues de la vérité, et dans les régions
de l'apparence. Ses lettres qui terminent le supplément en question sont à mon
avis encore plus inférieures pour le style ; on en sent aisément la raison. Elles
étaient moins travaillées que les autres ouvrages de l'auteur, et il avoué luimême
le besoin qu'il avait de limer longtemps ses écrits. 10 Cela n'empêche pas
que je ne lui rende toute la justice qu'il mérite. C'est par circonstance qu'il est
resté dans les régions inférieures. Par nature il était fait pour aller beaucoup
plus loin. Je le regarde comme le prophète du sensible naturel. Il avait le germe
du sensible divin, plus même que le germe du sensible spirituel, et si la
10 J’ajoute ici un point. (R. A.)
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