(Microsoft PowerPoint - adhmarsd\351finitif) - EM Lyon
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Rencontre insolite<br />
L’échange entre nous débute alors et prend une forme officielle. On se parle comme deux<br />
amis conversent.<br />
Il m’envoie ses paroles et je lui renvois les silences qu’il attend, des regards éloquents, les<br />
sourires qui s’imposent d’eux-mêmes, quelques paroles parfois, brèves, juste ce qu’il faut<br />
pour qu’il poursuive et que l’échange qu’il orchestre suive son cours naturellement.<br />
Il me parle comme un maître enseigne à son élève, il me dit quels sont les deux plus grands<br />
poètes au monde, m’explique ce qu’est l’intelligence, la vraie, en quelques mots, me parle de<br />
la confusion des hommes et de la nécessité de réfléchir sur soi, de s’analyser et analyser ce<br />
qui nous entoure, ne pas mentir, surtout pas à soi-même, et d’apprendre à croire en soi, pour<br />
pouvoir manœuvrer son existence au quotidien, la nécessité de ne jamais baisser les bras.<br />
« si je vous dis cela mademoiselle, si je me suis approchée de vous ce soir, c’est car tout<br />
ceci… Comment vous dire ? Enfin… c’est du vécu… vous comprenez mademoiselle ? » un sourire<br />
s’esquisse au bord de ses lèvres, son regard posé sur moi cherche au fond de moi-même, il<br />
recherche l’effet de ses paroles, il veut les voir agir sur la détresse qu’il a perçu en moi. Mais<br />
quelle détresse ? Les mots sont incapables de sortir de ma bouche. Comment lui répondre que<br />
je vais bien et que je suis heureuse ? Que j’ai parfois des moments de fragilité, mais pas ce<br />
soir, je suis en cet instant précis une femme en confiance qui sait où elle va et où elle est. Je<br />
suis tout simplement malade, fiévreuse, à cause d’une vilaine bactérie qui est entrée dans<br />
mon corps et s’attaque à mes défenses (et qui doit s’en donner à cœur joie tandis que je parle<br />
avec lui dans le froid, mes jambes tremblantes, ma gorge douloureuse et mon corps tout<br />
entier qui crie qu’il est depuis trop longtemps l’heure de rentrer au chaud à mon oreille<br />
indifférente, hypnotisée par les paroles de l’inconnu…).<br />
Je ne peux pas, je ne me sens pas la force de lui avouer que je ne suis pas malheureuse. Et<br />
tandis qu’il m’envoie tous ces mots guérisseurs, je me questionne et me surprends à chercher<br />
toutes les peines et les doutes enfouis et qui me rongent, tous les mal être qui sont en moi,<br />
toutes les brèches qui s’y trouvent et sur lesquelles les paroles de cet individu que je bois<br />
pourront trouver un écho… J’essaie d’éveiller mes blessures pour qu’elles interceptent ces<br />
paroles salvatrices et ne les laissent pas s’envoler, passer à travers moi et s’enfuir sans avoir<br />
trouvé leur raison d’être. Mais comment trouver une blessure profonde dans un coeur sain qui<br />
ne demande qu’à continuer de l’être ?<br />
Tout ça peut paraître ridicule, pourquoi avoir laissé cette conversation s’engager, pourquoi ne<br />
pas l’avoir interrompue avant même qu’elle ne commence : « Non monsieur merci, je ne me<br />
cache pas, je suis malade, mais malade du corps et non pas du cœur ou de l’âme, des<br />
médicaments feront l’affaire pour soigner ce mal alors gardez vos belles paroles, car je vais<br />
bien et je rentre chez moi. »<br />
Il faut croire que l’intensité assurée de son regard et la fermeté qui guidait sa voix tranquille<br />
avaient paralysé mes propres certitudes et mon bon sens. Je voulais entrer dans cet univers<br />
irréel et magique qu’il me semblait voir s’ouvrir devant moi, entrer dans ce monde tout droit<br />
sorti d’un film et m’y attarder quelques instants avec lui, sous les caméras invisibles. Laisser<br />
ces deux êtres qui ne se connaissaient pas et se faisaient face, arrêtés quelque part et<br />
quelques instants dans une ville qui s’agitait autour d’eux, indifférente à leur présence, et<br />
incapable de les atteindre. Il avait vu de la détresse en moi. Je ne cherchais pas à savoir<br />
pourquoi, je me foutais de savoir pourquoi. Ce qui m’intriguait ce n’était pas les sentiments<br />
qui m’habitaient en ce moment précis, ni ceux qu’il avait cru lire en moi. Ce qui m’intriguait<br />
c’était ce que mon propre regard pouvait lire dans le sien, tandis qu’il m’observait. Je voyais<br />
qu’en me regardant, il se reconnaissait en moi. Je ne savais pas si je devais m’interroger<br />
sérieusement, avoir peur, rire, ou ne rien penser.