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(Microsoft PowerPoint - adhmarsd\351finitif) - EM Lyon

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Cette détresse qu’il me prêtait, ces sentiments de désespoir et d’impuissance, étaient les<br />

siens. Ou l’avaient été.<br />

C’était lui le véritable être blessé dans l’histoire, il m’aidait à soigner ma blessure imaginaire,<br />

car il devait soigner la sienne. Je l’observais moi aussi comme il m’avait observée lui-même. Je<br />

remarquais son regard de plus en plus fuyant, sa certitude de moins en moins certaine.<br />

Lui qui m’était apparu si sûr de lui face à un être fragile, ne l’était pas du tout. Il cherchait en<br />

moi une reconnaissance. C’est lui qui n’était pas si sûr de son existence, du regard que les<br />

autres posaient sur lui et de l’être qu’on voyait en lui. Il cherchait mon approbation à chacune<br />

de ses phrases. Peu à peu, il se dévoilait, parlait de lui-même, de son enfance, de sa famille,<br />

de son expérience.<br />

Je tombais progressivement dans le rôle de la psychanalyste et j’écoutais mon mystérieux<br />

inconnu, mon mystérieux sauveur qui voulait qu’on le sauve. Des premières paroles d’un sage<br />

adressées à un être démuni, je l’écoutais attentive basculer vers un récit de lui-même et de<br />

son vécu. La malade que j’étais était confuse… Peut être que tout cela faisait partie aussi de<br />

ma thérapie après tout? …Il m’aidait en me parlant de lui-même ? Tout était embrouillé dans<br />

cette séance de psy, qui était le malade, quelle était la blessure, la confusion s’emparait tout<br />

à coup de notre échange imprévu dont il avait voulu se faire le maître, mais qui lui échappait,<br />

ou plutôt non, qu’il laissait lui échapper et me priait sans le dire de le saisir en vol, et d’en<br />

prendre le contrôle.<br />

Alors il eut comme un moment d’hésitation. Le psychanalyste poète avait perdu le fil de son<br />

discours guérisseur, il s’était perdu dans ses propres paroles, il y avait quelque chose qu’il<br />

avait besoin de dire, comme l’élément charnière, la transition qui lui manquait pour passer à<br />

l’étape suivante, mais il hésitait. Il ne savait pas comment le faire, il fallait que je devine, que<br />

je lise entre les lignes des paroles. Il avait vécu quelque chose de dur, dont il avait honte, qui<br />

marquait son être jusqu’au plus profond. C’était ça, c’était ce passage de son existence qui<br />

expliquait ce qu’il me disait aujourd’hui; qui expliquait cette quête de soi dans laquelle il se<br />

trouvait. Son discours n’avançait plus. Il lui fallait le dire.<br />

Et soudain, alors que le temps m’avaient échappé depuis longtemps ; alors que mes jambes<br />

tremblaient plus que jamais et que je prenais soudain conscience du froid incisif qui me<br />

prenait au corps et que j’avais oublié jusqu’alors, il se décida à aller plus loin. Il ne me<br />

regardait pas, il avait tourné les yeux vers le ciel, et un flot de paroles semblait s’échapper,<br />

incontrôlable, de son être, un flot ininterrompu, dont je ne savais plus à qui il était adressé : à<br />

moi, à lui-même ou à un Dieu lointain … ? Il faut croire que j’avais réussi la passation des rôles,<br />

que j’étais enfin monté au grade de la doctoresse rassurante et que le malade allait épancher<br />

son malheur dans mon oreille guérisseuse.<br />

«J’y suis resté 14 ans. C’est long. Toute ma jeunesse, les années où on se découvre, on se<br />

construit, et où on pose inévitablement les premières pierres du chemin imprécis sur lequel on<br />

s’engage pour le faire sien. Oui, je suis encore jeune à 32 ans… Mais de 18 ans à 32 ans, (18<br />

+14 ça fait 32 tu verras tu peux faire le calcul), on peut en construire des choses. Combien de<br />

choses ai-je perdu ? C’est difficile. C’est un milieu difficile. Les gens ne s’imaginent pas le<br />

milieu carcéral. Mais je vais te dire une chose, la force des mots est la plus puissante, elle est<br />

plus forte que la force physique, elle est une arme plus puissante que l’agressivité.» Un sourire<br />

traversa son visage et soudain il avait baissé les yeux, il me regardait, et attendait un signe de<br />

ma part, un réaction, de la compréhension, de l’approbation, un sourire peut-être ?<br />

Beth<br />

Rencontre insolite

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