BAC BLANC n° 2 – Série ES-L-S – mardi 23 février ... - bmlettres.net
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<strong>BAC</strong> <strong>BLANC</strong> <strong>n°</strong> 2 <strong>–</strong> <strong>Série</strong> <strong>ES</strong>-L-S <strong>–</strong> <strong>mardi</strong> <strong>23</strong> <strong>février</strong> 2010 <strong>–</strong> Le Poétique <strong>–</strong> Poésie et maladie<br />
Corpus<br />
Texte 1 : Jules Laforgue, 1860-1887, « La chanson du petit hypertrophique », publié dans La Revue Blanche,<br />
1 er août 1895 (posthume)<br />
Texte 2 : Henri Michaux, 1899-1984, « Nausée ou c’est la mort qui vient ? », Ecuador, 1929, © Gallimard.<br />
Texte 3 : Armen Lubin, 1903-1974, « Nuit d’hôpital », Sainte Patience, 1951, ©Gallimard.<br />
Texte 4 : Maurice Blanchot, « Chanson cette calcium », (musique de Jean-Claude Massoulier), 1968.<br />
Texte 5 : Claude Roy, « Souvenir de réanimation », A la lisière du temps, 1984, © Gallimard<br />
Texte 1<br />
La chanson du petit hypertrophique 1<br />
C’est d’un’maladie d’cœur<br />
Qu’est mort’, m’a dit l’docteur,<br />
Tir-lan-laire !<br />
Ma pauv’mère ;<br />
Et que j’irai là-bas,<br />
Fair’dodo z’avec elle.<br />
J’entends mon cœur qui bat,<br />
C’est maman qui m’appelle !<br />
On rit d’moi dans les rues,<br />
De mes min’s incongrues<br />
La-i-tou !<br />
D’enfant saoul ;<br />
Ah ! Dieu ! C’est qu’à chaqu’pas<br />
J’étouff’, moi, je chancelle !<br />
J’entends mon cœur qui bat,<br />
C’est maman qui m’appelle !<br />
Aussi j’vais par les champs<br />
Sangloter aux couchants,<br />
La-ri-rette !<br />
C’est bien bête.<br />
Mais le soleil, j’sais pas,<br />
M’semble un cœur qui ruisselle !<br />
J’entends mon cœur qui bat,<br />
C’est maman qui m’appelle !<br />
Ah ! si la p’tit’Gen’viève<br />
Voulait d’mon cœur qui s’crève.<br />
Pi-lou-i !<br />
Ah, oui !<br />
J’suis jaune et triste, hélas !<br />
Elle est ros’, gaie et belle !<br />
J’entends mon cœur qui bat,<br />
C’est maman qui m’appelle !<br />
Non, tout l’monde est méchant,<br />
Hors le cœur des couchants,<br />
Tir-lan-laire !<br />
Et ma mère,<br />
Et j’veux aller là-bas<br />
Fair’dodo z’avec elle…<br />
Mon cœur bat, bat, bat, bat…<br />
Dis, Maman, tu m’appelles ?<br />
1 La cardiopathie hypertrophique est une malformation du cœur.<br />
Texte 2<br />
En voyage en Equateur, Henri Michaux qui souffre d’une<br />
malformation cardiaque, entreprend une randonnée sur les hauts<br />
plateaux des Andes et son cœur supporte difficilement l’altitude.<br />
Rends-toi, mon cœur.<br />
Nous avons assez lutté,<br />
Et que ma vie s’arrête,<br />
On n’a pas été des lâches,<br />
On a fait ce qu’on a pu.<br />
NAUSEE<br />
OU C’<strong>ES</strong>T LA MORT QUI VIENT ?<br />
27 avril [1928].<br />
Oh ! Mon âme,<br />
Tu pars ou tu restes,<br />
Il faut te décider,<br />
Ne me tâte pas ainsi les organes,<br />
Tantôt avec attention, tantôt avec égarement,<br />
Tu pars ou tu restes,<br />
Il faut te décider.<br />
Moi, je n’en peux plus.<br />
Seigneurs de la Mort<br />
Je ne vous ai ni blasphémés ni applaudis.<br />
Ayez pitié de moi, voyageur déjà de tant de voyages sans valise,<br />
Sans maître non plus, sans richesse, et la gloire s’en fut ailleurs,<br />
Vous êtes puissants assurément et drôles par dessus tout,<br />
Ayez pitié de cet homme affolé qui avant de franchir la barrière<br />
vous crie déjà son nom,<br />
Prenez-le au vol,<br />
Et puis, qu’il se fasse à vos tempéraments et à vos mœurs, s’il se<br />
peut,<br />
Et s’il vous plaît de l’aider, aidez-le, je vous prie.
Texte 3<br />
D’origine arménienne, Chahnour<br />
Kerestedjian est né en Turquie qu’il<br />
doit fuir lors des persécutions des<br />
Arméniens. Réfugié en France, il écrit<br />
des poèmes dans sa langue maternelle<br />
sous le pseudonyme de Chahan<br />
Chanhour et dans la langue française,<br />
sous celui de Armen Lubin.<br />
Il est atteint très tôt d’une tuberculose<br />
des os dont il souffrira toute sa vie.<br />
II<br />
Nuit d’hôpital<br />
Les heures nocturnes s’avancent<br />
Chacune ayant de l’essence<br />
Et un briquet en main,<br />
Ainsi s’avancent les heures<br />
Parce que la mort n’est rien<br />
Et qu’un rien nous fait peur.<br />
Ainsi s’avancent les heures<br />
Placées dans l’axe du malheur,<br />
Quand l’heure de la fin, presque docile,<br />
Baisse et s’éteint en une seconde,<br />
Toutes les voitures restent immobiles<br />
Dans la rue des tristesses infécondes.<br />
Texte 4<br />
Qualifiés d’« Hygiénistes en chef de la santé morale du pays » par<br />
Raymond Queneau, les Frères Jacques constituent le plus célèbre<br />
quatuor de la chanson française de 1945 à 1982.En 1968, ils créent la<br />
« Chanson sans calcium » au Théâtre Fontaine.<br />
C'est un’ chanson sans calcium<br />
chantée par un pauvre homme<br />
qui a mauvaise mine<br />
c'est un’ chanson sans calcium<br />
un’ chanson à la gomme<br />
qui manqu' de vitamines<br />
c'est un’ chanson à virus<br />
un' chanson sans tonus<br />
elle est épouvantable<br />
c'est un' chanson pas dans l'vent<br />
qu'a besoin d' fortifiant<br />
tell'ment qu'elle est minable<br />
(Refrain) : Hou hou hou ... {x6}<br />
les parol’ sont squelettiques<br />
la musiqu’ rachitique<br />
pas question qu'ça balance<br />
c'est un’ chanson sans gimmick 2<br />
complèt’ment lymphatique<br />
c'est presque une ordonnance<br />
c'est un’ chanson pas dans l'coup<br />
c'est un genr' de rock mou<br />
pas pour le hit parade<br />
c'est un' chanson anémiée<br />
pour maison de santé<br />
une triste salade<br />
c'est un’ chanson sans espoir<br />
qui raconte l'histoire<br />
d'une pauvre infirmière<br />
amoureuse à en crever<br />
d'un docteur diminué<br />
aux curieuses manières<br />
c'est un’ chanson sans issue<br />
qu'ira pas dans la rue<br />
car elle est désastreuse<br />
c'est un’ chanson imbécile<br />
écrite par un bacille<br />
pour une intra veineuse<br />
le seul avantag' qu'elle a<br />
cett' chanson raplapla<br />
il est sur la pochette<br />
vous ne courez aucun risque<br />
découpez sur le disque<br />
la petite vig<strong>net</strong>te<br />
découpez-la soigneus’ment<br />
postez-la sur le champ<br />
faites-vous porter pâle<br />
et vous serez croyez-moi<br />
tous remboursés par la<br />
Sécurité Sociale<br />
2 gimmick, nom masculin, (mot américain), familier : Truc astucieux destiné à faire sensation, gadget publicitaire.
Texte 5<br />
En juin 1982, Claude Roy apprend qu’il est atteint d’un cancer du poumon. Il connaît alors la douloureuse<br />
expérience de vivre aux limites de la mort…<br />
Je dormais encore d’un mauvais sommeil<br />
un sommeil forcé comme un arbre tordu<br />
Mon corps était en feu mes veilleurs dans la brume<br />
J’essayais de sortir de ce sommeil poisseux<br />
Quelqu’un a fait couler de l’eau du robi<strong>net</strong><br />
et dans ma tête un de mes veilleurs du dedans<br />
me disait tout bas Essaie Essaie de te souvenir<br />
Comment c’était l’eau quand tu étais entier ?<br />
Souvenir de Réanimation<br />
L’eau de la rivière un jour clair et sans vent<br />
Où l’eau coule simplement coule sans se presser<br />
avec un froissement doux le long de la berge<br />
et ce chuchotis étonné autour d’une souche dans le courant<br />
L’eau quand le vent la rebrousse à contre-courant<br />
avec des bouffées de vociférations mouillées<br />
des frissons de rire des espaces d’écume<br />
et le remue-ménage des flots contre le vent<br />
L’eau d’un après-midi où l’orage montait<br />
L’eau couleur de plomb sous le ciel couleur d’asphalte<br />
où soudain annoncé par les lents tambours de la chaleur<br />
le nuage en crevant crible l’eau de sa mitraille d’eau<br />
Oui je me souvenais de toutes les voix de l’eau<br />
de ses paroles différentes Mais les chimistes du sommeil<br />
m’assommaient à grands coups de sacs remplis de sable<br />
Un robi<strong>net</strong> coulait dans la chambre de réanimation<br />
Entêté patient un de mes veilleurs du dedans<br />
me disait tout bas Essaie Essaie de te souvenir<br />
Comment c’était l’eau quand tu étais entier ?<br />
le Haut Bout 3<br />
27 janvier 1983<br />
Question (4 points)<br />
• Ces textes abordent la maladie avec des registres différents. Identifiez ces registres et justifiez-les en<br />
repérant quelques procédés utilisés.<br />
Travail d’écriture (16 points)<br />
1. Commentaire littéraire. Vous proposerez un commentaire littéraire du texte de Claude Roy (texte 4).<br />
2. Dissertation : « La matière première de la poésie est la vie humaine <strong>–</strong> ses accidents et ses incidents, ses<br />
victoires et ses désastres <strong>–</strong>, filtrée par la mémoire et l’imagination. », écrit Octavio Paz dans la préface à<br />
l’édition du recueil de Claude Roy, A la lisière du temps. Vous discuterez cette affirmation en vous<br />
référant aux textes du corpus et à vos connaissances personnelles.<br />
3. Invention. Vous êtes chargé d’écrire la préface d'une anthologie poétique consacrée au thème de la<br />
maladie. Vous justifierez l’intérêt du thème et du choix des poèmes en vous appuyant notamment sur les<br />
textes du corpus.<br />
3 Lieu de convalescence de Claude Roy après une intervention chirurgicale subie fin 1982.