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Au Sommaire<br />
(dans <strong>le</strong> s<strong>en</strong>s des aiguil<strong>le</strong>s d’une montre) :<br />
Plus de Bave vol. II prés<strong>en</strong>té<br />
par Pierre Louis Drujon<br />
Turpitudes d’un Saintongeais<br />
Turlupiné<br />
par Cyril<strong>le</strong> Gay<br />
p.36<br />
Royan sur Brie par<br />
Gabriel Papapietro<br />
p.30<br />
p.38<br />
Cher <strong>le</strong>cteur, chère <strong>le</strong>ctrice,<br />
Sache qu’<strong>en</strong> ouvrant La Cagoui<strong>le</strong> n°7, tu t’<strong>en</strong>vo<strong>le</strong>s loin au-dessus de toute trivialité<br />
boursicoteuse.<br />
Ce <strong>numéro</strong> plane <strong>en</strong> effet à une altitude de douce rêverie, de poésie et d’humour aux<br />
antipodes d’un rationalisme qui assèche tristem<strong>en</strong>t l’individu dépassé par une ère<br />
farouchem<strong>en</strong>t anti-socia<strong>le</strong>.<br />
Si La Cagouil<strong>le</strong>, animal terrestre s’il <strong>en</strong> est, a réussi son <strong>en</strong>vol, s’extirpant de la bave<br />
qui la fait fermem<strong>en</strong>t glisser au sol, ce n’est que pour mieux parcourir <strong>le</strong>s nuages<br />
de ton imagination, y laisser de délicates empreintes et t’inviter à la suivre dans ses<br />
idées circonvolutionnaires ; à vérifier tes réf<strong>le</strong>xes vitaux (ton g<strong>en</strong>ou se lève-t-il toujours<br />
brusquem<strong>en</strong>t au son du mot TRULIFOUDON !?).<br />
Pour preuve supplém<strong>en</strong>taire, bi<strong>en</strong> vivants sont <strong>le</strong>s artistes prés<strong>en</strong>ts sur la compilation<br />
Plus de Bave Volume 2 offerte avec ce <strong>numéro</strong>. Mais nous laissons à ce sujet la paro<strong>le</strong><br />
à Pierre-Louis Drujon, compilateur <strong>en</strong> chef, artiste et auteur des notes de pochettes que<br />
vous trouverez <strong>en</strong> dernières pages…<br />
Faîtes vos chemins dans cette septième av<strong>en</strong>ture (et participez-y ! sur www.<br />
supercagouil<strong>le</strong>.com ou supercagouil<strong>le</strong>@live.fr), et… TRULIFOUDON !<br />
La Rédaction<br />
1,2,3... Cagouil<strong>le</strong> !<br />
par Cyril Joly<br />
p.28<br />
La Momie de la Superette<br />
par Cyril Joly<br />
p.2<br />
Le courrier Sci<strong>en</strong>tifique<br />
du Dr Louche<br />
Le bestiaire incongru du<br />
Professeur Rolandeau<br />
(illustré par Julie Caty et <strong>le</strong> Dr<br />
Louche)<br />
p.7<br />
Le Voyage du Poète<br />
par Gabriel Papapietro<br />
p.17<br />
p.14<br />
Histoire d’Arthur Ganipote<br />
par Guillaume Maupin<br />
p.25<br />
p.20<br />
Les inv<strong>en</strong>tions<br />
du Dr Louche<br />
par <strong>le</strong> Dr Louche<br />
Les beaux dessins d’intro et de conclusion sont de Julie Caty, la couverture de Gabriel Papapietro. Merci à Lucie<br />
pour la re<strong>le</strong>cture att<strong>en</strong>tive et <strong>le</strong>s conseils de mise <strong>en</strong> page.
Du ragondin migrateur et de l’origine de la<br />
multiplication des ronds–points dans <strong>le</strong>s pays<br />
civilisés.<br />
Rapport de Monsieur Armand Digot :<br />
J’ai comm<strong>en</strong>cé à me poser des<br />
questions après mon dix–septième<br />
accid<strong>en</strong>t. Je me suis dit :<br />
« C’est quand même étonnant : c’est<br />
toujours sur cette portion de route que<br />
j’<strong>le</strong>s écrase ! Ces satanés ragondins<br />
ont fini par me rayer <strong>le</strong> pare–buff<strong>le</strong>s de<br />
mon 4X4 ! »<br />
Etant maire de la petite commune<br />
de St Cougna–sur–Gnio<strong>le</strong>, j’ai pris la<br />
décision de faire appel à un spécialiste.<br />
J’ai pris mon portab<strong>le</strong>, composé <strong>le</strong><br />
117 217 et un blond moustachu m’est<br />
apparu. PLOP !<br />
« Service des Génies à votre service ! Appe<strong>le</strong>z moi Bob. Vous désirez ? Notre interv<strong>en</strong>tion<br />
vous sera facturée 1,37 Euros/mn. »<br />
« Alors voilà, j’aimerais savoir pourquoi j’écrase toujours des ragondins sur c’te portion<br />
de route » que j’lui ai dit. « Et pis voilà, j’voudrais <strong>en</strong> être débarassé de ces foutus bestiaux<br />
! »<br />
« Pas de problème, m’a répondu Bob, je vous mets <strong>en</strong> relation avec un spécialiste. Cela<br />
fera une surtaxe de 0,18 Euros/mn. »<br />
Dans un second PLOP ! un livre est apparu sur <strong>le</strong> capot <strong>en</strong>core tout chaud de ma voiture.<br />
Il avait pour titre, écrit <strong>en</strong> <strong>le</strong>ttres d’or gothiques : «L’<strong>en</strong>cyclopédie des myocastors». La<br />
première chose que j’ai pu appr<strong>en</strong>dre, c’est que l’autre nom du ragondin est « myocastor ».<br />
Après m’être quelque peu attardé sur la reproduction chez <strong>le</strong>s myocastors et sur <strong>le</strong>s gravures<br />
d’un érotisme feutré qui accompagnai<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s textes sur <strong>le</strong>ur copulation, j’ai recherché<br />
pourquoi sur cette petite route qui mène à St Cougna–sur–Gnio<strong>le</strong>, je passais mon temps à<br />
<strong>le</strong>s écraser. Dans <strong>le</strong> chapitre intitulé «Lég<strong>en</strong>des et mystères du myocastor», je tombais<br />
sur <strong>le</strong> passage suivant :<br />
« Il existe une espèce de ragondin particulièrem<strong>en</strong>t<br />
rare et mystérieuse. Il s’agit du<br />
ragondin migrateur. Il ne se distingue pas du<br />
ragondin commun si ce n’est par une étrange<br />
manie qui consiste à migrater à tout va. Cette<br />
espèce est particulièrem<strong>en</strong>t nuisib<strong>le</strong> : une fois<br />
qu’un individu a accompli sa migration et<br />
arrive sur de nouvel<strong>le</strong>s terres, il peut infester<br />
toute une région et occasionner d’importants<br />
dégâts. En effet, une fois installé, il comm<strong>en</strong>ce<br />
par se construire un nid dans <strong>le</strong>quel il mettra au<br />
monde des cohortes de petits ragondins qui, une fois l’âge adulte atteint, partiront à <strong>le</strong>ur<br />
tour migrater pour fonder <strong>le</strong>ur propre nid. Tous <strong>le</strong>s rejetons du ragondin–mère partiront
dans la même direction et<br />
suivront, pour des raisons qui rest<strong>en</strong>t<br />
mystérieuses, <strong>le</strong> même chemin.<br />
Au cours de <strong>le</strong>ur migration, ces<br />
ragondins se livr<strong>en</strong>t à de multip<strong>le</strong>s déprédations<br />
: <strong>en</strong> sus de tout ravager<br />
sur <strong>le</strong>ur passage, ils n’hésit<strong>en</strong>t pas<br />
à r<strong>en</strong>verser <strong>le</strong>s tortues, à cracher<br />
sur <strong>le</strong>s cagouil<strong>le</strong>s, à vio<strong>le</strong>r mouches<br />
et moustiques ou à sauter sur <strong>le</strong>s<br />
gr<strong>en</strong>ouil<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>s écraser.<br />
Toute personne qui croise un ragondin migrateur doit veil<strong>le</strong>r à protéger son intégrité<br />
physique et mora<strong>le</strong>. Ils sont capab<strong>le</strong>s de tout : on rapporte des cas de ragondins migrateurs<br />
exhibitionnistes, philosophes, chanteurs...<br />
Il convi<strong>en</strong>t aussi de se méfier de ces animaux pour une autre raison : <strong>le</strong>s ragondins d’une<br />
même région peuv<strong>en</strong>t choisir de migrer <strong>en</strong>semb<strong>le</strong> et se rassemb<strong>le</strong>nt dans des groupes qui<br />
peuv<strong>en</strong>t compter des milliers d’individus. Ainsi, la grande migration des ragondins du Berry<br />
ravagea–t–el<strong>le</strong> Bourges <strong>en</strong> 1580 : la vil<strong>le</strong> fut presque tota<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t anéantie. C’est aussi une<br />
grande migration des ragondins qui ravagea l’empire des Mayas peu de temps avant l’arrivée<br />
des Europé<strong>en</strong>s. L’ONU, consci<strong>en</strong>te du danger que représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s ragondins migrateurs,<br />
aurait mis sur pied une organisation parallè<strong>le</strong> nommée OLRIC (Organisation de Lutte contre <strong>le</strong>s<br />
Ragondins Immigrant Clandestinem<strong>en</strong>t) dont <strong>le</strong> but était de <strong>le</strong>s éradiquer. Cette organisation<br />
ayant périclitée p<strong>en</strong>dant la guerre froide (<strong>le</strong>s ragondins migrateurs ayant la fâcheuse t<strong>en</strong>dance<br />
à passer à l’Ouest), la lutte contre ces nuisib<strong>le</strong>s s’est organisée au niveau des états. En<br />
France, la commission MARCEL (Mission pour l’Abattage des Ragondins, <strong>le</strong>ur Confinem<strong>en</strong>t,<br />
Ecrabouil<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t et Lacération) a découvert une manière très simp<strong>le</strong> pour s’<strong>en</strong> débarrasser :<br />
<strong>le</strong> ragondin migrateur qui s’<strong>en</strong>gage sur un rond–point ne peut <strong>en</strong> sortir. Il tourne alors<br />
jusqu’à épuisem<strong>en</strong>t de ses forces ou jusqu’à ce qu’il soit écrabouillé par un véhicu<strong>le</strong>,<br />
quel qu’il soit... »<br />
En tant que maire de la petite commune de St Cougna–sur–Gnio<strong>le</strong>, je Je me mis à craindre<br />
pour ma commune <strong>le</strong>s prémices d’une invasion.<br />
C’est alors que j’ai pris mon téléphone portab<strong>le</strong>, composé <strong>le</strong> 117 217 :<br />
« Mettez–moi <strong>en</strong> relation avec la DDE et toutes <strong>le</strong>s <strong>en</strong>treprises de BTP de la région ! »
L’aigrette (fine) de claire.<br />
Localisation : On trouve l’aigrette (fine) de claire principa<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t dans <strong>le</strong>s marais,<br />
plus exactem<strong>en</strong>t dans <strong>le</strong>s claires à huîtres et <strong>le</strong> plus fréquemm<strong>en</strong>t près des villages de<br />
Chail<strong>le</strong>vette, Mar<strong>en</strong>nes, Oléron, La Tremblade ou l’Eguil<strong>le</strong> où el<strong>le</strong> officie avec la plus<br />
grande consci<strong>en</strong>ce professionnel<strong>le</strong>.<br />
Mode de vie : L’aigrette (fine) de claire joue un rô<strong>le</strong> ess<strong>en</strong>tiel et pourtant méconnu dans<br />
l’ostréiculture saintongeaise. En effet, si <strong>le</strong>s vaches ont besoin de musique classique pour<br />
produire un lait de bonne qualité, <strong>le</strong>s huîtres ont besoin de bonnes blagues pour affermir<br />
<strong>le</strong>ur chair et la r<strong>en</strong>dre plus délicieuse. Or, dans <strong>le</strong>s marais, nul autre animal n’a <strong>le</strong> s<strong>en</strong>s<br />
de l’humour aussi développé que l’aigrette dont <strong>le</strong>s blagues s’affin<strong>en</strong>t naturel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
claire. Les meil<strong>le</strong>ures aigrettes, c’est-à-dire <strong>le</strong>s plus drô<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>s plus spirituel<strong>le</strong>s, sont<br />
indubitab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s aigrettes de Mar<strong>en</strong>nes-Oléron. Grâce à <strong>le</strong>ur humour, tantôt fin et pince<br />
sans–rire, tantôt vulgaire et ravageur, <strong>le</strong>s huîtres se gondo<strong>le</strong>nt de rire, et grandiss<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
suivant des formes harmonieuses. Les huîtres appréciant<br />
particulièrem<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s blagues sur <strong>le</strong>s mou<strong>le</strong>s, l’aigrette<br />
(fine) de claire cherche toujours à <strong>en</strong>richir son<br />
répertoire de ce g<strong>en</strong>re de blagues (vous pouvez<br />
<strong>en</strong>voyer vos blagues sur <strong>le</strong>s mou<strong>le</strong>s – <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dez<br />
par-là : mollusque lamellibranche comestib<strong>le</strong>, à<br />
coquil<strong>le</strong> bivalve sombre, réputé pour son manque<br />
d’humour – à la rédaction qui <strong>le</strong>s transmettra<br />
aux aigrettes abonnées à la Cagouil<strong>le</strong>).<br />
REPORTAGE :<br />
La rédaction de la Cagouil<strong>le</strong> s’est r<strong>en</strong>due<br />
jusqu’au marais de M. où nous avons<br />
réussi à interroger une aigrette (fine) de<br />
claire sur son métier.<br />
La Cagouil<strong>le</strong> : Vous êtes l’aigrette<br />
la plus célèbre du Sud–Ouest. A quoi<br />
devez-vous votre réputation ?<br />
L’aigrette : A mes bas de soie, gris<br />
perlés. (Des bul<strong>le</strong>s crèv<strong>en</strong>t la surface<br />
de la claire : <strong>le</strong>s huîtres bouillonn<strong>en</strong>t de<br />
rire.)<br />
La Cagouil<strong>le</strong> : Pouvez-vous<br />
expliquer à nos <strong>le</strong>cteurs pourquoi<br />
vous êtes indisp<strong>en</strong>sab<strong>le</strong>s ?<br />
L’aigrette : Parce que <strong>le</strong>s huîtres<br />
sont bi<strong>en</strong> meil<strong>le</strong>ures avec la fine<br />
aigrette. (Les huîtres se tord<strong>en</strong>t de<br />
rire, l’eau se troub<strong>le</strong>.)<br />
La Cagouil<strong>le</strong> : Pouvez–vous nous<br />
raconter une histoire de mou<strong>le</strong> ?
L’aigrette : C’est l’histoire d’une mou<strong>le</strong> qui était amoureuse d’une frite. La frite dit un<br />
jour à la mou<strong>le</strong> : « Entre nous c’est fini. Je te trompe avec un pou<strong>le</strong>t. » (Hilarité de l’aigrette<br />
qui choit dans la claire et désopilance des huîtres qui hur<strong>le</strong>nt de rire et finiss<strong>en</strong>t de troub<strong>le</strong>r<br />
l’eau.)<br />
En faisant <strong>le</strong> tour des marais, nos journalistes ont pu récolter quelques blagues :<br />
- Comm<strong>en</strong>t appel<strong>le</strong>–t–on une mou<strong>le</strong> qui a <strong>le</strong> s<strong>en</strong>s de l’humour ? Une huître.<br />
- Qu’est–ce qui est noire, velue et qui pue quand on la sort de l’eau ? Une mou<strong>le</strong>.<br />
- Tu sais pourquoi <strong>le</strong>s mou<strong>le</strong>s filtr<strong>en</strong>t l’eau comme ça ? Parce qu’el<strong>le</strong>s ne peuv<strong>en</strong>t pas<br />
la filtrer comme ça !<br />
Il va de soi que l’humour que partag<strong>en</strong>t huîtres et aigrettes s’adresse à un public d’initiés.<br />
Certains savants se sont p<strong>en</strong>chés sur ce drô<strong>le</strong> d’humour qui s’exerce ess<strong>en</strong>tiel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t<br />
aux dép<strong>en</strong>s de la mou<strong>le</strong>. Certes, huîtres et mou<strong>le</strong>s se connaiss<strong>en</strong>t bi<strong>en</strong> car el<strong>le</strong> partag<strong>en</strong>t<br />
depuis des millions d’années <strong>le</strong> même habitat. Mais pourquoi faire des blagues sur <strong>le</strong>s<br />
mou<strong>le</strong>s ? Selon l’histori<strong>en</strong> Max Gallus, interrogé par la rédaction, <strong>le</strong>s huîtres se sont toujours<br />
moquées des mou<strong>le</strong>s. Horace, au premier sièc<strong>le</strong> avant J.C. est d’ail<strong>le</strong>urs <strong>le</strong> premier à <strong>le</strong><br />
remarquer. « Quidquid delirant ostreas, p<strong>le</strong>ctuntur musculi. »<br />
« Toutes <strong>le</strong>s fois que <strong>le</strong>s huîtres font des sottises (délir<strong>en</strong>t), ce sont <strong>le</strong>s mou<strong>le</strong>s qui reçoiv<strong>en</strong>t<br />
<strong>le</strong>s coups » (Horace, Epîtres, 1, 2, 14). Le célèbre naturaliste saintongeais Joseph eul’<br />
Cougna a, quant à lui, une explication toute simp<strong>le</strong> : « Si <strong>le</strong>s huîtres aim<strong>en</strong>t autant <strong>le</strong>s<br />
blagues sur <strong>le</strong>s mou<strong>le</strong>s, c’est parce que <strong>le</strong>s mou<strong>le</strong>s sont vraim<strong>en</strong>t connes. »<br />
DERNIERE MINUTE !<br />
La rédaction ayant reçu des m<strong>en</strong>aces de la part d’un certain FMLM, La Cagouil<strong>le</strong> a<br />
courageusem<strong>en</strong>t décidé d’offrir gracieusem<strong>en</strong>t un droit de réponse à ce mouvem<strong>en</strong>t.<br />
«Nous, membres du FMLM (Force Maoïste de Lutte Mytilique), suite à l’artic<strong>le</strong><br />
blasphématoire à paraître dans votre Cagouil<strong>le</strong>, nous insurgeons vio<strong>le</strong>mm<strong>en</strong>t contre<br />
l’image que vous donnez des membres de notre glorieuse espèce. Nous considérons que<br />
faire la publicité et r<strong>en</strong>dre hommage aux pratiques infâmantes des aigrettes et des huîtres à<br />
l’<strong>en</strong>contre des membres de notre race ne relève plus du journalisme mais de la diffamation<br />
et de la calomnie. Par de tel<strong>le</strong>s pratiques, votre journal s’expose aux représail<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s plus<br />
viru<strong>le</strong>ntes qu’<strong>en</strong>t<strong>en</strong>d bi<strong>en</strong> m<strong>en</strong>er notre mouvem<strong>en</strong>t si vous ne publiez pas un droit de<br />
réponse.<br />
Nous finirons cette déclaration par une histoire drô<strong>le</strong> pour montrer au monde <strong>en</strong>tier que,<br />
loin de manquer d’humour, <strong>le</strong>s mou<strong>le</strong>s ont un s<strong>en</strong>s de la plais<strong>en</strong>terie fin et racé. Blague<br />
: Pourquoi <strong>le</strong>s blagues des aigrettes font toujours PLOUF ? Parce qu’el<strong>le</strong>s tomb<strong>en</strong>t à<br />
l’eau.»<br />
Réponse de la Cagouil<strong>le</strong> :<br />
La rédaction de la Cagouil<strong>le</strong> vi<strong>en</strong>t de recevoir un communiqué du CADAVRE (Cerc<strong>le</strong><br />
des Académici<strong>en</strong>s Décatis et Arrogants Vérificateurs du Raffinem<strong>en</strong>t de l’Ecriture) qui ti<strong>en</strong>t<br />
à nous faire part que Mytilique (adj. ce qui est relatif à la mou<strong>le</strong>) n’est qu’un vulgaire<br />
néologisme. La rédaction de la Cagouil<strong>le</strong> <strong>en</strong> pr<strong>en</strong>d acte <strong>en</strong> espérant que nos amis du<br />
FMLM <strong>en</strong> fass<strong>en</strong>t autant ou chang<strong>en</strong>t de nom.
Histoire d’Arthur Ganipote (suite)<br />
Apres une brève digression concernant l’asc<strong>en</strong>dance d’Arthur, il est temps de rev<strong>en</strong>ir à notre héros.<br />
Au premier coup d’œil, la vie d’Arthur aurait pu semb<strong>le</strong>r faci<strong>le</strong> et monotone. Il<br />
appréciait <strong>le</strong>s mom<strong>en</strong>ts passés avec d’autres villageois dans la taverne c<strong>en</strong>tra<strong>le</strong> du<br />
village. Ce qu’il aimait par dessus tout c’était lorsque la cha<strong>le</strong>ur permettait de rester<br />
sur la terrasse un long mom<strong>en</strong>t. Devant son bock de jus de pomme, il rêvait <strong>en</strong><br />
<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dant <strong>le</strong>s récits fabu<strong>le</strong>ux d’un pêcheur<br />
malchanceux ou d’un maréchal ferrant<br />
affabulateur. Peu lui importait si ces<br />
histoires là étai<strong>en</strong>t véridiques, du<br />
mom<strong>en</strong>t qu’el<strong>le</strong>s lui procurai<strong>en</strong>t<br />
ce petit vertige des grands voyages<br />
où l’on reste assis. Arthur restait<br />
la plupart du temps si<strong>le</strong>ncieux, ne<br />
parlant pas pour ne ri<strong>en</strong> dire tout<br />
<strong>en</strong> appréciant que d’autres que lui<br />
<strong>le</strong> fass<strong>en</strong>t.<br />
Les jours de pluie, il se t<strong>en</strong>ait assez<br />
près de la cheminée pour s<strong>en</strong>tir la<br />
cha<strong>le</strong>ur du feu mais assez loin pour ne<br />
pas s’exposer à un éclairage inopportun.<br />
Certains soirs parmi <strong>le</strong>s plus précieux,<br />
apparaissait un voyageur, parfois même lointain, qui v<strong>en</strong>ait raconter des histoires,<br />
parfois même vraies, qui captivai<strong>en</strong>t l’auditoire.<br />
Plus <strong>en</strong>core que <strong>le</strong>urs récits, Arthur att<strong>en</strong>dait fébri<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s histoires d’H<strong>en</strong>ry<br />
Labuffe qui habitait <strong>en</strong> lisière de forêt non loin du village. Lorsque Labuffe<br />
v<strong>en</strong>ait à la taverne, c’était <strong>en</strong> général après avoir acheté aux commerçants ce<br />
dont il avait besoin pour vivre plusieurs mois seul dans sa curieuse maison.<br />
Il clôturait ces journées d’achat par une visite<br />
rituel<strong>le</strong> à la taverne qui ne manquait jamais de<br />
faire son effet. Il portait un grand manteau<br />
<strong>en</strong> dessous duquel plusieurs draps longs de<br />
cou<strong>le</strong>urs différ<strong>en</strong>tes formai<strong>en</strong>t un curieux<br />
<strong>en</strong>chevêtrem<strong>en</strong>t qui ne laissait ri<strong>en</strong> voir de<br />
sa peau ; <strong>le</strong> tout surplombé d’un chapeau<br />
autrefois rigide et d’une grande barbe dont<br />
<strong>le</strong>s longs poils blancs se confondai<strong>en</strong>t avec<br />
l’épaisse fumée qui s’échappait de sa pipe.<br />
Labuffe était un personnage étrange dont <strong>le</strong>s<br />
villageois se méfiai<strong>en</strong>t. Ils l’avai<strong>en</strong>t longtemps<br />
pris pour un Loup-Garou et ne t<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t pas à <strong>le</strong><br />
voir roder près de <strong>le</strong>urs habitations. Labuffe avait
longtemps profité de ce statut diabolique pour soutirer <strong>en</strong> abondance nourriture et<br />
bois de chauffage, effrayant et m<strong>en</strong>açant <strong>le</strong>s paysans crédu<strong>le</strong>s. Certains <strong>le</strong> craignai<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong>core tandis que d’autres <strong>le</strong> traitai<strong>en</strong>t d’escroc (quoique jamais <strong>en</strong> sa prés<strong>en</strong>ce<br />
!). Il s’amusait d’être perçu comme tel par ceux qui, <strong>le</strong>s premiers, lui avai<strong>en</strong>t accolé<br />
cette image de lycanthrope inquiétant.« S’il est un Loup-Garou, méfions <strong>en</strong> nous<br />
! » criai<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s uns « S’il est un escroc, méfions <strong>en</strong> nous ! » répliquai<strong>en</strong>t <strong>le</strong>s autres.<br />
Quoiqu’il <strong>en</strong> soit, il est tout à fait justifié de dire que Labuffe était un personnage<br />
étrange dont <strong>le</strong>s villageois se méfiai<strong>en</strong>t.<br />
Pour ajouter <strong>en</strong>core à son aspect mystérieux, on disait de lui qu’il parlait aux<br />
esprits des forêts à l’aide d’instrum<strong>en</strong>ts de musique de sa fabrication. Il partait<br />
parfois près de deux semaines<br />
arp<strong>en</strong>ter la forêt à la recherche<br />
du bois nécessaire à la fabrication<br />
d’instrum<strong>en</strong>ts de toutes sortes et de<br />
toutes tail<strong>le</strong>s. Or, si on l’avait parfois<br />
effectivem<strong>en</strong>t aperçu portant du bois,<br />
on l’avait très rarem<strong>en</strong>t surpris<br />
dans son travail de Lutherie, et<br />
personne ne l’avait <strong>en</strong>t<strong>en</strong>du<br />
jouer de musique.<br />
La taverne c<strong>en</strong>tra<strong>le</strong> était <strong>le</strong><br />
seul <strong>en</strong>droit où certains adressai<strong>en</strong>t<br />
la paro<strong>le</strong> à Labuffe, poussés par l’esprit<br />
de camaraderie que procure la boisson ou la victoire d’une équipe quelconque.<br />
Celui-ci, bi<strong>en</strong> que solitaire, avait besoin d’un public pour justifier <strong>le</strong> cérémonial qui<br />
<strong>en</strong>tourait chacun de ses faits et gestes, et pr<strong>en</strong>ait plaisir à ces échanges même s’il<br />
affectait de n’<strong>en</strong> ri<strong>en</strong> laisser paraître. Ainsi, chacun ress<strong>en</strong>tait un privilège certain à<br />
converser avec un homme <strong>en</strong> appar<strong>en</strong>ce si économe de paro<strong>le</strong>s.<br />
Un soir, alors que <strong>le</strong> printemps vivait ses derniers jours, Labuffe eut l’occasion<br />
de bril<strong>le</strong>r et d’impressionner son petit monde. Il avait acheté plus que d’habitude<br />
aux commerçants ravis qui lui offrir<strong>en</strong>t plusieurs chopes à la taverne, n’oubliant<br />
pas d’<strong>en</strong> commander pour eux-mêmes. Il raconta d’abord plusieurs histoires<br />
invraisemblab<strong>le</strong>s de rites d’initiation insurmontab<strong>le</strong>s, de voyages sans fin, de<br />
meurtres effroyab<strong>le</strong>s, ponctuant <strong>le</strong> tout de blagues décalées auxquel<strong>le</strong>s on ne savait<br />
comm<strong>en</strong>t réagir. L’ivresse généralisée favorisait <strong>le</strong> rire et l’on s’<strong>en</strong> réjouissait. Ainsi<br />
grisé, Labuffe expliqua à l’aide de phrases alambiquées, car il ne faisait jamais ri<strong>en</strong><br />
simp<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t, que ses achats de la journée étai<strong>en</strong>t destinés à un voyage qu’il devait<br />
<strong>en</strong>trepr<strong>en</strong>dre prochainem<strong>en</strong>t. « Oui, il serait dommage de rater la réunion des<br />
Orchichalius, je ne sais d’ail<strong>le</strong>urs pas <strong>en</strong>core comm<strong>en</strong>t je vais pouvoir transporter<br />
mes ... » puis il se tut sans achever sa phrase, dans un grand rire qui cachait mal sa<br />
bévue : il avait dit plus qu’il ne voulait dire. Tous rir<strong>en</strong>t de bon coeur sans se soucier<br />
de ri<strong>en</strong> : ils étai<strong>en</strong>t pour la plupart habitués à rire sans raison.<br />
Lorsque Labuffe quitta la taverne <strong>en</strong> saluant tout <strong>le</strong> monde, Arthur sans se faire<br />
voir, <strong>le</strong> suivit. Il espérait apercevoir <strong>le</strong>s instrum<strong>en</strong>ts et surtout <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre la musique<br />
de Labuffe. Il se surprit lui même de cette spontanéité et de la prise de risque<br />
que comportait cette filature nocturne. Caché dans la charrette du vieil homme,<br />
il avait du mal à ne pas respirer bruyamm<strong>en</strong>t. D’ail<strong>le</strong>urs, malgré tous ses efforts<br />
de discrétion, Labuffe avait repéré Arthur dès son départ de la taverne. A peine<br />
arrivé devant sa cabane, il <strong>le</strong> prit par <strong>le</strong> bras <strong>en</strong> disant « Je sais pourquoi tu es ici. Tu<br />
<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dras ma musique mais pour cela tu vas m’assister dans mon voyage. Dépêche<br />
toi et prépare mes affaires ! ». Arthur s’exécuta et n’osa protester car Loup-garou<br />
ou escroc, Labuffe était un personnage étrange dont <strong>le</strong>s villageois se méfiai<strong>en</strong>t.<br />
à suivre dans la Cagouil<strong>le</strong> n° 8...
Le Dr Louche vous répond :<br />
une réponse sci<strong>en</strong>tifique et aléatoire à toute vos questions<br />
Cher docteur Louche, que ti<strong>en</strong>t donc <strong>en</strong> son bec la Colombe de la Paix ?<br />
Nadine Hegzoset, Puteaux.<br />
Chere Nadine.<br />
C’est une très bonne question. Or voici qu’el<strong>le</strong> tombe pi<strong>le</strong> au mom<strong>en</strong>t où une équipe<br />
de onze pro-émin<strong>en</strong>ts chercheurs, dont je suis la partie la plus aiguë, a décidé de r<strong>en</strong>dre<br />
publique, <strong>en</strong> exclusivité pour La Cagouil<strong>le</strong>, son étude sur la nature de ce que ti<strong>en</strong>t la Colombe<br />
<strong>en</strong> son bec. A l’issue d’un protoco<strong>le</strong> sci<strong>en</strong>tifique sévère, de l’analyse de milliers de photos<br />
infrarouges, et surtout face à l’évid<strong>en</strong>ce de l’inefficacité de la prét<strong>en</strong>due action pacificatrice<br />
de l’animal, nous pouvons aujourd’hui révé<strong>le</strong>r à la face du monde désespéré la triste vérité.<br />
L’opinion commune attribue depuis bi<strong>en</strong> longtemps des vertus à ce volati<strong>le</strong> de la famil<strong>le</strong><br />
des Pigeonus Vulgaris Amelioratus. El<strong>le</strong> se représ<strong>en</strong>te la colombe immaculée, imman<strong>en</strong>te,<br />
incarnation du saint-esprit, porteuse d’un rameau d’olivier symbo<strong>le</strong> de vie et de paix…<br />
La Colombe hélas, n’est pas aussi romantique, et ne ti<strong>en</strong>t pas <strong>en</strong> son bec <strong>le</strong> fameux<br />
rameau d’olivier, mais… UNE BROCHETTE DE CHAMALOW. Oui. Une brochette de<br />
chamalow, volée, chaque matin, pour satisfaire une fringa<strong>le</strong> avinée.<br />
La Colombe (sur) prise <strong>en</strong> photo<br />
au petit matin. (Inconnu, 1911,<br />
procédé sel d’arg<strong>en</strong>t)<br />
Cette conclusion, nous la devons aux témoignages d’un ermite initié, d’un confiseur de<br />
r<strong>en</strong>om et d’un employé municipal, recueillis au cours de notre longue <strong>en</strong>quête, que nous vous<br />
rapportons fidè<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t ci-après. (Nous remercions par ail<strong>le</strong>urs <strong>le</strong> fond docum<strong>en</strong>taire du Bar<br />
de la Paix, qui a archivé durant des années photos et dessins de la colombe effectués par<br />
son illustre cli<strong>en</strong>tè<strong>le</strong>) :<br />
L’ermite (Note : l’ermite par<strong>le</strong> aussi distinctem<strong>en</strong>t que possib<strong>le</strong> pour votre confort) : « La<br />
Colombe, pou’ainsi dire chaqu’nuit, allait au Bar de la Paix, non loin d’ma<br />
grotte. Et el<strong>le</strong> <strong>en</strong>gloutissait des litres, des litres pour oublier, des litres bein<br />
frelatés. Et el<strong>le</strong> t’nait tel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t bein l’comptoir, l’comptoir du Bar de la<br />
Paix, qu’on l’a surnommait la Colombe de la Paix. Et <strong>en</strong> sortant d’ce<br />
zinc, au point du jour, el<strong>le</strong> beuglait. C’qu’el<strong>le</strong> beuglait, olé té pas bein<br />
net, un truc du g<strong>en</strong>re « J’veuuu une traaanche de ch’malllo ! ».<br />
Peu après, on la voyait s’<strong>en</strong>vo<strong>le</strong>r, et el<strong>le</strong> cognait çà et là aux troncs,
aux toits et aux ch’minées. Puis el<strong>le</strong> disparaissait, toujours vers <strong>le</strong> nord. Et pi un beau jour,<br />
on l’a pas vu, et on l’a pu jamais r’vu. A s’qui paraît el<strong>le</strong> aurait été emportée par une espèce<br />
de machine du diab<strong>le</strong> qu’on fabrique d’nos jours… »<br />
Le confiseur : « Ah cette satanée bestio<strong>le</strong>, ah ouais, bi<strong>en</strong> j’ai fini par<br />
appe<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s services municipaux, un Aspigeon 3000 qu’ils v<strong>en</strong>ai<strong>en</strong>t<br />
d’acheter, c’était la solution qu’ils m’ont dit. On l’a att<strong>en</strong>du patiemm<strong>en</strong>t,<br />
<strong>en</strong> visant vers <strong>le</strong> sud, cachés sous mon étal de sucreries à bon prix.<br />
Douze années qu’el<strong>le</strong> v<strong>en</strong>ait m’vo<strong>le</strong>r, tous <strong>le</strong>s p’tit matins, <strong>en</strong> effrayant<br />
<strong>le</strong>s cli<strong>en</strong>ts de cris strid<strong>en</strong>ts et rauques à la fois. Chaque fois la même,<br />
une brochette de Chamalow, bein grasse, et el<strong>le</strong> repartait face au so<strong>le</strong>il,<br />
et <strong>en</strong> voyant sa silhouette avec la brochette, « Ohhhhh !!! » <strong>le</strong>s touristes<br />
qu’ils faisai<strong>en</strong>t, « La colombe de la paix ! ». Ouais, j’veux bi<strong>en</strong>, mais à<br />
moi 158,45 euros par an qu’el<strong>le</strong> m’coûtait. »<br />
L’une des Colombes de la fameuse<br />
série de Picasso, jusqu’alors jamais<br />
montrée au public. Pablo <strong>en</strong> fit don<br />
au patron du Bar de la Paix un soir<br />
de grande allégresse (1982). Son<br />
auth<strong>en</strong>ticité est <strong>en</strong> voie d’expertise.<br />
Colombe sur son<br />
lieu de travail (1964),<br />
Esquisse de<br />
Roger Le Maire,<br />
aquarelliste et<br />
maire du village<br />
Bernard, employé municipal préposé à l’Aspigeon :« oh bein<br />
cette fois là, qu’est-ce qu’on a rigolé ! Moi j’fais ma tournée matina<strong>le</strong><br />
avec l’Aspigeon 3000, une bel<strong>le</strong> machine, ouais, la routine quoi, çà<br />
ronronne à 22 pigeons/minutes, du bon boulot, ouais. Ce matin là,<br />
c’était comme qui dirait une mission spécia<strong>le</strong>, un guet-ap<strong>en</strong>s, comme<br />
dans <strong>le</strong>s films avec john wayne quoi. Le plus dur, c’est qu’l’oiseau il<br />
zigzaguait complètem<strong>en</strong>t, on aurait cru qu’il avait trop bu, ouais. Mais<br />
j’ai <strong>en</strong>c<strong>le</strong>nché l’aspiration maxima<strong>le</strong>, et là, ô l’a pas fait un pli : un<br />
beau « Schhhllllgllluurrppp !!! » que çà a fait. Et puis çà a aussi aspiré<br />
pas mal de sucre d’orges et d’chamalow, ouais, et avec la tête du<br />
confiseur, qu’est-ce qu’on a rigolé avec R<strong>en</strong>é (mon collègue) ».<br />
Photo de<br />
l’aspigeonage<br />
de la Colombe,<br />
prise par feu<br />
M. Fol<strong>le</strong>t, <strong>le</strong><br />
matin du 13<br />
juil<strong>le</strong>t 2008.<br />
Conclusion :<br />
De nombreuses preuves sci<strong>en</strong>tifiques vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t corroborer ces témoignages, notamm<strong>en</strong>t<br />
<strong>le</strong>s analyses des fi<strong>en</strong>tes du volati<strong>le</strong>, à ce point toxiques qu’el<strong>le</strong>s ont formé une série de<br />
mini-cratères observab<strong>le</strong>s depuis <strong>le</strong> ciel <strong>en</strong>tre Mortagne sur Gironde et <strong>le</strong> Front de Mer de<br />
Royan.<br />
La sci<strong>en</strong>ce, cep<strong>en</strong>dant, chère Nadine, n’aura probab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t pas, à mon grand dam, et<br />
malgré cette ret<strong>en</strong>tissante révélation, raison d’une lég<strong>en</strong>de qui a été <strong>en</strong>tret<strong>en</strong>ue au fil des<br />
ans par des g<strong>en</strong>s très bi<strong>en</strong>, comme Picasso ou <strong>le</strong> Nana Mouskouri Band. Notre ermite nous<br />
a même affirmé, hors-micro, dans un grand si<strong>le</strong>nce ému, après s’être pourléché <strong>le</strong>s lèvres<br />
d’un air songeur, que cette colombe était «tout de même une bein bonne colombe ».<br />
On est pas sortis de la grotte, c’est moi qui vous <strong>le</strong> dit.<br />
Dr. Louche<br />
De l’Académie des Sci<strong>en</strong>ces Aléatoires Saintongeaises<br />
Envoyez vos questions au Dr. Louche avant <strong>le</strong> 30 octobre 2008 sur supercagouil<strong>le</strong>@live.fr<br />
une question tirée au sort sera traitée dans la Cagouil<strong>le</strong> 8, <strong>le</strong>s autres sur supercagouil<strong>le</strong>.<br />
com
Un, deux, trois... cagouil<strong>le</strong> ! qu’el<strong>le</strong> est morte depuis 150 ans mais comme <strong>le</strong> précise Gérard, arrière petit-fils de<br />
Jeannot, <strong>le</strong> premier part<strong>en</strong>aire de Jérominet, « olé interdit de dépiacer eune cagouil<strong>le</strong><br />
p<strong>en</strong>dant in partie! ». Alors on ne peut pas vérifier, bah non...<br />
Parmi <strong>le</strong>s nombreux jeux pratiqués sur la terre de poilade qu’est la Saintonge, l’un des<br />
plus passionnants est sans doute <strong>le</strong> « un, deux, trois... cagouil<strong>le</strong> ! ».<br />
Ce jeu millénaire est si <strong>en</strong>voûtant que <strong>le</strong>s drô<strong>le</strong>s <strong>en</strong> oubli<strong>en</strong>t de retourner à l’éco<strong>le</strong>,<br />
ce qui n’a pas d’importance puisque pour jouer à « un, deux, trois... cagouil<strong>le</strong> ! » il suffit<br />
d’appr<strong>en</strong>dre à compter jusqu’à trois et de savoir faire la différ<strong>en</strong>ce <strong>en</strong>tre une cagouil<strong>le</strong> et un<br />
caillou. « Me, ol’a appris à compter jusqu’a dix eh b<strong>en</strong> ça m’sert a reun du tout » déplore<br />
un surdiplômé.<br />
Mais quel est <strong>le</strong> but de ce jeu qui a l’air bi<strong>en</strong> merveil<strong>le</strong>ux ? Hein! Qu’est-ce qu’il faut faire<br />
? Que to qu’olé qu’i faut faire ? Passque quand même c’est fort mystérieux... On s’<strong>en</strong> mord<br />
<strong>le</strong>s doigts hein, tel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t qu’on voudrait savoir, hein... Eh bi<strong>en</strong> ne tremb<strong>le</strong> plus, <strong>le</strong>cteur<br />
impati<strong>en</strong>t ! Tu vas tout connaître de ce jeu s<strong>en</strong>sationnel, ses règ<strong>le</strong>s, ses championnats, ses<br />
champions, sa magie et la recette de la crème pour <strong>le</strong>s doigts mangés.<br />
Ecartez <strong>le</strong>s bras. Fermez <strong>le</strong>s yeux... Bon, visib<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t vous n’avez ni écarté <strong>le</strong>s bras,<br />
ni fermé <strong>le</strong>s yeux puisque vous m’avez <strong>en</strong>core <strong>en</strong>tre <strong>le</strong>s mains et sous <strong>le</strong>s yeux... Je suis<br />
déçu. Ceux qui ont écarté <strong>le</strong>s bras et rouvert <strong>le</strong>s yeux, bravo! Époussetez-moi ce magazine<br />
et continuons notre voyage. Les plus obéissants qui ont <strong>en</strong>core <strong>le</strong>s yeux fermés devrai<strong>en</strong>t<br />
nous rejoindre dans une dizaine d’heures...<br />
En effet nous allons voyager <strong>en</strong> 1717, <strong>en</strong> p<strong>le</strong>in dans la Saintonge, dans <strong>le</strong> milieu, dans<br />
<strong>le</strong> cœur pour tout dire. Là, Josette Fripoux se promène, <strong>le</strong>s mains dans <strong>le</strong>s poches. Hier<br />
il p<strong>le</strong>uvait. C’est tout mouillé. Partout. Alors du coup ce matin y a des cagouil<strong>le</strong>s. Partout.<br />
Josette aimerait bi<strong>en</strong> tout manger, el<strong>le</strong> a bi<strong>en</strong> faim. Mais comme el<strong>le</strong> se promène <strong>le</strong>s<br />
mains dans <strong>le</strong>s poches et pis qu’el<strong>le</strong> a pas de poches, eh b<strong>en</strong> on peut <strong>le</strong> dire, el<strong>le</strong> est<br />
bi<strong>en</strong> embêtée. Et puis <strong>en</strong> plus, el<strong>le</strong> a bon cœur et el<strong>le</strong> aime bi<strong>en</strong> <strong>le</strong>s cagouil<strong>le</strong>s vivantes<br />
aussi. Alors là on peut <strong>le</strong> redire : el<strong>le</strong> est bi<strong>en</strong> embêtée. Alors ni une ni deux ni trois, un,<br />
deux, trois, el<strong>le</strong> décide de r<strong>en</strong>trer chez el<strong>le</strong> et pis de rev<strong>en</strong>ir ce soir avec un panier. Et <strong>le</strong>s<br />
cagouil<strong>le</strong>s qui auront atteint <strong>le</strong> mur là, <strong>en</strong> face, el<strong>le</strong> <strong>le</strong>s ramassera et hop, à la cassero<strong>le</strong>.<br />
El<strong>le</strong> revi<strong>en</strong>t <strong>le</strong> soir v<strong>en</strong>u, au petit crépuscu<strong>le</strong>, <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il se couchant t<strong>en</strong>drem<strong>en</strong>t sur tout<br />
<strong>le</strong> bouzin et qu’est-ce qu’el<strong>le</strong> trouve la Josette sur <strong>le</strong> mur ? Trois petites cagouil<strong>le</strong>s. C’est<br />
pas b<strong>en</strong> cher payé qu’a s’dit la Josette ! Mais olé une bonne joueuse, et el<strong>le</strong> emporte son<br />
maigre butin <strong>en</strong> se promettant de rev<strong>en</strong>ir chaque <strong>le</strong>ndemain de p<strong>le</strong>u pour jouer à... un deux<br />
trois... cagouil<strong>le</strong>s ! Oui madame. Le jeu millénaire est né.<br />
Depuis ce jour béni <strong>le</strong>s saintongeais vont quelque part ou ya un mur et jou<strong>en</strong>t à un,<br />
deux, trois... cagouil<strong>le</strong> ! avec un bonne bouteil<strong>le</strong> de saintongeade à la main. Les règ<strong>le</strong>s sont<br />
simp<strong>le</strong>s : on dépose sa cagouil<strong>le</strong> favorite sur la place, on compte jusqu’à trois jusqu’au soir<br />
et <strong>le</strong> soir v<strong>en</strong>u, <strong>le</strong> petit crépuscu<strong>le</strong>, on pr<strong>en</strong>d <strong>le</strong>s cagouil<strong>le</strong>s qui ont atteint <strong>le</strong> mur et on <strong>le</strong>s<br />
bouffe. Les perdants sont appelés <strong>le</strong>s Josettes, <strong>le</strong> but du jeu étant, vous l’aurez deviné,<br />
de ne pas toucher <strong>le</strong> mur. Si aucune cagouil<strong>le</strong> n’a touche <strong>le</strong> mur au petit crépuscu<strong>le</strong>, on<br />
<strong>le</strong>s laisse là et on revi<strong>en</strong>t <strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain matin. Et à ce jeu là, certaines cagouil<strong>le</strong>s sont<br />
bigrem<strong>en</strong>t douées. Rappelons que la cagouil<strong>le</strong> championne toutes catégories, Jérominet,<br />
est sur la place de l’Eglise de Meschers depuis <strong>le</strong> 17 mars 1843. Certains prét<strong>en</strong>d<strong>en</strong>t<br />
Vous savez désormais presque tout du un, deux, trois... cagouil<strong>le</strong> ! sauf ce que vous ne<br />
connaissez pas et que vous êtes bi<strong>en</strong> g<strong>en</strong>tils de me demander mais c’est une autre histoire<br />
ou peut-être non mais certainem<strong>en</strong>t. Nonobstant.<br />
Sachez tout de même que ce jeu a été retourné comme une vilaine chaussette par <strong>le</strong>s<br />
Aunissois puis par la France <strong>en</strong>tière puisqu’<strong>en</strong> ces contrées un p’tit peu sauvages <strong>le</strong> but<br />
du jeu est d’al<strong>le</strong>r <strong>le</strong> plus vite sans se faire voir, comme des vo<strong>le</strong>urs, de toucher <strong>le</strong> mur pour<br />
gagner et de crier comme des dingues « un, deux, trois... so<strong>le</strong>il ! » comme si <strong>le</strong>s cagouil<strong>le</strong>s<br />
aimai<strong>en</strong>t <strong>le</strong> so<strong>le</strong>il. Ca ne dure même pas un an, à peine cinq minutes! Et <strong>en</strong> plus ce sont<br />
des hommes, <strong>en</strong>fin des sauvages, qui cour<strong>en</strong>t. Moi j’appel<strong>le</strong> ça des ânes, des baudets, de<br />
sacrés couillons <strong>en</strong> somme.<br />
A part ça, il devrait faire clair sur l’<strong>en</strong>semb<strong>le</strong> du territoire dans la matinée, sauf sur la<br />
Champagne-Ard<strong>en</strong>ne, c’est déjà ça.
Turpitudes d’un Saintongeais turlupiné J’écluse ce hors d’oeuvre avec l’habi<strong>le</strong>té nécessaire pour ne pas me brû<strong>le</strong>r ni<br />
me tacher (je remarque au passage qu’il n’y a pas de baguettes !), avec un bon<br />
demi demi-litre de bière. Et att<strong>en</strong>ds patiemm<strong>en</strong>t la suite.<br />
« Il y a des soirs… » me dis-je <strong>en</strong> p<strong>en</strong>sant au titre du deuxième opus d’un<br />
chanteur de ma région nata<strong>le</strong> qui me manque (la région bi<strong>en</strong> sûr) « … où ce n’est<br />
pas faci<strong>le</strong> pour tout <strong>le</strong> monde, » me permets-je de compléter. Et <strong>en</strong> ces soirs de<br />
profonde solitude et de désarroi dignes d’un ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>t autrichi<strong>en</strong> <strong>en</strong> p<strong>en</strong>sionnat<br />
militaire, je pr<strong>en</strong>ds la cagouil<strong>le</strong> – mélancolique – par <strong>le</strong>s cornes et m’oblige<br />
incontin<strong>en</strong>t à sortir de mon terrier de neuf mètres carrés que je partage – aux<br />
dép<strong>en</strong>s de ma santé m<strong>en</strong>ta<strong>le</strong> – avec un autochtone laconique et sa compagne qui<br />
manque d’éducation mais pas de pusillanimité.<br />
Alors je me retrouve sur <strong>le</strong>s grands bou<strong>le</strong>vards à marcher <strong>le</strong> long des échoppes<br />
et des bouges qui me baign<strong>en</strong>t et me berc<strong>en</strong>t de <strong>le</strong>urs effluves âcres, chargées<br />
de nicotine et de la lumière glauque et scintillante de <strong>le</strong>urs néons chamarrés.<br />
Je p<strong>en</strong>se au héros de Taxi Driver dont <strong>le</strong> nom me revi<strong>en</strong>dra plus tard et me s<strong>en</strong>s<br />
l’<strong>en</strong>vie d’acquérir une paire de bottes <strong>en</strong> croco si l’occasion se prés<strong>en</strong>te.<br />
Mais pour l’heure, je conc<strong>en</strong>tre toute mon att<strong>en</strong>tion à détecter parmi la charge<br />
des vapeurs de fromages et saucisses frites, une exhalaison de sauce aigredouce.<br />
Ce soir, c’est chinois ! J’aime al<strong>le</strong>r dîner – seul ou accompagné – dans <strong>le</strong>s<br />
restaurants chinois (<strong>en</strong>t<strong>en</strong>dez « chinois » comme un terme générique regroupant<br />
toutes ces provinces d’extrême ori<strong>en</strong>t aux dia<strong>le</strong>ctes aussi exotiques que variés, au<br />
tourisme bon marché et à la fécondité restreinte). Ils s’avèr<strong>en</strong>t souv<strong>en</strong>t être un<br />
bon ref<strong>le</strong>t des pays dans <strong>le</strong>squels ils se sont installés.<br />
Dans <strong>le</strong> mi<strong>en</strong>, celui que je choisis ce soir, il y a un écran plat géantissime où<br />
l’on passe des rediffusions de matchs de t<strong>en</strong>nis, et une chaîne hi-fi que je ne peux<br />
voir, probab<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t retirée dans un coin de la cuisine, qui diffuse de la techno au<br />
rythme peu <strong>en</strong>traînant. Tout ceci n’est que points de repères pour mieux supporter<br />
<strong>le</strong> décalage culturel que nous impos<strong>en</strong>t la décoration et aménagem<strong>en</strong>ts du lieu.<br />
Aussi, j’ai horreur d’avoir l’air d’un touriste – comme bi<strong>en</strong> des g<strong>en</strong>s voyageant<br />
à l’étranger – et me précipite donc vers une tab<strong>le</strong> avec autant d’assurance que si<br />
j’y avais vu mon nom, m<strong>en</strong>tion « réservé », avant que l’on n’estime nécessaire de<br />
me pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> mains.<br />
Acclimaté et installé, je contemp<strong>le</strong> grand seigneur la sal<strong>le</strong> avant de commander<br />
un rou<strong>le</strong>au de printemps et des crevettes au curry. Le rou<strong>le</strong>au, c’est par<br />
gourmandise car je n’ai pas si faim que ça. Mais j’<strong>en</strong> savoure déjà la fraîcheur<br />
de la m<strong>en</strong>the. Comme je <strong>le</strong> disais, ce type d’établissem<strong>en</strong>t s’adapte très bi<strong>en</strong> aux<br />
pays qu’ils colonis<strong>en</strong>t insidieusem<strong>en</strong>t. Un peu à la manière des Mcdonald’s qui<br />
vous propos<strong>en</strong>t des fish and chips <strong>en</strong> Ang<strong>le</strong>terre, de la bière <strong>en</strong> France et <strong>en</strong><br />
Al<strong>le</strong>magne, et dissimu<strong>le</strong>nt <strong>le</strong> jus de viande de vache dans <strong>le</strong> ketchup <strong>en</strong> Inde.<br />
De la même manière donc, <strong>le</strong> rou<strong>le</strong>au de printemps <strong>en</strong> Tchéquie est servi frit !<br />
sur un mince et délicat revêtem<strong>en</strong>t d’hui<strong>le</strong> <strong>en</strong>core bouillante. Je comm<strong>en</strong>çais – à<br />
peine – à regretter.<br />
A cette heure, je mise tout sur <strong>le</strong> plat principal, sachant que je ne demanderai<br />
pas la carte des desserts. Et me fais cette réf<strong>le</strong>xion : « dans un pays où l’on boit un<br />
demi litre de bière <strong>en</strong> apéro et un autre <strong>en</strong> mangeant, et où l’on se fait servir par<br />
des g<strong>en</strong>s qui ont <strong>le</strong> s<strong>en</strong>s de l’économie, je vais être lésé sur <strong>le</strong>s quantités ça ne va<br />
pas faire un pli. Je me serais rincé la dal<strong>le</strong> une fois de plus mais <strong>en</strong> sortant j’aurai<br />
<strong>le</strong>s crocs (cf. ci-dessus l’autre chaîne de restauration rapide m<strong>en</strong>tionnée). »<br />
La serveuse arrive avec mon plat – garni ! - et s’<strong>en</strong>fuit aussitôt après l’avoir<br />
soigneusem<strong>en</strong>t déposé comme pour ne pas insister sur l’erreur de mon jugem<strong>en</strong>t<br />
hâtif. Je me débarrasse rapidem<strong>en</strong>t des crevettes et demande l’addition – <strong>le</strong> temps<br />
presse car je ne veux pas arriver <strong>en</strong> retard au cinéma, c’est une avant-première<br />
et j’aime profiter des bandes annonces. La personne qui s’occupe de moi depuis<br />
<strong>le</strong> début de la soirée me r<strong>en</strong>d la monnaie <strong>en</strong> étalant <strong>le</strong>s bil<strong>le</strong>ts <strong>en</strong> év<strong>en</strong>tail avec<br />
une vulgarité qui chez eux doit susciter <strong>le</strong> respect. Je range <strong>le</strong> tout et là-dessus, se<br />
dresse une autre femme <strong>en</strong>core plus petite, qui dépose so<strong>le</strong>nnel<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t devant moi<br />
un petit verre. Un digestif ! A l’œil ! Chic ! C’est une espèce de vin cuit. Un Porto<br />
peut être… ou bi<strong>en</strong>, non, un Ambassadeur. Et bi<strong>en</strong> moi, <strong>en</strong> tant qu’ambassadeur<br />
de la Saintonge, j’aurais préféré un Pineau.<br />
Je lève <strong>le</strong> coude d’un geste sec, et sors. Me voilà dans la rue. Dans quelques<br />
minutes j’ai r<strong>en</strong>dez-vous avec ma nostalgique et prime jeunesse figurée <strong>en</strong> la<br />
personne de John Rambo.<br />
J’aurais bi<strong>en</strong> pris des raviolis, mais je ne sais pas <strong>le</strong> dire <strong>en</strong> tchèque.
Du coq à l’âne : Plus de Bave Volume II<br />
A la demande expresse du Docteur Louche, je pr<strong>en</strong>ds une plume exceptionnel<strong>le</strong> pour<br />
répondre à l’hypothétique question de l’auditeur exposé au cont<strong>en</strong>u, j’espère improbab<strong>le</strong>, réuni<br />
sous l’appellation heureuse Plus de Bave Volume II, à savoir : « mais qu’est ce que c’est que<br />
ce truc ?! »<br />
Ce truc, comme <strong>le</strong> nom l’indique, est la suite de Plus de Bave Volume I (cf La Cagouil<strong>le</strong><br />
n°5), premier opus communautaire des av<strong>en</strong>tures musica<strong>le</strong>s de la diaspora saintongeaise et<br />
de ses associés : compr<strong>en</strong>dre des chansons bricolées à la maison, <strong>en</strong>tre amis, par des types<br />
ayant grandi à Royan (17) et a<strong>le</strong>ntours à la fin du XXème sièc<strong>le</strong>, avec l’aide de camarades de<br />
l’extérieur aux parcours plus ou moins parallè<strong>le</strong>s.<br />
Quelques détails sur <strong>le</strong> noyau dur de Saintonge Records, colonne vertébra<strong>le</strong> de ce<br />
disque :<br />
Guillaume Maupin, notre maître à tous, pionnier de la r<strong>en</strong>aissance musica<strong>le</strong> saintongeaise,<br />
a biberonné Tri Yann et Kirjuel <strong>en</strong> famil<strong>le</strong>, appris à aimer Bach et Ha<strong>en</strong>del à l’éco<strong>le</strong>, intégré<br />
depuis son ado<strong>le</strong>sc<strong>en</strong>ce une fou<strong>le</strong> de traditions (rock de toutes chapel<strong>le</strong>s, jazz old-school et<br />
free, blues, country, musique contemporaine, « du monde », traditionnel<strong>le</strong> de partout…).<br />
Membre fondateur du groupe vocal trad Tartine de Clous, ce juke-box humain, Zimmermani<strong>en</strong><br />
maniaque, cultive depuis 15 ans un folk lumineux et épuré. L’homme met <strong>en</strong> place aujourd’hui,<br />
à Bruxel<strong>le</strong>s, un trio de free rock é<strong>le</strong>ctronique que j’espère <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dre dans un volume III…<br />
Lonely Kid Qu<strong>en</strong>tin, <strong>le</strong> plus jeune d’<strong>en</strong>tre nous, ex-<strong>en</strong>fant de chœur, a appris ce qu’il<br />
sait de trompette dans une éco<strong>le</strong> municipa<strong>le</strong>, s’est rêvé jamaïcain avant de ressusciter <strong>en</strong><br />
crooner-chroniqueur acide et acerbe, esthète raffiné d’une pop autodidacte et de moins <strong>en</strong><br />
moins minimaliste…<br />
Don Thomas, membre de Tartine de Clous, installé à Paris, est chanteur lyrique de métier.<br />
Bluesman sophistiqué à ses heures, il est associé ici au Kid, dans deux essais de<br />
chanson libre, bricolés à partir de bouc<strong>le</strong>s improvisées.<br />
J.B., mon compère des Nightmare Hillbilly Girls, est un natif de l’i<strong>le</strong> d’Oléron.<br />
Autodidacte (<strong>en</strong>core) doué, <strong>en</strong>tré <strong>en</strong> musique via <strong>le</strong> rock indé 90s, ce multi instrum<strong>en</strong>tiste de<br />
classe développe, au Costa-Rica où il vit, une méthode douce de chanson intime, ironique et<br />
minimaliste…<br />
Cédric Nouvel a ram<strong>en</strong>é de 3 ans <strong>en</strong> Angola l’esprit de Saintonge Sud, synthèse ébauchée<br />
d’une Afrique Fantôme et du rock à la belge que nous essayions de jouer <strong>en</strong>semb<strong>le</strong><br />
à la fin du sièc<strong>le</strong> dernier. Son réc<strong>en</strong>t départ pour <strong>le</strong> Brésil met <strong>en</strong>tre par<strong>en</strong>thèse l’activité<br />
de Barbeblues, duo que cet autodidacte (décidém<strong>en</strong>t), pur produit de la génération Nirvana<br />
rev<strong>en</strong>ue à Leadbelly, avait fondé à C<strong>le</strong>rmont-Ferrand avec Brice, harmoniciste blueseux et<br />
breton…<br />
Pete Louis Abraham est votre serviteur. J’ai joué la Java B<strong>le</strong>u à l’accordéon dans des<br />
maisons de retraite et des fêtes de villages, la Marseillaise à la clarinette devant <strong>le</strong>s monum<strong>en</strong>ts<br />
aux morts de Saintonge avant d’acheter une guitare par dévotion pour Mark Knopf<strong>le</strong>r… Après<br />
10 ans d’errance <strong>en</strong>tre Velvet et Sun Ra, j’ai fondé <strong>en</strong> 2006 <strong>le</strong>s Duppy Conquerors, pour <strong>le</strong>s<br />
besoins d’un court-métrage de Lonely Kid Qu<strong>en</strong>tin, avec ce dernier et un troisième larron,<br />
Simon-Peters du Désert, habi<strong>le</strong> plastici<strong>en</strong> et musici<strong>en</strong> di<strong>le</strong>ttante issu du grunge et de l’arrière<br />
pays bordelais. A l’origine nous étions c<strong>en</strong>sés jouer du reggae acoustique et roots, mais <strong>le</strong> projet<br />
a dérapé et il ne nous <strong>en</strong> n’est resté que nos noms stupides… Ce disque propose un panel<br />
assez large des procédés folklorico-psychédéliques qui font notre musique aujourd’hui…<br />
Paul Bétous, Polo <strong>le</strong> fou, est un anarchiste saintongeais. Ex acteur-auteur dramatique-<br />
metteur <strong>en</strong> scène-marchand de glace, ce doux rêveur n’est pas un musici<strong>en</strong> (du moins <strong>le</strong><br />
croit-il) même s’il pratiquat un temps une techno bruta<strong>le</strong> et informatique… Il écrit, <strong>en</strong>tre deux<br />
séjours au Chili, des comptines légères et drô<strong>le</strong>s qui sont la base du punk rural de Polo el <strong>le</strong>s<br />
Pou<strong>le</strong>ttes Grippées, formation fluctuante, composée des saintongeais disponib<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong>s<br />
instants créatif de Paul…<br />
West Région Inquisitors, Manu (part<strong>en</strong>aire de tous nos débuts récemm<strong>en</strong>t converti au<br />
pop-hip) et son pote Jérôme, brico<strong>le</strong>urs joyeusem<strong>en</strong>t amateurs, sont des cagouillards de la<br />
première heure.<br />
On ne prés<strong>en</strong>te plus <strong>le</strong> Docteur Louche et Gabriel Papapietro, cerveaux et mains de La<br />
Cagouil<strong>le</strong>… Le premier s’il n’est guère musici<strong>en</strong>, <strong>en</strong>registre sur son téléphone portab<strong>le</strong> <strong>le</strong>s<br />
miniatures subti<strong>le</strong>s que <strong>le</strong>s circonstances et l’altitude dicte à sa consci<strong>en</strong>ce, toujours flottante<br />
loin au dessus du vulgaire. Le second chansonne pour occuper <strong>le</strong>s trop rares temps libres que<br />
lui laiss<strong>en</strong>t l’élaboration de son œuvre. Ce fou de country illustre dans ses chansons <strong>le</strong> s<strong>en</strong>s de<br />
la narration et l’humour oblique bi<strong>en</strong> connu de nos <strong>le</strong>cteurs, mais éga<strong>le</strong>m<strong>en</strong>t sa connaissance<br />
et son respect des traditions populaires américaines.<br />
Des invités de marque vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t <strong>en</strong>richir ce volume II :<br />
Nos correspondants suisses du Low Income Entertainm<strong>en</strong>t Group ont abandonné <strong>le</strong>ur<br />
guitares é<strong>le</strong>ctriques et <strong>le</strong>urs micros pour dev<strong>en</strong>ir Captain Franck, acoustique avatar, nouveau<br />
fruit juteux de <strong>le</strong>ur monomanie sixties. Etem Sahim, acteur et réalisateur, est un pote de courtmétrage<br />
de Kid Qu<strong>en</strong>tin. L’élégant Juli<strong>en</strong> Roberts travail<strong>le</strong> à Paris et à p<strong>le</strong>in temps sa pop<br />
décomp<strong>le</strong>xée et son inénarrab<strong>le</strong> personnage de dandy début de sièc<strong>le</strong>. Les Faster Pussycat<br />
Kill Kill, punks saintongeais, sont des camarades de toujours… Enfin R<strong>en</strong>aud Guilbert est<br />
un ami rochelais de J.B. et du Docteur Louche, et la country n’est qu’une corde à sa guitare<br />
virtuose…<br />
La juxtaposition de toutes ces musiques, où l’auditeur trouvera des re<strong>le</strong>nts de Sun Ra,<br />
Gainsbourg, Public Image, Daniel Johnston, Moondog, Woody Guthrie, Stupeflip, Joy Division,<br />
Dylan et tant d’autres, peut semb<strong>le</strong>r aberrante pour un esprit habitué à l’ordre. El<strong>le</strong> ne doit<br />
pourtant pas choquer. D’abord ce disque est une compilation et non un album, et c’est à<br />
l’auditeur d’y trouver des repères et d’y aménager ses propres chemins, pr<strong>en</strong>ant ce qui lui<br />
va et laissant <strong>le</strong> reste. Ensuite il y a malgré <strong>le</strong>s appar<strong>en</strong>ces, une cohér<strong>en</strong>ce à l’<strong>en</strong>semb<strong>le</strong>.<br />
Cohér<strong>en</strong>ce chronologique, toutes ces pièces ou presque ont été réalisées cette année 2008,<br />
mais aussi mécanique : <strong>le</strong>s démarches des 17 artistes ici représ<strong>en</strong>tés sont voisines, sinon<br />
sœurs. Tous <strong>le</strong>s bricolages de ce volume II témoign<strong>en</strong>t d’une même recherche : chacun<br />
d’<strong>en</strong>tre nous t<strong>en</strong>te de se composer une id<strong>en</strong>tité <strong>en</strong> fusionnant par sa pratique tout ce qu’il a<br />
trié et choisi dans sa mémoire de mélomane et de musici<strong>en</strong>. A partir des formes qui nous ont<br />
fait, nous construisons
de nouvel<strong>le</strong>s musiques, et si <strong>le</strong> résultat paraît bordélique, il faut <strong>en</strong> blâmer <strong>le</strong>s confus brics<br />
et brocs qui servai<strong>en</strong>t de bandes son <strong>en</strong> France, au temps béni de l’avant internet.<br />
Dans ce bout du monde sans folklore où nous avons muri, nos oreil<strong>le</strong>s ont bu à toutes<br />
<strong>le</strong>s sources : du rock (et pas que du meil<strong>le</strong>ur), du jazz archaïque, moderne et contemporain,<br />
des musiques savantes, baroques, lyriques, classiques, romantiques, professionnel<strong>le</strong>s<br />
et municipa<strong>le</strong>s, des musiques populaires, traditionnel<strong>le</strong>s d’ici et d’ail<strong>le</strong>urs, des musiques<br />
composées, improvisées, héritées, bricolées, underground et commercia<strong>le</strong>s, monodiques et<br />
moda<strong>le</strong>s, amateures et virtuoses, sans oublier <strong>le</strong> rap FM, <strong>le</strong>s hybrides de Dance é<strong>le</strong>ctronique,<br />
<strong>le</strong>s flonflons des fanfares et du musette, <strong>le</strong>s fantômes d’une chanson française, et toute la fange<br />
insoumise des « variétés » d’hier et d’aujourd’hui… Sur cet océan sans rivages, nous avons<br />
dérivé, nagé <strong>en</strong>tre deux eaux, et bi<strong>en</strong> souv<strong>en</strong>t bu la tasse avant d’appr<strong>en</strong>dre à y naviguer,<br />
à l’estime et avec l’expéri<strong>en</strong>ce pour seu<strong>le</strong> bousso<strong>le</strong>… Dans ce no man’s land culturel, nous<br />
avons pris ce qui nous paraissait nous être adressé. Nous l’avons adapté, déformé, tordu,<br />
comme nous avons pu, pour <strong>en</strong> faire <strong>le</strong>s bases sur <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s nous é<strong>le</strong>vons aujourd’hui nos<br />
branlantes maisons. Nous sommes d’humb<strong>le</strong>s artisans, orphelins du XXème sièc<strong>le</strong>, héritiers<br />
déjà lointains de tous <strong>le</strong>s folklores défunts ou moribonds, « mondialisés », comme vous et<br />
moi…<br />
Ce disque est peut être un vaste foutoir, trop long, confus et agressif, mais <strong>en</strong> cela il est<br />
à notre image et je ne m’excuserai pas d’être ce que je suis. Aussi, auditeur, mon doub<strong>le</strong>,<br />
mon frère, si tu n’y compr<strong>en</strong>ds ri<strong>en</strong>, passe ton chemin sans nous garder rancune, car, que<br />
nos bricolages t’amus<strong>en</strong>t, t’exaspèr<strong>en</strong>t ou te plais<strong>en</strong>t, nous <strong>le</strong>s avons fait <strong>en</strong> p<strong>en</strong>sant à toi.<br />
Maint<strong>en</strong>ant, fais-<strong>en</strong> ce que tu veux…<br />
Salut au bon <strong>en</strong>t<strong>en</strong>deur…<br />
Pierre-Louis Drujon<br />
P.S. : Tartine de clous, L.I.E.G, <strong>le</strong>s Nightmare Hillbilly Girls et Thomas Georget (<strong>en</strong><br />
solo) peuv<strong>en</strong>t être <strong>en</strong>t<strong>en</strong>dus dans Plus de Bave Volume I.<br />
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