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ORAN le 5 juillet 1962 A cette époque je travaillais à la DCAN d ...

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<strong>ORAN</strong> <strong>le</strong> 5 juil<strong>le</strong>t <strong>1962</strong><br />

A <strong>cette</strong> <strong>époque</strong> <strong>je</strong> <strong>travail<strong>la</strong>is</strong> <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>DCAN</strong> d'Arbal branche aéronava<strong>le</strong> de <strong>la</strong> base Marine de Mers-<br />

El-Kébir sous contrô<strong>le</strong> de l'OTAN.<br />

Mon lieu de travail étant situé <strong>à</strong> une trentaine de kilomètres d'Oran, nous partions <strong>le</strong> matin avec<br />

des cars de ramassage et nous rentrions en fin d'après-midi. Cet après-midi du 5 juil<strong>le</strong>t on<br />

nous informa qu'il se passait des événements très graves en vil<strong>le</strong> et qu'il serait très imprudent de<br />

rentrer. Les cars n'étaient pas l<strong>à</strong>, il fal<strong>la</strong>it passer <strong>la</strong> soirée et <strong>la</strong> nuit dans <strong>le</strong>s ateliers.<br />

J'étais l'heureux papa d'une petite fil<strong>le</strong> de 19 Jours (dernière née de <strong>la</strong> clinique Griser d'<br />

Eckmühl). Jusqu'â mon retour chez moi <strong>je</strong> vécus des heures d'angoisse. Nous ne<br />

disposions d'aucun renseignement, seu<strong>le</strong>ment de rumeurs plus ou moins a<strong>la</strong>rmantes.<br />

La principa<strong>le</strong> information c'est que <strong>le</strong>s gens se faisaient massacrer dans <strong>le</strong>s rues. Nous<br />

habitions au 72 rue Édouard Choupot dans <strong>le</strong> quartier du même nom, limitrophe avec Maraval.<br />

Nos 2 pièces donnaient sur une cour ou habitaient plusieurs famil<strong>le</strong>s. (c'est en rentrant chez moi<br />

<strong>le</strong> <strong>le</strong>ndemain que <strong>je</strong> découvris l'amp<strong>le</strong>ur de <strong>la</strong> catastrophe de l'atmosphère de déso<strong>la</strong>tion qui<br />

pesait sur <strong>le</strong>s rues désertes. Mon épouse en état de choc ne pouvait plus nourrir <strong>le</strong> bébé. El<strong>le</strong><br />

me raconta <strong>le</strong>s événements qu'el<strong>le</strong> avait vécu <strong>la</strong> veil<strong>le</strong> :<br />

"Il était l 5h j'al<strong>la</strong>itais mon bébé de 19 jours lorsque j'entendis une certaine rumeur dans <strong>la</strong> rue.<br />

Dans <strong>la</strong> cour tout était calme quand soudain il y eut des cris et des coups sur <strong>le</strong> portail qui était<br />

fermé (toujours <strong>à</strong> l'heure de sieste). Comme personne ne venait assez vite pour ouvrir<br />

quelques Arabes sont passés par <strong>le</strong> toit de ma maison. Ils étaient 5 tous <strong>je</strong>unes d'environ 20 <strong>à</strong><br />

25 ans, en civil.<br />

Je me suis trouvée devant un Arabe qui était dans une rage fol<strong>le</strong>, il pointait sur moi et ma fil<strong>le</strong><br />

(que <strong>je</strong> tenais dans mes bras) une mitrail<strong>le</strong>tte en me criant très fort « où est ton mari » .<br />

Paniquée, prise de frayeur j'étais incapab<strong>le</strong> de dire un mot ; il devenait hystérique et me<br />

bouscu<strong>la</strong>nt criait toujours <strong>le</strong>s même mots.<br />

A<strong>le</strong>rté par <strong>le</strong> bruit, <strong>le</strong>s habitants de <strong>la</strong> cour sont sortis. Parmi eux un onc<strong>le</strong> de mon mari qui était<br />

l<strong>à</strong> pour rendre visite <strong>à</strong> une parente, s'est adressé â l'homme qui nie bouscu<strong>la</strong>it et lui dit ces mots<br />

que <strong>je</strong> n'oublierai jamais « El<strong>le</strong> n'a plus de mari ». Il nie relâcha en me bouscu<strong>la</strong>nt pour rentrer<br />

dans <strong>le</strong> logement voisin. Au même moment on entendit des cris poussés par une <strong>je</strong>une voisine<br />

que l'homme qui venait de rentrer essayait de vio<strong>le</strong>r. J'ai su que celui qui paraissait être <strong>le</strong> chef<br />

est intervenu pour arrêter <strong>le</strong> viol.<br />

Ensuite ils réunirent tous <strong>le</strong>s hommes qui se trouvaient l<strong>à</strong> et <strong>le</strong>s alignèrent dans <strong>la</strong> rue sur <strong>le</strong><br />

trottoir en face de <strong>la</strong> maison mains <strong>le</strong>vées. Tous sauf un avaient une quarantaine d'années. Ils<br />

choisir <strong>le</strong> plus <strong>je</strong>une (20 ans environ) et l'embarquèrent dans <strong>le</strong>ur voiture. Sa mère se <strong>je</strong>ta<br />

aux pieds de celui qui paraissait être <strong>le</strong> chef,, <strong>le</strong> suppliant de <strong>la</strong>isser <strong>la</strong> vie sauve <strong>à</strong> son enfant.<br />

C'était une famil<strong>le</strong> de maraîcher, <strong>la</strong> mère se proposa en échange de son fils et aussi <strong>le</strong>ur<br />

camionnette remplie de légumes (<strong>le</strong>ur outil de travail). L'homme al<strong>la</strong> par<strong>le</strong>menter avec <strong>le</strong>s autres<br />

qui semb<strong>la</strong>ient très en colère. Après discussion ils partir avec <strong>la</strong> camionnette, sans amener<br />

personne. Les maraîchers quittèrent <strong>la</strong> vil<strong>le</strong> <strong>le</strong> soir même.<br />

Le soir venu mon mari n'était pas rentre, j'ai cru qu'on l'avait tué et <strong>je</strong> l'ai p<strong>le</strong>uré toute <strong>la</strong> nuit.<br />

Plusieurs cars de <strong>la</strong> <strong>DCAN</strong> en provenance de Mers El Kébir avaient été attaqués incendiés et <strong>le</strong>s<br />

passagers disparus <strong>à</strong> jamais.<br />

J'ai failli empoisonner mon bébé car mon <strong>la</strong>it n'était plus consommab<strong>le</strong> suite aux émotions, Ce<br />

sont des voisins qui l'on soigné et nourri <strong>à</strong> l'eau. Depuis l'après midi jusqu'au <strong>le</strong>ndemain <strong>je</strong> n'ai<br />

plus par<strong>le</strong>r. C'est <strong>à</strong> l'arrivée de mon mari au matin que j'ai retrouve <strong>la</strong> paro<strong>le</strong>.<br />

5 juil<strong>le</strong>t (96? :<br />

- Dans notre rue un handicapé qui était assis sur sa chaise rou<strong>la</strong>nte devant sa porte a été abattu.


- La rue derrière chez nous : on a tué un gamin d'une douzaine d'année devant sa mère qui a été<br />

sadiquement épargnée. On a entendu hur<strong>le</strong>r <strong>la</strong> pauvre femme pendant 2 jours.<br />

- Un de nos <strong>je</strong>unes voisins qui travail<strong>la</strong>it <strong>à</strong> <strong>la</strong> <strong>DCAN</strong> de Mers El Kébir et qui ce jour l<strong>à</strong> s'était rendu<br />

au travail avec sa voiture a disparu. On a retrouvé <strong>la</strong> voiture quelques jours après, mais lui<br />

jamais.<br />

Comme tous <strong>le</strong>s Oranais, nous connaissons encore quelques cas qui affectent d'autres<br />

quartiers.<br />

Après <strong>le</strong> 5 juil<strong>le</strong>t :<br />

Un ou deux jours après nous étions en train de souper quand une rumeur grossissante, des cris et<br />

des "You You" nous parvenaient. Nous avons tout <strong>la</strong>issé et nous nous sommes enfuis dans <strong>le</strong>s<br />

rues désertes de Choupot <strong>à</strong> Eckmühl, avenue Ju<strong>le</strong>s Ferry devant <strong>le</strong> bâtiment du même nom il y<br />

avait une section de militaires français. Nous <strong>le</strong>ur avons demandé si il y avait des appartements<br />

abandonnés. Ils nous ont dit que oui qu'on pouvait en occuper un , mais qu'ils ne pouvaient pas<br />

assurer notre protection. Nous avons passé <strong>la</strong> nuit dans un studio, aux cinq ou sixième étage, pas<br />

très rassurés. Une fenêtre donnait sur <strong>le</strong> garage de <strong>la</strong> police Avenue Albert, il était occupe par<br />

l'ALN. Il faisait nuit, alors nous avons vu débarqué des Européens civils qu'on maltraitait en <strong>le</strong>s<br />

faisant entrer dans <strong>le</strong> garage. Dans une cour ils y avaient des gens attachés <strong>à</strong> des poteaux.<br />

Le <strong>le</strong>ndemain il n'y avait plus de militaire français, <strong>le</strong>s rues étaient vides, <strong>le</strong>s commerces<br />

fermés. Nous avons été <strong>à</strong> pied jusque chez ma mère où vivaient aussi ma sœur, son mari et <strong>le</strong>ur<br />

bébé. ils étaient saufs.<br />

Une rumeur courrait : des camions militaires ramassaient, <strong>le</strong>s femmes, <strong>le</strong>s enfants et <strong>le</strong>s<br />

personnes <strong>à</strong>gées. Nous sommes sortis et ce<strong>la</strong> s'avérait vrai_ Mon épouse, ma sœur et <strong>le</strong>s bébés<br />

ont pu monter dans un camion <strong>à</strong> destination du porte-avions Lafayette. Ma mère n'a pas voulu<br />

partir sans moi.<br />

Ensuite nous nous sommes encore réfugiés dans <strong>le</strong> studio d'une pièce, 2 onc<strong>le</strong>s, mes 2 beaux<br />

frères, ma mëre et moi. Nous n'avions presque rien <strong>à</strong> manger et <strong>à</strong> boire et nous dormions comme<br />

nous pouvions.<br />

Un jour que nous revenions de chercher de quoi manger, un de mes beaux frères et moi nous<br />

avons vu des drapeaux FLN <strong>à</strong> toutes <strong>le</strong>s fenêtres de notre bâtiment; sauf <strong>la</strong> notre. Nous sommes<br />

vite montés chercher <strong>la</strong> famil<strong>le</strong> et nous sommes partis vers l'éco<strong>le</strong> Jean Macé d' Eckmühl ou on<br />

nous avait dit qu'el<strong>le</strong> était aménagée en centre d'accueil et protégée.<br />

On nous a accueilli et nourri jusqu'<strong>à</strong> notre départ <strong>à</strong> bord du porte-avions Lafayette <strong>le</strong> 17 juil<strong>le</strong>t<br />

<strong>1962</strong> a destination de Toulon. Dix jours après <strong>le</strong> départ de mon épouse et ma fil<strong>le</strong> qu'il a fallu<br />

que <strong>je</strong> retrouve.<br />

André & Pierrette GARC1A

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