Laurent Boutard & Jean Caston - Université de Rouen
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<strong>Laurent</strong> <strong>Boutard</strong> & <strong>Jean</strong> <strong>Caston</strong>. « Influence <strong>de</strong> l’environnement sur la récupération <strong>de</strong>s capapcités motrices<br />
<strong>de</strong> rats adultes », Arobase 5, 1-2 (2001) : 43-48 . © Arobase 2001. Toute reproduction, même<br />
partielle, par quelque procédé que ce soit, est interdite sans autorisation préalable (loi du 11 mars 1957, al. 1<br />
<strong>de</strong> l’art. 40). ISSN : 1292-8968.<br />
<strong>Laurent</strong> <strong>Boutard</strong> & <strong>Jean</strong> <strong>Caston</strong><br />
Laboratoire PSY.CO, UPRES EA 1780, <strong>Université</strong> <strong>de</strong> <strong>Rouen</strong><br />
Influence <strong>de</strong> l'environnement sur la récupération <strong>de</strong>s<br />
capacités motrices <strong>de</strong> rats adultes dont l'olive<br />
bulbaire inférieure a été lésée par injection<br />
<strong>de</strong> 3 Acétyl-Pyridine<br />
Introduction<br />
Nous nous sommes intéressés au rôle <strong>de</strong> l’environnement dans la<br />
restauration fonctionnelle <strong>de</strong>s troubles moteurs et d’apprentissage moteur<br />
provoqués par une lésion <strong>de</strong> la voie olivo-cérebelleuse. Cette lésion se fait<br />
par <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> l’olive bulbaire inférieure (OBI, noyau d’origine <strong>de</strong> cette<br />
voie) par la 3-Acétylpyridine (3-AP). Notre travail a consisté à léser cette<br />
voie et à rechercher, chez les animaux <strong>de</strong>venus ataxiques, l’effet <strong>de</strong><br />
l’environnement, ainsi que l’existence d’une pério<strong>de</strong> critique dans son action<br />
sur la restauration <strong>de</strong>s troubles moteurs et d’apprentissage moteur induits<br />
par la lésion.<br />
Métho<strong>de</strong><br />
Les tâches expérimentales auxquelles tous les rats ont été soumis<br />
sont les suivantes :il s’agit d’un test d’apprentissage moteur et d’une série <strong>de</strong><br />
tests d’exécution motrice.<br />
Un test d’apprentissage moteur : le rotarod<br />
L’appareil est constitué d’un mât horizontal qui tourne autour <strong>de</strong><br />
son axe longitudinal à la vitesse <strong>de</strong> 10 tours/min. Les rats sont placés sur le<br />
rotarod 10 fois quotidiennement, et cela pendant plusieurs jours consécutifs<br />
jusqu’à ce qu’ils restent sur ce mât, sans tomber, pendant 180 secon<strong>de</strong>s, ou<br />
jusqu’à ce qu’ils obtiennent <strong>de</strong>s performances en plateau montrant que<br />
celles-ci n’évolueront plus si l’on poursuit l’entraînement. Nous avons relevé<br />
2 paramètres : (1) le temps <strong>de</strong> maintien sur le rotarod, et (2) la stratégie<br />
utilisée par les animaux pour se maintenir en équilibre sur le mât en<br />
mouvement : la marche ou l’agrippement.
Influence <strong>de</strong> l’environnement sur la récupération <strong>de</strong>s capapcités motrices / 44<br />
Les tests d’exécution motrice<br />
Le test du mât arrêté : le dispositif expérimental utilisé est le rotarod,<br />
mais ici, le mât est à l’arrêt. Le temps <strong>de</strong> maintien <strong>de</strong> l’animal sur le mât<br />
renseigne sur ses capacités d’équilibre.<br />
Le test <strong>de</strong> la planche à trous : les trous sont équidistants les uns <strong>de</strong>s<br />
autres. Le nombre <strong>de</strong> trébuchements <strong>de</strong> l’animal renseigne sur ses capacités<br />
<strong>de</strong> coordination motrice.<br />
Le test du cintre : il est constitué d’une barre <strong>de</strong> fer sur laquelle les<br />
animaux sont positionnés par l’intermédiaire <strong>de</strong> leurs pattes antérieures. Le<br />
temps <strong>de</strong> suspension <strong>de</strong> l’animal renseigne sur son tonus musculaire.<br />
Nous avons testé l’hypothèse <strong>de</strong> l’effet <strong>de</strong> l’environnement sur la<br />
récupération <strong>de</strong>s troubles moteurs et d’apprentissage moteur chez <strong>de</strong>s rats<br />
adultes âgés <strong>de</strong> 3 mois et testés comportementalement à 6 mois.<br />
Notre population est constituée <strong>de</strong> trois groupes d’animaux : 2<br />
groupes expérimentaux et 1 groupe témoin. Le premier groupe (n=6)<br />
renferme <strong>de</strong>s animaux placés en milieu enrichi après l’injection du<br />
neurotoxique pendant une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> 12 semaines, pério<strong>de</strong> après laquelle ils<br />
sont soumis aux tests comportementaux. Le second groupe (n=7) est<br />
constitué d’animaux placés en milieu standard pendant 12 semaines après<br />
l’injection <strong>de</strong> la 3-AP, puis testés comportementalement. Le groupe témoin<br />
(n=8) est constitué d’animaux non lésés élevés en milieu standard.<br />
Les <strong>de</strong>ux groupes expérimentaux diffèrent donc par la nature du<br />
milieu d’élevage post-lésionnel : le premier groupe est placé dans un<br />
environnement enrichi aussi bien sur le plan visuel (formes et couleurs<br />
variées), moteur (gran<strong>de</strong>s cages reliées entre elles par <strong>de</strong>s tubes) que social<br />
(les animaux sont au nombre <strong>de</strong> 6 ou 7 par cage), alors que le second groupe<br />
bénéficie <strong>de</strong> conditions standard d’élevage.<br />
Résultats<br />
Les animaux témoins atteignent le critère <strong>de</strong> réussite dès le<br />
<strong>de</strong>uxième jour d’entraînement, c’est-à-dire qu’ils ont un temps <strong>de</strong> maintien<br />
moyen sur le rotarod <strong>de</strong> 180 secon<strong>de</strong>s lors <strong>de</strong>s 10 essais quotidiens (Fig. 1),<br />
ce qui se traduit par un pourcentage <strong>de</strong> marche <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 99% dès l’atteinte<br />
du critère d’apprentissage (Fig. 2). À l’inverse, les animaux lésés élevés en<br />
milieu standard ont <strong>de</strong>s performances qui n’évoluent pas statistiquement<br />
lors <strong>de</strong>s 20 jours d’entraînement moteur (elles sont comprises entre 3 et 24<br />
secon<strong>de</strong>s), ce qui se traduit, préférentiellement par une stratégie<br />
d’agrippement. Quant aux animaux lésés élevés en milieu enrichi, ils<br />
améliorent significativement leur temps <strong>de</strong> maintien ainsi que leur<br />
pourcentage <strong>de</strong> marche sur le rotarod.<br />
En résumé, les animaux lésés élevés en milieu enrichi ont réalisé un<br />
apprentissage à la fois quantitatif (augmentation significative du temps <strong>de</strong><br />
maintien sur le rotarod) et qualitatif (modification <strong>de</strong> la stratégie utilisée<br />
pour se maintenir sur le mât en mouvement).
Temps (en s.)<br />
180<br />
160<br />
140<br />
120<br />
100<br />
80<br />
60<br />
40<br />
20<br />
0<br />
<strong>Laurent</strong> <strong>Boutard</strong> & <strong>Jean</strong> <strong>Caston</strong> / 45<br />
Cette récupération <strong>de</strong>s animaux lésés élevés en milieu enrichi doit<br />
être replacée dans un cadre cognitif (au niveau <strong>de</strong> l’apprentissage), et non<br />
pas au niveau moteur puisque lors <strong>de</strong>s tests d'exécution motrice, ces<br />
animaux présentent <strong>de</strong>s déficits moteurs, au même titre que les animaux<br />
lésés élevés en milieu standard.<br />
FIG. 1 : TEMPS DE MAINTIEN SUR LE ROTAROD<br />
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20<br />
T/6M ME/6M/1+11S ME/3M/1S MS/3M/1S ME/6M/12S<br />
Jours
% <strong>de</strong> marche<br />
100<br />
80<br />
60<br />
40<br />
20<br />
0<br />
Influence <strong>de</strong> l’environnement sur la récupération <strong>de</strong>s capapcités motrices / 46<br />
FIG. 2 : EVOLUTION DU POURCENTAGE DE MARCHE SUR LE ROTAROD<br />
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20<br />
T/6M ME/6M/1+11S ME/3M/1S MS/3M/1S ME/6M/12S<br />
Nos données indiquent par conséquent, que les rats lésés élevés en<br />
milieu enrichi compensent par leur activité cognitive les troubles moteurs<br />
qu’ils présentent.<br />
Cependant, les performances <strong>de</strong>s animaux lésés élevés en milieu<br />
enrichi, que ce soit pour le paramètre temps <strong>de</strong> maintien ou pour celui du<br />
pourcentage <strong>de</strong> marche sur le rotarod restent significativement inférieures à<br />
celles du groupe témoin.<br />
Ces premiers résultats nous ont conduit à tester une autre hypothèse<br />
à savoir l’hypothèse <strong>de</strong> l’existence d’une pério<strong>de</strong> critique dans l’action <strong>de</strong><br />
l’environnement. En effet, une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> 7 jours après l’injection <strong>de</strong> la 3-AP<br />
est nécessaire au neurotoxique pour provoquer une <strong>de</strong>struction subtotale<br />
Jours
<strong>Laurent</strong> <strong>Boutard</strong> & <strong>Jean</strong> <strong>Caston</strong> / 47<br />
<strong>de</strong>s neurones olivaires. Il nous a paru nécessaire d’étudier si<br />
l’enrichissement <strong>de</strong> l’environnement agit pendant les 7 jours où les neurones<br />
olivaires sont en train <strong>de</strong> dégénérer, ou/et .après leur dégénérescence.<br />
Pour répondre à cette question, nous avons réparti d’autres rats en<br />
<strong>de</strong>ux groupes expérimentaux. Le premier groupe est constitué d’animaux<br />
placés en milieu enrichi pendant les 7 jours qui suivent l’injection <strong>de</strong> 3-AP.<br />
Ils sont testés comportementalement immédiatement après cette pério<strong>de</strong>. Le<br />
second groupe, quant à lui, est constitué d’animaux placés en milieu enrichi<br />
pendant 11 semaines, et cela après la <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> l’OBI par la 3-AP, c’està-dire<br />
une semaine après l’injection. Après quoi, ils subissent les tests<br />
comportementaux. Nous avons également constitué un groupe témoin<br />
d’animaux non-lésés i<strong>de</strong>ntique à celui utilisé dans la première phase<br />
expérimentale, et un groupe contrôle d’animaux lésés à 3 mois, élevés une<br />
semaine en milieu standard, et testés comportementalement à la fin <strong>de</strong> la<br />
semaine nécessaire à l’action du neurotoxique. Tous ces groupes <strong>de</strong> rats ont<br />
été soumis aux mêmes tâches d’apprentissage moteur et d’exécution motrice<br />
que celles décrites dans la première étu<strong>de</strong>.<br />
Résultats<br />
Les animaux témoins atteignent le critère <strong>de</strong> réussite dès le<br />
<strong>de</strong>uxième jour d’entraînement, c’est-à-dire qu’ils ont un temps <strong>de</strong> maintien<br />
moyen sur le rotarod <strong>de</strong> 180 secon<strong>de</strong>s lors <strong>de</strong>s 10 essais quotidiens (Fig. 1),<br />
ce qui se traduit par un pourcentage <strong>de</strong> marche <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 99% dès l’atteinte<br />
du critère d’apprentissage (Fig. 2). À l’inverse, les animaux lésés élevés une<br />
semaine en milieu standard ont <strong>de</strong>s performances qui n’évoluent pas<br />
statistiquement lors <strong>de</strong>s 20 jours d’entraînement moteur (elles sont<br />
comprises entre 6 et 12 secon<strong>de</strong>s), ce qui se traduit, préférentiellement, par<br />
une stratégie d’agrippement. Quant aux animaux lésés élevés en milieu<br />
enrichi, ils améliorent significativement leur temps <strong>de</strong> maintien ainsi que<br />
leur pourcentage <strong>de</strong> marche sur le rotarod, et cela quelle que soit la pério<strong>de</strong><br />
d’enrichissement.<br />
En résumé, les animaux lésés élevés en milieu enrichi<br />
(indépendamment <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> d’enrichissement) ont réalisé un<br />
apprentissage à la fois quantitatif (augmentation significative du temps <strong>de</strong><br />
maintien sur le rotarod) et qualitatif (modification <strong>de</strong> la stratégie utilisée<br />
pour se maintenir sur le mât en mouvement), même si l’on constate une<br />
différence quantitative dans la récupération <strong>de</strong>s animaux lésés élevés en<br />
milieu enrichi comparativement aux animaux du groupe témoin.<br />
Cette récupération peut être expliquée soit par la restructuration <strong>de</strong><br />
structures nerveuses qui vont suppléer l’OBI, soit par la restructuration <strong>de</strong>s<br />
neurones olivaires non-détruits par la lésion qui vont développer un réseau<br />
<strong>de</strong> collatérales en direction <strong>de</strong>s cellules <strong>de</strong> Purkinje et <strong>de</strong>s noyaux profonds<br />
du cervelet. Du fait <strong>de</strong> l’âge auquel est effectuée la lésion, la secon<strong>de</strong><br />
hypothèse peut être privilégiée, à savoir que les fibres grimpantes non-lésées<br />
se restructurent, car à 3 mois, le cerveau du rat est mature, et, il est peu
Influence <strong>de</strong> l’environnement sur la récupération <strong>de</strong>s capapcités motrices / 48<br />
probable que d’autres structures nerveuses se modifient afin <strong>de</strong> suppléer,<br />
même partiellement, l’OBI lésée. À ce sujet, une étu<strong>de</strong> histologique effectuée<br />
sur 2 <strong>de</strong> nos rats élevés en milieu enrichi (étu<strong>de</strong> réalisée par l’équipe <strong>de</strong><br />
Strata, en Italie) a montré, en effet, une collatéralisation <strong>de</strong>s quelques fibres<br />
grimpantes épargnées par la lésion.