Moulins Nizonne - Combiers
Moulins Nizonne - Combiers
Moulins Nizonne - Combiers
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Merci à Madame Michelle Aillot qui a<br />
bien voulu autoriser la reproduction<br />
d'extraits de son livre<br />
<strong>Moulins</strong> & Forges<br />
du canton de Villebois-Lavalette<br />
et leur publication sur Internet<br />
Elle nous offre le résultat d'un travail<br />
énorme
La NIZONNE ou LIZONNE<br />
Cette jolie rivière a la particularité d'avoir deux noms : <strong>Nizonne</strong> jusqu'au gué de Pompaigne,<br />
puis Lizonne jusqu'à son confluent avec la Dronne, dont elle est sur la rive droite, l'affluent le plus<br />
important. Mais il n'y a rien de bien tranché et chacun utilise le vocable qui lui convient.<br />
Le nom <strong>Nizonne</strong> signifierait "la rivière aux eaux d'une blancheur éclatante". Dans un petit guide<br />
édité en 1877, on qualifie la Lizonne de "rivière aux eaux de cristal".<br />
Paul Déroulède son riverain le plus connu, l'a chantée ainsi : "0 mon ruisseau d'argent, ô ma claire<br />
<strong>Nizonne</strong>".<br />
C'est vrai que cette rivière a un charme qu'on n'oublie pas et qui vous incite à revenir, ne<br />
serait-ce que pour se pencher sur le parapet d'un pont, ou bien, pour songer au temps passé près du<br />
bief d'un moulin.<br />
La <strong>Nizonne</strong> commence à Saint-Front de Champniers (aujourd'hui Saint-Front sur <strong>Nizonne</strong>)<br />
au sud de Nontron et entre dans le département de la Charente sur le territoire de <strong>Combiers</strong>.<br />
Dans une statistique de 1803, Jean-François Boulland régisseur du château de la Rochebeaucourt,<br />
qui a vécu sur ses bords une trentaine d'années, en donne une description intéressante.<br />
"Coulant de l'est à l'ouest, le cours total de la <strong>Nizonne</strong> est de 40.000 toises*. Sa largeur moyenne est<br />
de 20 pieds, sa profondeur de 4 pieds, son encaissement de 8 pouces. Son eau a peu de rapidité car<br />
peu de pente ; elle n'est pas susceptible d'être navigable ; les chaussées et écluses des moulins<br />
ralentissent son cours et provoquent des inondations fréquentes.<br />
Avant la Révolution, la <strong>Nizonne</strong> était très poissonneuse : carpes, brochets, cabants, anguilles,<br />
écrevisses. Le droit de pêche appartenait aux seigneurs du lieu. Depuis, la rivière est entièrement<br />
dévastée, car on pêche avec des engins prohibés en toutes saisons."<br />
*Une toise = l,949 m, ce qui fait 78 kilomètres, mais seulement 62 d'après le guide de 1877.<br />
A deux pas du bourg de <strong>Combiers</strong> la Lizonne reçoit sur sa rive gauche les eaux de la Belle<br />
qui arrivent de Mareuil.<br />
Près du moulin du Mesnieux des grottes et abris sous roche s'échelonnent sur environ un kilomètre.<br />
La grotte la plus importante s'ouvre au midi par un portique surbaissé large de 12 mètres, sa<br />
profondeur est de 15 mètres. Des silex taillés et des ossements d'animaux aujourd'hui disparus<br />
(hyène des cavernes, castor, panthère) y ont été trouvés.<br />
Côté Dordogne, la vallée entre le moulin du Mondot et celui de Salles, présente une grande<br />
étendue de tourbières. Celles de Vendoire ont été aménagées en sentiers botaniques pour les<br />
visiteurs. Près du bourg de Gurat, de larges prairies nourrissent de paisibles troupeaux aux robes<br />
blanches ou rousses.<br />
Pour le secteur qui intéresse cette étude, la Lizonne reçoit à droite les eaux de la Manaure,<br />
celles du ruisseau qui descend du village de Rouzet, celles du Voultron. Avec la Fontaine de<br />
Ronsenac elle forme sous le moulin du Got le canal des moulins. La voie antique Angoulême-<br />
Périgueux se dédoublait à Gardes et franchissait la rivière près du bourg de la Rochebeaucourt et au<br />
got de Pompaigne près du bourg de Blanzaguet. (cité dans un document de 1289)<br />
La voie Saintes-Périgueux (chemin Boine) passait la Lizonne au Pas Vieux, sur le territoire de<br />
Gurat.<br />
En 1747 on cite un pont de pierre près du bourg de Gurat et un pont au pas de Fontaine en 1763.<br />
De nombreux pas ou passerelles de bois se trouvaient en divers endroits selon les besoins des<br />
habitants. Le moulin appelé du Got à Vaux en est un exemple.<br />
La <strong>Nizonne</strong> ou Lizonne, a fourni l'énergie à des dizaines de moulins.<br />
Je ne citerai ici que le Moulin-Neuf et la forge de <strong>Combiers</strong>, le moulin au Noble, les moulins du<br />
Château, le moulin du Ménieux, la Maillerie de Blanzaguet, le moulin Pourrat, celui de<br />
l'Angellie. Les moulins de la Mouline et du Cluzeau sont sur deux fontaines-affluents.<br />
Sur le canal des moulins réunissant les eaux du Ronsenac et de la Lizonne : les moulins du Got,<br />
Sartier, de Salles ou moulin vigeral, le Moulin-Neuf, le moulin de Machou.<br />
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Moulin-Neuf (<strong>Combiers</strong>)<br />
Ce moulin n'occupait pas un site isolé, plusieurs maisons entre rivière et coteau forment le<br />
village de Moulin-Neuf. Du moins, c'est son aspect actuel. Voici quelques dizaines d'années le<br />
village comptait 7 foyers et entre 40 et 50 personnes. Aujourd'hui il n'en reste plus que quelquesunes.<br />
J'ai trouvé très peu de documents concernant la période ancienne.<br />
Peut-être a-t-il été construit par la famille Amblard. Poncet Amblard qui est cité en 1479 demeure<br />
au Moulin-Neuf, tout comme Jean Amblard en 1549. C'est donc que le moulin existe déjà.<br />
Juste construit ou reconstruit? (J/1156 et J/114 7)<br />
Le 25-7-1581, Léonard, Pierre et Nadaud, enfants de feu Jean Amblard, se partagent ses biens.<br />
En 1645 Pierre Allélix meunier, y épouse Peyronne Légier de Sers. (2E 4810)<br />
Le 6-9-1685, Louis Amblard par acte notarié, abjure la religion réformée juste avant que Louis XIV<br />
ne révoque l'Edit de Nantes.<br />
Il n'a pas été le seul, car il a existé entre la Rochebeaucourt, Blanzaguet et Salles, un petit foyer du<br />
protestantisme. (2E 2959 Dereix)<br />
Tous ces rappels de dates ne nous parlent guère du moulin, et il faut attendre 1709 quand Louis<br />
Amblard dit sieur du Moulin-Neuf, meurt à l'âge de 64 ans, pour en avoir une description.<br />
Un moulin qui ne mérite plus son nom<br />
Deux couples de créanciers "habilités à lui succéder", assistent à l'inventaire des biens<br />
laissés par le défunt. Il s'agit de Arnaud Dutaix et Pierre Faure époux de deux soeurs, Marie et<br />
Jeanne Painier.<br />
Après la visite de la maison de maître et les bâtiments de la métairie, c'est le tour du moulin<br />
construit à la place d'une maillerie. On y accède par un pont sur l'écluse, fait de madriers pourris.<br />
On dit que la roue du moulin noir est presque usée, mais son arbre est assez bon. Avec ses<br />
chandeliers fendus, ses clefs pourries, sa meule courante épaisse d'un seul pouce (à peine 3cm !),<br />
son manque de trémie, il ne sert plus et est arrêté depuis 9 mois.<br />
Le moulin blanc ne vaut guère mieux car lui aussi n'a plus de trémie et il lui faut une lanterne neuve.<br />
Quant aux murs ils sont tous, fendus, bourbés et menacent de s'écrouler.<br />
Le chambarat au-dessus des moulins est fait de 5 petits soliveaux, sans aucune table, que des<br />
branchages.<br />
Des moulins, on entre directement dans la chambre du meunier. Celle-ci, éclairée par deux petites<br />
fenêtres, n'a aucun plancher ni pavé ; le plancher du grenier est pourri. Le manteau en bois de la<br />
cheminée est si petit "qu'on n'y peut ranger que très peu de personnes" ; il faudrait en faire une plus<br />
grande. Les fenêtres n'ont aucune boisure qui puisse servir. Il manque beaucoup de tuiles sur les<br />
toitures et les eaux pluviales ont gâté les charpentes.<br />
On continue par le treuil à huile, petite construction indépendante, dont la roue a besoin<br />
d'être remontée à neuf car elle n'a plus d'aubes ; le soutre et son virant sont presque usés, la met en<br />
fonte est assez bonne et d'une grandeur convenable ; la poêle d'une commune grandeur est elle aussi<br />
assez bonne. Les murs sont fendus et la toiture a grand besoin du passage du couvreur. Les deux<br />
fenêtres sont sans fermetures.<br />
La visite des écluses confirme que le moulin, depuis lontemps, n'a plus de neuf que le nom !<br />
Les empellements sont pourris et à refaire à neuf. Il existe trois "eslauds" ou canaux de largeur<br />
inégale : 2 et 3 brasses. Leurs empellements sont à refaire à neuf et enfin on constate que l'eau se<br />
perd par plusieurs brèches, l'une, près de la fontaine Fongrand a 20 brasses de longueur.<br />
Comme chaque fois qu'un moulin manque d'entretien, la rivière et l'écluse sont remplies de boue,<br />
herbes et d'immondices.<br />
Le meunier déclare (car il yen a encore un !) qu'il peut à peine moudre 2 boisseaux par jour.<br />
On note par ailleurs la présence d'une chenevière dont les haies et palisses ont été coupées et<br />
emportées. Plus loin, la même chose est constatée autour d'une pièce de pré, ce qui fait penser que le<br />
paysage était bocager avec chaque parcelle entourée de haies vives ou de peupliers, qui fournissaient<br />
l'unique combustible à la disposition des meuniers.<br />
Après que tout fut mis par écrit, les héritiers prirent possession des moulins en ouvrant et<br />
fermant les portes, en faisant du feu dans la cheminée, en tirant les pelles de l'empellement "le tout<br />
en signe et que de possession, mais sans rien accepter de préjudiciable". (2E 2967 Dereix notaire)<br />
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Dans une note datée du 5-10-1713, on dit que 10 ans d'arrérages de rentes seigneuriales sont<br />
dues sur le Moulin-Neuf au seigneur de la Rochebeaucourt, soit par an : 2 boisseaux de froment, 5 livres<br />
en argent et 2 gélines. (J/1156 fonds Galard de Béarn)<br />
Pour la suite de ce siècle-là, il faut feuilleter les registres paroissiaux de <strong>Combiers</strong> pour trouver<br />
quelques occupants du Moulin-Neuf. En 1741 Anne Dutaix épouse Pierre Arnilien et Pierre Dutaix sieur<br />
du Moulin-Neuf est mentionné en 1767.<br />
Pourtant, des meuniers, il en est certainement passé ! Des contrats d'afferme se trouvent certainement<br />
chez des notaires côté Périgord.<br />
En 1807 et 1814 le meunier se nomme Guillaume Foureix.<br />
Le 23-9-1860 Pierre-Justin Amilien-Lacaud afferme pour 9 ans à Jean Condusier ancien<br />
meunier, un moulin au village de Moulin-Neuf, comprenant un corp de bâtiments avec deux moulins à<br />
grains et un moulin à huile, plus une chambre qui servira de logement au meunier. Il y a une écurie pour<br />
les montures, une serre appelée la fruitière attenant au moulin, et un jardin en prairie artificielle connu<br />
sous le nom de : jardin du moulin. (2E 19266 Parit-Lacombe notaire à Edon)<br />
En 1868-1870 au temps des réglementations, on dit le moulin construit à 1130 mètres en aval du<br />
moulin des Grauges département de la Dordogne. C'est le premier sur la <strong>Nizonne</strong> côté Charente. Son<br />
bief est artificiel jusqu'à la rencontre de la vieille mer sur une longueur de 500 mètres. Comme il n'y a<br />
pas de déversoir il est prévu d'en construire un de 3 mètres de long.<br />
A cette "rencontre" se trouve une digue en pierres et en terre très irrégulière laissant échapper une grande<br />
quantité d'eau.<br />
Les propriétaires de prairies demandent que ces brèches soient colmatées, mais le propriétaire-meunier<br />
Jean Lacaud, répond qu'il a suffisamment d'eau pour son moulin. On voit sur le plan joint au dossier que<br />
les deux roues sont placées à l'extérieur du bâtiment.<br />
A la fin du siècle, en 1894, les habitants du village sont fâchés contre leur meunier Antoine<br />
Ducbez qui, pour installer un moulin à huile, a fait des changements sur le canal qui alimente leur lavoir<br />
et abreuvoir. Lorsque le moulin ne fonctionne pas l'eau n'arrive plus. On demande que le canal d'amenée<br />
soit pris directement sur le canal de décharge en amont du moulin. (S/251)<br />
Autre histoire cette même année, au sujet d'un projet de scierie mécanique qui aurait pour effet<br />
d'augmenter la hauteur du niveau d'eau. D'où protestations des propriétaires de prairies.<br />
Le moulin a été reconstruit et modernisé en 1933 et s'est arrêté de fonctionner en 1975. Il a<br />
connu des difficultés pendant la guerre 39-45 avec la ligne de démarcation passant non loin.<br />
Moulin du Noble (<strong>Combiers</strong>-Argentine)<br />
La documentation concernant ce moulin n'est pas abondante. Il a sa place ici, bien que faisant<br />
partie de la commune de la Rochebeaucourt et Argentine.<br />
Voici ce qu'écrit Jean-François Boulland le régisseur des domaines des Galard de Béarn en 1803<br />
dans le questionnaire d'une enquête administrative. (6/M/668)<br />
"En 1791 à l'époque de la création des départements, on a enlevé à <strong>Combiers</strong> les 5 hameaux assez<br />
considérables situés au-delà de la rivière <strong>Nizonne</strong> : le Cros, le Chastenet, la Manoulie, chez Lambaud et<br />
le moulin du Noble, soit environ 1.000 journaux qui furent réunis à la commune d'Argentine en<br />
Périgord" .<br />
Pourtant dans les rares actes anciens que j'ai trouvés, le moulin du Noble est toujours dit de la paroisse<br />
d'Argentine.<br />
Il existait en 1520 car son propriétaire Jean de la Roche, chevalier, seigneur de la Rochebeaucourt.<br />
sénéchal de Saintonge et gouverneur de l'Angoumois, échange son moulin à eau à deux roues, appelé le<br />
Noble, avec ses écluses, cours d'eau, pêcheries et appartenances, situé à trois jets d'arc au-dessus la ville<br />
de la Rochebeaucourt, contre le moulin du chapitre de la Rochebeaucourt construit à la porte du château.<br />
C'est Micheau Choulet dit le Moyne qui tient le moulin à rente perpétuelle à moitié fruit. de Jean de la<br />
Roche.(Fonds Galard de Béarn J/1153)<br />
Je n'ai rien trouvé sur le moulin pendant le XVIIe siècle et pour le XVIIIe je n'ai que quelques noms de<br />
meuniers à proposer.<br />
En 1722 Jean Boniton est meunier au moulin du Noble paroisse d'Argentine.<br />
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En 1741 on y trouve François Samirand marié à Anne Chevalerias. En 1777, c'est la famille Laliot et en<br />
1788 et 1791 : Sicaire et Arnaud Segonzac.<br />
Vers 1840 le moulin a été transformé en pointerie "sans aucunes des formalités prescrites par les<br />
lois et règlements", par le propriétaire de la forge de <strong>Combiers</strong>, Hazard-Flamand, ce qui a provoqué une<br />
vague de protestations des riverains de la <strong>Nizonne</strong> dont les prairies se trouvent submergées, à tel point<br />
qu'ils ont demandé sa destruction pure et simple. (S/251)<br />
En 1853, la forge de <strong>Combiers</strong> et le moulin du Noble appartiennent maintenant à Louis-Hector<br />
de Galard de Béarn. Il y fait faire des travaux et l'ancien coursier est démoli. On ne parle plus de<br />
pointerie et en 1857 c'est de nouveau un moulin à blé qu'exploite le meunier Nauge. En 1865 il est<br />
affermé 600 francs par an. (1/1159)<br />
En 1868 à l'époque des règlements d'eau, on dit que le moulin de la Rochebeaucourt est situé à 2.644<br />
mètres du moulin du Petit Noble. Pourquoi "petit" maintenant?<br />
Je crois que le village était sur <strong>Combiers</strong> et que le moulin a toujours été paroisse d'Argentine.<br />
Le 14-9-1885 le moulin se trouve vacant et le régisseur du prince de Béarn écrit que s'il était<br />
converti en minoterie il pourait être loué avantageusement. "Les minoteries ont tué les moulins et il est<br />
difficile à un meunier de s'y retrouver au prix dérisoire où sont les blés. D'autre part, il existe sur la<br />
Lizonne un si grand nombre de moulins que beaucoup restent sans être affermés. Les gens qui se<br />
présentent pour le moulin du Noble n'offrent ni garantie, ni solvabilité et ne veulent pas payer plus de<br />
600 francs de ferme. D'autre part, si le moulin reste longtemps sans fonctionner la clientèle le<br />
quittera".(1/1166) .<br />
Crime de pêche ou un seigneur sans pitié<br />
Le 17-9-1769 a lieu une transaction entre René de Galard de Béarn seigneur marquis de Brassac,<br />
cordon rouge et lieutenant général des armées du roi, demeurant en son château de la Rochebeaucourt<br />
paroisse de <strong>Combiers</strong>, comme fondé de procuration de haut et puissant Anne-Hilarion de Galard de<br />
Brassac, baron de la Rochebeaucourt, et Léonard Samirand meunier et époux de Jeanne Lapeyre, de lui<br />
dûment autorisée, demeurant au moulin du Noble paroisse d'Argentine en Périgord.<br />
La raison de cette transaction?<br />
Léonard Samirand et sa femme sont accusés de "crime de pêche" par le seigneur de la Rochebeaucourt,<br />
propriétaire du moulin du Noble et de la rivière à cet endroit.<br />
Menacé d'emprisonnement, le couple a préféré présenter ses excuses "au seigneur marquis" en offrant de<br />
payer les frais de justice faits contre eux "et telle amende qu'il plaira audit seigneur de fixer, le suppliant<br />
très humblement de les traiter le plus favorablement que faire se pourra, en raison de leur pauvreté et<br />
indigence, à quoi ledit seigneur marquis de Brassac inclinant, il auroit par bonté et charité<br />
volontairement fixé et modéré l'amende encourue par ledit Samirand et les frais, à la somme de 48<br />
livres. Ledit Samirand n'ayant d'argent pour acquitter ladite somme, ni d'autres ressources qu'une pièce<br />
de terre appartenant à la dite Lapeyre sa femme, comme l'ayant acquise de ses deniers dotaux, laquelle<br />
Jeanne Lapeyre voulant assoupir cette misérable affaire et éviter la prison à son mari, a dans ses vues<br />
d'affection, d'amitié et de tendresse pour lui ... etc".<br />
Cette pièce de terre unique située paroisse d'Argentine a donc été vendue à Jean Ducasse dit Cibard,<br />
marchand cabaretier du bourg de la Rochebaucourt, pour exactement le montant de la somme due : 48<br />
livres !<br />
Cette somme, des mains de l'acheteur, est passée dans celles de René de Galard qui aussitôt l'a répartie<br />
entre les gardes et les officiers de justice qui ont occupé le procès. (2E 4462 Belliard notaire à la<br />
Rochebeaucourt)<br />
Le moulin du Cluzeau (<strong>Combiers</strong>)<br />
Le village du Cluzeau comme plusieurs autres, se trouve bâti à l'orée de la forêt de la Mothe-<br />
Clédou et il est visible que tous ces villages (pas bien importants) se sont constitués en défrichant le<br />
massif forestier.<br />
La fontaine du Cluzeau commence près d'une construction appelée le Temple, qui est cause je crois que<br />
les moulin et forge du Cluzeau ont porté aussi ce nom (vu en 1777). Elle rejoint la Lizonne endessous le<br />
bourg de <strong>Combiers</strong> en longeant la D.25 sur une petite distance.
Le moulin du Cluzeau est mentionné en 1490, et en 1510 on parle d'une forge à fer affermée<br />
aux Forestas par le comte de Brassac. (Fonds Galard).<br />
En avril 1685 le propriétaire demande à Jean Forestas de construire un moulin à blé dont il aura le<br />
quart des revenus.(2E 2967) Jean Forestas qui n'est pas meunier, mais maître de forge, afferme le<br />
moulin à Jean Noyer pour 100 boisseaux de méture par an.<br />
En l71O, moulin et forge fonctionnent côte à côte à la chute d'un ou deux étangs, ce n'est pas<br />
précisé, quand Guillaume-Alexandre de Galard de Béarn, afferme les deux pour 9 ans à Antoine<br />
Forestas sieur de Villars, avec la pêche des étangs du Cluzeau et de Lespaux, les dîmes de l'enclave<br />
de Rouzet, les rentes dues sur les forges de Rougnac et du Cluzeau, plus d'autres rentes dues sur<br />
d'autres endroits. (1/1156)<br />
En mars 1730 il vend les rentes qu'il possède sur le moulin, à Léonard Dereix sieur de la Croix, en<br />
même temps que le quart des moudures et la moitié de la pêche de l'étang, en précisant que "les<br />
meuniers du Cluzeau auront la liberté d'aller chercher les blés dans les villages de la Payre, de la<br />
Font, des Chalard, de chez Joubert, de chez Bernard, les Roudier, chez Nebout, chez Métayer et le<br />
Temple, sans qu'ils puissent en être empêchés par les autres meuniers du seigneur et sans user de<br />
contrainte envers les tenanciers de ces villages. D'un autre côté, les meuniers du Cluzeau ne<br />
pourront pas empêcher les autres meuniers du seigneur d'aller librement prendre les blés et pochées<br />
de ceux qui volontairement voudront les leur donner". La concurrence a dû être rude ! (2E 2972)<br />
La forge s'est arrêtée à une date inconnue, mais le moulin à blé tourne encore en 1791 avec la<br />
famille Samirand.<br />
Moulin de la Mouline (<strong>Combiers</strong>)<br />
Ce moulin était construit sur une petite fontaine qui sort de terre vers le village du Maineau-Loup<br />
à l'orée de la forêt de la Mouline, qui n'est qu'un morceau séparé par des défrichements de<br />
celle de la Mothe-Clédou. Ce ruisselet rejoint la Lizonne en aval du moulin du Noble.<br />
En Quercy le mot mouline désigne une forge à fer, en Périgord de même, puisque la Mouline de<br />
<strong>Combiers</strong> était en 1490 une forge à fer appartenant à Jean de la Roche seigneur de la<br />
Rochebeaucourt.<br />
Puis, cette activité ayant cessé, on en a fait un moulin à blé attesté en 1655 quand Tony<br />
Giboin l'afferme pour 7 ans, 60 boisseaux de méture et 24 de froment payables à chaque Saint-<br />
Michel, à Pierre Lavau. (2E 4812)<br />
Ce contrat n'ayant pas été conduit à son terme, en 1658 Antoine Giboin marchand et sa belle-mère<br />
Catherine Guillier, qui tous deux habitent au village du Clédou, l' arrentent à François de Ligounat<br />
meunier qui est déjà sur les lieux en tant que fermier, contre 50 livres de rentes secondes annuelles.<br />
C'est un petit moulin à une seule roue accompagné de quelques terres, prés et bois, dont certaines<br />
parcelles touchent au chemin de Rozet à la Rochebeaucourt.La rente seigneuriale sera due au comte<br />
de Brassac. (2E 5853 Giboin notaire à Lavalette)<br />
Il faut croire que le meunier François de Ligounat a déguerpi, car le 13-5-1668 Antoine<br />
Giboin prend un nouveau fermier, Jean Couturier pour 5 ans, et le 20-6-1673 le bail est prolongé de<br />
5 autres années.<br />
Le 11-9-1689, Catherine Giboin prend pour meuniers Jean de Saint-Christophe accompagné<br />
de sa femme et de sa belle-mère. Prix : 80 livres, 3 boisseaux de méture, 6 chapons et 6 poulets,<br />
plus les impositions.<br />
Peut-être n'ont-ils jamais mis les pieds à la Mouline, car quelques mois plus tard, le 7-5-<br />
1690, Catherine Giboin fait un nouveau bail de 5 ans à Jean Decrassat et Marie Menut qui<br />
s'apprêtent à quitter le moulin du Pont, paroisse de Nanteuil en Périgord. Pourtant le moulin n'a rien<br />
de bien attirant.Il n'a plus de fermetures, le chambarat pour mettre le foin n'a pas de "clies'' sur les<br />
chevrons. Si les meules sont en bon état, la roue ne peut plus servir. Les terres sont ensemencées de<br />
plusieurs sortes de céréales qui ne sont pas encore moissonnées. (Etat des lieux de juillet - 2E 3394 )<br />
A la Toussaint 1692 Jean Delâge remplace Jean Decrassat, mais un an plus tard il s'en va et<br />
se fait rembourser les 26 livres qu'il a dépensées pour le moulin.<br />
Et puis, Catherine Giboin sans doute découragée par ce va-et-vient de meunier a vendu le moulin.<br />
Je n'ai pas trouvé l'acte de vente, mais un nouveau bail fait le 20-7-1695 par "haute dame<br />
MadeleineFrançoise de Prunevaux, dame comtesse de Brassac épouse et fondée de procuration de<br />
haut et puissant François-Alexandre de Galard de Béarn", à Jacob ou Jacques Gambier maître<br />
sergetier à la maillerie du Parc paroisse d'Edon, qui appartient également aux Galard.<br />
140<br />
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On dit que des bâtiments ont été nouvellement construits et qu'un petit bois joint l'écluse. Le bail<br />
est fait pour 9 ans et 3 pipes et demie de méture, mesure de la Rochebeaucourt. Il a été convenu que le<br />
meunier installera une meule neuve à ses frais qui seront déduits du prix de la ferme. La comtesse<br />
fournira les bouviers pour le transport. (2E 4821)<br />
Un quart de siècle plus tard en 1720, Jean Giboin et Marie David, meuniers à la Mouline,<br />
reconnaissent pardevant notaire, qu'ils doivent à Pierre Decescaud sieur du Reclaud demeurant à Rouzet,<br />
la somme de 250 livres qu'il leur a ci-devant prêtée en 2 billets de banque de 100 livres (c'est l'époque du<br />
fameux système Law) et le surplus en argent ayant cours.<br />
Les Nauge, un siècle de présence<br />
Ils sont à la Mouline en 1741. En 1775, Pierre Nauge y meurt à l'âge de 88 ans et en 1787 on y<br />
trouve André Nauge. En 1807, c'est Alexandre Nauge le meunier. Je pense qu'ils sont venus d'abord<br />
comme fermiers puis ont arrenté le moulin.<br />
Que s'est-il passé? Le 5-1-1830, François Nauge meunier patenté et Catherine Carrier sa femme<br />
vendent le moulin à Léon-Luce de Galard de Béarn comte de Brassac et le couple devient fermier de ce<br />
qui lui appartenait. (Ganivet-Delisle notaire à Edon)<br />
Il pourrait s'agir d'un partage familial, car Pierre Nauge frère du meunier, reçoit la moitié du prix du<br />
moulin, soit 3.800 francs.<br />
A la suite de cette vente un bail est fait aux époux N auge pour 3 ans et 9 mois le 8-5-1831. On<br />
cite un grand bâtiment où se trouve le logement des meuniers avec l'écurie à côté.<br />
Un moulin à blé et un moulin à huile sont mus par le même tournant. Dans un autre bâtiment à l'écart, se<br />
trouve un second moulin à blé. Tous trois sont à eau et à cassottes garnis de leurs tournants, roues,<br />
roudets, fuseaux, lanternes, accessoires et ustensiles.Tout le travail et savoir-faire de trois générations de<br />
Nauge !<br />
Prix de la ferme : 485 francs par an payables à la Saint-Jean et la Saint-Michel, plus 2 paires de canards<br />
si les fermiers en élèvent.<br />
Un procès-verbal des installations fait le 28 avril a été joint au bail. Tout y est mesuré et compté. On y<br />
parle peu des moulins qui ont fait l'objet d'une autre visite et d'un autre rapport (voir ci-dessous) mais on<br />
y apprend qu'un petit pigeonnier a été construit sur le four, ses dimensions : (2mx1m40x1mlO). On cite<br />
le chambarat, les crèches, les mangeoires (il y a place pour 5 montures avec des ouvertures en forme de<br />
collier), toits à cochons, échelle pour les poules ...<br />
La maison du meunier éveille toujours mon intérêt.<br />
Celle-ci a un foyer original fait avec de vieilles meules. La pierre à laver (l'évier) jette son eau dans la<br />
cour, elle a deux pierres pour recevoir les seaux avec deux tablettes au-dessus.<br />
Au-dessus de la porte d'entrée on signale une imposte avec trois carreaux sains et entiers. La toiture est<br />
couverte en tuiles creuses. Apparemment aucun progrès n'a été fait côté logement, il n'y a qu'une seule<br />
pièce d'habitation.<br />
Un moulin en bon état de marche<br />
J'ai cru bon de retranscrire entièrement la description des moulins faite par Pierre Malifaud<br />
charpentier de moulin demeurant en la commune de Champagne en Dordogne, désigné par le bailleur,<br />
monsieur le comte de Béarn, car on y trouve les détails de l'agencement intérieur d'un moulin du début<br />
du XIXe siècle. Pour une fois, un moulin qui ne tombe pas en ruine ! Cela a dû être un crève-coeur pour<br />
François N auge de ne plus en être propriétaire !<br />
"Rendu sur les lieux j'ai trouvé l'écluse en bon état, elle est divisée en deux parties par de bonnes<br />
planches ; l'empellement qui est en pierres de taille m'a paru en bon état. Un peu au-dessus est situé un<br />
bâtiment de 23 pieds (1) de long sur 16 de large ; y étant entré j'y ai trouvé un moulin à blé composé<br />
d'une meule supérieure dite de Saint Crépin d'une épaisseur de 11 pouces et d'une meule inférieure en<br />
grison usée, des clefs de bois meulier, des chandeliers en pierre, le tout neuf ; d'un arbre muni de ses<br />
liens à chaque bout en bon état, d'un suberseau (2) d'un rouet, des chaînes, d'une maie le tout en bon<br />
état, d'un pontil et d'une lanterne usés, d'un tour garni de son câble en bon état, d'une trémie, d'un<br />
traquet, d'une augette, d'une échelle le tout demi usé, en dehors d'une dalle usée, d'une roue à seau de<br />
sept pieds de diamètre, en bon état, d'un suberseau et d'un support également bon.<br />
141
Descendu dans le bâtiment d'en bas attenant à la maison de François Nauge, d'une dimension de<br />
24 pieds sur 24, j'ai trouvé un moulange blanc composé d'une meule supérieure en grison de 9 pouces<br />
d'épaisseur dont l'oeil est usé mais de bonne qualité, de plus, d'une meule inférieure qui est aussi en<br />
grison de 7 pouces d'épaisseur, de bonne qualité, d'un arbre avec deux liens de fer à chaque extrémité,<br />
demi usé, d'un rouet, d'une lanterne, d'un pontil et de chaînes le tout demi usé, d'un support de meule de<br />
bois meulier, d'un suberseau le tout en bon état, d'une trémie, d'un auget, d'un traquet, d'un tour sans<br />
câble le tout usé, d'une roue de sept à huit pieds de diamètre demi usée et ayant besoin de réparations, de<br />
tourillons demi usés, d'une maie passable.<br />
Dans le même bâtiment se trouve le moulin à huile ; le treuil à tusquet est composé de deux<br />
lanternes, d'un rouet, d'un arbre, de deux suberseaux, le tout en bon état, d'un soutre en pierre de pays de<br />
11 pouces d'épaisseur, d'une meule dite de Saint Crépin de 16 pouces d'épaisseur sur 30 de diamètre le<br />
tout de bonne qualité et en bon état, d'un cordon de bois de 6 pouces d'épaisseur, d'un valet avec<br />
chevilles en bois, d'une boîte munie d'un lien en fer, d'un arbre avec 3 cercles en fer, d'une plaque en fer<br />
de 13 pouces de long et 2 de large armée d'une cheville en fer de 5 pouces de long, le tout en bon état,<br />
l'arbre est maintenu par un chevron de 9 pieds de longueur avec une échantignolle en bois de 6 pouces<br />
de longueur sur 4 de largeur.<br />
Dans le bâtiment attenant qui a 18 pieds sur 36 on trouve une poêle de 32 pouces de diamètres et<br />
6 pouces de profondeur, une presse composée d'un écrou de 9 pieds 9 pouces de longueur sur 20 pouces<br />
de hauteur et 22 de largeur, de trois chandeliers de dix pieds de longueur y compris la sole qui est d'un<br />
pied d'épaisseur ; la presse est munie d'une maie surmontée d'une vis ronde garnie de liens en fer avec<br />
plaque en fer, ladite vis demi usée, la maie a 3 pieds 8 pouces de longueur sur 20 pouces de largeur et 18<br />
d'épaisseur, elle est de noyer et en bon état, le tour qui est sans câble est à demi usé. Il existe une barre<br />
de fer, des balances à plateaux en bois avec fléau en fer, munies de leurs poids. Et certifie la sincérité des<br />
faits ci-dessus pour valoir ce que de raison. La Mouline, le premier janvier mil huit cent trente et un."<br />
J'ai calculé que les trois constructions du moulin occupaient au sol une surface totale d'environ 200<br />
mètres carrés.<br />
Une chambre à la place de l'écurie<br />
Les Nauge ne sont plus là en mai 1845, car le régisseur du comte de Galard écrit que de tous les<br />
fermiers qui se sont présentés au moulin de la Mouline, Godinet est celui qui lui a paru le plus<br />
convenable : ')' ai terminé moyennant 440 francs et 2 paires de canards par an. La basse moulinerie sera<br />
à sa charge suivant les usages du pays ; il s'engage à faire monter un blutoir à ses frais dont le coût lui<br />
sera remboursé à la fin de son bail. Il pourra couper toute la bruyère qu'il voudra mais n'aura que 500<br />
fagots par an au lieu de 800 comme a celui qui y est en ce moment".<br />
Attendu qu'il n'y a qu'une pièce pour tout logement, le régisseur a décidé d'en faire une autre à la place<br />
de l'écurie "qui sera retirée du moulin et replacée sous le hangar". Le bail est fait pour 9 ans mais le<br />
meunier pourra partir au bout de trois. (1/1159)<br />
Le 30-5-1877 "Monsieur le prince de Béarn" par l'entremise de son régisseur Jean-Médard dit<br />
Marcel Roques, consent un bail de 9 ans du moulin de la Mouline à Jean Lamy et Françoise Lafond sa<br />
femme qui arrivent de la forge de Plessac commune de Saint Crépin. On dit le moulin construit sur le<br />
ruisseau venant du village de Gravechou (sous le Maine-au Loup). Il a deux meules tournantes et un<br />
pressoir à huile ; 2 pièces de terre, autant de prés et une pièce de vigne vont avec le moulin.<br />
Les conditions du fermage sont les mêmes que dans les autres moulins. Les preneurs prendront<br />
une assurance contre l'incendie et n'oublieront pas de payer les primes.<br />
Par ailleurs, ils n'auront pas le droit de chasser et ils devront moudre gratuitement 5 hl de blé pour le<br />
bailleur. Le prix sera de 500 francs les 3 premières années et de 650 francs pour les années suivantes. Au<br />
bas de l'acte on a écrit : résilié le 3-3-1878. Et après?<br />
Il ne reste aujourd'hui que quelques pans de murs de ce qui fut un moulin prospère.<br />
(1) Les anciennes mesures sont encore couramment utilisées.<br />
(2) Hélas, j'ignore ce qu'est un suberseau, un tusquet, une échantigolle …<br />
142
<strong>Moulins</strong> du Château (<strong>Combiers</strong>)<br />
Les moulins et le château de la Rochebeaucourt aujourd'hui disparus, se trouvaient sur le<br />
territoire de <strong>Combiers</strong>.<br />
C'est ici l'occasion de rappeler la position originale du bourg de la Rochebeaucourt bâti sur la rive<br />
gauche de la <strong>Nizonne</strong>, avec juste en face sur la rive droite, les communes de <strong>Combiers</strong> et d'Edon. Si bien<br />
que ce qu'on appelle le faubourg de la Rochebeaucourt fait partie d'Edon.<br />
Le château a été détruit par un incendie en 1941. Construit par Louis-Hector de Galard de Béarn à partir<br />
de juillet 1853, il avait remplacé deux autres édifices cités en 1486 lorsque Jean III de la Roche les<br />
agrandit et embellit, car ils sont proches de la ruine. En 1566 on écrit : "le vieil et le nouveau château".<br />
Après cette date le plus ancien sera démoli.<br />
Un château bâti près d'une rivière ne pouvait pas ne pas avoir son ou ses moulins et le 6-6-1488<br />
Jean de la Roche afferme pour 9 ans à Laurent Vauru ses moulins "noiray et blanchier étant sur la<br />
chaussée du petit étang, lesquels moulins sont assis entre les deux châteaux, plus un verger et un<br />
chenebaud". Leur position est si incommode que Jean de la Roche demande à Vauru de lui reconstruire<br />
les moulins un peu plus loin "en une certaine place étant au long de la <strong>Nizonne</strong> comprise jusqu'au pont<br />
de la Rochebeaucourt, avec pouvoir et facilité en icelle place de faire deux moulins à blé et à ce<br />
employer, et le pouvoir et facilité de prendre et contenir l'eau de ladite rivière."<br />
Le seigneur fera les chaussées et murailles à ses propres coûts et dépens ; Vauru fournira le fer<br />
nécessaire et devra construire à ses frais un moulin à huile, sans oublier la poêle à cuire l'huile. Les<br />
meules s'achèteront à frais communs.<br />
Les tuiles plates et courbes seront fournies par le bailleur ainsi que le bois qui se prendra dans ses forêts.<br />
En paiement, une fois les moulins en activité, Vauru donnera la tierce partie des moudures sans rien<br />
prendre sur celles du seigneur, la moitié du revenu du moulin à huile et la moitié du poisson pris dans<br />
ses nasses. (J/1151)<br />
Un moulin à trois jets d'arc<br />
Le 15-12-1520 Jean de la Roche échange le moulin au Noble situé à trois jets d'arc au-dessus de<br />
la ville de la Rochebeaucourt, contre les moulins du château appartenant au chapitre Saint -Théodore.<br />
Pourquoi cet échange, puisque ces moulins du château c'est Jean de la Roche qui les a fait reconstruire<br />
comme lui appartenant?<br />
En 1779 lors d'un procès entre le chapitre et le seigneur de la Rochebeaucourt, au sujet des droits<br />
de pêche sur la <strong>Nizonne</strong>, les faits sont mentionnés sans plus.<br />
"A l'époque de cette transaction en l'année 1520, le chapitre Saint -Théodore avait un moulin sur la<br />
rivière <strong>Nizonne</strong> tout près du château de la Rochebeaucourt.<br />
Le seigneur au contraire en avait un éloigné du château et qui était dans les dépendances du chapitre. lis<br />
imaginèrent de faire un échange : le seigneur de la Rochebeaucourt céda au chapitre son moulin que le<br />
nommé Cholet tenait en arrentement et le chapitre céda à la place celui qu'il avait près du château."<br />
Les raisons de cet échange nous sont données dans la copie d'un très ancien document produit<br />
dans un procès opposant Jean de la Roche et le chapitre ; procès qui aurait duré un demi-siècle.<br />
Ce papier en lambeaux (non daté) a été sauvé de la destruction par Jean-François Boulland régisseur et<br />
archiviste de Alexandre-Léon-Luce de Galard de Béarn entre 1790 et 1820 (1).<br />
En voici de larges extraits : "et les chanoines de ladite église collégiale de la Rochebeaucourt<br />
prirent et usurpèrent un moulin et plusieurs villages, domaines et héritages étant au-dedans de ladite<br />
chatellenie appartenant au seigneur de la Roche, montant à plus de 200 livres de rentes".<br />
Ce moulin ... "lequel était sis et situé près et joignant la porte du château de la Rochebeaucourt,<br />
audedans des prés-clôtures dudit château, qui est une belle place forte pour faire service au roy et au<br />
royaume, et au temps qui court n'eut été loisible de souffrir ledit moulin si près de la porte de la dite<br />
place pour le danger qu'on eut pu courir en temps de guerre ou autrement. Lesdits chanoines avoient<br />
trouvé moyen comme il paraît, que quelque petit nombre de gens de leur territoire du Chatenet et du<br />
bourg Saint -Théodore, alloient moudre leurs grains audit moulin, lequel moulin ils avoient baillé à<br />
perpétuité à un nommé Depiz lequel étoit tenu de leur bailler la moitié des profits qui viendroient dudit<br />
moulin."<br />
143
Une petite gabiotte couverte en chalumeaux<br />
Profits qui devaient être bien minces lorsqu'on lit plus loin la description de ce moulin.<br />
"Le moulin appelé du chapitre était l'un des plus pauvres et mal bâtis qui fut sur la rivière <strong>Nizonne</strong><br />
où il y avait seulement une petite gabiotte de 10 à 12 pieds carrés faite et maçonnée en pierres<br />
sèches couverte de chalumeaux et au-dedans, une roue et une meule (on ne compte que la tournante)<br />
et mal entretenue des réparations nécessaires qu'il convenait de faire par moitié avec les chanoines,<br />
et même rhabiller et relever la chaussée, élargir et curer les fossés et ruisseau pour avoir l'eau audit<br />
moulin, tant au-dessus que au-dessous, ce qu'ils ne pouvoient faire comme étant dans la basse-cour<br />
et jardin du seigneur de la Roche qui ne le voulut souffrir et par ainsi le moulin tomba en ruine et<br />
n'était plus de nulle valeur auxdits chanoines ni audit Jean Depy, et nonobstant ce que dessus que le<br />
moulin ne leur rapportoit nul profit...etc".<br />
Un peu plus loin le narrateur ajoute que le seigneur de la Rochebeaucourt..."a fait abattre iceluy<br />
méchant moulin et le fit remonter en une autre place plus commode et fait refaire la chaussée,<br />
élargir les fossés et ruisseau et bâtir tout à neuf ledit moulin. Et a fait passer le ruisseau à travers son<br />
jardin et prairie un demi-quart de lieue et a contraint la plupart des hommes et gens de sa chatellenie<br />
à venir moudre leurs grains audit moulin fait et bâti à neuf où il y a deux bonnes roues, c'est<br />
pourquoi il est à présent de belle et bonne valeur, mais il a coûté audit chevalier plus de mille écus<br />
pour le mettre en l'état où il est présentement". (1/1 153)<br />
Ce qu'il faut comprendre : le moulin (usurpé ou non) près de la porte du château appartient<br />
aux chanoines, mais Jean de la Roche l'ignore. Ille fait démolir et reconstruire ailleurs. C'est à ce<br />
moment que le Chapitre lui intente un procès qui se termine par l'échange de 1520. Un procès qui a<br />
duré de 1488 à 1520 soit 32 ans, ce qui ne fait pas loin du demi-siècle !<br />
Je n'ai que deux dates à proposer avant le XVIlle siècle.<br />
Le 14-5-1591 Marie de la Rochebeaucourt afferme les moulins banaux à Guillon David et Nicolas<br />
Vidaud qui demeurent en la paroisse de Gardes, pour 3 ans et 9 pipes de blé, moitié froment et<br />
moitié méture, ainsi que la moitié des anguilles qui seront pêchées. (2E 4471 Martin)<br />
Le 22-11-1601 c'est Jean de Goullard (2) de Béarn baron de Brassac, seigneur de la<br />
Rochebeaucourt, qui consent un nouveau bail à Pierre et François Morand oncle et neveu, ainsi qu'à<br />
un cousin meunier, qui sont déjà sur les lieux, c'est donc une prorogation de bail faite pour 3 ans et<br />
20 pipes de blé, moitié froment, moitié méture. On parle du moulin haut et du moulin bas. (2E<br />
4471)<br />
Un XVIIIe siècle des plus calmes<br />
Je n'ai rien à proposer pour la première partie de ce siècle. Pour la seconde partie, nous<br />
trouvons aux moulins du château, en 17 51, Louis Aillot meunier et Marguerite Simonneau et en<br />
1763 Giraud "Laliot" époux de Léonarde Texier.<br />
Le 15-9-1768, une ferme est faite pour 9 ans des moulins qui ont 3 roues et 6 meules à Bernard<br />
Aillot. On cite un premier bail de l'année 1746. Ce bail de 1768 n'a pas été conduit à son terme et le<br />
2-7 -1772, dame Marie- Anne-Catherine de Môrin veuve de René de Galard de Béarn marquis de<br />
Brassac, ayant pouvoir de Anne-Hilarion de Galard de Béarn, baron de la Rochebeaucourt, afferme<br />
les moulins du château avec prés et jardin, à Jean Fréleteau surnommé Villon meunier et Marie<br />
Lachaise sa femme, pour 5 ans et pour 120 boisseaux de froment,180 boisseaux de méture mesure<br />
de la Rochebeaucourt, à verser en 12 termes égaux. Le bail pourra être résilié la première année, si<br />
la marquise n'est pas contente des preneurs ou si ceux-ci ne peuvent s'accoutumer aux moulins. (2E<br />
4463 Beillard notaire à la Rochebeaucourt)<br />
Des <strong>Moulins</strong> qui ruinent leurs meuniers<br />
Nous voici arrivés en ce début du XIXe siècle où il suffit de puiser dans la correspondance<br />
du régisseur de la Rochebeaucourt, Jean-François Boulland, car les moulins dépendant du château<br />
de la Rochebeaucourt lui causent bien des soucis. (1/1165 fonds Galard de Béarn)<br />
Ce 27 prairial an 12 (16-6-1804) le régisseur écrit que le meunier s'en va et qu'il lui sera difficile<br />
d'en trouver un autre, même en mettant le prix de la ferme à 800 francs au lieu de 1.000 ... "le<br />
meunier qui viendra ne s'en sortira pas, le prix du blé est bas et il y a trois domestiques et les<br />
mulets". Le 28-9-1805 veille de la Saint-Michel, Jean Montion qui a trouvé à affermer son moulin<br />
de la Gélie<br />
144
quelques jours plus tôt, peut prendre à bail celui du château dont l'exploitation a été (je suppose)<br />
jugée plus avantageuse.<br />
Mais on sait que le régisseur n'aimait pas prendre des meuniers sans le sou, et Jean Montion a dû<br />
hypothéquer ce qu'il possède dans le village du Montaud et la part de sa femme dans le moulin de la<br />
Gélie.<br />
A cette occasion, un règlement familial a lieu au détriment des meuniers sortant, Jean Ducongé et<br />
Jeanne Nauge, à propos de la succession de Jean Lacaud premier époux de Jeanne Nauge et frère de<br />
l'épouse de Jean Montion, qui estime que sa femme a été lésée dans le partage. Les juges lui ont<br />
donné raison et les Ducongé-Nauge doivent lui abandonner tout ce qu'ils ont dans le moulin du<br />
Château avec les juments, mules et mulets qui proviennent de l'héritage de Jean Lacaud. ( 2E<br />
19162)<br />
En août 1811 Boulland écrit que le meunier fait très mal ses affaires dans le moulin du<br />
Château, "il doit 600 francs et a une caution très malaisée ; en général les meuniers terminent en<br />
étant obligés de nourrir leurs pratiques qui ne les payeront jamais".<br />
Montion qui a acheté la part de son beau-frère dans le moulin de la Gélie restera au château jusqu'à<br />
la fin de son bail.<br />
En 1812 Jean Lacaud le remplace, mais à la fin de son bail en 1816, Boulland écrit que le meunier<br />
pour se libérer de ses dettes va être obligé de vendre une petite maison qu'il possède à la<br />
Rochebeaucourt, "cela va achever de décrier ce moulin qui a déjà la réputation de ruiner ses<br />
fermiers".<br />
Autre lettre du 3 mars 1816. "Le meunier du moulin du Château s'en va à la Saint-Michel, il<br />
est ruiné sans ressources et doit 1.000 francs. La vente de sa maison ne rapportera que 500 francs,<br />
mais sa belle-mère qui s'est portée caution, en a une d'une valeur de 2.000 francs. Comment trouver<br />
un meunier pour un moulin quia la réputation de ruiner ses meuniers et qui ne tourne que la moitié<br />
du temps faute de pratiques, avec une écluse et un canal remplis de vase?"<br />
Effectivement, on trouve à la date du 14-2-1816 dans les minutes de maître Auger notaire à<br />
Edon, la vente par Jean Lacaud et Marie Bayard sa femme, meuniers au moulin de la<br />
Rochebeaucourt, d'une maison sise dans ce bourg, rue principale, à un chapelier de Brantôme pour<br />
950 francs. (2E 19173)<br />
Voilà donc le régisseur en quête d'un nouveau meunier.<br />
"Dans toutes les recherches que j'ai faites pour trouver un meunier,je n'en ai trouvé qu'un qui<br />
exploite depuis un an le moulin du Repaire de Rougnac appartenant à monsieur de Vassoigne, mais<br />
il trouve le prix de 1.000 francs trop considérable et n'offre que 900 francs, ferme encore trop forte<br />
pour des gens qui n'ont pas d'avance. Mais si on ne prend pas celui-ci, le moulin restera vacant ce<br />
qui fera le bénéfice des meuniers voisins qui s'empareront des pratiques".<br />
L'accord ne s'est pas fait avec le meunier du Repaire et le régisseur pense au meunier du<br />
moulin du Pontaroux "qui est actif et solvable et y est depuis près de 60 ans de père en fils". Mais<br />
l'entente là aussi ne s'est pas faite, bien que Boulland ait proposé 800 francs de ferme au lieu des<br />
1.000 prévus.<br />
Le 7 mai 1816, il écrit : 'j'ai placé dans le moulin du château Pierre Andrieux jeune homme<br />
qui vient de se marier, fils de Pierre dit Suisse, ci-devant fermier de ces moulins qu'il n'a quitté à la<br />
SaintMichel 1802 que pour aller dans le moulin des Grauges près de <strong>Combiers</strong>, duquel il est<br />
propriétaire. Pierre Andrieux n'a pas voulu passer de bail, il jouira du 15 mai au 31 décembre à<br />
moitié mouture et rendra compte tous les mois. Et quand il aura reconquis les pratiques perdues et<br />
qu'il connaîtra les revenus du moulin, il le pendra à ferme et donnera son père pour caution, lequel<br />
est très solvable. Mais je ne fais cet arrangement qu'avec beaucoup de répugnance, cela vaut mieux<br />
que de laisser les moulins vacants et discrédités".<br />
Huit mois plus tard le régisseur constate avec amertume qu'il a fait une mauvaise affaire :<br />
"malgré ma surveillance, écrit-il, ces huit mois n'ont produit que 616 francs, aussi, le 1er janvier j'y<br />
ai mis Jean Bourdeix l'ancien rentier du Mesnieux".<br />
J'ai trouvé le détail de ce nouveau fermage fait le 19-11-1816 pour 6 ans et 9 mois et pour 900<br />
francs annuels payables en 2 termes.<br />
Les 3 meules tournantes du moulin avec tous les accessoires et ustensiles nécessaires à leur usage,<br />
sont en bon état. On précise qu'avec le moulin sont affermés : maison, écurie, étable, grenier,<br />
jardins, écluses et 3 pièces de prés, "comme en a joui Jean Lacaud précédent fermier" (Andrieux<br />
n'ayant pas fait de bail).
145<br />
Les nouveaux fermiers devront entretenir les aubes des roues, les allochons des rouets, les<br />
fuseaux des lanternes, les pointes de fer (?) les mets et trémies en bon état ; entretenir aussi les<br />
écluses fauchées et sans brèches.<br />
Si pour cause de réparations les moulins sont arrêtés, le meunier aura un franc de dédommagement<br />
par journée pour chaque tournant. Le bailleur fournira chaque année 500 fagots de fourrage et<br />
curage pris dans les bois du comte de Béarn, mais le voiturage sera à la charge des preneurs.<br />
La pêche de l'écluse sera partagée par moitié et les nasses, filets et engins, fournis et entretenus<br />
également par moitié. Toutes les bruyères nécessaires pour la litière des animaux seront prises en<br />
deux endroits indiqués.<br />
Dernière recommandation : les fients seront conduits dans les prés, mais en attendant il faudra les<br />
mettre en tas derrière l'écurie et non sous la croisée du château et le long du mur du jardin !<br />
En 1819, le tableau n'est pas brillant : le régisseur écrit : "le moulin du Mesnieux est<br />
abandonné et ne produit presque plus rien faute de réparations. Les moulins du château vont<br />
également devenir en pure perte si on ne cure pas le canal cette année ; l'eau n'a plus cours et les<br />
roues ne tournent plus qu'à peine. Le bas du jardin est perdu par l'humidité".(J/1165)<br />
Le 29-9-1823 le bail des époux Jean Bourdeix-Marie Andraud se termine, et Charles Grenet<br />
fondé de pouvoir du comte de Béarn, désire constater l'état des moulins affermés en 1816 pour 7<br />
ans. Chacune des deux parties a son expert. Pour Bourdeix, c'est François Pautier charpentier de la<br />
commune de Rossignol, pour Grenet il s'agit de Pierre Labonne charpentier de moulin demeurant à<br />
Vouzan.<br />
Les allochons et fuseaux de la lanterne du petit moulin qui n'a qu'un moulange, sont presque usés. Il<br />
manque 7 aubes à la roue du grand moulin ; la chaussée au-dessus des moulins, rive droite, a été<br />
mal raccommodée sur 8 mètres, il faudra y remédier. Bourdeix (il ne signe pas) promet que la<br />
remise en ordre se fera à ses frais. (2E 19606)<br />
En juillet 1845, Ducher le meunier parle de quitter le moulin à la Saint-Michel et Caron le<br />
régisseur, le persuade de rester un trimestre de plus à raison de 250 francs au lieu de 300.<br />
Montion, meunier de la Rochebeaucourt, se propose pour prendre la suite mais il ne veut pas payer<br />
plus de 600 francs. Soit ! mais il n'aura ni écurie, ni toit à porcs, ni fagots, ni jardin, ni pré. (J/1159)<br />
Je ne sais pas si le marché a été conclu.<br />
A château neuf, moulin modernisé<br />
Dans l'inventaire fait en août 1871 après le décès du comte de Béarn, on dit que les moulins<br />
du Château ont été affermés à Antoine Ducher le 14-2-1865 pour 7 ans et que c'est Pierre Doucinet<br />
qui va faire la dernière année du bail qui finit à la Saint-Michel 1872. (2E 19214 Chauvet)<br />
En août 1874 le régisseur Roques fait une prorogation du bail pour Pierre Doucinet et sa<br />
femme qui porte le nom curieux de Marie dite Rou Jambou. Grand progrès : la maison du meunier<br />
comprend 4 pièces sur 2 niveaux.<br />
Ce contrat très long, comprend une vingtaine d'articles. A certains détails on voit que le moulin a<br />
été modernisé : on parle d'un nettoyage des grains, d'un blutoir (le grand absent des moulins<br />
d'Angoumois), de chambre à farine, de transmissions faites par un mécanicien de moulin de<br />
Mareuil. Quelques clauses : les écluses de l'allée verte seront fauchées deux fois par an, les fumiers<br />
(on ne dit plus fients) seront conduits dans les prés. Les preneurs n'auront pas le droit de sous-louer<br />
sans le consentement du propriétaire et il n'y aura pas d'indemnités en cas de chômage.<br />
Les bruyères pour les litières seront prises dans les endroits indiqués par le garde. Le bail sera<br />
résilié d'office en cas de maladie ou de décès empêchant de continuer la profession.<br />
L'article Il n'est pas courant : les fermiers devront mettre en mouvement toutes les semaines<br />
la pompe hydraulique située dans le moulin et la faire marcher pendant 30 heures, du mercredi à 6<br />
heures du matin, au jeudi à 12 heures. Si le bassin du jardin rose et le bassin du château ne sont pas<br />
remplis pendant ce temps, le bailleur aura le droit d'exiger des preneurs qu'ils remettent la pompe en<br />
route le temps nécessaire au remplissage des bassins. Le preneur recevra 4 francs par 24 heures de<br />
pompage supplémentaires et par ailleurs il devra moudre pour le bailleur gratuitement du 1er-l l au<br />
1er mai, 20 hectolitres de grains sans indemnités. Prix : 850 francs par an en deux termes égaux.<br />
Pierre Doucinet a signé.<br />
146
Le 29 septembre 1886 le régisseur du prince de Béarn ne trouve pas de remplaçant pour le<br />
meunier qui s'en va.<br />
Il y a bien un certain Bousseau qui est candidat, mais il n'offre que 800 francs de ferme ; cependant<br />
comme il est propriétaire d'un immeuble d'une valeur de 20.000 francs avec seulement 2.000 francs<br />
d'hypothèques, il vaut peut-être mieux lui affermer le moulin à bas prix que le voir s'abîmer à ne plus<br />
tourner.<br />
Une maillerie a existé près du château, distincte des moulins à blé, nommée maillerie du Parc.<br />
En 1695 on cite Jacob Gambier mailler à la maillerie du Parc. En 1702 le comte de Galard dit posséder<br />
un moulin à foulon. En 1803 Jean Souquet est teinturier à la teinturerie du Parc commune d'Edon.<br />
(Auger notaire à Edon) En 1809 la maillerie ne fonctionne plus, car le régisseur écrit : "le bordier qui<br />
était à la maillerie depuis le départ du mailler, est sorti".<br />
(1) Jean-François Boulland ancien notaire originaire de Normandie, a régi les domaines de la Rochebeaucourt de 1790<br />
à 1820 avec rigueur et compétence comme s'il s'agissait de ses biens propres. Décédé en 1826 à l'âge de 76 ans, il a<br />
été en même temps pendant plusieurs années, maire de <strong>Combiers</strong>.<br />
(2) Fin XVIe début XVIIe, dans les actes les concernant, c'est Goullard et ils signent Goullard et non Galard.<br />
Moulin du Mesnieux (Edon)<br />
Le moulin était construit sur la rive droite de la Lizonne, sur une mince bande de terre entre<br />
rivière et rochers. Les prairies se trouvent sur la rive gauche côté Périgord.<br />
Le régisseur du château de la Rochebeaucourt, Jean-François Boulland, nous donne au tout<br />
début du XIXe siècle, dans un mémoire qui retrace deux siècles et demi de son histoire, une description<br />
réaliste de ce moulin qui lui cause bien des soucis,<br />
"Ce moulin est composé d'un seul corps de bâtiment dont un bout est adossé à un rocher qui appartient<br />
au propriétaire du domaine du Mesnieux, distinct du moulin.<br />
L'écluse du moulin est la Lizonne dans laquelle s'est formée une petite île dépendante du moulin. Le<br />
jardin se trouve inondé 6 mois de l'année. Ce moulin n'a aucun fond, c'est-à-dire que les roues sont<br />
toujours noyées par l'eau de la rivière qui est aussi haute derrière que devant les roues. Il n'y a que la<br />
force de l'eau qui les fait tourner ce qui fatigue singulièrement les rouages. Il n'y a aucun chemin de<br />
voiture pour y arriver. La chaussée qui communique au Périgord à travers les prés d'Argentine a été<br />
détruite par les inondations et les deux ponts en pierre sont emportés depuis 6 ans.<br />
Le chemin qui va à Edon est impraticable par les rochers qui s'y trouvent, ce n'est qu'un mauvais sentier.<br />
Celui qui passe par le bois de la Cassine est moins mauvais, mais il est trop roide pour le passage des<br />
charrettes chargées.<br />
La prise du domaine du Ménieux, suivant la baillette de rente, confronte le cours de la Lizonne depuis la<br />
muraille du bois de la Cassine jusqu'au moulin, ce qui donne au propriétaire du Ménieux tous les arbres<br />
qui bordent l'écluse. En 1554 le moulin était en ferme. En 1,573 il était arrenté. En 1590 le rentier a<br />
déguerpi. En 1592 il fut arrenté à nouveau. En 1597 il fut encore déguerpi. En 1598 il fut arrenté de<br />
nouveau et en 1686 il était en ferme. Le 7-4-1740 il fut arrenté par monsieur Guillaume Alexandre.<br />
Le 2-7-1772 le bail à rente fut résilié et le moulin donné à ferme au même meunier. Depuis cette époque,<br />
il fut encore donné à rente mais l'acte est en déficit, et en 1790 lors de mon arrivée à la Roche, le moulin<br />
était affermé à Jean Samirand moyennant 100 boisseaux de méture et 100 livres en argent, total 400<br />
livres. Le bail a fini à la Saint-Michel 1790 et ledit Samirand ne voulut pas le renouveler pour le même<br />
prix, il n'en voulait que 300 livres.<br />
Il est à observer qu'à cette époque, le meunier comme fermier de bien noble, ne payait qu'environ 24 à<br />
28 livres de taille et que monsieur et dame de Rochebrune, propriétaires du Ménieux donnaient<br />
beaucoup de facilités au meunier dans leurs bois, soit à ses porcs, volailles, pacage de mulets ... etc. Lors<br />
de mon arrivée à la Rochebeaucourt, et après avoir bien connu le commodo et incommodo de ce moulin,<br />
les réparations qu'il fallait y faire et le peu d'espoir d'en tirer parti, je l'ai arrenté 500 livres à Bertrand<br />
Bourdeix jeune homme sans calcul, qui avait du bien dans la commune de Gardes. A cette époque le<br />
moulin ne payait pas de contributions, mais en 1791 il fut imposé à 100 livres, il est actuellement à 120<br />
francs ; il s'est maintenu au courant par le secours des assignats, puis il a mangé une partie de son bien et<br />
a fini par rétrocéder le moulin au sieur Forestas, de Fontaine, par acte du 20 frimaire an 8. (11-12-1799).<br />
147
Ce Forestas était à l'aise, il fit des réparations à ce moulin, en rouages et meules et fit refaire<br />
à neuf les empellements. Malheureusement il ne fit rien au bâtiment, chaussée et écluse, puis,<br />
considérant qu'il avait fait une mauvaise acquisition et que ses dépenses seraient sans profit, il<br />
rétrocéda le moulin à Jean Bourdeix par acte du 2 floréal an 10 (22-4-1802) à peu près à l'époque où<br />
M. de Rochebrune mit le sieur Declais son gendre en jouissance du Ménieux. Depuis cette époque<br />
le meunier est on ne peut plus malheureux. Declais, homme comme il y en a peu, ne le laisse en<br />
repos ni jour ni nuit, surtout depuis qu'il s'est présenté au château et qu'on lui a refusé avec raison<br />
l'entrée du salon, il ne permet pas au meunier d'avoir seulement une poule si elle n'est enfermée, il y<br />
a journellement entre eux bataille et procès. Bref, ledit Bourdeix a pris le parti d'abandonner le<br />
poste, aucun meunier maintenant ne veut plus entendre parler de ce moulin, ni pour un prix, ni pour<br />
un autre".(J/1165)<br />
Quelques détails pour compléter le mémoire de Boulland.<br />
J'ai trouvé cet arrentement de 1573 fait par Aymard Faurant qui demeure au village du<br />
Mesnieux, à Guizeau Deloumière, de la portion qu'il a dans le moulin appelé Jabaneau* autrement<br />
du Mesnieux situé paroisse d'Edon, sous le devoir de 44 boisseaux de blé bon et marchand, mesure<br />
de la Rochebeaucourt, de rente annuelle et perpétuelle et 2 douzaines d'anguilles. (2E 4474 Martin)<br />
Le procès-verbal de 1800 nous apprend qu'il n'était pas construit tout à fait au même endroit que le<br />
moulin du Ménieux. En 1554 on cite le roc Jabanot, vallée de la <strong>Nizonne</strong>, paroisse d'Edon.<br />
Le 7-8-1583, Marie de la Rochebeaucourt arrente à Jehan Duvergier "à titre d'arrentement<br />
perpétuel, un sien moulin appelé communément le moulin du Mesnieux, sous le devoir par chacun<br />
an de 12 boisseaux de blé et 2 pipes de froment-méture, 2 chapons, 50 anguilles prises dans les<br />
eslaux et écluses dudit moulin, le tout bon et marchand, rendables et portables à la recepte et grenier<br />
dudit seigneur au jour et fête de Saint-Michel et les anguilles lors de la pêcherie, et à défaut d'icelles<br />
une autre paire de chapons".<br />
Quatorze ans plus tard, le 21-1-1597, Jehan Duvergier "ne se trouvant aucun moyen de faire valoir<br />
ni entretenir ledit moulin des choses nécessaires" cède sa rente avec le droit de chasse dans la<br />
chatellenie de la Rochebeaucourt, à Denis Dufour qui demeure au moulin de Chante Rane paroisse<br />
de <strong>Combiers</strong> et à Pierre Delafont dit Charpentier, de la paroisse d'Argentine.<br />
Sept jours plus tard exactement, le 28 janvier, Delafont vend sa part dans le moulin à Denis Dufour,<br />
qui devenu seul rentier, recède la totalité de la rente à un habitant de Forge-Neuve paroisse de<br />
Jarverlhac le 30 septembre suivant. (2E 4471 Martin notaire à la Rochebeaucourt)<br />
Ce nouveau "locataire" est-il resté longtemps? Boulland parle d'un nouvel arrentement en 1598.<br />
Nous retrouvons le moulin un siècle plus tard, ce 25-9-1686 quand François-Alexandre de<br />
Galard de Béarn, fondé de procuration de son père qui demeure à Paris, afferme le moulin du<br />
Mesnieux à Jean Delâge et Marguerite Micheau pour 5 ans, 24 boisseaux de froment et 140 de<br />
méture, mesure de la Rochebeaucourt. Le moulin avec ses deux roues est tournant virant.<br />
Un moulin diminué<br />
Le 23-5-1779 un bail est fait à Jean Samirand et Marguerite Juge qui arrivent du moulin du<br />
Pinier à Gardes, pour 9 ans, 100 livres en argent et 100 boisseaux de méture. A 40 sols (ou 2 livres)<br />
le boisseau cela fait 200 livres. C'est cher pour un moulin à un seul moulange noir !<br />
Les preneurs pourront construire un moulange blanc pendant le cours du bail en fournissant tout le<br />
nécessaire, sauf le bois donné par le bailleur. Du bois que les fermiers devront faire couper et<br />
conduire à leurs frais (du bois vert doncl). Quand le moulin blanc sera fait, le propriétaire fera remise<br />
d'une année de bail, mais en attendant les meuniers doivent faire l'avance de tout. Le cas s'est déjà<br />
vu dans d'autres moulins. De plus, l'entretien de ce nouveau moulin sera à la charge des<br />
constructeurs-preneurs les 3 premières années. (2E 4465 Beillard)<br />
Le bail de Jean Samirand finit à la Saint-Michel 1791 et il veut bien renouveller son bail mais à un<br />
prix plus bas : 300 livres au lieu de 400 ! Le bail de 1779 s'est trouvé échu en 1788, il avait été fait<br />
pour 300 livres. Un bail intermédiaire de 3 ans avec une forte augmentation a donc eu lieu.<br />
Boulland refuse la proposition du meunier sortant, et arrente le moulin pour 500 livres. Le nouveau<br />
rentier Bertrand Bourdeix arrive avec sa femme Thérèse Métreau, du moulin de la Quina à Gardes.<br />
Le moulange blanc a été construit et les deux tournants se trouvent dans le même bâtiment couvert<br />
en tuiles courbes. Deux chambres, une basse et une haute, accompagnées d'une fournière, d'une<br />
écurie et d'un toit à cochons, servent d'habitation au meunier<br />
148
Avec la cour et les aisines ou aire aux, l'ensemble occupe une superficie de 7 perches et 6 brasses, plus<br />
le jardin et le pré.<br />
Bertrand Bourdeix va rester dix ans au Mesnieux et en repartira aussi pauvre qu'il y est entré.<br />
Une chaise sur un coffre<br />
Au printemps 1800 un remplaçant se présente en la personne de Jean Forestas originaire de<br />
Fontaine en Périgord.<br />
Avant d'accepter, Forestas fait faire un état des lieux et n'est pas détourné de son projet par un mur<br />
bourbé qui menace ruine, par le local où sont les meules avec son sol en terreau, sans plancher ni pavé,<br />
par la charpente au-dessus qui n'a besoin "que d'une fraie et d'une filière de 22 pieds de loitg". La porte<br />
du moulin faite de différents bois, n'a ni serrure ni clef et ferme avec un petit fléau de fer et deux petits<br />
verrouils ; la fournière et buanderie a ses murs faits en mauvais torchis de grosse terre et n'a pas plus de<br />
plancher que le moulin.<br />
L'habitation du meunier, parlons-en ! On y entre par une petite porte de bois de peuplier très usée, une<br />
seule fenêtre aux vitres cassées l'éclaire. On y trouve l'évier et la cheminée indispensables, mais les murs<br />
sont "percés à jour" en plusieurs endroits. A côté de cette pièce un petit réduit peut tout juste contenir<br />
une couchette.<br />
Pas d'échelle pour monter au grenier, et comme il est du devoir du notaire de s'assurer de l'état<br />
de la charpente ... "plaçant une chaise sur un coffre, nous sommes montés au grenier par une ouverture<br />
nommée vulgairement trappe". Là, il note qu'il existe un trou dans le mur "qu'un maçon pourra clore<br />
dans la moitié d'une journée".<br />
La visite du moulin nous donne des détails sur la provenance des meules qu'on ne trouve pas ailleurs. La<br />
meule courante du moulin noir a un bon cercle de fer et est épaisse de 4 pouces un quart ; la meule de<br />
dessous qui est sans cercle mesure 6 pouces. Toutes deux proviennent de Saint-Crépin. Les meules du<br />
moulin blanc ont, l'une 5 pouces, l'autre Il pouces d'épaisseur ; elles viennent des carrières d'Angoulême<br />
et sont sans cercles.<br />
Cela fait voir que l'extraction des meules monolithes en calcaire continuait en 1800 aux chaumes de<br />
Crage près de Puymoyen.<br />
Les ustensiles du moulin sont assez bons ainsi que les deux maies l'une en peuplier, l'autre en noyer.<br />
Puis, le notaire et sa suite se rendent "jusqu'à l'endroit où était autrefois le moulin Jabaneau" et ici on<br />
voit que l'écluse perd l'eau par une dizaine de brèches totalisant 170 pieds, si bien qu'il ne reste que 80<br />
pieds de serviable. Les empellements, les achenaux et les deux roues sont hors de service.<br />
Pour finir, on dit que tous les bâtiments sont à recouvrir et on calcule qu'il faudra 500 tuiles et un millier<br />
de lattes. Forestas a signé. (2E 19159 Auger notaire à Edon)<br />
Un moulin qui n'en finit pas de mourir<br />
Forestas a fait quelques réparations, rouages, meules, réfections des empellements tout en<br />
négligeant (faute de moyens?) l'entretien des bâtiments, chaussée, écluse. (1/1165)<br />
A son tour, il voit qu'il a fait une mauvaise affaire, et s'en va. Jean Bourdeix l'a remplacé à partir d'avril<br />
1802, mais n'ayant qu'une clientèle réduite il arrive qu'il ne peut plus payer et se trouve en 1811 avec un<br />
arrérage d'un an et demi soit : 750 francs.<br />
Il voudrait bien à son tour rétrocéder le moulin aux conditions de bail à rente pour pouvoir s'installer<br />
comme fermier au moulin de Lavaure, mais personne ne veut du Mesnieux.<br />
Le régisseur reconnaît que cet arrentement à 500 francs était exagéré, 350 est le maximum qu'il aurait dû<br />
demander. Bourdeix est le troisième meunier qui s'y ruine, conclut-il.<br />
Un accord est enfin trouvé et Bourdeix peut s'installer au moulin de Lavaure avec une dette fractionnée<br />
sur 6 ans, mais cruel souci pour le régisseur, que faire du moulin du Mesnieux? "Personne ne se<br />
présente, écrit-il, ceux qui se présentent ne sont pas solvables. On veut des fermiers un peu à l'aise ou<br />
possédant quelques biens pour que le propriétaire puisse se dédommager en cas d'arrérages de paiement<br />
ou de rupture de contrat".<br />
Septembre 1811 : "le meunier qui devait prendre le Mesnieux n'a pas reparu". En octobre, Boulland note<br />
qu'il a trouvé un exploitant à moitié de mouture pour un an sans contrat. Il a accepté celui-ci pour ne pas<br />
laisser le moulin au pillage en attendant un meunier solvable.<br />
Le 15 décembre suivant : "le meunier du Mesnieux ne fait rien, je crains que le moulin ne produise que<br />
200 francs cette année et il est dans un délabrement affreux".<br />
Il aimerait que le comte se débarrasse "de cet objet".<br />
149
"Il ya longtemps que j'ai fait profession de foi au sujet des moulins que je déteste en général,<br />
et que je considère, malgré tout ce que l'on en dit, comme plus à charge que profitables".<br />
Et quelques mois plus tard, au printemps 1812 : "le meunier n'a rien vaillant, mais c'est le seul qui<br />
s'est présenté dans ce moulin discrédité. Ille fait valoir à moitié mais n'a pas de pratiques et il a<br />
peine -à vivre".<br />
Autre lettre du 3-4-1812 : "j'ai tant de choses à dire au sujet des moulins que je ne sais par où<br />
commencer. Celui du Mesnieux ne tourne pas 24 heures par semaine, il ne produira pas de quoi<br />
payer les contributions. Le meunier le fait valoir à moitié, il a de la pierre à ramasser et de quoi<br />
vivre en blé d'Espagne et méture, car il ne moud pas de froment pour la raison qu'il est trop cher et<br />
rare, et par surcroît de bonheur, le bâtiment menace une ruine prochaine. Je viens d'y faire poser un<br />
rouet neuf, l'ancien tombait de vétusté. L'écluse est comble de vase et a plusieurs brèches".<br />
Le meunier ici n'est pas nommé, peut-être s'agit-il de Drigeau qui s'en va le 21-10-1814.<br />
Jean Bourdeix revient (à moins que ce ne soit un homonyme) et prend la suite le même jour pour 3<br />
ans. Il paiera 200 francs la première année et 350 les deux suivantes.<br />
Lettre de 1817 : "Le moulin du Mesnieux est dans le plus piteux état, il ne peut plus communiquer<br />
avec le Périgord où sont les pratiques, vu la destruction des ponts. Je l'ai donné à moitié de mouture<br />
pour ne pas le laisser vacant et abandonné au pillage. J'ai fais mettre des meules neuves au moulin<br />
blanc qui on coûté 200 francs. J'ignore quand le revenu aura remboursé la dépense".<br />
Lettre de 1818 : "on n'a pas travaillé l'année dernière au moulin du Mesnieux. Il est pour ainsi dire<br />
abandonné et ne rapporte rien depuis 3 ans, mais paye quand même les contributions".<br />
Le régisseur pense y mettre un autre meunier à la Saint-Michel prochaine "pour empêcher que des<br />
malveillants ne l'incendient nuitamment". Il conclut :<br />
"il faut supprimer le moulin ou le réparer. S'il est remis en état il faudra rendre praticable le chemin<br />
qui traverse la prairie, refaire les ponts et le bâtiment lui-même, murs, charpente, planchers,<br />
couverture" .<br />
Note du premier mars 1819 : "le moulin du Mesnieux est abandonné, il ne produit plus nen ou<br />
presque, faute de réparations". En 1821 : "le revenu du Mesnieux est presque nul".<br />
On n'a donc pas pu se résoudre à engager les 2.400 francs prévus pour sa restauration.<br />
De la farine au papier<br />
Combien de temps le moulin est-il resté à l'abandon? Trente ou quarante ans certainement,<br />
et nous le retrouvons en 1859 tranformé en papeterie.<br />
Vu son état en 1819, il probable qu'un nouveau local a été construit : cette maison qui existe encore<br />
avec sur le côté, sa roue en fer et fonte, encore visible dans son coursier.<br />
Sans doute manquait-il à Louis-Hector de Galard de Béarn déjà propriétaire de 3 moulins,<br />
d'une tuilerie et d'une forge, cette autre facette de l'industrie : la fabrication du papier.<br />
Il possédait un emplacement tout prêt : le moulin du Mesnieux et c'est chose faite en 1859 quand les<br />
frères Laroche, Isaac et Hélie, papetiers au Vieux-Mareuil en Périgord, signent un bail de 5 ans chez<br />
un notaire de la Rochebeaucourt, maître Labrugière.<br />
Les lieux affermés sont sommairement décrits : l'usine du Ménieux située au lieu de ce nom,<br />
commune d'Edon, nouvellement construite, consistant en un corps de bâtiment destiné à loger les<br />
machines propres à la fabrication du papier, d'une vaste pièce au-dessus pouvant servir de magasin<br />
et de deux chambres au second à l'usage des fermiers, plus des bâtiments de servitude également<br />
construits à neuf.<br />
C'était la coutume que les fermiers après la signature du bail, fassent une prise de possession<br />
officielleàmais les Laroche ne sont pas pressés, prétextant que certains travaux n'ont pas été faits<br />
suivant les règles, et que les machines sont dans l'impossibilité de remplir le but auxquelles elles<br />
sont destinées.<br />
Paul Julien, le régisseur du comte, proteste que tout a été fait avec tout le soin désirable et que le<br />
refus des frères Laroche n'est pas fondé, et il faut qu'un huissier de Lavalette vienne leur présenter<br />
une sommation pour qu'ils se décident à assister au procès-verbal de l'usine le 8 juin 1859.<br />
La lecture de ce document de 12 pages à l'écriture très fine où tout est décrit avec force<br />
détails, montre qu'il s'agissait d'une installation des plus modernes, où, comme dans les moulins à<br />
blé montés à l'anglaise, la fonte est partout et remplace le bois.<br />
150
Des preneurs vraiment tatillons<br />
A chaque présentation de tel rouage ou telle machine, les frère Laroche, dont on saisit mal<br />
les motivations, font sans cesse des "observations" ou critiques vraiment tatillonnes.<br />
Quelques exemples : la roue en fonte à système Poncelet servant de moteur et placée<br />
extérieurement, a 40 aubes en tôle attachées à la roue par des rivets et des fers d'angles ; l'arbre est<br />
en fer et supporté par deux coussinets en bronze, chaises et chapeaux en fonte ... etc.<br />
"MM. Laroche font observer que les aubes de la roue n'ont que 2 mm d'épaisseur tandis que pour<br />
résister au travail qu'elles sont appelées à faire, elles devraient en avoir au moins 5 et les fers<br />
d'angles devraient être d'une force supérieure à ce qu'ils sont".<br />
Le mouvement des 2 cylindres est en fonte et posé sur deux aiguilles en pierre ... les preneurs<br />
contestent le volume et la longueur de ces aiguilles qui manqueront de solidité.<br />
Le cuvier en bois de sapin a un diamètre de 2m75 sur un mètre de hauteur, à l'intérieur la colonne<br />
est en fonte .. .les douves sont maintenues par 3 cercles de fer feuillard, à la porte inférieure se<br />
trouve un robinet en cuivre. Les Laroche trouvent que les cercles ne sont pas assez épais, quand le<br />
bois du cuvier aura pris l'humidité ils se briseront.<br />
Les deux piles des cylindres en fonte destinées au lavage des pâtes, ont chacune un robinet<br />
en cuivre et l'eau est apportée par un tuyau en zinc qui part de la pompe hydraulique.<br />
Observations : le diamètre dudit tuyau qui devrait être en cuivre est insuffisant et il est de la plus<br />
grande évidence qu'au premier service il crèvera. Julien promet qu'un second tuyau sera ajouté.<br />
Les courroies qui donnent la marche aux cylindres sont beaucoup trop faibles, leur largeur n'est que<br />
de 8 cm 5 alors qu'elle devrait être de 13 cm, cependant une largeur de 10 cm aurait pu suffir !<br />
On ne trouve rien à redire sur la pompe à un seul piston placée verticalement et fonctionnant au<br />
moyen d'un balancier de fonte actionné par deux poulies.<br />
Le sécheur avec ses 6 rouleaux en fonte, plus un rouleau guide en bois, est complété par son<br />
fourneau à feu direct et son cendrier ; la cheminée est en tôle mince et dépasse le toit du bâtiment ;<br />
on cite deux autres presses. Toutes ces machines sont "neuves et en bon état". On mentionne encore<br />
une machine à papier appartenant aux Laroche.<br />
La visite se termine par les murs du corps principal de l'usine qui sont neufs dit-on, seul celui du<br />
côté de la cour "a éprouvé des efforts qui ont donné des fissures apparentes et un bourbement assez<br />
considérable à la partie extérieure". Des supports et étais ont été placés et cela n'a pas échappé au<br />
regard vigilant des deux frères.<br />
Julien explique que ces supports et étais n'ont été placés que par mesure de précaution "contre la<br />
lourde charge auquel l'établissement est assujetti et qu'il est relié dans les murs par des chaînes en<br />
fer qui doivent faire disparaître toute crainte". Curieux pour un immeuble neuf. Défaut de<br />
construction?<br />
Avant la clôture du procès-verbal les preneurs maintiennent leurs réserves.<br />
1 ° - Nous voyons que la roue n'a pas la force nécessaire pour conduire le mécanisme de l'usine,<br />
c'est-à-dire conduire simultanément les deux cylindres, la machine à papier et les accessoires ; nous<br />
regardons cette insuffisance de force comme une infraction aux obligations du bailleur qui est<br />
obligé de nous faire jouir de l'usine dans les conditions arrêtées par le bail. Nous réservons donc en<br />
conséquence tous nos droits contre le bailleur et nous nous abstenons dès maintenant de prendre<br />
possession d'une usine qui, sous les conditions où elle se trouve, ne peut être pour nous qu'une cause<br />
permanente de préjudice.<br />
2° - L'usine est garnie à l'intérieur d'étais qui témoignent du peu de solidité du bâtiment et jusqu'à ce<br />
jour il n'a été fait aucune expérience pour s'assurer si l'usine pouvait fonctionner.<br />
Finalement la prise de possession s'est faite, car quelques lignes dans la correspondance du<br />
régisseur, de février 1866, disent que les frères Laroche ne veulent pas donner plus de 1.300 francs<br />
de fermage et qu'il est d'avis d'accepter plutôt que de laisser l'usine en chômage. Détail intéressant :<br />
on y fabrique du papier de paille.(2E 19251 Parcelier notaire à Edon)<br />
Papeterie à louer<br />
Les Laroche n'ont pas renouvelé leur bail ou bien ils ont résilié le second, car Julien écrit un<br />
peu plus tard au comte qu'il a fait visiter à des gens du Périgord la papeterie du Mesnieux qui n'a pas<br />
été trouvée assez importante : pas assez de cylindres, la machine à papier est mauvaise, le logement<br />
pas convenable, c'est loin des grandes voies de transport, conviendrait à des ouvriers travaillant pour<br />
eux-mêmes. (J/l159)<br />
151
C'est aussi l'époque des règlements d'eaux et les installations de l'usine sont accusées de causer la<br />
submersion des prairies en amont. Grief classique à l'encontre des usines à moteur hydraulique !<br />
Deux avis du registre d'enquête de 1866.<br />
Celui de Julien : "l'usine n'est pas de création récente, il existait depuis plus d'un siècle un<br />
moulin à blé et les eaux étaient retenues à une hauteur au moins aussi élevée sinon plus, que celles<br />
de la papeterie actuelle et personne ne se plaignait car la rivière n'était pas encombrée".<br />
Celui du maire d'Edon : "depuis quelques années les prairies situées entre la Rochebeaucourt et<br />
l'usine du Mesnieux sont fréquemment inondées. Il faudrait curer la Lizonne".<br />
Le rapport des ingénieurs du service hydraulique dit que le bief du Mesnieux est artificiel<br />
sur 300 mètres, qu'il n'y a pas de déversoir et qu'il existe 2 vannes de décharge, l'une près de la<br />
vanne motrice et l'autre à 70 mètres en amont de la retenue sur la rive gauche. Il faudrait un<br />
déversoir qui maintiendrait l'eau à un niveau constant.<br />
A l'automne 1869, des travaux ayant été faits, le propriétaire est autorisé à maintenir son usine en<br />
activité, mais le déversoir reste à construire.<br />
Un état de lieux de l'usine du 6-6-1874 montre que c'est un papetier de Bordeaux, Gabriel<br />
Dhioré, qui l'a affermée 3 ans plus tôt en 1871, reçu Chauvet notaire à Edon.<br />
La description assez courte ne nous apprend rien de nouveau, sinon que le déversoir a été enfin<br />
construit avec deux empellements et une vanne de décharge. (2E 19214)<br />
Beaucoup de temps s'est écoulé. Les Galard de Béarn ne font plus partie du paysage, car le château<br />
et tout ce qui va avec, a été vendu.<br />
Une statistique du 4ème trimestre 1892 dit que la papeterie du Mesnieux emploie 3 hommes et une<br />
femme avec un salaire journalier de If 50 pour les hommes et If 25 pour la femme.(6/M/726)<br />
En 1894 c'est un certain M. Bourrut qui est garde général des domaines de la Rochebeaucourt, et<br />
dans le dossier relatif aux cours d'eau, on dit que les 300 mètres de digues du Mesnieux n'ont pas été<br />
bien entretenues. Il semble que l'usine ne fonctionne plus.Ce n'est pas clairement dit.(S/251)