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Cours 27<br />
LES CONGRES INTERNATIONAUX DE<br />
L’ARCHITECTURE MODERNE (C.I.A.M) ET TEAM X.<br />
Foura Mohamed
LA FONDATION DE l’IDEOLOGIE DU MODERNISME<br />
ARCHITECTURAL.<br />
C.I.A.M I, 1928, La déclaration de la Sarraz.<br />
On attribue l’idée et l’impulsion de fonder les C.I.A.M à une<br />
femme, Hélène Mondrot qui aspirait à devenir la patronne des<br />
arts. C’est sans doute elle qui a réussi à rassembler tous les<br />
« esprits créateurs » dans son château à la Sarraz , en suisse.<br />
Ainsi son projet romantique prendra une tournure plus résolue et<br />
déterminée après des consultations avec Siegried Giédéon et Le<br />
Corbusier.<br />
Le document préparatoire à l’attention des invités disait ceci :<br />
« Ce premier congrès est rassemblé avec comme objectif<br />
l’établissement d’un programme d’action visant à tirer<br />
l’architecture de « l’impasse académique » et de la situer dans<br />
son propre contexte social et économique. Le congrès devra<br />
déterminer les limites des études et des discussions qui doivent<br />
être entreprises dans les congrès futurs ».<br />
Bien qu’il existe une distinction entre le congrès préparatoire et les<br />
congrès à venir, les dates du 26, 27 et 28 juin 1928 à la Sarraz<br />
sont enregistrées comme C.I.A.M I, en dépit du fait que les<br />
C.I.A.M débuteront réellement qu’après la déclaration du 28 juin.<br />
Le contenu de la déclaration consistait en les meilleures<br />
intentions, aussi bien que les meilleures créations architecturales<br />
de l’époque.
LA FONDATION DE l’IDEOLOGIE DU MODERNISME<br />
ARCHITECTURAL.<br />
C.I.A.M I, 1928, La déclaration de la Sarraz.<br />
La déclaration, qui était une sorte de manifeste, définissait<br />
son attitude à l’égard de l’architecture comme suit :<br />
« La source de nos travaux d’architecture sera le présent et<br />
les intentions qui nous rassemblent sont d’atteindre une<br />
harmonie dans les éléments existants - une harmonie<br />
indispensable au présent - par remettre l’architecture dans<br />
son plan réel, le plan économique et social. Ainsi,<br />
l’architecture sera libérée de l’influence stérile des<br />
académies et des formules vieillottes » .<br />
Abordant le chapitre de l’urbanisme la position de la<br />
déclaration va se radicaliser :<br />
« L’urbanisation ne saurait être conditionnée par les<br />
revendications d’un esthétisme préexistant ; son essence<br />
est d’ordre fonctionnel, la division chaotique de la terre,<br />
résultant des ventes, des spéculations, des héritages<br />
doivent être abolis par une politique de la terre collective et<br />
méthodique. Cette redistribution de la terre, la base<br />
préliminaire indispensable à tout urbanisme, doit inclure la<br />
juste division entre les propriétaires et la communauté de<br />
la plus-value des ouvrages d’intérêt commun ».
LA FONDATION DE l’IDEOLOGIE DU MODERNISME ARCHITECTURAL.<br />
C.I.A.M I, 1928, La déclaration de la Sarraz.<br />
La concrétisation de la nouvelle architecture et du nouvel urbanisme ne<br />
pourra être assumée que par une rationalisation et une standardisation<br />
des moyens de production :<br />
« 1. La notion de l’architecture moderne comporte la liaison du<br />
phénomène architectural à celui de l’économie générale.<br />
2. La notion de « rendement » n’implique pas une production<br />
fournissant un profit commercial maximum, mais une production<br />
réclamant un effort de travail minimum.<br />
3. La nécessite du rendement le plus efficace est la conséquence<br />
inéluctable du régime appauvri de l’économie générale.<br />
4. La production la plus efficace découle de la rationalisation et de la<br />
standardisation. La rationalisation et la standardisation agissent<br />
directement sur les méthodes de travail tant dans l’architecture<br />
moderne(conception) que dans l’industrie du bâtiment(réalisation).<br />
5. La rationalisation et la standardisation réagissent de triple façon :<br />
Elles réclament de l’architecte des conceptions entraînant une<br />
simplification des méthodes de travail sur le chantier et dans l’usine.<br />
Elles signifient pour les entreprises du bâtiment la rédaction des corps<br />
de métiers ; elles conduisent à l’emploi d’une main-d’œuvre moins<br />
spécialisée, encadrée d’éléments de forte capacité technique.<br />
Elles attendent du consommateur(c’est à dire de celui qui commande la<br />
maison ou qui l’habite) une révision des exigences dans le sens d’un<br />
réajustement aux nouvelles conditions de la vie sociale. Un tel<br />
réajustement se manifestera par la production de certains besoins<br />
individuels désormais sans raisons véritables, et le bénéfice de ces<br />
réductions favorisera la satisfaction aussi large que possible des besoins<br />
actuellement comprimés du plus grand nombre ».
LA FONDATION DE l’IDEOLOGIE DU MODERNISME ARCHITECTURAL.<br />
C.I.A.M I, 1928, La déclaration de la Sarraz.<br />
De cette déclaration de la Sarraz de 1928 au<br />
dernier congrès de Dubrovnik en 1956 - où les<br />
C.I.A.M étaient déjà passés par trois phases<br />
différentes - ces recommandations vont être<br />
appliquées presque à la lettre et qui auront des<br />
conséquences chaotiques et dramatiques sur le<br />
développement de la ville et de sa banlieue en<br />
général.<br />
En effet, les C.I.A.M ont été l’instrument par<br />
excellence à travers lequel les idées de<br />
l’architecture et de l’urbanisme moderne ont été<br />
propagées à travers le monde générant un « style<br />
international.(30) Les nouvelles idées sur<br />
l’aménagement urbain ont été regroupées dans<br />
un texte célèbre appelé « La chartes d’Athènes ».<br />
Ce document a été mis au point à la suite d’un<br />
congrès international d’architecture moderne<br />
(CIAM) (1933).
C.I.A.M II 1929, L’habitat à loyer modéré.<br />
Les C.I.A.M ont commencé réellement au deuxième<br />
congrès en 1929 qui s’est tenu à Frankfurt et qui<br />
marque la première phase où les Allemands, de<br />
tendance socialiste dominaient largement. C.I.A.M.<br />
Ce congrès sera consacré au thème de « l’habitat à<br />
loyer modéré » où les débats seront largement<br />
consacrés aux questions des hauteurs maximums et<br />
d’espacements entre les blocs de logements pour une<br />
utilisation rationnelle des sols comme des matériaux.<br />
L’ironie historique de ces invectives répétées contre<br />
l’académisme sera soulignée dans la formulation sèche<br />
et formelle des objectifs dans le document des C.I.A.M<br />
II :<br />
« - Etablir le problème de l’architecture<br />
contemporaine.<br />
Rétablir l’idée de l’architecture moderne.<br />
Etendre cette idée à tous les domaines techniques,<br />
économiques et sociaux de la vie contemporaine.<br />
Etre conscient des problèmes de l’architecture ».
C.I.A.M II 1929, L’habitat à loyer modéré.<br />
Les résolutions du congrès de Frankfurt ont fait ressortir trois<br />
organes opérationnels :<br />
Le Congrès ou l’assemblée générale de tous les membres.<br />
Le comité International pour la Résolution des Problèmes<br />
de l’Architecture Contemporaine, ou le C.I.R.P.A.C.<br />
Les groupes de travail nationaux pour l’application à des<br />
sujets spécifiques en collaboration avec des spécialistes en<br />
dehors de l’architecture.<br />
Bien que les C.I.A.M critiquaient l’académisme, « le goût »<br />
académique a été introduit dans l’architecture moderne, sans<br />
aucun doute, par les « religieux de l’académisme » tel que<br />
Giédéon, plutôt que par les architectes praticiens.<br />
Le congrès de Frankfurt, où a assisté aussi Alvar Aalto, a été<br />
organisé par Ernst May, à l’époque architecte officiel de cette<br />
même ville et aussi le plus grand expert du logement aux<br />
revenus faibles.<br />
Les résultats de ce congrès ont été consignés dans un rapport<br />
sous le titre de « problèmes des standards d’habitations<br />
minimums ».
C.I.A.M III, 1930, Méthodes rationnelles pour la construction de<br />
groupement d’habitation.<br />
Grâce aux bons offices du Belge Victor Bourgeois, le<br />
troisième Congrès n’avait pas pu se tenir à Bruxelles<br />
en 1930 dont le thème était « Méthodes rationnelles<br />
pour la construction de groupements d’habitation »<br />
étant donné qu’à l’époque, la question la plus cruciale<br />
était soit de rester dans la tradition de la maison<br />
individuelle, soit de construire des bâtiments en<br />
rangées espacés comme le proposait Gropius, soit<br />
opter pour les tours résidentiels à étages multiples<br />
comme dans la « ville contemporaine » de Le<br />
Corbusier.<br />
Les membres du congrès discuteront sur les<br />
problèmes fondamentaux liés à l’application de<br />
l’occupation des sols concernant l’habitat.<br />
Toujours sous l’influence des allemands, le congrès<br />
proposera deux rapports de synthèse, réalistes et<br />
dogmatiques en même temps, et s’inspirant de la<br />
démarche de certaines études d’urbanisme<br />
développées au Bauhaus.
La « grille » C.I.A.M.<br />
Les trois prochains congrès vont voir des<br />
changements fondamentaux. Déjà en 1930, il<br />
devenait apparent que les C.I.A.M n’étaient pas<br />
vraiment préparés, ni intellectuellement, ni du<br />
point de vue de l’organisation pour faire face au<br />
problème auquel la logique des discussions avait<br />
conduit, c’est à dire l’urbanisme.<br />
Pour remédier à cette situation, les C.I.A.M vont<br />
commencer à travailler sur « la standardisation<br />
des techniques graphiques, les échelles et les<br />
techniques de représentation graphiques » ,<br />
utilisées par ses membres, bien que cela n’ait été<br />
réalisé qu’après l’adoption de la « Grille-C.I.A.M »<br />
après 1949.<br />
La tâche d’étudier « l’évolution d’un langage<br />
symbolique effectif pour l’urbanisme » a été<br />
confiée au groupe de travail sous la direction du<br />
hollandais Cor van Easteren.
La « grille » C.I.A.M.<br />
<br />
Ces efforts laborieux entrepris dans un climat de<br />
tensions politiques et une stabilité qui se dégradait de<br />
plus en plus an niveau international, les C.I.R.P.A.C se<br />
réuniront trois fois, à Berlin en 1931, à Barcelone en<br />
1932, et à Paris en 1933, avant qu’il n’ait été décidé<br />
que le travail était suffisamment avancé pour tenir un<br />
autre grand Congrès. Ce retard de presque trois<br />
années sera crucial pour tout le mouvement.<br />
Les C.I.A.M vont entreprendre un subtil mais<br />
irrévocable changement et prendront désormais le<br />
caractère qu’ils préserveront jusqu’à leurs<br />
effondrements dans les années 1950.<br />
Ce changement est dû certainement à l’influence de Le<br />
Corbusier qui orientera les préoccupations des C.I.A.M<br />
vers l’urbanisme, ce qui marque la deuxième étape des<br />
congrès.
C.I.A.M IV, 1933. La ville fonctionnelle ou La « Charte d’Athènes ».<br />
L’urbanisme moderne : Le concept de la ville radieuse chez Le<br />
Corbusier ou le rejet de la rue et de la place.<br />
Ce nouveau congrès, C.I.A.M IV, va avoir pour thème cette fois, « la<br />
Ville fonctionnelle » , qui se déroulera en Juillet et Août 1933 sur un<br />
paquebot, le « Patris », pendant une croisière entre Marseille et<br />
Athènes.<br />
C’était l’un des premiers congrès « romantique » et aussi celui où<br />
avaient dominé les idées sur l’urbanisme de Le Corbusier et le<br />
groupe français plutôt que les durs et réalistes allemands.<br />
Cette traversée de la mer Méditerranée a été aussi une occasion<br />
pour oublier la situation politique qui se dégradait de plus en plus<br />
en Europe.<br />
Ce court sursis de la réalité contribuera à l’élaboration du<br />
document le plus « olympien, rhétorique et destructeur » que les<br />
C.I.A.M n’ont jamais produit : « LA CHARTE D’ATHENES ».<br />
Les 101 propositions que comporte la Charte d’Athènes consistent<br />
en des résolutions concernant les conditions des villes existantes,<br />
suite à une étude comparative de 34 villes européennes, et<br />
d’autres sur le redressement des ces conditions, groupées sous<br />
quatre priorités : Le logement, la récréation, le travail le transport,<br />
en plus d’une cinquième recommandation concernant la<br />
conservation des bâtiments historiques.
C.I.A.M IV, 1933. La ville fonctionnelle ou La « Charte d’Athènes ».<br />
L’urbanisme moderne : Le concept de la ville radieuse chez Le<br />
Corbusier ou le rejet de la rue et de la place.<br />
Dix années plus tard, Le Corbusier<br />
publiera « La Charte d’Athènes » (1943)<br />
sous forme d’ouvrage dont les grands<br />
principes étaient :<br />
« Le soleil, la verdure et l’espace sont les<br />
trois matériaux de l’urbanisme »... Les clefs<br />
de l’urbanisme sont les quatre fonctions :<br />
habiter, travailler, se récréer, circuler »...<br />
Les plans détermineront la structure de<br />
chacun des secteurs attribués aux quatre<br />
fonctions-clefs et ils fixeront leurs<br />
emplacements respectifs dans l’ensemble.<br />
Les fonctions-clefs auront chacune leur<br />
autonomie ».
C.I.A.M IV, 1933. La ville fonctionnelle ou La « Charte d’Athènes ».<br />
L’urbanisme moderne : Le concept de la ville radieuse chez Le<br />
Corbusier ou le rejet de la rue et de la place.<br />
Le Corbusier définit la notion « Habiter »<br />
comme « le noyau initial de l’urbanisme,<br />
une cellule d’habitation (un logis) et son<br />
insertion dans un groupe forme une Unité<br />
d’Habitation de Grandeur Efficace ... La<br />
maison ne sera plus soudée à la rue par<br />
son trottoir... L’alignement des habitations<br />
au long des voies de communication doit<br />
être interdit. Les constructions hautes<br />
implantées à grande distance les unes des<br />
autres doivent libérer le sol en faveur de<br />
larges espaces... Introduire le soleil est le<br />
nouveau et le plus impératif devoir de<br />
l’architecture ».
C.I.A.M IV, 1933. La ville fonctionnelle ou La « Charte d’Athènes ».<br />
L’urbanisme moderne : Le concept de la ville radieuse chez Le<br />
Corbusier ou le rejet de la rue et de la place.<br />
La fonction « Travailler » stipule que<br />
« les industries doivent être<br />
transplantées sur les lieux de<br />
passage des matières premières, au<br />
long des grandes routes d’eau, de<br />
terre et de fer... Les cités<br />
industrielles, au lieu d’être<br />
concentriques, deviendront<br />
linéaires... Les distances entre les<br />
lieux d’habitation doivent être<br />
réduites au minimum ».
C.I.A.M IV, 1933. La ville fonctionnelle ou La « Charte d’Athènes ».<br />
L’urbanisme moderne : Le concept de la ville radieuse chez Le<br />
Corbusier ou le rejet de la rue et de la place.<br />
La Charte d’Athènes donne aussi beaucoup<br />
d’attention aux « Loisirs et à la Récréation »<br />
et recommande que « Tout quartier<br />
d’habitation devra comporter désormais les<br />
surfaces vertes nécessaires à<br />
l’aménagement naturel des jeux et sports<br />
des enfants, des adolescents et des<br />
adultes... Les nouvelles surfaces vertes<br />
doivent servir à des buts nettement<br />
définis : contenir les jardins d’enfants, les<br />
écoles, les centres de jeunesse et tous les<br />
bâtiments d’usage communautaire<br />
rattachés intimement à l’habitation ».
C.I.A.M IV, 1933. La ville fonctionnelle ou La « Charte d’Athènes ».<br />
L’urbanisme moderne : Le concept de la ville radieuse chez Le<br />
Corbusier ou le rejet de la rue et de la place.<br />
La « Circulation » fait aussi l’objet de<br />
recommandations : « La vitesse du<br />
piéton, 4 km à l’heure et les vitesses<br />
mécaniques, 50 à 100 km à l’heure<br />
doivent être séparées... Il faudra<br />
clairement différencier les moyens de<br />
circulation et établir, pour chacun<br />
d’eux, un lit approprié à la nature<br />
même des véhicules utilisés ».
C.I.A.M IV, 1933. La ville fonctionnelle ou La « Charte d’Athènes ».<br />
L’urbanisme moderne : Le concept de la ville radieuse chez Le<br />
Corbusier ou le rejet de la rue et de la place.<br />
<br />
La Charte d’Athènes, qui n’était que la simple expression<br />
d’une préférence esthétique indiscutablement acceptable à<br />
cette époque, va fermer incidemment toutes les portes à la<br />
recherche d’autres formes d’habitat comme nous l’avons déjà<br />
souligné dans le chapitre précédent pendant plusieurs<br />
décennies.<br />
Dans la mouvance de la Charte d’Athènes, les architectes vont<br />
dénoncer la rue comme un espace invivable et archaïque. La<br />
projétation se « réglera » sur ces doctrines ; les règles<br />
urbaines, constructives, économiques, fonctionnelles en<br />
conforteront la rationalité. Les « modernités », au moment où<br />
elles sont vécues, passent pour des lois éternelles qu’un<br />
récent passé honni avait un moment bafouées.<br />
En 1923, Le Corbusier affirmait qu’ « Il est temps de répudier<br />
le tracé actuel de nos villes par lequel s’accumulent les<br />
immeubles tassés, s’enlacent les rues étroites pleines de<br />
bruit, de puanteur de benzine et de poussières, et où les<br />
étages ouvrent à pleins poumons leurs fenêtres sur ces<br />
saletés… ».