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LES TROIS CHEVEUX D'OR DU DIABLE, Grimm L ...

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solution des énigmes. Dans la mythologie, le sexe du Sphinx était ambigu, il possédait certains attributs<br />

femelles, mais parce qu'il possédait un corps de lion et des ailes d'aigle, sa masculinité ne pouvait être<br />

mise en doute : sans doute représentait-il la Mère dans sa composante sado-anale dont les entrailles<br />

possèdent l'attribut phallique paternel. La solution de l'énigme, qui plonge le Sphinx dans l'abîme, est en<br />

fait l'appropriation de ce pouvoir phallique.<br />

Dans notre conte, l'ambivalence du Sphinx, détenteur du savoir et de la puissance et force destructrice,<br />

se traduit par la coexistence de l'hôtesse et du diable.<br />

Personnage masculin, dévorateur et agressif, le diable est ici la figure infernale du père : c'est moins le<br />

surmoi castrateur par les sentiments de culpabilité qu'il entraîne que les pulsions dévoratrices et<br />

dominatrices du roi soucieux de s'approprier pour lui seul la princesse et cherchant à détruire l'enfant.<br />

C'est le ça en tant qu'il est destructeur. Mais cette puissance ténébreuse recèle en elle les potentialités<br />

de la libération : la solution des énigmes et les trois cheveux d'or.<br />

d) la capture des cheveux d'or.<br />

La chevelure fut fréquemment considérée comme le siège de la puissance psychique, de la force et de<br />

la volonté. On connaît le destin de Samson privé de sa chevelure par Dalila. En constatant les<br />

similitudes du conte et du mythe de Jason, on pourrait assimiler les trois cheveux du diable à la Toison<br />

d'or. On peut dire que la capture des trois cheveux est une appropriation de la puissance diabolique, une<br />

castration du père-destructeur, une annihilation du danger qu'il représente autant que la conquête du<br />

pouvoir royal. L'enfant devient alors véritablement un héros, dans la mesure où cette appropriation<br />

s'accompagne de la sagesse.<br />

L'enfant aurait pu tenter - en vain en l'occurrence - de vaincre de démon comme un vulgaire monstre :<br />

en le combattant de front. Il n'en fut rien ici. Il dut s'en remettre aux bons soins de l'hôtesse qui usa de<br />

ruse pour dépouiller le diable de sa puissance. La ruse est quasi omniprésente dans le conte : le roi<br />

ment et formule des promesses fallacieuses, le capitaine des voleurs procède - avec les meilleures<br />

intentions - à une substitution à l'insu de l'enfant, l'hôtesse du diable présente les énigmes comme un<br />

rêve et notre héros lui-même envoie par ruse le roi aux marges de l'enfer. Est-ce dire que le conte<br />

préconise l'amoralisme machiavélique ?<br />

Je pense plutôt qu'il exprime une réalité psychologique profonde : sans les ruses de l'inconscient qui,<br />

par la sublimation, la symbolisation (le rêve), l'introjection, neutralise le caractère destructeur des<br />

pulsions instinctives et la puissance castratrice du surmoi, le conflit entre le ça et le surmoi serait telle<br />

que nulle construction positive du moi serait possible. Le moi n'accède pas à la maturité sans une<br />

intégration harmonieuse - procédant au besoin à la manière de l'aïki-do-ka - de l'instinct et de la morale,<br />

de la raison et de l'intuition, de la masculinité et de la féminité, de l'activité et de la passivité.<br />

Si la ruse du roi est destructrice, celle exercée par les voleurs a une conséquence positive, elle n'en<br />

reste pas moins une ruse qui exige une résolution sous peine d'empêcher à terme la maturation de<br />

l'enfant. La descente aux enfers répond à cette exigence de lucidité qui met à jour les raisons profondes<br />

du mal dont le royaume (le moi) est atteint. Ces raisons sont révélées par la solution des énigmes.<br />

e) la solution des énigmes.<br />

La fontaine de vin est tarie en raison de la présence du crapaud. La première énigme se place sous la<br />

symbolique de l'eau. Nous avons déjà évoqué la fontaine comme source de vie et le vin comme eau de<br />

vie, breuvage d'immortalité. Le crapaud - animal aquatique - est - dans l'iconographie et la symbolique<br />

médiévale - un symbole du mal et plus particulièrement une représentation de la luxure. La présence du<br />

crapaud fait sans doute allusion à une sexualité orientée vers la satisfaction primaire de l'instinct, hors<br />

de toute perspective altruiste : don de soi et procréation. Un tel amour ne peut être que stérile et<br />

débouche vers le tarissement de l'affectivité.<br />

L'arbre aux pommes d'or perd jusqu'à ses feuilles en raison des souris qui rongent ses racines. On peut<br />

dire que la deuxième énigme est lieé aux archétypes telluriques : la souris vit dans la terre ou au ras du<br />

sol, elle ronge les racines qui pénètrent dans la terre ; l'arbre lui-même joint la terre au ciel ; les pommes<br />

(symbole sexuel aussi) sont fruits de la terre. D'autre part la voracité rongeuse des souris ruine<br />

considérablement l'économie rurale : elle mine le travail collectif des hommes. On peut penser que la<br />

présence des souris à la racine de l'arbre fait allusion à la rapacité d'une humanité soucieuse de profits<br />

non médiatisés par la raison, la patience et le respect des cycles naturels. Une telle rapacité conduit à la<br />

ruine économique, à l'altération des rapports humains et à la transformation de la cité juste et ordonnée<br />

en une horde de voleurs. Poussant un peu plus loin l'interprétation on pourrait voir dans la souris une<br />

figure altérée du phallus en tant qu'elle pénètre la terre en la trouant.<br />

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