Rites et Croyance dans la Chine Ancienne - La Guilde des Songes
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<strong>Rites</strong> <strong>et</strong> <strong>Croyance</strong>s<br />
<strong>dans</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> <strong>Ancienne</strong><br />
Le Confucianisme : ordre <strong>et</strong> vertu.<br />
<strong>La</strong> Voie du Tao.<br />
<strong>La</strong> Voie du Bouddha.<br />
L'harmonie du Ciel <strong>et</strong> de <strong>la</strong> Terre.<br />
Le Royaume <strong>des</strong> spectres <strong>et</strong> <strong>des</strong> esprits.<br />
Guérisseurs <strong>et</strong> médecins.<br />
1
Le Confucianisme : ordre <strong>et</strong> vertu.<br />
<strong>La</strong> règle de vie exposée par Confucius, transcription <strong>la</strong>tine de Kong Fuzi ou Kongzi (551-479 avant JC) repose sur le respect <strong>des</strong><br />
rites, <strong>la</strong> piété filiale (<strong>la</strong> vénération <strong>des</strong> ancêtres) <strong>et</strong> l'éducation. Le confucianisme a imprégné l'administration, l'enseignement <strong>et</strong> les mœurs.<br />
Confucius <strong>et</strong> ses disciples.<br />
Le confucianisme a été fondé par Kong Qiu, plus connu sous le nom de Kongzi. Il est né sous les Zhou orientaux à Qufu, <strong>dans</strong> le<br />
royaume de Lu (province du Shandong). Troublé par les désordres sociaux <strong>et</strong> politiques, il a voyagé <strong>dans</strong> l'espoir de convaincre les<br />
dirigeants de divers États de suivre ses préceptes afin de restaurer <strong>la</strong> paix <strong>et</strong> l'harmonie sociale. Après 13 ans d'efforts inutiles, il est<br />
r<strong>et</strong>ourné <strong>dans</strong> le royaume de Lu pour se consacrer à l'enseignement. Ce ne fut que plusieurs siècles plus tard que les empereurs Han se<br />
décidèrent à adopter ses théories pour gouverner. Sa pensée présente <strong>des</strong> aspects à <strong>la</strong> fois innovateurs <strong>et</strong> conservateurs. Il recherchait <strong>dans</strong><br />
les temps anciens les exemples de pratiques propres à instaurer l'harmonie sociale <strong>et</strong> le bon gouvernement. Les textes du passé lui<br />
révé<strong>la</strong>ient un code d'éthique <strong>et</strong> de bonnes mœurs m<strong>et</strong>tant l'accent sur <strong>la</strong> complexité <strong>des</strong> re<strong>la</strong>tions humaines <strong>et</strong> sur <strong>la</strong> vertu qui consiste à<br />
s'engager personnellement, par ses œuvres, au service du bien commun.<br />
Au cœur <strong>des</strong> enseignements de Confucius se trouve un sens profond du ren (humanité) qui incite à agir tout en restant sensible<br />
aux nuances <strong>des</strong> re<strong>la</strong>tions entre les personnes. Pour lui, <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion fondamentale est celle qui unit les parents aux enfants. Les enfants ont<br />
un devoir de piété filiale, c'est-à-dire d'obéissance <strong>et</strong> de service envers les parents. En r<strong>et</strong>our, les parents doivent à leurs enfants <strong>des</strong> soins<br />
aimants <strong>et</strong> attentifs. <strong>La</strong> dynamique de c<strong>et</strong>te re<strong>la</strong>tion primordiale trouve un écho <strong>dans</strong> d'autres rapports (mari <strong>et</strong> femme, souverain <strong>et</strong><br />
ministre...). Il prônait aussi les vertus de bienveil<strong>la</strong>nce, de loyauté, de droiture <strong>et</strong> de sincérité. Pour se comporter de façon correcte <strong>et</strong><br />
humaine, on devait étudier <strong>et</strong> pratiquer les Li : les rites <strong>et</strong> l'étiqu<strong>et</strong>te. Il pensait que les Li avaient une telle puissance qu'en les pratiquant<br />
sincèrement on atteignait à une transformation de soi-même, <strong>la</strong>quelle a son tour, <strong>et</strong> de proche en proche, se répercutait sur le cosmos.<br />
Les idées de Confucius ont été développées par Mengzi (372-289 avant JC) <strong>et</strong> Xunzi (310-215 avant JC). Mengzi a proc<strong>la</strong>mé<br />
l'impératif du gouvernement vertueux <strong>et</strong> affirmé <strong>la</strong> bonté naturelle de l'être humain. Son assertion selon <strong>la</strong>quelle le roi ne régnait que par<br />
mandat du Ciel a eu <strong>des</strong> implications révolutionnaires : si le souverain n'apportait pas de bienfaits au peuple, celui-ci avait le droit de le<br />
renverser. Les empereurs chinois en étaient bien conscients. Xunzi, le 3 ème <strong>des</strong> grands c<strong>la</strong>ssiques du confucianisme, a été moins accepté<br />
par <strong>la</strong> société chinoise. Contre Mencius, Xunzi affirmait que <strong>la</strong> nature humaine est foncièrement mauvaise. Il adm<strong>et</strong>tait <strong>la</strong> nécessité <strong>des</strong><br />
rites <strong>et</strong> de l'étiqu<strong>et</strong>te, ainsi que de lois <strong>et</strong> de peines c<strong>la</strong>irement définies, pour que l'on dispose de repères <strong>et</strong> d'encouragements <strong>dans</strong> <strong>la</strong><br />
recherche du bon comportement. Ces idées furent reprises par l'école légaliste que mit sur pied le Premier Empereur, Qin Shihuangdi. En<br />
213 avant JC, celui-ci prit <strong>des</strong> mesures draconiennes contre le confucianisme, qu'il croyait dangereux pour son régime autoritaire.<br />
Les figures exemp<strong>la</strong>ires.<br />
Confucius proposait comme modèles de comportement <strong>et</strong> de<br />
gouvernement les dynasties Xia, Shang <strong>et</strong> Zhou, ainsi que <strong>des</strong> figures divines ou<br />
héroïques censés avoir apporté à l'humanité <strong>des</strong> techniques, les arts <strong>et</strong> le bon<br />
gouvernement. Parmi ces héros, il y a les Trois Augustes, pères de <strong>la</strong> civilisation<br />
<strong>et</strong> de <strong>la</strong> patrie chinoise, puis les Cinq Empereurs, sous lesquels l'homme vécu<br />
l'âge d'or du bon gouvernement.<br />
Le quatrième d'entre eux, Yao, jugea qu'aucun de ses dix fils n'était<br />
digne de régner <strong>et</strong> il choisit comme successeur Shun, un pauvre paysan d'une<br />
piété filiale exemp<strong>la</strong>ire (Le père de Shun <strong>et</strong> son frère avaient essayé par trois fois<br />
de le tuer mais Shun était resté un fils obéissant <strong>et</strong> aimant, ainsi qu'un frère<br />
clément). Yao prit Shun à son service, lui donna 2 de ses filles en mariage <strong>et</strong> ses<br />
fils comme domestiques. Shun devint ministre, régent, puis roi à <strong>la</strong> mort de Yao.<br />
Pour Confucius, le souverain exemp<strong>la</strong>ire était celui qui s'efforçait de<br />
maîtriser les inondations. Ici, l'idéal est représenté par Yu, successeur de Shun :<br />
il s'est à tel point consacré à <strong>la</strong> construction de digues <strong>dans</strong> son royaume <strong>et</strong> à leur<br />
supervision qu'il n'a pas mis le pied <strong>dans</strong> son pa<strong>la</strong>is pendant dix ans.<br />
Confucius admirait les rois fondateurs de <strong>la</strong> dynastie Zhou, <strong>et</strong> le duc de<br />
Zhou, frère du roi Wu, qui implora ses ancêtres de lui prendre <strong>la</strong> vie, plutôt que<br />
celle de son frère, lorsqu'il tomba ma<strong>la</strong>de. Le texte de ses invocations <strong>et</strong><br />
divinations était enfermé, sous scellés, <strong>dans</strong> une boîte de métal. Wu mourut <strong>et</strong> le<br />
duc servît de conseiller au jeune fils de Wu. Accusé de complot, le contenu de <strong>la</strong><br />
boîte prouva sa bonne foi. Le duc de Zhou instaura également les rites <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />
musique rituelle qui exprimaient par excellence, selon Confucius, <strong>la</strong> vertu <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />
culture <strong>des</strong> fondateurs de <strong>la</strong> dynastie Zhou.<br />
2<br />
Les trois Augustes.<br />
D'après <strong>la</strong> tradition historiographique chinoise, les<br />
premiers souverains furent les Trois Augustes.<br />
Fuxi, le Dompteur de taureaux, aurait régné à partir<br />
de 2852 avant JC. Il aurait domestiqué <strong>des</strong> animaux <strong>et</strong> donné au<br />
peuple <strong>des</strong> fil<strong>et</strong>s de chasse <strong>et</strong> de pêche, <strong>la</strong> musique <strong>et</strong> ses<br />
instruments, <strong>la</strong> divination par les huit trigrammes <strong>et</strong> <strong>des</strong><br />
métho<strong>des</strong> de calcul du temps <strong>et</strong> de <strong>la</strong> distance.<br />
C<strong>et</strong>te tradition fait commencer le règne de<br />
Shennong, le Divin <strong>La</strong>boureur, en 2737 avant JC. Il aurait<br />
inventé l'araire <strong>et</strong> <strong>la</strong> houe, <strong>et</strong> créé les premiers marchés.<br />
Shennong se serait efforcé de comprendre l'usage <strong>des</strong> p<strong>la</strong>ntes,<br />
dont il aurait encouragé <strong>la</strong> culture en les goûtant toutes pour en<br />
déterminer <strong>la</strong> toxicité : on dit que, <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te quête, il<br />
s'empoisonna 70 fois en un seul jour.<br />
Certains auteurs chinois font commencer l'histoire<br />
de <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> en tant que nation en 2697 avant JC, l'année où<br />
Huangdi, 1'Empereur jaune, serait monté sur le trône. On lui<br />
devrait <strong>la</strong> première guerre <strong>et</strong> <strong>la</strong> victoire sur les barbares qui<br />
établit <strong>la</strong> patrie chinoise <strong>dans</strong> le bassin du fleuve Jaune; il aurait<br />
aussi inventé <strong>la</strong> maison de bois, le tissu de soie, <strong>la</strong> barque, le<br />
chariot, <strong>la</strong> céramique <strong>et</strong> l'écriture, ainsi que le culte sacrificiel<br />
d'État <strong>et</strong> le cycle de soixante ans. Le Huangdi Neijing, célèbre<br />
traité médical, lui est également attribué.
Le canon confucéen.<br />
Les Cinq C<strong>la</strong>ssiques <strong>et</strong> les Quatre Recueils rédigé ou compilé par<br />
Confucius constituent le noyau du canon confucéen (on pense aujourd'hui que<br />
ces textes ont été composés au cours <strong>des</strong> siècles, jusqu'à l'époque Han).<br />
Les Cinq C<strong>la</strong>ssiques sont <strong>des</strong> textes que Confucius avait coutume<br />
d'enseigner tandis que les Quatre Recueil réunis en un ensemble par le néoconfucianiste<br />
Zhu Xi (1130-1200), résument les enseignements confucéens. Ces<br />
textes fondent donc une morale dont le but est de perm<strong>et</strong>tre de vivre<br />
correctement <strong>et</strong> de gouverner avec éthique.<br />
Ils concernent <strong>la</strong> divination <strong>et</strong> <strong>la</strong> métaphysique, <strong>des</strong> anecdotes <strong>et</strong> <strong>des</strong><br />
documents historiques, l'étiqu<strong>et</strong>te <strong>et</strong> le rituel, ainsi qu'un récit d'événements<br />
survenus <strong>dans</strong> l'État natal de Confucius, le royaume de Lu, sous <strong>la</strong> dynastie <strong>des</strong><br />
Zhou postérieurs. Tout aspirant l<strong>et</strong>tré qui désirait devenir fonctionnaire impérial<br />
se devait de les apprendre par cœur.<br />
Après <strong>la</strong> <strong>des</strong>truction <strong>des</strong> écrits confucéens sous les Qin, les l<strong>et</strong>trés Han<br />
ont déployé beaucoup d'énergie pour restaurer le canon, usant de textes mis à<br />
l'abri <strong>et</strong> en reconstituant d'autres de mémoire. Une académie impériale fut<br />
fondée, comprenant <strong>des</strong> c<strong>la</strong>sses consacrées à l'étude de chacun <strong>des</strong> cinq<br />
c<strong>la</strong>ssiques. Ces textes <strong>et</strong> d'autres ouvrages du canon furent gravés <strong>dans</strong> <strong>la</strong> pierre à<br />
plusieurs reprises pendant l'époque impériale (<strong>la</strong> 1 ère de ces entreprises<br />
commença en 175, <strong>la</strong> plus récente en 1803).<br />
Ecoles <strong>et</strong> académies.<br />
3<br />
Les Cinq C<strong>la</strong>ssiques <strong>et</strong> les Quatre Recueils<br />
• Le Livre <strong>des</strong> mutations (ou <strong>des</strong> transformations, Yijing)<br />
décrit <strong>la</strong> structure métaphysique de l'univers <strong>et</strong> les re<strong>la</strong>tions<br />
entre les hommes <strong>et</strong> le cosmos.<br />
• Le Livre de l'histoire (ou <strong>des</strong> documents, Shujing) donne <strong>des</strong><br />
modèles de gouvernement inspirés d'un âge d'or.<br />
• Le Livre <strong>des</strong> o<strong>des</strong> (Shijing) qui offre un moyen de<br />
comprendre les cœurs<br />
• Le Livre <strong>des</strong> rites (Liji) qui est un guide de bonne conduite<br />
• Les Annales du printemps <strong>et</strong> de l'automne (Chunqiu) qui<br />
communiquent avec subtilité les opinions personnelles de<br />
Confucius sur l'art de gouverner avec bienveil<strong>la</strong>nce.<br />
• Un sixième c<strong>la</strong>ssique en rapport avec Confucius, le Livre de<br />
<strong>la</strong> musique, a été perdu sous les Han.<br />
• Les Entr<strong>et</strong>iens ou Analectes (Lunyu), collection d'adages <strong>et</strong><br />
de colloques de Confucius rapportés par ses disciples.<br />
• Le Mencius (Mengzi), recueil <strong>des</strong> œuvres du philosophe de<br />
ce nom, premier continuateur de Confucius.<br />
• <strong>La</strong> Grande Étude (Daxue) expose que le premier pas, pour<br />
faire régner l'ordre <strong>dans</strong> <strong>la</strong> société, est de se cultiver soimême;<br />
il affirme ainsi l'idéal confucéen du souverain de haute<br />
culture morale.<br />
• <strong>La</strong> Doctrine du juste milieu (Zhongyong a pour thème de<br />
l'interpénétration du cosmos <strong>et</strong> de <strong>la</strong> moralité humaine, c'està-dire<br />
l'idée que les hommes <strong>et</strong> <strong>la</strong> nature forment une unité<br />
grâce à <strong>la</strong> sincérité <strong>et</strong> à l'effort.<br />
Le confucianisme apparaissait comme le préa<strong>la</strong>ble à toute ascension sociale <strong>et</strong><br />
à toute formation morale. Deux objectifs qui justifiaient l'existence d'une quantité<br />
d'institutions d'enseignement, publiques ou privées, al<strong>la</strong>nt <strong>des</strong> précepteurs <strong>et</strong> <strong>des</strong> écoles<br />
de vil<strong>la</strong>ge aux universités <strong>et</strong> aux académies. L'état, les familles riches <strong>et</strong> même certains<br />
monastères bouddhiques fondèrent <strong>des</strong> écoles. Le soutien de l'État incluait <strong>la</strong><br />
distribution de livres, <strong>la</strong> donation de terres défiscalisées aux écoles <strong>et</strong> l'exemption<br />
d'impôt <strong>et</strong> de corvée accordée aux étudiants. En accord avec l'idéal confucéen selon<br />
lequel le talent <strong>et</strong> l'effort méritent plus d'égards que <strong>la</strong> condition sociale, <strong>la</strong> plupart <strong>des</strong><br />
dynasties ont ouvert les étu<strong>des</strong> aux suj<strong>et</strong>s les plus doués, sans souci de leur milieu<br />
d'origine ni de leurs moyens financiers.<br />
Les directeurs d'école étaient <strong>des</strong> l<strong>et</strong>trés qui avaient échoués aux examens<br />
publics ou qui n'avaient pas obtenu du gouvernement <strong>la</strong> nomination à <strong>la</strong>quelle ils<br />
avaient droit. On exigeait qu'ils enseignent aussi <strong>des</strong> questions d'étiqu<strong>et</strong>te <strong>et</strong> de<br />
protocole, tout en faisant régner une discipline de fer. Dès l'âge de quatre ans, les<br />
enfants commençaient à décalquer puis à tracer <strong>des</strong> caractères simples. Vers huit ans,<br />
ils commençaient à étudier <strong>des</strong> livres qui leur proposaient les éléments de <strong>la</strong> doctrine<br />
confucéenne sous forme de comptines. Les élèves devaient d'abord en répéter <strong>des</strong><br />
passages à <strong>la</strong> suite du maître, puis les réciter jusqu'à ce qu'ils les connaissent par cœur.<br />
De c<strong>et</strong>te manière, ils apprenaient de vingt à plusieurs centaines de caractères par jour.<br />
Ils récitaient leurs textes en tournant le dos à l'instituteur. Vers quinze ans, on passait<br />
aux étu<strong>des</strong> moyennes, qui consistaient à apprendre <strong>des</strong> textes du canon confucéen <strong>et</strong> à<br />
s'exercer à <strong>la</strong> dissertation. Les progrès techniques jouèrent un grand rôle <strong>dans</strong><br />
l'accessibilité <strong>des</strong> étu<strong>des</strong>. Sous les Han, les écoles profitèrent de l'invention du papier <strong>et</strong><br />
les débuts de l'imprimerie, sous les Song, rendirent les livres si bon marché que les<br />
familles purent se constituer une bibliothèque.<br />
Les académies étaient <strong>des</strong> établissements supérieurs où les l<strong>et</strong>trés <strong>et</strong> leurs disciples discutaient <strong>et</strong> débattaient de <strong>la</strong> pensée<br />
confucéenne. Ils rassemb<strong>la</strong>ient, conservaient (à partir <strong>des</strong> Song) <strong>et</strong> publiaient aussi <strong>des</strong> textes. Les maîtres pouvaient se voir assigner une<br />
chambre <strong>et</strong> une rémunération, <strong>et</strong> beaucoup d'académies logeaient les étudiants. Des hauts fonctionnaires, de riches marchands <strong>et</strong> souvent<br />
l'État lui-même procuraient <strong>des</strong> fonds à ces institutions. <strong>La</strong> plus élitaire <strong>et</strong> <strong>la</strong> plus influente, celle de Hanlin, fut fondée <strong>dans</strong> <strong>la</strong> capitale au<br />
VIII siècle pour former <strong>des</strong> l<strong>et</strong>trés <strong>et</strong> <strong>des</strong> archivistes de cour; elle se maintint tout au long de l'ère impériale. À partir de <strong>la</strong> dynastie Ming,<br />
elle n'accepta plus que les meilleurs. De ce temps à <strong>la</strong> fin de l'empire, <strong>des</strong> académiciens de Hanlin ont été conseillers de l'empereur,<br />
secrétaires privés ou fonctionnaires de premier rang, <strong>et</strong> on les a traités en héros nationaux.
Un univers de rites.<br />
Les confucianistes voyaient <strong>dans</strong> les rites <strong>et</strong> <strong>la</strong> musique les meilleurs<br />
moyens d'apaiser le peuple sans recourir à <strong>la</strong> force <strong>et</strong> à <strong>la</strong> rigueur de <strong>la</strong> loi. Les<br />
sacrifices impériaux au Ciel <strong>et</strong> à <strong>la</strong> Terre assuraient au pays <strong>la</strong> paix <strong>et</strong> <strong>la</strong> fertilité.<br />
L'empereur sacrifiait aussi à <strong>des</strong> puissances mineures, tels le Soleil, <strong>la</strong> Lune, les<br />
montagnes, les fleuves <strong>et</strong> les forces naturelles. Les ancêtres impériaux, auxquels<br />
l'empereur sacrifiait en application de son devoir de piété filiale, étaient capables de<br />
répandre leurs bénédictions non seulement sur le monarque mais sur tout son<br />
royaume. L'empereur faisait aussi <strong>des</strong> offran<strong>des</strong> aux esprits de tous les souverains<br />
légitimes du passé, ainsi qu'à d'autres gran<strong>des</strong> figures, humaines ou divines.<br />
Le culte officiel comprenait <strong>des</strong> sacrifices aux esprits protecteurs de <strong>la</strong><br />
ville, du district, de <strong>la</strong> préfecture <strong>et</strong> de <strong>la</strong> province. On attribuait à ces esprits un<br />
ordre hiérarchique, parallèle à celui de <strong>la</strong> bureaucratie impériale, <strong>et</strong> tout sacrifice à<br />
une divinité quelconque devait être accompli par un fonctionnaire de rang<br />
équivalent. Suivant les exigences du protocole <strong>et</strong> le rang de <strong>la</strong> divinité, on lui offrait<br />
de <strong>la</strong> viande, du grain, <strong>des</strong> légumes ou <strong>des</strong> animaux (porcs, moutons ou bœufs).<br />
L'assistance portait <strong>des</strong> habits de cérémonie <strong>et</strong> observait <strong>la</strong> rigoureuse étiqu<strong>et</strong>te de <strong>la</strong><br />
cour. Dans les vapeurs d'encens <strong>et</strong> au son de <strong>la</strong> musique, entouré d'auxiliaires,<br />
l'officiant s'approchait de l'autel <strong>et</strong> le quittait en silence, en s'inclinant devant <strong>la</strong><br />
tabl<strong>et</strong>te symbolique ou l'image de <strong>la</strong> divinité.<br />
Le Temple de Qufu.<br />
Ville de <strong>la</strong> province du Shandong qui fut <strong>la</strong> capitale<br />
de l'ancien royaume de Lu, Qufu est le lieu de naissance de<br />
Confucius. On y trouve un complexe cultuel qui fournit un <strong>des</strong><br />
exemples majeurs de l'architecture confucéenne.<br />
Le premier temple de Confucius fut bâti à Qufu en<br />
478 avant JC. Mais aucun sacrifice officiel ne fut accompli en<br />
l'honneur du sage avant 195 avant JC. L'empereur Gaodi (règne<br />
de 206 à195 avant JC), de <strong>la</strong> dynastie Han, offrit alors sur sa<br />
tombe le daji, un grand sacrifice comprenant l'immo<strong>la</strong>tion d'un<br />
bœuf. Plus tard, les Han adoptèrent le confucianisme <strong>et</strong> en<br />
firent <strong>la</strong> base du culte civique.<br />
Près du temple se trouve <strong>la</strong> maison de <strong>la</strong> famille<br />
Kong, demeure <strong>des</strong> <strong>des</strong>cendants directs de Confucius (Kongzi)<br />
depuis le l'' siècle avant JC, époque à <strong>la</strong>quelle les Han leur<br />
attribuèrent un fief <strong>et</strong> un titre. Les dynasties suivantes offrirent<br />
également au temple <strong>et</strong> à <strong>la</strong> famille <strong>des</strong> terres <strong>et</strong> <strong>des</strong> subsi<strong>des</strong><br />
impériaux. Le temple <strong>et</strong> <strong>la</strong> maison <strong>des</strong> Kong imprégnaient<br />
l'esprit de <strong>la</strong> ville. Il est arrivé que <strong>la</strong> moitié <strong>des</strong> bâtiments y<br />
aient été voués à Confucius.<br />
L'empire <strong>et</strong> l'idéologie.<br />
4<br />
Sacrifices au Ciel <strong>et</strong> à <strong>la</strong> Terre.<br />
Les sacrifices au Ciel <strong>et</strong> à <strong>la</strong> Terre régulièrement<br />
accomplis par l'empereur, fils du Ciel, jouaient un rôle crucial<br />
pour l'établissement de re<strong>la</strong>tions équilibrées <strong>et</strong> harmonieuses<br />
entre ces puissances <strong>et</strong> lui-même, assurant le gouvernement<br />
effectif de l'empire.<br />
Au cours de ces rites, où il invoquait bénédiction <strong>et</strong><br />
protection, l'empereur faisait <strong>la</strong> preuve de sa piété par un acte<br />
répété d'obéissance à ses divins parents. Il était le seul à pouvoir<br />
se prosterner devant le Ciel <strong>et</strong> <strong>la</strong> Terre : quiconque d'autre<br />
l'aurait fait se serait rendu coupable de rébellion.<br />
Adressés eux aussi au Ciel <strong>et</strong> à <strong>la</strong> Terre, les anciens<br />
sacrifices feng <strong>et</strong> shan figuraient parmi les rites impériaux les<br />
plus rares <strong>et</strong> les plus respectés. Accomplis par l'empereur sur le<br />
mont Tai, <strong>dans</strong> <strong>la</strong> province du Shandong, ils marquaient <strong>la</strong><br />
fondation d'une nouvelle dynastie ou les succès de l'empereur,<br />
qui appe<strong>la</strong>it sur sa dynastie <strong>la</strong> faveur du Ciel <strong>et</strong> de <strong>la</strong> Terre.<br />
Le ministère <strong>des</strong> <strong>Rites</strong>, organe impérial remontant à une époque<br />
reculée, distribuait avec soin à tous les bureaux gouvernementaux <strong>des</strong> gui<strong>des</strong><br />
détaillés décrivant tous les rituels d'État. Les fonctionnaires du directorat aux<br />
Sacrifices, un département de ce ministère, organisaient les aspects pratiques<br />
<strong>des</strong> rites en fournissant les ustensiles nécessaires <strong>et</strong> en assistant en personne aux<br />
sacrifices. Un autre département, le bureau de l'Astronomie, avait <strong>la</strong><br />
responsabilité de calculer le calendrier <strong>et</strong> de fixer les dates <strong>des</strong> divers rites.<br />
On pratiquait les sacrifices sur les autels <strong>des</strong> différents dieux <strong>et</strong> déesses,<br />
<strong>dans</strong> les temples du culte officiel <strong>et</strong> <strong>dans</strong> les mémoriaux <strong>des</strong> grands hommes.<br />
Sous <strong>la</strong> dynastie Han, on voua pour <strong>la</strong> première fois <strong>des</strong> temples à <strong>la</strong> vénération<br />
de Confucius <strong>et</strong> de ses continuateurs, <strong>et</strong> celui de Qufu devint un sanctuaire<br />
national. Ces temples civils étaient consacrés aux esprits de Confucius <strong>et</strong> <strong>des</strong><br />
plus grands confucianistes, tels Mencius <strong>et</strong> Zhu Xi. Ils reflètent le rationalisme<br />
confucéen <strong>et</strong> <strong>la</strong> conscience du fait que Confucius était un homme <strong>et</strong> non une<br />
divinité. Au cours <strong>des</strong> siècles, on en construisit <strong>dans</strong> chaque province. Des<br />
offices commémoratifs y avaient lieu au deuxième <strong>et</strong> au huitième mois de<br />
l'année chinoise. On y instruisait les jeunes gens <strong>dans</strong> les traditions musicales <strong>et</strong><br />
rituelles, <strong>et</strong> l'on y affichait les résultats <strong>des</strong> examens.<br />
Le confucianisme a été officiellement adopté par <strong>la</strong> dynastie Han (206 avant JC - 26) après <strong>des</strong> siècles d'indifférence <strong>et</strong> même de<br />
répression. À partir de ce moment, <strong>la</strong> pensée confucéenne a été modifiée par les idées légalistes prônant <strong>la</strong> primauté de <strong>la</strong> loi <strong>et</strong> <strong>des</strong> peines,<br />
ainsi que par les théories cosmologiques de Dong Zhongshu, un l<strong>et</strong>tré Han qui voyait <strong>dans</strong> <strong>la</strong> hiérarchie sociale confucéenne un refl<strong>et</strong> de<br />
l'ordre naturel de l'univers. Le résultat en a été un confucianisme impérial m<strong>et</strong>tant l'accent sur <strong>la</strong> culture morale du souverain p<strong>la</strong>cé à <strong>la</strong> tête<br />
d'un État fort <strong>et</strong> unifié, indispensable au bon fonctionnement du cosmos.<br />
Après <strong>la</strong> chute <strong>des</strong> Han, le confucianisme est resté le fondement <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> menant au fonctionnariat mais <strong>la</strong> qualité de ses<br />
adeptes déclina <strong>et</strong>, pendant près de sept siècles, ce furent surtout le bouddhisme <strong>et</strong> le taoïsme qui r<strong>et</strong>inrent l'attention <strong>des</strong> intellectuels <strong>et</strong><br />
obtinrent le patronage impérial. Un exemple notable de désaccord est celui de Han Yu (768-824), lequel affirma que le taoïsme <strong>et</strong> le culte<br />
barbare du bouddhisme avaient perverti <strong>la</strong> voie <strong>des</strong> sages de l'Antiquité, transmise par le duc de Zhou, Confucius <strong>et</strong> Mencius. Ses diatribes<br />
contre le taoïsme <strong>et</strong> le bouddhisme le firent exiler mais, au cours <strong>des</strong> siècles suivants, on l'admira pour sa ferme défense du confucianisme.
Le Cosmos organique.<br />
<strong>La</strong> Voie du Tao.<br />
Le taoïsme qui tire son nom du terme tao (chemin ou voie <strong>et</strong> qui s'écrit en pinyin dao)<br />
n'indique pas une conduite à suivre, mais représente un principe vital à l'origine de toute chose. <strong>La</strong><br />
sagesse <strong>et</strong> l'illumination surviennent chez l'individu qui, comprenant le Dao, vit en accord avec lui. Le<br />
taoïsme préconise l'existence d'un Etat non interventionniste, le r<strong>et</strong>our à <strong>la</strong> simplicité rurale <strong>et</strong> proc<strong>la</strong>me<br />
<strong>la</strong> nécessité de vivre en harmonie avec <strong>la</strong> nature, sans tenter de <strong>la</strong> dominer. Son intérêt pour <strong>la</strong><br />
communication avec les esprits <strong>et</strong> pour <strong>la</strong> longévité reflètent d'anciennes sensibilités religieuses. Le<br />
taoïsme <strong>et</strong> <strong>la</strong> religion popu<strong>la</strong>ire ont échangé beaucoup, d'où le fait de considérer comme Taoïste ce qui<br />
n'est pas n<strong>et</strong>tement confucéen ni bouddhique.<br />
Le taoïsme englobe une grande variété d'idées <strong>et</strong> de pratiques. Ses concepts s'expriment <strong>dans</strong> <strong>des</strong> méditations sur <strong>la</strong> cosmologie <strong>et</strong><br />
<strong>dans</strong> une philosophie spiritualiste ainsi que <strong>dans</strong> une abondante littérature qui enseigne <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> pour atteindre à <strong>la</strong> longévité, voire à<br />
l'immortalité. On en distingue communément deux aspects : le taoïsme philosophique, qui fait référence aux écrits <strong>des</strong> anciens maîtres <strong>et</strong><br />
de leurs commentateurs, <strong>et</strong> le taoïsme religieux, qui se caractérise par le culte ritualiste du Tao <strong>et</strong> par <strong>la</strong> recherche de l'immortalité.<br />
Le fondateur de ce courant, <strong>La</strong>ozi (ou <strong>La</strong>o-tseu, c'est-à-dire ancien maître) était archiviste royal au VI siècle avant JC. Il aurait<br />
instruit Confucius en matière de rites. Déçu par <strong>la</strong> vie de cour, il se serait rendu à dos de buffle <strong>dans</strong> les montagnes occidentales. Sur <strong>la</strong><br />
frontière, un garde lui aurait demandé de l'enseigner. C'est là qu'il aurait rédigé le Daodejing (ou Tao Te King, le Livre de <strong>la</strong> Voie <strong>et</strong> de sa<br />
vertu). Ecrit <strong>dans</strong> un style mystique <strong>et</strong> allusif, ma<strong>la</strong>isé à traduire, ce texte serait le travail de plusieurs auteurs. Le Daodejing est aussi un<br />
traité de bon gouvernement. Pour <strong>La</strong>ozi, le souverain idéal est si discr<strong>et</strong> <strong>et</strong> subtil que le peuple ne se sent pas gouverné, <strong>et</strong> sa politique<br />
élimine les distinctions qui sont causes de jalousie <strong>et</strong> de mécontentement, de telle sorte que plus personne n'ait de désirs superflus.<br />
Le Tao est l'aspect primordial <strong>et</strong> éternel de l'univers qui sous-tend toute création, toute diversité, toute forme. Sans forme luimême,<br />
sans durée, sans limite, le Tao fait apparaître le yin <strong>et</strong> le yang, engendre <strong>et</strong> maintient toute chose. L'univers est <strong>dans</strong> un état de<br />
fluidité permanente; tout commence par le Tao immuable <strong>et</strong> tout y r<strong>et</strong>ourne, en un flux <strong>et</strong> reflux éternel. <strong>La</strong>ozi conseille de puiser sa force<br />
<strong>dans</strong> le rythme de c<strong>et</strong>te pulsation cosmique, en ne faisant rien qui soit contraire à son mouvement naturel. De c<strong>et</strong>te manière, tout peut se<br />
faire spontanément, au gré de <strong>la</strong> nature. Le Daodejing illustre c<strong>et</strong>te puissance subtile mais inexorable en donnant <strong>des</strong> exemples de choses<br />
faibles <strong>et</strong> soumises qui viennent à bout de choses fortes <strong>et</strong> dures : l'eau finit toujours par creuser <strong>la</strong> pierre <strong>la</strong> plus dure.<br />
L'autre grand texte du taoïsme philosophique est le Zhuangzi (du nom de son auteur, Zhuangzi (maître Zhuang) ou Zhuang Zhou,<br />
qui vécut au IV siècle avant JC. Zhuangzi s'émerveille <strong>des</strong> manifestations infinies du Tao <strong>et</strong> de son extranéité aux valeurs humaines. Il<br />
médite sur <strong>la</strong> nature de <strong>la</strong> réalité <strong>et</strong> réfléchit sur les variations <strong>et</strong> transformations infinies qui affectent <strong>la</strong> vie mais aussi <strong>la</strong> mort, qu'il<br />
considère comme <strong>la</strong> fusion avec le Tao. Zhuangzi parle <strong>des</strong> « immortels », individus parfaits qui vivent <strong>dans</strong> les montagnes, se nourrissent<br />
du vent, boivent <strong>la</strong> rosée <strong>et</strong> ont l'expérience du vol extatique. De telles idées sont devenues centrales <strong>dans</strong> <strong>la</strong> tradition du taoïsme religieux.<br />
Le Taoïsme religieux.<br />
Devant l'émergence puis <strong>la</strong> croissante popu<strong>la</strong>rité du bouddhisme, le taoïsme, qui n'était à l'origine qu'un courant de pensée<br />
philosophique, s'est progressivement mué en religion. Il assimi<strong>la</strong> plusieurs cultes de <strong>la</strong> mythologie popu<strong>la</strong>ire, très nombreux en <strong>Chine</strong>, se<br />
réc<strong>la</strong>mant tout autant de l'Empereur jaune, mythique fondateur de <strong>la</strong> race chinoise, que de <strong>La</strong>ozi. Au bouddhisme, il emprunta les formes<br />
extérieures de <strong>la</strong> religion (temples, vie monastique, iconographie, encens) <strong>et</strong> créa tout un panthéon de divinités animistes, figures<br />
héroïques du passé, <strong>et</strong> de personnages divers. De nouveaux récits mythologiques décrivirent <strong>des</strong> êtres spirituels, qui n'étaient pas <strong>des</strong> dieux<br />
mais étaient <strong>des</strong> hommes censés avoir atteint l'immortalité grâce aux pratiques taoïstes <strong>et</strong> capables d'accomplir <strong>des</strong> actes de magie, en<br />
particulier de se dép<strong>la</strong>cer grâce à <strong>des</strong> moyens de locomotion surnaturels.<br />
Le taoïsme religieux est plus structuré <strong>et</strong> institutionnalisé que le simple taoïsme. Les diverses écoles, ou sectes, de c<strong>et</strong>te religion<br />
partagent un certain nombre de caractéristiques : un clergé instruit <strong>et</strong> même érudit; <strong>des</strong> écritures révélées, en chinois c<strong>la</strong>ssique; un<br />
panthéon hiérarchisé de dieux <strong>et</strong> de déesses; <strong>des</strong> temples <strong>et</strong> <strong>des</strong> monastères; <strong>des</strong> rites complexes; enfin <strong>des</strong> pratiques particulières,<br />
comprenant <strong>la</strong> méditation, l'alchimie, <strong>la</strong> magie (certains cherchant le secr<strong>et</strong> d'un Élixir de longévité ou d'immortalité) ainsi que <strong>des</strong><br />
exercices thérapeutiques <strong>et</strong> spirituels.<br />
Les divinités taoïstes sont <strong>des</strong> personnifications de p<strong>la</strong>nètes, <strong>des</strong> étoiles, <strong>des</strong> héros <strong>des</strong> temps anciens, <strong>des</strong> patrons de diverses<br />
activités comme l'enseignement, le commerce, le vol, <strong>la</strong> fornication ou l'ivresse, <strong>des</strong> animaux tels que les dragons, les tigres, les serpents<br />
<strong>et</strong> les sauterelles. Les moines taoïstes avaient principalement pour tâche de chasser les mauvais esprits par lesquels se manifestaient <strong>des</strong><br />
démons de toutes sortes. Le prêtre devait savoir reconnaître l'esprit responsable <strong>et</strong> prescrire le remède approprié : charmes, cérémonie<br />
religieuse, traitement médical où entr<strong>et</strong>ien de l'alignement <strong>des</strong> bâtiments.<br />
On fait généralement remonter les débuts du taoïsme religieux à <strong>la</strong> fondation de <strong>la</strong> secte <strong>des</strong> Maîtres Célestes, vers <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong><br />
dynastie Han. Pendant <strong>la</strong> période de troubles qui a suivi <strong>la</strong> chute <strong>des</strong> Han, en 220 de notre ère, <strong>des</strong> adeptes ont fui vers le sud, où ils ont<br />
emprunté <strong>des</strong> idées concernant l'alchimie, <strong>la</strong> médecine, <strong>la</strong> magie <strong>et</strong> <strong>la</strong> longévité; celles-ci s'organisent <strong>dans</strong> le traité c<strong>la</strong>ssique de Ge Hong<br />
(ou Ko Hung), le Baopuzi (Celui qui embrasse le bois brut ou le Maître qui garde sa simplicité). Le résultat le plus fécond de ce mé<strong>la</strong>nge a<br />
été l'école de <strong>la</strong> Pur<strong>et</strong>é supérieure (Shanqing), ou Maoshan. Elle se fondait sur <strong>la</strong> révé<strong>la</strong>tion d'une apocalypse où le mal serait vaincu <strong>et</strong> où<br />
<strong>la</strong> terre reviendrait aux adeptes purifiés du taoïsme.<br />
5
Taoïsme <strong>et</strong> religion popu<strong>la</strong>ire.<br />
<strong>La</strong> plupart <strong>des</strong> Chinois ne se considéraient pas comme taoïstes, bouddhistes ou confucianistes. Ces termes désignaient <strong>des</strong><br />
spécialistes, tels les prêtres, les moines ou les fonctionnaires issus <strong>des</strong> examens impériaux. Du chinois moyen, on disait simplement qu'il<br />
honorait les dieux. On assimile souvent mais indûment au taoïsme c<strong>et</strong>te religion informe, éclectique, qui reflétait les conceptions générales<br />
<strong>et</strong> les enseignements moraux du bouddhisme, du confucianisme <strong>et</strong> du taoïsme (piété filiale, fidélité, respect de l'autorité, compassion,<br />
longévité, préparation à l'au-delà...), tout en incluant quantité de pratiques religieuses indigènes. Le panthéon popu<strong>la</strong>ire comprenait <strong>des</strong><br />
héros <strong>et</strong> <strong>des</strong> divinités de toute provenance, ainsi que <strong>des</strong> personnages issus de <strong>la</strong> légende <strong>et</strong> de <strong>la</strong> littérature.<br />
Parmi les traits qui caractérisent <strong>la</strong> religion popu<strong>la</strong>ire, on en notera deux : l'absence d'écritures fondatrices <strong>et</strong> l'enracinement <strong>dans</strong><br />
<strong>des</strong> cultes locaux <strong>et</strong> autonomes. Contrairement au taoïsme orthodoxe, au bouddhisme <strong>et</strong> au confucianisme, <strong>la</strong> religion popu<strong>la</strong>ire ne<br />
reconnaît pas d'autorité scripturale mais se fonde essentiellement sur <strong>la</strong> reconnaissance de re<strong>la</strong>tions mutuelles entre l'humanité <strong>et</strong> le monde<br />
<strong>des</strong> esprits <strong>et</strong> <strong>des</strong> revenants. De nombreuses pratiques de c<strong>et</strong>te religion datent <strong>des</strong> dynasties Zhou <strong>et</strong> Han; sous les Song, <strong>la</strong> tradition<br />
popu<strong>la</strong>ire avait déjà pris une forme re<strong>la</strong>tivement stable <strong>et</strong> commune à tous les échelons de <strong>la</strong> société, même si l'élite intellectuelle se<br />
moquait d'un certain nombre de croyances.<br />
Les temples popu<strong>la</strong>ires étaient indépendants les uns <strong>des</strong> autres; gérés par les communautés locales, ils leur servaient à <strong>la</strong> fois de<br />
lieu de culte <strong>et</strong> de salle polyvalente. Les responsables du temple organisaient <strong>des</strong> fêtes collectives telles que <strong>la</strong> célébration annuelle d'une<br />
divinité ou un rite de renouveau mais ils faisaient aussi appel à <strong>des</strong> <strong>des</strong>servants taoïstes ou bouddhistes pour certains rites spécifiques.<br />
<strong>La</strong> quête de l'immortalité.<br />
<strong>La</strong> croyance chinoise en <strong>la</strong> possibilité d'atteindre l'immortalité est antérieure au taoïsme. Toutefois ce sont les écoles taoïstes qui<br />
ont systématisé les divers moyens de s'assurer <strong>la</strong> vie éternelle. Le concept sous-jacent à de telles pratiques repose sur <strong>la</strong> corré<strong>la</strong>tion entre le<br />
microcosme corporel <strong>et</strong> le macrocosme universel. L'adepte doit reconnaître <strong>et</strong> préserver le souffle primordial (yangqi), lequel correspond<br />
au Tao qui a dispensé <strong>la</strong> vie au commencement de <strong>la</strong> création. Il doit r<strong>et</strong>enir les essences corporelles du souffle (qi), de 1'énergie vitale<br />
(jing) <strong>et</strong> de 1'esprit (shen), en contrariant l'épuisement graduel de ces essences, qui conduit finalement à <strong>la</strong> mort.<br />
Les 8 immortels.<br />
Un grand nombre de contes popu<strong>la</strong>ires chinois<br />
parlent <strong>des</strong> Huit Immortels. Ce sont <strong>des</strong> êtres réalisés qui ont<br />
atteint l'immortalité; de plus, ils forment un groupe spécifique,<br />
portant bonheur <strong>et</strong> présidant aux huit conditions d'existence que<br />
sont <strong>la</strong> jeunesse, l'âge mûr, <strong>la</strong> pauvr<strong>et</strong>é, <strong>la</strong> richesse, le rang<br />
élevé, <strong>la</strong> roture, <strong>la</strong> féminité <strong>et</strong> <strong>la</strong> virilité. <strong>La</strong> diversité de leurs<br />
expériences <strong>et</strong> de leur statut signifie l'accessibilité de <strong>la</strong><br />
perfection à quiconque a choisi de <strong>la</strong> rechercher.<br />
Un mythe particulièrement intéressant est celui de<br />
Lü Dongbin, coauteur de textes alchimiques. Pendant le temps<br />
qu'il lui fallut pour préparer une potée de mill<strong>et</strong>, Lu vécut<br />
magiquement une vie entière d'exploits héroïques <strong>et</strong> de revers<br />
humiliants. Se réveil<strong>la</strong>nt devant son repas, il comprit <strong>la</strong> folie<br />
<strong>des</strong> ambitions séculières <strong>et</strong> quitta sa vie de convention pour<br />
devenir un taoïste errant.<br />
Le récit le plus connu qui m<strong>et</strong> en scène les immortels<br />
re<strong>la</strong>te un voyage qu'ils entreprirent pour observer les merveilles<br />
du monde sous-marin. Au lieu de naviguer sur les nuages, leur<br />
habituel moyen de locomotion, ils décidèrent d'essayer leurs<br />
pouvoirs surnaturels en j<strong>et</strong>ant leurs attributs <strong>dans</strong> <strong>la</strong> mer <strong>et</strong> de<br />
les utiliser comme radeaux ou navires. Au cours de leur<br />
traversée, le fils du Roi-Dragon de <strong>la</strong> mer Orientale déroba<br />
l'instrument de musique de l'un d'eux <strong>et</strong> le r<strong>et</strong>int prisonnière.<br />
Les autres déc<strong>la</strong>rèrent alors <strong>la</strong> guerre au roi, qui fut vaincu.<br />
On fait échec au vieillissement par un ensemble de pratiques.<br />
• Les exercices de méditation <strong>et</strong> de visualisation perm<strong>et</strong>tent de se concentrer sur<br />
le Tao ou sur de puissantes déités astrales qui résident à <strong>la</strong> fois au ciel <strong>et</strong> <strong>dans</strong> le<br />
corps. Ces déités sont également invoquées au cours d'exercices gymniques à<br />
caractère thérapeutique ou qui aident à <strong>la</strong> concentration.<br />
• Les techniques respiratoires ont pour but de ralentir considérablement <strong>la</strong><br />
respiration <strong>et</strong> de <strong>la</strong> rendre si faible qu'une plume p<strong>la</strong>cée devant le nez de l'adepte<br />
resterait immobile.<br />
• Le régime alimentaire contribue à <strong>la</strong> purification du souffle <strong>et</strong> du corps; il se<br />
combine avec <strong>la</strong> consommation de produits censés procurer <strong>la</strong> longévité :<br />
certains champignons, les pignons <strong>et</strong> <strong>la</strong> sève de pin.<br />
• Les techniques sexuelles visent à empêcher l'orgasme, dont on croyait qu'il<br />
épuise les essences vitales.<br />
• À 1'alchimie externe, qui perm<strong>et</strong>tait à l'adepte de fabriquer un élixir<br />
d'immortalité, s'est ajoutée ensuite 1'alchimie interne, dont le principe est de<br />
transformer les substances corporelles en élixir.<br />
Lorsque quelqu'un est devenu immortel, on trouvera son cercueil vide.<br />
Les immortels ont <strong>la</strong> chair aussi lisse que <strong>la</strong> g<strong>la</strong>ce, <strong>la</strong> peau b<strong>la</strong>nc de neige <strong>et</strong> <strong>des</strong><br />
traits étranges tels que pupilles carrées <strong>et</strong> longues oreilles; ils vivent <strong>dans</strong> <strong>des</strong><br />
montagnes lointaines, <strong>des</strong> grottes ou <strong>des</strong> lieux magiques comme l'île de Peng<strong>la</strong>i.<br />
Maîtres du temps <strong>et</strong> de l'espace, ils voguent entre étoiles <strong>et</strong> p<strong>la</strong>nètes, visitant<br />
parfois <strong>la</strong> terre incognito pour conférer l'immortalité à ceux qui <strong>la</strong> méritent.<br />
<strong>La</strong> déesse principale du panthéon taoïste était Xiwangmu, <strong>la</strong> Reine Mère d'Occident. C'est l'une <strong>des</strong> figures d'immortels les plus<br />
répandues <strong>et</strong> les plus popu<strong>la</strong>ires. Les taoïstes <strong>la</strong> considéraient comme le souffle primal du Yin suprême, divine amante <strong>et</strong> monitrice <strong>des</strong><br />
chercheurs d'immortalité. Elle vit <strong>dans</strong> les monts Kunlun, où se rejoignent le ciel <strong>et</strong> <strong>la</strong> terre; c'est là un pays merveilleux <strong>et</strong> redoutable, audelà<br />
<strong>des</strong> frontières de <strong>la</strong> civilisation chinoise, où les p<strong>la</strong>isirs, les beautés <strong>et</strong> les dangers abondent. Elle est représentée avec une queue de<br />
léopard <strong>et</strong> <strong>des</strong> dents de tigre, échevelée sous un couvre-chef distinctif, servie par <strong>des</strong> domestiques vert de jade <strong>et</strong> accompagnée d'animaux<br />
fabuleux tels que le renard à neuf queues, le phénix, l'oiseau à trois pattes, le crapaud d'immortalité <strong>et</strong> le lièvre lunaire.<br />
<strong>La</strong> Reine Mère d'Occident a été révérée pendant plus de 2000 ans, au sein <strong>des</strong> écoles intellectuelles comme de <strong>la</strong> religion<br />
popu<strong>la</strong>ire. Elle a fasciné l'imagination du peuple surtout en cultivant les pêches d'immortalité qui ne mûrissent que tous les trois mille ans<br />
<strong>et</strong> qui sont servies aux immortels à <strong>la</strong> fin d'un banqu<strong>et</strong> céleste.<br />
6
Rebouteux, magiciens <strong>et</strong> exorcistes.<br />
Le rôle social <strong>des</strong> taoïstes a <strong>la</strong>rgement été conditionné par le souci de guérir, de régénérer, de protéger contre les forces malignes<br />
<strong>et</strong> d'invoquer les esprits bienveil<strong>la</strong>nts. Pourtant, les plus anciennes écoles du taoïsme religieux m<strong>et</strong>taient en garde contre <strong>la</strong> magie<br />
popu<strong>la</strong>ire. Ce<strong>la</strong> n'a pas empêché de nombreux prêtres de s'engager <strong>dans</strong> de telles pratiques. On s'adressait à eux pour obtenir <strong>des</strong><br />
amul<strong>et</strong>tes, <strong>des</strong> talismans, <strong>des</strong> potions <strong>et</strong> <strong>des</strong> remè<strong>des</strong>, ou bien encore pour qu'ils accomplissent <strong>des</strong> sortilèges ou <strong>des</strong> exorcismes.<br />
L'écriture a toujours été un puissant moyen de communication avec les esprits. Aussi <strong>la</strong><br />
magie taoïste repose-t-elle <strong>la</strong>rgement sur <strong>la</strong> parole écrite. On inscrivait <strong>des</strong> caractères sur <strong>des</strong><br />
charmes, <strong>des</strong> amul<strong>et</strong>tes <strong>et</strong> <strong>des</strong> talismans pour les doter de pouvoirs magiques. On croyait que les<br />
textes c<strong>la</strong>ssiques avaient été révélés par <strong>des</strong> dieux; aussi on les lisait ou apprenait par cœur pour<br />
les psalmodier au cours d'enchantements. En mémorisant <strong>des</strong> écrits ésotériques, un prêtre taoïste<br />
pouvait invoquer <strong>et</strong> influencer les forces surnaturelles (divinités, esprits ou démons).<br />
Pour les dominer, les prêtres utilisaient notamment <strong>des</strong> talismans de papier qui<br />
symbolisaient <strong>la</strong> puissance <strong>et</strong> l'ordre du cosmos tout en assurant <strong>la</strong> protection <strong>des</strong> esprits. On y<br />
traçait <strong>des</strong> représentations symboliques de l'ordre naturel <strong>et</strong> de l'énergie cosmique, essentiellement<br />
<strong>des</strong> hexagrammes, <strong>et</strong> le luoshu, un carré magique de neuf nombres p<strong>la</strong>cés de telle manière que<br />
chaque ligne fasse 15 (traditionnelle, le 9 représente le ciel, le 6 <strong>la</strong> terre <strong>et</strong> le 15 (9 + 6) l'harmonie<br />
du ciel <strong>et</strong> de <strong>la</strong> terre). Un remède c<strong>la</strong>ssique contre <strong>la</strong> souffrance physique ou mentale consistait à<br />
boire de l'eau mêlée aux cendres d'un talisman, <strong>et</strong> une rec<strong>et</strong>te du début de <strong>la</strong> dynastie Han<br />
recommandait de prendre un bain contenant <strong>des</strong> cendres de talisman.<br />
D'autres spécialistes, devins <strong>et</strong> médiums, faisaient communiquer les hommes avec les<br />
dieux. A partir de <strong>la</strong> dynastie Song, on employa <strong>des</strong> médiums pour pratiquer l'écriture <strong>des</strong> esprits<br />
grâce à <strong>la</strong>quelle les divinités transm<strong>et</strong>taient aux vivants <strong>des</strong> messages (prédictions, prescriptions<br />
médicales ou anticipation <strong>des</strong> résultats d'examen).Les médiums se mirent aussi à dispenser de<br />
longs sermons moralisateurs en provenance <strong>des</strong> dieux. Le médium écrivait le message sur du<br />
papier ou sur le sable, en caractères fantaisistes qu'un autre spécialiste interprétait. C<strong>et</strong>te écriture<br />
médiumnique née à <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> dynastie Zhou <strong>et</strong> au début de l'empire trouve son origine <strong>dans</strong> <strong>la</strong><br />
tradition <strong>des</strong> femmes chamans (wu) qui voyageaient entre les mon<strong>des</strong> humain <strong>et</strong> spirituel.<br />
Le prêtre jouait le rôle d'exorciste, pour apaiser les esprits de <strong>la</strong> terre qui<br />
occupaient le site d'un bâtiment à construire, pour dissiper les spectres qui<br />
hantaient l'endroit où <strong>des</strong> gens étaient morts, ou encore pour chasser les démons<br />
qui étaient cause de troubles mentaux ou physiques. Il évoquait l'esprit qu'il<br />
vou<strong>la</strong>it exorciser en accomplissant <strong>des</strong> gestes magiques <strong>et</strong> en récitant <strong>des</strong><br />
charmes <strong>et</strong> <strong>des</strong> formules. On utilisait aussi de l'eau ou de l'alcool enf<strong>la</strong>mmé, que<br />
l'on répandait ou crachait sur <strong>des</strong> conjurations écrites. On recourait aussi à <strong>la</strong><br />
<strong>dans</strong>e de Yu, une <strong>dans</strong>e imitant <strong>la</strong> démarche du souverain légendaire Yu quand il<br />
parcourait <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> pour combattre les inondations.<br />
Méditation <strong>et</strong> ritualisation.<br />
<strong>La</strong> méditation est un processus de non connaissance qui consiste à<br />
s'asseoir <strong>et</strong> oublier afin d'entrer en contact avec le Tao originel. Les rituels du<br />
taoïsme religieux se proposent également d'entrer en contact avec le Tao. Ils<br />
peuvent être accomplis au profit d'individus (exorcismes <strong>et</strong> rites expiatoires) ou<br />
pour entreprendre <strong>la</strong> régénération spirituelle de <strong>la</strong> communauté.<br />
<strong>La</strong> hiérarchisation <strong>des</strong> prêtres prenait pour critères le nombre <strong>et</strong> le genre<br />
de rituels qu'ils mémorisaient <strong>et</strong> pratiquaient. A <strong>la</strong> fin de l'empire, les rites<br />
taoïstes avaient pris p<strong>la</strong>ce <strong>dans</strong> les temples de <strong>la</strong> religion popu<strong>la</strong>ire chinoise.<br />
Ceux de l'école <strong>des</strong> Maîtres Célestes ont constitué <strong>la</strong> base de développements<br />
ultérieurs. Ils comprenaient <strong>des</strong> cérémonies visant à guérir les ma<strong>la</strong>dies par<br />
l'expiation <strong>des</strong> péchés du ma<strong>la</strong>de <strong>et</strong> de ses ancêtres, ainsi que <strong>des</strong> rites sexuels<br />
inspirés d'une vieille tradition popu<strong>la</strong>ire, qui avaient lieu à <strong>la</strong> nouvelle lune <strong>et</strong> où<br />
<strong>la</strong> pratique du coït exprimait <strong>la</strong> fusion du yin <strong>et</strong> du yang.<br />
7<br />
Les Fangshi.<br />
Les magiciens appelés fangshi, ou seigneurs <strong>des</strong><br />
rec<strong>et</strong>tes, ont opéré depuis <strong>la</strong> dynastie Qin jusqu'au début de <strong>la</strong><br />
période <strong>des</strong> Six Dynasties. Appelés seigneurs du Tao, ils<br />
formaient un corps constitué à <strong>la</strong> cour, généralement distinct<br />
<strong>des</strong> aristocrates <strong>et</strong> <strong>des</strong> l<strong>et</strong>trés. Mages attitrés de l'empereur, ils<br />
exerçaient une vaste gamme de fonctions.<br />
Ils communiquaient avec les fantômes <strong>et</strong> les esprits,<br />
ils exorcisaient <strong>et</strong> s'adonnaient à diverses formes de divination.<br />
En tant que guérisseurs, ils pratiquaient l'acupuncture <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />
moxibustion, prescrivaient <strong>des</strong> règles d'hygiène, <strong>des</strong> régimes <strong>et</strong><br />
<strong>des</strong> remè<strong>des</strong>, ou encore enseignaient <strong>des</strong> techniques favorisant<br />
<strong>la</strong> vigueur sexuelle. Ils avaient compétence pour <strong>la</strong> prédiction<br />
de phénomènes cosmiques considérés comme essentiels à <strong>la</strong><br />
démonstration de <strong>la</strong> capacité du souverain à harmoniser<br />
l'homme <strong>et</strong> <strong>la</strong> nature. Mais on les prisait surtout pour leur<br />
connaissance <strong>des</strong> moyens de prolonger <strong>la</strong> jeunesse <strong>et</strong> d'atteindre<br />
l'immortalité. Sous <strong>la</strong> protection impériale, bien <strong>des</strong> fangshi<br />
exercèrent une grande influence <strong>et</strong> devinrent très riches.<br />
Cependant leurs manières rustiques, leur ignorance<br />
<strong>des</strong> c<strong>la</strong>ssiques <strong>et</strong> leur goût pour l'occultisme les opposaient aux<br />
l<strong>et</strong>trés confucéens. Ceux-ci ne manquaient pas une occasion de<br />
dénoncer leur incompétence <strong>et</strong> leur malhonnêt<strong>et</strong>é. Le prestige<br />
<strong>des</strong> fangshi à <strong>la</strong> cour déclina vers <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> dynastie Han.<br />
A <strong>la</strong> cour, on accomplissait <strong>des</strong> rites taoïstes en privé, pour les membres de <strong>la</strong> famille impériale, dont certains (y compris<br />
l'empereur) pouvaient être ordonnés prêtres. Un prêtre de cour (à ne pas confondre avec un fangshi) pouvait prier pour que les<br />
bénédictions divines entourent <strong>la</strong> dynastie, ou accomplir <strong>des</strong> rites affermissant le mandat qui perm<strong>et</strong>tait à l'empereur de régner. On<br />
rapporte aussi que <strong>des</strong> empereurs commandaient en temps de sécheresse <strong>des</strong> rites évoquant <strong>la</strong> pluie. L'accomplissement de ces rites<br />
suscitait parfois <strong>la</strong> compétition entre taoïstes <strong>et</strong> bouddhistes.
Prêtre <strong>et</strong> temple.<br />
Le clergé taoïste a toujours suivi une grande diversité de chemins : Ermites ou moines qui pratiquent le travail sur soi ou<br />
habitants du feu <strong>et</strong> porteurs de libations qui se marient <strong>et</strong> pratiquent <strong>des</strong> rites de guérison <strong>et</strong> d'exorcisme au sein de <strong>la</strong> communauté. <strong>La</strong><br />
plupart <strong>des</strong> monastères taoïstes étaient rattachés à l'une ou l'autre école. Habituellement, le novice y entrait entre douze <strong>et</strong> vingt ans; il<br />
débutait <strong>dans</strong> <strong>la</strong> vie monastique par <strong>des</strong> travaux subalternes qui s'ajoutaient aux dévotions quotidiennes. Chaque année, il était affecté à<br />
une autre tâche. Lors de son ordination, ses cheveux (qu'il avait <strong>la</strong>issé pousser depuis son entrée) étaient coiffés en chignon, <strong>et</strong> on lui<br />
ceignait <strong>la</strong> tête d'une couronne avant qu'il prononce ses vœux. Certains monastères étaient ouverts aux religieux de toutes les écoles, ainsi<br />
qu'aux <strong>la</strong>ïcs qui désiraient s'adonner aux pratiques taoïstes d'épanouissement personnel.<br />
Les temples taoïstes de quartier étaient financés par <strong>la</strong> communauté locale <strong>et</strong> <strong>des</strong>servis par <strong>des</strong> <strong>la</strong>ïcs. Ils abritaient <strong>des</strong> images de<br />
divinités demeurant <strong>dans</strong> les cieux les plus reculés, comme les Trois Purs, ou d'esprits qui frappaient l'imagination popu<strong>la</strong>ire, comme les<br />
Huit Immortels, les puissances tuté<strong>la</strong>ires <strong>et</strong> même <strong>des</strong> figures de <strong>la</strong> tradition confucéenne ou bouddhique. Certains temples taoïstes<br />
devaient leur localisation à <strong>des</strong> accidents naturels de haute signification spirituelle, comme les montagnes sacrées. Ils devinrent souvent<br />
<strong>des</strong> lieux de pèlerinage, comme le mont Tai <strong>et</strong> le mont Wudang. De nombreux temples <strong>et</strong> monastères ont reçu <strong>la</strong> protection impériale, en<br />
particulier sous les Tang, qui portaient le nom de famille de <strong>La</strong>ozi (Li) <strong>et</strong> le considéraient comme un ancêtre. Ils fondèrent <strong>des</strong> sanctuaires<br />
<strong>et</strong> <strong>des</strong> centres monastiques sur 46 somm<strong>et</strong>s sacrés <strong>et</strong> sur <strong>des</strong> sites où <strong>des</strong> taoïstes célèbres avaient pris <strong>la</strong> Voie. Le monastère dit de <strong>la</strong> Tour,<br />
qui s'était établi à l'endroit où <strong>La</strong>ozi est censé avoir révélé le Daodejing, devint un lieu de culte dynastique <strong>et</strong> fut rebaptisé monastère du<br />
Saint Ancêtre.<br />
Les moines <strong>et</strong> les nonnes <strong>des</strong> écoles les plus récentes, notamment de celle de <strong>la</strong> Perfection supérieure, pratiquent le célibat mais,<br />
<strong>dans</strong> les écoles anciennes <strong>et</strong> <strong>dans</strong> les monastères mixtes, <strong>des</strong> rites sexuels collectifs sont attestés. À <strong>la</strong> fin de l'empire, les taoïstes ordonnés<br />
étaient exemptés d'impôt, de service militaire <strong>et</strong> de corvée.<br />
8
<strong>La</strong> Voie du Bouddha.<br />
Le bouddhisme est passé d'Inde en <strong>Chine</strong> où plusieurs maisons régnantes l'ont protégé, <strong>et</strong> où ses idées ont exercé une influence<br />
profonde sur <strong>la</strong> pensée religieuse chinoise. Au cours <strong>des</strong> siècles, le bouddhisme a développé <strong>des</strong> formes nouvelles typiquement chinoises.<br />
L'enseignement du Bouddha.<br />
Le fondateur du bouddhisme promit le salut à celui qui observerait <strong>la</strong><br />
règle bouddhique <strong>et</strong> vivrait <strong>dans</strong> l'ascétisme, renonçant à tous les p<strong>la</strong>isirs.<br />
S'affranchissant de ses liens terrestres, l'homme pouvait échapper au cycle <strong>des</strong><br />
naissances <strong>et</strong> morts successives, le samsara, <strong>et</strong> atteindre l'état de félicité, le<br />
nirvâna. C<strong>et</strong>te évolution était longue <strong>et</strong> douloureuse car elle exigeait de<br />
renoncer à tout attachement envers <strong>la</strong> famille <strong>et</strong> les amis.<br />
Siddharta Gautama, Shakyamuni ou Bouddha (566486 avant JC) était<br />
prince du c<strong>la</strong>n <strong>des</strong> Shakya qui régnait sur une partie de l'actuel Népal. C'est<br />
après 30 ans qu'il fut témoin de <strong>la</strong> douleur, en croisant un vieil<strong>la</strong>rd, un ma<strong>la</strong>de<br />
<strong>et</strong> un mort. Pour les indiens, ce n'étaient pas là <strong>des</strong> exemples <strong>des</strong> vicissitu<strong>des</strong><br />
humaines puisque <strong>la</strong> loi du karma enseigne que tous les actes, bons ou mauvais,<br />
entraînent <strong>des</strong> conséquences inévitables <strong>dans</strong> c<strong>et</strong>te vie <strong>et</strong> <strong>dans</strong> les existences<br />
ultérieures. On ne peut échapper au karma. Tout être sensible étant condamné<br />
pour l'éternité aux tourments du samsara. Inspiré par <strong>la</strong> vue d'un mendiant qui<br />
s'était défait de l'attachement au monde <strong>et</strong> avait atteint <strong>la</strong> paix spirituelle, il<br />
renonça à sa vie de prince pour rechercher l'illumination, c<strong>et</strong>te connaissance<br />
suprême de <strong>la</strong> nature de l'existence qu'accompagnerait <strong>la</strong> fin de toute douleur.<br />
9<br />
Les quatre nobles vérités.<br />
Le Bouddha a commencé à prêcher après son éveil<br />
<strong>dans</strong> le parc aux gazelles de Sarnath, près de <strong>la</strong> ville indienne de<br />
Bénarès, il exposa à un p<strong>et</strong>it groupe d'ascètes les quatre nobles<br />
vérités : <strong>la</strong> douleur existe; <strong>la</strong> racine de <strong>la</strong> douleur est le désir; on<br />
peut m<strong>et</strong>tre fin à <strong>la</strong> douleur en atteignant le nirvana ; le moyen<br />
d'atteindre le nirvana est de suivre le noble sentier octuple en se<br />
concentrant sur <strong>la</strong> sagesse, l'éthique <strong>et</strong> <strong>la</strong> méditation.<br />
Le nirvana, souvent confondu avec <strong>la</strong> délivrance ou<br />
l'illumination, est un état bienheureux, détaché, où tous les<br />
eff<strong>et</strong>s du karma ont cessé, notamment le samsara (cycle <strong>des</strong><br />
naissances <strong>et</strong> <strong>des</strong> morts).<br />
Au-delà, le nirvana parfait (parinirvana) est presque<br />
impossible à décrire. Ce n'est pas l'anéantissement mais quelque<br />
chose qui se situe par-delà l'existence <strong>et</strong> l'inexistence. Dans ce<br />
premier sermon, dit sermon de Bénarès, Bouddha développait<br />
aussi sa doctrine de <strong>la</strong> «voie moyenne» : quiconque se m<strong>et</strong> en<br />
quête spirituelle doit adopter un mode de vie à mi-chemin de<br />
ces extrêmes que sont l'ascétisme rigoureux <strong>et</strong> <strong>la</strong> noncha<strong>la</strong>nce.<br />
Après une longue période de méditation à Bodh Gaya, près de Bénarès, en Inde du Nord, il connut l'illumination <strong>et</strong> devint un<br />
bouddha, un éveillé. L'enseignement du Bouddha, ou Dharma, commença par l'exposé <strong>des</strong> quatre nobles vérités <strong>et</strong> de <strong>la</strong> voie du milieu. Le<br />
Bouddha prêcha environ 45 ans au Sangha (communauté monastique) jusqu'à sa mort, ou nirvana final, survenue à l'âge de 80 ans.<br />
Au cours <strong>des</strong> siècles, l'enseignement du Bouddha se ramifia en plusieurs traditions. Celle qui se répandit en <strong>Chine</strong> se distingue<br />
par son culte de bouddhas quasi divins (Shakyamuni n'étant que l'un <strong>des</strong> innombrables bouddhas apparus au cours de l'éternité) <strong>et</strong> de<br />
bodhisattvas (êtres éveillés qui renvoient à plus tard leur nirvana pour aider les autres). Les Chinois préférèrent vénérer <strong>la</strong> manifestation de<br />
Bouddha appelée Amitâbha (Emituofo, en chinois), censée régner sur le paradis occidental, qui accordait le salut à qui se repentait de ses<br />
fautes <strong>et</strong> invoquait son nom. L'état de félicité ne se méritait donc pas seulement par l'ascétisme mais résultait d'un acte de foi. Davantage<br />
de personnes pouvaient par conséquent y accéder. Quand le bouddhisme se fut établi en <strong>Chine</strong>, apparurent <strong>dans</strong> les temples<br />
d'innombrables représentations d'Amitâbha, assis sur une fleur de lotus. Avec d'autres êtres célestes, il a été intégré à <strong>la</strong> tradition religieuse<br />
chinoise, en même temps que <strong>des</strong> concepts bouddhiques fondamentaux, comme ceux de karma <strong>et</strong> de chaîne <strong>des</strong> renaissances.<br />
Le Dharma en <strong>Chine</strong>.<br />
<strong>La</strong> tradition veut que l'empereur Han Mingdi (r. 57-7) ait eu <strong>la</strong> prémonition de <strong>la</strong> venue du bouddhisme en rêvant d'un personnage<br />
vo<strong>la</strong>nt <strong>et</strong> doré. Le règne de Mingdi correspond aux plus anciens témoignages de missionnaires bouddhistes arrivés par les routes de<br />
commerce reliant le Nord-Ouest de l'Inde, l'Asie centrale <strong>et</strong> <strong>la</strong> <strong>Chine</strong>. <strong>La</strong> chute <strong>des</strong> Han en 220 se traduisit par 3 siècles d'instabilité<br />
pendant lesquels le bouddhisme s'imposa comme religion de salut <strong>et</strong> commença à développer <strong>des</strong> formes propres à <strong>la</strong> culture chinoise.<br />
A c<strong>et</strong>te époque, le Nord de <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> fut dominé par <strong>des</strong> peuples d'Asie centrale qui employèrent <strong>des</strong> moines bouddhistes comme<br />
praticiens <strong>des</strong> rites <strong>et</strong> comme conseillers politiques. Dans le Sud, les moines se mêlèrent à l'élite chinoise cultivée qui avait fui les<br />
invasions. En dépit de persécutions occasionnelles, le bouddhisme imprégna toutes les couches de <strong>la</strong> société chinoise tandis que les<br />
monastères accumulèrent d'immenses richesses ainsi qu'un grand prestige social. <strong>La</strong> <strong>Chine</strong> fut réunifiée sous les Sui (581-618) <strong>et</strong> les Tang<br />
(618-907). Ces deux dynasties offrirent au bouddhisme son âge d'or. Les Sui en firent une religion d'État, exprimant le renouveau de<br />
l'unité idéologique chinoise. Les empereurs Tang se disaient <strong>des</strong>cendants de <strong>La</strong>ozi, le grand sage taoïste mais ils protégèrent le<br />
bouddhisme tout en faisant valoir un droit de regard impérial sur les monastères <strong>et</strong> l'ordination.<br />
Confucianistes <strong>et</strong> taoïstes s'entendaient généralement pour accuser les moines bouddhistes de parasitisme <strong>et</strong> d'attitu<strong>des</strong><br />
antisociales contraires à <strong>la</strong> piété filiale. Les bouddhistes rétorquaient que les moines observaient une forme supérieure de piété filiale <strong>et</strong><br />
contribuaient au salut de l'empire par leurs prières en faveur de <strong>la</strong> famille impériale, de l'État <strong>et</strong> <strong>des</strong> ancêtres. Le conte popu<strong>la</strong>ire<br />
bouddhique qui eut beaucoup de succès venait renforcer c<strong>et</strong>te prétention : celui de Mulian qui, suivant les instructions du Bouddha, gagna<br />
suffisamment de mérites par <strong>la</strong> prière <strong>et</strong> les offran<strong>des</strong> pour sauver de l'enfer sa mère <strong>et</strong> d'autres âmes.<br />
En 845 un décr<strong>et</strong> impérial ordonnant <strong>la</strong> <strong>des</strong>truction de plus de 40 000 bâtiments religieux <strong>et</strong> le r<strong>et</strong>our forcé à l'état de 260 500<br />
moines <strong>et</strong> nonnes. Bien qu'éphémère, c<strong>et</strong>te persécution eut pour résultat <strong>la</strong> disparition de plusieurs écoles bouddhiques chinoises; <strong>et</strong>, si le<br />
bouddhisme s'en remit, il ne r<strong>et</strong>rouva jamais sa puissance ni son rôle d'antan.
Les sentiers de l'éveil.<br />
Les premières écoles bouddhiques chinoises étaient soit importées sans altération, soit soucieuses de m<strong>et</strong>tre en évidence <strong>des</strong><br />
similitu<strong>des</strong> entre le bouddhisme <strong>et</strong> <strong>la</strong> pensée autochtone. Les écoles qui ont duré sont celles qui ont su adapter <strong>et</strong> altérer <strong>la</strong> religion<br />
étrangère pour l'insérer <strong>dans</strong> le contexte chinois. Cependant les bouddhistes chinois s'attachaient particulièrement à montrer que <strong>la</strong><br />
transmission du Dharma (de l'enseignement bouddhique) demeurait intacte nonobstant <strong>la</strong> distance entre le Bouddha <strong>et</strong> les patriarches<br />
chinois; on insistait donc beaucoup sur les lignées de maîtres. Tel qu'il est arrivé en <strong>Chine</strong>, le bouddhisme représentait déjà une tradition<br />
culturelle riche <strong>et</strong> bien établie, qui avait produit une infinité de commentaires souvent contradictoires. Les écoles se spécialisaient<br />
généralement <strong>dans</strong> l'étude <strong>et</strong> l'interprétation d'un certain texte ou ensemble de textes. Les moines pouvaient étudier avec différents maîtres<br />
<strong>et</strong> donc apparaître <strong>dans</strong> plusieurs lignées d'enseignement. Du reste, <strong>des</strong> adeptes d'écoles différentes pouvaient cohabiter <strong>dans</strong> un même<br />
monastère. Les distinctions n'avaient de sens qu'au sein du clergé <strong>et</strong> n'avaient ni intérêt ni importance pour le Chinois moyen.<br />
Les premières écoles chinoises changèrent peu de chose au bouddhisme indien. Les deux principales, celles <strong>des</strong> Trois Traités <strong>et</strong><br />
du Pur Esprit, furent fondées respectivement par Kumarajiva (344413) <strong>et</strong> par Xuanzang (602-664), traducteurs de textes indiens. Toutes<br />
deux s'adonnaient aux discussions philosophiques, ce qui heurtait le goût <strong>des</strong> Chinois pour <strong>la</strong> synthèse <strong>des</strong> contraires, <strong>et</strong> leur conviction<br />
qu'une personne bien élevée ne discute pas. C'est peut-être pour ce<strong>la</strong> que ni l'une ni l'autre ne survécut aux persécutions Tang de 845.<br />
Pour l'école <strong>des</strong> Trois Traités il n'y a pas de différence entre l'être <strong>et</strong> le non-être. Il n'existe que le vide.<br />
L'école du Pur Esprit, soutenait que les choses n'existent que <strong>dans</strong> l'esprit de celui qui les perçoit.<br />
Les deux plus durables, l'école Chan <strong>et</strong> celle de <strong>la</strong> Terre Pure, s'adaptèrent presque entièrement à <strong>la</strong> sensibilité chinoise, en créant <strong>des</strong><br />
formes particulières de bouddhisme. L'école de <strong>la</strong> Terre Pure se fondait sur le vœu du bouddha Amitabha d'user du mérite acquis par ses<br />
perfections pour assurer le salut de ceux qui l'invoqueraient, en les faisant renaître <strong>dans</strong> son royaume de <strong>la</strong> Terre Pure (le paradis<br />
occidental). Le croyant trouvait là un moyen commode d'atteindre le salut sans peine. <strong>La</strong> Terre pure n'était pas le nirvana mais un lieu de<br />
beauté <strong>et</strong> de bénédiction, au delà du samsara, où l'on expliquait <strong>la</strong> loi bouddhique, perm<strong>et</strong>tant au fidèle d'accéder au nirvana.<br />
Les Ecritures.<br />
Le corpus <strong>des</strong> écritures bouddhiques n'est pas fixé. Cependant les bouddhistes adm<strong>et</strong>tent que le noyau de <strong>la</strong> doctrine se trouve<br />
<strong>dans</strong> le Tripitaka (les Trois Corbeilles), qui contient les plus anciens textes en <strong>la</strong>ngue indienne. Ses trois parties se composent de sutras<br />
(discours du Bouddha), d'écrits concernant <strong>la</strong> discipline monastique <strong>et</strong> de commentaires sco<strong>la</strong>stiques. Les écritures qui ont exercé le plus<br />
d'influence en <strong>Chine</strong> sont celles qui reflétaient le mieux les préoccupations <strong>des</strong> Chinois. Le Vima<strong>la</strong>kirti Sutra considère le <strong>la</strong>ïc dévot<br />
comme l'être le plus apte à atteindre l'éveil. Ce<strong>la</strong> concordait avec <strong>la</strong> conception chinoise de <strong>la</strong> famille, <strong>la</strong> piété filiale s'opposant à ce que<br />
l'on quitte sa maison. Mais <strong>la</strong> majorité était attirée par les textes de dévotion popu<strong>la</strong>ire comme <strong>la</strong> <strong>des</strong>criptions de <strong>la</strong> Terre Pure d'Amitabha.<br />
Les Montagnes Sacrées.<br />
Les montagnes sacrées constituent l'essentiel du<br />
paysage religieux chinois <strong>et</strong> certaines sont <strong>des</strong> lieux de pèlerinage<br />
pour les bouddhistes. Quatre d'entre elles, associées chacune à un<br />
bodhisattva, jouaient un grand rôle à c<strong>et</strong> égard.<br />
• Wutai <strong>dans</strong> le Nord consacré à Manjushri (Wenshu)<br />
• Jiuhua <strong>dans</strong> le Sud consacré à Kshitigarbha (Dizang<br />
• Emei <strong>dans</strong> l'Ouest consacré à Samanttabhadra (Puxian<br />
• Putuo <strong>dans</strong> l'Est consacré à Avalokiteshvara (Guanyin).<br />
Les pèlerins les vénéraient <strong>dans</strong> les divers monastères<br />
érigés en leur honneur. Des quatre, c'est le mont Wutai qui a<br />
l'histoire <strong>la</strong> plus riche. Au VI siècle, il comptait plus de 200<br />
monastères, <strong>et</strong> <strong>des</strong> visiteurs japonais du IX siècle les décrivent<br />
emplis de pèlerins.<br />
Le bâtiment le plus célèbre y est <strong>la</strong> salle Nanchansi,<br />
construite aux VII <strong>et</strong> VIII siècles : c'est le plus ancien édifice de<br />
bois qui subsiste en <strong>Chine</strong>. Voué au culte de Manjushri,<br />
bodhisattva porté en haute estime par le bouddhisme tant tibétain<br />
que chinois, le mont Wutai a peut-être été le lieu de pèlerinage le<br />
plus fréquenté d'Asie en dehors de l'Inde.<br />
Dévotions <strong>et</strong> monastères.<br />
<strong>La</strong> vie de renoncement monastique est au cœur <strong>des</strong> enseignements<br />
bouddhiques. En <strong>Chine</strong>, les monastères bien établis étaient plus acceptables<br />
que <strong>la</strong> tradition indienne <strong>des</strong> saints hommes errants <strong>et</strong> mendiants. <strong>La</strong> survie de<br />
<strong>la</strong> communauté monastique était assurée par <strong>des</strong> domaines agricoles que<br />
travail<strong>la</strong>ient <strong>des</strong> paysans ou <strong>des</strong> membres de <strong>la</strong> communauté elle-même. On en<br />
construisait en l'honneur de figures marquantes (grands maîtres ou créatures<br />
célestes en rapport avec <strong>la</strong> région). Leur multiplication illustre <strong>la</strong> rapidité de<br />
l'expansion du bouddhisme. Pendant <strong>la</strong> période de division, ils servirent de<br />
refuge face aux guerres <strong>et</strong> aux troubles sociaux. A <strong>la</strong> fin du V siècle de notre<br />
ère <strong>dans</strong> le Nord, le seul royaume Wei en possédait plus de 30 000.<br />
Après <strong>la</strong> réunification, sous les Tang, les monastères étaient de<br />
gran<strong>des</strong> propriétés terriennes qui développaient <strong>des</strong> entreprises commerciales<br />
<strong>et</strong> d'autres activités <strong>et</strong> jouèrent un rôle important <strong>dans</strong> l'économie chinoise. Les<br />
contributions <strong>des</strong> <strong>la</strong>ïcs dévots leur perm<strong>et</strong>taient souvent d'acquérir <strong>des</strong> biens<br />
considérables. Ils prêtaient à intérêt de l'argent <strong>et</strong> du grain, ils louaient <strong>des</strong><br />
moulins <strong>et</strong> <strong>des</strong> pressoirs à huile aux fermiers <strong>et</strong> ils géraient <strong>des</strong> établissements<br />
de bains <strong>et</strong> <strong>des</strong> hôtelleries pour les voyageurs. Pourtant, à c<strong>et</strong>te même époque,<br />
les institutions bouddhistes passèrent sous <strong>la</strong> tutelle impériale, à <strong>la</strong>quelle elles<br />
ne devaient plus échapper; il n'empêche qu'elles devinrent très riches <strong>et</strong><br />
qu'elles bâtirent souvent <strong>des</strong> édifices somptueux <strong>et</strong> imposants.<br />
<strong>La</strong> vie était réglée par le Vinaya-Pitaka, ou corbeille de <strong>la</strong> discipline, guide monastique du bouddhisme, qui comportait <strong>des</strong><br />
modifications locales. Un supérieur élu par les moines <strong>et</strong> les nonnes mais approuvé par l'État dirigeait <strong>la</strong> communauté. Les novices<br />
étudiaient auprès d'un maître <strong>et</strong>, une fois formés, prononçaient leurs vœux. Parmi les diverses écoles, ce fut le bouddhisme chan qui créa<br />
les formes les plus originales de vie communautaire. Dès le VII siècle, les moines chan avaient fondé <strong>la</strong> vie monastique sur <strong>la</strong> méditation<br />
en commun, le travail manuel, les groupes de discussion <strong>et</strong> les entr<strong>et</strong>iens privés avec le supérieur.<br />
10
L'harmonie du Ciel <strong>et</strong> de <strong>la</strong> Terre.<br />
Dès les temps anciens, les chinois ont c<strong>la</strong>ssé le monde en plusieurs catégories. Ainsi, l'univers constitue une triade (Ciel, Terre, Homme)<br />
<strong>et</strong> <strong>la</strong> matière se compose de cinq éléments. Toutefois ces catégories ne sont pas considérées comme exclusives l'une de l'autre mais<br />
comme se chevauchant <strong>et</strong> s'interpénétrant : <strong>la</strong> vision traditionnelle du monde appréhende <strong>la</strong> réalité comme changeante <strong>et</strong> en évolution.<br />
<strong>La</strong> voie Royale.<br />
Dong Zhongshu (179-104 avant JC) a été quelque<br />
temps le ministre le plus influent de l'empereur Wudi (r. 141-87<br />
avant JC), de <strong>la</strong> dynastie Han. Dong a contribué à l'instauration<br />
du confucianisme en tant qu'orthodoxie d'État.<br />
Dans un essai intitulé Comment <strong>la</strong> Voie du roi unit <strong>la</strong><br />
Triade, il considère que le caractère "roi" donne un fondement<br />
étymologique à <strong>la</strong> manière dont le souverain unit le ciel, <strong>la</strong> terre<br />
<strong>et</strong> l'humanité. Ceux qui ont inventé l'écriture, <strong>dans</strong> les temps<br />
anciens, ont tracé trois lignes <strong>et</strong> les ont reliées entre elles par le<br />
milieu pour former le caractère appelé roi. Ces trois lignes sont<br />
le ciel, <strong>la</strong> terre <strong>et</strong> l'humanité, <strong>et</strong> celle qui passe au milieu unifie<br />
les principes de toutes trois.<br />
Le Yin <strong>et</strong> le Yang <strong>et</strong> les 5 éléments.<br />
<strong>La</strong> Grande Triade.<br />
L'un <strong>des</strong> plus anciens récits de l'apparition de <strong>la</strong> culture décrit Fuxi<br />
(l'un <strong>des</strong> trois augustes) mode<strong>la</strong>nt le monde humain sur le monde naturel. C<strong>et</strong>te<br />
même <strong>des</strong>cription expose que le but de Fuxi était de se pénétrer de <strong>la</strong> vertu de<br />
c<strong>la</strong>rté d'esprit <strong>et</strong> de catégoriser les caractéristiques réelles <strong>des</strong> dix mille êtres;<br />
ce<strong>la</strong> signifie que les trois domaines (Ciel, Terre, Homme) peuvent se rejoindre<br />
dès que l'on est capable d'en comprendre l'unité. Nul n'est besoin d'aller très<br />
loin pour mesurer les implications de c<strong>et</strong>te union du ciel, de <strong>la</strong> terre <strong>et</strong> de<br />
l'humanité (<strong>la</strong> grande triade) <strong>dans</strong> l'ensemble du champ culturel chinois.<br />
Un peu plus de 500 ans avant <strong>la</strong> naissance de Confucius, une<br />
conjonction spectacu<strong>la</strong>ire <strong>des</strong> cinq p<strong>la</strong>nètes visibles (Mercure, Vénus, Mars,<br />
Jupiter <strong>et</strong> Saturne) fut interprétée comme le signal de l'avènement d'une<br />
nouvelle dynastie; <strong>la</strong> prédiction s'accomplit lorsque les Zhou renversèrent les<br />
Shang. Semb<strong>la</strong>bles événements ont été signalés, tout au long de l'histoire<br />
chinoise, <strong>dans</strong> les annales dynastiques.<br />
Dans les temps anciens, un ministre nommé Gong Gong tenta de<br />
détrôner le souverain légitime mais échoua. De colère, Gong Gong frappa<br />
l'une <strong>des</strong> quatre montagnes qui maintiennent séparés le ciel <strong>et</strong> <strong>la</strong> terre. Elle<br />
s'écrou<strong>la</strong> <strong>et</strong> le ciel s'affaissa vers le nord-ouest tandis que <strong>la</strong> terre s'affaissait<br />
vers le sud-est. Ce<strong>la</strong> explique que le soleil, <strong>la</strong> lune <strong>et</strong> les étoiles se dép<strong>la</strong>cent<br />
d'est en ouest <strong>et</strong> que les fleuves de <strong>Chine</strong> coulent d'ouest en est.<br />
Les notions du yin <strong>et</strong> du yang (symbolisé par un Dragon bleu <strong>et</strong> un Tigre b<strong>la</strong>nc), aspects opposés mais nécessairement coexistants<br />
de tous les êtres, signifiaient à l'origine ombragé <strong>et</strong> ensoleillé mais l'usage philosophique en a étendu le sens à une infinité d'oppositions<br />
(obscur <strong>et</strong> c<strong>la</strong>ir, humide <strong>et</strong> sec, femelle <strong>et</strong> mâle, mort <strong>et</strong> vivant) mais non nécessairement mauvais <strong>et</strong> bon. Le dragon bleu, une constel<strong>la</strong>tion<br />
visible à partir de mars, a donc été associé au printemps <strong>et</strong> à l'est. Le tigre, par contraste, l'était à l'automne <strong>et</strong> à l'ouest. Puis, un oiseau<br />
rouge <strong>et</strong> une tortue noire, ont été associés l'un à l'été <strong>et</strong> au sud, l'autre à l'hiver <strong>et</strong> au nord.<br />
Vers l'époque où les notions de yin <strong>et</strong> de yang commençaient à s'étendre à tous les êtres, une évolution marque plus encore <strong>la</strong><br />
vision chinoise du monde. L'ancienne catégorisation en quatre parties (dragon bleu, tigre b<strong>la</strong>nc, oiseau rouge <strong>et</strong> tortue noire; est, ouest,<br />
sud, nord...) se transforma, au début du 3 ème siècle avant JC en un vaste schéma divisant toute chose en cinq parties. C<strong>et</strong>te transformation<br />
est probablement due à l'adjonction du concept de centre aux quatre points cardinaux mais son expression habituelle est devenue<br />
l'énumération de cinq éléments ou phases (wu xing) : bois, feu, terre, métal <strong>et</strong> eau. Conçus non pas comme <strong>des</strong> substances inertes mais<br />
comme <strong>des</strong> formes d'énergie, ces éléments étaient, pensait-on, constitutifs de toute matière. Avec le temps, on a fini par catégoriser tous<br />
les aspects de <strong>la</strong> vie par rapport à l'un ou l'autre <strong>des</strong> cinq éléments.<br />
Table de correspondance <strong>des</strong> 5 éléments.<br />
Bois Feu Terre Métal Eau<br />
Symbole Dragon Bleu Oiseau Rouge Tigre B<strong>la</strong>nc<br />
Saison printemps été Automne<br />
Direction est sud centre ouest<br />
Goûts aigre amer doux âcre<br />
Odeurs de bouc de brûlé parfumée fétide<br />
Tortue Noire 8 7 5 9 6<br />
hiver Jupiter Mars Saturne Vénus Mercure<br />
nord vent chaleur tonnerre froid pluie<br />
salé vert rouge jaune b<strong>la</strong>nc noir<br />
de pourri poisson oiseau homme mammifères insecte<br />
Graine froment haricots mill<strong>et</strong> chanvre mill<strong>et</strong><br />
Viscères rate poumons coeur rein gauche rein droit<br />
Corps muscle veines chair peau, cheveux foie<br />
Organe yeux <strong>la</strong>ngue bouche nez oreilles<br />
Emotion colère joie désir peine crainte<br />
11<br />
Le taiji, symbole du grand commencement originel,<br />
représente les forces opposées mais complémentaires<br />
du yin <strong>et</strong> du yang. Elles s'interpénètrent <strong>et</strong> chacune<br />
contient <strong>la</strong> semence de l'autre.
L'observation du Ciel.<br />
Les plus anciennes conceptions cosmologiques chinoises (attribuées par <strong>la</strong> tradition à Fuxi) sont celles du gai tian, ciel couvrant,<br />
<strong>et</strong> du hun tian, ciel englobant. <strong>La</strong> théorie du gai tian, <strong>la</strong> plus primitive, décrit le ciel comme un hémisphère p<strong>la</strong>nant au-<strong>des</strong>sus d'une terre<br />
carrée <strong>et</strong> tournant comme une meule; <strong>la</strong> terre elle-même est stationnaire <strong>et</strong> flotte sur un abîme liquide <strong>dans</strong> lequel s'écoulent les eaux<br />
terrestres. <strong>La</strong> théorie du hun tian, admise vers 350 avant JC considère le ciel comme une sphère entourant complètement <strong>la</strong> terre.<br />
Si on accordait une grande p<strong>la</strong>ce aux phénomènes qui s'écartaient de <strong>la</strong> norme (qu'on interprétait comme <strong>des</strong> présages),<br />
l'observation habituelle du ciel, c'est-à-dire <strong>la</strong> position <strong>et</strong> les mouvements <strong>des</strong> étoiles (hengsing, astres fixes) <strong>et</strong> <strong>des</strong> p<strong>la</strong>nètes (xingxing,<br />
astres mouvants) n'était pas négligée par les astronomes. <strong>La</strong> voûte céleste est divisée en xiu, groupes stel<strong>la</strong>ires équatoriaux ou maisons<br />
(comme si <strong>la</strong> voûte céleste se composait de sections pareilles à <strong>des</strong> quartiers d'orange). A partir du IV siècle avant JC, on considère qu'il y<br />
a 28 xiu, chacun en re<strong>la</strong>tion avec une étoile particulière. Ce nombre semble inspiré par le mouvement de <strong>la</strong> Lune, <strong>la</strong>quelle s'arrête chaque<br />
nuit du mois lunaire <strong>dans</strong> l'une <strong>des</strong> maisons.<br />
Les 1 er catalogues d'étoiles <strong>et</strong> les 1 ère cartes du ciel, datant probablement du IV ou du III siècle avant JC enregistrent un total de 1<br />
464 étoiles groupées en 284 astérismes ou constel<strong>la</strong>tions, dont les catalogues indiquent le nom, le nombre d'étoiles, <strong>la</strong> position par rapport<br />
aux astérismes voisins <strong>et</strong> <strong>la</strong> mesure de l'étoile principale, en <strong>des</strong> termes que les astronomes occidentaux apparenteraient à l'ascension<br />
droite (longitude céleste) <strong>et</strong> à <strong>la</strong> déclinaison (<strong>la</strong>titude céleste). À partir <strong>des</strong> derniers siècles avant notre ère, <strong>la</strong> tenue <strong>des</strong> archives officielles<br />
étant devenue systématique, les scribes astronomes chinois ont tenu le registre le plus compl<strong>et</strong> de toutes les civilisations concernant les<br />
phénomènes célestes inhabituels, comme les éclipses de lune <strong>et</strong> de soleil, les comètes, les supernovae <strong>et</strong> même les taches so<strong>la</strong>ires.<br />
L'interprétation <strong>des</strong> messages Célestes.<br />
En <strong>Chine</strong> comme en Occident, il n'y avait pas de distinction catégorique entre astronomie <strong>et</strong> astrologie, le mot tian désignant à <strong>la</strong><br />
fois le monde céleste <strong>et</strong> le Ciel, puissance divine capable de dominer le cours <strong>des</strong> événements. Le Ciel, supposait-on, s'exprime par <strong>la</strong> voie<br />
<strong>des</strong> changements qui surviennent sur sa face <strong>et</strong> les chinois ont déployé tous leurs efforts pour tenter d'interpréter ces changements.<br />
Avec un peu d'observation, on a su que l'apparence du ciel est généralement constante; les positions re<strong>la</strong>tives <strong>des</strong> étoiles sont<br />
fixes; le Soleil, <strong>la</strong> Lune <strong>et</strong> les p<strong>la</strong>nètes se dép<strong>la</strong>cent à intervalles réguliers.<br />
Pourtant <strong>des</strong> aberrations existent : les cours du Soleil <strong>et</strong> de <strong>la</strong> Lune peuvent se couper, de sorte que l'un ou l'autre est mangé<br />
(c'est-à-dire éclipsé); les mouvements <strong>des</strong> p<strong>la</strong>nètes les p<strong>la</strong>cent <strong>dans</strong> diverses positions non seulement par rapport aux étoiles mais aussi<br />
entre elles. Il y a <strong>des</strong> comètes <strong>et</strong> <strong>des</strong> météores, dont les astronomes chinois ont consigné <strong>la</strong> nomenc<strong>la</strong>ture <strong>la</strong> plus longue <strong>et</strong> <strong>la</strong> plus complète<br />
du monde. Les étoiles peuvent aussi paraître changer de couleur ou trembler; <strong>des</strong> supernovae peuvent apparaître soudainement. Enfin le<br />
tableau de l'activité céleste comprend <strong>des</strong> réalités plus proches de <strong>la</strong> Terre comme les nuages, <strong>la</strong> pluie, le tonnerre, les éc<strong>la</strong>irs, l'arc-en-ciel<br />
<strong>et</strong> d'autres phénomènes atmosphériques: <strong>la</strong> météorologie, pas plus que l'astronomie ni l'astrologie, n'existait en tant que discipline séparée.<br />
Les apparitions célestes exceptionnelles étaient mises en corré<strong>la</strong>tion avec <strong>des</strong> événements terrestres également exceptionnels. On<br />
voyait <strong>des</strong> prodiges <strong>dans</strong> le ciel lors de grands bouleversements politiques tels que <strong>la</strong> chute d'une dynastie.<br />
Les livres astrologiques de Mawangdui.<br />
En 1973, les archéologues travail<strong>la</strong>nt sur le site de<br />
Mawangdui, à Changsha (Hunan) découvrirent le tombeau du fils<br />
de Li Cang, un gouverneur local. Ce fils, mort en 168 avant JC<br />
fut enseveli avec une bibliothèque complète, comprenant deux<br />
almanachs astrologiques, les Pronostics <strong>des</strong> cinq p<strong>la</strong>nètes <strong>et</strong><br />
Miscel<strong>la</strong>nées de pronostics astronomiques <strong>et</strong> météorologiques.<br />
Le premier m<strong>et</strong> en re<strong>la</strong>tion les cinq p<strong>la</strong>nètes visibles<br />
avec les cinq éléments <strong>et</strong> comporte <strong>des</strong> prédictions pour chaque<br />
p<strong>la</strong>nète ainsi qu'un registre annuel de leurs positions entre 246 <strong>et</strong><br />
177 avant JC.<br />
Le second illustre divers phénomènes, dont les nuages,<br />
les halos so<strong>la</strong>ire <strong>et</strong> lunaire, les arcs-en-ciel <strong>et</strong> les comètes.<br />
On observait aussi d'autres phénomènes célestes auxquels on<br />
attribuait une signification, <strong>et</strong> on les compi<strong>la</strong>it <strong>dans</strong> <strong>des</strong> registres<br />
systématiques. En 620 de notre ère, deux ans après l'avènement <strong>des</strong> Tang mais<br />
avant l'élimination de tous les autres prétendants. Le 29 novembre, une<br />
météorite atterrit <strong>dans</strong> <strong>la</strong> ville de Luoyang. Les astrologues de <strong>la</strong> cour<br />
expliquèrent à Gaozu, l'empereur Tang, que d'après les précédents faits<br />
observés, <strong>la</strong> chute d'une étoile prédisait <strong>la</strong> mort d'un félon. Luoyang était <strong>la</strong><br />
forteresse d'un rival, Wang Sièhong, <strong>et</strong> <strong>la</strong> prédiction se réalisa en 621 lorsque<br />
les troupes de Gaozu l'assiégèrent <strong>et</strong> tuèrent Wang.<br />
Les manuels chinois de toute sorte, les récits historiques <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />
littérature occulte sont remplis de tels commentaires. Tous ces ouvrages se<br />
fondent sur <strong>la</strong> même croyance : le ciel, <strong>la</strong> terre <strong>et</strong> l'humanité sont unis, <strong>et</strong> ce qui<br />
se produit <strong>dans</strong> l'un de ces domaines a nécessairement un eff<strong>et</strong> sur les autres.<br />
12
L'observation de <strong>la</strong> Terre.<br />
Les plus anciennes références chinoises à <strong>des</strong> notions géographiques se trouvent sur <strong>des</strong> os oracu<strong>la</strong>ires de <strong>la</strong> dynastie Shang qui<br />
mentionnent les quatre quartiers (les quatre points cardinaux). D'autres aspects de <strong>la</strong> réalité terrestre, comme les vents, se présentent aussi<br />
par quatre, <strong>et</strong> il est probable que seule <strong>la</strong> rar<strong>et</strong>é <strong>des</strong> sources écrites empêche d'affirmer que l'on concevait alors le monde entier par<br />
quadripartitions. Toujours est-il que, pendant <strong>la</strong> période <strong>des</strong> Zhou orientaux, un grand effort fut accompli pour décrire <strong>la</strong> terre.<br />
Plusieurs textes, entre les V <strong>et</strong> III siècles avant JC, tentent d'ordonner <strong>la</strong> terre <strong>et</strong> particulièrement ses régions. Le plus important<br />
de ces textes est probablement le Yugong (Hommage de Yu), chapitre du Shujing (Livre <strong>des</strong> origines). C<strong>et</strong>te première œuvre<br />
géographique chinoise divise le territoire en neuf régions, plus ou moins d'après leurs caractéristiques naturelles.<br />
L'adaptation d'un système géographique quadripartite à un système comprenant neuf composantes, les quatre points cardinaux<br />
(nord, est, sud, ouest), les quatre points intermédiaires (nord-est, sud-est, sud-ouest, nord-ouest) <strong>et</strong> le centre, constitue l'une <strong>des</strong><br />
transformations les plus intéressantes de toute l'histoire intellectuelle chinoise. Elle est à <strong>la</strong> base de l'art de gouverner. Ainsi, <strong>la</strong> forme du<br />
Mingtang (salle de <strong>la</strong> Lumière), l'un <strong>des</strong> principaux sites rituels de <strong>la</strong> capitale impériale était en croix, avec quatre pièces extérieures<br />
entourant un hall central. Le souverain devait passer d'une pièce à l'autre suivant les saisons <strong>et</strong>, à certains moments prescrits, r<strong>et</strong>ourner au<br />
centre. De c<strong>et</strong>te manière, il ordonnançait à <strong>la</strong> fois l'espace <strong>et</strong> le temps.<br />
<strong>La</strong> plus ancienne référence chinoise à une carte géographique est une inscription sur bronze de l'époque <strong>des</strong> Zhou occidentaux,<br />
qui évoque le roi Kang (r. 1005-978 avant JC) examinant les itinéraires <strong>des</strong> cortèges conduits par deux de ses prédécesseurs. Des<br />
inscriptions gravées plus tard sous <strong>la</strong> même dynastie décrivent différents types de cartes <strong>et</strong> signalent qu'il y avait un cabin<strong>et</strong> <strong>des</strong> cartes au<br />
pa<strong>la</strong>is royal. On ne s'étonnera pas que <strong>des</strong> nécessités pratiques aient sous-tendu le besoin de dresser <strong>des</strong> cartes. En eff<strong>et</strong>, certaines <strong>des</strong> plus<br />
anciennes que l'on ait découvertes en <strong>Chine</strong> relèvent certainement d'un usage militaire <strong>et</strong>, plus tard, ce sont les traités qui mentionnent le<br />
plus fréquemment <strong>des</strong> cartes.<br />
Le Calendrier.<br />
L'une <strong>des</strong> premières responsabilités de toute nouvelle dynastie était de fixer le calendrier. Si on avait permis au temps de se<br />
désordonner, les conséquences auraient été catastrophiques. Déjà, les devins de <strong>la</strong> dynastie Shang prenaient grand soin d'indiquer sur les<br />
os oracu<strong>la</strong>ires le jour, souvent le mois <strong>et</strong> parfois même l'année où ils avaient accompli une divination.<br />
L'unité de base en était le jour, probablement compté de minuit à minuit. Le dénombrement <strong>des</strong> jours suivait un cycle de 60, que<br />
l'on obtenait en combinant un ensemble de 10 tiangan (tiges célestes) avec un autre de 12 dizhi (branches terrestres). Théoriquement, ce<strong>la</strong><br />
devait donner 120 jours différents, mais on n'en r<strong>et</strong>enait en pratique que 60. (Ce même cycle de 60 unités fut utilisé plus tard pour les<br />
années). Apparemment, les dix tiangan proviennent <strong>des</strong> dix soleils qui, selon <strong>la</strong> mythologie chinoise, se re<strong>la</strong>yaient pour traverser le ciel<br />
diurne d'est en ouest. Lorsque l'un d'eux était <strong>dans</strong> le ciel, celui qui avait terminé son passage r<strong>et</strong>ournait vers l'est en nageant <strong>dans</strong> les eaux<br />
abyssales, sous <strong>la</strong> terre, jusqu'à l'arbre de Fusang, au-delà de l'horizon oriental, où les huit autres soleils attendaient leur tour. Les douze<br />
dizhi correspondent aux douze lunes qui paraissent normalement en un an ; d'ailleurs, les mêmes désignations furent couramment utilisées<br />
par <strong>la</strong> suite pour dénombrer les mois de l'année.<br />
Les almanachs.<br />
Les almanachs, ou rishu (livres journaliers), sont<br />
devenus une caractéristique majeure de <strong>la</strong> vie quotidienne<br />
chinoise. Ils ont été parmi les premiers livres imprimés. Jusqu'à<br />
ce jour, ils sont restés presque certainement le genre d'ouvrages le<br />
plus distribué en <strong>Chine</strong>. Ils indiquèrent par exemple, à quels<br />
résultats pouvaient conduire <strong>des</strong> activités pratiquées tel jour<br />
plutôt que tel autre<br />
D'anciens almanachs ont été découverts <strong>dans</strong> <strong>des</strong><br />
tombes, partout <strong>dans</strong> le pays. Le plus antique, trouvé en 1942 à<br />
Changsha, date d'environ 300 avant JC. D'autre part, divers textes<br />
anciens décrivent les activités de devins qui disaient quels jours<br />
seraient fastes ou néfastes.<br />
A titre d'exemple, voici une citation de <strong>la</strong> section<br />
Habillement d'un almanach du III siècle avant JC trouvé à<br />
Shuihudi (province du Hubei). Si vous taillez <strong>des</strong> vêtements<br />
pendant le dingchou [14 ème jour du cycle chinois de 60], ils<br />
séduiront les autres; pendant le dinghai [24], ils p<strong>la</strong>iront aux<br />
esprits; pendant le dingsi [54], ils seront confortables; <strong>et</strong> pendant<br />
le guiyou [10], il y aura beaucoup de pièces. Ne portez pas de<br />
vêtements neufs pendant le jiwei [56 ème jour] du 9' mois, <strong>et</strong> si l'on<br />
se couvre les mains [ce jour-là], on mourra certainement.<br />
Le cycle de 60 jours était divisé en 6 déca<strong>des</strong> (10 jours). Bien qu'en<br />
<strong>des</strong> temps récents il y ait eu aussi <strong>des</strong> semaines de 7 ou 8 jours liées aux<br />
phases de <strong>la</strong> lune, elles n'ont jamais remp<strong>la</strong>cé les déca<strong>des</strong>. Toutefois, le mois<br />
était lunaire (du reste, le mot yue, signifie lune <strong>et</strong> mois). On faisait alterner les<br />
mois longs de 30 jours avec les mois courts de 29 jours pour approcher <strong>la</strong><br />
période moyenne de 29,53 jours qui constitue une lunaison.<br />
Puisque ce<strong>la</strong> donnait une année de 354 jours, il fal<strong>la</strong>it, à peu près tous<br />
les trois ans, ajouter un mois supplémentaire pour rem<strong>et</strong>tre l'année lunaire en<br />
coïncidence avec l'année so<strong>la</strong>ire. C'est pourquoi le Nouvel An chinois fluctue<br />
entre <strong>la</strong> fin janvier <strong>et</strong> <strong>la</strong> fin février du calendrier occidental.<br />
Même si le mécanisme du calendrier chinois est re<strong>la</strong>tivement simple,<br />
on ne saurait assez insister sur l'importance du temps pour <strong>la</strong> vision du monde<br />
traditionnelle en <strong>Chine</strong>. Sous les Shang, on donnait aux ancêtres <strong>des</strong> noms<br />
posthumes en rapport avec les jours auxquels ils recevaient <strong>des</strong> sacrifices. A <strong>la</strong><br />
même époque, il semble qu'il y eût déjà <strong>des</strong> jours considérés comme fastes ou<br />
néfastes; ce<strong>la</strong> expliquerait que l'on ne donnait jamais aux ancêtres les noms de<br />
certains jours, mais aussi que <strong>des</strong> activités comme <strong>la</strong> chasse n'avaient lieu<br />
qu'en <strong>des</strong> jours bien déterminés. Plus tard.<br />
13
Le Fengshui.<br />
Le fengshui, littéralement le vent <strong>et</strong> l'eau, est un art qui vise à<br />
interpréter les aspects de <strong>la</strong> terre <strong>dans</strong> le but de choisir un site favorable pour<br />
y établir un foyer. Le site idéal, ou caverne du dragon, devait être un lieu<br />
abrité par <strong>des</strong> montagnes sur trois côtés, s'ouvrant au sud, avec à l'avant un<br />
cours d'eau cou<strong>la</strong>nt doucement. Le fengshui n'est qu'une manifestation de plus<br />
de l'unité du ciel, de <strong>la</strong> terre <strong>et</strong> de l'humanité.<br />
Il est vraisemb<strong>la</strong>ble que <strong>des</strong> considérations géomantiques aient<br />
contribué à <strong>la</strong> localisation à Anyang de <strong>la</strong> dernière capitale Shang, ou du<br />
moins <strong>des</strong> tombeaux royaux. <strong>La</strong> partition <strong>des</strong> tombes en deux groupes, suivant<br />
un axe est-ouest, reflète peut-être <strong>des</strong> distinctions sociales entre les rois,<br />
lesquelles n'ont rien à voir avec <strong>la</strong> géomancie, mais leur orientation nord-sud<br />
indique un grand souci de leur instal<strong>la</strong>tion : elles sont toutes orientées vers le<br />
nord vrai (astronomique), à six degrés à l'est du nord magnétique.<br />
Le Yijing, ou Livre <strong>des</strong> Mutations.<br />
Le Yijing est un traité unique en son genre dont <strong>la</strong><br />
finalité est de décrire les états du monde <strong>et</strong> leurs évolutions. Il est<br />
le premier <strong>des</strong> cinq c<strong>la</strong>ssiques <strong>et</strong> donc considéré comme le plus<br />
ancien texte chinois. Partant d'une opposition / complémentarité<br />
entre les principes Yīn <strong>et</strong> Yang <strong>et</strong> subdivisant c<strong>et</strong>te dualité de<br />
façon systématique, le Yi Jing arrive à <strong>la</strong> série <strong>des</strong> 64 états <strong>et</strong> de<br />
toutes les transformations possibles entre eux.<br />
Il est axé sur 8 trigrammes <strong>et</strong> 64 hexagrammes. Un<br />
trigramme est un symbole consistant en 3 lignes continues ou<br />
brisées obtenue en comptant par tirage au sort <strong>des</strong> tiges d'achillée<br />
(une p<strong>la</strong>nte aux longues tiges souples). Un hexagramme est <strong>la</strong><br />
combinaison de 2 trigrammes.<br />
14<br />
Le Dragon <strong>et</strong> les écoles de Fengshui.<br />
C'est à partir du début de <strong>la</strong> dynastie Song qu'on peut<br />
discerner quelques unes <strong>des</strong> théories qui sous tendent <strong>la</strong><br />
géomancie chinoise À l'époque, deux écoles apparaissent :<br />
• L'école du Compas (école <strong>des</strong> Directions <strong>et</strong> Positions) qui<br />
s'intéresse au compas de géomancie.<br />
• L'école de <strong>la</strong> Forme (école <strong>des</strong> Formes <strong>et</strong> Configurations) se<br />
disait plus concernés par les forces vitales inhérentes à <strong>la</strong> terre<br />
elle-même. Elle examine le paysage (les formes <strong>des</strong> collines <strong>et</strong><br />
<strong>des</strong> ruisseaux ...), pour déterminer les courants telluriques qu'on<br />
disait être les veines d'un dragon. Elle recommande de ne pas<br />
obstruer ces veines ni d'entailler <strong>la</strong> terre trop profondément.<br />
En <strong>Chine</strong> méridionale, on cherchait à adapter les<br />
bâtiments au milieu naturel sans le bouleverser. L'architecture<br />
recherchait-elle les courbes plutôt que les angles droits. Dans les<br />
p<strong>la</strong>ines de <strong>Chine</strong> du nord, ces théories étaient moins enracinées.<br />
Avec l'avènement de <strong>la</strong> dynastie Zhou, nous découvrons les premières preuves d'activité urbanistique. Venus de <strong>la</strong> vallée<br />
occidentale de <strong>la</strong> Wei, <strong>dans</strong> l'actuel Shaanxi, les Zhou décidèrent de bâtir une nouvelle capitale, au centre <strong>des</strong> terres nouvellement<br />
conquises. Ayant choisi un site dont on dit qu'il fut révélé en songe au fondateur de <strong>la</strong> dynastie, le roi Wu, ils mandèrent le grand<br />
protecteur Shao Gong Shi pour qu'il examine les lieux, au confluent <strong>des</strong> rivières Luo, Jian <strong>et</strong> Chan, un peu au sud du fleuve Jaune, <strong>dans</strong><br />
l'actuel Henan septentrional. Le Livre <strong>des</strong> origines décrit le grand protecteur traçant les p<strong>la</strong>ns de <strong>la</strong> ville de Luo (aujourd'hui Luoyang) en<br />
accord avec les divinations qu'il y a accomplies. C<strong>et</strong>te référence canonique a fait du grand protecteur le patron <strong>des</strong> géomanciens.<br />
Sous les Han, <strong>la</strong> géomancie devint si popu<strong>la</strong>ire que le célèbre sceptique Wang Chong (27-v. 97), qui <strong>la</strong> critiqua, adm<strong>et</strong> qu'elle<br />
était une croyance répandue. <strong>La</strong> bibliothèque impériale <strong>des</strong> Han contenait un certain nombre de traités de géomancie connus sous le nom<br />
de kanyu, terme qui signifie le dais du Ciel <strong>et</strong> le char de <strong>la</strong> Terre.<br />
De c<strong>et</strong>te même période datent plusieurs exemp<strong>la</strong>ires de ce qu'on appelle un shipan, une p<strong>la</strong>nche divinatoire, divisée en deux<br />
parties. Un carré fixe, <strong>dans</strong> le bas, représentant <strong>la</strong> Terre, <strong>et</strong> un cercle mobile, <strong>dans</strong> le haut, portant <strong>des</strong> notations astronomiques. Il semble<br />
que c<strong>et</strong>te p<strong>la</strong>nche ait été utilisée plutôt par les astrologues que par les géomanciens mais elle préfigure c<strong>la</strong>irement le compas géomantique<br />
ultérieur (luopan), un instrument possédant en son centre une aiguille magnétique, entourée de trois anneaux concentriques portant<br />
diverses indications astronomiques, calendaires <strong>et</strong> spatiales. Ces indications comprenaient les 28 xiu lunaires, les 5 éléments <strong>et</strong> le Yijing.<br />
<strong>La</strong> Divination.<br />
<strong>La</strong> divination est <strong>la</strong> tentative d'interprétation <strong>des</strong> présages en vue de<br />
prédire l'avenir. Dans <strong>la</strong> bibliothèque impériale <strong>des</strong> Han, les ouvrages de<br />
divination sont c<strong>la</strong>ssés en 6 rubriques : Astronomie, Astrologie, Calendriers,<br />
Les Cinq Éléments, Achillée mille-feuilles <strong>et</strong> Carapace de tortue, Pronostics<br />
divers <strong>et</strong> Topographie (géomancie ou fengshui). Les divinations par l'achillée<br />
<strong>et</strong> par <strong>la</strong> carapace sont les plus significatives.<br />
En 1899, <strong>des</strong> os de dragon portant <strong>des</strong> caractères gravés, provenant<br />
d'Anyang, commencèrent à apparaître <strong>dans</strong> les pharmacies de Pékin. On<br />
découvrit une forme d'écriture plus ancienne que celle considérée comme le<br />
type d'écriture chinoise le plus primitif. Ces os, <strong>des</strong> écailles de p<strong>la</strong>stron de<br />
tortue <strong>et</strong> <strong>des</strong> omop<strong>la</strong>tes de bovidés, remontaient à plus de 3 000 ans.<br />
Par comparaison avec <strong>des</strong> écritures chinoises plus tardives, on a<br />
identifié plusieurs milliers de caractères sur ces os. On s'aperçut alors qu'elles<br />
consignaient <strong>des</strong> divinations accomplies pour le compte <strong>des</strong> rois Shang. C'est<br />
pourquoi on les appelle communément aujourd'hui <strong>des</strong> os oracu<strong>la</strong>ires.<br />
Ces os portent <strong>des</strong> vestiges de l'acte divinatoire lui-même. On brû<strong>la</strong>it<br />
les os en posant <strong>des</strong>sus <strong>des</strong> récipients contenant <strong>des</strong> braises rouges, ce qui<br />
faisait apparaître <strong>des</strong> craquelures à <strong>la</strong> surface. Les devins du roi interprétaient<br />
ces craquelures puis inscrivaient sur l'os leur divination <strong>et</strong> son résultat. Une<br />
divination par les os oracu<strong>la</strong>ires précédait pratiquement tous les actes du<br />
gouvernement royal. Les gran<strong>des</strong> affaires d'État (sacrifices, y compris<br />
humains, aux ancêtres, guerres, récoltes, <strong>et</strong>c) figurent évidemment en majorité<br />
sur les inscriptions. Mais on y voit aussi divers aspects de <strong>la</strong> vie quotidienne<br />
du roi : par exemple, s'il avait mal aux dents, il cherchait à déterminer quel<br />
ancêtre lui va<strong>la</strong>it ce désagrément.
Trigramme Pinyin Image naturelle Qualités Autres images<br />
Trigrammes<br />
supérieur<br />
→<br />
inférieur ↓<br />
Ciel<br />
Tonnerre<br />
Eau<br />
Montagne<br />
Terre<br />
Vent<br />
Feu<br />
Brume<br />
qián<br />
kūn<br />
zhèn<br />
xùn<br />
lí<br />
kǎn<br />
gèn<br />
duì<br />
le Ciel<br />
天<br />
<strong>La</strong> Terre<br />
地<br />
Le Tonnerre<br />
雷<br />
Le Vent, le Bois<br />
風<br />
Ciel<br />
1<br />
25<br />
6<br />
33<br />
12<br />
44<br />
13<br />
10<br />
Le Feu<br />
火<br />
L'Eau<br />
水<br />
<strong>La</strong> Montagne<br />
山<br />
<strong>La</strong> Brume<br />
澤<br />
Tonnerre<br />
34<br />
51<br />
40<br />
62<br />
16<br />
32<br />
55<br />
54<br />
Créativité, force,<br />
initiative<br />
Disponibilité, adaptabilité,<br />
accueil, don de soi<br />
Impulsion, mise en route,<br />
secousse<br />
Pénétration, soumission,<br />
intériorisation<br />
C<strong>la</strong>rté, lucidité,<br />
vivacité, éc<strong>la</strong>t<br />
Profondeur, endurance,<br />
peur<br />
Rigueur, cohésion,<br />
calme, solidité<br />
Aptitude à l'expression <strong>et</strong> à <strong>la</strong><br />
communication, joie, légèr<strong>et</strong>é<br />
Eau<br />
5<br />
3<br />
29<br />
39<br />
8<br />
48<br />
63<br />
60<br />
Montagne<br />
26<br />
27<br />
4<br />
52<br />
23<br />
18<br />
22<br />
41<br />
Terre<br />
11<br />
24<br />
7<br />
15<br />
2<br />
46<br />
36<br />
19<br />
Le créateur, le cheval (bon, vieux, maigre, sauvage), le père, <strong>la</strong> tête, le rond, le prince, le jade,<br />
le métal, le froid le g<strong>la</strong>ce, le rouge sombre, un fruit...<br />
Le réceptif, <strong>la</strong> vache, <strong>la</strong> mère, le ventre, une étoffe, un chaudron, l'économie, l'égalité, le veau<br />
avec <strong>la</strong> vache, un grand char, <strong>la</strong> multitude, le tronc, le sol noir parmi les autres...<br />
L'éveilleur, le dragon, le fils ainé, le pied, jaune sombre, une grande rue, un roseau ou un<br />
jonc...<br />
Le doux, le coq, <strong>la</strong> fille aînée, les cuisses, le corbeau, le travail, le b<strong>la</strong>nc, le long, le haut,<br />
l'indécis...<br />
Ce qui s'attache, le faisant, le fille cad<strong>et</strong>te, l'œil, le bril<strong>la</strong>nt, <strong>la</strong> cuirasse <strong>et</strong> le casque, <strong>la</strong> <strong>la</strong>nce <strong>et</strong><br />
les armes, <strong>la</strong> sècheresse, <strong>la</strong> tortue, le crabe, l'escargot, l'arbre <strong>des</strong>séché <strong>dans</strong> sa partie haute...<br />
L'insondable, le porc, le fils cad<strong>et</strong>, l'oreille, les fosses, les pièges, l'arc <strong>et</strong> <strong>la</strong> flèche, le sang, le<br />
rouge, <strong>la</strong> lune, le bois ferme avec beaucoup de marques...<br />
L'immobilisation, le chien, <strong>la</strong> main, le 3ème/le plus jeune fils, le chemin détourné, les pierres,<br />
les portes, les fruits, les semences, le bois ferme <strong>et</strong> noueux...<br />
Le joyeux, le mouton, <strong>la</strong> 3ème/<strong>la</strong> plus jeune fille, <strong>la</strong> bouche (& <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue), <strong>la</strong> magicienne,<br />
ecraser briser en morceau, <strong>la</strong> voisine, le sol dur <strong>et</strong> sallé...<br />
Vent<br />
09<br />
42<br />
59<br />
53<br />
20<br />
57<br />
37<br />
61<br />
15<br />
Feu<br />
14<br />
21<br />
64<br />
56<br />
35<br />
50<br />
30<br />
38<br />
Brume<br />
43<br />
17<br />
47<br />
31<br />
45<br />
28<br />
49<br />
58<br />
01.qián. le Ciel<br />
02.kūn. le Réceptif<br />
03.zhūn. <strong>la</strong> Difficulté Initiale<br />
04.mēng. <strong>la</strong> Folie Juvénile<br />
05.xû. l'Attente<br />
06.sòng. le Conflit<br />
07.shī. l'Armée<br />
08.bì. <strong>la</strong> Solidarité, l'Union<br />
09.xiǎo chù. le Pouvoir d'Apprivoisement du P<strong>et</strong>it<br />
10.lǚ. <strong>la</strong> Marche<br />
11.tài. <strong>la</strong> Paix<br />
12.pǐ. <strong>la</strong> Stagnation<br />
13.tóng rén. <strong>la</strong> Communauté avec les hommes<br />
14.dà yǒu. le Grand Avoir<br />
15.qiān. l'Humilité<br />
16.yù. l'Enthousiasme<br />
17.suí. <strong>la</strong> Suite<br />
18.gǔ. le Travail sur ce qui est corrompu<br />
19.lín. l'Approche<br />
20.guān. <strong>la</strong> Contemp<strong>la</strong>tion<br />
21.shì kè. Mordre au travers<br />
22.bì. <strong>la</strong> Grâce<br />
23.bō. l'Éc<strong>la</strong>tement<br />
24.fù. le R<strong>et</strong>our<br />
25.wú wàng. l'Innocence<br />
26.dà chù. le Pouvoir d'Apprivoisement du Grand<br />
27.yí. les Commissures <strong>des</strong> Lèvres<br />
28. dàguò. <strong>la</strong> Prépondérance du Grand<br />
29.kǎn. l'Insondable<br />
30.lí. le Feu<br />
31.xián. l'Influence<br />
32.héng. <strong>la</strong> Durée<br />
33.dùn. <strong>la</strong> R<strong>et</strong>raite<br />
34.dà zhuàng. <strong>la</strong> Puissance du Grand<br />
35.jìn. le Progrès<br />
36.míng yí. l'Obscurcissement de <strong>la</strong> Lumière<br />
37.jiā rén. <strong>la</strong> Famille 38.kuí. l'Opposition<br />
39.jiǎn. l'Obstacle 40.jiě <strong>la</strong>. Libération<br />
41.sǔn. <strong>la</strong> Diminution 42.yì. l'Augmentation<br />
43.guài. <strong>la</strong> Percée<br />
44.gòu. Venir à <strong>la</strong> rencontre<br />
45.cuì. le Rassemblement<br />
46.shēng. <strong>la</strong> Poussée vers le haut<br />
47.kùn. l'Accablement 48.jǐng. le Puits<br />
49.gé. <strong>la</strong> Révolution 50.dǐng. le Chaudron<br />
51.zhèn. l'Ébranlement 52.gèn. <strong>la</strong> Montagne<br />
53.jiàn. le développement 54.guī mèi. l'Épousée<br />
55.fēng. Abondance 56.lǚ. le Voyageur<br />
57. xùn. le Doux 58.duì. le <strong>La</strong>c<br />
59.huàn. <strong>la</strong> Dispersion 60. jié. <strong>la</strong> Limitation<br />
61.zhōng fú. <strong>la</strong> Vérité Intérieure<br />
62.xiǎo guò<strong>la</strong>. Prépondérance du P<strong>et</strong>it<br />
63.jì jì. Après l'Accomplissement<br />
64.wèi jì. Avant l'accomplissement
Le Royaume <strong>des</strong> spectres <strong>et</strong> <strong>des</strong> esprits.<br />
En <strong>Chine</strong>, <strong>la</strong> vie ne finit pas avec <strong>la</strong> mort. Celui qui vécut une vie exemp<strong>la</strong>ire devenait un esprit (Shen) <strong>et</strong> trouvait une p<strong>la</strong>ce au<br />
Ciel tandis que celui qui vécut <strong>dans</strong> <strong>la</strong> honte devenait un spectre, un revenant (Gui), décrits comme celui qui n'a pas de lieu où r<strong>et</strong>ourner.<br />
Généralement, ils n'avaient pas <strong>la</strong> longévité <strong>des</strong> esprits, théoriquement immortels, mais ils n'en semaient pas moins le trouble après <strong>la</strong><br />
disparition de leur corps humain tandis que les vivants faisaient tout ce qu'ils pouvaient pour les influencer.<br />
Un monde peuplé d'esprit.<br />
Les esprits (shen) étaient partout. Le ciel, le plus grand de tous les esprits, était peuplé d'esprits. Chaque étoile avait une identité<br />
<strong>et</strong> un pouvoir. <strong>La</strong> terre regorgeait de spiritualité. Chaque montagne, chaque animal <strong>et</strong> chaque p<strong>la</strong>nte étaient imprégnés d'esprit <strong>et</strong> habités<br />
par <strong>des</strong> esprits. Le tout ayant une p<strong>la</strong>ce <strong>dans</strong> le système religieux chinois. Le domaine humain compte également ses propres esprits, les<br />
individus pouvant eux aussi êtres <strong>des</strong> esprits.<br />
Généralement, pour entrer <strong>dans</strong> le royaume <strong>des</strong> esprits, l'on avait à quitter son enveloppe mortelle. Mais aux époques tardives ont<br />
considéraient que parfois un vivant pouvait s'infiltrer <strong>dans</strong> le monde <strong>des</strong> esprits en visualisant les esprits minuscules qui habitent les<br />
organes <strong>et</strong> les viscères du corps. Des esprits pouvaient aussi résider <strong>dans</strong> le corps humain. Le Huanting jing ou Livre c<strong>la</strong>ssique de <strong>la</strong> salle<br />
jaune, l'un <strong>des</strong> premiers <strong>et</strong> <strong>des</strong> plus importants textes taoïstes, décrit ces esprits <strong>et</strong> <strong>la</strong> façon dont on peut les apprivoiser au point de<br />
s'échapper entièrement de son enveloppe mortelle. Le livre <strong>dans</strong> son ensemble montre que les esprits corporels forment un microcosme<br />
reproduisant parfaitement le cosmos spirituel.<br />
Avec l'avènement de <strong>la</strong> dynastie <strong>des</strong> Zhou, le Ciel remp<strong>la</strong>ce Shang Di, le grand dieu <strong>des</strong> Shang comme le dieu de tous <strong>et</strong> se fait <strong>la</strong><br />
demeure de tous les autres dieux <strong>et</strong> esprits. Taiyi (le Grand), dieu de <strong>la</strong> guerre sous les Han, était dépeint parfois comme un esprit aux<br />
jambes écartées, parfois comme une <strong>la</strong>nce en raison de son nom (un caractère en forme de <strong>la</strong>nce) <strong>et</strong> de son aspect <strong>dans</strong> le ciel nocturne en<br />
tant que constel<strong>la</strong>tion triangu<strong>la</strong>ire au-<strong>des</strong>sus de <strong>la</strong> Grande Ourse. À mesure que l'on dressait <strong>des</strong> cartes du ciel de plus en plus précises, les<br />
diagrammes du panthéon spirituel devenaient, eux aussi, de plus en plus détaillés: les dernières sources taoïstes citent 36 000 dieux<br />
différents, régis par une hiérarchie compliquée.<br />
Les Âmes Errantes.<br />
Une <strong>des</strong> plus ancienne histoire sur les revenants est celle de Bo You, noble de l'État de Zheng sous <strong>la</strong> dynastie <strong>des</strong> Zhou<br />
orientaux, qui fut tué en 543 avant JC du fait d'une conspiration menée par Si Dai <strong>et</strong> Gongsun Duan. Huit ans plus tard, en 535 avant JC,<br />
Si Dai <strong>et</strong> Gongsun Duan moururent <strong>et</strong> <strong>la</strong> terreur se répandit sur le territoire de Zheng, car le spectre de Bo You était revenu. Le héros de<br />
l'histoire, Zi Chan, mit fin à <strong>la</strong> panique en nommant le fils de Bo You à un poste officiel incluant <strong>la</strong> responsabilité d'honorer <strong>la</strong> tombe de<br />
son père. Pour Zi Chan, Quand les spectres ont un endroit où r<strong>et</strong>ourner, ils ne font pas de mal; je h ai donné un endroit où r<strong>et</strong>ourner.<br />
Zi Chan donne <strong>la</strong> plus ancienne définition de <strong>la</strong> notion chinoise d'âme humaine. Il dit que <strong>la</strong> vie commence, sans doute <strong>dans</strong> le<br />
ventre maternel, par ce qu'il appelle une âme lunaire (po). Puis, à <strong>la</strong> naissance, elle se fond, en aspirant sa première gorgée d'air, ou qi,<br />
avec une âme nuageuse (hun). Convenablement entr<strong>et</strong>enues, ces âmes peuvent devenir fortes <strong>et</strong> même atteindre <strong>la</strong> c<strong>la</strong>rté spirituelle (l'état<br />
d'immortalité). Mais si l'on meurt de mort violente, les deux âmes restent dépendantes du monde extérieur <strong>et</strong>, si l'on n'en prend pas soin, le<br />
défunt pourrait semer le trouble. Plus <strong>la</strong> personne était en vu pendant sa vie, plus elle peut causer de trouble après sa mort.<br />
L'un <strong>des</strong> rites funéraires, <strong>la</strong> convocation de l'esprit nuageux, était accompli avant l'ensevelissement car on pensait que le hun<br />
s'envo<strong>la</strong>it pour r<strong>et</strong>ourner <strong>dans</strong> le ciel. On ne ménageait aucun effort pour l'obliger à r<strong>et</strong>ourner <strong>dans</strong> le corps, afin qu'il ne rôde pas sans but.<br />
Durant le rite, on p<strong>la</strong>çait un bouchon de jade <strong>dans</strong> <strong>la</strong> bouche du cadavre, pour qu'il ne puisse sortir par <strong>la</strong> porte du corps.<br />
Le respect <strong>des</strong> Ancêtres.<br />
<strong>La</strong> mort <strong>et</strong> les funérailles n'épuisaient pas les devoirs <strong>des</strong> vivants envers les morts, qui continuaient à exister <strong>et</strong> à réc<strong>la</strong>mer <strong>des</strong><br />
moyens de subsistance. Une partie de ces moyens était enterrée avec le défunt. Les inscriptions <strong>des</strong> os oracu<strong>la</strong>ires Shang comportent de<br />
nombreuses divinations visant à déterminer quelles offran<strong>des</strong> seraient bien accueillies : buffles, porcs ou même êtres humains. A <strong>la</strong> fin de<br />
<strong>la</strong> dynastie, cinq types d'offrande aux ancêtres royaux s'étaient combinées en un système sacrificiel qui s'étendait sur 360 jours de l'année.<br />
<strong>La</strong> dynastie suivante, celle <strong>des</strong> Zhou, développa un système d'offran<strong>des</strong> aux ancêtres <strong>des</strong>tiné à définir les re<strong>la</strong>tions entre vivants <strong>et</strong><br />
morts jusqu'à <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> société traditionnelle. Alors que, sous les premiers Zhou occidentaux, les récipients d'offrande aux défunts, que<br />
l'on p<strong>la</strong>çait <strong>dans</strong> les tombes, constituaient <strong>des</strong> ensembles assez simples <strong>et</strong> réduits, vers le milieu de <strong>la</strong> dynastie (v. 900 avant JC) on<br />
produisit <strong>des</strong> ensembles plus travaillés, dont le nombre <strong>et</strong> le modèle furent ensuite soumis à réglementation en fonction du rang <strong>des</strong><br />
ancêtres. Les vases devinrent si somptueux que <strong>des</strong> "lois somptuaires" limitèrent les dépenses autorisées pour l'achat de biens <strong>des</strong>tinés aux<br />
ancêtres. Ainsi, les rois pouvaient recevoir un ensemble de 9 chaudrons <strong>et</strong> 8 tripo<strong>des</strong>, les hauts fonctionnaires, de 5 chaudrons <strong>et</strong> 4 tripo<strong>des</strong><br />
<strong>et</strong> les nobles, de 3 chaudrons <strong>et</strong> 2 tripo<strong>des</strong>.<br />
Vers l'époque de Confucius, les pratiques sociales chinoises commencèrent à se prévaloir de fondements philosophiques, <strong>et</strong> les<br />
devoirs envers les ancêtres ne firent certainement pas exception. Confucius insistait sur le fait que le culte <strong>des</strong> ancêtres devait avoir un<br />
sens <strong>et</strong> ne pas être qu'apparence : les sentiments intérieurs décideraient de son efficacité. Il recommandait aussi une pratique rituelle qui<br />
devait se poursuivre pendant toute l'histoire traditionnelle de <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> : l'obligation pour un fils de porter le deuil de ses parents trois<br />
années durant. Ce deuil de trois ans, au cours duquel on se r<strong>et</strong>irait complètement de <strong>la</strong> vie publique, fut critiqué dès l'Antiquité comme<br />
excessif mais les confucianistes le regardaient comme une nécessité affective.<br />
16
<strong>La</strong> mort <strong>et</strong> les funérailles.<br />
Les attitu<strong>des</strong> envers <strong>la</strong> mort peuvent varier considérablement. Dans une l<strong>et</strong>tre à un ami condamnée à mort, Sima Qian (145-86<br />
avant JC), historiographe <strong>et</strong> astronome de l'empereur, p<strong>la</strong>ide pour sa propre décision d'avoir choisi <strong>la</strong> honte de <strong>la</strong> castration au lieu de<br />
l'honneur du suicide lorsqu'il avait lui-même été condamné quelques années auparavant, parce que certaines morts sont plus lour<strong>des</strong> (de<br />
sens) que le mont Tai alors que d'autres sont plus légères qu'une plume d'oie. D'autre part, le mystique taoïste Zhuangzi pouvait oublier<br />
entièrement <strong>la</strong> mort. Pour lui, <strong>la</strong> mort intervenait de <strong>la</strong> même manière que le changement <strong>des</strong> saisons. Ainsi, alors qu'un ami lui reprochait<br />
de chanter après <strong>la</strong> mort de sa femme, il admit que sa mort l'avait chagriné mais que si il par<strong>la</strong>it de <strong>la</strong> suivre en se <strong>la</strong>mentant <strong>et</strong> en<br />
soupirant, il montrerait qu'il n'avait rien compris à <strong>la</strong> <strong>des</strong>tinée. Peu nombreux sont toutefois ceux qui affrontent <strong>la</strong> mort avec noncha<strong>la</strong>nce.<br />
Le roi Wu Ding (vers 1215-1190 avant JC), de <strong>la</strong> dynastie Shang, avait meublé le tombeau de son épouse favorite, Fu Hao avec un luxe.<br />
<strong>La</strong> tombe contenait plus de 440 bronzes, 590 sculptures de jade <strong>et</strong> près de 7000 coquilles de cauris, sans parler de 16 sacrifices humains.<br />
<strong>La</strong> fréquence <strong>des</strong> profanations de tombes a suscité un : quelle était <strong>la</strong> forme d'ensevelissement <strong>la</strong> plus appropriée ? C<strong>et</strong>te question<br />
était particulièrement vexante pour les adeptes de Confucius, dont un grand nombre semble avoir été <strong>des</strong> entrepreneurs de pompes<br />
funèbres. Si l'on adm<strong>et</strong> que <strong>la</strong> réaction affective à <strong>la</strong> mort d'un être cher peut être profonde <strong>et</strong> sincère, alors il est sentimentalement<br />
insoutenable de simplement j<strong>et</strong>er le cadavre <strong>dans</strong> un trou. Il était du devoir d'un fils pieux d'ensevelir le mort correctement : <strong>la</strong> fosse devait<br />
être assez profonde pour que les animaux ne puissent déterrer le cadavre, mais pas au point que les eaux souterraines envahissent <strong>la</strong><br />
tombe. D'autre part, meubler un tombeau trop richement pouvait constituer une invitation aux pil<strong>la</strong>rds.<br />
À mesure que les États grandissent <strong>et</strong> que les familles s'enrichissent,<br />
les funérailles deviennent de plus en plus compliquées. Un bel enterrement<br />
exige qu'une perle soit p<strong>la</strong>cée <strong>dans</strong> <strong>la</strong> bouche du cadavre, qu'un linceul de jade<br />
le couvre comme <strong>des</strong> écailles de poisson; il y faut <strong>des</strong> cordons de soie <strong>et</strong> <strong>des</strong><br />
écrits sur bambou, <strong>des</strong> bibelots <strong>et</strong> <strong>des</strong> trésors, <strong>des</strong> gobel<strong>et</strong>s de bronze, <strong>des</strong><br />
trépieds, <strong>des</strong> vases <strong>et</strong> <strong>des</strong> bassins, dès véhicules attelés, <strong>des</strong> habits <strong>et</strong> <strong>des</strong><br />
couvre-lits, ainsi que <strong>des</strong> hallebar<strong>des</strong> <strong>et</strong> <strong>des</strong> épées. On y ajoute tous les<br />
ustensiles nécessaires à l'entr<strong>et</strong>ien <strong>des</strong> vivants.<br />
Le proj<strong>et</strong> de tombeau de Qin Shihuangdi en faisait un modèle parfait<br />
de l'univers, contenant tous les types d'obj<strong>et</strong>s décrits plus haut mais aussi <strong>des</strong><br />
fleuves <strong>et</strong> <strong>des</strong> mers de mercure, les structures célestes peintes sur les p<strong>la</strong>fonds<br />
<strong>et</strong> <strong>la</strong> configuration <strong>des</strong> terres sur le pavement. <strong>La</strong> superbe armée de terre cuite<br />
(qui remp<strong>la</strong>ce notamment les sacrifices humain) ensevelie près du tombeau ne<br />
constitue qu'une infime partie de l'ensemble du site.<br />
Le cinabre.<br />
Les confucianistes se sont opposés au 1er Empereur <strong>et</strong><br />
ont critiqué son goût pour l'alchimie. Il n'empêche que l'ingestion<br />
d'or <strong>et</strong> de composés auriques semble avoir toujours été <strong>la</strong>rgement<br />
pratiquée durant l'époque Han.<br />
<strong>La</strong> plupart <strong>des</strong> alchimistes Han ont travaillé à partir de<br />
cinabre, souvent avec un résultat fatal. Le cinabre (sulfure de<br />
mercure) est un minerai de couleur rouge intense. Chauffé, il<br />
produit du mercure liquide. En chauffant encore, on combine à<br />
nouveau le mercure <strong>et</strong> le soufre <strong>et</strong> l'on r<strong>et</strong>rouve du cinabre (c<strong>et</strong>te<br />
réaction cyclique a intrigué les alchimistes). En amalgamant le<br />
mercure à d'autres métaux (or <strong>et</strong> plomb), on préparait <strong>des</strong> élixirs.<br />
Le cinabre lui-même n'est pas toxique <strong>et</strong> il conserve<br />
une p<strong>la</strong>ce éminente <strong>dans</strong> <strong>la</strong> médecine chinoise traditionnelle. En<br />
revanche, <strong>la</strong> consommation d'amalgames de mercure, surtout<br />
avec du plomb, peut causer <strong>la</strong> mort. On rapporte que nombre<br />
d'empereurs <strong>et</strong> d'autres aspirants à l'immortalité ont succombé à<br />
leurs pratiques alchimiques.<br />
Il se peut que ce<strong>la</strong> ait contribué au développement<br />
ultérieur de l'alchimie interne mais tous les intéressés ne<br />
considéraient pas nécessairement c<strong>et</strong>te façon de mourir comme<br />
un échec. Des alchimistes l'expliquaient en par<strong>la</strong>nt d'abandon du<br />
corps. On se débarrassait de son enveloppe charnelle pour<br />
perm<strong>et</strong>tre à son âme de s'échapper chez les immortels.<br />
Les techniques de Transmutation.<br />
17<br />
<strong>La</strong> conservation du cadavre.<br />
Les familles de haut rang ont utilisé certains minéraux<br />
afin de conserver le corps intact après <strong>la</strong> mort. Des membres de<br />
l'élite Han ingéraient <strong>des</strong> minéraux pendant leur vie, afin de<br />
garder leur corps en l'état mais peut-être aussi par toxicomanie<br />
(plomb, mercure, cinabre, arsenic).<br />
Une autre technique consistait à remplir de cinabre un<br />
corps afin de ralentir <strong>la</strong> décomposition. On croyait aussi que<br />
certaines pierres possédaient le pouvoir de protéger le corps. Il<br />
semble qu'à c<strong>et</strong> égard on ait accordé une importance particulière<br />
au jade. Le prince Liu Sheng, mort également au II siècle avant<br />
JC, a été inhumé au milieu de plusieurs couches de jade <strong>et</strong> revêtu<br />
d'un magnifique linceul de jade.<br />
Le développement de l'alchimique s'explique par <strong>la</strong> vision du monde<br />
chinoise (où le ciel, <strong>la</strong> terre <strong>et</strong> l'humanité sont en re<strong>la</strong>tion intime) <strong>et</strong> par <strong>la</strong><br />
conception qui fait du corps humain une réplique miniature du macrocosme.<br />
L'alchimie externe (wai dan) est <strong>la</strong> tentative de transformer ce qui est<br />
commun en chose précieuse. Si les 1 ères formes d'alchimie comprennent <strong>des</strong><br />
tentatives de production d'or, l'objectif était de devenir immortel. L'or était<br />
considéré comme l'élément incorruptible de <strong>la</strong> nature <strong>et</strong> l'on pensait que son<br />
ingestion en quantité suffisante rendrait le corps humain incorruptible.<br />
L'alchimie interne (nei dan), partageait c<strong>et</strong>te quête d'immortalité mais<br />
tentait de transmuter uniquement les éléments présents à l'intérieur du corps.<br />
Elle faisait partie intégrante <strong>des</strong> pratiques de méditation <strong>et</strong> était liée aux<br />
théories de <strong>la</strong> médecine traditionnelle.<br />
Le plus ancien traité conservé en <strong>Chine</strong> est le Cantongqi, dont le titre<br />
devrait signifier quelque chose comme Le Composé <strong>des</strong> Trois Communions de<br />
Wei Boyang (II siècle de notre ère). Il n'a jamais été traduit avec succès <strong>et</strong> il se<br />
peut que ce soit impossible parce que ce texte associe complètement théorie <strong>et</strong><br />
pratique, <strong>la</strong> théorie vou<strong>la</strong>nt que les trois champs d'investigation différents<br />
(alchimie interne <strong>et</strong> externe <strong>et</strong> les théories du Yijing) partagent les mêmes<br />
principes <strong>et</strong> communient entre eux. Ce<strong>la</strong> se reflète <strong>dans</strong> le style de c<strong>et</strong>te œuvre,<br />
qui en fait l'une <strong>des</strong> plus énigmatiques de <strong>la</strong> littérature mondiale.<br />
Pendant <strong>la</strong> plus grande partie du XX siècle, l'alchimie, <strong>et</strong> particulièrement l'externe, a été méprisée comme une superstition. En<br />
revanche, après qu'elle eut suscité l'intérêt d'historiens occidentaux de <strong>la</strong> religion <strong>et</strong> de <strong>la</strong> science, elle apparaît maintenant comme un<br />
moment important <strong>des</strong> progrès de <strong>la</strong> méthode scientifique.
Guérisseurs <strong>et</strong> médecins.<br />
<strong>La</strong> pratique médicale a toujours favoriser l'innovation <strong>et</strong> à <strong>la</strong> diversité. Des différences régionales <strong>et</strong> <strong>des</strong> facteurs sociopolitiques<br />
ont exercé une influence sur <strong>la</strong> façon dont certains groupes <strong>et</strong> individus ont construit <strong>et</strong> interprété <strong>la</strong> médecine c<strong>la</strong>ssique. Alors que <strong>la</strong><br />
plupart <strong>des</strong> sources écrites décrivent une profession élitiste <strong>et</strong> masculine, certains textes parlent d'une médecine popu<strong>la</strong>ire <strong>et</strong> féminine.<br />
Nos connaissances sur <strong>la</strong> médecine au temps <strong>des</strong> Royaumes combattants <strong>et</strong> <strong>des</strong> Han proviennent de traités techniques ou<br />
philosophiques anonymes, les auteurs ou compi<strong>la</strong>teurs ayant tendance à attribuer leur ouvrage aux révé<strong>la</strong>tions de maîtres légendaires, de<br />
sages empereurs ou de leurs ministres. Le légendaire Empereur jaune, Huangdi (2697 à 2597 avant JC), est appelé le père de <strong>la</strong> médecine.<br />
L'essentiel de <strong>la</strong> théorie médicale contenue <strong>dans</strong> le C<strong>la</strong>ssique interne de l'Empereur jaune (quatre grands recueils de brefs traités<br />
d'acupuncture <strong>et</strong> de moxibustion, collectivement intitulés le Huangdi Neijing <strong>et</strong> rédigé au tournant de notre ère) s'exprime sous <strong>la</strong> forme<br />
d'un dialogue entre l'empereur <strong>et</strong> son ministre Qibo, spécialiste en acupuncture <strong>et</strong> en d'autres matières<br />
L'expansion rapide du commerce en général <strong>et</strong> de l'imprimerie en particulier, sous <strong>la</strong> dynastie Ming, a conduit à une vulgarisation<br />
de <strong>la</strong> science médicale. Le contact direct entre le maître de médecine <strong>et</strong> son élève est devenu moins important, puisque les textes essentiels<br />
étaient plus <strong>la</strong>rgement distribués. Dans les familles où l'on était médecin de père en fils, les jeunes générations publiaient <strong>et</strong> diffusaient les<br />
écrits <strong>des</strong> précédentes pour divulguer les meilleurs traitements, démontrer <strong>des</strong> points de théorie <strong>et</strong> proposer de nouvelles techniques. Les<br />
<strong>des</strong>criptions de cas, devenues elles aussi du domaine public, nous donnent une idée du rapport entre théorie <strong>et</strong> pratique.<br />
Enfin <strong>la</strong> littérature (surtout les romans Ming <strong>et</strong> Qing) fait apparaître une image haute en couleur de <strong>la</strong> complexité du monde<br />
médical chinois (théorie du yin <strong>et</strong> du yang <strong>et</strong> <strong>des</strong> conceptions magiques avec incantations rituelles, pratiques sexuelles, techniques de<br />
méditation <strong>et</strong> rec<strong>et</strong>tes magistrales à base de toute sorte d'herbes, de substances animales <strong>et</strong> de produits ménagers).<br />
L'art <strong>des</strong> guérisseurs.<br />
Les recherches historiques concernant l'histoire <strong>des</strong> soins médicaux en <strong>Chine</strong> révèlent un ensemble complexe de praticiens<br />
concurrents <strong>et</strong> complémentaires : médecins savants, guérisseurs religieux, sages femmes <strong>et</strong> systèmes thérapeutiques inspirés de cultes<br />
millénaires. Ce sont toutefois les travaux <strong>des</strong> docteurs qui ont <strong>la</strong>issé le plus de traces <strong>et</strong> qui, parfois, ont influencé le développement de <strong>la</strong><br />
théorie médicale chinoise. Certains parmi les plus respectés, comme Sun Simiao (581-682), ont été plus tard déifiés.<br />
Sous les Shang, <strong>la</strong> divination a sans doute servi essentiellement à apaiser un ancêtre grincheux mais, en d'autres temps, les calculs<br />
divinatoires <strong>et</strong> calendaires ont servi à déterminer le cours <strong>et</strong> l'issue d'une ma<strong>la</strong>die. Les praticiens religieux, souvent <strong>des</strong> femmes, menaient<br />
cependant une certaine recherche médicale, en étroite re<strong>la</strong>tion avec leurs accomplissements spirituels. Maîtres en prédiction (dont ils se<br />
servaient aux fins de diagnostic), ils par<strong>la</strong>ient aux dieux en leur donnant leurs titres honorifiques, évoquaient les esprits <strong>et</strong> les âmes <strong>des</strong><br />
ancêtres pour aider à <strong>la</strong> guérison, <strong>et</strong> manipu<strong>la</strong>ient <strong>des</strong> effigies du patient pour le soigner (ou lui nuire).<br />
<strong>La</strong> littérature technique montre que <strong>la</strong> médecine magico religieuse faisait, à une certaine époque, partie intégrante de <strong>la</strong> tradition<br />
médicale <strong>dans</strong> son ensemble. Toutefois, vers <strong>la</strong> moitié du II siècle avant JC, ceux qui pratiquaient une médecine fondée sur <strong>la</strong> philosophie<br />
naturelle ont certainement commencé à se considérer comme les dépositaires d'une doctrine médicale écrite <strong>et</strong> consacrée.<br />
Alors que le développement de <strong>la</strong> pharmacologie a longtemps été le fait de l'alchimie taoïste, après le I siècle de notre ère, avec <strong>la</strong><br />
venue du bouddhisme, <strong>des</strong> moines se sont mis à prescrire <strong>des</strong> remè<strong>des</strong> <strong>et</strong> <strong>des</strong> régimes diététiques, <strong>des</strong> procédures de méditation <strong>et</strong> <strong>des</strong><br />
exercices respiratoires. Amul<strong>et</strong>tes, incantations <strong>et</strong> introspection contribuaient au traitement <strong>des</strong> ma<strong>la</strong>dies causées par les démons.<br />
Le Qi, énergie vitale fondamentale, <strong>et</strong> <strong>la</strong> physiologie humaine.<br />
Les éléments essentiels de <strong>la</strong> théorie physiologique traditionnelle en <strong>Chine</strong> (considérée comme le fondement de <strong>la</strong> santé <strong>et</strong> du<br />
bien-être) sont le shen, l'esprit qui réside <strong>dans</strong> le cœur, le jing, sa manifestation <strong>la</strong> plus subtile, <strong>et</strong> le qi, l'énergie qui anime l'univers.<br />
Les plus anciennes références au qi datent <strong>des</strong> dynasties Shang <strong>et</strong> Zhou. A l'époque <strong>des</strong> Royaumes combattants le qi décrivait <strong>des</strong><br />
conditions atmosphériques <strong>et</strong> météorologiques (vapeurs humi<strong>des</strong>, nuages <strong>et</strong> brouil<strong>la</strong>rds) <strong>et</strong> par analogie, <strong>des</strong> obj<strong>et</strong>s informes <strong>et</strong> agglomérés<br />
tels que <strong>la</strong> fumée ou les fantômes. Les chinois traduisent souvent qi par vapeur, ce qui renvoie au caractère amorphe <strong>et</strong> aqueux du<br />
brouil<strong>la</strong>rd <strong>et</strong> de l'évaporation. Vers <strong>la</strong> moitié du IV siècle, le terme qi définissait <strong>la</strong> substance naturelle fondamentale qui engendrait <strong>et</strong><br />
signa<strong>la</strong>it <strong>la</strong> vitalité du monde phénoménal. On l'employait aussi pour désigner l'intensification <strong>des</strong> sensations éprouvées à l'intérieur du<br />
corps (chaleur, douleur, p<strong>la</strong>isir ou passion). Le concept de qi avait donc déjà subi une transformation décisive. Des qualités extérieures<br />
que l'on pouvait observer <strong>et</strong> auxquelles le corps était suj<strong>et</strong> on était passé à un constituant du corps, sur lequel l'individu avait prise.<br />
On considérait le qi interne comme invisible <strong>et</strong> perceptible uniquement par l'individu lui-même ou, éventuellement, par le<br />
médecin qui observait l'aspect, <strong>la</strong> complexion ou le pouls du patient. On adm<strong>et</strong>tait une exception : <strong>la</strong> convergence <strong>des</strong> signes de rougeur,<br />
d'échauffement douloureux <strong>et</strong> de fièvre rendait visible le qi rouge. <strong>Ancienne</strong>ment, on croyait que le qi cheminait de haut en bas. On<br />
pensait dès lors que <strong>la</strong> montée du qi, en corré<strong>la</strong>tion notamment avec <strong>la</strong> chaleur, était presque toujours pathologique; on l'associait<br />
fréquemment à <strong>la</strong> difficulté de respirer. On voyait aussi <strong>dans</strong> les émotions, tant normales que pathologiques, un surplus de qi, en<br />
particulier <strong>dans</strong> les cas de valeur guerrière, de colère ou d'agressivité. On disait d'un homme aimant combattre qu'il était hao qi, de<br />
tendance qi, <strong>et</strong> aujourd'hui encore sheng qi, littéralement produisant du qi, signifie en colère.<br />
Pendant les siècles qui ont suivi l'unification de l'empire, le qi est devenu le principe fondamental <strong>et</strong> unificateur de <strong>la</strong> théorie<br />
médicale chinoise, <strong>la</strong>quelle distingue différents degrés de qi. Le qi normal peut être infecté par <strong>des</strong> émanations perverses, voire mauvaises,<br />
<strong>et</strong>, <strong>dans</strong> les organes internes, le qi prend <strong>des</strong> caractéristiques particulières. Par exemple, un foie qi a tendance à se soulever <strong>et</strong> à causer <strong>des</strong><br />
troubles tels que température, douleur <strong>et</strong> mauvaise humeur.<br />
18
<strong>La</strong> structure du Corps.<br />
Pour les chinois, <strong>la</strong> structure <strong>et</strong> les fonctions du corps humain reproduisent sous une forme anatomique <strong>et</strong> physiologique les<br />
aspects de <strong>la</strong> réalité naturelle <strong>et</strong> humaine. Les textes décrivent le corps comme une structure microcosmique contenant les équivalents de<br />
toutes les parties de l'univers : soleil <strong>et</strong> lune, étoiles <strong>et</strong> constel<strong>la</strong>tions, montagnes, cours d'eau, animaux <strong>et</strong> p<strong>la</strong>ntes. On croyait que l'espace<br />
physique <strong>des</strong> viscères abritait <strong>des</strong> esprits <strong>et</strong> <strong>des</strong> âmes, tel le shen, esprit qui réside <strong>dans</strong> le cœur <strong>et</strong> qui détermine le rayonnement <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />
vivacité. Les textes médicaux Han exposent que <strong>la</strong> faiblesse <strong>des</strong> entités hun <strong>et</strong> po, c'est-à-dire <strong>des</strong> âmes qui vivent respectivement <strong>dans</strong> le<br />
sang <strong>et</strong> les poumons, peut causer de <strong>la</strong> dépression <strong>et</strong> un sommeil troublé par les rêves.<br />
Pangu.<br />
Un thème de <strong>la</strong> médecine est que le corps constitue un<br />
microcosme reproduisant <strong>la</strong> structure <strong>et</strong> les mouvements de<br />
l'univers. Ce<strong>la</strong> se traduit symétriquement par une image inversée,<br />
le corps de Pangu, géant cosmique qui <strong>dans</strong> les mythes a tenu<br />
séparés le ciel <strong>et</strong> <strong>la</strong> terre.<br />
Sa respiration est devenue le vent <strong>et</strong> les nuages; sa<br />
voix est devenue le tonnerre. Son œil gauche est devenu le soleil;<br />
son œil droit est devenu <strong>la</strong> lune. Ses quatre membres <strong>et</strong> ses cinq<br />
extrémités sont devenus les quatre points cardinaux <strong>et</strong> les cinq<br />
montagnes sacrées. Ses muscles <strong>et</strong> ses veines sont devenus les<br />
courants telluriques; sa chair est devenue les champs <strong>et</strong> les prés.<br />
Les poils de sa tête <strong>et</strong> de sa barbe sont devenus les étoiles; le poil<br />
de son corps, les p<strong>la</strong>ntes <strong>et</strong> les arbres. Ses dents <strong>et</strong> ses os sont<br />
devenus les métaux <strong>et</strong> les roches; sa moelle épinière, les perles <strong>et</strong><br />
le jade. Sa sueur <strong>et</strong> ses liqui<strong>des</strong> corporels sont devenus <strong>la</strong> pluie<br />
ruisse<strong>la</strong>nte. Tout ce qui restait de son corps a été ba<strong>la</strong>yé par le<br />
vent <strong>et</strong> est devenu le peuple aux cheveux noirs [= les Chinois].<br />
A <strong>la</strong> fin de <strong>la</strong> période <strong>des</strong> Royaumes combattants, le développement<br />
de <strong>la</strong> théorie du yin <strong>et</strong> du <strong>et</strong> du yang a induit <strong>des</strong> <strong>des</strong>criptions du corps fondées<br />
sur <strong>des</strong> dichotomies telles qu'intérieur <strong>et</strong> extérieur, haut <strong>et</strong> bas, chaud <strong>et</strong> froid.<br />
Les philosophes politiques <strong>des</strong> débuts de l'empire y ont ajouté un<br />
système régi par <strong>la</strong> notion d'interaction entre les cinq éléments : bois, feu,<br />
terre, métal <strong>et</strong> eau. Appliquée aux ma<strong>la</strong>dies internes, c<strong>et</strong>te conception<br />
établissait un rapport entre ces agents <strong>et</strong> les saisons, les couleurs, les émotions,<br />
les viscères, les fonctions physiologiques <strong>et</strong> les méridiens d'acupuncture. Par<br />
exemple, le poumon ou le grand méridien yin, qui commençait aux poumons<br />
pour se terminer aux pouces, avait un rapport avec l'automne, le b<strong>la</strong>nc <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />
tristesse ; il déterminait aussi <strong>la</strong> peau <strong>et</strong> <strong>la</strong> pilosité, <strong>la</strong> respiration <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />
transformation du qi. On pouvait évaluer l'état de santé de tout individu en<br />
établissant en quoi ses caractéristiques symptomatiques <strong>et</strong> constitutionnelles<br />
révé<strong>la</strong>ient un dysfonctionnement <strong>dans</strong> l'interaction <strong>des</strong> cinq agents. En<br />
stimu<strong>la</strong>nt l'un <strong>des</strong> méridiens d'acupuncture immédiatement sous <strong>la</strong> surface<br />
corporelle, le praticien était en mesure de réajuster tout le spectre organique,<br />
physiologique, émotionnel <strong>et</strong> spirituel du patient.<br />
Après l'unification politique de <strong>la</strong> <strong>Chine</strong> sous l'autorité de l'empereur, <strong>la</strong> littérature médicale a commencé à intégrer le thème de<br />
l'unification <strong>dans</strong> une nouvelle conception du corps. Elle a p<strong>la</strong>cé tous les aspects de <strong>la</strong> physiologie humaine sous l'influence unificatrice du<br />
qi. Les 1 ères indications que l'on puisse dater concernant les points d'acupuncture figurent <strong>dans</strong> les manuscrits exhumés à Wuwei, <strong>dans</strong> une<br />
tombe du 1 er siècle avant JC. Les points ont reçu <strong>des</strong> noms qui reflètent <strong>la</strong> structure du pa<strong>la</strong>is impérial, du monde naturel <strong>et</strong> <strong>des</strong> cieux.<br />
Tianshu (pivot céleste), riyue (soleil <strong>et</strong> lune) <strong>et</strong> shangxing (étoile supérieure) rappellent l'ordre cosmique; shenting (salle de l'esprit),<br />
shenzhu (pilier du corps) <strong>et</strong> neigong (pa<strong>la</strong>is intérieur) appliquent au corps l'architecture impériale; Kunlun shan (monts Kunlun), zaoshai<br />
(mer illuminée) ainsi que <strong>des</strong> noms de sources, de cours d'eau <strong>et</strong> de marais démarquent <strong>la</strong> topographie du milieu naturel.<br />
Prendre soin de soi.<br />
<strong>La</strong> notion d'épanouissement personnel, ou yangsheng (nourriture de <strong>la</strong> vie), embrasse plusieurs pratiques visant à affermir le<br />
corps, l'intelligence <strong>et</strong> l'esprit. Il s'agit de tonifier <strong>la</strong> muscu<strong>la</strong>ture par <strong>des</strong> exercices thérapeutiques appelés daoyin (guider <strong>et</strong> tirer). Le<br />
yangsheng participe aussi a un idéal plus élevé. A l'époque <strong>des</strong> Royaumes combattants, le terme se rencontre à propos de discussions<br />
concernant <strong>la</strong> nature humaine. Pour Mencius recommandait de nourrir les graines de bonté qui poussent <strong>dans</strong> tous les cœurs. Pour lui,<br />
cultiver le courage <strong>et</strong> <strong>la</strong> moralité signifiait nourrir le flux du qi par <strong>des</strong> techniques respiratoires appropriées.<br />
Au cours <strong>des</strong> siècles suivants, <strong>des</strong> familles de l'élite ont commandé <strong>et</strong> conservé une série d'écrits qui évoquent une gamme de<br />
pratiques plus ésotériques dont le but est de fortifier <strong>et</strong> de protéger le corps en affinant ses essences fondamentales, le jing <strong>et</strong> le qi. C<strong>et</strong>te<br />
théorie a poussé certains à croire en <strong>la</strong> possibilité de l'immortalité physique. Une idée commune à plusieurs traditions du yangsheng<br />
consiste à supposer que le corps est un creus<strong>et</strong> où se transforment essences <strong>et</strong> esprits. En considérant l'intérieur du corps comme le foyer<br />
de tout perfectionnement, <strong>la</strong> tradition du yangsheng a tout naturellement développé une conception <strong>des</strong> processus physiologiques : le<br />
mouvement <strong>et</strong> le passage du qi revigorent <strong>et</strong> rajeunissent <strong>la</strong> matière première du corps. Les exercices intérieurs affinent le qi <strong>et</strong> en<br />
concentrent l'essence, en apportant l'éveil physique <strong>et</strong> mental. Il s'agit, en somme, de cultiver le yin.<br />
Un <strong>des</strong> textes les plus archaïques qui font valoir les avantages <strong>des</strong> pratiques respiratoires est le chapitre Exercices intérieurs du<br />
Guanzi, un traité politico philosophique attribué à Guan Zhang (mort en 645 avant JC). Le Guanzi recommande de calmer le cœur <strong>et</strong> <strong>la</strong><br />
respiration pour établir <strong>la</strong> triade qi, jing <strong>et</strong> shen (esprit), de manière à assurer le shenming (l'éveil de l'esprit). Lorsque le shenming se<br />
produit, le corps devient fort <strong>et</strong> vigoureux, les sens s'aiguisent <strong>et</strong> s'éc<strong>la</strong>irent, <strong>la</strong> peau brille d'un rayonnement intérieur.<br />
L'une <strong>des</strong> leçons les plus importantes que <strong>la</strong> médecine a reçues du yangsheng est celle de <strong>la</strong> prévention. Ce<strong>la</strong> se traduit en termes<br />
non seulement de médecine préventive mais aussi de diététique, d'exercice physique, de sexualité, ainsi que de détection <strong>des</strong> symptômes<br />
de ma<strong>la</strong>die avant que le corps n'ait à souffrir de manifestations pathologiques violentes.<br />
Une autre conséquence <strong>des</strong> pratiques d'épanouissement de soi a été <strong>la</strong> capacité d'user de l'intentionnalité pour gouverner le qi à<br />
l'intérieur du corps. <strong>La</strong> visualisation <strong>dans</strong> le corps de centres de transformation, telle dantian (le champ de cinabre), est une procédure<br />
courante <strong>dans</strong> <strong>la</strong> méditation respiratoire. En fin de compte, l'acupuncture <strong>et</strong> <strong>la</strong> moxibustion ont emprunté c<strong>et</strong>te technique pour mouvoir le<br />
qi du patient en manipu<strong>la</strong>nt l'aiguille avec intention.<br />
19
L'acupuncture <strong>et</strong> le Moxa.<br />
Le légendaire Empereur jaune aurait été le premier protecteur de l'acupuncture <strong>et</strong> de <strong>la</strong> moxibustion. Le C<strong>la</strong>ssique interne de<br />
l'Empereur jaune divise le corps en douze jingmai, méridiens ou canaux, par lesquels le qi est censée circuler rythmiquement autour du<br />
corps. Les textes considèrent que dix de ces méridiens relient certains organes internes à <strong>la</strong> peau. Sur celle-ci, à <strong>des</strong> endroits précis, <strong>la</strong><br />
combustion de moxa ou l'insertion d'un <strong>des</strong> neuf modèles d'aiguilles stimule le qi. Ces endroits ont pris le nom de zhenxue, littéralement<br />
trous d'aiguille. Il s'agit <strong>des</strong> points d'acupuncture. Théoriquement, ce sont les fines aiguilles de métal qui exercent l'eff<strong>et</strong> le plus subtil <strong>et</strong> le<br />
plus efficace sur le flux du qi <strong>et</strong> sur le jing (manifestation <strong>la</strong> plus fine du qi).<br />
L'acupuncture <strong>et</strong> <strong>la</strong> moxibustion ont d'abord été liées; c'était le cas sous les<br />
Han, suivant <strong>des</strong> procédures d'ailleurs très différentes <strong>des</strong> traitements actuels. <strong>La</strong><br />
biographie du médecin semi mythique Bian Que mentionne l'usage du zhen<br />
(aiguille) <strong>et</strong> du shi (pierre) pour traiter le sang, ainsi que les mai, forme primitive<br />
<strong>des</strong> méridiens. Les plus anciens modèles connus du corps humain étaient <strong>des</strong><br />
bronzes coulés datant <strong>des</strong> Song septentrionaux. Ces statu<strong>et</strong>tes didactiques<br />
montraient le système circu<strong>la</strong>toire <strong>et</strong> étaient troués aux points d'acupuncture. On<br />
les recouvrait d'une couche de cire <strong>et</strong> on les remplissait d'eau, puis les étudiants<br />
devaient localiser, avec une aiguille, le point demandé, en faisant jaillir l'eau.<br />
<strong>La</strong> moxibustion est une technique apparentée à l'acupuncture. Elle utilise<br />
le moxa, une substance faite de feuilles séchées <strong>et</strong> pilées d'Artemisia vulgaris<br />
(armoise commune). D'après les textes les plus anciens, on suspendait du moxa<br />
autour de <strong>la</strong> porte d'entrée <strong>et</strong> sur les vêtements pour écarter les démons. Les<br />
praticiens actuels font brûler <strong>des</strong> rouleaux ou <strong>des</strong> cônes de moxa déjà préparés, soit<br />
sur <strong>des</strong> points d'acupuncture ou à proximité, soit sur <strong>des</strong> zones douloureuses.<br />
<strong>La</strong> moxibustion tire sa justification d'une <strong>des</strong> constatations médicales les<br />
plus anciennes <strong>et</strong> fondamentales : <strong>la</strong> chaleur sou<strong>la</strong>ge. Les cautères ont été parmi les<br />
premières thérapies appliquées aux méridiens ; ils étaient supposés stimuler <strong>la</strong><br />
circu<strong>la</strong>tion du sang <strong>et</strong> soigner le qi. Les plus anciens traitements par <strong>la</strong> chaleur<br />
comprenaient l'application de cordel<strong>et</strong>tes enf<strong>la</strong>mmées, les rouleaux d'armoise <strong>et</strong> les<br />
pierres ou les tuiles chauffées. Les indications al<strong>la</strong>ient <strong>des</strong> morsures de reptiles aux<br />
douleurs muscu<strong>la</strong>ires.<br />
Ces disciplines étaient connues à <strong>la</strong> cour <strong>des</strong> Tang <strong>et</strong> faisaient partie du<br />
programme du collège médical impérial <strong>des</strong> Song. Il y eut toutefois <strong>des</strong> époques où<br />
les médecins critiquaient l'acupuncture comme dangereuse ou <strong>la</strong> reléguaient parmi<br />
les pratiques <strong>des</strong> femmes <strong>et</strong> <strong>des</strong> non professionnels. En 1822, elle fut bannie du<br />
collège impérial <strong>et</strong> au début du XX siècle <strong>la</strong> pratique connut un déclin sans<br />
précédent. <strong>La</strong> campagne menée par Mao Zedong à <strong>la</strong> fin <strong>des</strong> années cinquante pour<br />
<strong>la</strong> sauvegarde du patrimoine national donna le signal du renouveau de<br />
l'acupuncture, qui se traduisit par <strong>la</strong> fondation d'écoles, de cliniques <strong>et</strong> d'hôpitaux.<br />
20
Médicaments <strong>et</strong> régimes.<br />
<strong>La</strong> plus ancienne collection connue de remè<strong>des</strong> pharmacologiques chinois a été exhumée à Mawangdui (168 avant JC). Elle<br />
témoigne de <strong>la</strong> grande variété <strong>des</strong> substances utilisées à <strong>des</strong> fins médicales entre <strong>la</strong> période <strong>des</strong> Royaumes combattants <strong>et</strong> le début de<br />
l'empire. Au gré <strong>des</strong> diverses pratiques thérapeutiques, on combinait toute sorte d'aliments, d'herbes, d'excréments humains ou animaux,<br />
de poudres d'insectes <strong>et</strong> d'obj<strong>et</strong>s d'usage courant. Les préparations utilisaient <strong>des</strong> ingrédients frais ou séchés, pilés ou hachés. Parfois on en<br />
faisait <strong>des</strong> teintures ou <strong>des</strong> décoctions, à l'alcool ou au vinaigre, parfois <strong>des</strong> applications de compresses chau<strong>des</strong>.<br />
Le divin <strong>La</strong>boureur.<br />
Shennong, le Divin <strong>La</strong>boureur, est l'un <strong>des</strong> héros<br />
légendaires <strong>des</strong> débuts de <strong>la</strong> civilisation. Il aurait conduit<br />
l'humanité vers l'utopie agraire, en <strong>la</strong> soustrayant à <strong>la</strong> chasse <strong>et</strong> à<br />
<strong>la</strong> sauvagerie, en lui épargnant de manger de <strong>la</strong> chair crue, de<br />
boire du sang <strong>et</strong> de porter <strong>des</strong> peaux de bête.<br />
Une source du II siècle avant JC., le Roi du Huainan,<br />
dit ceci: «Autrefois, les gens mangeaient <strong>des</strong> herbes <strong>et</strong> buvaient<br />
aux rivières; ils cueil<strong>la</strong>ient les fruits <strong>des</strong> arbres, ava<strong>la</strong>ient <strong>des</strong><br />
mollusques <strong>et</strong> <strong>des</strong> scarabées. En ce temps-là, on souffrait<br />
beaucoup de ma<strong>la</strong>die <strong>et</strong> d'intoxication. Aussi le Divin <strong>La</strong>boureur<br />
a-t-il enseigné pour <strong>la</strong> première fois au peuple à semer <strong>et</strong> à<br />
cultiver les cinq grains. »<br />
Des récits ultérieurs racontent que neuf sources<br />
magiques sont apparues spontanément autour de Shennong à sa<br />
naissance <strong>et</strong> qu'il a usé de leur eau pour nourrir les grains tombés<br />
du ciel. Il aurait révélé le goût <strong>et</strong> l'odeur de toutes les p<strong>la</strong>ntes, puis<br />
c<strong>la</strong>ssé celles qui étaient propres, les unes à <strong>la</strong> consommation, les<br />
autres à l'usage médicinal. C<strong>et</strong>te tradition d'essais empiriques a<br />
fait citer son nom <strong>dans</strong> le Canon de matière médicale du Divin<br />
<strong>La</strong>boureur.<br />
<strong>La</strong> diététique joua également un grand rôle. L'une <strong>des</strong> plus anciennes<br />
traditions diététiques attestées est celle qui recommande <strong>des</strong> aliments propres<br />
à fortifier le corps <strong>et</strong> que l'on choisissait fréquemment en accord avec les<br />
analogies de <strong>la</strong> magie sympathique. On croyait que manger <strong>des</strong> pénis de<br />
chien, de cerf ou d'âne accroissait <strong>la</strong> vigueur sexuelle; les noix, qui ont <strong>la</strong><br />
forme de rognons, étaient réputées bonnes pour les reins. Par ailleurs, on<br />
pensait que les aliments riches en protéines, comme le gibier, donnaient de <strong>la</strong><br />
force. Plus un aliment était rare <strong>et</strong> ma<strong>la</strong>isé à obtenir, plus il était prisé. À <strong>la</strong><br />
théorie les médecins chinois ont ajouté un vaste travail empirique, al<strong>la</strong>nt de <strong>la</strong><br />
simple observation (par exemple, du fait que le piment <strong>et</strong> le gingembre<br />
brûlent le pa<strong>la</strong>is) à <strong>la</strong> connaissance <strong>des</strong> eff<strong>et</strong>s de <strong>la</strong> nourriture sur <strong>la</strong><br />
température corporelle. les 5 qualités thermiques attribuées aux aliments sont<br />
brû<strong>la</strong>nt, chaud, tiède, froid <strong>et</strong> g<strong>la</strong>cé. On a aussi c<strong>la</strong>ssé les aliments d'après les<br />
cinq saveurs : tigre, amère, douce, âcre <strong>et</strong> salée.<br />
Tao Hongjing (452-536) a rédigé le Canon de matière médicale du<br />
Divin <strong>La</strong>boureur; où il énumère les propriétés médicinales <strong>des</strong> remè<strong>des</strong> <strong>et</strong> les<br />
compare en recourant à une analogie avec les postes administratifs de l'empire.<br />
Il établit ainsi 3 c<strong>la</strong>sses de remè<strong>des</strong> (supérieure, moyenne <strong>et</strong> inférieure) en<br />
assignant à chacune une fonction (souveraine, administrative, adjuvante). Sont<br />
souverains les remè<strong>des</strong> qui donnent force <strong>et</strong> longévité; ceux qui ont <strong>des</strong> vertus<br />
médicinales <strong>et</strong> curatives ne sont que les auxiliaires du corps.<br />
Le Traité <strong>des</strong> dommages du froid de Zhang Zhongjing (142-220) est<br />
le plus ancien texte connu qui établit une étiologie <strong>des</strong> affections en intégrant<br />
les phases de yin <strong>et</strong> de yang aux prescriptions pharmacologiques. C<strong>et</strong> ouvrage<br />
a exercé une immense influence sur <strong>des</strong> théoriciens qui ont travaillé beaucoup<br />
plus tard, <strong>et</strong> en particulier sur <strong>la</strong> tradition pharmacologique japonaise.<br />
Le Bencao gangmu (Monographies systématiques de matière<br />
médicale), de Li Shizhen (1518-1593), est une encyclopédie illustrée qui<br />
rassemble <strong>et</strong> prolonge le savoir issu de 952 sources antérieures <strong>dans</strong> les<br />
domaines de <strong>la</strong> médecine, de <strong>la</strong> pharmacologie, de <strong>la</strong> minéralogie, de <strong>la</strong><br />
métallurgie, de <strong>la</strong> botanique <strong>et</strong> de <strong>la</strong> zoologie. Li Shizhen rapporte les usages<br />
historiques de chaque herbe, animal ou minéral, ainsi que son aspect, son<br />
exploitation, sa préparation <strong>et</strong> ses différentes propriétés, dont ses affinités avec<br />
d'autres remè<strong>des</strong>, sa nature yin ou yang <strong>et</strong> son degré d'efficacité. C<strong>et</strong> ouvrage<br />
est toujours tenu en haute estime c<strong>et</strong> ouvrage par les praticiens actuels.<br />
21<br />
<strong>La</strong> toxicomanie.<br />
Les drogues n'ont pas toujours servi à soigner le corps.<br />
Sous les dynasties Wei <strong>et</strong> Jin (III <strong>et</strong> IV siècles), une substance<br />
nommée wushi (cinq pierres) a été mise à <strong>la</strong> mode comme<br />
stimu<strong>la</strong>nt. C'était une drogue échauffante qui contenait de<br />
l'arsenic. Elle causait une sensation agréable <strong>et</strong> excitante qui<br />
empêchait de prendre garde à ses eff<strong>et</strong>s secondaires, responsables<br />
d'une dégénérescence lente <strong>et</strong> insidieuse du corps. <strong>La</strong> mort d'un<br />
grand nombre de l<strong>et</strong>trés à c<strong>et</strong>te époque est attribuable à un<br />
empoisonnement progressif par l'arsenic : les symptômes en<br />
comprenaient <strong>la</strong> fièvre, <strong>la</strong> déshydratation, <strong>des</strong> dermatoses,<br />
l'intoxication nerveuse, les pertes de conscience, l'affaiblissement,<br />
<strong>la</strong> paralysie du cœur, les hallucinations <strong>et</strong> <strong>la</strong> diarrhée.<br />
Suivant les principes de <strong>la</strong> médecine chinoise traditionnelle, <strong>la</strong> saveur est en re<strong>la</strong>tion avec l'eff<strong>et</strong> thérapeutique. Par exemple, <strong>la</strong><br />
saveur amère est <strong>la</strong> plus yin. Elle cause <strong>des</strong> contractions, réduit <strong>la</strong> fièvre <strong>et</strong> entre <strong>dans</strong> le canal du cœur en supprimant l'échauffement <strong>et</strong> en<br />
calmant l'esprit. <strong>La</strong> saveur «âcre» ou piquante était considérée comme <strong>la</strong> plus yang. Elle est censée stimuler le flux du qi <strong>et</strong> <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion<br />
du sang, en réchauffant le corps, en asséchant les flui<strong>des</strong> <strong>et</strong> en éliminant le mucus. En général, les prescriptions médicales exigent de <strong>la</strong><br />
modération <strong>et</strong> du dosage : trop de vian<strong>des</strong> riches, d'épices, d'huile <strong>et</strong> de graisse échauffent; les légumes crus, les p<strong>la</strong>ts froids <strong>et</strong> l'eau sont<br />
indigestes <strong>et</strong> nuisent à l'estomac.<br />
Dans les boutiques d'apothicaire, on vendait <strong>des</strong> drogues c<strong>la</strong>ssées suivant leurs qualités spécifiques : capacité d'échauffer ou de<br />
rafraîchir le corps, goût, nature d'après les systèmes yin-yang <strong>et</strong> wu xing, capacité de stimuler les mouvements internes du corps vers le<br />
haut ou vers le bas, aptitude à pénétrer <strong>dans</strong> un canal particulier.<br />
Les patients chinois ont longtemps fait usage, pour obtenir un diagnostic, de poupées ou de p<strong>et</strong>ites statu<strong>et</strong>tes. Ils y indiquaient <strong>la</strong><br />
partie du corps qui lors causait gêne ou douleur. Ce<strong>la</strong> leur évitaient de se déshabiller devant les médecins.