MAQ PETIT BULLETIN_GRENOBLE - Le Petit bulletin
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P04_05 — LE <strong>PETIT</strong> <strong>BULLETIN</strong> N°702 — DU 27.02 AU 05.03.13<br />
CINÉMA<br />
«Je ne fais pas des<br />
films avec des idées»<br />
— RENCONTRE — CETTE SEMAINE, L’INSTITUT LUMIÈRE TERMINE SA RÉTROSPECTIVE<br />
CONSACRÉE À MICHAEL CIMINO AVEC LA VERSION RESTAURÉE DE LA PORTE DU PARADIS,<br />
SUPERVISÉE PAR CIMINO LUI-MÊME. ENTRETIEN AVEC CETTE LÉGENDE VIVANTE DU<br />
CINÉMA AMÉRICAIN. PROPOS RECUEILLIS ET TRADUITS PAR CHRISTOPHE CHABERT<br />
Quelle est l’importance pour vous de cette<br />
ressortie de La Porte du Paradis ?<br />
Michael Cimino : C’est n’est pas une reprise au sens<br />
classique du terme. Cette version est plus qu’une version<br />
restaurée, c’est une version améliorée, au niveau<br />
du son, de l’image, des couleurs, du montage. Je la<br />
vois comme LA sortie du film.<br />
Il y a donc encore des différences avec la<br />
précédente version de 220 minutes ?<br />
Oui, car celle-ci a été entièrement refaite en numérique.<br />
Il y a des choses que j’ai pu faire en numérique<br />
qui étaient impossibles il y a trente ans. Cela donne<br />
une clarté que vous n’avez jamais vue auparavant.<br />
Certains passages ont l’air d’être en 3D, notamment<br />
parce que j’ai utilisé un objectif 30 mm qui permet de<br />
voir les détails à l’infini. C’est grandiose pour les paysages,<br />
mais aussi pour les gros plans, car ça leur<br />
donne un aspect monumental. À l’époque du tournage<br />
de La Porte du Paradis, on devait passer par un<br />
laboratoire optique pour effectuer des changements<br />
sur l’image et cela pouvait durer trois semaines ou un<br />
mois. Maintenant, il suffit d‘appuyer sur un bouton et<br />
le résultat est instantané. C’était un gâchis absolu<br />
de temps. Je finissais épuisé dans la salle de montage<br />
à y passer vingt-quatre heures sur vingt-quatre,<br />
sept jours sur sept. C’est incroyable, aujourd’hui, on<br />
peut faire en trois heures ce qui en prenait vingt ! <strong>Le</strong><br />
résultat donne d’ailleurs le sentiment que le film vient<br />
d’être tourné, qu’il ne s’agit pas d’un vieux film, même<br />
si c’est un film d’époque.<br />
Souvent, on parle du film comme d’un<br />
“western marxiste”. Êtes-vous d’accord<br />
avec cette définition ?<br />
Non, car je ne fais pas des films avec des idées ou<br />
avec de la politique, je fais des films sur des gens.<br />
C’est la seule chose qui m’intéresse, c’est comme ça<br />
que j’écris.<br />
Pensez-vous alors au genre ?<br />
Non. Je suis autodidacte, je n’ai pas fait d’école de<br />
cinéma, j’ai étudié l’architecture, comme Antonioni.<br />
Enfin, lui était un critique d’architecture… Pour moi,<br />
tout commence et finit par les personnages. Une des<br />
raisons qui font que les acteurs aiment travailler avec<br />
moi, même si le film ne remporte pas de succès, c’est<br />
que toute mon énergie passe dans le fait qu’ils soient<br />
bons à l’écran. Si on fait un film sur une idée, qu’elle<br />
soit philosophique, politique, ou qu’elle ait un rapport<br />
au genre, ce film va vieillir très vite. C’est un mauvais<br />
choix. C’est comme faire des films à partir des films<br />
des autres. J’ai connu un cinéaste qui passait ses jours<br />
et ses nuits à regarder <strong>Le</strong> Conformiste de Bertolucci,<br />
en espérant y voler quelque chose. On n’apprend rien<br />
en faisant ça. <strong>Le</strong>s Cahiers du Cinéma ont inventé<br />
ce terme d’“auteur“ [en Français dans le texte], mais<br />
être réalisateur ne fait pas de vous automatiquement<br />
un “auteur“. Si vous avez écrit un scénario original,<br />
que ce sont vos mots et qu’ils viennent de votre vécu,<br />
pas de votre cinéphilie, vous pourrez être appelé un<br />
“auteur“. C’est une erreur des Cahiers d’avoir créé ce<br />
culte du réalisateur que je déteste.<br />
Mais vous avez inventé des choses que<br />
personne n’avait jamais osé avant. Par<br />
exemple, aucun cinéaste n’avait créé une<br />
telle interaction entre les figurants et les<br />
comédiens, comme dans la scène du<br />
mariage de Voyage au bout de l’enfer ou les<br />
scènes de bal de La Porte du Paradis…<br />
Je déteste le mot figurants. C’est un mot inhumain.<br />
Ce sont des personnes ! Dans Voyage au bout de<br />
l’enfer, toutes les personnes présentes à la cérémonie<br />
de mariage sont d’authentiques Russes et Ukrainiens<br />
venus de trois paroisses de cette zone sidérurgique en<br />
Pennsylvanie. Ils ont fait ce qu’ils auraient fait à<br />
n’importe quel mariage. À la fin de cette séquence, il<br />
y avait un vieil homme assis sur la scène ; il avait<br />
une bière à la main – j’avais dit à tout le monde de<br />
boire et de manger autant qu’ils le voulaient – et il<br />
pleurait. Je lui demande pourquoi il pleure, et il m’a<br />
répondu simplement : «C’était un si beau mariage…».<br />
L’émotion était vraie. Pendant la scène de l’évacuation<br />
de Saigon, nous avions 9 000 véritables autochtones,<br />
sur des kilomètres et des kilomètres, vous les voyez<br />
quand De Niro remonte la rivière. J’ai vu ce film, Troie,<br />
et on y voit ces milliers de figurants numériques dans<br />
les bateaux ; mais les Troyens n’ont jamais eu autant<br />
de bateaux ! <strong>Le</strong>s gens se sont habitués à ces mensonges,<br />
mais dans Voyage au bout de l’enfer, La Porte<br />
du Paradis ou L’Année du dragon, vous ne trouverez<br />
jamais ce type de choses. Il n’y a pas de trucages, il y<br />
a des interactions entre des personnes sur l’écran,<br />
et c’est cela qui émeut les gens à l’arrivée. Avant de<br />
faire pleurer le public, il faut d’abord l’avoir fait rire.<br />
Spielberg me demandait : «Michael, comment as-tu<br />
fait pour mettre autant de tension dans la scène de la<br />
roulette russe de Voyage au bout de l’enfer ?». Je lui<br />
ai dit que ce n’était pas lié à la scène de la roulette<br />
russe, mais que cela provenait de celle du mariage<br />
une heure avant. Vous aimez ces gens, vous ne voulez<br />
pas qu’il leur arrive quelque chose.<br />
Il faut du temps pour créer ce réalisme…<br />
On ne crée jamais de réalisme. On ne crée qu’un<br />
avatar de réalisme !<br />
> La Porte du Paradis<br />
À l’Institut Lumière, du 27 février au 3 mars<br />
© Raisin Mege<br />
Quelques semaines après son ex-rival et nouveau<br />
pote expendable Schwarzenegger, c’est au tour<br />
de Stallone de se lancer dans la course au<br />
meilleur senior du cinéma d’action. Différence<br />
notable : là où Schwarzy recrutait un Sud-coréen hype<br />
derrière la caméra de son moyen Dernier rempart,<br />
Stallone, cohérent avec son envie de faire revivre la<br />
série B mal embouchée des années 80, a fait appel au<br />
vétéran Walter Hill pour cette adaptation d’un roman<br />
graphique français. Saine initiative : Du plomb dans la<br />
tête s’impose assez vite comme un concentré nostalgique<br />
du genre, sec, violent, plein d’humour noir mais<br />
jamais parodique, bien raconté et habilement mis en<br />
scène. Stallone y campe un tueur à l’ancienne qui<br />
n’est pas prêt à se coucher devant la loi, la morale et<br />
l’époque, même quand celles-ci sont incarnées par un<br />
Möbius<br />
D’Éric Rochant (Fr, 1h43)<br />
avec Jean Dujardin, Cécile<br />
De France, Tim Roth…<br />
La carrière d’Éric Rochant restera<br />
comme un énorme crash ; ce Möbius,<br />
qui devait sonner son grand retour<br />
après un exil télévisuel du côté de<br />
Canal +, ressemble au contraire à un<br />
terrible chant du cygne. Revenant au<br />
film d’espionnage (qui lui avait<br />
permis d’être à son meilleur au<br />
moment des Patriotes), Rochant se<br />
contente d’en offrir une lecture<br />
approximative et purement illustrative.<br />
Qu’a-t-il à dire sur la mondialisation<br />
des échanges financiers et<br />
sur son corollaire, la nécessaire<br />
coopération des services secrets<br />
pour en endiguer les fraudes ? Rien.<br />
Se concentre-t-il alors sur un divertissement<br />
ludique où les frontières<br />
de la manipulation resteront floues<br />
jusqu’à la conclusion ? Même pas,<br />
Möbius étant plus confus que virtuose<br />
dans son écriture et se contentant<br />
souvent d’aligner mollement<br />
les plans plutôt que de mettre en<br />
scène les séquences. Que reste-t-il ?<br />
Une histoire d’amour entre Cécile<br />
De France (très moyenne) et Jean<br />
Dujardin (qui s’en tire déjà mieux)<br />
aux dialogues impossibles (ah ! les<br />
«bras concrets»…), à l’érotisme<br />
grotesque et à la crédibilité très<br />
limite (la fin, notamment, est dure à<br />
avaler). <strong>Le</strong> gâchis est total et l’espoir<br />
de voir renaître un cinéaste autrefois<br />
aimé semble s’envoler en fumée. CC<br />
Week-end royal<br />
De Roger Michell (Ang,<br />
1h35) avec Bill Murray,<br />
Laura Linney…<br />
La grande histoire par son versant<br />
anecdotique : Week-end royal, après<br />
<strong>Le</strong> Discours d’un Roi – avec lequel il<br />
partage un personnage, celui de<br />
George VI – témoigne de ce nouvel<br />
académisme qui consiste à raconter<br />
les événements par le plus petit<br />
bout de la lorgnette possible. Ici,<br />
c’est une des maîtresses de Franklin<br />
D. Roosevelt qui retrace les dernières<br />
années du Président (un Bill Murray<br />
perdu au milieu du décor), et notamment<br />
un fameux week-end avec le<br />
nouveau roi d’Angleterre et son<br />
épouse. Un bel exemple de ce culte<br />
du détail : le climax du film consiste<br />
à savoir si oui ou non le roi croquera<br />
dans un hot dog. De cela dépend<br />
l’avancée des relations américanobritanniques<br />
dans la guerre contre<br />
Hitler. Michell aimerait ainsi montrer<br />
la politique comme un vaudeville ou<br />
un mélodrame, mais son dispositif<br />
(voix-off et reconstitution méticuleuse)<br />
pèse trop lourd pour aboutir<br />
à une telle légèreté. L’élégance<br />
même du film est contre-productive<br />
tant la mise en scène participe de<br />
l’ennui poli mais ferme qui saisit le<br />
spectateur. CC<br />
Boule & Bill<br />
De Alexandre Charlot et<br />
Frank Magnier (Fr, 1h30)<br />
avec Marina Foïs, Frank<br />
Dubosc, Charles Crombez...<br />
La BD et le cinéma français, c’est un<br />
peu l’échec permanent. Pour preuve<br />
encore Boule & Bill, prévisible catastrophe<br />
industrielle vu le matériau<br />
d’origine. Mais ce qui étonne le plus<br />
dans cette adaptation, c’est sa capacité<br />
à décevoir. Car Boule & Bill le<br />
film n’est pas la comédie neuneu<br />
pour marmots à laquelle on pouvait<br />
s’attendre. Oui il y a quelques gags<br />
mais qui tombent tous à plat. Oui on<br />
entend la voix du chien qui pense et<br />
c’est navrant. <strong>Le</strong> plus curieux, c’est<br />
que les auteurs du film se foutent<br />
presque de Roba et sa mythologie,<br />
reléguée aux cinq dernières minutes.<br />
Ils préfèrent s’intéresser à l’époque<br />
où la BD vivait son heure de gloire,<br />
Du plomb<br />
dans la tête<br />
flic incorruptible au milieu d’une police gangrenée<br />
par l’argent sale et les magouilles en tout genre. C’est<br />
l’alliance temporaire entre le vieux grincheux, brutal,<br />
taiseux, allergique à la technologie et le jeune loup<br />
idéaliste, naïf, scotché à son smartphone qui donne<br />
au film son échine de buddy movie et qui permet à<br />
Stallone de sortir (un peu) de son monolithisme habituel.<br />
Ce drôle d’objet anachronique est bien plus<br />
attachant que le cinéma pop corn actuel, blockbusters<br />
diabétiques aux corps en trop bonne santé. Walter<br />
Hill leur rappelle que l’important, dans tous les sens<br />
du terme, c’est bien d’avoir du plomb dans la tête.<br />
CHRISTOPHE CHABERT<br />
> Du plomb dans la têteDe Walter Hill (ÉU, 1h31)<br />
avec Sylvester Stallone, Sung Kang…<br />
tournant un film rétro au look bâtard<br />
sur l’émancipation de la femme dans<br />
la France des années 70. Seule<br />
compte ainsi la mère, héroïne d’un<br />
film pensé comme une préquelle<br />
réflexive à la BD, où le père serait<br />
Roba découvrant son inspiration<br />
après avoir fui la cité dortoir où sa<br />
famille s’était installée. Nul et à la<br />
fois limite intriguant. JÉRÔME<br />
DITTMAR<br />
PAS VUS !<br />
Sublimes<br />
créatures<br />
De Richard LaGravenese<br />
(ÉU, 1h58) avec Alden<br />
Ehrenreich, Alice Englert…<br />
Après Twilight, c’est toujours Twilight<br />
: deux teenagers, le garçon<br />
normal, la fille dotée de pouvoirs<br />
surnaturels, et qui ne saura qu’à<br />
ses seize ans si elle est destinée<br />
au bien ou au mal, une histoire<br />
d’amour et c’est parti pour une nouvelle<br />
franchise…<br />
Zaytoun<br />
D’Eran Rikliss (Israël-Fr-<br />
Ang, 1h50) avec Stephen<br />
Dorff, Alice Taglioni…<br />
L’amitié entre un jeune Palestinien<br />
de 12 ans et un pilote de chasse<br />
israëlien ; ils devront traverser<br />
ensemble le Liban en guerre du<br />
début des années 80. Par le réalisateur<br />
des Citronniers.<br />
Ouf<br />
De Yann Coridian (Fr, 1h21)<br />
avec Éric Elmosnino, Sophie<br />
Quinton, Valeria Golino…<br />
À 41 ans, et après un bref internement<br />
psychiatrique, François est<br />
plaqué par sa femme. Alors qu’il doit<br />
subir la dinguerie de son entourage,<br />
il va chercher à la reconquérir.<br />
DR