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12 DOSSiER / L’ AmOuR SOuS tOutES SES FORmES Amour, passion et sentiment… Eros. De tous les amours, Eros est le plus connu. Il désigne la passion amoureuse. Des contes d’enfant aux comédies romantiques, notre imaginaire a été biberonné à ce cliché idyllique : prince - princesse - cheval blanc - coucher de soleil - château lointain. L’Église propose de vivre un amour qui aille au-delà du sentimental, qui soit moins lisse mais beaucoup plus beau. À Laure-Hélène, «un jour mon prince viendra. Un jour… » L’amour humain n’est pas un conte de fées. Dans ce genre de récit, les sentiments amoureux s’imposent un jour et frappent comme un coup de tonnerre. Un baiser sur la bouche de la belle endormie et peut alors résonner comme une musique douce et rassurante la conclusion « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ». Le conte s’achève sur ces passés simples qui figent ce charmant tableau dans une époque idéalisée. Ces belles histoires font rêver mais elles ne correspondent pas à la réalité. Faut-il pour autant le regretter ? Non, assurément ! J’ose même dire heureusement ! L’authentique amour humain n’a finalement rien à voir avec cette fixité intemporelle. L’amour, comme la vie spirituelle, ne peut se vivre et se développer que dans le temps. C’est peut-être un paradoxe pour notre société, mais le temps n’est pas l’ennemi de l’amour. Bien au contraire, il est son allié. « L’amour, comme la vie spirituelle, ne peut se vivre et se développer que dans le temps » Cette perspective d’un amour durable attire bien entendu les jeunes mais elle fait peur. « Comment savoir si c’est le bon ou la bonne ? » Qui ne s’est jamais posé cette question, source de bien des réflexions angoissantes… Disons-le franchement : cette question est trop technique, elle situe l’amour à un niveau qui n’est pas le sien. Les hommes (comme les femmes ?) ont souvent tendance à se construire des grilles : plus le tableau est rempli de croix, plus nous nous approchons de la femme de nos rêves. Il est néanmoins bien rare que toutes les cases soient cochées ! Ne faudrait-
il pas mieux se poser cette autre question : j’aime une personne, pour quoi ? Il convient en effet de placer notre discernement sous le signe non du test de validation – est-ce la bonne, oui ou non ? – mais du projet à construire. Que voulons-nous faire de cet amour ? « Que voulons-nous faire de cet amour ? » Notre société, doublement influencée par une conception romantique de l’amour et le primat de l’individu, exalte l’amour passion, qui brûle comme un fétu de paille (j’aime et puis je n’aime plus). Comprenons que l’amour authentique ne peut se soumettre à la seule affectivité. La tyrannie du désir nous fait sans cesse craindre de passer à côté d’une vie amoureuse plus intense. La passion, qui recherche toujours le paroxysme pour exister, est à distinguer du sentiment, plus profond. Celui-ci est nécessaire mais il doit être innervé par la volonté. Nous l’oublions trop souvent : l’amour, comme le bonheur, est aussi affaire de volonté. Vous avez peut-être lu la célèbre pièce de Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard (1730). Pour les personnages, l’amour se présente comme une plénitude fondée sur le sentiment et l’assurance du désir de l’autre. Mais les preuves d’amour que les jeunes promis ont pu s’apporter l’un à l’autre ne suffisent pas pour garantir l’avenir. Un avenir que jamais dans son œuvre Marivaux ne nous décrit. Le spectateur ne sait pas ce qui se passe de l’autre côté du projet de mariage. La réalité de la vie conjugale, elle, nous rappelle que le jeu des sentiments ne suffira pas. Non sans paradoxe, je dirais que c’est lorsque le sentiment s’érode que l’amour peut vraiment commencer. Je suis moins amoureux donc c’est la fin ? Non, c’est le début ! Je peux alors donner tout son sens au premier « oui », je peux prendre la décision de « Aimer en vérité c’est aussi décider d’accepter ses limites et celles de l’autre » continuer à aimer, d’aimer encore, d’aimer « jusqu’au bout » à l’image du Christ (cf. Jean 13,1). La volonté serait-elle une triste béquille pour couple en panne ? Non, car aimer ce n’est pas seulement être amoureux, c’est encore moins un éthylomètre qui nous donnerait l’illusion qu’il faille toujours être dans l’ivresse pour atteindre le bonheur. Funeste projet qui nous asservirait ! Aimer en vérité c’est aussi décider d’accepter ses limites et celles de l’autre, c’est être capable d’assumer les flux et reflux du sentiment. L’amour d’un homme et d’une femme, dans toutes ses dimensions, y compris charnelles, est en mouvement, il est toujours à renouveler, inventer, convertir. C’est en cela qu’il nous construira et qu’il nous aidera à cheminer vers Dieu, l’Amour absolu. L’amour n’est jamais « achevé » ni complet ; il se transforme au cours de l’existence, il mûrit et c’est justement pour cela qu’il demeure fidèle à lui-même. (Benoît XVI, Dieu est amour, 17, 2006). Jean-Baptiste WEPHRE Pour aller plus loin, quelques questions / Le temps est-il pour moi l’ennemi du couple ou un allié ? La perspective de ne pas toujours être amoureux de l’aimé me fait-elle peur ? Si oui, pourquoi ? Le mariage est-il, pour moi, une fin ou un moyen ? Suis-je prêt à donner ma vie ? Pour qui ? Qui peut me combler ? l’être aimé ? Dieu ? 13
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