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notice biographique, par Paul-Émile Vachon s.m. - Pères Maristes ...

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Les racines terriennes<br />

LECLERC, FRANÇOIS HENRI (1914-2000)<br />

Dans la famille de Joseph-<strong>Émile</strong> Leclerc et d’Émilie Fortin, cultivateurs<br />

dans la <strong>par</strong>oisse de Saint-Pamphile de l’Islet, le 02 décembre 1914 naissait un fils<br />

que l’on prénomma Joseph François Henri lors de son baptême le 03 du même<br />

mois. Sa famille, très chrétienne et attachée aux valeurs traditionnelles du monde<br />

rural et religieux, tout en l’initiant aux tâches du monde agricole, créa un climat<br />

favorable à l’éclosion de sa vocation religieuse. En fait quatre des huit enfants<br />

Leclerc deviendront religieux. Deux entreront dans la Société de Marie, Guy-<br />

Charles (1922-1990) qui sera ordonné prêtre mariste, et Henri qui fera profession<br />

comme frère. Jean entrera dans la Compagnie de Jésus et Cécile se fit religieuse<br />

chez les Sœurs de Sainte-Chrétienne.<br />

Le jeune Henri fréquenta le couvent de son village natal dirigé <strong>par</strong> les<br />

Sœurs du Bon-Pasteur de Québec où il reçut une éducation bien propre à<br />

confirmer les orientations que l’ambiance familiale avait favorisées. Enfant pieux<br />

qui assistait à la messe quotidiennement, il ne se destinait pas cependant à l’état<br />

religieux. À la fin de ses études primaires (1922-1929), il entra à l’École<br />

d’agriculture de Sainte-Anne-de-la-Pocatière. C’était en septembre 1929. Il avait<br />

15 ans. Il y fit les deux années d’étude qui conduisaient à un premier brevet de<br />

sciences agricoles. Il aurait pu s’inscrire au brevet supérieur, mais voilà qu’une<br />

semence autre commençait à lever dans sa vie et allait l'entraîner dans une autre<br />

direction. D'ailleurs les Leclerc avaient quitté la ferme familiale et s’étaient<br />

installés à Saint-Jean-Port-Joli où le père était devenu courtier en assurances.<br />

C’est surtout ce village pittoresque et bien typé qu’Henri regardera comme le lieu<br />

de son enracinement humain et à qui il vouera une admiration indéfectible.<br />

Chez les <strong>Maristes</strong><br />

Dans le tout nouveau juvénat des <strong>Pères</strong> <strong>Maristes</strong> élevé sur les hauteurs de<br />

Sillery, à côté de la vieille villa des Dobell, Henri commença ses études<br />

classiques le 02 décembre 1931. C’était le jour de ses 17 ans et c’était le jour de<br />

l’inauguration du nouveau bâtiment. Y avait-il là comme un sourire du Seigneur ?<br />

On peut le penser lorsqu’on voit que sa vie sera étroitement associée à celle de<br />

l’établissement. Les débuts d'une telle association toutefois n'allèrent pas tout<br />

seuls. Henri n’avait rien de l’intellectuel. La théorie, l’abstraction et la spéculation<br />

ne le fascinaient guère. Il aurait pu se laisser décourager. Mais l'organisation de<br />

la vie quotidienne, de façon générale, et un événement, de façon toute<br />

<strong>par</strong>ticulière, vinrent pallier le problème. La vie au juvénat à l’époque comportait,<br />

fort heureusement pour notre jeune homme, un mélange de travaux et d’études<br />

qui facilita son adaptation à son nouveau milieu. Le travail manuel, très présent<br />

dans la vie des juvénistes, faisait office de soupape pour les longues heures


d’étude plutôt harassantes. D’autre <strong>par</strong>t, l’arrivée du père Jean-Joseph Thoral à<br />

l’été de 1932 alluma une lumière dans la grisaille que vivait le grand garçon.<br />

Jean-Joseph Thoral (1874-1968) était un mariste français venu aux États-<br />

Unis vers la fin du X1Xe siècle dans les remous des lois Combe et Falloux qui<br />

chassaient les religieux de France. Après plus de trente ans aux États-Unis, il<br />

arrivait à Sillery, chargé d’expériences et enrichi de la sagesse que <strong>par</strong>fois<br />

l’expérience permet d’acquérir. Il avait une longue feuille de route. Il avait été<br />

économe général de la Société après avoir été l’homme de confiance de<br />

plusieurs provinciaux successifs à Washington et à Boston. Cet homme<br />

profondément bon et clairvoyant joua un rôle très grand dans la vie de notre frère.<br />

Économe de la maison, responsable des frères convers nombreux à l’époque - il<br />

instituera même un noviciat pour eux en 1937 dans la Maison Saint-Joseph -<br />

superviseur des travaux sur la propriété, le père Thoral remarqua ce garçon<br />

habile de ses mains et désireux de consacrer au travail manuel tout le temps<br />

disponible dans l’horaire d’un juvéniste. Henri se prit d’admiration et d’affection<br />

pour ce prêtre envers qui il manifesta la plus grande ouverture et la plus grande<br />

confiance.<br />

En septembre 1937, à l’âge de 23 ans, Henri commençait son noviciat à<br />

Staten Island, N.Y, avec les Lucien Gagné, Roch Bertrand, Lionel Roy et Maurice<br />

Dupont. L’année suivante, il faisait profession dans la Société de Marie. Il se<br />

destinait à devenir prêtre un jour. Mais rien n’était certain encore. Il avait réussi<br />

ses études à Sillery, mais de justesse. Les cours de philosophie au scolasticat de<br />

Washington, D.C. constitueraient le test décisif. Seuls les plus valeureux<br />

franchissaient l’escarpe que défendait résolument le père Charles Dubray. Henri<br />

s’y fracassa les os. Même le régime moins abrupt du scolasticat de Framingham<br />

qu’il fréquenta en 1939-1940 ne permit pas d’espérer qu’il pourrait réussir les<br />

études de théologie nécessaires.<br />

Religieux frère<br />

Relevé de ses vœux, il revint chez lui en 1940, passablement démonté. La<br />

correspondance qu’il entretenait avec le père Thoral toujours à Sillery allait<br />

dessiner des avenues de lumière dans le désarroi qui régnait dans son esprit et<br />

dans ses sentiments et jeter des ponts vers un avenir plus rieur. Le 2 février<br />

1941, avec la permission du père Alcyme Cyr, provincial de Boston, Henri était<br />

inscrit comme postulant au nombre des frères coadjuteurs de la S.M. à Sillery. Le<br />

père Thoral le prenait de façon plus <strong>par</strong>ticulière sous sa tutelle. Henri entrait dans<br />

une voie qui correspondait mieux à ses aspirations et aux talents qui étaient les<br />

siens. Sans le fardeau d’études stressantes, il voyait s’ouvrir devant lui la<br />

possibilité d’une vie religieuse où il pourrait se donner et se réaliser. Accepté de<br />

nouveau au noviciat, cette fois à titre de frère d’emploi, Henri se retrouva à New<br />

York en septembre 1942 pour faire profession en 1943.


Jugé candidat apte <strong>par</strong> le sévère père maître, car il ne fallait que des<br />

religieux triés sur le volet pour ces postes, Henri fut adjoint à la communauté du<br />

noviciat après sa profession et il y demeura jusqu’en 1949 comme responsable<br />

de la petite ferme qui assurait une bonne <strong>par</strong>tie du ravitaillement de la<br />

maisonnée. Très ponctuel et très assidu aux exercices de piété, modeste et<br />

réservé, travailleur et responsable, il projetait l’image que le père Goergen aimait<br />

présenter aux fournées de novices qui défilaient devant lui. En 1949, le jeu des<br />

obédiences l’amena au petit séminaire de Bedford, Massachusetts. Pendant six<br />

ans, Henri se dépensa aux diverses tâches dévolues aux frères coadjuteurs dans<br />

un établissement comme celui-là qui comprenait une ferme, de grands jardins,<br />

des ateliers les plus divers: soudure, électricité, mécanique, menuiserie. Henri<br />

enrichissait la palette de ses connaissances et mettait en oeuvre des talents<br />

sous-utilisés jusqu’ici. Il avait même suivi des cours de mécanique en machinerie<br />

fixe et en chauffage.<br />

Le retour au Québec<br />

Ces connaissances le désignaient en 1955 pour remplacer à Sillery le frère<br />

Jude Roy, homme polyvalent et travailleur consciencieux, que l’on déplaçait du<br />

séminaire après 17 ans de labeur au même endroit. Henri rentrait donc au pays<br />

après 12 ans de service aux États-Unis. La nouvelle obédience n’était pas pour<br />

lui déplaire. Il se retrouvait, dans la Maison Saint-Joseph, à l’endroit même où il<br />

avait fait son postulat en 1941 sous la houlette pleine de mansuétude du père<br />

Thoral. Il se mit avec ardeur à l’ouvrage, faisant profiter la communauté du<br />

séminaire des talents nombreux qui étaient siens. S’agissait-il d’une voiture dont il<br />

fallait faire la mise au point, d’un ap<strong>par</strong>eil électrique à ré<strong>par</strong>er, d’un tuyau à<br />

souder, Henri était l’homme à tout faire. Dans la force de l’âge, à 42 ans, il n’était<br />

pas rare de voir de la lumière tard le soir dans son atelier de travail. Ce qui ne<br />

l’empêchait pas de s’occuper du chauffage de la maison avant même que la<br />

communauté ne se lève le matin. De 1955 jusqu' au début des années 60, Henri<br />

connaîtra des années valorisantes, fécondes et pleines. Il avait retrouvé ce qu’il<br />

avait vécu avec bonheur sous la direction du père Jean-Joseph Thoral quelque<br />

15 ans plus tôt. Insensiblement toutefois des nuages montaient dans ce ciel trop<br />

beau.<br />

En effet, le Québec avait beaucoup changé depuis les années calmes et<br />

paisibles du postulat. Henri ne s'en rendit pas compte tout de suite. Il mettra du<br />

temps à comprendre et à accepter les mutations profondes déjà effectuées<br />

depuis l’après-guerre et qui allaient se poursuivre avec une accélération accrue<br />

au début de la Révolution tranquille. Les changements n’affectaient pas que la<br />

société civile, mais l’Église tout autant. Son travail comme homme à tout faire et<br />

responsable de la chaufferie du Séminaire le gardait un peu en retrait de ces<br />

bouleversements dont les échos ne l’atteignaient que de façon indirecte. Le réveil<br />

n'en sera que plus brutal.


Le recrutement de frères<br />

Cette insensibilité aux changements de mentalité entraîna des difficultés.<br />

La communauté du séminaire recrutait alors des frères assez nombreux. On<br />

pense à Vincent Fournier, Yvan Lévesque, Maurice Saint-Pierre, Germain<br />

Rousseau, Claude Bédard, Roland Fournier, Yvon Bergeron, etc. Ces jeunes,<br />

venus d’un monde qu’Henri ne connaissait guère <strong>par</strong> le contact personnel,<br />

avaient une sensibilité et des besoins <strong>par</strong>fois étrangers aux valeurs qu’on lui avait<br />

jadis inculquées. Comme aîné, Henri voulait bien entraîner les jeunes recrues à<br />

vivre selon ses valeurs à lui qu’il jugeait sans doute universelles. Il en résulta des<br />

frictions, sinon des conflits.<br />

En 1963, le père Lucien Gagné, depuis deux ans vice-provincial des<br />

maristes canadiens, jugea bon d’amener le frère Henri au scolasticat que l’on<br />

construisait à Hull et qui aurait besoin justement d’un homme habile en tous<br />

métiers pour assurer les ajustements d’une maison neuve et effectuer<br />

l’aménagement paysager d’une propriété encore vierge. Le vieux frère Arsène<br />

Pelletier (1898-1984) n’était plus l’homme de la situation. L’expérience en terre<br />

outaouaise ne donna pas les résultats escomptés. Les ajustements à la bâtisse<br />

s’avérèrent trop peu nombreux et l’aménagement paysager d’une propriété toute<br />

petite fut dévolu aux scolastiques. Henri, un peu désoeuvré, demanda à revenir à<br />

Québec.<br />

À la fin de 1965, Henri rentrait à la Maison Saint-Joseph qui était pour lui le<br />

lieu d’ancrage d’une vraie vie de frère dans la communauté. Il dépassait alors<br />

légèrement la cinquantaine. Pendant son absence, le travail s’était organisé<br />

forcément sans lui. Il ne pouvait donc pas reprendre les tâches là où il les avait<br />

laissées. Mais Henri n’était pas homme à se tourner les pouces. Il découvrit de<br />

nouveaux champs d’activité qui allaient monopoliser ses énergies, canaliser ses<br />

intérêts et l’ouvrir sur ce monde en pleine ébullition qu’il avait eu tendance à<br />

ignorer jusqu’ici. Il deviendra même un lecteur assidu du Devoir, vouant un grand<br />

intérêt aux questions politiques et sociales. À sa manière, il voulut entrer dans le<br />

tournant que prenait alors l'Église conciliaire et s'ouvrir aux vastes défis qui se<br />

posaient à sa conscience.<br />

La philatélie missionnaire<br />

En effet, Henri ne se limita pas à son patelin. Intéressé <strong>par</strong> le monde<br />

missionnaire où il avait des correspondants réguliers, tels Camille Desrosiers,<br />

Luigi Morosini, Camille Rossignol, Roland Bernier et Jean-Marie Bédard, il voulut<br />

venir en aide à ces confrères qu’il enviait un peu et dont il désirait épauler les<br />

projets. Avec des moyens fort modestes, il publia pendant quelques années une<br />

version québécoise de la revue mariste française Missions des Îles. Pour<br />

ramasser des fonds, il décida de mettre sur pied un club de philatélie<br />

missionnaire. Ce qui était au dé<strong>par</strong>t un passe-temps deviendra l’activité principale<br />

du frère. Pendant 30 ans, il se consacra avec détermination à la tâche d’animer


ce club auquel il tenta, avec quelques succès, d’intéresser des élèves du<br />

Séminaire, des jeunes des environs et un certain nombre d’adultes qu’il réunissait<br />

dans un cercle d’échanges philatéliques.<br />

Avec les jeunes, ses objectifs étaient d’ordre pédagogique. Il voulait leur<br />

fournir une activité <strong>par</strong>ascolaire qui tout en les tenant occupés les ouvrait à<br />

l’histoire du monde dont les timbres sont des témoins ou des rappels. Mais plus<br />

encore, il voulait les sensibiliser au monde missionnaire sur lequel il ne ratait pas<br />

les occasions d’attirer leur attention. Ces jeunes démêlaient et classaient des<br />

timbres que le frère Henri recevait de nombreux expéditionnaires <strong>par</strong>tout dans le<br />

monde. Il maintenait des contacts réguliers avec les maristes d’Europe, de Rome<br />

notamment, d’Océanie, du Mexique et des États-Unis.<br />

Pour arrondir un peu les modestes profits de la vente de timbres, il monta<br />

et mit en vente au début des années 70 un album du timbre canadien. L’Album<br />

Castor, réalisé avec les moyens du bord et avec l’aide de confrères et de son<br />

frère Marcellin, mériterait plus qu’une brève mention. Si sa facture est artisanale,<br />

son caractère exhaustif, son organisation pratique et son souci pédagogique<br />

<strong>par</strong>lent éloquemment des heures innombrables consacrées à cet outil dont il se<br />

vendra plusieurs milliers d’exemplaires et dont le frère Henri assurera les<br />

suppléments annuels jusqu’à la fin de 1998.<br />

Le sinueux chemin vers la sagesse<br />

Au tournant des années 70, notre frère vécut des heures passablement<br />

sombres. La Maison Saint-Joseph, lieu sacré s'il en était, était devenue la maison<br />

provinciale. Henri ne s'y retrouvait plus. Il se croyait mis au rancart et pris peu au<br />

sérieux <strong>par</strong>ce que ses souhaits de recrutement de frères n’emballaient guère les<br />

confrères prêtres. Ceux-ci - à tort ou à raison - étaient convaincus que les<br />

vocations à la vie de frère étaient devenues rarissimes. Heureusement les<br />

timbres et les fleurs (car Henri avait retapé une vieille serre où il renouait avec ses<br />

racines ataviques) maintinrent du soleil au milieu de la grisaille. Ces deux<br />

secteurs d’activité lui permirent de donner libre cours à un puissant désir de venir<br />

en aide non pas aux pauvres, mais à des pauvres qu’il rencontrait, à qui il<br />

s’intéressait et à qui il fournissait l’occasion de s’initier à un travail signifiant. Avec<br />

patience et bonté, il les accueillit, leur ouvrant local de timbres, atelier et jardins. À<br />

plusieurs d’entre eux, il redonna un sens de dignité dont la société souvent les<br />

privait. Ces pauvres lui apportèrent beaucoup en retour en terme de sens à la vie.<br />

Au cours des années 80, il retrouva peu à peu une sérénité qui marqua ses<br />

dernières années de vie. Henri ne fut peut-être jamais quelqu’un avec qui il était<br />

facile de vivre. Sa volonté de rendre service ou de venir en aide n'était jamais<br />

prise en défaut; on pouvait toujours faire appel à ses compétences pour régler<br />

une difficulté. Mais sa saisie des problèmes et son évaluation des situations<br />

complexes ne faisaient pas dans les nuances et n’admettaient guère les versions<br />

différentes. Cependant, la grâce faisait lentement son chemin. Sans entrer dans


un mutisme boudeur, il apprenait à relativiser ses opinions et à tolérer que le<br />

monde marchât autrement qu’il n’aurait souhaité. Ce n’est pas qu’il avait bradé<br />

ses convictions. Il ne ratait pas une occasion de les proposer et de les défendre<br />

au besoin avec un feu et un acharnement qui agaçaient un tantinet. Mais il avait<br />

acquis un peu de la sagesse que chante le comique:<br />

Mon Dieu, des mœurs du temps mettons-nous moins en peine<br />

Et faisons un peu grâce à la nature humaine.<br />

Ne l’examinons point dans la grande rigueur<br />

Et voyons ses défauts avec quelque douceur…<br />

Cette grande raideur des vertus des vieux âges<br />

Heurte trop notre siècle et les communs usages;<br />

La sagesse qui rejoignait le frère Henri et l’accompagnait sur sa route de<br />

vieillard souriant ne lui venait pas toutefois de la fréquentation des hommes de<br />

théâtre; elle surgissait plutôt d’une longue fidélité à la prière. Dans la chapelle du<br />

séminaire, puis dans l’oratoire de la Villa Beauvoir, le frère Henri était un habitué<br />

du prie-dieu. On l’y trouvait tôt le matin, on l’y voyait encore tard en soirée.<br />

Certains ont pu penser que sa prière était mécanique, mais elle était fidèle,<br />

espérante et toute simple. Dans le secret du cœur, Dieu répondait à la prière que<br />

notre frère adressait ingénument à Marie, comme on le lui avait enseigné.<br />

La longue fidélité du frère Henri à la prière avait bâti au fil des ans un<br />

attachement viscéral à sa vocation mariste. Il s'en expliquait dans des notes<br />

personnelles en 1983. À propos du vœu de stabilité, il écrivait<br />

Pour faire le vœu de stabilité dans la Société de Marie, il faut croire<br />

en la promesse de Jésus Christ à Pierre que l'Église va durer jusqu'à<br />

la fin des temps. Il faut croire que Marie sera de plus en plus présente<br />

dans l'Église à la fin des temps à travers la Société qu'elle a voulue…Il<br />

faut avoir la ferme conviction qu'il est de notre devoir comme mariste<br />

de vivre de telle façon que la Société puisse durer…Il faut approfondir<br />

l'esprit de Marie, vivre de sa vie au temps présent, assurer une<br />

présence de Marie dans notre temps…La Société <strong>par</strong> mon effort doit<br />

survivre après mon dé<strong>par</strong>t…<br />

L’usure du temps<br />

En 1997, le frère Henri, dont le rythme de vie était d’une régularité<br />

exemplaire et l’élan vital demeuré incoercible, commença à donner des signes de<br />

malaise et de ralentissement. En fin d’année, amaigri et souffrant, il fut hospitalisé<br />

pour le traitement de tumeurs cancéreuses. Surprenant agréablement ses<br />

confrères, il remonta la pente avec célérité et reprit à peu de choses près sa vie<br />

coutumière. Mais le mal n’était pas éradiqué. En 1999, il dut subir de nouvelles<br />

interventions qui <strong>par</strong>urent mineures. Mais le cœur en portait les contrecoups. En<br />

octobre, il fit une thrombose qui lui <strong>par</strong>alysa tout le côté droit, sans affecter


toutefois l’usage de la <strong>par</strong>ole et la lucidité de l’esprit. Il n’en fut pas moins retenu à<br />

l’hôpital pour plus d’un mois. Cette fois, le retour s’avéra beaucoup plus difficile. Il<br />

fallut se résoudre à lui réserver une chambre à l'infirmerie des Frères <strong>Maristes</strong> à<br />

Château-Richer. Il y fut accueilli avec un grand esprit fraternel <strong>par</strong> la communauté<br />

des Frères, traité avec compétence <strong>par</strong> le personnel soignant et visité assidûment<br />

<strong>par</strong> les confrères qui l'amenaient fréquemment prendre un repas à sa<br />

communauté de la Maison Beauvoir. Malgré les soins et les prévenances, sa<br />

santé continua de se dégrader. Des ACV à répétition finirent <strong>par</strong> avoir raison de<br />

sa résistance. Il décéda le 21 novembre 2000, en la fête de la Présentation de<br />

Marie, journée <strong>par</strong>ticulièrement significative pour les personnes de vie consacrée.<br />

Un ancien élève qui avait bellement profité de la patiente pédagogie du<br />

frère Henri lui rendit ce témoignage éloquent :<br />

« les innombrables moments passés en votre compagnie sont à<br />

jamais gravés dans mes souvenirs. Vous nous avez transmis le goût<br />

du travail bien fait, des choses bien faites et un souci du détail dans<br />

tout ce que nous entreprenions…Vous aurez sûrement été un<br />

homme qui aura marqué ma vie. On s'est rencontré une dernière fois,<br />

il y a peut-être dix ans. Les travaux que j'avais faits de mes mains<br />

étaient toujours présents dans votre local, et c'est là que j'ai compris<br />

qu'aussi insignifiants que nos travaux eussent pu passer aux yeux<br />

d'un autre, ils faisaient <strong>par</strong>tie de votre passion, cette passion que<br />

vous avez su nous <strong>par</strong>tager avec tant de générosité » (Louis Guay,<br />

Lévis, 24 novembre 2000).<br />

Le frère Henri Leclerc a été un passionné. Ce fut pour lui <strong>par</strong>fois une cause<br />

de souffrance, mais pour son entourage, un apport bienfaisant et durable.<br />

<strong>Paul</strong>-<strong>Émile</strong> <strong>Vachon</strong>, s.m.

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