13.07.2013 Views

Sauvetage d'une baleine emmêlée dans un engin de pêche

Sauvetage d'une baleine emmêlée dans un engin de pêche

Sauvetage d'une baleine emmêlée dans un engin de pêche

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

<strong>Sauvetage</strong> d’<strong>un</strong>e <strong>baleine</strong> <strong>emmêlée</strong> <strong>dans</strong> <strong>un</strong> <strong>engin</strong> <strong>de</strong> <strong>pêche</strong><br />

mercredi 21 novembre 2012, Clohars-Carnoët (29)<br />

Objet : compte-rendu d’<strong>un</strong>e opération rare consistant à libérer <strong>un</strong> petit rorqual prisonnier<br />

d’<strong>un</strong> orin <strong>de</strong> casier en mer et bilan d’<strong>un</strong>e collaboration fructueuse entre <strong>pêche</strong>ur et<br />

spécialistes.<br />

L’Observatoire Pelagis <strong>de</strong> l’Université <strong>de</strong> La Rochelle (ex CRMM) remercie tous les<br />

intervenants s’étant rendus disponibles sur le terrain à ses côtés notamment :<br />

Mr Thomas Gourlet, <strong>pêche</strong>ur au Doëlan pour sa collaboration, sa sympathie et sa<br />

disponibilité,<br />

Mr Yann Quillivic, soigneur à Océanopolis et membre du RNE<br />

Mr Yves Paturel et Dominique Perreon <strong>de</strong> l’ONCFS du Finistère (Office National <strong>de</strong> la<br />

Chasse et la Fa<strong>un</strong>e Sauvage) pour l’apport <strong>de</strong> leurs moyens nautique et techniques.<br />

Nous remercions également toutes les personnes ayant servi à véhiculer l’information<br />

permettant <strong>un</strong>e bonne réalisation <strong>de</strong> l’opération :<br />

Le CROSSA Etel<br />

La SNSM du Doëlan<br />

Mr Le Navenec, plaisancier ayant signalé l’animal<br />

Les Affaires Maritimes<br />

Le Comité Départemental <strong>de</strong>s Pêches Maritimes du Finistère (Concarneau)<br />

http://www.dailymotion.com/guisx#vi<strong>de</strong>o=xvbe0p


Détails <strong>de</strong>s faits :<br />

Le Dimanche 18 novembre 2012 en milieu d’après-midi, <strong>un</strong> plaisancier signale au<br />

CROSSA <strong>un</strong>e petite <strong>baleine</strong> qui semble immobilisée par enchevêtrement <strong>dans</strong> <strong>un</strong> <strong>engin</strong> <strong>de</strong><br />

<strong>pêche</strong> à 1,5 mille nautique au sud du Pouldu (comm<strong>un</strong>e <strong>de</strong> Clohars-Carnoët). Mis en relation<br />

avec l’Observatoire PELAGIS (Université <strong>de</strong> La Rochelle, ex CRMM) <strong>un</strong> rapi<strong>de</strong> état <strong>de</strong>s lieux<br />

est réalisé afin d’obtenir plus d’information quant à l’<strong>engin</strong> <strong>de</strong> <strong>pêche</strong> et la réelle difficulté <strong>de</strong><br />

l’animal.<br />

Le plaisancier ne pouvant agir sur place seul sans prise <strong>de</strong> risque, il est envisagé <strong>de</strong> faire<br />

intervenir <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> secours locaux. Après échanges, les sapeurs-pompiers précisent<br />

qu’ils ne sont pas habilités à intervenir <strong>dans</strong> ce genre <strong>de</strong> situation. La question est posée à la<br />

SNSM qui pourrait intervenir mais sans expert <strong>dans</strong> le domaine et <strong>dans</strong> <strong>un</strong> délai trop court<br />

avant la tombée <strong>de</strong> la nuit. La décision est prise d’attendre le len<strong>de</strong>main que l’animal soit<br />

signalé à nouveau. Dès lors, <strong>un</strong> avis <strong>de</strong> danger à la navigation est émis sur les on<strong>de</strong>s par le<br />

CROSSA et <strong>un</strong>e équipe rassemblant <strong>de</strong>s correspondants du Réseau National Echouages (RNE,<br />

personnes compétentes en mammifères marins) et coordonnée par l’Observatoire PELAGIS<br />

est en préparation.<br />

Auc<strong>un</strong> signalement n’est réalisé le jour suivant. La ré-observation <strong>de</strong> l’animal toujours<br />

en difficulté n’aura lieu que le mardi en fin <strong>de</strong> journée par la SNSM. Ces <strong>de</strong>rniers nous<br />

confirment que le cétacé est prisonnier d’<strong>un</strong> bout lié à <strong>un</strong>e filière <strong>de</strong> casiers <strong>de</strong> <strong>pêche</strong>. Les<br />

pavillons voisins permettent <strong>de</strong> trouver le nom d’<strong>un</strong> caseyeur travaillant <strong>dans</strong> la zone sur le<br />

« Tragan II ». Rapi<strong>de</strong>ment contacté, le patron <strong>de</strong> <strong>pêche</strong> Mr Gourlet indique qu’il sera <strong>dans</strong> ce<br />

secteur le len<strong>de</strong>main et participera volontiers à <strong>un</strong>e opération <strong>de</strong> sauvetage <strong>de</strong> l’animal aux<br />

côtés <strong>de</strong>s équipes spécialisées.<br />

Le mercredi 21 novembre 2012 au matin, l’équipe composé <strong>de</strong> membres du RNE se<br />

retrouve au Port du Pouldu puis au Doëlan. Elle est composée <strong>de</strong> 2 scientifiques <strong>de</strong><br />

l’observatoire PELAGIS, d’<strong>un</strong> soigneur d’Océanopolis et <strong>de</strong> 2 agents l’ONCFS équipés d’<strong>un</strong><br />

semi-rigi<strong>de</strong>. Etant donné, les conditions <strong>de</strong> mer agitées avec <strong>un</strong>e houle <strong>de</strong> 3m et <strong>un</strong>e<br />

météorologie <strong>de</strong>vant se dégra<strong>de</strong>r, l’approche <strong>de</strong> l’animal avec ce bateau est abandonnée. Ce<br />

type d’embarcation légère est pourtant recommandé pour ce genre d’opération afin<br />

d’approcher l’animal en douceur et <strong>de</strong> pouvoir accé<strong>de</strong>r aux liens au ras <strong>de</strong> l’eau.<br />

L’opération se poursuit par <strong>de</strong>s échanges avec Mr Gourlet qui est présent sur la zone et<br />

recherche l’animal. Le cétacé n’est pas revu, pourtant les <strong>de</strong>ux bouées <strong>de</strong>s casiers sont<br />

anormalement rapprochées (< 2m) et l’<strong>un</strong>e d’entre-elle régulièrement immergée semble<br />

subir <strong>de</strong>s tensions par le fond. Ne connaissant pas l’i<strong>de</strong>ntité du propriétaire et ne sachant<br />

comment agir seul si le cétacé refait surface, Mr Gourlet propose <strong>de</strong> faire embarquer <strong>de</strong>s<br />

membres <strong>de</strong> l’équipe. Revenant à quai, <strong>un</strong>e seule personne n’est autorisé à embarquer à ses<br />

côtés après autorisation expresse délivrée par les affaires maritimes (via le CROSSA).


Sur place, le cétacé est aperçu vivant à <strong>un</strong>e trentaine <strong>de</strong> mètre du seul pavillon qui<br />

reste émergé. Avec le museau pointu et d’<strong>un</strong>e longueur proche <strong>de</strong> 4 m, il s’agit d’<strong>un</strong> petit<br />

rorqual (Balaenoptera acutorostrata). L’animal est assez vif et semble relativement libre <strong>de</strong><br />

ces mouvements. Bien qu’<strong>un</strong> bout soit aperçu autour <strong>de</strong> sa caudale, il peut évoluer <strong>dans</strong><br />

l’eau en plongeant et en venant respirer en surface. Cependant la cor<strong>de</strong> le retient <strong>dans</strong> <strong>un</strong><br />

périmètre limité d’environ 60 m <strong>de</strong> diamètre et a déjà provoqué <strong>de</strong>s traces <strong>de</strong> lacération sur<br />

son épi<strong>de</strong>rme au niveau <strong>de</strong> l’aileron dorsal et tout autour du pédoncule caudal.<br />

Ces éléments cumulés à la forte houle, permettent rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> se rendre compte<br />

qu’<strong>un</strong>e approche <strong>de</strong> l’animal pour appliquer <strong>un</strong> protocole pour libérer l’animal tel que<br />

celui préconisé par la NOAA par exemple sera très complexe. De plus, le bout le liant aux<br />

casiers apparait comme inaccessible car il est constamment immergé et en profon<strong>de</strong>ur.<br />

Dans <strong>un</strong> premier temps pour tenter <strong>de</strong> mieux comprendre la manière dont le rorqual est<br />

emmêlé et dont les lignes sont disposées, nous entreprenons <strong>de</strong> relever les casiers. En<br />

commençant par la bouée qui est en surface et s’aidant du treuil du navire, nous sortons le<br />

premier lest et continuons à enrouler <strong>de</strong>s mètres <strong>de</strong> ligne sans trouver d’orins ou <strong>de</strong> casiers.<br />

Ça n’est que lorsque nous attrapons le second pavillon remonté difficilement en surface, que<br />

nous sentons <strong>un</strong>e résistance importante <strong>de</strong> la filière par le fond. C’est aussi à ce moment-là<br />

que la <strong>baleine</strong> fait surface à <strong>un</strong>e vingtaine <strong>de</strong> mètres. Ne pouvant toujours pas intervenir<br />

auprès <strong>de</strong> l’animal, nous entreprenons <strong>de</strong> relever le restant <strong>de</strong> la filière en se tenant prêt à<br />

couper le bout gênant le rorqual.<br />

En tirant sur la ligne bloqué par le fond nous en arrivons péniblement à la moitié où se<br />

présente <strong>un</strong> orin noué. Tendu <strong>dans</strong> <strong>un</strong> axe perpendiculaire, il correspond à la position du<br />

petit rorqual qui fait surface à moins d’<strong>un</strong>e dizaine <strong>de</strong> mètres du navire. Sentant que ce<br />

<strong>de</strong>rnier commence à exercer <strong>un</strong>e forte tension sur ce bout doublé et qu’il s’approche <strong>de</strong><br />

l’arrière du navire et du gouvernail, nous tranchons rapi<strong>de</strong>ment la cor<strong>de</strong> au sécateur.<br />

Partant plus loin <strong>de</strong> l’autre côté du navire, le rorqual alors brièvement aperçu.<br />

Afin <strong>de</strong> s’assurer que l’animal ne soit pas pris d’autre part <strong>dans</strong> la ligne, nous relevons la<br />

partie restante qui est bien envasée et comprend quatre casiers ainsi que le mouillage. Tout<br />

en n’ayant toujours auc<strong>un</strong>e information sur son propriétaire, le matériel sera remis en place.<br />

Bilan <strong>de</strong> l’opération :<br />

Il est difficile d’expliquer comment l’animal a pu venir s’emmêler <strong>dans</strong> cet <strong>engin</strong>, d’autant<br />

plus que la présence <strong>de</strong> l’espèce est davantage signalée à plus <strong>de</strong> 5 nautiques <strong>de</strong> la côte.<br />

Rappelons que les cas <strong>de</strong> grands cétacés capturés acci<strong>de</strong>ntellement <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s <strong>engin</strong>s <strong>de</strong><br />

<strong>pêche</strong> et encore vivants sont très rares en France mais assez courants <strong>dans</strong> d’autres pays<br />

(Canada, USA, Australie, etc.) qui présentent <strong>de</strong> fortes <strong>de</strong>nsités d’<strong>engin</strong>s <strong>de</strong> <strong>pêche</strong> mouillés<br />

<strong>dans</strong> <strong>de</strong>s zones où la présence <strong>de</strong> <strong>baleine</strong>s côtières est régulière (petit rorqual, <strong>baleine</strong> à<br />

bosse, <strong>baleine</strong> franche). Au départ l’opération <strong>de</strong> sauvetage consistait à s’appuyer sur <strong>de</strong>s<br />

protocoles <strong>de</strong> conduites à tenir reconnus afin d’agir en toute sécurité pour l’homme et pour<br />

l’animal en venant à son contact : 1 navire d’assistance et <strong>un</strong> navire léger pour approcher et<br />

délier le cétacé (la mise à l’eau est déconseillée car elle s’avère périlleuse avec les<br />

comportements <strong>de</strong> stress <strong>de</strong> l’animal et la présence <strong>de</strong> cordages).


Les conditions <strong>de</strong> mers rencontrées sur le terrain ont écarté ce type d’intervention qui se<br />

serait probablement rendue compliquée étant donné la mobilité <strong>de</strong> l’animal. Une métho<strong>de</strong><br />

d’intervention improvisée sur le site a en revanche pu être expérimentée.<br />

La coopération entre scientifiques et <strong>un</strong> patron <strong>pêche</strong>ur local s’est révélée plus que<br />

payante puisque d’<strong>un</strong>e part, sa connaissance <strong>de</strong> la zone a favorisé la localisation <strong>de</strong> la ligne<br />

<strong>de</strong> casiers, puis l’utilisation <strong>de</strong> son expérience et <strong>de</strong> ses moyens techniques (treuil) ont<br />

permis <strong>un</strong>e remontée <strong>de</strong> l’<strong>engin</strong> <strong>de</strong> <strong>pêche</strong> efficace. Ceci a eu pour avantage <strong>de</strong> mieux<br />

comprendre la situation <strong>dans</strong> laquelle était emmêlé l’animal et <strong>de</strong> pouvoir la traiter <strong>dans</strong> <strong>de</strong><br />

bonnes conditions. Bien que le Petit rorqual soit reparti avec <strong>un</strong> morceau <strong>de</strong> cordage autour<br />

<strong>de</strong> la caudale (qui a très bien pu s’enlever par la suite), il a pu être libéré sans prise <strong>de</strong> risque.<br />

Notons que le relais <strong>de</strong> l’information en gran<strong>de</strong> partie coordonné par Le CROSSA est aussi<br />

déterminant pour la réussite <strong>de</strong> cette opération notamment pour l‘évaluation <strong>de</strong>s<br />

conditions <strong>de</strong> capture <strong>de</strong> l’animal, sa faisabilité en sécurité et la mise en relation avec les<br />

bons interlocuteurs sur le terrain.<br />

Rédigé par l’observatoire Pelagis : Fabien Demaret & Ghislain Dorémus

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!