Dans la famille Soleil, je voudrais... - Centre Shambhala de Paris ...
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© C<strong>la</strong>ra Conroy<br />
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
<strong>Dans</strong> <strong>la</strong> <strong>famille</strong> <strong>Soleil</strong>,<br />
<strong>je</strong> <strong>voudrais</strong>...
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
Sommaire<br />
Zoom sur<br />
<strong>Dans</strong> le miroir du Family Camp 3<br />
Peter Nowak,<br />
<strong>la</strong> dignité d’être parent 6<br />
Talents<br />
Maîtrezen rencontre l’amour 8<br />
Jeunes guerriers<br />
Les éc<strong>la</strong>ireurs en visite<br />
au Camp du <strong>Soleil</strong> 10<br />
Roulez <strong>je</strong>unesse<br />
avec le Youth Lea<strong>de</strong>rship 1<br />
Portrait<br />
Sophie Mac<strong>la</strong>ren,<br />
au bonheur <strong>de</strong>s autres 14<br />
Des guerriers<br />
dans le mon<strong>de</strong><br />
Sur le chemin <strong>de</strong>s programmes<br />
parents-enfants 16<br />
Lecture / culture<br />
L’influence <strong>de</strong> l’épopée du roi<br />
Gesar <strong>de</strong> Ling sur Chögyam<br />
Trungpa Rinpoché 17<br />
A noter<br />
Infos, annonces, agenda<br />
Contacts<br />
<strong>Centre</strong>s, groupes, liens 4<br />
Edito<br />
Toucher <strong>la</strong> <strong>famille</strong><br />
Pour <strong>la</strong> plupart, nous séjournons<br />
à Dechen Chöling souvent<br />
avec <strong>la</strong> ferme intention <strong>de</strong> nous<br />
immerger dans une pratique et <strong>de</strong>s<br />
enseignements intenses, sans trop<br />
être “dérangé”, aussi sommes-nous<br />
loin d’imaginer l’ambiance qui peut<br />
régner dans ce lieu à d’autres moments<br />
<strong>de</strong> l’année — sans compter tout ce qui<br />
peut y être encore inventé !<br />
Pour <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> année consécutive,<br />
<strong>je</strong> me suis retrouvée baignant, avec<br />
un immense p<strong>la</strong>isir, dans l’énergie<br />
estivale <strong>de</strong>s programmes <strong>je</strong>unesse et<br />
familiaux qui s’y déroulent en juillet.<br />
L’espace d’une semaine, le Family<br />
Camp, le Sun Camp et maintenant<br />
le Youth Lea<strong>de</strong>rship transforment le<br />
Mas Marvent en villégiature joyeuse<br />
et chaleureuse. Tous les ingrédients <strong>de</strong><br />
programmes riches en découvertes,<br />
partages et émotions sont là, autant<br />
que les occasions <strong>de</strong> pratiquer, concrètement,<br />
sur-le-champ.<br />
Inoubliables sont ces journées ensoleillées<br />
qui s’achèvent sur <strong>de</strong> douces<br />
soirées autour du feu <strong>de</strong> camp. Nous<br />
chantons, échangeons nos expériences,<br />
nous nous <strong>la</strong>issons tirer le tapis sous<br />
les pieds <strong>de</strong> nos habitu<strong>de</strong>s culturelles…<br />
Des Ukrainiens aux Espagnols, <strong>de</strong>s<br />
Hol<strong>la</strong>ndais aux Grecs, tous ont à un<br />
moment ou un autre émis ce même<br />
souhait : que plus <strong>de</strong> « choses » soient<br />
mises en p<strong>la</strong>ce pour les enfants, les ados,<br />
et pour les parents eux-mêmes.<br />
Quelles <strong>la</strong>cunes pointe<br />
cette <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ?<br />
Comment permettons-nous aux enfants<br />
d’entrer dans le manda<strong>la</strong> ? <strong>Dans</strong><br />
notre pro<strong>je</strong>t shambhalien, quelle<br />
p<strong>la</strong>ce faisons-nous pour <strong>la</strong> « <strong>de</strong>uxième<br />
génération » ? Que <strong>la</strong>isserons-nous en<br />
héritage pour que ce<strong>la</strong> puisse continuer<br />
bien après nous ?<br />
Et nous en France ? Combien d’enfants<br />
<strong>la</strong> sangha française peut-elle<br />
concerner ? Comment organiser un<br />
Jour <strong>de</strong>s enfants, <strong>de</strong>s rites <strong>de</strong> passage,<br />
<strong>de</strong>s programmes communs ? Pourquoi<br />
le goût du Sun Camp ne passe-t-il pas<br />
toujours ? Comment leur faire apprécier<br />
<strong>la</strong> méditation ? Entre éducation religieuse<br />
et ultra-<strong>la</strong>ïcité, comment leur<br />
faire toucher, ce que nous considérons<br />
comme précieux, le dharma ?<br />
Retrousser nos manches<br />
Comme ce<strong>la</strong> ne va pas nous tomber tout<br />
cuit dans le bec, peut-être pourrionsnous<br />
imaginer <strong>la</strong> création d’un groupe<br />
« Toucher <strong>la</strong> <strong>famille</strong> » qui, comme celui<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> Terre, rassemblerait les énergies<br />
pour éveiller notre attention dans ce<br />
domaine, récolterait informations, fruits<br />
<strong>de</strong>s expériences passées et compétences,<br />
<strong>la</strong>ncerait <strong>de</strong>s pro<strong>je</strong>ts ou offrirait <strong>de</strong>s<br />
espaces <strong>de</strong> dialogue.<br />
Nous avons enquêté sur le terrain,<br />
ouvert nos colonnes pour témoigner<br />
<strong>de</strong> ce qui se passe là et fait témoigner<br />
<strong>de</strong>s acteurs impliqués dans cet apport<br />
essentiel à l’avenir <strong>de</strong> notre sangha.<br />
Mais alors que nous avons levé un coin<br />
du voile, <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> questions<br />
nous viennent. Un seul numéro ne<br />
suffira pas à étancher notre curiosité.<br />
Il y a beaucoup à faire ! Alors, puisse<br />
ce « dossier » ne jamais se refermer et<br />
faire jaillir initiatives et idées !<br />
V. Villemagne
© Scott Spanbauer<br />
© Sylvie Deraime<br />
<strong>Dans</strong> le miroir du Family Camp<br />
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
Chaque année, le temps d’une semaine ou un peu plus, le Family Camp offre aux pratiquants<br />
qui sont aussi parents <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> pratiquer tout en étant avec leurs enfants, et d’explorer<br />
ce que c’est que d’être parents dans le dharma. Reportage sub<strong>je</strong>ctif.<br />
<strong>Dans</strong> mon album du Family<br />
Camp, parmi les images,<br />
les souvenirs d’échanges<br />
et <strong>de</strong> rencontres, il y a<br />
cette séquence qui me revient le<br />
plus souvent à l’esprit. C’était par<br />
un bel après-midi. <strong>Dans</strong> <strong>la</strong> lumineuse<br />
salle <strong>de</strong> méditation <strong>de</strong> <strong>la</strong> Barn Ah !,<br />
un grand miroir au cadre doré avait<br />
été dressé <strong>de</strong>vant l’autel. Peter<br />
Nowak et Sabine Putze, les directeurs<br />
du programme, ont invité<br />
chaque <strong>famille</strong> à s’asseoir tour à<br />
tour <strong>de</strong>vant le miroir, les enfants<br />
<strong>de</strong>vant, les parents <strong>de</strong>rrière, et, tout<br />
en contemp<strong>la</strong>nt notre reflet, à sentir<br />
<strong>de</strong>rrière nous notre lignée familiale.<br />
Puis, nous étions conviés à prendre<br />
p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>vant une feuille <strong>de</strong> papier, un<br />
pinceau, <strong>de</strong> <strong>la</strong> peinture bleue et <strong>de</strong><br />
l’eau. Les parents avaient à tracer<br />
un trait bleu représentant <strong>la</strong> lignée<br />
familiale ; les enfants, trempant<br />
leur pinceau dans l’eau, venaient en<br />
modifier le contour, tout comme dans<br />
<strong>la</strong> vie, ils prolongent et transforment<br />
à <strong>la</strong> fois cette lignée.<br />
Les uns après les autres, nous nous<br />
sommes prêtés au <strong>je</strong>u. Devant le<br />
vieux miroir exhumé d’un grenier <strong>de</strong><br />
Dechen Chöling, une belle diversité<br />
<strong>de</strong> <strong>famille</strong>s s’est succédé : il y avait<br />
là bien sûr <strong>de</strong>s nationalités différentes<br />
mais surtout toutes sortes<br />
<strong>de</strong> configurations — couple avec<br />
enfants, père ou mère seul avec sa<br />
progéniture unique ou nombreuse,<br />
grand-mère et son petit-fils… Ce<br />
miroir, comme les échanges que nous<br />
pouvons avoir au cours du Family<br />
Camp, me renvoyait à l’image <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
<strong>famille</strong> que <strong>je</strong> porte en moi, confrontait<br />
un idéal hérité <strong>de</strong> l’histoire familiale<br />
aux recompositions, ajustements et<br />
brico<strong>la</strong>ges que, comme beaucoup<br />
d’entre nous, <strong>je</strong> suis appelée à mettre<br />
en œuvre.<br />
L’image, dans <strong>la</strong> g<strong>la</strong>ce un peu piquée,<br />
évoquait une photo sépia <strong>de</strong>s temps<br />
passés. Tandis qu’Adé<strong>la</strong>ï<strong>de</strong>, ma fille<br />
<strong>de</strong> neuf ans, convoquait en murmurant<br />
<strong>de</strong>vant le miroir le grand-père<br />
qu’elle n’a pas connu et tous ceux<br />
qui nous accompagnent malgré<br />
leur absence, levant les yeux, j’ai<br />
vu nos visages, un bref moment,<br />
prendre d’autres traits. Pierre, qui<br />
a fait l’exercice avec son fils Bram,<br />
m’a confié ensuite avoir vécu le<br />
même type d’expérience. J’avais<br />
délibérément « oublié » à <strong>la</strong> maison<br />
les photos familiales que Peter et<br />
Sabine nous avaient encouragés à<br />
apporter avec nous, un peu effrayée<br />
3<br />
© Véronique Villemagne<br />
© Sylvie Deraime<br />
d’avoir à interroger mon lien et ma<br />
p<strong>la</strong>ce dans <strong>la</strong> lignée familiale. En<br />
vain : elle était bien présente.<br />
Je ne vous dirai du « trait familial »<br />
que nous avons ensuite pratiqué que<br />
ce<strong>la</strong>, commun à tous les participants :<br />
au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’émotion suscitée par un<br />
échange intime avec nos enfants,<br />
tous avons été frappés par le calme et<br />
l’attention que, le temps <strong>de</strong> ce trait,<br />
ils ont manifesté. Avant, après, et<br />
même pendant que les uns après les<br />
autres nous tracions <strong>de</strong>s lignes sur le<br />
papier, les enfants, tout autour… se<br />
comportaient en enfants ! Il y avait<br />
du bruit, du désordre, <strong>de</strong>s coussins<br />
renversés, <strong>de</strong> l’impatience. Mais quand<br />
venait leur tour <strong>de</strong> s’asseoir <strong>de</strong>vant<br />
<strong>la</strong> feuille, ils étaient là, attentifs aux<br />
gestes <strong>de</strong> leurs parents puis spontanés<br />
et déterminés dans leur exécution. Ce<br />
fut une séance magique et intense,<br />
dont nous sommes sortis touchés…<br />
avant que nos chers monstres se<br />
dispersent dans le parc, <strong>la</strong>issant se<br />
déployer toute leur énergie.<br />
Du chaos et <strong>de</strong> l’harmonie<br />
Cette tension continuelle entre<br />
harmonie et chaos est sans doute <strong>la</strong><br />
nature même <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie familiale. Nous
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
en faisons l’expérience chaque jour<br />
mais ici, à Dechen Chöling, pendant<br />
le Family Camp, nous pouvons <strong>la</strong><br />
toucher <strong>de</strong> manière à <strong>la</strong> fois plus<br />
vive et plus douce. Christophe,<br />
venu avec ses quatre fils, propulsé<br />
coordinateur à <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière minute,<br />
le résume à sa façon : « Je n’ai pas<br />
eu une minute à moi mais c’était<br />
vachement doux, malgré <strong>la</strong> vitesse<br />
et l’activité. L’environnement doux,<br />
bienveil<strong>la</strong>nt, m’a permis <strong>de</strong> faire ce<br />
que j’avais à faire pour moi, pour le<br />
groupe, pour les enfants. J’avais peur<br />
<strong>de</strong> ne pas avoir assez <strong>de</strong> temps pour<br />
mes fils et en fait, il s’est instauré un<br />
bel équilibre entre les temps où ils<br />
étaient avec ces <strong>je</strong>unes formidables<br />
du Youth Lea<strong>de</strong>rship (cf page 12), le<br />
matin, ces moments où ils étaient seuls<br />
lâchés dans Dechen Chöling et ceux<br />
que nous passions ensemble ». Pouvoir<br />
pratiquer tranquillement, autoriser<br />
nos enfants à explorer leur champ<br />
d’autonomie et explorer nous-mêmes<br />
ce que nous pouvons lâcher <strong>de</strong> nos<br />
habitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> contrôle, découvrir que<br />
cette liberté que nous nous accordons<br />
et que nous leur accordons ouvre<br />
sur <strong>de</strong>s temps <strong>de</strong> partage d’une plus<br />
gran<strong>de</strong> qualité, c’est un bonheur <strong>de</strong><br />
parent permis, sans aucun doute,<br />
par l’environnement créé. <strong>Dans</strong><br />
quel autre endroit, aujourd’hui,<br />
pouvons-nous en confiance accepter<br />
<strong>de</strong> voir disparaître <strong>de</strong> longues heures<br />
durant nos petits et plus grands ?<br />
© Véronique Villemagne<br />
© Véronique Villemagne<br />
Pour Lorraine, maman <strong>de</strong> Vadim,<br />
huit ans, a découvert à Dechen<br />
Chöling, dans le Family Camp, « un<br />
lieu qui permet <strong>de</strong> grandir ».<br />
Un miroir précieux<br />
et exigeant<br />
Comme d’autres parents, Lorraine<br />
fréquente habituellement une autre<br />
sangha. Aimant « ce qui se dégage »<br />
<strong>de</strong> ses amis shambhaliens, curieuse<br />
<strong>de</strong> ce qu’ils décrivaient, elle a fait<br />
le voyage. « Il y a peu <strong>de</strong> parents<br />
dans le dharma, constate-t-elle, et<br />
pratiquer avec les enfants, autour<br />
<strong>de</strong>s enfants, échanger sur les joies<br />
et les difficultés d’être parents dans<br />
le dharma est rarissime. Le fait que<br />
Shambha<strong>la</strong> propose <strong>de</strong>s rites <strong>de</strong> passage<br />
à différents âges m’attire aussi : c’est<br />
une gran<strong>de</strong> carence <strong>de</strong> notre société et<br />
<strong>je</strong> ne connais pas d’autres centres qui<br />
offrent ce<strong>la</strong>. » Elle est frappée par <strong>la</strong><br />
maturité <strong>de</strong> <strong>la</strong> sangha, apprécie cette<br />
capacité qu’ont les enseignants à<br />
« parler du cœur » : « les êtres humains<br />
que nous sommes, les parents et les<br />
enfants trouvent leur compte » dans<br />
le Family Camp.<br />
Voilà sans doute qui justifierait le<br />
choix <strong>de</strong> ces drôles <strong>de</strong> vacances.<br />
Faut-il ajouter cette mise en gar<strong>de</strong> ?<br />
L’expérience n’est pas toujours<br />
confortable. « C’est à <strong>la</strong> fois, poursuit<br />
Lorraine, un lieu où on se sent bien et<br />
un miroir <strong>de</strong> <strong>la</strong> façon dont les parents<br />
4<br />
© Scott Spanbauer<br />
éduquent leurs enfants. Je vois c<strong>la</strong>irement<br />
comment le mien manque <strong>de</strong><br />
limites. Et lui est pris dans cette énergie<br />
et mis face à ses difficultés. Il est même<br />
encore plus débridé ici, comme si toute<br />
son énergie était décuplée !». Oui,<br />
les enfants autant que les parents<br />
se trouvent confrontés à ce que<br />
leur renvoie <strong>la</strong> communauté. Il y<br />
a les attentes déçues : les amis <strong>de</strong><br />
l’année précé<strong>de</strong>nte qui ne sont pas<br />
au ren<strong>de</strong>z-vous, les baigna<strong>de</strong>s moins<br />
nombreuses l’après-midi parce que<br />
le « container », plus puissant, incite à<br />
s’impliquer davantage dans les activités<br />
communes, et cette multiplicité<br />
<strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues qui est à <strong>la</strong> fois richesse<br />
et obstacle — en particulier pour les<br />
Français qui, après le départ <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
seule Française du Youth Lea<strong>de</strong>rship,<br />
se sont, une nouvelle fois, trouvés<br />
sans interlocuteur capable <strong>de</strong> parler<br />
couramment leur <strong>la</strong>ngue.<br />
En chantier<br />
Christian, allemand, qui s’est porté<br />
volontaire pour encadrer les enfants le<br />
matin après avoir participé à son tout<br />
premier programme shambhalien au<br />
début <strong>de</strong> l’été, raconte comment les<br />
uns et les autres se sont débrouillés<br />
avec cette situation : « La <strong>la</strong>ngue a<br />
été d’abord une barrière puis après<br />
quelques jours, les groupes d’enfants<br />
<strong>de</strong> différentes <strong>la</strong>ngues se sont ouverts.<br />
Les enfants français s’irritaient que<br />
© Sylvie Deraime
© Sylvie Deraime<br />
<strong>je</strong> ne les comprenne pas bien, mais<br />
quand ils ont vu que <strong>je</strong> faisais <strong>de</strong>s<br />
efforts, ils en ont fait aussi pour que<br />
nous puissions communiquer. En fait,<br />
nous [les <strong>je</strong>unes <strong>de</strong> l’équipe] voulions<br />
développer un <strong>la</strong>ngage basique commun,<br />
avec quelques gestes et quelques mots<br />
<strong>de</strong>s différentes <strong>la</strong>ngues, nous avons<br />
changé d’idée, à <strong>la</strong> fois par manque<br />
<strong>de</strong> préparation et parce qu’il y avait<br />
tellement d’énergie chez les enfants.<br />
C’était une erreur. J’espère être là<br />
<strong>de</strong> nouveau l’an prochain et alors,<br />
<strong>je</strong> le ferai. »<br />
Une piste à suivre donc pour travailler<br />
cette difficulté récurrente, à<br />
<strong>la</strong>quelle se sont heurtés aussi Eugène,<br />
Octave et Émile, les trois aînés <strong>de</strong><br />
Christophe, rapatriés après trois jours<br />
du Sun Camp où ils n’avaient pas<br />
trouvé leur p<strong>la</strong>ce 1 . Le Family Camp<br />
a su leur en faire une : les <strong>je</strong>unes<br />
du Youth Lea<strong>de</strong>rship ont intégré<br />
ces adolescents comme assistants<br />
auprès <strong>de</strong>s enfants. « C’était génial,<br />
dit Christophe, j’avais peur qu’ils<br />
s’ennuient le matin finalement, ils ont<br />
eu une position privilégiée. » Mais l’an<br />
prochain ? « Je n’ai pas l’impression<br />
que ce<strong>la</strong> puisse être reproduit et du<br />
coup, <strong>je</strong> ne me vois pas revenir. Hector<br />
seul a l’âge du Family Camp. Ce n’est<br />
pas adapté pour les plus grands. Je suis<br />
triste que pour leur catégorie d’âge, il<br />
n’y ait que cette porte du Sun Camp. Je<br />
suis mal à l’aise avec ce côté militaire,<br />
j’étais prêt, pourtant, à ce que mes<br />
© Sylvie Deraime<br />
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
enfants expérimentent ça eux-mêmes<br />
et qu’ils me fassent bouger là-<strong>de</strong>ssus.<br />
Ça n’a pas marché. Pour les adultes, il<br />
y a différentes portes pour rentrer en<br />
contact avec <strong>la</strong> sagesse <strong>de</strong> Shambha<strong>la</strong>,<br />
alors que pour les <strong>je</strong>unes adolescents,<br />
il n’y a que cet aspect militaire et ça<br />
me met un peu en colère aussi. C’est<br />
un manque d’intelligence, certes lié à<br />
<strong>la</strong> <strong>je</strong>unesse <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté — on<br />
ne peut pas tout faire en même temps<br />
— mais il s’agit tout <strong>de</strong> même <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
génération future. Autant, <strong>je</strong> n’ai<br />
pas envie d’évangéliser mes enfants,<br />
autant j’ai envie <strong>de</strong> leur proposer<br />
quelque chose. Et là, une porte s’est<br />
fermée. »<br />
Les interrogations <strong>de</strong> Christophe<br />
ne sont pas sans faire écho en moi.<br />
Adé<strong>la</strong>ï<strong>de</strong> aura l’âge <strong>de</strong> s’inscrire au<br />
Sun Camp l’an prochain. Et pour<br />
l’instant, elle ne manifeste pas le<br />
désir <strong>de</strong> rejoindre sa sœur aînée<br />
dans les drills… Comment maintenir<br />
ouverte <strong>la</strong> porte ? C’est peut-être un<br />
nouveau chantier qui prend forme<br />
pour notre sangha.<br />
Sylvie Deraime<br />
Eric, Christelle, Jules et Lorène Bargis, qui participaient<br />
pour <strong>la</strong> première fois à ce Family Camp, ont offert à<br />
<strong>la</strong> fin <strong>de</strong> ce programme une chanson (en ang<strong>la</strong>is)<br />
composée par le père, chantée par toute <strong>la</strong> <strong>famille</strong>.<br />
Un témoignage sur le vif et d’une gran<strong>de</strong> fraîcheur<br />
à écouter à l’adresse suivante : http://www.myspace.<br />
com/ericbargis<br />
1 Lire page 11 les témoignages d’Eugène et Octave.<br />
© Véronique Villemagne<br />
© Scott Spanbauer<br />
KézakO ?<br />
Les rites <strong>de</strong> passage<br />
Comment trouver sa p<strong>la</strong>ce dans le<br />
mon<strong>de</strong> en l’absence <strong>de</strong> repères marquant<br />
le passage <strong>de</strong>s saisons <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie ? Les<br />
rites <strong>de</strong> passage imaginés par Chögyam<br />
Trungpa pour les enfants ayant atteint<br />
l’âge <strong>de</strong> huit ans s’inspirent c<strong>la</strong>irement<br />
<strong>de</strong>s rites initiatiques célébrés dans les<br />
sociétés traditionnelles. Ici, il s’agit <strong>de</strong><br />
marquer le moment où l’enfant peut<br />
prendre <strong>de</strong>s responsabilités au sein<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>famille</strong> et à l’extérieur. Pendant<br />
une semaine, les <strong>je</strong>unes participants<br />
sont invités à explorer leur potentiel<br />
humain, leur qualités <strong>de</strong> guerrier, à<br />
travers <strong>de</strong>s pratiques adaptées <strong>de</strong><br />
méditation et d’attention, d’arts<br />
contemp<strong>la</strong>tifs comme le kado, <strong>la</strong> calligraphie<br />
et <strong>la</strong> poésie spontanée, <strong>de</strong><br />
méditation en action (marche, kyudo).<br />
Le programme s’achève avec une<br />
cérémonie à <strong>la</strong>quelle toute <strong>la</strong> sangha<br />
est conviée. Nous n’en dévoilerons<br />
pas les secrets afin que les futurs<br />
guerriers puissent en goûter toute<br />
<strong>la</strong> saveur. Disons seulement qu’elle<br />
met en scène symboliquement, <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
manière <strong>la</strong> plus émouvante, l’adieu à<br />
<strong>la</strong> petite enfance et <strong>la</strong> reconnaissance<br />
par les parents <strong>de</strong> l’autonomie grandissante<br />
<strong>de</strong> leur enfant tandis que<br />
celui-ci prend l’engagement <strong>de</strong> cultiver<br />
<strong>la</strong> bienveil<strong>la</strong>nce, envers lui-même et<br />
envers les autres. Ce programme a<br />
lieu à Dechen Chöling tous les <strong>de</strong>ux<br />
ans et s’ouvre aux 8-12 ans.<br />
Le prochain Family Camp se déroulera<br />
du 26 juillet au 6 août 2010. Kanjuro<br />
Shibata Sensei <strong>de</strong>vrait être là pour les<br />
cérémonies <strong>de</strong> rites <strong>de</strong> passage.
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
Peter Nowak,<br />
<strong>la</strong> dignité d’être parent<br />
Codirecteur du Family Camp 2009 avec Sabine Putze, Peter Nowak a initié<br />
les programmes enfants au <strong>Centre</strong> Shambha<strong>la</strong> <strong>de</strong> Vienne en 1991.<br />
Comment ne pas faire profiter <strong>la</strong> sangha française <strong>de</strong> son expérience ?<br />
Comment est née ton envie d’organiser<br />
<strong>de</strong>s programmes à <strong>de</strong>stination<br />
<strong>de</strong>s enfants ?<br />
J’ai connu Trungpa Rinpoché à <strong>la</strong> fin<br />
<strong>de</strong> sa vie. Avant <strong>de</strong> mourir, il avait<br />
rédigé un testament dans lequel il<br />
consacrait un paragraphe aux enfants.<br />
Il écrivait que les enfants étaient <strong>la</strong><br />
génération future… En entendant<br />
<strong>la</strong> lecture <strong>de</strong> ce testament lors <strong>de</strong>s<br />
funérailles <strong>de</strong> Trungpa Rinpoché, j’ai<br />
été profondément touché. Ce que<br />
<strong>je</strong> comprenais, c’est que nous, les<br />
parents, étions <strong>la</strong> première génération,<br />
issue <strong>de</strong> <strong>la</strong> culture chrétienne <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Mittle Europa. Nos enfants seraient<br />
<strong>la</strong> première génération à grandir<br />
dans l’atmosphère <strong>de</strong> Shambha<strong>la</strong> et<br />
c’était très important pour imp<strong>la</strong>nter<br />
<strong>la</strong> sagesse <strong>de</strong> Shambha<strong>la</strong> dans<br />
<strong>la</strong> culture occi<strong>de</strong>ntale. Le message<br />
<strong>de</strong>meure pour moi que nous <strong>de</strong>vrions<br />
consacrer beaucoup d’efforts et<br />
d’attention à <strong>la</strong> manière dont nous<br />
vivons avec nos enfants, dont nous<br />
les éduquons et dont nous leur<br />
présentons le dharma.<br />
Comment cette compréhension<br />
s’est-t-elle concrétisée ?<br />
J’étais, à cette époque, le coordinateur<br />
du <strong>Centre</strong> Shambha<strong>la</strong> <strong>de</strong> Vienne.<br />
Or, trois ans plus tard, mon premier<br />
enfant est né. Il m’a fallu quitter cette<br />
fonction mais pendant le temps que<br />
j’ai pu passer avec ma <strong>famille</strong>, l’idée<br />
<strong>de</strong> mettre en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s programmes<br />
pour les enfants a fait son chemin.<br />
Quand nous avons commencé, nous<br />
étions plusieurs à avoir <strong>de</strong>s enfants<br />
<strong>de</strong> six-sept ans. Nous avons recueilli<br />
du matériel aux Etats-Unis et avons<br />
appris du centre <strong>de</strong> Boul<strong>de</strong>r <strong>de</strong>ux<br />
ou trois choses qui se sont avérées<br />
marcher très bien quand nous les<br />
avons expérimentées. Ainsi, <strong>la</strong> forme<br />
du programme doit toujours être <strong>la</strong><br />
même ; on commençait avec une<br />
cérémonie du thé adaptée. Les<br />
enseignements doivent rester très<br />
simples ; ils peuvent porter sur les cinq<br />
<strong>famille</strong>s <strong>de</strong> bouddha, <strong>la</strong> compassion,<br />
les huit vertus, par exemple. Enfin,<br />
chaque programme intègre « <strong>de</strong>s <strong>je</strong>ux<br />
du guerrier », pour inviter les enfants<br />
à être présents dans l’action. Ce<strong>la</strong><br />
peut être réaliser <strong>de</strong>s instal<strong>la</strong>tions<br />
représentant le ciel, l’humanité et<br />
<strong>la</strong> terre ; on peut aussi <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à<br />
trois enfants <strong>de</strong> représenter ces éléments<br />
avec leurs propres corps. Les<br />
programmes proposés à Vienne ont<br />
accompagné le développement <strong>de</strong>s<br />
enfants : quand ils ont eu entre huit<br />
et douze ans, nous avons organisé<br />
<strong>de</strong>s cérémonies <strong>de</strong> rites <strong>de</strong> passage.<br />
Nous avons aussi commencé à célébrer<br />
le Jour <strong>de</strong>s enfants le samedi<br />
avant Noël, qui réunissait toute <strong>la</strong><br />
communauté autour d’eux dans<br />
notre centre.<br />
Ces programmes se poursuivent-ils<br />
toujours à Vienne ?<br />
Oui, ils sont toujours enseignés,<br />
mais il y a peu <strong>de</strong> <strong>je</strong>unes enfants<br />
en ce moment. Nous avons une<br />
dizaine d’adolescents, pour lesquels<br />
il existe un groupe <strong>de</strong> discussion.<br />
Ça ne marche pas vraiment. Pour<br />
6<br />
Peter Nowak<br />
© Sylvie Deraime<br />
construire un vrai groupe, il faut que<br />
les ados lient <strong>de</strong>s liens d’amitié, or,<br />
peu d’entre eux sont amis. Leurs<br />
re<strong>la</strong>tions sont plutôt à l’extérieur<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> sangha. Toutefois, ils vont à<br />
Dechen Chöling pour le Sun Camp<br />
ou le Youth Lea<strong>de</strong>rship, ou bien ils<br />
commencent <strong>la</strong> voie Shambha<strong>la</strong>,<br />
s’inscrivent à <strong>de</strong>s programmes <strong>de</strong><br />
Dharma Arts.<br />
Comment peut-on prendre soin <strong>de</strong>s<br />
<strong>famille</strong>s au sein <strong>de</strong>s centres ?<br />
Nous avons toujours essayé <strong>de</strong> fournir<br />
un childcare pour les programmes<br />
adultes. Pendant plusieurs années,<br />
nous avons organisé <strong>de</strong>s nyinthüns<br />
avec childcare ; enfants et adultes<br />
partageaient un repas <strong>de</strong> style oryoki.<br />
Les enfants adorent ! En fait, ils<br />
adorent les rituels. Evi<strong>de</strong>mment,<br />
<strong>la</strong> présence <strong>de</strong> <strong>je</strong>unes enfants peut<br />
créer du désordre et <strong>de</strong>s tensions
peuvent surgir entre parents et<br />
non-parents. Nous organisions aussi,<br />
<strong>de</strong>ux ou trois fois par an, <strong>de</strong>s petits<br />
camps familiaux, dans une maison<br />
louée à <strong>la</strong> campagne. C’étaient <strong>de</strong><br />
beaux moments. Ce serait bien<br />
aussi <strong>de</strong> donner un espace aux<br />
adolescents. Quand nos enfants ont<br />
atteint douze ans, ils ont exprimé le<br />
besoin d’une pièce à eux, d’un « coin<br />
<strong>de</strong>s enfants » dans le centre, mais<br />
nous ne sommes jamais parvenus<br />
à y répondre.<br />
Durant ce Family Camp, avec Sabine<br />
Putze, l’essentiel <strong>de</strong>s causeries et<br />
activités concernait <strong>la</strong> façon dont<br />
nous, parents, pouvons transmettre<br />
le dharma à nos enfants et intégrer<br />
<strong>la</strong> pratique dans notre vie familiale.<br />
Que retires-tu <strong>de</strong> ta propre expérience<br />
<strong>de</strong> père ?<br />
Il me semble essentiel, d’abord, que<br />
les parents définissent c<strong>la</strong>irement<br />
quel type <strong>de</strong> culture familiale ils souhaitent.<br />
Bien sûr, c’est très difficile<br />
si un seul parent souhaite élever les<br />
enfants dans le dharma et que l’autre<br />
s’y oppose ou n’est pas à l’aise avec<br />
ce<strong>la</strong>. Le <strong>de</strong>uxième point concerne<br />
<strong>la</strong> façon dont nous établissons notre<br />
propre pratique et ce que les enfants<br />
en voient. Nous sommes le premier<br />
bouddha, le premier maître pour nos<br />
enfants. Installer un autel est en<br />
ce sens très important pour tous :<br />
c’est un rappel constant <strong>de</strong> l’esprit<br />
éveillé. Ce n’est pas une question <strong>de</strong><br />
dévotion envers quelqu’un d’autre<br />
et les enfants peuvent le sentir très<br />
facilement. Ils apprennent à respecter<br />
ce lieu sacré. Il y a aussi l’équilibre<br />
que nous trouvons entre le temps <strong>de</strong><br />
méditation assise et tout le reste, <strong>la</strong><br />
<strong>famille</strong>, les re<strong>la</strong>tions, le travail ; ce que<br />
nous faisons <strong>de</strong> nos vacances : estce<br />
qu’on se rend à Dechen Chöling<br />
ou dans un autre lieu <strong>de</strong> retraite, ou<br />
est-ce qu’on privilégie <strong>de</strong>s vacances<br />
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
familiales plus ordinaires. Et dans ce<br />
cas, pratique-t-on ? Les repas, le<br />
passage <strong>de</strong>s saisons, tout ce<strong>la</strong> peut<br />
être l’occasion <strong>de</strong> rituels. <strong>Dans</strong> notre<br />
<strong>famille</strong>, nous n’avons jamais beaucoup<br />
pratiqué <strong>la</strong> méditation assise ensemble.<br />
Mes enfants ont davantage appris<br />
dans les différents programmes. Ils<br />
adorent le Sun Camp. Ma fille aînée<br />
médite assez régulièrement mais <strong>de</strong><br />
son côté. <strong>Dans</strong> d’autres <strong>famille</strong>s, on<br />
pratique ensemble le soir, ou on sonne<br />
simplement le gong pour rappeler à<br />
l’attention. On peut aussi s’inspirer<br />
<strong>de</strong>s pratiques <strong>de</strong> Thich Nhat Hanh :<br />
désigner un lieu dans <strong>la</strong> maison, peutêtre<br />
même juste un fauteuil, où l’on<br />
se retire quand le ton monte. Celui<br />
qui s’y réfugie sonne le gong pour<br />
indiquer qu’il a besoin <strong>de</strong> paix. Puis,<br />
après un moment, il peut reprendre<br />
<strong>la</strong> discussion.<br />
Est-il arrivé que tes enfants éprouvent<br />
<strong>de</strong>s difficultés du fait d’avoir<br />
une culture familiale différente<br />
<strong>de</strong> celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s enfants<br />
autrichiens ?<br />
D’une certaine façon, aucune <strong>famille</strong><br />
n’est normale ! Et chaque <strong>famille</strong> a sa<br />
culture propre. Bien sûr, ma <strong>famille</strong><br />
n’est pas <strong>la</strong> plus conventionnelle<br />
au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> société autrichienne.<br />
Mais Vienne est une gran<strong>de</strong> ville<br />
et <strong>de</strong> nombreux migrants y vivent,<br />
avec leur diversité religieuse. Aussi<br />
mes enfants n’ont-ils jamais eu <strong>de</strong><br />
difficultés avec ça. L’essentiel est<br />
qu’ils se sentent respectés, accueillis ;<br />
alors, ils peuvent eux-mêmes accepter<br />
presque tout.<br />
Qu’est-ce qui a motivé le choix du<br />
thème <strong>de</strong> <strong>la</strong> lignée familiale pour ce<br />
Family Camp ?<br />
Ce<strong>la</strong> nous a paru un su<strong>je</strong>t vraiment<br />
puissant, digne d’être travaillé. Il est<br />
important <strong>de</strong> ressentir <strong>de</strong> <strong>la</strong> dignité<br />
en tant que parents, <strong>de</strong> mesurer <strong>la</strong><br />
7<br />
valeur d’être parents. Et c’est, <strong>de</strong><br />
fait, <strong>la</strong> principale pratique que nous<br />
ayons.<br />
Comment te sens-tu alors que s’achève<br />
ce Family Camp ?<br />
C’est <strong>la</strong> première fois que j’enseigne<br />
au Family Camp et <strong>je</strong> me réjouis <strong>de</strong><br />
constater que les enfants sont ici<br />
chez eux. Il n’y a pas eu <strong>de</strong> grosses<br />
bagarres et si certains adultes se sont<br />
un peu <strong>la</strong>issés aller à <strong>la</strong> paresse, le<br />
« container » est resté fort. J’ai été<br />
touché par <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong>s cercles <strong>de</strong><br />
parole, par ces échanges riches en<br />
émotion, venant du cœur et en même<br />
temps c<strong>la</strong>irs. Nous avons établi une<br />
communauté pleine <strong>de</strong> confiance. Une<br />
<strong>de</strong>s difficultés est que les pratiquants<br />
<strong>de</strong> longue date et les nouveaux venus<br />
ont <strong>de</strong>s attentes assez différentes.<br />
Les premiers souhaitent avoir du<br />
temps pour pratiquer, seuls dans<br />
certains cas, dans un environnement<br />
et une atmosphère qui soutiennent <strong>la</strong><br />
pratique. Pour les autres, il s’agit <strong>de</strong><br />
les introduire aux différentes formes<br />
et pratiques en groupe. Mais j’ai le<br />
sentiment que nous avons réussi à<br />
créer un vil<strong>la</strong>ge, avec <strong>de</strong> <strong>la</strong> solidarité et<br />
<strong>de</strong> l’amitié entre les uns et les autres.<br />
Que nous puissions vivre ensemble et<br />
être heureux est déjà une réussite !<br />
Le message que reçoit <strong>la</strong> sangha est<br />
très important. Le bouddhisme est<br />
d’abord une tradition monastique et<br />
il n’y a pas tant que ça d’exemples<br />
<strong>de</strong> <strong>famille</strong>s bouddhistes, du moins<br />
dans notre société occi<strong>de</strong>ntale. C’est<br />
pour moi essentiel <strong>de</strong> manifester<br />
cette dimension à Dechen Chöling,<br />
pour tout le manda<strong>la</strong>. Si nous avons<br />
<strong>de</strong>s enfants, il se pourrait que ce<br />
soit notre contribution que d’être<br />
avec eux et <strong>de</strong> leur donner un bon<br />
départ dans ce mon<strong>de</strong> où il y a tant<br />
d’insécurité.<br />
Propos recueillis par S. D.
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
8<br />
Talents<br />
Maîtrezen rencontre l’amour Par Katherine Quenot<br />
Il s’appe<strong>la</strong>it Maîtrezen. Il était ce que <strong>la</strong> technologie<br />
bouddhiste faisait <strong>de</strong> mieux : un petit robot<br />
gran<strong>de</strong>ur nature-<strong>de</strong>-Bouddha qui s’exprimait<br />
comme un vrai Bodhisattva. Maîtrezen avait<br />
parfaitement intégré dans ses circuits le fait que son<br />
moi n’était qu’un assemb<strong>la</strong>ge provisoire et fluctuant<br />
d’éléments interdépendants. Il disait donc, non: « Je<br />
m’appelle Maîtrezen », mais « m’appelle Maîtrezen ».<br />
Parfait. Disons, parfait jusqu’à ce que Maitrezen soit<br />
présenté à l’élection à <strong>la</strong>quelle concouraient chaque<br />
année les robots « non-moi » les plus perfectionnés du<br />
Bouddhamon<strong>de</strong>.<br />
C’était un merveilleux matin b<strong>la</strong>nc et terne à souhait,<br />
propre au climat <strong>de</strong> Bouddha-city, avec toutes<br />
ces possibilités d’exploration du b<strong>la</strong>nc et du terne qui<br />
ouvrent l’esprit. Nombre d’habitants du Bouddhamon<strong>de</strong><br />
étaient venus soutenir avec équanimité l’un ou l’autre<br />
<strong>de</strong>s candidats à l’élection du Super-Robot Bouddha,<br />
afin <strong>de</strong> lui attribuer <strong>la</strong> mention Qualité-<strong>de</strong>-Bouddha,<br />
<strong>la</strong>quelle permettrait aux circuits commerciaux <strong>de</strong>s cinq<br />
districts (Vajraville, Ratnaville, Padmaville, Karmaville<br />
et Bouddha-city) <strong>de</strong> fabriquer l’heureux gagnant à une<br />
échelle industrielle, ce qui ai<strong>de</strong>rait au surplus à financer<br />
les rivières <strong>de</strong> <strong>la</strong>it et <strong>de</strong> miel dont Padmaville et Ratnaville<br />
avaient un si cruel besoin.<br />
Quant à moi (petit, tout petit moi, disons « m »), étais<br />
ce que l’on pouvait appeler l’inventeur <strong>de</strong> Maîtrezen,<br />
si ce titre n’était dépourvu <strong>de</strong> sens, toute forme étant<br />
vi<strong>de</strong> <strong>de</strong> nos idées préconçues et <strong>de</strong> nos jugements.<br />
Chaque robot était accompagné <strong>de</strong> son inventeur,<br />
celui-ci étant en toute logique son alter ego. Quand<br />
arrivai à l’immense tente b<strong>la</strong>nche qui avait été dressée<br />
au centre du Manda<strong>la</strong>, nombre <strong>de</strong> robots étaient déjà<br />
assis sur leurs coussins <strong>de</strong> méditation sur l’estra<strong>de</strong> d’ex-<br />
position. Jetai un coup d’œil intrigué au coussin voisin <strong>de</strong><br />
Maitrezen où méditait un robot <strong>de</strong> sexe féminin. Repérai<br />
facilement l’alter ego du robot femelle et instal<strong>la</strong>i à ses<br />
côtés. Di<strong>la</strong>tai à mon aise, sentant toutes mes qualités<br />
<strong>de</strong> Ratnavillois s’épanouir. N’êtes pas sans savoir que<br />
les Ratnavillois se sentent très riches et prolifiques et<br />
qu’ils s’offrent personnellement au mon<strong>de</strong>.<br />
Joignis mains l’une contre l’autre et inclinai pour<br />
saluer l’être sensible <strong>de</strong> sexe féminin qui se trouvait<br />
<strong>de</strong>vant m. Cet être sensible était une femme aux formes<br />
vi<strong>de</strong>s mais néanmoins pleines. Se lissa longs cheveux en<br />
<strong>de</strong>mandant qui étais et d’où venais.<br />
— M’appelle Beurre-très-<strong>de</strong>nse. District<br />
Ratnaville.<br />
— Ratnaville ! Viens <strong>de</strong> Padmaville. M’appelle<br />
Vouloir-Saisir.<br />
Ne suis jamais allé à Padmaville. Mais ce que sais<br />
(car ce<strong>la</strong> alimente les conversations <strong>de</strong>puis l’incréation<br />
du Bouddhamon<strong>de</strong>) est que les Padmavillois comme les<br />
Ratnavillois se baignent dans <strong>de</strong>s ruisseaux <strong>de</strong> miel et <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong>it. La différence est que les Ratnavillois doivent utiliser<br />
une foule <strong>de</strong> produits <strong>de</strong> nettoyage pour se débarrasser<br />
<strong>de</strong> ce mé<strong>la</strong>nge col<strong>la</strong>nt, tandis que l’expérience <strong>de</strong>s<br />
Padmavillois est celle d’une fraîcheur fantastique.<br />
— Est-il vrai que <strong>la</strong>it et miel glissent sur peau, que<br />
mangez <strong>de</strong>s g<strong>la</strong>ces aux couleurs <strong>de</strong> lotus roses et qu’une<br />
musique douce joue en arrière-p<strong>la</strong>n sans arrêt ?<br />
— Est vrai, cher beurre-très-<strong>de</strong>nse. Quand vient le<br />
soir, cherche un amant. Qu’en dites ?<br />
— On n’est pas le soir, répondis, désarçonné.<br />
— Alors, à ce soir !<br />
Me quitta en enfourchant son paon, tandis que <strong>la</strong><br />
regardais s’éloigner en me concentrant sur ma respiration<br />
pour ne pas <strong>la</strong>isser esprit s’enfuir.
Talents<br />
© Disney http://www.coloriage-<strong>de</strong>ssin.com<br />
Comme d’habitu<strong>de</strong>, le jury était composé pour<br />
moitié <strong>de</strong> Vajravillois et pour moitié <strong>de</strong> Karmavillois.<br />
On peut compter sur les premiers pour trancher dans<br />
toute tendance émotive névrotique au moyen <strong>de</strong>s<br />
cinq pointes acérées <strong>de</strong> leur sceptre. Mais, comme les<br />
Vajravillois peuvent avoir une tendance à <strong>la</strong> fixation<br />
intellectuelle et à <strong>la</strong> colère, les Karmavillois sont là pour<br />
contreba<strong>la</strong>ncer ce penchant.<br />
Regardai le téléprompteur qui annonçait sans interruption<br />
les temps <strong>de</strong> pensée <strong>de</strong>s robots. Ava<strong>la</strong>i ma<br />
salive. Maitrezen faisait partie <strong>de</strong>s bons <strong>de</strong>rniers. Quant<br />
au temps réalisé par Intuition-Pénétrante, le robot <strong>de</strong><br />
Vouloir-Saisir, il était à peu <strong>de</strong> choses près le même...<br />
Pris tête dans mains. Comprenais... Intuition-<br />
Pénétrante et Maîtrezen se <strong>la</strong>issaient distraire par un film<br />
pornographique intérieur alimenté par leur proximité.<br />
Aussitôt, avançai vers le jury. Expliquai à un Vajravillois<br />
qu’il n’était pas juste d’avoir p<strong>la</strong>cé mon robot à côté d’un<br />
robot femelle. Le Vajravillois me fit remarquer que l’autre<br />
voisin du robot femelle ne se <strong>la</strong>issait pas distraire. Celui-ci<br />
enregistrait même le meilleur score pour le moment.<br />
Ce robot, du nom <strong>de</strong> Gèle-sur-le-champ, n’atteignait<br />
pas les dix secon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> pensées discursives pour <strong>de</strong>ux<br />
heures <strong>de</strong> méditation. Demandai quand même qu’on<br />
les fasse changer <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce mais le Vajravillois brandit<br />
son sceptre et éloignai vite fait.<br />
Enfonçai dans l’atmosphère nuageuse <strong>de</strong> Bouddha-city,<br />
<strong>la</strong> mort dans l’âme. Pris une rue au hasard et, bientôt,<br />
<strong>la</strong>issais distraire par ce que voyais. N’aurais jamais pu<br />
vivre ici. Il y avait <strong>de</strong>s robes, <strong>de</strong>s cloches, <strong>de</strong>s coussins,<br />
<strong>de</strong>s livres abandonnés partout, sans que ce<strong>la</strong> ne<br />
semble déranger personne. Le en-foutisme régnait en<br />
maître. Pourtant, en même temps, pouvais reconnaître<br />
<strong>la</strong> qualité éveillée <strong>de</strong> Bouddha-city. C’est vrai ce que<br />
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
l’on dit : Bouddha-city peut tout accueillir. Nulle part<br />
ailleurs n’aurais pu épancher colère, <strong>la</strong>rmes et déception<br />
qui cou<strong>la</strong>ient et se diluaient dans l’air, dans l’infini,<br />
partaient, partaient.<br />
A <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> journée, les résultats furent annoncés.<br />
C’était Gèle-sur-le-champ qui gagnait. Compris tout<br />
quand aperçus son alter ego, un homosexuel protestant<br />
reconverti. C’était donc Gèle-sur-le-champ qui al<strong>la</strong>it<br />
être fabriqué à <strong>de</strong> multiples exemp<strong>la</strong>ires, pour <strong>de</strong>venir<br />
pour un an le Gardien du Temps <strong>de</strong>s séances <strong>de</strong> méditation<br />
<strong>de</strong> tout le Bouddhamon<strong>de</strong>. Eh bien, on n’al<strong>la</strong>it<br />
pas rigoler tous les jours.<br />
Le soir tomba. Retrouvai Maîtrezen, qui ne fit<br />
même pas attention à m. Lui et Intuition-Pénétrante<br />
ne se quittaient plus. Proposai à <strong>la</strong> foutue Padmavilloise<br />
d’emmener Maîtrezen à Padmaville, <strong>de</strong> les marier et<br />
qu’on n’en parle plus.<br />
Vouloir-Saisir accepta. Puis, proposa <strong>de</strong> boire un<br />
verre avant <strong>de</strong> se séparer.<br />
Allâmes dans un troquet <strong>de</strong>s plus cotonneux.<br />
M’instal<strong>la</strong>i sur un nuage bas. Vouloir-Saisir ouvrit sac<br />
et en sortit une matière visqueuse. Aperçus avec suffocation<br />
que c’était <strong>de</strong> <strong>la</strong> boue. La répandit sur le sol<br />
et s’assit <strong>de</strong>dans. Mais Vouloir-Saisir n’était pas assise<br />
dans <strong>la</strong> boue. Etait assise dans une fleur <strong>de</strong> lotus qui<br />
venait <strong>de</strong> pousser au beau milieu. Une merveilleuse<br />
fleur, pure et virginale….<br />
Vouloir-Saisir était si jolie. Aussi jolie que <strong>la</strong> boue,<br />
aussi jolie que <strong>la</strong> fleur.<br />
Lui souris. Aussitôt mon nuage bas se transforma<br />
en siège <strong>de</strong> lotus. On s’embrassa, le temps que nos<br />
pensées reviennent nous capturer...
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
Les Ec<strong>la</strong>ireurs en visite au Camp du <strong>Soleil</strong><br />
Des <strong>je</strong>unes <strong>de</strong> 10 à 16 ans en uniforme marchant au pas, un campement rustique établi en plein soleil et farouchement<br />
isolé <strong>de</strong>s adultes... Le Sun Camp, proposition toute shambhalienne d’expérience en communauté et <strong>de</strong> méditation en action<br />
pour nos ados provoque enthousiasme ou re<strong>je</strong>t, et interpelle assurément. Regards croisés <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>s cofondateurs<br />
du mouvement <strong>de</strong>s Éc<strong>la</strong>ireurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature et <strong>de</strong> tout <strong>je</strong>unes participants.<br />
© Lama Cheudroup<br />
En savoir plus<br />
Les éc<strong>la</strong>ireurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature<br />
Camp scout d’été à Karma Ling.<br />
Né il y a <strong>de</strong>ux ans, ce nouveau mouvement<br />
scout est <strong>la</strong> rencontre <strong>de</strong><br />
trois inspirations : <strong>la</strong> tradition du<br />
Bouddha dans ce qu’elle a d’universel<br />
et <strong>de</strong> non dogmatique, le scoutisme<br />
et l’éducation à l’écologie. Le mouvement<br />
<strong>de</strong>s Éc<strong>la</strong>ireurs est par ailleurs<br />
parrainé et conseillé par un comité<br />
<strong>de</strong> sages composé notamment <strong>de</strong><br />
Lama Denys Rinpoché, le supérieur<br />
du Sangha Rimay, Yacine Demaison,<br />
prési<strong>de</strong>nt du Scoutisme Français, Pierre<br />
Rabhi, agrobiologiste, Maria Joao<br />
Pires, <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> pianiste c<strong>la</strong>ssique qui<br />
œuvre beaucoup dans le domaine <strong>de</strong><br />
l’éducation. D’autres « sages » seront<br />
progressivement amenés à entrer<br />
dans ce comité au fur et à mesure<br />
que <strong>de</strong> nouveaux liens se tisseront. À<br />
ce jour, trois camps d’été ont déjà eu<br />
lieu et plusieurs groupes locaux sont<br />
en cours <strong>de</strong> formation. Donner au<br />
mouvement cette dynamique requiert<br />
non seulement <strong>de</strong>s enfants mais aussi<br />
<strong>de</strong>s animateurs, et ce<strong>la</strong> ne sera possible<br />
que si les Ec<strong>la</strong>ireurs parviennent à<br />
<strong>de</strong>venir un mouvement fédérateur<br />
et à rassembler non seulement les<br />
communautés bouddhistes, mais aussi<br />
toutes les personnes qui peuvent être<br />
sensibles à ses valeurs. C’est en tout<br />
cas notre souhait.<br />
http://www.ec<strong>la</strong>ireurs<strong>de</strong><strong>la</strong>nature.org<br />
Contact : lcheudroup[à]rimay.net<br />
Didier<br />
Combes<br />
»<br />
Lama Cheudroup<br />
Les éc<strong>la</strong>ireurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature conviés à <strong>la</strong> causerie <strong>de</strong> Shibata Sensei XX au Sun Camp.<br />
Fin juillet, Didier Combes et<br />
moi-même, représentant<br />
les Éc<strong>la</strong>ireurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature,<br />
le tout <strong>je</strong>une mouvement<br />
scout inspiré par <strong>la</strong> tradition du<br />
Bouddha, avons été invités pendant<br />
<strong>de</strong>ux jours à découvrir le Sun Camp<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté Shambha<strong>la</strong>. Ce<br />
fut, <strong>de</strong> l’avis <strong>de</strong> toutes les personnes<br />
que nous avons rencontrées, une<br />
opportunité rare et chanceuse que<br />
<strong>de</strong> pouvoir passer le seuil <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong><br />
porte japonaise à l’entrée du camp.<br />
Au premier abord, l’aspect du camp<br />
peut paraître déroutant : uniforme,<br />
tente militaire, drill, etc. Mais en<br />
toile <strong>de</strong> fond se ressent <strong>la</strong> vision<br />
<strong>de</strong> Trungpa Rinpoché : utiliser les<br />
paradigmes <strong>de</strong> nos sociétés mo<strong>de</strong>rnes<br />
pour les transformer en outils<br />
d’éveil. Selon notre compréhension,<br />
Trungpa Rinpoché a également su<br />
utiliser le raffinement <strong>de</strong> <strong>la</strong> culture<br />
ang<strong>la</strong>ise dont il a été imprégné<br />
comme paradigme d’une dignité à<br />
l’occi<strong>de</strong>ntale. Le déroulement du<br />
camp allie avec habileté discipline<br />
et espace, exercices et détente, et<br />
10<br />
»<br />
Jeunes<br />
Guerriers<br />
<strong>de</strong> ce que nous en avons perçu, les<br />
enfants semblent ravis. Néanmoins,<br />
certains témoignages suggèrent<br />
que cet environnement peut aussi<br />
parfois faire réagir les enfants (et/ou<br />
leurs parents) : problème <strong>de</strong> <strong>la</strong>ngue<br />
(le camp est principalement anglophone),<br />
difficultés avec l’aspect<br />
militaire, etc. Finalement, on peut<br />
se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si un tel type <strong>de</strong> camp<br />
convient systématiquement à tous<br />
les enfants. Et si oui, comment les<br />
barrières culturelles et <strong>de</strong> <strong>la</strong>ngue<br />
peuvent-elles être dépassées ?<br />
Notre visite avait pour principal ob<strong>je</strong>ctif<br />
d’enrichir notre réflexion sur le pro<strong>je</strong>t<br />
pédagogique à donner aux Éc<strong>la</strong>ireurs<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature. Des rapprochements<br />
entre les métho<strong>de</strong>s du scoutisme<br />
et ce que nous avons pu voir au<br />
Sun Camp sont évi<strong>de</strong>nts. D’abord,<br />
l’ob<strong>je</strong>ctif <strong>de</strong> fond est le même. On<br />
trouve sur le site <strong>de</strong> l’Organisation<br />
Mondiale du Scoutisme : « La mission<br />
du scoutisme est <strong>de</strong> contribuer à<br />
l’éducation <strong>de</strong>s <strong>je</strong>unes, au travers d’un<br />
système <strong>de</strong> valeur basé sur <strong>la</strong> promesse<br />
et <strong>la</strong> loi scout, afin <strong>de</strong> participer à <strong>la</strong><br />
© V. Villemagne
Jeunes<br />
Guerriers<br />
construction d’un mon<strong>de</strong> meilleur avec<br />
<strong>de</strong>s individus épanouis et jouant un<br />
rôle constructif dans <strong>la</strong> société. ». Les<br />
principes pédagogiques utilisés sont<br />
également proches <strong>de</strong> ceux du Sun<br />
Camp: « impliquer les <strong>je</strong>unes dans un<br />
processus informel d’éducation où chaque<br />
individu est le principal acteur <strong>de</strong> son<br />
développement en tant que personne<br />
responsable, proactive et engagée ». La<br />
transmission intergénérationnelle,<br />
avec les plus anciens qui prennent<br />
soin <strong>de</strong> l’éducation <strong>de</strong>s plus <strong>je</strong>unes,<br />
se retrouve là encore dans les <strong>de</strong>ux<br />
mouvements. L’aspect ordonné, bien<br />
que d’une forme moins « militaire »<br />
dans le scoutisme, est un autre point<br />
commun (levée <strong>de</strong>s drapeaux, uniforme,<br />
patrouille, etc…) Il faut rappeler<br />
que le scoutisme fut fondé en 1907<br />
par Ba<strong>de</strong>n Powell dans un contexte<br />
militaire ang<strong>la</strong>is, et le mouvement a<br />
toujours été plus ou moins influencé<br />
par cette inspiration initiale.<br />
Quelques différences distinguent<br />
néanmoins les <strong>de</strong>ux mouvements :<br />
le scoutisme insiste beaucoup dans<br />
sa métho<strong>de</strong> sur l’exploration <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
nature extérieure et l’apprentissage<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> vie en son sein, développant<br />
ainsi une forme <strong>de</strong> sensibilité naturelle<br />
au respect <strong>de</strong> l’environnement.<br />
Une autre différence est que dans<br />
le scoutisme, le camp d’été n’est<br />
pas considéré comme un élément<br />
unique dans le calendrier mais plutôt<br />
comme l’aboutissement d’une<br />
année d’activités régulières au sein<br />
<strong>de</strong> groupes locaux, où les <strong>je</strong>unes<br />
prennent le temps d’apprendre à se<br />
connaître. <strong>Dans</strong> tous les cas, nous<br />
sommes convaincus que <strong>de</strong>s échanges<br />
et <strong>de</strong>s coopérations entre les <strong>de</strong>ux<br />
mouvements seront une source<br />
<strong>de</strong> bienfaits et d’enrichissements<br />
mutuels. Nous espérons que notre<br />
visite marquera <strong>la</strong> première étape<br />
d’une telle col<strong>la</strong>boration.<br />
Lama Cheudroup<br />
© Anémone M.<br />
© Anémone M. © Anémone M.<br />
© Anémone M.<br />
SALOMÉ :<br />
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
Pour cette <strong>de</strong>uxième année, j’attendais<br />
avec impatience le moment où <strong>je</strong><br />
partirais pour Dechen Chöling, pour<br />
aller au Sun Camp. Là-bas, <strong>je</strong> retrouve<br />
<strong>de</strong>s amis avec qui j’ai perdu le contact<br />
pendant presque un an (parfois même<br />
plus) et avec qui rien n’a changé. Les<br />
petites corvées comme celle <strong>de</strong> cuisine<br />
<strong>de</strong>viennent presque un <strong>je</strong>u. C’est<br />
tellement agréable d’être ensemble !<br />
Les tentes sont spacieuses et le staff<br />
est super ! Le skirmish final est <strong>la</strong> cerise<br />
sur le gâteau d’une semaine parfaite.<br />
Au Sun Camp, j’ai découvert le p<strong>la</strong>isir<br />
<strong>de</strong> marcher, l’autonomie et <strong>de</strong>s amis<br />
pour <strong>la</strong> vie !<br />
11<br />
Eugène :<br />
Au Sun Camp, <strong>je</strong> n’ai pas beaucoup<br />
aimé le principe militaire <strong>de</strong>s drills, et<br />
puis au début, le 1 er et 2 ème jour, on ne<br />
nous a donné aucune explication. Mes<br />
frères et moi, on était complètement à<br />
l’ouest (si on ne par<strong>la</strong>it pas un tout petit<br />
peu ang<strong>la</strong>is au collège, <strong>je</strong> pense qu’on<br />
serait parti dès le 2 ème jour). Parfois,<br />
pendant les interminables explications<br />
– en ang<strong>la</strong>is – du « Général », il y avait<br />
un traducteur – mais il n’était pas là<br />
en permanence – et, à <strong>la</strong> fin, on a fini<br />
par partir.<br />
Octave :<br />
Je n’ai pas beaucoup aimé le Sun Camp<br />
car au début, on ne savait pas quoi<br />
faire et on ne comprenait rien puisque<br />
très peu <strong>de</strong> personnes par<strong>la</strong>ient<br />
français. Je n’ai pas aimé aussi parce<br />
que <strong>je</strong> pensais qu’on al<strong>la</strong>it bouger et<br />
faire <strong>de</strong>s randonnées mais on restait<br />
au même endroit. Ce n’était pas du<br />
tout ce que j’imaginais.<br />
© Anémone M.<br />
© Anémone M.<br />
© Anémone M.
© Demetri Bolduc<br />
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
Roulez <strong>je</strong>unesse avec le Youth Lea<strong>de</strong>rship<br />
Le Youth Lea<strong>de</strong>rship, c’est ce tout <strong>je</strong>une programme <strong>la</strong>ncé l’an passé à Dechen Chöling par Sophie Mac<strong>la</strong>ren.<br />
Au vu du témoignage <strong>de</strong> Natacha Roumezi <strong>de</strong> Toulouse, pas <strong>de</strong> doute, il va trouver son public parmi les Frenchies !<br />
Cet été, j’avais envie <strong>de</strong> passer<br />
une partie <strong>de</strong> mes vacances<br />
à Dechen Chöling, mais pas<br />
en tant que « volontaire<br />
d’été ». Or, <strong>je</strong> suis trop vieille pour<br />
le Sun Camp ou le Family Camp et<br />
trop <strong>je</strong>une dans le cursus pour les<br />
séminaires Vajrayana et Cie. Je ne<br />
savais plus quoi faire... quand j’ai<br />
entendu parler du Youth Lea<strong>de</strong>rship.<br />
Un programme <strong>de</strong>stiné aux 16-30<br />
ans, organisé par les <strong>je</strong>unes pour les<br />
<strong>je</strong>unes ! Le concept <strong>de</strong> ce programme<br />
m’a séduite car habituellement, les<br />
« moins <strong>de</strong> 30 ans » qui participent<br />
à <strong>de</strong>s enseignements <strong>de</strong> l’Apprentissage<br />
Shambha<strong>la</strong> ou bouddhistes<br />
se retrouvent souvent seuls au<br />
milieu d’adultes plus âgés qui ont<br />
d’autres préoccupations ou états<br />
d’âmes... Difficile pour les <strong>je</strong>unes,<br />
dans ce contexte, <strong>de</strong> s’intégrer et<br />
<strong>de</strong> partager ce qu’ils traversent<br />
émotionnellement.<br />
Cercle d’échange<br />
avec Sabine Rolf.<br />
Le Youth Lea<strong>de</strong>rship nous propose <strong>de</strong><br />
bâtir ensemble un espace d’échange<br />
qui nous ressemble, où nous nous<br />
reconnaissons et où nous nous sentons<br />
reconnus autrement que comme « le<br />
petit <strong>je</strong>une du groupe » mais comme<br />
un être doué <strong>de</strong> vastes possibilités à<br />
explorer au milieu <strong>de</strong> ses comparses.<br />
On peut le voir également comme une<br />
transition entre ce qui est proposé<br />
aux moins <strong>de</strong> 16 ans et aux adultes,<br />
indépendamment <strong>de</strong> notre niveau <strong>de</strong><br />
pratique. Nous étions vingt-cinq, <strong>de</strong><br />
douze nationalités. Certains n’avaient<br />
jamais médité, d’autres étaient un<br />
peu plus avancés sur <strong>la</strong> voie, alors<br />
que d’autres encore étaient « tombés<br />
dans <strong>la</strong> marmite quand ils étaient<br />
petits » ; ils se surnommaient euxmêmes<br />
les « dharma brats » avec<br />
beaucoup d’humour.<br />
Et nous avons passé<br />
trois semaines <strong>de</strong> rêve !<br />
Nous commencions par le réveil du<br />
corps grâce à <strong>la</strong> pratique du lujong<br />
ou du qi-gong, les pieds nus dans <strong>la</strong><br />
rosée du matin, puis nous passions au<br />
réveil <strong>de</strong> l’esprit assis sur nos coussins,<br />
avant <strong>de</strong> passer à <strong>la</strong> méditation<br />
en action, en offrant <strong>de</strong>ux heures<br />
<strong>de</strong> travail chaque matin au staff <strong>de</strong><br />
Dechen Chöling pendant les <strong>de</strong>ux<br />
premières semaines puis au Family<br />
Camp <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière. L’après-midi, notre<br />
cheminement s’est articulé en trois<br />
phases : <strong>la</strong> première semaine, nous<br />
avons fait un voyage à <strong>la</strong> découverte<br />
<strong>de</strong> nous-mêmes et <strong>de</strong>s autres à travers<br />
<strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> maitri proposée<br />
par Sabine Rolf et Sophie Mac<strong>la</strong>ren.<br />
La <strong>de</strong>uxième semaine, grâce à <strong>la</strong><br />
pratique <strong>de</strong>s arts contemp<strong>la</strong>tifs (kado<br />
et calligraphie), nous avons tenté<br />
d’entrer en amitié avec nous-mêmes<br />
et avec l’adulte que nous sommes<br />
déjà ou vers lequel nous allons. Les<br />
causeries touchantes données par<br />
<strong>de</strong>s enseignants chevronnés nous<br />
ont inspirés. Une journée puissante<br />
avec Herb Elsky dans son mon<strong>de</strong><br />
1<br />
© Demetri Bolduc<br />
Jeunes<br />
Guerriers<br />
artistique et musical, puis nous<br />
avons construit avec lui une hutte<br />
<strong>de</strong> sudation (sweat lodge*) et y avons<br />
poursuivi le voyage ensemble.<br />
Après avoir été centrés sur nous-<br />
Nous nous préparons pour le puissant<br />
voyage dans <strong>la</strong> sweat lodge d’Herb Elsky.<br />
mêmes, nos envies, notre évolution<br />
propre — quel genre d’adulte<br />
serai-<strong>je</strong>, quelle est ma p<strong>la</strong>ce dans<br />
ce mon<strong>de</strong> ? —, <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière semaine<br />
était un vrai défi. Le moment était<br />
venu <strong>de</strong> s’ouvrir aux autres et au<br />
mon<strong>de</strong>, <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s responsabilités,<br />
mettre nos expériences en<br />
pratique, inter-agir <strong>de</strong> manière aussi<br />
éveillée que possible et transmettre<br />
aux enfants du Family Camp l’envie<br />
<strong>de</strong> chercher leur voie et leur p<strong>la</strong>ce<br />
dans le manda<strong>la</strong>, avec gentillesse,<br />
fermeté et humour... Les enfants<br />
ont manifestement un esprit aiguisé<br />
qui nous mettait sans ménagement<br />
face à nos peurs, nos doutes et nos<br />
faiblesses. Nous avons passé <strong>de</strong>s<br />
moments mémorables à leurs côtés<br />
et <strong>je</strong> pense que cette interaction a<br />
été mutuellement bénéfique : nous<br />
en sommes tous revenus changés,<br />
mûris peut-être, nous connaissant<br />
mieux en tout cas. Parallèlement à<br />
ce<strong>la</strong>, nous avons vécu <strong>de</strong>s moments<br />
forts comme <strong>la</strong> rencontre inoubliable
Jeunes<br />
Guerriers<br />
© Demetri Bolduc<br />
avec Shibata Sensei XX qui nous<br />
a invités à regar<strong>de</strong>r et écouter ce<br />
qui se passait sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>te-forme <strong>de</strong><br />
kyudo, tir <strong>de</strong> cérémonie à l’appui !<br />
Nous avons aussi eu <strong>la</strong> chance inouïe<br />
<strong>de</strong> pouvoir écouter en direct une<br />
causerie du Sakyong retransmise<br />
<strong>de</strong>puis les États-Unis et le len<strong>de</strong>main,<br />
nous avons remis ça avec<br />
Pema Chödron — fabuleux ! Nous<br />
sommes aussi allés visiter le vil<strong>la</strong>ge<br />
martyr d’Oradour-sur G<strong>la</strong>ne et nous<br />
avons fait une courte et émouvante<br />
pratique <strong>de</strong> loving kindness. Nous<br />
nous sommes assis dans ce lieu<br />
où <strong>de</strong> nombreuses personnes ont<br />
souffert et nous avons commencé<br />
par goûter l’ambiance. Des <strong>la</strong>rmes<br />
nous montaient aux yeux. Puis nous<br />
nous sommes imprégnés <strong>de</strong> tout<br />
l’amour que nous pouvions recevoir<br />
<strong>de</strong> notre <strong>famille</strong> et <strong>de</strong> nos amis avant<br />
<strong>de</strong> le redistribuer dans l’espace, avec<br />
l’espoir d’alléger ne serait-ce qu’un<br />
peu <strong>la</strong> douloureuse atmosphère.<br />
Notre chaleureux campement<br />
Le soir, nous échangions sur notre<br />
expérience, nos impressions, nos états<br />
d’âme mais aussi <strong>de</strong>s chants, <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
musique, <strong>de</strong>s marshmalows fondus<br />
ou <strong>de</strong>s bananes au choco<strong>la</strong>t autour<br />
du feu <strong>de</strong> camp près du <strong>la</strong>c où nous<br />
avions établi notre campement.<br />
Tout au long <strong>de</strong> ce programme, notre<br />
cheminement était soutenu par <strong>de</strong>s<br />
instructeurs <strong>de</strong> méditation qui nous<br />
guidaient avec bienveil<strong>la</strong>nce dans les<br />
méandres <strong>de</strong> notre esprit. Construire<br />
notre « conteneur » <strong>de</strong> <strong>je</strong>unes gens<br />
© Scott Spanbauer<br />
Une rencontre inoubliable avec Kanjuro<br />
Shibata Sensei XX et sa femme, Carolyn.<br />
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
était magique, mais nous étions<br />
cependant ravis <strong>de</strong> pouvoir aussi<br />
inter-agir, questionner et partager<br />
avec <strong>de</strong>s pratiquants plus âgés du<br />
Family Camp, lors <strong>de</strong>s repas pris en<br />
commun avec le staff ou pendant<br />
nos heures <strong>de</strong> travail. La rencontre<br />
avec <strong>de</strong>s <strong>je</strong>unes <strong>de</strong> mon âge bien plus<br />
avancés dans l’étu<strong>de</strong> du dharma,<br />
comme Sophie Mac<strong>la</strong>ren, a été pour<br />
moi une stimu<strong>la</strong>tion étonnante, c’était<br />
rafraîchissant <strong>de</strong> voir les possibilités<br />
que <strong>la</strong> pratique nous offre et ce que<br />
nous pouvons <strong>de</strong>venir. Ces vacances<br />
dharmiques ont été tellement<br />
riches, amusantes, dépaysantes que<br />
<strong>je</strong> recomman<strong>de</strong> cette expérience à<br />
tous ceux et celles qui souhaitent aller<br />
à <strong>la</strong> découverte <strong>de</strong> soi et vivre <strong>de</strong>s<br />
moments intenses tout en prenant<br />
<strong>de</strong>s responsabilités. Rencontrer <strong>de</strong>s<br />
<strong>je</strong>unes <strong>de</strong> notre âge, échanger et vivre<br />
à leurs côtés, pratiquer les <strong>la</strong>ngues<br />
étrangères… Et surtout, inventer<br />
ensemble notre programme ! On<br />
le fait grandir et mûrir comme on le<br />
souhaite, on lui donne <strong>la</strong> direction<br />
qui semble juste, bref, on en fait ce<br />
que l’on est... Alors, vous les 16-30<br />
ans, ren<strong>de</strong>z-vous l’année prochaine !<br />
Quant aux participants <strong>de</strong> cette année,<br />
<strong>je</strong> vous dis à bientôt sur notre blog<br />
« youthlea<strong>de</strong>rship 2009 ».<br />
Natacha Roumezi<br />
* La hutte <strong>de</strong> sudation, ou sweat lodge, ou encore<br />
Inipi est une cérémonie amérindienne <strong>de</strong> soins, <strong>de</strong><br />
purification du corps et <strong>de</strong> l’esprit par un bain <strong>de</strong> vapeur<br />
intense produite en <strong>je</strong>tant <strong>de</strong> l’eau sur <strong>de</strong>s pierres<br />
chauffées au rouge déposées au centre d’une cabane.<br />
13<br />
Aller plus loin<br />
Des programmes<br />
Le prochain Festival Bouddhiste<br />
Européen pour <strong>la</strong> <strong>je</strong>unesse, <strong>de</strong>stiné aux<br />
16-35 ans, aura lieu du 27 décembre<br />
2009 au I er janvier 2010, à l’Hôtel<br />
Schloss Heinsheim, à Bad Rappenau, en<br />
Allemagne. Pour tous renseignements :<br />
http://youth.shambha<strong>la</strong>.info.<br />
Des sites Internet<br />
Un panorama <strong>de</strong> ce qUi se fait :<br />
http://family.shambha<strong>la</strong>.info<br />
(en ang<strong>la</strong>is et en allemand).<br />
Le sUn camp :<br />
http://www.shambha<strong>la</strong>.org/suncamp<br />
Le JoUr <strong>de</strong>s enfants :<br />
http://www.shambha<strong>la</strong>.org/community/childrensday.php<br />
Des lectures<br />
• Le cœur du su<strong>je</strong>t, Chögyam Trungpa,<br />
éd. Seuil, p. 240, “La pratique <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
bonté fondamentale, causerie pour<br />
les enfants”.<br />
• Pleurs et colères <strong>de</strong>s enfants et<br />
<strong>de</strong>s bébés, Une approche révolutionnaire,<br />
Aletha Jauch Solter, éd. Jouvence.<br />
• Ces enfants empêchés <strong>de</strong> penser,<br />
et L’enfant et <strong>la</strong> peur d’apprendre,<br />
Serge Boimare, éd. Dunod.<br />
• S’occuper <strong>de</strong> soi et <strong>de</strong> ses enfants<br />
dans le calme ; Bouddhisme pour les<br />
mères, Sarah Napthali, éd. Payot.<br />
• Le Bouddhisme à l’usage <strong>de</strong> mes<br />
filles, Denis Girra, éd. Seuil.<br />
• L’enfant <strong>de</strong> pierre et autres contes<br />
bouddhistes, Thich Nhat Hanh, éd.<br />
Albin Michel.<br />
• Histoires d’ailleurs : Petits contes<br />
<strong>de</strong> sagesse bouddhiste pour ai<strong>de</strong>r<br />
votre enfant à vivre dans l’harmonie,<br />
Dharmachari Nagaraja, éd.<br />
Des photos<br />
http://galler y.me .com/<strong>de</strong>r.<br />
leiter#gallery<br />
Un DVD<br />
• La légen<strong>de</strong> <strong>de</strong> Bouddha, <strong>de</strong> Shamboo<br />
Falke, Ed. Action & Communication.
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
Sophie Mac<strong>la</strong>ren,<br />
au bonheur <strong>de</strong>s autres<br />
Coordinatrice pour <strong>la</strong> <strong>famille</strong> et <strong>la</strong> <strong>je</strong>unesse au sein <strong>de</strong> Shambha<strong>la</strong> Europe,<br />
Sophie incarne, à sa manière, lumineuse et gaie, <strong>la</strong> transmission du dharma<br />
au fil <strong>de</strong>s générations.<br />
<strong>Dans</strong> <strong>la</strong> rubrique membre<br />
du site web <strong>de</strong> Shambha<strong>la</strong><br />
Europe, le profil <strong>de</strong> Sophie<br />
Mac<strong>la</strong>ren présente une<br />
intéressante particu<strong>la</strong>rité. La date<br />
inscrite à <strong>la</strong> ligne « premier contact »<br />
(comprenez « avec Shambha<strong>la</strong> ») est<br />
<strong>la</strong> même que <strong>la</strong> date <strong>de</strong> naissance<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>moiselle. Non, il ne s’agit<br />
pas d’une erreur <strong>de</strong> frappe : Mlle<br />
Mac<strong>la</strong>ren est tombée dans <strong>la</strong> marmite<br />
du dharma à peine éclose.<br />
Une enfance shambhalienne<br />
Sophie est née et a grandi dans une<br />
<strong>famille</strong> américaine shambhalienne,<br />
à Boul<strong>de</strong>r, au plus près <strong>de</strong> <strong>la</strong> source<br />
<strong>de</strong>s enseignements ; elle dit en<br />
souriant que Trungpa Rinpoché était<br />
pour elle une sorte <strong>de</strong> « grand-père<br />
magique » qui, ajoute-t-elle aussitôt,<br />
intimidait toujours un peu l’enfant<br />
qu’elle était. Cette proximité était<br />
à <strong>la</strong> fois « très ordinaire et spéciale »<br />
comme l’est <strong>la</strong> magie <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong><br />
Shambha<strong>la</strong> dans lequel ses parents<br />
l’ont immergée. Faisant partie <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
première génération <strong>de</strong> bouddhistes<br />
occi<strong>de</strong>ntaux, ses parents, racontet-elle,<br />
étaient en quelque sorte<br />
<strong>de</strong>s pionniers. Les enseignements<br />
ne disent pas comment élever <strong>de</strong>s<br />
enfants dans le dharma et il leur a<br />
fallu explorer ce<strong>la</strong> par eux-mêmes.<br />
« Ils en sont arrivés à cette idée <strong>de</strong> base :<br />
il ne s’agissait pas nécessairement<br />
<strong>de</strong> nous enseigner le bouddhisme,<br />
même si nous lisions <strong>de</strong>s histoires sur<br />
<strong>la</strong> vie <strong>de</strong> Siddhartha, mais plutôt <strong>de</strong><br />
nous inclure complètement dans leur<br />
mon<strong>de</strong> Shambha<strong>la</strong>. Ils ont créé un<br />
mon<strong>de</strong> familial fondé sur <strong>la</strong> vision <strong>de</strong><br />
Shambha<strong>la</strong>, ancré dans le terrain <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
bonté fondamentale, encourageant le<br />
développement du potentiel humain,<br />
<strong>de</strong>s qualités du guerrier. » Chez les<br />
Mac<strong>la</strong>ren, <strong>la</strong> pratique du kyudo, du<br />
kado, <strong>la</strong> peinture <strong>de</strong> thangkas et autres<br />
arts du dharma faisaient partie <strong>de</strong>s<br />
activités régulièrement proposées<br />
aux enfants. Quant à <strong>la</strong> méditation<br />
quotidienne, elle participait,<br />
peut-on dire, <strong>de</strong> l’hygiène familiale,<br />
comme le brossage <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts ou une<br />
alimentation saine. « Mes parents<br />
avaient décidé <strong>de</strong> nous faire méditer<br />
chaque jour au retour <strong>de</strong> l’école, cinq<br />
à dix minutes. C’est quelque chose<br />
dont ils n’étaient pas sûrs au départ.<br />
Beaucoup <strong>de</strong> leurs amis ne l’auraient<br />
pas fait parce qu’il y avait cette peur<br />
d’imposer une religion aux enfants,<br />
comme leurs parents leur avait imposé<br />
<strong>la</strong> leur. » D’ailleurs, Sophie, comme ses<br />
frères et sœurs, a souvent rechigné à<br />
se plier à cette règle. Mais tout était<br />
« travail<strong>la</strong>ble ». Quand <strong>la</strong> discipline<br />
faiblissait, que les enfants ne méditaient<br />
pas, « inévitablement, il y avait<br />
plus <strong>de</strong> chaos dans <strong>la</strong> <strong>famille</strong>, plus <strong>de</strong><br />
querelles. On en par<strong>la</strong>it ensemble. Et<br />
nous pouvions tous voir qu’il y avait<br />
moins d’harmonie et qu’il va<strong>la</strong>it mieux<br />
renforcer notre méditation.[...] C’est<br />
vraiment un pro<strong>je</strong>t délicat d’obliger les<br />
enfants à méditer ! s’exc<strong>la</strong>me Sophie,<br />
ponctuant sa phrase d’un éc<strong>la</strong>t <strong>de</strong><br />
rire. Mais, avec le recul, <strong>je</strong> pense<br />
que si ce<strong>la</strong> a marché, c’est parce que<br />
14<br />
Portrait<br />
© D.R. Sophie accompagne souvent les enfants<br />
dans leur initiation aux pratiques en action,<br />
comme le kado, pour les rites <strong>de</strong> passage.<br />
l’intention <strong>de</strong> mes parents était tout à<br />
fait c<strong>la</strong>ire. Ils vou<strong>la</strong>ient vraiment que<br />
nous soyons heureux, que notre <strong>famille</strong><br />
connaisse l’harmonie. Leur décision<br />
venait du cœur et nous pouvions le<br />
sentir. » Oui, avec le temps, elle se<br />
sent chanceuse d’avoir été élevée<br />
dans Shambha<strong>la</strong>. Même si, dit-elle,<br />
« ce<strong>la</strong> n’a pas toujours été parfait, ni<br />
même facile ou p<strong>la</strong>isant, le caractère<br />
précieux <strong>de</strong> cette situation est peut-être<br />
<strong>la</strong> seule chose dans ma vie sur <strong>la</strong>quelle<br />
j’ai toujours été c<strong>la</strong>ire. »<br />
Un engagement personnel<br />
Les rites <strong>de</strong> passage seront pour Sophie<br />
un tournant. Elle a huit ans et pour<br />
<strong>la</strong> première fois, participe seule à un<br />
programme. « Je me souviens avoir<br />
ressenti quelque chose <strong>de</strong> très puissant<br />
pendant <strong>la</strong> cérémonie. Puis ma mère<br />
m’a donné tout ce qu’il fal<strong>la</strong>it pour<br />
que j’installe mon propre autel dans<br />
ma chambre ; mon père m’a offert mes<br />
premières boucles d’oreilles en or et a<br />
p<strong>la</strong>cé l’arc <strong>de</strong> kyudo que nous avions<br />
fabriqué pendant le programme à côté<br />
<strong>de</strong> l’autel familial. Mes parents ont<br />
ainsi contribué à faire <strong>de</strong> ce moment<br />
quelque chose <strong>de</strong> spécial. Ils m’ont dit :<br />
“ maintenant tu es une guerrière et tu<br />
as certaines responsabilités dans le<br />
mon<strong>de</strong>. ” » Le message a été bien reçu.<br />
Après l’Apprentissage Shambha<strong>la</strong>,
Portrait<br />
qu’elle a suivi adolescente avec ses<br />
<strong>de</strong>ux <strong>je</strong>unes sœurs, et une « progression<br />
naturelle » jusqu’au Séminaire<br />
Vajrayana et l’Abhisheka du Rig<strong>de</strong>n,<br />
Sophie a pris ses responsabilités en<br />
<strong>de</strong>venant coordinatrice pour <strong>la</strong> <strong>famille</strong><br />
et <strong>la</strong> <strong>je</strong>unesse au sein <strong>de</strong> Shambha<strong>la</strong><br />
Europe. Son rôle, résume-t-elle,<br />
consiste à soutenir les parents,<br />
les enfants, les adolescents et les<br />
<strong>je</strong>unes adultes (jusqu’à 35 ans) sur<br />
leur chemin, « quels que soient leurs<br />
besoins ». Rien <strong>de</strong> moins ! Elle a ainsi<br />
aidé <strong>de</strong> nombreux centres à offrir un<br />
encadrement <strong>de</strong>s enfants pendant que<br />
les parents assistent aux programmes<br />
ou à créer <strong>de</strong>s programmes pour les<br />
<strong>famille</strong>s. « L’une <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s priorités<br />
que nous avons définies avec Chris<br />
Tamdjidi [le précé<strong>de</strong>nt directeur <strong>de</strong><br />
Shambha<strong>la</strong> Europe] était le Family<br />
Camp. Il régnait globalement le sentiment<br />
que le Family Camp n’était pas<br />
une priorité pour Dechen Chöling ou<br />
que ce programme n’était pas mené <strong>de</strong><br />
manière appropriée. » Aujourd’hui, les<br />
<strong>je</strong>unes participant au Youth Lea<strong>de</strong>rship<br />
proposent <strong>de</strong>s activités aux enfants<br />
et le Family Camp semble avoir<br />
trouvé sa juste p<strong>la</strong>ce sur <strong>la</strong> Terre <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> Gran<strong>de</strong> Félicité.<br />
Travailler avec les <strong>je</strong>unes<br />
Mais ce qui passionne Sophie, c’est<br />
d’« ai<strong>de</strong>r les adolescents et les <strong>je</strong>unes<br />
adultes à se connecter avec le dharma ».<br />
Elle a, dans cette perspective, développé<br />
le programme Youth Lea<strong>de</strong>rship,<br />
à Dechen Chöling, et contribué à<br />
créer le Festival bouddhiste européen<br />
pour <strong>la</strong> <strong>je</strong>unesse qui se déroule<br />
chaque année en Allemagne. « La<br />
difficulté, dit-elle, n’est pas d’enseigner<br />
le dharma aux <strong>je</strong>unes mais <strong>de</strong><br />
faire passer l’idée auprès <strong>de</strong>s adultes<br />
qu’ils ont besoin d’avoir leurs propres<br />
programmes. » Ensuite, tout est<br />
simple. Les enseignants seniors, les<br />
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
acharyas, les anciens étudiants <strong>de</strong><br />
Chögyam Trungpa sont bluffés <strong>de</strong><br />
constater combien <strong>la</strong> notion <strong>de</strong> bonté<br />
fondamentale est naturelle pour ces<br />
<strong>je</strong>unes. « They just get it ! » constate<br />
Sophie — et vous me permettrez<br />
ici <strong>de</strong> ne pas traduire. « Ils voient <strong>la</strong><br />
souffrance dans le mon<strong>de</strong> et ils ont<br />
cette propension naturelle à ai<strong>de</strong>r, ainsi<br />
que souvent cette énergie passionnée.<br />
Ils ne sont pas encore aussi coincés,<br />
aussi soli<strong>de</strong>s dans leur mon<strong>de</strong> que<br />
les adultes. Ils sont encore en train<br />
d’explorer et leur esprit, leur cœur est<br />
ouvert. J’adore travailler avec eux car<br />
ils voient, ils sautent le pas et ils ont<br />
cette volonté d’aller dans <strong>de</strong>s endroits<br />
<strong>de</strong> leur cœur et <strong>de</strong> leur esprit peut-être<br />
un peu plus démesurés. » C’est sur ce<br />
terrain que Sophie souhaite continuer<br />
à semer <strong>de</strong>s graines. La crise économique<br />
et les pertes subies par les<br />
donateurs qui finançaient son poste<br />
ren<strong>de</strong>nt-elles incertain son avenir<br />
en tant que coordinatrice pour <strong>la</strong><br />
<strong>famille</strong> et <strong>la</strong> <strong>je</strong>unesse ? Elle y voit<br />
une opportunité pour développer<br />
« quelque chose <strong>de</strong> plus grand ». Et<br />
envisage <strong>la</strong> création d’un Buddhist<br />
Youth Pro<strong>je</strong>ct, un réseau <strong>de</strong> soutien<br />
aux <strong>je</strong>unes, qu’ils soient simplement<br />
curieux <strong>de</strong> découvrir <strong>la</strong> méditation<br />
ou déjà engagés sur le chemin et en<br />
quête d’une communauté <strong>de</strong> pairs.<br />
« J’ai appris en faisant ce travail que<br />
<strong>la</strong> sangha est vraiment <strong>la</strong> clé pour les<br />
<strong>je</strong>unes. Ce qui les conduit et les ramène<br />
dans les différents programmes, c’est<br />
<strong>la</strong> rencontre avec d’autres du même<br />
âge. Ils peuvent vouloir cultiver <strong>la</strong><br />
paix intérieure, <strong>la</strong> paix dans le mon<strong>de</strong><br />
mais ils ont aussi envie <strong>de</strong> s’amuser et<br />
<strong>de</strong> partager avec leurs semb<strong>la</strong>bles <strong>de</strong>s<br />
intérêts assez inhabituels dans cette<br />
société. En participant à ces programmes,<br />
ils découvrent qu’ils peuvent avoir<br />
un groupe d’amis internationaux qu’ils<br />
n’auraient peut-être jamais rencontrés<br />
autrement. » La chaleur et l’émotion<br />
1<br />
<strong>de</strong> ces rencontres sont indubitablement<br />
un moteur pour Sophie : « Il n’y<br />
a rien pour moi <strong>de</strong> meilleur au mon<strong>de</strong><br />
que <strong>de</strong> voir, à <strong>la</strong> fin d’un programme<br />
Youth Lea<strong>de</strong>rship ou d’un Festival, les<br />
participants pleurer en disant : c’est <strong>la</strong><br />
première fois que <strong>je</strong> me sens accepté,<br />
à ma p<strong>la</strong>ce ». Sophie a elle aussi, à<br />
l’évi<strong>de</strong>nce, trouvé sa p<strong>la</strong>ce.<br />
« J’aime les gens ! »<br />
Invitée à s’exprimer sur ses motivations,<br />
elle constate sans fausse<br />
pu<strong>de</strong>ur : « Quand j’étais encore enfant,<br />
<strong>je</strong> portais déjà dans mon cœur le désir<br />
d’ai<strong>de</strong>r les autres à se connecter d’une<br />
manière ou d’une autre au dharma. Je<br />
par<strong>la</strong>is toujours <strong>de</strong> méditation à mes<br />
amis et adolescente, <strong>je</strong> leur donnais<br />
<strong>de</strong>s instructions <strong>de</strong> méditation. J’ai<br />
fait différents métiers, j’ai travaillé<br />
dans <strong>la</strong> finance, le marketing, dans<br />
le domaine artistique mais <strong>la</strong> seule<br />
chose qui fasse sens pour moi, c’est<br />
<strong>de</strong> faire quelque chose d’utile pour<br />
les autres… J’aime tout simplement<br />
les gens ! » Sans arrogance et avec<br />
beaucoup <strong>de</strong> gaieté, elle poursuit :<br />
« Je peux dresser une longue liste <strong>de</strong><br />
tout ce que <strong>je</strong> ne sais pas faire mais<br />
j’ai un certain talent pour ai<strong>de</strong>r les<br />
enfants et les <strong>je</strong>unes gens à trouver leur<br />
propre connexion avec le dharma .»<br />
Son père, récemment, lui a rappelé<br />
un événement qu’elle avait oublié :<br />
« Quand j’avais vingt-<strong>de</strong>ux ans environ,<br />
j’ai rencontré Khandro Rinpoché, <strong>je</strong><br />
dirigeais alors un groupe d’adolescents<br />
à Boul<strong>de</strong>r. Elle m’a dit : “<strong>la</strong> seule<br />
chose que tu as à faire dans ta vie est<br />
d’ai<strong>de</strong>r trois ou quatre <strong>je</strong>unes gens à<br />
se connecter avec le dharma, et voilà,<br />
tu auras fait ta part”.» À ce souvenir,<br />
le sourire <strong>de</strong> Sophie s’é<strong>la</strong>rgit encore<br />
et <strong>la</strong> conclusion jaillit naturellement :<br />
« C’est <strong>la</strong> seule chose qui me ren<strong>de</strong><br />
heureuse ! ». S. D.
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
Sur le chemin <strong>de</strong>s programmes parents-enfants<br />
Joëlle et Maurice Migheli ont écrit quelques belles pages <strong>de</strong> souvenirs in<strong>de</strong>structibles dans le cœur <strong>de</strong>s enfants<br />
qui ont pris p<strong>la</strong>ce dans les vaisseaux dharmiques qu’ils bâtirent pour eux, plusieurs années <strong>de</strong> suite à Dechen Chöling.<br />
Ils leur ont ouvert les portes <strong>de</strong> notre maison limousine, mais pas seulement… oui, bien plus que ce<strong>la</strong> !<br />
mes parents<br />
méditent ? » « Pourquoi<br />
passent-ils tant <strong>de</strong> temps<br />
«Pourquoi<br />
sur un coussin <strong>de</strong> méditation,<br />
à suivre <strong>de</strong>s enseignements<br />
souvent loin <strong>de</strong> <strong>la</strong> maison ? » Essayer<br />
d’ai<strong>de</strong>r les enfants à trouver <strong>de</strong>s<br />
réponses à ces questions fut, très<br />
vite, une <strong>de</strong> nos aspirations sur notre<br />
chemin qui nous conduisit à é<strong>la</strong>borer<br />
nos premières initiatives. Lorsque<br />
Dechen Chöling nous a proposé <strong>de</strong><br />
nous occuper <strong>de</strong>s enfants dont les<br />
parents étaient participants d’un<br />
programme <strong>de</strong> plusieurs jours, nous<br />
nous sommes posé <strong>la</strong> question : que<br />
signifiait “s’occuper” <strong>de</strong>s enfants<br />
dans ce cadre ?<br />
Joëlle et Maurice Migheli dans leur salle<br />
<strong>de</strong> pratique à Espenel, dans <strong>la</strong> Drôme.<br />
Il nous paraissait évi<strong>de</strong>nt que ce<strong>la</strong> ne<br />
<strong>de</strong>vait être ni <strong>de</strong> <strong>la</strong> gar<strong>de</strong>rie pour les<br />
distraire, ni du prosélytisme. Ils ne<br />
sont pas là pour copier les parents.<br />
Il ne s’agit pas d’accumuler toutes<br />
sortes d’ateliers à caractère bouddhiste<br />
mais <strong>de</strong> bâtir un programme,<br />
pour eux, qui leur permette d’essayer<br />
<strong>de</strong> comprendre leurs parents, assis<br />
toute <strong>la</strong> journée à ne rien faire, loin<br />
<strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> notre société. La<br />
© Dominique Grand<br />
meilleure façon <strong>de</strong> ne pas les <strong>la</strong>isser<br />
mariner trop longtemps dans leurs<br />
interrogations est <strong>de</strong> leur offrir <strong>de</strong><br />
partager quelques jours <strong>de</strong> vie familiale<br />
dans les centres <strong>de</strong> méditation, <strong>de</strong><br />
partager un peu l’expérience <strong>de</strong> papa<br />
et maman sur p<strong>la</strong>ce, d’aller sentir<br />
intuitivement ce qu’ils reçoivent.<br />
Ainsi, nous sommes chaque fois<br />
partis <strong>de</strong> <strong>la</strong> vision du programme <strong>de</strong>s<br />
adultes et avons créé <strong>de</strong>s activités<br />
qui permettaient aux enfants <strong>de</strong><br />
rencontrer le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s parents.<br />
L’approche du kyudo et du kado en<br />
sont <strong>de</strong> bons exemples.<br />
Toucher <strong>la</strong> vie : apprendre<br />
à sentir, apprendre à être<br />
Notre second souhait était <strong>de</strong> leur<br />
faire toucher le sens du mon<strong>de</strong> sacré<br />
qui les entoure et découvrir <strong>la</strong> bonté<br />
fondamentale en chacun <strong>de</strong> nous.<br />
Ce fut l’ob<strong>je</strong>t précisément d’un<br />
programme que nous avions conçu<br />
et appelé Introduction au Royaume<br />
<strong>de</strong> Shambha<strong>la</strong> où nous avions utilisé<br />
l’image du Petit Prince d’Antoine <strong>de</strong><br />
Saint-Exupéry et les légen<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s<br />
Chevaliers <strong>de</strong> <strong>la</strong> Table Ron<strong>de</strong> comme<br />
un fil rouge dans l’esprit <strong>de</strong>s activités<br />
et <strong>de</strong>s premières expériences.<br />
Rencontre et partage<br />
l’esprit du manda<strong>la</strong><br />
Le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s enfants n’est pas<br />
séparé du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s adultes. Pour<br />
accompagner le programme adulte<br />
<strong>de</strong> Maitri en 2007, nous avons coloré<br />
chaque journée <strong>de</strong>s qualités correspondantes<br />
à <strong>la</strong> sagesse <strong>de</strong> bouddha<br />
16<br />
qu’exploraient les adultes. L’intention<br />
était que tous puissent ressentir<br />
l’unité du manda<strong>la</strong>. Les enfants ne<br />
faisant pas leur programme à part<br />
dans leur coin. Ils faisaient partie<br />
intégrante <strong>de</strong> tout ce qui se passait<br />
pendant cette semaine-là. Nous<br />
commencions le matin par méditer<br />
cinq minutes avec les adultes, avant<br />
<strong>de</strong> rejoindre notre univers où nous<br />
faisions notre petite investigation <strong>de</strong><br />
l’énergie du jour, nous retrouvions les<br />
grands pour les repas en silence dans<br />
<strong>la</strong> salle <strong>de</strong> pratique sur les tablettes<br />
Oryoki, avant <strong>de</strong> sortir profiter<br />
du parc, vivre d’autres aventures<br />
intenses...<br />
Lors <strong>de</strong> tous ces programmes, nous<br />
avons vécu <strong>de</strong>s expériences très<br />
fortes où il a été possible <strong>de</strong> sentir<br />
ensemble nos émotions, comprendre<br />
en direct <strong>la</strong> découverte <strong>de</strong> <strong>la</strong> bonté<br />
fondamentale, palper le mon<strong>de</strong> sacré<br />
qui émanait <strong>de</strong> tous côtés et surtout<br />
d’apprécier tout ce que chacun<br />
manifestait grâce à <strong>la</strong> pratique. Nous<br />
avons pu observer que les adultes<br />
<strong>de</strong>venaient là, <strong>de</strong>s transmetteurs<br />
directs <strong>de</strong>s enseignements, sans<br />
mots, sans discours, ils permettaient à<br />
l’enfant <strong>de</strong> toucher <strong>la</strong> sagesse qui est<br />
en nous. C’est alors que s’épanouit<br />
<strong>la</strong> confiance entre les générations ;<br />
elle se met à régner dans <strong>la</strong> <strong>famille</strong>,<br />
puis à rayonner dans le mon<strong>de</strong>… Tout<br />
ce<strong>la</strong> ne s’arrête évi<strong>de</strong>mment pas aux<br />
portes <strong>de</strong> Dechen Chöling une fois<br />
le programme terminé.<br />
Propos recueillis par<br />
V. Villemagne
Lecture<br />
Culture<br />
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
L’influence <strong>de</strong> l’épopée<br />
du roi Gesar <strong>de</strong> Ling<br />
sur Chögyam Trungpa Rinpoché Par Robin Kornman<br />
Cinquième partie<br />
Les traces <strong>de</strong> l’épopée dans l’œuvre <strong>de</strong> Trungpa<br />
Il faut cependant noter que l’extension constante<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> souveraineté <strong>de</strong> Gesar et du peuple <strong>de</strong> Ling<br />
n’est pas comparable à celle du grand empire<br />
agraire chinois ou <strong>de</strong> l’empire romain. C’est<br />
l’histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> création progressive d’une confédération<br />
nomadique qui se <strong>la</strong>nce à <strong>la</strong> conquête du mon<strong>de</strong>,<br />
un peu comme les empires mongols. Comprendre ce<br />
qui différencie un empire d’une confédération noma<strong>de</strong><br />
est essentiel pour comprendre <strong>la</strong> théorie politique <strong>de</strong><br />
l’Épopée <strong>de</strong> Gesar.<br />
Le <strong>de</strong>rnier tome <strong>de</strong> <strong>la</strong> version en neuf tomes est<br />
intitulé Gesar aux Enfers, <strong>la</strong> Gran<strong>de</strong> Perfection. Gesar y<br />
<strong>de</strong>scend aux enfers et enseigne aux damnés <strong>la</strong> doctrine<br />
du Dzogchen, <strong>la</strong> forme <strong>la</strong> plus élevée <strong>de</strong> méditation dans<br />
le bouddhisme tibétain. Ils sont libérés et quittent ainsi<br />
<strong>la</strong> roue du samsara. Gesar meurt et se transporte au<br />
Royaume <strong>de</strong> Shambha<strong>la</strong>, où il <strong>de</strong>meure à ce jour, attendant<br />
l’apocalypse bouddhiste. On peut dire que ce <strong>de</strong>rnier<br />
tome occupe <strong>la</strong> même p<strong>la</strong>ce dans l’ensemble <strong>de</strong> l’épopée<br />
que <strong>la</strong> Bhagavad Gita dans l’épopée orale indienne du<br />
Mahabharata, car il s’agit plus d’un manuel philosophique<br />
et contemp<strong>la</strong>tif que d’une saga militaire.<br />
Il existe plusieurs versions <strong>de</strong> l’épopée. Les chapitres<br />
publiés par les spécialistes sino-tibétains représentent<br />
plus d’une centaine <strong>de</strong> volumes, et les représentations<br />
qu’ils ont enregistrées en représentent plusieurs fois<br />
autant. Comme le Mahabharata, il s’agit d’un corpus<br />
gigantesque, difficile à manier. Nous ignorons à quelles<br />
interprétations bardiques Trungpa Rinpoché a assisté,<br />
mais ce qui est à peu près certain c’est que <strong>la</strong> version<br />
qu’il a lue était bien celle rédigée par Ju Mipham Gyatso,<br />
car Trungpa a fait traduire par un groupe d’étudiants<br />
sous sa direction les rituels <strong>de</strong> Gesar que Mipham avait<br />
écrits pour accompagner cette édition. De plus, Rinpoché<br />
faisait réciter ces chants à ses étudiants.<br />
Comme nous le verrons plus loin, en rédigeant l’épopée,<br />
Mipham a créé une structure philosophique sophistiquée,<br />
structure qui a servi <strong>de</strong> base aux enseignements ultérieurs<br />
<strong>de</strong> Trungpa en Amérique et en Europe.<br />
Comme nous l’avons appris récemment, Trungpa<br />
Rinpoché a <strong>la</strong>issé <strong>de</strong>rrière lui lors <strong>de</strong> sa fuite du Tibet<br />
un ensemble prodigieux d’écrits, produit remarquable<br />
<strong>de</strong>s dix-neuf premières années <strong>de</strong> sa vie : termas anciens<br />
(textes cachés) qu’il avait découverts et transcrits,<br />
rituels qu’il avait composés, recueil <strong>de</strong> ses révé<strong>la</strong>tions<br />
visionnaires, manuels <strong>de</strong> méditation et œuvres poétiques,<br />
qui ont été dispersés à travers le Tibet Oriental,<br />
dans <strong>la</strong> région qu’il avait parcourue en tant que <strong>je</strong>une<br />
méditant et étudiant et où il avait enseigné en tant que<br />
<strong>la</strong>ma réincarné (tulku). Un <strong>je</strong>une moine nommé Karma<br />
Senge, membre <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>famille</strong> <strong>de</strong> Trungpa <strong>de</strong> <strong>la</strong> génération<br />
actuelle, est en train <strong>de</strong> réunir ces œuvres.<br />
Une <strong>de</strong>s œuvres <strong>de</strong> Trungpa <strong>de</strong> <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> initiale<br />
nous est bien connue, mais n’a pas été retrouvée. C’est<br />
une épopée en vers <strong>de</strong> plusieurs centaines <strong>de</strong> pages,<br />
intitulée Le Point d’Or : l’Épopée du Lha. Le premier<br />
chapitre décrit <strong>la</strong> création du mon<strong>de</strong> par neuf « dieux<br />
cosmiques » (srid pa’i lha) qui se manifestent sous <strong>la</strong><br />
forme <strong>de</strong> déités tibétaines autochtones appelés dralha<br />
(dgra lha) ou dieux <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre.<br />
Ces dieux représentaient les aspects primordiaux<br />
ou originels du mon<strong>de</strong> phénoménal. Par exemple, un <strong>de</strong><br />
ces lha représentait toutes les lumières. En pro<strong>je</strong>tant<br />
son regard dans toutes les directions, cette déité créa<br />
toutes les lumières du mon<strong>de</strong>, y compris le soleil, <strong>la</strong> lune,<br />
<strong>la</strong> lumière <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>nètes et <strong>de</strong>s étoiles et jusqu’à <strong>la</strong> luminosité<br />
intérieure <strong>de</strong> <strong>la</strong> conscience elle-même. Un autre<br />
représentait l’espace et les directions ; par son regard<br />
et <strong>de</strong>s gestes faits dans différentes directions, ce dieu<br />
primordial créa toutes les variantes <strong>de</strong> l’espace, y<br />
17<br />
!
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009 Lecture<br />
Culture<br />
compris l’espace physique qui reçoit ici une définition<br />
intéressante : « <strong>la</strong> capacité <strong>de</strong> séparer <strong>de</strong>ux choses ».<br />
Une déesse créa toutes les formes <strong>de</strong> l’eau et toutes<br />
les étendues d’eau du mon<strong>de</strong>. Une autre fut à l’origine<br />
<strong>de</strong> toutes les montagnes et les collines.<br />
<strong>Dans</strong> l’épopée <strong>de</strong> Trungpa, ces déités sont dirigées par<br />
un neuvième lha appelé Shiwa Ökar (Zhi ba Od dkar),<br />
Paisible Lumière B<strong>la</strong>nche, une sorte <strong>de</strong> principe absolu<br />
à l’arrière-p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> <strong>la</strong> création et qui est <strong>la</strong> nature <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
réalité. Après <strong>la</strong> création du mon<strong>de</strong> par ces neuf déités<br />
cosmiques, Paisible Lumière B<strong>la</strong>nche anime chacune<br />
<strong>de</strong>s choses qu’elles ont créées d’un esprit, un dralha.<br />
Ainsi chaque étendue d’eau est investie d’un lu (klu) ou<br />
esprit-dragon. Les montagnes reçoivent un nyen (gnyan)<br />
ou esprit <strong>de</strong>s montagnes. Les choses les plus élevées<br />
reçoivent un <strong>la</strong> (b<strong>la</strong>) ou déité ouranienne.<br />
D’après ce que nous savons, l’Épopée du Lha continue<br />
ainsi avec force détails. Malheureusement, cette<br />
œuvre s’est perdue lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> fuite <strong>de</strong> Trungpa <strong>de</strong>vant<br />
l’invasion chinoise. A son arrivée en Occi<strong>de</strong>nt, il a réécrit<br />
les <strong>de</strong>ux premiers chapitres, mais pas davantage. L’une<br />
<strong>de</strong>s choses les plus frappantes dans ces <strong>de</strong>ux chapitres,<br />
c’est que les textes antérieurs, <strong>la</strong> tradition littéraire à<br />
<strong>la</strong>quelle ils font référence, ne sont pas, comme on s’y<br />
attendrait, les textes indiens du bouddhisme tibétain<br />
(les Tantras, les Sutras et les Commentaires), mais les<br />
mythes <strong>de</strong> <strong>la</strong> création issus <strong>de</strong>s chroniques royales du<br />
Tibet et <strong>de</strong> l’Épopée <strong>de</strong> Gesar <strong>de</strong> Ling. Ces recueils<br />
littéraires évoquent <strong>la</strong> cosmologie <strong>de</strong> <strong>la</strong> religion tibétaine<br />
autochtone, et non le bouddhisme. Ils décrivent d’abord<br />
<strong>la</strong> création du mon<strong>de</strong>, puis <strong>la</strong> création et l’évolution <strong>de</strong>s<br />
tribus du Tibet – <strong>de</strong>s tribus dont <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt les rois du<br />
Tibet ainsi que Gesar <strong>de</strong> Ling.<br />
A <strong>la</strong> différence <strong>de</strong> <strong>la</strong> littérature bouddhiste, cette<br />
littérature autochtone exprime <strong>la</strong> notion <strong>de</strong> transcendance<br />
non en termes métaphysiques, mais en termes<br />
d’ancienneté et <strong>de</strong> primordialité. De même, les cérémonies<br />
religieuses sont typiques <strong>de</strong> l’Asie Mineure. Là où une<br />
œuvre bouddhiste parlerait <strong>de</strong> sacrifices et d’offran<strong>de</strong>s<br />
du feu, on trouve plutôt <strong>la</strong> cérémonie caractéristique<br />
<strong>de</strong>s noma<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s steppes <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>teaux d’Asie Mineure<br />
– le lhasang ou purification par <strong>la</strong> fumée. Les <strong>famille</strong>s<br />
royales se créent lorsque le lha – les dieux ouraniens<br />
– <strong>de</strong>scend sur terre, ou que les dieux <strong>de</strong>s montagnes<br />
s’unissent aux humains. La physiologie interne décrite<br />
dans ce genre littéraire évoque les mêmes voies culturelles<br />
non bouddhistes. Ainsi, là où un ouvrage bouddhiste<br />
décrit le corps comme comportant un canal central<br />
et <strong>de</strong>s canaux accessoires qui transportent différentes<br />
18<br />
sortes <strong>de</strong> « souffles » (prana), les ouvrages sino-tibétains<br />
parlent d’officiers, <strong>de</strong> déités gardiennes et <strong>de</strong> diverses<br />
sortes d’âmes, qui rappellent le taoïsme alchimique 1 .<br />
Des auras d’énergie défensive virevoltent autour du<br />
corps et veillent sur le guerrier lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> bataille. Ces<br />
énergies portent <strong>de</strong>s noms pittoresques qui rappellent<br />
aussi <strong>la</strong> cosmologie chinoise : cheval <strong>de</strong> vent (rlung rta)<br />
et champ <strong>de</strong> pouvoir (dbang thang), force vitale (srog)<br />
et force <strong>de</strong> durée <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie (rtse). Ces énergies, ce genre<br />
<strong>de</strong> cosmologie et cette approche <strong>de</strong>s annales tribales<br />
trouvent tous leurs origines dans <strong>la</strong> littérature épique et<br />
martiale <strong>de</strong> l’Extrémité Orientale <strong>de</strong> <strong>la</strong> Route <strong>de</strong> <strong>la</strong> Soie.<br />
On les trouve dans les annales mongoles, <strong>la</strong> littérature<br />
orale tibétaine, et même dans <strong>de</strong>s romans c<strong>la</strong>ssiques<br />
chinois, en particulier dans Le Roman <strong>de</strong>s Trois Royaumes<br />
(San kouo tche yen yi) <strong>de</strong> Louo Kouan Tchong 2 .<br />
Lorsque Trungpa Rinpoché évoquait dans son œuvre<br />
littéraire cette tradition culturelle diffuse, c’était en accord<br />
avec une nouvelle école <strong>de</strong> pensée tibétaine, souvent<br />
appelée aujourd’hui Renaissance tibétaine : l’École<br />
Éclectique ou Ris med. Les fondateurs <strong>de</strong> cette école<br />
étaient <strong>de</strong>s sommités bouddhistes et esprits universels<br />
du XIX e siècle : Jamgön Kongtrül le Grand, Jamyang<br />
Khyentse Wangpo et Ju Mipham Gyatso. Les Éclectiques<br />
ont cherché à unifier les quatre principales sectes du<br />
bouddhisme tibétain, <strong>la</strong> religion institutionnalisée non<br />
bouddhiste appelée Bön, et les enseignements chamanistes<br />
et animistes <strong>de</strong> <strong>la</strong> religion tibétaine autochtone<br />
pour les synthétiser en un système unique.<br />
Pour ce<strong>la</strong>, ils <strong>de</strong>vaient concilier le chamanisme d’Asie<br />
Mineure avec <strong>la</strong> métaphysique hautement sco<strong>la</strong>stique<br />
et l’épistémologie du bouddhisme indien. C’est dans les<br />
écrits <strong>de</strong> Mipham que ce travail théorique s’accomplit<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> façon <strong>la</strong> plus explicite. Sa version <strong>de</strong> l’Épopée<br />
<strong>de</strong> Gesar présente les principes généraux <strong>de</strong>s tantras<br />
et du mahayana bouddhistes <strong>de</strong> façon très explicite.<br />
Mais c’est aussi un manuel du folklore chamanique<br />
et magique. A <strong>la</strong> différence du bodhisattva habituel,<br />
Gesar est un sorcier et démontre à travers ses moyens<br />
habiles une magie guerrière d’un genre particulier. Ses<br />
compagnons font <strong>de</strong>s commentaires pleins <strong>de</strong> sagesse<br />
sur ces pratiques ; l’épopée se présente ainsi, du moins<br />
dans <strong>la</strong> version <strong>de</strong> Mipham, comme un gui<strong>de</strong> pratique<br />
du chamanisme tibétain.<br />
Nous avons commencé cet essai avec le surprenant<br />
commentaire <strong>de</strong> E. Gene Smith selon lequel le Dzogchen,<br />
tout en étant une tradition ésotérique, est <strong>de</strong> fait <strong>la</strong> religion<br />
publique du Golok. On pourrait en dire autant du<br />
chamanisme présenté dans l’Épopée <strong>de</strong> Gesar. Chaque
Lecture<br />
Culture<br />
© Diana Church guerrier y est plus ou moins un chaman. Ils possè<strong>de</strong>nt<br />
Gesar et ses généraux accueillent le Sakyong Mipham Rinpoché au Golog, Tibet.<br />
tous <strong>de</strong>s chevaux qui parlent et qui volent. Tous font<br />
<strong>de</strong>s lhasangs et ont recours à <strong>la</strong> magie au combat pour<br />
accroître leurs défenses magiques personnelles. La<br />
plupart ont <strong>de</strong>s déités protectrices qui apparaissent<br />
sous <strong>de</strong>s formes complexes, mê<strong>la</strong>nt <strong>de</strong>s aspects du<br />
tantrisme indien c<strong>la</strong>ssique à ceux d’une déité animiste<br />
locale, sauvage et pittoresque. A l’instar <strong>de</strong> nombreuses<br />
épopées turques, lorsque les guerriers s’affrontent ils<br />
font appel tout naturellement à <strong>la</strong> magie, combinant<br />
les pouvoirs <strong>de</strong>s flèches, <strong>de</strong>s <strong>la</strong>nces et <strong>de</strong>s sabres aux<br />
énergies et aux déités.<br />
Mipham a ainsi fait <strong>de</strong> son édition <strong>de</strong> l’Épopée <strong>de</strong><br />
Gesar un hybri<strong>de</strong> <strong>de</strong>s idées bouddhistes et locales. Il s’est<br />
assuré qu’elle serait bien lue ainsi en composant une série<br />
parallèle <strong>de</strong>s chants <strong>de</strong> Gesar qui mêlent les religions<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> même façon. Ces pratiques rituelles figurent dans<br />
le chapitre Na <strong>de</strong> ses œuvres complètes; une <strong>de</strong>s plus<br />
célèbres est le Long Lhasang <strong>de</strong>s Werma, qui invoque<br />
Gesar et l’ensemble <strong>de</strong> sa cour comme une sorte <strong>de</strong><br />
manda<strong>la</strong> épique. On y trouve une combinaison soignée<br />
du bouddhisme (selon <strong>la</strong> secte Nyingma) et <strong>de</strong> <strong>la</strong> religion<br />
locale. On y invoque par exemple Padmasambhava en<br />
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
1<br />
même temps que divers bouddhas. Mais l’attention se<br />
dép<strong>la</strong>ce ensuite vers Gesar, sa cour et ses compagnons<br />
p<strong>la</strong>cés – non pas autour <strong>de</strong> Gesar et dans les quatre<br />
directions – mais <strong>de</strong>vant lui, comme lors <strong>de</strong>s conseils qui<br />
ont lieu dans l’épopée quand le c<strong>la</strong>n Mukpo se rassemble.<br />
Les personnages du manda<strong>la</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> cour <strong>de</strong> Gesar sont<br />
eux-mêmes entourés <strong>de</strong> dralhas, <strong>de</strong> déités locales et <strong>de</strong><br />
personnages <strong>de</strong> pouvoir familial.<br />
L’édition <strong>de</strong> Mipham donne une explication systématique<br />
justifiant <strong>la</strong> forme syncrétique du manda<strong>la</strong> <strong>de</strong><br />
déités qui apparaît dans le Lhasang. Gesar est présenté<br />
comme une création <strong>de</strong> Padmasambhava, le guru éveillé<br />
du bouddhisme tantrique, en col<strong>la</strong>boration avec Amitabha,<br />
Avalokiteshvara et plusieurs déités locales tibétaines.<br />
Gesar prend littéralement forme à partir <strong>de</strong>s rayons <strong>de</strong><br />
lumière qui émanent d’Amitabha et d’Avalokiteshvara et<br />
se dissolvent dans Padma qui les irradie ensuite dans les<br />
corps <strong>de</strong> déités locales transformées ainsi en bouddhas<br />
tuté<strong>la</strong>ires tantriques, masculin et féminin. Ces bouddhas<br />
s’unissent, engendrant une déité éveillée appelée Joyeux<br />
à Entendre, qui consent à se réincarner sous <strong>la</strong> forme<br />
<strong>de</strong> Gesar. Joyeux à Entendre est formé partiellement<br />
<strong>de</strong> déités locales transformées en bouddhas, mais<br />
!
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009 Lecture<br />
Culture<br />
il porte également sur son corps réincarné plusieurs<br />
dralhas tibétains à tête d’animal, qui acceptent <strong>de</strong><br />
s’incarner avec lui. Ils rési<strong>de</strong>nt à l’intérieur du corps <strong>de</strong><br />
Gesar, investissant secrètement les “lieux <strong>de</strong> pouvoir”<br />
<strong>de</strong> son corps, qui ne sont pas les chakras (qui, selon le<br />
bouddhisme indien, se trouvent le long <strong>de</strong> <strong>la</strong> colonne<br />
vertébrale) mais sont situés sur <strong>la</strong> tête, les épaules et le<br />
torse, là où les déités tuté<strong>la</strong>ires <strong>de</strong> l’animisme autochtone<br />
sont censées rési<strong>de</strong>r dans un guerrier accompli.<br />
Une lecture attentive du premier chapitre <strong>de</strong> l’épopée<br />
<strong>de</strong> Mipham permet d’expliquer <strong>la</strong> technologie spirituelle<br />
<strong>de</strong>s sadhanas <strong>de</strong> Gesar dans le tome Na. Mais ce système<br />
syncrétique n’est pas une invention <strong>de</strong> Mipham. On le<br />
retrouve dans un ensemble <strong>de</strong> textes philosophiques<br />
et <strong>de</strong> chants <strong>de</strong> <strong>la</strong> tradition Nyingma, qui remonte<br />
aux fondations mêmes du bouddhisme tibétain. Il y a<br />
par exemple un lhasang très é<strong>la</strong>boré appelé Offran<strong>de</strong><br />
Purificatrice <strong>de</strong> <strong>la</strong> Montagne (Ri bo bsang mchod) dont le<br />
texte parle <strong>de</strong>s étapes <strong>de</strong> l’émanation du principe absolu<br />
jusqu’au <strong>de</strong>gré <strong>de</strong>s déités re<strong>la</strong>tives comme les dralhas.<br />
Le Long Lhasang <strong>de</strong>s Werma est pratiqué au Golok,<br />
dans l’ensemble du Tibet et dans les communautés<br />
<strong>de</strong> réfugiés tibétains. En fait le gouvernement en exil<br />
du Da<strong>la</strong>ï Lama l’a inclus dans un ensemble <strong>de</strong> textes<br />
<strong>de</strong> lhasang distribués aux émigrés tibétains afin qu’ils<br />
puissent continuer à pratiquer les rituels <strong>de</strong> <strong>la</strong> culture<br />
tibétaine chez eux.<br />
Un autre chant très popu<strong>la</strong>ire, écrit par Mipham<br />
dans <strong>la</strong> même tradition, n’a pas <strong>de</strong> titre et figure sur<br />
<strong>de</strong>s drapeaux <strong>de</strong> prières. Il cite <strong>de</strong>s dieux apparaissant<br />
dans un ordre que <strong>je</strong> qualifierais d’ordre d’émanation. Il<br />
commence par une invocation <strong>de</strong> déités qui représentent<br />
l’absolu, se poursuit par une invocation d’êtres et <strong>de</strong><br />
maîtres éveillés, puis invoque le dieu indien Ganesha qui<br />
dirige « une armée divine <strong>de</strong> dralhas ». Il cite ensuite <strong>de</strong>s<br />
dieux en rapport avec le mon<strong>de</strong> manifesté et <strong>la</strong> vérité<br />
re<strong>la</strong>tive : « les dieux <strong>de</strong> <strong>la</strong> lignée cosmique qui ont autorité<br />
sur <strong>la</strong> causalité » (ou <strong>la</strong> coïnci<strong>de</strong>nce, le lien karmique <strong>de</strong><br />
cause et d’effet).<br />
Le volume Na <strong>de</strong>s œuvres complètes <strong>de</strong> Mipham<br />
contient également un grand nombre <strong>de</strong> très courtes<br />
suppliques à Gesar. On y trouve même une Supplique à<br />
Gesar en Sept Lignes, comparable à <strong>la</strong> célèbre Supplique<br />
à Padmasambhava.<br />
Trungpa Rinpoché a tiré ces chants du cycle <strong>de</strong>s<br />
pratiques <strong>de</strong> Gesar (Ge Sar skor) <strong>de</strong> Mipham pour les<br />
faire psalmodier par ses étudiants avancés. Toutes les<br />
œuvres <strong>de</strong> Mipham citées ci-<strong>de</strong>ssus ont été traduites<br />
par le Na<strong>la</strong>nda Trans<strong>la</strong>tion Committee sous <strong>la</strong> direction<br />
<strong>de</strong> Trungpa Rinpoché, et sont psalmodiées par ses<br />
étudiants avancés.<br />
De toutes les pratiques du cycle <strong>de</strong> Gesar <strong>de</strong> Mipham, <strong>la</strong><br />
plus remarquable est <strong>la</strong> Supplique à <strong>la</strong> Course <strong>de</strong> Chevaux.<br />
La Course <strong>de</strong> Chevaux constitue le troisième tome <strong>de</strong><br />
l’épopée dans l’édition <strong>de</strong> Mipham. Pendant <strong>la</strong> ma<strong>je</strong>ure<br />
partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> Course <strong>de</strong> Chevaux, Gesar apparaît non pas<br />
comme un petit dieu ou un prince divin, mais comme<br />
le désagréable <strong>la</strong>i<strong>de</strong>ron Joru. Il est invité par Drugmo,<br />
<strong>la</strong> belle princesse qui est le prix <strong>de</strong> <strong>la</strong> course, à revenir<br />
à Ling pour y participer afin d’obtenir sa main.<br />
Ce tome est plein <strong>de</strong> messages exposant <strong>la</strong> vision<br />
éveillée <strong>de</strong> l’épopée par rapport à <strong>la</strong> réalité conventionnelle<br />
du mon<strong>de</strong> re<strong>la</strong>tif. Certains <strong>de</strong> ces messages sont<br />
ironiques, critiquant le caractère creux <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie, au p<strong>la</strong>n<br />
re<strong>la</strong>tif. D’autres sont héroïques, mettant en évi<strong>de</strong>nce<br />
les pouvoirs et les splen<strong>de</strong>urs d’un mon<strong>de</strong> phénoménal<br />
qui s’est éloigné <strong>de</strong> l’absolu.<br />
<strong>Dans</strong> un <strong>de</strong>s chapitres par exemple, <strong>la</strong> belle Drugmo<br />
rend visite à Gesar dans sa terrifiante forteresse <strong>de</strong><br />
solitu<strong>de</strong>, au pays <strong>de</strong> Ma. A l’aller comme au retour du<br />
voyage <strong>de</strong> Drugmo, Gesar lui joue <strong>de</strong> méchants tours<br />
et <strong>la</strong> torture à <strong>la</strong> façon du Coyote retors, tout en <strong>la</strong><br />
courtisant sous différents déguisements. Ce chapitre<br />
intitulé La Précieuse Reine est une étrange étu<strong>de</strong> bouddhiste<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> féminité. L’égoïsme féminin – trop précieux<br />
ou excessivement gentil – <strong>de</strong> Drugmo et son caractère<br />
affecté, sont impitoyablement attaqués par Gesar qui<br />
va jusqu’à <strong>la</strong> défigurer temporairement. Et pourtant,<br />
il chante en même temps ses louanges en tant que son<br />
complément indispensable dans le mon<strong>de</strong> manifesté.<br />
Les critiques et les attaques <strong>de</strong> Gesar à l’encontre <strong>de</strong><br />
Drugmo peuvent paraître injustes pour le lecteur. Mais<br />
du point <strong>de</strong> vue d’un farceur éveillé, elles représentent<br />
<strong>de</strong> justes critiques et une punition appropriée à <strong>la</strong> faiblesse<br />
morale féminine conventionnelle <strong>de</strong> Drugmo. Une<br />
aristocrate tibétaine doit user d’une certaine fourberie<br />
pour gérer les forces conflictuelles qui influencent sa<br />
vie : <strong>de</strong>s frères exigeants, un père et <strong>de</strong>s oncles comploteurs,<br />
<strong>la</strong> jalousie <strong>de</strong>s autres femmes et l’hostilité<br />
probable <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>famille</strong> <strong>de</strong> son futur époux – en somme,<br />
les nombreuses pressions qu’exerce <strong>la</strong> vie tribale sur les<br />
belles <strong>de</strong>moiselles. Drugmo est dépeinte comme prise<br />
dans <strong>la</strong> toile <strong>de</strong> ces forces, et Gesar critique l’hypocrisie<br />
qui en résulte inévitablement chez elle, ainsi que les<br />
machinations féminines transparentes que les conventions<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> société humaine lui imposent. Ses farces sont<br />
grotesques, parfois même violentes et pleines d’ironie<br />
bouddhiste. A un moment, il va jusqu’à se tuer afin <strong>de</strong><br />
0
Lecture<br />
Culture<br />
mettre à l’épreuve <strong>la</strong> foi <strong>de</strong> Drugmo. En sanglots, elle<br />
enterre son corps, craignant <strong>la</strong> punition <strong>de</strong> ses frères<br />
si elle rentre à <strong>la</strong> maison sans le héros. Elle se résout<br />
à se suici<strong>de</strong>r et <strong>la</strong>nce son cheval dans une rivière. Elle<br />
déc<strong>la</strong>re d’un ton mélodramatique qu’ainsi au moins elle<br />
rejoindra Gesar dans une autre vie. Gesar revient à <strong>la</strong><br />
vie et <strong>la</strong> raille pour l’avoir enterré à tort. Il exprime son<br />
mépris pour sa compassion conventionnelle, lui faisant<br />
remarquer qu’elle ne pouvait faire preuve <strong>de</strong> charité<br />
véritable, puisqu’elle était prête à <strong>la</strong>isser son cheval se<br />
noyer avec elle.<br />
<strong>Dans</strong> un autre chapitre <strong>de</strong> ce volume, Drugmo et<br />
<strong>la</strong> mère <strong>de</strong> Gesar partent capturer le <strong>de</strong>strier magique<br />
<strong>de</strong> Gesar, qui est une réincarnation <strong>de</strong> Hayagriva, le<br />
bouddha tantrique à tête <strong>de</strong> cheval. Le cheval est décrit<br />
muscle par muscle comme <strong>la</strong> créature idéale, et on y<br />
voit tout l’amour – voire <strong>la</strong> vénération – qu’éprouvent<br />
les noma<strong>de</strong>s à l’égard <strong>de</strong>s chevaux en tant qu’emblèmes<br />
<strong>de</strong> l’énergie divine.<br />
Le <strong>de</strong>rnier chapitre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Course <strong>de</strong> Chevaux voit<br />
enfin l’arrivée <strong>de</strong> Gesar à Ling et le début <strong>de</strong> <strong>la</strong> course.<br />
Les farces acrobatiques <strong>de</strong> Gesar lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> course sont<br />
hi<strong>la</strong>rantes, quoique effrayantes aux yeux <strong>de</strong> ses admirateurs.<br />
Ainsi, durant une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> course, on<br />
le voit chevaucher dans le sens opposé <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne d’arrivée.<br />
Il s’arrête souvent pour engager une conversation<br />
métaphysique avec ses adversaires. Les observateurs<br />
craignent que ses frasques puériles ne finissent par faire<br />
perdre <strong>la</strong> course à Gesar, l’empêchant ainsi <strong>de</strong> réaliser<br />
son <strong>de</strong>stin. Mais le chef avisé <strong>de</strong> <strong>la</strong> tribu Mukpo leur<br />
répond que si l’on comprend le fonctionnement <strong>de</strong>s<br />
énergies <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s énergies éveillées, on peut<br />
aisément voir que rien ne pourra empêcher Gesar <strong>de</strong><br />
remporter <strong>la</strong> victoire, car c’est <strong>la</strong> <strong>de</strong>stinée engendrée<br />
par le karma et le champ <strong>de</strong> pouvoir qui détermine le<br />
résultat, plutôt que <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> stratégies et<br />
le dur <strong>la</strong>beur.<br />
Chaque chapitre présente ainsi une analyse <strong>de</strong>s énergies<br />
tantriques et chamaniques : l’état <strong>de</strong> complétu<strong>de</strong><br />
qui résulte <strong>de</strong> l’union avec le principe féminin, <strong>la</strong> vitalité<br />
magique du principe du cheval, <strong>la</strong> manière dont le <strong>de</strong>stin<br />
s’inscrit dans le karma et le champ <strong>de</strong> pouvoir.<br />
En fait le troisième tome, La Course <strong>de</strong> Chevaux,<br />
1. En particulier les dieux <strong>de</strong>s sectes taoïstes <strong>de</strong> révé<strong>la</strong>tion, comme le Mao Shan Dao<br />
et un texte ancien du taoïsme alchimique, le Bao Puzi. Voir par exemple, Isabelle<br />
Robinet, Méditation Taoïste, <strong>Paris</strong>, Dervy Livres, 1979 et Le corps taoïste : Corps<br />
physique, corps social, par Kristofer Schipper, <strong>Paris</strong>, Librairie Arteme Fayard, 1979.<br />
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
est structuré pour présenter plusieurs niveaux <strong>de</strong><br />
signification métaphysique. Mipham a intitulé chaque<br />
chapitre du nom d’un <strong>de</strong>s trésors d’un Chakravartin ou<br />
Monarque Universel : <strong>la</strong> Précieuse Reine, le Précieux<br />
Ministre, le Précieux Éléphant etc. Il s’agit là d’une liste<br />
indienne très ancienne. Trungpa s’est servi <strong>de</strong> cette liste<br />
dans les enseignements qu’il a présentés en Amérique<br />
en lui donnant un sens ésotérique, comme une carte<br />
iconographique tantrique <strong>de</strong>s énergies re<strong>la</strong>tives que doit<br />
maîtriser l’a<strong>de</strong>pte afin <strong>de</strong> mener une vie saine, écologique,<br />
dans le mon<strong>de</strong>. Chaque individu doit être comme un<br />
Monarque Universel pour réaliser pleinement sa vie en<br />
société : il doit avoir une Précieuse Reine, c’est-à-dire<br />
une compagne sexuelle, un Précieux Général (c’est à<br />
dire un ami qui ai<strong>de</strong> à accomplir les choses), un Précieux<br />
Éléphant qui représente une solution idéale pour se<br />
dép<strong>la</strong>cer, etc.<br />
En <strong>de</strong>mandant à son élève Gyurmé <strong>de</strong> réorganiser<br />
ainsi le chapitre La Course <strong>de</strong> Chevaux, Mipham a mis<br />
en lumière les enseignements déjà présents dans l’épopée<br />
orale sur ces su<strong>je</strong>ts, les rendant évi<strong>de</strong>nts pour un<br />
lecteur averti.<br />
Sa métho<strong>de</strong> fut étrange et tantrique. Avant <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à son élève <strong>de</strong> réorganiser ce volume, Mipham<br />
a écrit <strong>la</strong> Supplique <strong>de</strong> <strong>la</strong> Course <strong>de</strong> Chevaux, un rituel<br />
qui rend hommage au texte lui-même. Ce texte, plutôt<br />
long, emploie un <strong>la</strong>ngage symbolique qui rappelle les<br />
formules sibyllines <strong>de</strong>s oracles. Mipham remit ce chant<br />
à son élève, tout en lui expliquant son sens caché et lui<br />
a ensuite <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> réviser le chapitre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Course <strong>de</strong><br />
Chevaux pour qu’il correspon<strong>de</strong> aux sections hautement<br />
symboliques, oracu<strong>la</strong>ires et insondables du chant. Telle<br />
fut sa manière d’imposer l’ordre <strong>de</strong> <strong>la</strong> religion et <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
philosophie au déroulement naturel d’un phénomène <strong>de</strong><br />
caractère folklorique oral. Les rituels <strong>de</strong> Gesar <strong>de</strong>vaient<br />
dorénavant être un parfait complément <strong>de</strong> l’épopée,<br />
et avec <strong>la</strong> propagation naturelle <strong>de</strong> celle-ci, à l’instar<br />
<strong>de</strong> toutes les belles histoires, <strong>la</strong> religion <strong>de</strong> Gesar <strong>de</strong><br />
Mipham se perpétua également.<br />
1<br />
(A suivre . . .)<br />
© Robin Kornman, 2004.<br />
© Les Traductions Manjushri, France, février 2008.<br />
2. Les Trois Royaumes Vol. I-V, par Louo Kouan Tchong, traduction et commentaires<br />
<strong>de</strong> Nghiêm Toan et Louis Ricaud, 1987, F<strong>la</strong>mmarion/Unesco.
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
Le Sakyong part en retraite<br />
Fin novembre cette année, le Sakyong<br />
Jamgön Mipham Rinpoché entrera pour<br />
environ un an en retraite approfondie.<br />
Cette retraite a été prévue <strong>de</strong> longue<br />
date. Cette pério<strong>de</strong> prolongée <strong>de</strong> pratique<br />
intensive sera très favorable à <strong>la</strong> longévité<br />
du détenteur <strong>de</strong> notre lignée et bénéfique<br />
pour le renforcement et <strong>la</strong> santé <strong>de</strong> notre<br />
communauté.<br />
Se rappeler que c’est à ce même moment<br />
<strong>de</strong> sa vie que le Druk Sakyong Chögyam<br />
Trungpa Rinpoché est entré en parinirvana,<br />
est très émouvant. Effectuer cette retraite<br />
d’un an sera vital pour <strong>la</strong> protection, le<br />
bien-être et <strong>la</strong> longévité du Sakyong. Ce<br />
sera une excellente occasion pour nous,<br />
membres <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté Shambha<strong>la</strong>,<br />
d’approfondir nos pratiques et notre<br />
dévotion et <strong>de</strong> faire l’expérience <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
force et <strong>de</strong>s bénédictions engendrées par<br />
cette année <strong>de</strong> retraite.<br />
Le Sakyong passera sa retraite en Amérique<br />
du Nord et en Asie, à l’exception d’une<br />
très courte pério<strong>de</strong> où il sortira vraisemb<strong>la</strong>blement<br />
<strong>de</strong> sa retraite pour donner<br />
<strong>de</strong>s transmissions lors d’un Séminaire<br />
Vajrayana et d’une Assemblée du Sceau<br />
du Scorpion.<br />
Le 10 novembre à Halifax, Son Éminence<br />
Namkha Drimed Rinpoché dirigera une<br />
cérémonie <strong>de</strong> Tenshuk afin <strong>de</strong> conférer <strong>de</strong>s<br />
bénédictions <strong>de</strong> longue vie et <strong>de</strong> bonne<br />
santé au Sakyong avant son entrée en<br />
retraite. La Sakyong Wangmo a <strong>de</strong>mandé<br />
à chaque centre et groupe d’envoyer au<br />
moins un représentant pour y assister<br />
en personne.<br />
Extrait du site : http://www.sakyong<strong>la</strong>drang.<br />
org, traduction Rohini Schiff-Bhagwat.<br />
© James Hoag<strong>la</strong>nd<br />
Infos<br />
Formation <strong>de</strong> Gui<strong>de</strong> Shambha<strong>la</strong> *<br />
Du 5 au 8 février 2010, à Marseille avec<br />
C. Eveil<strong>la</strong>rd-Elsky et D. Ma<strong>la</strong>rdier.<br />
Assemblée <strong>de</strong>s Guerriers*,<br />
Séminaire Sutrayana* 2010, etc.<br />
Pour s’inscrire aux programmes avancés,<br />
ren<strong>de</strong>z-vous sur le site :<br />
http://www.shambha<strong>la</strong>.org/programs/<br />
advanced.php<br />
Sa Sainteté le Da<strong>la</strong>ï Lama en Orissa<br />
Du 11 au 16 janvier 2010, Sa Sainteté<br />
le Da<strong>la</strong>ï Lama transmettra initiations et<br />
enseignements lors <strong>de</strong> l’inauguration<br />
officielle du nouveau monastère Ripa,<br />
le Rigon Thubten Mindrolling en Orissa<br />
(In<strong>de</strong>). Informations et inscription sur :<br />
http://www.padmaling.net<br />
Shambha<strong>la</strong> Times France<br />
http://france.shambha<strong>la</strong>times.org<br />
Articles, annonces, informations,<br />
reportages, photos, poésies, etc.,<br />
c’est le Shambha<strong>la</strong> Times en français.<br />
Chacun peut y contribuer et tout<br />
ce qui est posté dans ce “blog” est<br />
simultanément édité dans le site<br />
“mère” www.shambha<strong>la</strong>times.org.<br />
C’est aussi là que nous publierons<br />
certains <strong>de</strong> nos articles et infos...<br />
P<strong>la</strong>ntation d’arbres à Dechen Chöling<br />
Le 1 er novembre, les participants à l’Assemblée<br />
francophone seront invités à<br />
chausser les bottes et à se munir d’une<br />
pelle pour p<strong>la</strong>nter 1 000 petits arbres<br />
sur le domaine <strong>de</strong> Dechen Chöling.<br />
À l’initiative du groupe Touching The<br />
Earth, et avec l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s dra<strong>la</strong>s, châtaigniers,<br />
merisiers, tilleuls, chênes et<br />
quelques fruitiers pousseront au profit<br />
<strong>de</strong>s générations futures afin <strong>de</strong> fixer du<br />
CO 2 et embellir cette Terre du dharma.<br />
L’opération sera renouvelée pendant<br />
trois ans. Ce sera une <strong>de</strong> nos mo<strong>de</strong>stes<br />
contributions à <strong>la</strong> lutte contre le<br />
réchauffement climatique. En savoir<br />
plus : http://france.shambha<strong>la</strong>times.org.<br />
Annonces<br />
Recevoir le journal par e-mail<br />
Vous souhaitez vous abonner au<br />
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Envoyez-nous votre <strong>de</strong>man<strong>de</strong> par<br />
e-mail à journalshambha<strong>la</strong>[à]yahoo.fr<br />
en précisant vos nom et prénom.<br />
Covoiturage en ligne<br />
http://ri<strong>de</strong>share.<strong>de</strong>chencholing.org/<br />
Voilà un site Internet malin et vert ! En<br />
quelques clics déposez votre offre ou<br />
votre <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> covoiturage pour<br />
vous rendre à Dechen Chöling.<br />
Suzann Duquette<br />
A été nommée Acharya<br />
à <strong>la</strong> mi-juillet, à Karmê<br />
Chöling où elle rési<strong>de</strong>.<br />
En savoir plus sur les<br />
31 acharyas : http://<br />
www.shambha<strong>la</strong>.org/teachers.<br />
Les moissons <strong>de</strong> <strong>la</strong> paix<br />
La traduction du discours du Sakyong<br />
Mipham Rinpoché est disponible sur<br />
le site <strong>de</strong>s Traductions Manjushri.<br />
http://manjushri.shambha<strong>la</strong>.fr<br />
Carnet b<strong>la</strong>nc<br />
Le 12 septembre à Dechen Chöling<br />
Acharya Mathias Pongracz a uni lors<br />
d’une bien belle cérémonie <strong>de</strong> mariage<br />
Natacha et Olivier Roumezi. La fête<br />
était superbe et les membres <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />
<strong>famille</strong>s ont beaucoup apprécié l’accueil<br />
au Mas Marvent. Le <strong>je</strong>une couple<br />
renouvelle ses remerciements à tous<br />
ceux qui ont mis <strong>la</strong> main à <strong>la</strong> pâte pour<br />
rendre cette célébration inoubliable !<br />
Natacha et Olvier Roumezi.<br />
© D.R.<br />
© Michel Roumezi
Agenda - 00 / 010<br />
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
14-15 nov. <strong>Soleil</strong> du Grand Est* Herb Elsky <strong>Paris</strong><br />
20-22 nov. Niveau 1 <strong>de</strong> l’Apprentissage Shambha<strong>la</strong> Catherine Eveil<strong>la</strong>rd-Elsky Besançon<br />
20-22 nov. Week-end Ngöndro* — Marseille<br />
28-29 nov. Niveau 2 <strong>de</strong> l’Apprentissage Shambha<strong>la</strong>* Anne Emmanuelle Roche <strong>Paris</strong><br />
12-13 déc. Le bol, <strong>la</strong> brise et l’horizon - La voie du Dor<strong>je</strong> Kasung Simon La Haye Marseille<br />
26 déc. - 3 janv. Retraite Shamatha intensive Tessa Racine Dechen Chöling<br />
26 décembre<br />
au 10 janvier<br />
Retraite Werma intensive* Jane Hope<br />
Retraite Ngöndro intensive* —<br />
Cet agenda est issu <strong>de</strong>s informations disponibles sur le site www.shambha<strong>la</strong>.fr à <strong>la</strong> date du 15 octobre 2009.<br />
Vérifiez sur ce <strong>de</strong>rnier ou auprès <strong>de</strong>s coordinateurs si les programmes n’ont pas été annulés ou modifiés <strong>de</strong>puis.<br />
3<br />
Dechen Chöling<br />
15-17 janvier Niveau W <strong>de</strong> l’Apprentissage Shambha<strong>la</strong>* Sarah Coleman Marseille<br />
23-24 janvier Niveau 1 <strong>de</strong> l’Apprentissage Shambha<strong>la</strong> Catherine Eveil<strong>la</strong>rd-Elsky Dechen Chöling<br />
29-31 janvier Niveau 1 <strong>de</strong> l’Apprentissage Shambha<strong>la</strong> Suzanne Prysor-Jones Marseille<br />
5-8 février Programme Gui<strong>de</strong> Shambha<strong>la</strong>* Catherine Eveil<strong>la</strong>rd Marseille<br />
14 février Jour Shambha<strong>la</strong> - Année du Tigre <strong>de</strong> Fer<br />
6-7 mars Les Bardos Philippe Cornu Marseille<br />
6 mars - 4 avril Dathün <strong>de</strong> printemps — Dechen Chöling<br />
12-14 mars Niveau 2 <strong>de</strong> l’Apprentissage Shambha<strong>la</strong>* Eric Rugani Marseille<br />
26-28 mars Niveau B <strong>de</strong> l’Apprentissage Shambha<strong>la</strong>* Dominique Ma<strong>la</strong>rdier Marseille<br />
27-28 mars Niveau 3 <strong>de</strong> l’Apprentissage Shambha<strong>la</strong>* Franck Le Naourèse <strong>Paris</strong><br />
15-25 avril Post-assemblée du Sceau du Scorpion* Ashe Acharya John Rockwell Dechen Chöling<br />
7-9 mai Niveau 3 <strong>de</strong> l’Apprentissage Shambha<strong>la</strong>* — Marseille<br />
13-20 mai Niveau D et Clé d’Or <strong>de</strong> l’Apprentissage Shambha<strong>la</strong>*<br />
3-11 Juin Maitri, conscience <strong>de</strong> l’espace et les cinq sagesse<br />
5-16 juin Assemblée <strong>de</strong>s Guerriers*<br />
19 juin - 19 juillet Dathün d’été - « Kado »<br />
Acharya Mathias Pongracz<br />
Acharya Barbara Märtens<br />
Paul Cashman<br />
Anne Emmanuelle Roche<br />
Acharya Robert Puts<br />
Acharya Barbara Märtens<br />
Marcia Wang Shibata<br />
Acharya Mathias Pongracz<br />
Dechen Chöling<br />
Dechen Chöling<br />
Dechen Chöling<br />
Dechen Chöling<br />
17 juillet - 7 août Lea<strong>de</strong>rship <strong>de</strong>s <strong>je</strong>unes (Youth Lea<strong>de</strong>rship) — Dechen Chöling<br />
27 juillet<br />
au 6 août<br />
Kyudo, <strong>la</strong> voie <strong>de</strong> l’arc Kanjuro Shibata Sensei Dechen Chöling<br />
27 juil. - 6 août Family Camp et Sun Camp — Dechen Chöling<br />
En août Enseignements Vajrayana* avec Son Eminence Namkha Drimed Rinpoche Dechen Chöling<br />
En août Vajra Garchen* — Dechen Chöling<br />
10-17 sept. Daoist Chi Gong - Niveaux 3-4-5 * Eva Wong Dechen Chöling<br />
19 sept. - 17 oct. Séminaire Sutrayana* — Dechen Chöling<br />
* Etudiants autorisés
Journal Shambha<strong>la</strong> N°13 • Octobre 2009<br />
Shambha<strong>la</strong> France<br />
www.shambha<strong>la</strong>.fr<br />
Sur ce site Internet vous trouverez les<br />
liens vers l’ensemble <strong>de</strong>s sites nationaux,<br />
coordonnées <strong>de</strong>s groupes et centres,<br />
calendrier <strong>de</strong>s enseignements, <strong>de</strong>s<br />
évènements, bibliographie, et bien plus !<br />
<strong>Centre</strong> Shambha<strong>la</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong><br />
http://paris.shambha<strong>la</strong>.fr<br />
Lieu <strong>de</strong> pratique :<br />
55, rue Quincampoix – 75004 <strong>Paris</strong><br />
Métro : Châtelet – Les Halles<br />
Deman<strong>de</strong>r le co<strong>de</strong> au préa<strong>la</strong>ble à :<br />
Contact : M. Richard Bou<strong>la</strong>ire<br />
Tél. : 01 30 99 56 37<br />
E-mail : paris@shambha<strong>la</strong>.fr<br />
Adresse courrier :<br />
<strong>Centre</strong> Shambha<strong>la</strong> <strong>de</strong> <strong>Paris</strong><br />
Chez Mme Annick Hecq-Cauquil<br />
6, rue Titon – 75011 <strong>Paris</strong><br />
<strong>Centre</strong> Shambha<strong>la</strong> <strong>de</strong> Marseille<br />
http://marseille.shambha<strong>la</strong>.fr<br />
Lieu <strong>de</strong> pratique et adresse courrier :<br />
55, rue Jaubert - 13005 Marseille.<br />
(<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r le co<strong>de</strong> du portail)<br />
Contact : Mme Blot<br />
Tél. : 06 13 39 85 51 ou 04 42 04 04 96<br />
E-mail : marseille@shambha<strong>la</strong>.fr<br />
Groupe Shambha<strong>la</strong> <strong>de</strong> Besançon<br />
http://besancon.shambha<strong>la</strong>.fr<br />
Lieu <strong>de</strong> pratique :<br />
14, avenue Fontaine Argent - Besançon.<br />
Contact : Mme Josiane Monin<br />
Tél. : 03 81 82 14 80<br />
E-mail : besancon@shambha<strong>la</strong>.fr<br />
Adresse courrier :<br />
39, rue Renan - 25000 Besançon<br />
Groupe Shambha<strong>la</strong> <strong>de</strong> l’Ardèche<br />
Lieu <strong>de</strong> pratique : Espace Déome<br />
42220 Bourg-Argental.<br />
Contact : Mme Juliette Mascunan<br />
Tél. : 04 77 39 18 09<br />
E-mail : stephanemascunan[à]yahoo.fr<br />
Adresse courrier :<br />
Darbon - 42200 Bourg-Argental<br />
Lieu <strong>de</strong> pratique et adresse courrier :<br />
19 Ter Groupe Shambha<strong>la</strong> <strong>de</strong> Corse<br />
, cours Paoli - 20250 Corte.<br />
Contact : Mme Rohini Schiff-Bhagwat<br />
Tél. : 06 15 66 03 54<br />
E-mail : rohini.schiff[à]free.fr<br />
Groupe Shambha<strong>la</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Drôme<br />
http://drome.shambha<strong>la</strong>.fr<br />
Lieu <strong>de</strong> pratique :<br />
Chez Anna et Georges - à Espenel.<br />
Contact : M. Maurice Migheli<br />
Tél. : 04 75 21 56 01<br />
E-mail : drome@shambha<strong>la</strong>.fr<br />
Adresse Courrier :<br />
Les Hoirs - Chemin <strong>de</strong> Couspeau<br />
26340 La Chaudière.<br />
Groupe Shambha<strong>la</strong> <strong>de</strong> Limoges<br />
http://limoges.shambha<strong>la</strong>.fr<br />
Lieu <strong>de</strong> pratique : Dechen Chöling<br />
Contact : Mme Catherine Eveil<strong>la</strong>rd<br />
Tél. : 05 55 03 52 15<br />
E-mail : vivre[à]ceveil<strong>la</strong>rd.com<br />
Groupe Shambha<strong>la</strong><br />
<strong>de</strong> Montpellier/Nîmes<br />
http://montpellier.shambha<strong>la</strong>.info<br />
Lieu <strong>de</strong> pratique :<br />
Association <strong>de</strong> Quartier Les amoureux<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> Candolle - Montpellier.<br />
Contact : Mme Suzanne Prysor-Jones<br />
Tél. : 04 99 61 08 27<br />
E-mail : sprysor[à]aed.org<br />
Groupe Shambha<strong>la</strong> <strong>de</strong> Toulouse<br />
http://toulouse.shambha<strong>la</strong>.fr<br />
Lieu <strong>de</strong> pratique :<br />
34, bd <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gare - 31000 Toulouse.<br />
Contact : M. Thierry Louyat<br />
Tél. : 05 34 61 29 77<br />
E-mail : toulouse@shambha<strong>la</strong>.fr<br />
Contact pour Nice<br />
E-mail : fourment[à]rimay.net<br />
Contact pour Rennes<br />
E-mail : <strong>je</strong>an.sou<strong>la</strong>t[à]orange.fr<br />
4<br />
Dechen Chöling<br />
<strong>Centre</strong> <strong>de</strong> méditation bouddhiste Shambha<strong>la</strong><br />
Dechen Chöling est le centre <strong>de</strong> pratique<br />
rési<strong>de</strong>ntiel qui accueille les pratiquants<br />
venus du mon<strong>de</strong> entier pour <strong>de</strong>s<br />
programmes et <strong>de</strong>s retraites.<br />
www.<strong>de</strong>chencholing.org<br />
Dechen Chöling<br />
Mas Marvent<br />
87 700 Saint-Yriex sous Aixe<br />
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