histoire - Consistoire de Paris

Israël : La question de la
double reconnaissance
Judéopostale : L’histoire
juive par le timbre
Histoire : Eliezer
Ben Yehuda
Dieu,
la Bible
et moi
par Philippe Sollers
Hanouka : lumière
d’espérance
N°274 - DÉCEMBRE 2007 - 3€
M 01907 - 274 - F: 3,00 E
3:HIKLTA=\UXUUU:?a@c@r@o@a;

N°274 - DÉCEMBRE 2007
21
4
28 14
12
8 18
INFORMATION JUIVE
17, rue Saint-Georges
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AU SOMMAIRE DE
JUDAÏSME
4- Hanouka, lumière d'espérance par Philippe Haddad
6- Le rappel d'une existence menacée par Elie Botbol
DOSSIER : JUIFS ET CHRÉTIEN
8- Les conditions d'un véritable dialogue
par Josy Eisenberg et Paul Thibaud
CULTURE
12- Dieu, la Bible et moi
Entretien avec Philippe Sollers
ISRAËL
14- La question de la double reconnaissance
par Denis Charbit
17- La bonne nouvelle…
Entretien avec Yehouda Lancry
JUDÉPOSTALE
18- L'histoire juive par les timbres
Entretien avec Claude Wainstain
LA VIE DE L’ACIP
21- Entretien avec le ministre de l’intérieur Michèle Alliot-Marie
COMMUNAUTÉS
24- Etre juif à Sarcelles Entretien avec Richard Halimi
25- La communauté juive de Marseille Entretien avec Zvi Ammar
BICENTENAIRE
26- Un notable Parisien : Baruch Weil (1780-1828)
27- La synagogue de la rue Nazareth
par Philippe Landau
PENSÉE JUIVE
34- Quand l’âme de Moïse touche à sa plénitude
Entretien avec Betty Rojtman
HISTOIRE
36- Eliezer Ben Yehuda par Mireille Hadas-Lebel
PHILOSOPHIE
38- D’Emmanuel Lévinas à Benny Levy par Gilles Hanus
Editorialiste : Josy Eisenberg
Chroniqueur : Guy Konopnicki
Comité de rédaction : Josy Eisenberg,
Michel Gurfinkiel, Victor Malka,
Joël Mergui, Philippe Meyer
Collaborateurs : Armand Abécassis,
Anne-Julie Bémont, Albert Bensoussan,
Paul Giniewski, Hélène Hadas-Lebel,
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Daniel Sibony.
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ne sont pas renvoyés.

JUDAÏSME
Hanouka,
lumière d'espérance
Hanouka, la fête de
l'inauguration du Beth
Hamikdash (Temple) a
été instituée par nos
sages suite à un
événement historique
majeur : la victoire des troupes de Juda
Macchabée contre l'armée syro-grecque
de Antiochus Epiphane (vers -165), la
libération de Jérusalem et la purification
du Temple. L'enjeu était de taille : il
s'agissait d'affirmer les valeurs éthiques
du monothéisme contre le paganisme
autoritaire d'un des successeurs
d'Alexandre le Grand.
Le livre des Maccabim
(Macchabées), qui n'a pas été
canonisé par les sages de Yavné,
décrit la situation avant la
révolte judéenne. L'identité
juive se trouvait en danger,
non pas dans son corps,
mais dans son âme et
dans son esprit. Notre
peuple a connu tant
d'horreurs au cours du
vingtième siècle, entre la
Shoah et les guerres
d'Israël, qu'il peut
nous arriver
d'oublier l'autre
danger qui
guette notre
peuple :
l'assimilation.
Et pourtant,
à bien y
réfléchir, il
s'agit d'un
véritable
danger de
disparition.
Le grand-prêtre
Matatiahou (Mattathias),
père de Juda
Macchabée, avait
compris le danger que représentait le
projet assimilationniste d'Antiochus IV :
la fin du peuple juif en tant que tel.
Imaginons à quoi aurait abouti le discours
normatif d'Antiochius ? A la disparition
4 INFORMATION JUIVE Décembre 2007
pure et simple de l'identité juive, à
l'absorption " du plus petit peuple " dans
l'estomac géant et réducteur d'un monde
grec, terriblement séducteur par ailleurs.
Cette séduction avait d'ailleurs commencé
à montrer ses effets, puisque le livre des
Macchabées nous apprend que la lutte
pour délivrer le Temple de Jérusalem fut
menée également contre des juifs
hellénisés.
Transmettre pour survivre :
Pour un juif, l'assimilation commence
par le refus d'assumer
l'alliance du Sinaï, le
rejet du " joug de la
royauté du Ciel et
le joug des
mitsvoth
© Tracy Martinez / fotolia
(commandements)
", elle se poursuit
en se désolidarisant
de l'histoire juive.
Tant que le cœur
juif vibre pour
l'histoire
juive,
il existe l'espérance d'un avenir. Depuis
l'époque antique des prophètes jusqu'à
notre temps contemporain, la vigilance a
été et doit rester maintenue. La lutte
contre l'assimilation n'implique pas qu'en
PAR PHILIPPE HADDAD*
tant que communauté ou en tant que
peuple nous nous enfermions dans un
ghetto identitaire ; mais cela appelle une
attention et une vigilance quant à la
transmission aux jeunes générations, à la
formation des maîtres et à la mise en
place de structures religieuses répondant
au questionnement du temps présent.
Pour autant, nos sages n'ont pas
sacralisé la victoire militaire. Pour nos
maîtres, ce triomphe n'était que la partie
émergente d'un message plus profond et
essentiel pour le judaïsme : la victoire de
la lumière. Cette lumière nous l'allumons,
selon la halakha, à la tombée de la nuit,
c'est-à-dire lorsque l'obscurité recouvre
le monde. Non seulement cette petite
lumière repousse la noirceur de la nuit,
mais chaque flamme sera suivie par la
suivante qui augmentera la lumière. Au
huitième soir, huit bougies illumineront
nos foyers. N'est-ce pas les principes de
solidarité et d'espérance qui se trouvent
ici soulignés ?
Solidarité entre chaque juif porteur de
sa propre flamme, de sa propre ferveur et
sa propre lumière ? Espérance qui jaillit
dans la nuit sombre pour rappeler que
notre histoire continue,
malgré les épreuves et
les dénégations.
Hanouka nous
invite autant à
garder la flamme
allumée qu'à
transmettre le
flambeau à notre
jeunesse.
Telle est la nature de notre véritable
combat : une flamme, non pour brûler,
mais pour briller.
*Philippe Haddad est rabbin

JUDAÏSME
Le rappel d'une
existence menacée
Méfiance et respect :
c'est ce qui
pourrait qualifier
l'attitude du judaïsme
face à la
culture grecque.
Méfiance, car lorsque Ben Dama
demande à Rabbi Yichmaël, son oncle,
s'il peut étudier la sagesse grecque,
celui-ci lui répond que ce ne serait
possible qu'à un moment qui ne serait
ni jour ni nuit…Dans le traité Sota (49b),
on est plus explicite : l'interdit
d'enseigner à son fils la sagesse grecque
est catégorique. Mais respect également
: dans la Michna Méguila (1, 8),
Rabbi Chim'on fils de Gamliel n'autorise
l'écriture d'un séfer Tora en langue
étrangère que s'il s'agit du grec car
"l'esthétique de Yéphet est apte à résider
dans les tentes de Chem " (Meg. 9b).
Comment expliquer ce paradoxe ? Si
cette langue peut être intégrée dans le
rouleau sacré pour exprimer la parole
de Dieu, n'est-ce pas parce que sa
culture véhicule des concepts proches
de ceux de la tradition juive ? D'ailleurs,
avant même la promulgation des décrets
d'Antiochus IV menaçant la liberté
religieuse en Judée, bien des juifs
avaient librement choisi de
s'assimiler aux Grecs.
N'est-ce pas là le signe
d'une proximité de
culture ?
Il semble bien qu'il
existe un parallèle
entre la tentation
de l'hellénisme à
l'époque de
Hanouka (165
av. e.c.) et celle
de l'assimilation
à l'époque moderne.
La tentation
a été
grande, car ce sont
les Grecs qui ont le
mieux et le plus
clairement énoncé les
grands principes éthiques
que le judaïsme a défendus
depuis toujours. En s'assimilant,
ces juifs avaient l'impression de ne
rien renier et de ne renoncer à rien
d'essentiel de leur patrimoine. Tout
6 INFORMATION JUIVE Décembre 2007
juste passaient-ils du registre du
particularisme à celui de l'universel et,
dans ce sens, ils n'y voyaient que des
avantages. Comment expliquer à ces
juifs qu'ils font fausse route et que le
judaïsme n'est ni dépassé ni, désormais,
réalisable à travers l'humanisme
universel grec ?
Le particularisme du judaïsme ne doit
pas être compris comme un repli sur soi
ou un manque d'ouverture d'esprit.
L'esprit critique du Talmud et
l'acceptation de la contradiction en son
sein témoignent de sa maturité
intellectuelle et de sa capacité à s'ouvrir
au monde des idées. Que cache alors
ce particularisme et comment peut-il se
justifier aujourd'hui comme hier ? Il
nous semble que c'est là que résident
tout le génie du judaïsme et le miracle
de sa pérennité. L'excellence
intellectuelle de l'humanisme
universel a montré
ses limites autant chez les
Grecs que dans
l'histoire
contemporaine.
C o m m e n t
comprendre que
la Grèce qui a
révélé au monde
la démocratie,
l'éthique et la
philosophie ait pu, en
même temps, accepter
en son empire les
gynécées (l'équivalent
des harems),
PAR ELIE BOTBOL
l'esclavage et le droit de vie et de mort
des parents sur leurs enfants ? Le
particularisme juif s'oppose précisément
à cette dérive permanente de
l'universalisme. Par sa recommandation
d'une discipline de vie rigoureuse, il
veille à préserver du risque de voir
déborder le charnel des mœurs sur le
spirituel des vérités morales. Les valeurs
universelles voyagent facilement, mais
où gardent-elles leur véritable visage ?
Le véritable engagement, selon la tradition juive,
commence par celui qui porte sur sa propre
existence
Par leurs concepts, les Grecs ont certes
facilité la gestion mentale de la vie
intellectuelle mais, en même temps, ils
n'ont rien appris aux hommes sur la
gestion morale des dures réalités du
quotidien. Il existe nécessairement une
érosion des vérités lorsqu'elles ne sont
transmises qu'en état d'abstractions.
D'ailleurs, reste-t-il des juifs parmi les
descendants de ceux qui ont voulu
émanciper les juifs en les dépouillant
de leurs rites et de leur tradition ? Le
véritable engagement, selon la tradition
juive, commence avant tout par celui
qui porte sur sa propre existence.
Comment ? En faisant de sa vie une
expérience où la quête du sens se fait
au travers des actes ordinaires de la vie
quotidienne, et pas seulement au
contact des seuls concepts intellectuels
- parce que, précisément, la connaissance
de ces derniers sert à éclairer
chaque instant de la vie.
La célébration de la fête de Hanouka a
été instituée dans le calendrier
hébraïque pour nous rappeler que
l'existence juive est constamment
menacée, y compris par ceux qui
partagent avec elle des valeurs
communes. Si le récit de cette
histoire n'a pas intégré le canon
biblique, c'est parce que celle-ci
se déroule encore sous nos yeux. A
nous d'en mesurer le défi et d'être à
sa hauteur.
E.B

UN ENTRETIEN AVEC GIL TAIEB
Notre combat
contre l'exclusion
IJ : C'est une grande responsabilité qui
vient de vous être confiée.
Gil Taieb : Je n'ai pas hésité à l'accepter.
J'ai toujours considéré ce combat pour la
Tsédaka comme un combat pour rétablir
une justice. Au demeurant je n'oublie
jamais que Tsédaka et Tsédek (la justice)
ont une même racine. Je n'ai pas hésité
parce que je sais la solitude, le handicap,
la maladie et la pauvreté touchent également
notre communauté. Peut-on rester
au bord de la route et rester indifférent
au sort de ceux qui souffrent ?
IJ : La campagne de communication dure un
mois. N'est-ce pas un peu long ?
G.T. : Cela peut paraître long en effet
mais un tel délai est nécessaire si l'on veut
sensibiliser les donateurs, les informer et
obtenir des résultats. Il est évident que la
collecte reste, aujourd'hui comme hier,
notre objectif premier. Sans elle en effet
comment pourrions-nous mener à bien
les projets déjà engagés et en concevoir
de nouveaux ?
Je veux rappeler ici que cette
campagne s'inscrit dans un partenariat
entre le FSJU et les pouvoirs publics. Il
ne s'agit pas ici de communau-tarisme.
L'action que nous menons depuis des
années a une dimension universelle : elle
tend à combattre l'exclusion laquelle
touche l'ensemble de la société. Mais
nous souhaitons donner une réponse
spécifique à une attente elle-même
spécifique.
J'ai rendu visite à nombre d'associations.
J'en retiens notamment l'affection
et la tendresse offertes à de jeunes adultes
autistes. Et comment ne pas penser à ces
regards tristes, presque éteints de ceux
qui sont accablés par le sort ? L'un de nos
textes les plus sublimes, celui du prophète
Isaïe, nous dit que le véritable jeûne
consiste à vêtir ceux qui sont nus et à ne
pas être indifférents à la souffrance de
nos concitoyens.
APPEL NATIONAL DE LA TSÉDAKA
Notre ami Gil Taieb dont chacun connaît le militantisme au sein
de la communauté a été nommé président pour cette année
de la Campagne de l'Appel national de la Tsédaka.
Il explique ci-dessous l'importance qu'il confère à cette mission. Gil Taïeb
Après de telles visites, on sort
convaincu d'avoir fait le bon choix : ce
combat vaut assurément d'être mené.
C'est pour moi l'occasion de féliciter
celles et ceux qui sont au quotidien au
coeur de l'action. Ils déploient des efforts
exceptionnels et je leur en sais gré
personnellement.
C'est aussi l'occasion pour moi de
remercier Joël Mergui, le président du
Consistoire de Paris pour la solide
collaboration et le soutien de tous les
instants qu'il apporte
à cette campagne.
IJ : Ces visites, vous les
avez faites en compagnie
de Michel Jonasz, le parrain
de la campagne cette
année.
G.T. : C'est pour moi
l'occasion de le
remercier de nous
avoir offert sa
générosité et sa
sincérité, toutes choses
que l'on trouve dans
ses chansons et sa musique.
Ensemble, nous
avons pu visiter différentes
institutions sociales
de la communauté
: un centre de
jour pour les personnes
âgées et atteintes de la
maladie d'Al-zheimer,
un centre pour jeunes
han-dicapés et une
mai-son de retraite. Et savez-vous ce
qu'il a retenu de ces visites : "de la joie
" m'a-t-il dit. Il ajoute aussi : "Ce sont vos
mères, vos pères, vos frères et sœurs qui
vous appellent. Et ils vous appellent
parce qu'ils ont besoin de vous"
Cela a été pour nous l'occasion de
constater l'ampleur des besoins et
l'importance du travail qui nous attend.
Nous voulons ensemble donner un peu
d'espoir et de bonheur à ces hommes et
à ces femmes qui aujourd'hui comptent
sur nous.
Nous mènerons ce combat depuis le
15 novembre et jusqu'au 17 décembre,
date à laquelle nous organisons un
grand concert de la solidarité au Palais
des Congrès
J'ajoute que de tous les combats que
j'ai eu l'occasion de mener dans mes
Michel Jonasz, parrain de la Tsédaka 2007
© Javky Azoulai
différents engagements au sein des
institutions de la communauté juive,
celui-là me paraît le plus noble et le plus
indispensable.
Puisse chacun de vos lecteurs prendre
conscience - ainsi que l'ont dit nombre
de nos Sages - que les besoins matériels
de nos coreligionnaires sont pour nous
tous des besoins spirituels.
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 7

DOSSIER
JUIFS ET CHRÉTIENS
Les conditions
d'un véritable dialogue PAR PAUL THIBAUD ET JOSY EISENBERG
Après la mort du cardinal Lustiger, nous avions publié dans notre numéro d'octobre, un article de Josy Eisenberg
accompagné de la lettre que lui avait adressée à ce propos Jacques Duquesne, une lettre dans laquelle l'essayiste
s'élevait contre une certaine confusion entretenue à
propos du dialogue judéo-chrétien. M. Duquesne
écrivait entre autres : "Le christianisme n'accomplit
pas le judaïsme. Il est une révolution… Le Dieu de
Jésus n'est pas celui de Moïse". Nous avons reçu à ce
Les lettres de Josy Eisenberg et de Jacques
Duquesne dans Info J me paraissent apprécier le
cas singulier du cardinal Lustiger d'une manière
contestable. D'où les quelques remarques qui
suivent, d'abord sur la "double appartenance", puis
sur la question de la substitution :
1° Josy Eisenberg a bien sûr raison du point de vue de la
législation rabbinique et de la jurisprudence israélienne. Mais
cela suffit-il pour régler la question ?
2° L'opinion juive me paraît avoir considéré les choses
différemment, une bonne partie de celle-ci ayant, je crois,
adopté le "cardinal juif", sans trop s'embarrasser du règlement.
Ce fait est important, sauf si l'on n'y voit qu'un effet media, ce
qui serait injuste. L'opinion juive a de cette manière avalisé la
diminution de la méfiance entre chrétiens et juifs, dont Josy
Eisenberg s'est par ailleurs hautement réjoui. Sa réaction reflétait
également des changements qui relèvent, d'autres l'ont dit, de
la démocratisation des moeurs, du décloisonnement des
appartenances. On peut redouter la confusion qui menace, on
peut aussi se réjouir du progrès de l'acceptation mutuelle et de
la tolérance envers les choix des autres.
3° la double appartenance a été longtemps admise par les
8 INFORMATION JUIVE Décembre 2007
propos une lettre du philosophe Paul Thibaud, ancien
directeur de la revue Esprit. Nous la publions cidessous
en même temps que la réponse de Josy
Eisenberg.
En vérité, il s'agit bien plus que d'une simple réponse.
Le texte du rabbin Eisenberg constitue un véritable
Josy Eisenberg
document essentiel à la compréhension aujourd'hui
des relations judéo-chrétiennes.
Paul Thibaud
Un cardinal scandaleux ? PAR PAUL THIBAUD
Eglises chrétiennes, du moins certaines d'entre elles (cf le
Dialogue avec Tryphon de Justin vers 150). L'affirmation
d'incompatibilité est venue des synagogues. Si bien que
Lustiger/Eisenberg pourrait bien être la répétition de la "scène
primitive" judéo-chrétienne.
Sur la question de la substitution, je crois que Josy Eisenberg
confond accomplissement et substitution. JM Lustiger employait
très fréquemment le premier mot, jamais le second.
L'accomplissement a lieu au présent : j'accomplis mon devoir,
la volonté de Dieu... Dans l'ordre moral et surtout spirituel, on
n'en a jamais fini d'accomplir. Substitution évoque au contraire
une ligne temporelle où l'on remplace quelqu'un qui a terminé
son office. Pour ce qui est du judaïsme JML a toujours affirmé
que son rôle n'était pas fini. Certes, dit Josy Eisenberg , mais
il a incarné la substitution par sa conversion. Mais en affirmant
sa fidélité au judaïsme, le converti Lustiger non seulement
manifestait sa conviction que le judaïsme lui restait
irremplaçable, mais il démentait toute la théologie de la
substitution. Il y a donc une contradiction entre les deux
reproches faits par le rabbin au cardinal.
En ce qui concerne l'affirmation abrupte de Jacques Duquesne
sur la discontinuité totale entre judaïsme et christianisme, elle
me paraît négliger ce qu'il connaît très bien, à savoir
© Marc CHAUMEIL / fedephoto

l'acharnement des auteurs du Nouveau Testament à justifier
par l'Ancien leurs professions de foi et leurs christologies. Dire
qu'il a eu une révolution chrétienne ne suffit pas pour conclure
On peut redouter la confusion
qui menace, on peut aussi
se réjouir du progrès de l'acceptation
mutuelle et de la tolérance envers
les choix des autres.
à une discontinuité radicale. Il y a eu révolution "dans le
judaïsme", comme d'autres fois, à Yavné en particulier.
Considérer la révolution chrétienne comme une liquidation ou
une perversion du judaïsme est un choix, pas le seul possible.
Toutes choses égales d'ailleurs, cela rappelle les débats sur la
Révolution française. Certains ont cru qu'après ce n'était plus
Incompréhensions
Cher Paul Thibaud, Mes observations
concernant le cardinal Lustiger, ainsi que les
réflexions de Jacques Duquesne publiées
dans Information Juive, ont donné lieu à
quelques incompréhensions dont témoigne
votre lettre, et qu'il est de mon devoir de
dissiper. Je ne puis le faire sans évoquer longuement divers
aspects, rarement évoqués, des relations judéo-chrétiennes.
J'aimerais commencer par une profession de foi personnelle.
Les profondes réserves que j'ai exprimées sur le cas Lustiger ne
sont aucunement polémiques envers le christianisme, et pas
davantage à l'égard de l'amitié judéo-chrétienne à laquelle je
suis profondément attaché. Vous ne l'ignorez point puisque votre
institution m'a naguère honoré de son grand prix. Les milliers
de lettres amicales émanant de chrétiens que j'ai reçues tout au
long de ma carrière à la télévision pour me remercier de mon
ouverture d'esprit sont un éclatant témoignage de ma constante
fidélité au dialogue. De plus, notamment dans mon dernier livre
d'histoire, je tresse longuement des couronnes aux multiples
aspects du nouveau regard jeté par l'Eglise sur les juifs que je
présente comme l'une des révolutions les plus significatives de
l'histoire juive contemporaine.
Dans mon esprit, cela va sans dire. Cependant, quelques amis
chrétiens semblent redouter que mes prises de position
constituent un coup de canif dans le contrat de confiance si
manifestement établi entre juifs et chrétiens. D'où mes précisions.
Ce n'est pas le chrétien Lustiger que je conteste, mais son rapport
à la judéité. Ce rapport pose de très fondamentales questions
qui me contraignent à élargir le débat, non sans répondre
préalablement aux légitimes interrogations que vous m'adressez,
avec, au demeurant, une amicale courtoisie dont je vous
sais gré.
1) S'agissant des réactions juives. Elles relèvent
manifestement davantage du " politiquement correct " que du
débat d'idées. Elles émanent généralement de personnalités
juives agnostiques ou ignorantes, souvent les deux à la fois,
Cardinal Lustiger
© Melanie FREY / Fedephoto
DOSSIER
le même pays, d'autres si, qui
ont même fait de l'événement
une clé pour lire l'identité
nationale.
Ceci dit, je ne pense pas
que la position du cardinal
soit au- dessus de toute
critique possible. En ignorant
les ruptures, acrimonies et
exclusions de l'histoire, en se
plaçant au-dessus de celle-ci,
dans une position que l'on
pourrait dire mystique ou
eschatologique, il posait un
témoignage mais il s'épargnait
un travail d'examen critique
du christianisme historique
qui reste nécessaire. P.T
PAR JOSY EISENBERG
ainsi que de quelques rares rabbins, qui, eux, sont rarement
agnostiques, mais chez lesquels l'esprit de concorde l'emporte
inopinément sur l'esprit de vérité. A cela vient s'ajouter la
légitime reconnaissance de divers milieux juifs, en général
ardents défenseurs du devoir de mémoire, pour l'empathie que
le cardinal manifesta pour tout ce qui touche à la Shoah et sa
dénonciation sans équivoque de toute forme d'antisémitisme.
J'ajoute qu'il ne faut pas confondre le judaïsme et les juifs,
notamment les institutions qui sont censées les représenter. Pour
la plupart, elles ont une vocation politique - défendre les juifs
et Israël - ou communautaire. il s'agit alors d'œuvres caritatives,
également d'inspiration laïque, mais dont les objectifs de charité
et de solidarité expriment bien évidemment des valeurs
fondamentales de la Torah. Quoi qu'il en soit, il faut toujours
avoir à l'esprit qu'il existe, en dehors de la foi, une sociologie
juive et que ce qu'il est convenu d'appeler la judéité -
l'appartenance au peuple ou à la communauté - n'a quelquefois
que de très lointains rapports avec la théologie.
1) S'agissant de la double appartenance. Elle a d'une part
été rendue impossible par un double phénomène de rejet mutuel
au début de l'ère chrétienne et de l'autre par une rupture
hautement affirmée tant du côté juif que du côté chrétien. Je
vous renvoie à l'immense littérature historique parue sur ce
Ce n'est pas le chrétien Lustiger
que je conteste, mais son rapport
à la judéité.
sujet. Notamment deux sommes récentes tout à fait
remarquables : de Dan Joffé " Le judaïsme et l'avènement du
christianisme " (Cerf) et de Jean Hirsh " Regard talmudique sur
la condition chrétienne " (Connaissances et Savoirs). Enfin, les
plus éminents représentants de la foi juive, depuis le Talmud
jusqu'aux plus grands rabbins contemporains en passant par
les théologiens juifs du Moyen-âge ont affirmé avec force qu'on
ne pouvait être à la fois juif et chrétien.
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 9

DOSSIER
Entendons-nous bien sur ce dernier point. En fait, tout chrétien
est naturellement un peu juif. Ses sources sont juives ; sa liturgie
également, tout comme les concepts qu'il utilise : les dons,
l'appel, la foi et les autres vertus théologales. Aussi orientée que
soit la lecture chrétienne de ces concepts, ils manifestent une
incontestable et irréversible filiation juive. Aussi bien, si un
chrétien se convertit au judaïsme, ne fait-il somme toute que
revenir à la religion que Jésus n'a jamais cessé de pratiquer et
on voit difficilement qui pourrait lui en faire reproche. Observons
que le judaïsme ne fait pas - ou plus - de prosélytisme,
considérant qu'il n'y a rien de plus légitime pour un non-juif
que d'être chrétien. Rappelons au passage une des plus
étonnantes affirmations de l'Eglise : " Judaisare - pratiquer le
judaïsme - est un délit grave pour un chrétien mais non
punissable par l'Eglise quand il s'agit d'un juif ! " On revient de
loin. Bien entendu, pour sa part, la synagogue n'a jamais
considéré qu'il y aurait une quelconque " faute " pour un chrétien
d'être chrétien. En revanche, le devenir, pour un juif, a toujours
été considéré dans la foi juive comme une impardonnable
transgression.
Sait-on que, des siècles durant, lorsqu'un membre d'une
famille juive se convertissait, sa famille prenait le deuil comme
s'il avait disparu ? Cet usage peut paraître choquant, tout comme
le fait que le judaïsme accepte le principe d'une conversion dans
un sens et non dans l'autre. Cela mérite une explication qui
nous conduit tout naturellement au fond du problème : la
dissimilarité de la vocation juive et de la vocation chrétienne.
Etre juif procède d'un appel de Dieu : c'est l'élection et c'est
l'Alliance. Etre chrétien, à l'inverse, procède du choix de l'homme
: c'est une adhésion volontaire. Cette dissymétrie repose sur
une observation dont je m'étonne qu'elle n'ait jamais été mise
en avant. A savoir, que les juifs sont appelés par Dieu - les
fameux dons et l'appel dont parle Saint-Paul - alors que, dans
le Nouveau Testament, rien ne ressemble à un appel : Dieu y
est muet. C'est Paul qui appelle les Gentils à rejoindre le Christ.
On n'y trouve jamais les expressions courantes de la Bible juive
telles " l'Eternel parla à Moïse " ou " Ainsi parla l'Eternel ".
Autrement dit, ce que l'on appelle l'Ancien et le Nouveau
Testament ne sont pas homologues. Le premier est révélation
et contrainte, le second est interprétation et choix personnel.
Paul Ricoeur avait jadis perçu cela et l'avait exprimé par une
formule saisissante. Il n'y a pas deux Bibles, deux Torahs, deux
Obsèques du Cardinal Jean-Marie Lustiger à la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Un kaddish, prière juive d'accompagnement des morts, est prononcé sur le parvis de la cathédrale
10 INFORMATION JUIVE Décembre 2007
révélations. Il n'y en a qu'une : la Bible juive, sur laquelle se
sont greffées deux interprétations juives : le Talmud d'une part,
donnant naissance au judaïsme, et de l'autre les Evangiles et
les Epîtres. Il disait : la véritable opposition n'est pas entre
l'Ancien et le Nouveau Testament, mais entre Paul et Hillel. De
ce fait, l'expression même de Nouveau Testament - Nouvelle
Alliance - me parait inappropriée : la seule Alliance
expressément proclamée est celle du Sinaï : la Torah. Ce n'est
pas Dieu qui proclame une nouvelle alliance, c'est Paul - nous
Il faut toujours avoir à l'esprit
qu'il existe, en dehors de la foi,
une sociologie juive et que ce qu'il
est convenu d'appeler la judéité -
l'appartenance au peuple ou
à la communauté - n'a quelquefois
que de très lointains rapports
avec la théologie.
y reviendrons - qui fait de Jésus la nouvelle Alliance. Paul
Ricoeur avait bien compris la nature du contentieux théologique
: dans le judaïsme, la médiation se fait par la Torah, la Loi ; dans
le christianisme, par Jésus. En fait, il y a là davantage
complémentarité que conflit. Karl Barth a fort justement écrit :
" Les Juifs, qui ont connu directement le Père, n'ont pas besoin
du Fils pour connaître le Père : les chrétiens, eux, en ont besoin."
Comme disait Rosenzweig, il y a deux voies du salut. Sauf
que les juifs ont reçu une " lettre de mission " particulière. Ils
sont appelés par Dieu dans la Bible : "peuple de prêtres " : " Vous
serez pour Moi un peuple de prêtres et une Nation sainte "
(Exode 19, 5) : c'est le " sacerdos in aeternitatem". La seule liberté
dont jouit un juif, c'est son libre-arbitre. Il peut résister à cet
appel, le nier, refuser d'y croire et d'en tirer les conséquences :
l'observance des 613 commandements de la Torah. Mais s'il le
fait, et davantage encore s'il se convertit, c'est purement et
simplement un reniement et un abandon de poste.
Il y a un mystère de la
naissance. Pourquoi suis-je juif et
pourquoi vous, Paul Thibaud, ne
l'êtes pas ! C'est l'étrange choix
divin, mais qui suis-je pour le
contester ou, pire, le récuser ?
C'est une idée qui ne viendrait
pas à un juif qui connaît la Torah
et y voit tout autre chose qu'une
contrainte : un privilège et une
joie. De ce point de vue, il faut
accorder au cardinal les
circonstances atténuantes : ses
parents ne lui avaient pas transmis
le patrimoine ancestral.
En d'autres termes, renoncer à
l'étude et à la pratique de la Torah
c'est, pour un juif, s'opposer au
désir de Dieu. C'est pourquoi toute
conversion d'un juif est scandale

pour le judaïsme : elle bafoue
l'obligation première de celui qui
est né dans le judaïsme de par le
choix de Dieu : Le connaître par le
biais de la Loi. C'est rompre
unilatéralement l'Alliance entre
Dieu et Israël, répétée des dizaines
de fois dans la Bible. Qu'il soit un
simple converti ou un cardinal ne
change rien à l'affaire : il
transgresse la loi de son identité et
n'observe pas les commandements
les plus fondamentaux de sa foi
d'origine : le chabbat, certains des
dix commandements, sans parler
du reste. De plus, s'il devient
prêtre, il renonce au tout premier
commandement de la Bible :
transmettre la vie. Il quitte aussi le
navire. Or, après la Shoah, et
l'extermination des deux
cinquièmes du peuple juif, nous
comptons les survivants. Chaque
juif est devenu plus précieux encore, et chaque conversion
affaiblit notre communauté.
Enfin et surtout, le substrat de toute conversion, c'est le choix
d'une vie spirituelle plus satisfaisante que celle que l'on quitte.
Il est donc évident que, même si l'on atténue aujourd'hui la
théologie de la substitution, elle démontre spectaculairement
les insuffisances de la religion d'origine. Or, le postulat du
judaïsme, en raison de l'origine divine de la Loi, c'est qu'elle est
parfaite -accomplie - et, pour un juif, se suffit à elle-même.
Psaumes XIX, VIII : " La Torah de l'Eternel est parfaite… "
En revanche, pour un païen qui n'a pas reçu la Loi, adhérer
au monothéisme par la foi et le Christ constitue une incontestable
promotion et une véritable révolution spirituelle aux multiples
facettes. Les plus grands penseurs juifs ont certes contesté
quelques dogmes de l'Eglise : l'incarnation, la messianité de
Jésus ; mais ils ont rendu hommage à l'évangélisation du monde,
qui ouvrit à des myriades de personnes la voie de ce
monothéisme que le judaïsme n'était point en état de prêcher.
Bien entendu, cette " promotion " ne saurait concerner les
juifs. Elle est le cadeau, à travers Paul, que le judaïsme a légué
à l'humanité. L'apôtre des Gentils l'a clairement dit en s'adressant
aux non-juifs : " Etrangers à toute Alliance, sans espérance et
sans Dieu dans le monde, vous avez été rapprochés par le sang
de Jésus-Christ, vous êtes rentrés dans l'Alliance. " Ephésiens
2 11-12
Pas de christianisme sans Christ, pas de judaïsme sans Torah.
Mais, me direz-vous, que faites-vous des juifs athées ou non
pratiquants ? Sont-ils plus juifs que cet homme de foi qu'était
le cardinal ? N'est-ce point absurde et paradoxal ? Non, parce
que, pour la pensée rabbinique, tout homme - et donc, tout juif
- a la potentialité de retrouver Dieu. C'est la Techouva : l'éternel
retour du retour à l'Eternel. C'est pourquoi l'abandon de la
pratique religieuse ne délégitimera jamais un juif. Dieu attend
patiemment le retour de l'enfant prodigue : en tout cas, tant qu'il
n'a pas officiellement déserté.
2) S'agissant de la discontinuité entre le judaïsme et le
christianisme. Vous n'êtes pas d'accord avec Jacques Duquesne.
Je lui donne cependant raison : la filiation n'exclut ni la
Le pape Jean-Paul II à la synagogue de Rome
DOSSIER
discontinuité ni la rupture. La " mort du père " existe également
au sein des familles religieuses. Aussi étonnant que cela puisse
paraître, alors que jamais dans l'histoire n'a régné une telle et
fraternelle concorde entre juifs et chrétiens, un véritable abîme
sépare la foi juive - sa vision du monde - de la foi chrétienne. A
part quelques concepts fondamentaux - l'existence d'un Dieu-
Un ( et encore, avec la Trinité,…) Créateur et Juge des hommes
- et la conscience d'une préhistoire commune, il n'y a
véritablement pas une seule des croyances de nos deux religions
qui ne soit l'objet de divergences profondes, voire de
contradictions radicales. Rapidement : l'élection, la loi, la liberté
et la grâce, le salut par la Torah ou le salut en Jésus, les places
respectives de la justice et de la charité, la nature des Béatitudes,
le pluralisme religieux et, last but not least, la conception du
royaume de Dieu. Pour les Evangiles Il n'est pas de ce monde,
alors que la substantifique moëlle du judaïsme, c'est que l'homme
n'a été créé qu'en vue d'instaurer ce royaume sur terre.
Ce tour d'horizon, qui n'est pas bref mais pourrait être plus
long, n'est en rien un constat pessimiste et encore moins un
jugement de valeur. Souligner les différences et savoir écouter
la différence est, au contraire, la première condition d'un
véritable dialogue. Il naît précisément de la rencontre des
différences. Qu'on me pardonne cette comparaison : qu'y a-t-il
de plus différent qu'un homme et une femme ? Pourtant, c'est
de leur rencontre que naissent l'amour et la vie. Ce face à face
dans le respect et l'amour de l'autre, ce dialogue judéo-chrétien,
l'histoire les a rendus encore plus impérieux, non seulement en
réparation des fautes passées, mais parce que dans un monde
sans Dieu, le judaïsme et le christianisme, ainsi d'ailleurs qu'un
Islam revisité, sont des alliés naturels. Leurs divergences, qui
tendent au demeurant à s'atténuer, sont aujourd'hui moins une
source de conflits qui n'ont plus de raison d'être qu'une possibilité
d'échanges, de clarifications mutuelles, et de renforcement
fraternel des convictions respectives. A condition que chacun
sache qui il est. Comme disait Socrate : " Connais-toi toi-même".
Bernard Shaw a dit un jour une phrase très méchante : " Le
christianisme ? Quelle belle religion ! Dommage que personne
n'ait jamais essayé ! " C'est évidemment excessif. Et - ce serait
aussi un peu excessif - on pourrait quelquefois en dire autant
du judaïsme… Tirons une leçon de cette boutade : frères juifs,
essayez d'être juifs ; frères chrétiens, soyez chrétiens. Dieu
reconnaîtra les siens, c'est-à-dire, vous et nous. J.E
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 11

CULTURE
UN ENTRETIEN AVEC PHILIPPE SOLLERS
“Dieu,
la Bible et moi !”
Dans le nouveau livre qu'il publie aux éditions Plon
(21 euros) " Un vrai roman. Mémoires ", Philippe Sollers
raconte " son existence réelle ". Il y est souvent question,
entre autres, de la Bible, de l'hébreu, du Talmud,
de ses rapports avec les spiritualités, des lieux
où souffle l'esprit etc…
Nous avons rencontré l'écrivain.
IJ : D'où vient le fait que vous connaissiez
la Bible à la perfection ? Vous dites même
que vous la lisez " à la loupe ". De plus, vous
aimez les références bibliques. Est-ce parce
que vous avez rêvé de devenir prêtre ?
Philippe Sollers : Cela vient d'une
grande curiosité suscitée par une grande
Bible de 18ème siècle qui contient
d'admirables illustrations. Je tirais ce livre
de la bibliothèque parce que je me
rendais compte que les adultes ne s'en
servaient pas. Ma première impression
était donc visuelle Il y a eu ensuite
évidemment l'émotion religieuse. Je
trouvais le rituel catholique extrême-ment
touchant et poétique. Ma famille était
radicalement anglophile et je cherchais
depuis à la bougie un Français dont les
parents étaient tournés d'abord vers
Londres. Ce qui fait que l'arrestation des
juifs et l'apparition de l'étoile jaune
constituaient pour l'enfant que j'étais un
scandale. J'ai ensuite lu la Bible dans
différentes versions. J'en ai fait une lecture
12 INFORMATION JUIVE Décembre 2007
Bible en Hebreu
© DR
intensive très tôt. Ce que je veux dire par
"intensive" ? Eh bien, cela signifie que je
peux dire ce qui se passe dans la Torah.
Là encore, j'ai été très étonné d'observer
qu'aucun intellectuel français n'avait eu
la curiosité d'entrer dans ce monde. J'ai
raconté tout cela avec de nombreuses
références dans mon livre Paradis.
IJ : Comment réagissez-vous quand vous
lisez chez Voltaire que l'Ecclésiaste est un
livre impie et que le Cantique des Cantiques
est une rhapsodie inepte ?
P.S. : Cela m'amuse. Les occurrences
de la Bible chez Voltaire sont considérables.
Voltaire n'était certainement pas
doué pour la poésie mais il avait une
oreille exceptionnelle quand il s'agissait
de décaper les dévotions et les bêtises.
IJ : Quel est votre héros préféré dans le Premier
Testament ?
P.S. : C'est le roi David. C'est d'ailleurs
le prénom que j'ai donné à mon fils.
Philippe Sollers
Exemple de la bêtise française : certains
m'ont demandé pourquoi ne pas avoir
appelé mon fils Christophe ?
L'extraordinaire poésie des Psaumes me
bouleverse toujours.
IJ : Vous écrivez également que vous auriez
"aimé aller à fond dans l'hébreu". Vous vous
étonnez même qu'il y ait ce que vous appelez
"une effarante ignorance de l'hébreu" Je suppose
que vous ne plaisantez pas !
P.S. : Pas du tout ! L'hébreu a tenu le
coup à travers le temps de façon
miraculeuse et cela m'a intrigué très tôt.
J'ai commencé à étudier un peu l'hébreu
comme j'ai tenté d'étudier le chinois.
J'ajoute que la Bible sans l'hébreu me
paraît comme quelque chose de
discutable.
Vous connaissez sans doute la blague
fameuse de la dame qui voit un homme
assis à un banc en train de lire un livre.
- "Que lisez-vous ? " lui demande-t-elle.
Il répond : "Je lis la Bible".
- "En quelle langue la lisez-vous"
demande-t-elle encore.
- "En hébreu".
- "Vous voulez dire qu'elle a déjà été
traduite en hébreu ?"
Je réfléchis souvent à ce que signifie
le Nom de Dieu surgissant du Buisson
ardent : Ehyé acher Ehyé. Pour moi, c'est
le vrai Nom de Dieu : Je suis.
IJ : Vous dites que vous parlez au Révérend
Quignard, entre autres, en hébreu. Vraiment ?
P.S. : Il s'agit là d'une plaisanterie. En
vérité, je ne parle pas l'hébreu mais je
tiens à ce Ehyé acher Ehyé !
IJ : Plus loin, on trouve dans votre livre cette
annotation : " Le Talmud, si je m'y mets, va me
prendre un certain temps ". Quand on sait les

attaques qu'il a subies de la part des Pères de
l'Eglise et même de Voltaire et Diderot. Qu'estce
qui vous attire dans le Talmud ?
P.S. : Je suppose que vous ne contestez
pas le fait que si je me mettais au Talmud,
cela me prendrait des dizaines et des
dizaines d'années. Je redis que je ne suis
pas quelqu'un qui ignore la Bible. Ce n'est
pas là une chose courante pour un
écrivain français. Les gens du XIII ème
siècle ne savaient pas de quoi ils
parlaient. L'Encyclopédie serait à refaire
intégralement puisque nous sommes à
une époque d'ignorance et de décadence
totale. Un éditeur allemand m'a d'ailleurs
proposé récemment de refaire l'article
Chine qui figure dans l'Encyclopédie. Cet
article ferait aujourd'hui cinquante pages.
Je veux dire que pour quelqu'un qui,
comme moi, est né en 1936 - et après
tout ce qui s'est passé depuis - il est
absolument impossible de faire comme
si la Bible n'avait pas existé.
IJ : Vous trouvez " lumineuse " l'histoire de
l'Eglise. Elle ne l'a pas toujours été. Au demeurant,
vous considérez la religion catholique
" comme la plus diabolique de toutes ".
P.S. : C'est une formule que
j'emprunte à Baudelaire qui disait que
nul n'est plus catholique que le diable.
Il s'agit du regard du catholicisme sur
le mal radical, sur Satan (qui dans les
Evangiles apparaît comme un
personnage impor-tant). Selon moi, le
catholicisme a des choses à nous dire
sur la perversion et sur le mal
fondamental. L'histoire de l'Eglise est
quand même lumineuse. Je n'en veux
pour preuve que le grand tournant -
auquel j'ai été immédiatement sensible
- et qui a été entrepris par ce pape
polonais, Jean-Paul II qui est pour moi
une très grande figure.
Une page du Talmud
IJ : Julia Kristeva, votre épouse, est désormais
traduite en hébreu. Elle est, dites-vous,
athée alors que vous-même vous ne vous
considérez pas comme croyant mais " à
l'écoute ". Qu'est-ce que cela signifie ?
P.S. : Les juifs savent ce que veut dire
le mot "écoute". Ne disent-ils pas "Chema
Israël" ? Dieu parle. J'écoute et j'essaie de
comprendre et d'interpréter ce que cela
dit. Je suis très sensible au langage et,
O D A S E J
CULTURE
pour moi, Dieu sans le langage c'est une
faribole totale.
IJ : Parmi les lieux où souffle l'esprit
vous citez Jéricho mais guère Jérusalem. Pourquoi
?
P.S. : Le silence de Jéricho - une des
plus vieilles villes du monde sinon la plus
vieille - m'impressionne de manière
considérable.
IJ : Vous évoquez " la tragique histoire de
l'Europe, un océan de crimes ". Vous ajoutez
que toute l'Europe a été antisémite. Mais vous
vous sentez Européen.
P.S. : J'observe qu'aucun intellectuel
français ne s'intéresse aujourd'hui à
l'Europe. Les intellectuels français ne
s'intéressent qu'au Proche Orient et aux
Etats-Unis et à ce qui se passe dans cette
région géographique. Moi, je me sens
profondément européen d'origine
française. Je crois, pour tout vous dire,
extraordinairement dommageable ce rejet
et cette exclusion de la culture européenne.
Contrairement à ce que pensent
certains, l'Europe n'a pas échoué. Elle a
été dévastée par le totalitarisme - dans
l'ordre- de Staline et de Hitler. Je ne vois
pas pourquoi je me plierais aujourd'hui à
l'ignorance américaine et à sa dévastation
de la planète.
L’ŒUVRE D’ASSISTANCE SOCIALE A L’ENFANCE JUIVE
est une association reconnue d’utilité publique par décret du 28 mai 1919
Parce qu’un enfant heureux
devient un adulte qui a de meilleures chances
de construire son avenir et celui
de la communauté
L’ODASEJ a pour mission
d’aider les enfants et les adolescents défavorisés ou
en difficulté sur le territoire national
Leur avenir
est entre vos mains
Transmettez votre nom à un programme
de solidarité…
Perpétuez la mémoire de vos parents…
… Faites un legs ou une donation à l’ODASEJ
Que vous ayez des héritiers ou non, vous pouvez faire
un legs ou une donation en faveur de l’ODASEJ
en exonération des droits de succession ou de mutation
Pour un rendez-vous confidentiel
Appelez Tony SULTAN
Tél. : 01 42 17 07 57 • Fax : 01 42 17 07 67
ODASEJ ESPACE RACHI, 39, RUE BROCA, 75005 PARIS
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 13

ISRAËL
La question de
la double reconnaissance
PAR DENIS CHARBIT
Au cours de la conférence de presse organisée en
l'honneur du ministre français des affaires
étrangères, Bernard Kouchner, son homologue
israélien, Mme Tsipi Livni, a réitéré la ligne du
gouvernement israélien favorable à la création d'un
Etat palestinien. Le propos n'est pas neuf: mis à
part Benjamin Netanyahou et les partis situés à la droite du
Likoud, la majorité de la classe politique s'est rangée à cette
idée inéluctable. Cette conversion au principe de "deux Etats
pour deux peuples" est l'aboutissement d'un long processus de
maturation politique au terme duquel les Israéliens ont fini par
consentir, avec la bénédiction de Georges W. Bush qui l'a repris
lui aussi à son compte, à ce qui était, il convient de le rappeler,
le slogan officiel du parti communiste israélien depuis 1976.
C'est dire le chemin parcouru. Certes, on n'est pas parvenu à
cette conclusion par souci égalitaire d'accorder aux Palestiniens
le droit à l'autodétermination que le peuple juif a revendiqué
et réalisé pour sa part depuis 1948. Pragmatisme et réalisme
ont dicté ce changement: l'occupation coûte cher en termes de
vies humaines, elle a un prix économique et social dont les
Israéliens pâtissent, enfin elle affecte lourdement le prestige
moral d'Israël dans le monde, son "image" comme on dit
aujourd'hui. Les Israéliens souhaitent foncièrement la paix, et
ils se résignent bon gré, mal gré, au retrait global sinon total
des territoires occupés, requis par la communauté inter-nationale
et le monde arabe pour mettre fin au conflit une bonne fois pour
toutes. Perspicacité politique de notre part? Sans doute, si ce
n'est que cinq ans, dix ans, n'ont pas suffi pour en arriver là: il
Tsipi Livni, ministre des Affaires étrangères
14 INFORMATION JUIVE Décembre 2007
aura fallu attendre pas moins de vingt ans depuis la première
Intifada, et quarante ans - plus d'une génération - depuis la
guerre des Six jours. On ne peut vraiment pas dire que
l'adhésion israélienne à la solution la plus réaliste politiquement
et la plus juste moralement ait été précipitée et instantanée.
Ayant souvent la mémoire courte et l'intelligence politique
rétrospective, la plupart des Israéliens qui soutiennent
aujourd'hui la création d'un Etat palestinien sont persuadés d'y
avoir toujours été favorables alors qu'il y a vingt encore, lors du
premier soulèvement palestinien déclenché en décembre 1987,
cette revendication n'était seulement partagée que par 10 % des
Israéliens d'origine juive. Mieux encore, elle apparaissait alors
aux yeux de la majorité non comme une option possible mais
déclinée pour diverses raisons, mais bien comme une "solution
finale", illégitime, révolutionnaire, la catastrophe qui précipitera
la fin d'Israël. Ce refus israélien n'était pas sans motif: le
mouvement national palestinien visant ouvertement la
destruction de l'Etat d'Israël, les Juifs d'Israël estimaient juste
et justifié d'adopter une condamnation symétrique, sans toujours
percevoir la différence qu'il y a entre l'aspiration à détruire un
Etat qui existe bel et bien et la volonté d'empêcher la création
d'un Etat qui n'existe toujours pas.
Si la négation palestinienne d'Israël a pu être une aubaine et
un alibi pour poursuivre les objectifs d'expansion territoriale,
l'opposition à une Palestine indépendante était, pour nombre
d'Israéliens, un refus conditionnel et, de fait, conditionné par
la reconnaissance préalable d'Israël par les Palestiniens et son
représentant politique, l'O.L.P.
L'écart et la marge
La gauche israélienne pourrait se réjouir de voir accomplie
par d'autres l'œuvre qu'elle aurait dû réaliser elle-même si elle
avait eu plus de courage politique. Si elle ne pavoise pas, c'est
que ce consentement à un Etat palestinien n'est pas irréversible.
C'est qu'entre les déclarations et le passage à l'acte, entre les
intentions et la réalité, l'écart est encore substantiel, la marge
encore trop grande. Un paradoxe mérite d'être souligné: au fur
et à mesure qu'on a reconnu la légitimité d'un Etat palestinien,
on a parallèlement exclu la possibilité d'y parvenir à brève
échéance. Un pas en avant, deux pas en arrière, en quelque
sorte. C'est l'affaire de dix, quinze ou vingt ans, entend-on
souvent. La paix n'est pas pour notre génération, ce sera le lot
de nos enfants, voire de nos petits-enfants. La paix, demain
peut-être, après-demain sans doute, mais certes pas la paix
maintenant. On comprend dès lors pourquoi les partisans du
"Grand Israël" ne désarment pas puisque la paix pourrait aussi
bien être remise aux calendres grecques ou à l'ère messianique.
Tsipi Livni ne s'est pas contenté de réitérer ce leitmotiv.
Précisant ses convictions profondes, elle a ajouté que le futur
Etat palestinien constituera une "solution nationale" pour tous
les Palestiniens - ceux qui résident en Cisjordanie et à Gaza, et
les réfugiés qui croupissent encore dans les camps au Liban et
en Jordanie et réintègreraient ainsi la patrie palestinienne (mais
non les villes et villages qu'ont dû abandonner leurs parents en
1948). Enfin, créant la surprise sinon le scandale, elle a ajouté
que l'Etat palestinien sera également une solution nationale
pour les Arabes israéliens. L'indignation et la protestation des
députés arabes à la Knesset furent des plus vives, d'autant que
Tsipi Livni n'a pas cru bon de dissiper les malentendus suscités
par ses propos. Pour le député Mohamed Baraké, elle a révélé

ainsi le vieux fonds "raciste" et "fasciste" (sic!) de la droite
révisionniste dont elle est issue. Son collègue Ahmed Tibi a lu
dans cette déclaration intempestive l'expression de l'inconscient
sioniste. Elle aurait exprimé tout haut ce que les Juifs souhaitent
tout bas: en leur for intérieur, ils rêvent, prient et veulent que
les Arabes s'en aillent. Selon Tibi, même pour un sioniste modéré
comme elle l'est assurément, un Arabe est toujours un Arabe de
trop; un Arabe qui ferait mieux de devenir un sujet de l'Etat
palestinien plutôt que de rester un citoyen israélien puisqu'il
n'est pas juif. Bref, Livni aurait donné sa bénédiction au
"transfert", qui désigne en hébreu, par euphémisme, l'expulsion
des Arabes hors d'Israël. Puisqu'il n'est plus possible comme en
1948 de les jeter dehors manu militari, elle aurait montré grande
ouverte la porte de l'exclusion symbolique. Baraké a enfin
rappelé que c'est l'Etat d'Israël qui est venu et s'est imposé aux
Arabes de Palestine contre leur gré, reproduisant ainsi le narratif
palestinien dominant d'après lequel il y a, d'un côté, des
autochtones et, de l'autre, des immigrants.
Que penser de cette polémique? On peut bien sûr la
disqualifier et la réduire à une joute parlementaire traditionnelle
faisant feu de tout bois et incendie d'une brindille. Il serait plus
juste cependant de reconnaître l'hyper-sensibilité à fleur de peau
des Arabes israéliens toutes les fois que des Juifs en Israël se
piquent de leur faire des recommandations sur ce qu'ils devraient
ou ne devraient pas faire. Il y a dans cette tendance à repérer
l'expulsion partout de l'excès bien sûr, de la paranoïa sans doute.
Et cependant, il convient de ne pas être sourd et aveugle à leur
hantise. Les Palestiniens d'Israël ne peuvent pas effacer de leur
mémoire ce que fut le destin de sept cent mille de leurs pères,
quand bien même Israël ne saurait être tenue pour le
responsable exclusif de leur malheur, pas plus que nous ne
saurions oublier le destin de six millions de nos pères en exil,
ISRAËL
quand bien même il n'y a pas d'identité entre Shoah et Nakba.
Les Arabes israéliens ont toujours le sentiment que leur présence
au sein de l'Etat d'Israël est toujours conditionnelle, en sursis,
que leurs droits sont toujours partiels et susceptibles d'être remis
en cause, bref qu'ils sont indésirables. La réaction des pouvoirs
publics devraient être de les rassurer eu égard à cette angoisse
qui n'est pas feinte, même si, bien souvent, l'attitude des hommes
politiques arabes consiste à expérimenter les limites de notre
tolérance, à exaspérer par d'inutiles provocations une opinion
juive majoritaire en apparence, mais suffisamment fragile, de
Pour faciliter le consentement
palestinien à la revendication
israélienne, une épithète de plus
me paraît indispensable: que l'Etat
d'Israël soit explicitement reconnu
comme "juif et démocratique".
par son histoire, pour se sentir à son tour, menacée, contestée,
elle aussi, tenue pour indésirable. Le noeud est tragique, et nul
n'est innocent. Lorsque Baraké a recours à cette opposition
binaire immigrants/autochtones pour décrire la situation, le déni
de réalité n'est pas loin: jusqu'à quelle date les Juifs en Israël
seront-ils des immigrants ? Quand les percevra-t-il comme des
autochtones au même titre que lui? "Immigrants" est un
euphémisme pour désigner les Juifs comme des "envahisseurs"
et des "étrangers".
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 15

ISRAËL
Il eut été plus prudent pour Tsipi Livni de ne pas associer le
sort des Arabes israéliens au destin de l'Etat palestinien.
Cependant, cette réserve mise à part, il faut bien convenir que
ses propos sont frappés du sceau de l'évidence. Tout d'abord,
en tenant l'Etat palestinien pour la solution nationale offerte à
tout Palestinien quel qu'il soit, où qu'il soit, - et ce point n'a été
souligné par personne au cours de la polémique - Tsipi Livni a
admis l'unité du peuple palestinien à travers le monde, quels
que soient les avatars politiques et les cadres étatiques qui sont
les siens actuellement. Elle a, en quelque sorte, appliqué au
peuple palestinien la même grille d'analyse qui vaut pour le
peuple juif: dispersé de facto, mais disposant d'un centre
politique et national qui est le coeur de la nation.
Si la Palestine indépendante est la solution nationale pour
les Palestiniens, elle entendait signifier par là qu'Israël ne l'est
pas et ne le sera jamais. Les Palestiniens doivent l'admettre
quand bien même il n'échappe à personne que Nazareth, Jaffa,
Ramlé, Beer-Sheva sur lesquelles Israël est souveraine font
partie dans la conscience d'un Palestinien d'Israël de la patrie
palestinienne - historiquement, culturellement, affectivement
- mais non politiquement; de même que Naplouse, Hébron et
Jéricho font partie d'Eretz Israël dans la conscience juive,
historique, culturelle, affective, à l'exclusion du politique.
Deux options
Un Arabe israélien qui choisira de rester en Israël le fera
d'abord et avant tout parce que la ville ou le village où il réside
fait partie de sa Palestine historique. Or, cet attachement à la
terre natale ne va pas sans sacrifice, a tenu à rappeler Livni:
celui de la convergence entre la terre, la nation, la patrie et
l'Etat. Si en tant qu'Etat juif et démocratique, Israël doit accorder
droits politiques, civiques, civils et sociaux aux Arabes israéliens,
à leur langue, leur religion et à leur culture, Israël ne répond
pas et ne répondra pas à leurs aspirations nationales, lesquelles
se traduisent par une hégémonie symbolique et effective. Qui
parmi les Arabes Israéliens souhaite une telle adéquation
rejoindra la Palestine arabe, ce qui implique en contrepartie le
sacrifice de sa résidence en sa ville ou son village natals. Tsipi
Livni aurait été bien inspirée de souligner que si les deux options
existent, les Arabes Israéliens déclarent rester des citoyens
israéliens, trouvant dans la création d'un Etat palestinien à côté
d'Israël la satisfaction de leur revendication historique.
Satisfaction maximale? Non, soyons lucides, c'est là pour eux
une solution optimale, le bien qui est l'ennemi du mieux.
Cette polémique doit être
mise en rapport avec le
débat non moins vif autour
de l'exigence adressée aux
Palestiniens de reconnaître
non seulement le fait
politique israélien mais le
droit des Juifs à une patrie
que reflète le caractère juif
de l'Etat d'Israël. Comment
interpréter cette exigence?
Elle est assurément la leçon
de la seconde Intifada qui
a ébranlé chez les
Israéliens le sentiment que
les Palestiniens avaient
consenti, bon gré mal gré,
au partage. D'une manière
générale, le débat sur cette
question n'a pas tourné sur
le fond mais sur
l'opportunité: on est
globalement d'accord pour
que cette reconnaissance
soit explicitement inscrite
dans un traité de paix, mais
alors que certains en font
16 INFORMATION JUIVE Décembre 2007
La Conférence d’Annapolis
un préalable (pour empêcher le démarrage de la négociation),
les autres, plus pragmatiques acceptent que la discussion soit
repoussée à plus tard pourvu que la mention apparaisse au final.
Le refus palestinien est à la fois compréhensible et
simultanément étrange: compréhensible dans la mesure où ni
l'Egypte ni la Jordanie n'ont eu à signer une clause de ce type;
compréhensible dans la mesure où en acquiesçant à une telle
définition, l'Etat palestinien coupe l'herbe sous les pieds des
Arabes israéliens qui oeuvrent avec les moyens du politique
pour aménager une définition moins exclusive de l'Etat d'Israël.
Cependant, le refus palestinien est tout aussi étrange: l'O.L.P.
prétend avoir reconnu depuis 1988 la résolution 181 de l'O.N.U.,
le fameux plan de partage du 29 novembre 1947 rejeté à l'époque
par la direction politique palestinienne. Or, cette résolution
stipule bien, et en toutes lettres, la création d'un Etat juif (a
jewish state) et d'un Etat arabe. Autrement dit, cette précision
qu'ils entendent refuser aujourd'hui, ils l'ont déjà acceptée.
Cette exigence israélienne est légitime. A quoi répond-elle?
A la crainte que l'ambiguïté sur cette question de la
reconnaissance d'un Etat juif ne pave la voie à un irrédentisme
interne (celui des Arabes israéliens) et externe (celui de la
Palestine). Si on ne peut sonder les intentions secrètes présentes
et futures des gens, on peut au moins, faire en sorte que si cet
irrédentisme se concrétise, comme beaucoup de Juifs le
redoutent, il apparaisse au moins comme une violation explicite
de la lettre et de l'esprit du traité de paix, ce qui placera ainsi
Israël en état de légitime défense. Mais cette ambiguïté peut
être également imputée à Israël vis-vis de la Judée-Samarie
qu'elle aura cédée à l'Etat palestinien. Aussi le traité de paix
devrait inclure cette double reconnaissance: la Palestine comme
territoire exclusif de l'Etat-nation du peuple arabe palestinien
et Israël comme territoire exclusif de l'Etat-nation du peuple
juif.
Pour faciliter le consentement palestinien à la revendication
israélienne, une épithète de plus me paraît indispensable: que
l'Etat d'Israël soit explicitement reconnu comme "juif et
démocratique". Ainsi les dispositions constitutionnelles envers
les Arabes d'Israël ne seraient pas conditionnelles ou facultatives,
mais pleinement assumées et obligatoires.
Le plan de partage dont on célèbre aujourd'hui le soixantième
anniversaire le prévoyait également. D.C

UN ENTRETIEN AVEC YEHOUDA LANCRY *
“La bonne nouvelle
c'est la reprise du dialogue
israélo-palestinien”
IJ : Comment jugez-vous les négociations
actuelles entre Israël et les Palestiniens
?
Yehouda Lancry : La bonne nouvelle
c'est que le Premier ministre qui jusqu'à
présent poursuivait la politique unilatérale
calamiteuse de son prédécesseur
Ariel Sharon semble désormais avoir
trouvé la voie du dialogue avec les Palestiniens.
Et je considère personnellement
que sans ce dialogue entre les deux par-
ties, il n'y a point de salut. Je considère
donc comme une chose éminemment
positive le fait que l'on dialogue depuis
quelques mois avec les responsables
palestiniens. La conférence d'Annapolis
souhaitée par Bush et son administration
était inévitable. De plus, elle redonne un
cadre à ce dialogue voulu par les uns et
les autres. Les résultats que l'on attend
de cette conférence internationale sont
plutôt réduits, modestes. Pourquoi ? Parce
que les deux protagonistes sont marqués
par une grande faiblesse. Chacun sait que
le schisme palestinien ampute gravement
la capacité d'action de Mahmoud Abbas.
Celui-ci, après son élection, avait entamé
une marche assez laborieuse pour asseoir
son autorité. Depuis l'émergence du
Hamas, cette autorité est très nettement
amoindrie. J'ajoute que nous Israéliens,
avons une certaine responsabilité dans
cette émergence. En effet, Ariel Sharon
tenait à sa politique unilatérale et il avait
contribué à diminuer le rôle de leader
d'Abou Mazen : cela a sans doute suscité
l'émergence du Hamas.
D'un autre côté, Ehoud Olmert a certes
une coalition qui en surface est certes
confortable mais elle est extrêmement
hétéroclite sur les plans idéologique et
politique. De sorte que sa marge de
manœuvre est considérablement réduite,
sans compter qu'il traîne désormais un
certain nombre de casseroles sur le plan
judiciaire. Il reste certes impopulaire mais
je considère que la majorité du peuple
israélien souhaite une solution. Encore
faut-il qu'il y ait une capacité réelle des
deux parties à mettre cette solution en
application.
Cette conférence d'Annapolis donnera
sans doute lieu à une déclaration de principes
comparable à celle d'Oslo. Peut-être
Aussi longtemps que le Hamas n'est pas rattrapé
par les accords d'Oslo qui fondent la
reconnaissance mutuelle, ce sera difficile.
mettra-t-elle en exergue les étapes qui
devraient suivre comme la mise en application
de la feuille de route laquelle prévoit
du côté palestinien non seulement
une réforme institutionnelle politique
mais également sécuritaire. Ce qui signifie
la mise au pas des groupes terroristes
palestiniens. Mahmoud Abbas est-il en
mesure d'assurer cela en prenant les résolutions
nécessaires ? La question se pose.
Mais on peut s'interroger également
sur la capacité du gouvernement israélien
à démanteler les implantations
sauvages et à réduire l'expansion de
celles qui existent. Tous ces éléments
me semblent suffisamment
lourds pour pouvoir imaginer une
réussite exceptionnelle de cette
conférence. Cela étant, je me félicite
tout de même que cette conférence
ait pu exister : nous sortons
enfin d'une période d'effacement du
processus de paix.
IJ : Un certain nombre d'intellectuels
et d'écrivains israéliens ont demandé au
gouvernement de prendre l'initiative de
dialoguer avec le Hamas. Qu'en pensezvous
?
Y.L : C'est évidemment une
demande raisonnable à la seule
condition que les responsables du
Hamas le veuillent également.
ISRAËL
Yehouda Lancry
Aussi longtemps que le Hamas n'est pas
rattrapé par les accords d'Oslo qui fondent
la reconnaissance mutuelle, ce sera
difficile. Je ne doute pas personnellement
qu'une fois que le Hamas acceptera la
reconnaissance de l'Etat d'Israël les
choses pourront avancer plus facilement.
IJ : Y a-t-il aujourd'hui en Israël une majorité
disposée à faire des concessions aux
Palestiniens ?
Y.L : Il faut d'abord dire qu'il y a une
majorité qui se dégage très clairement,
de façon stable, durable et constante sur
la validité d'un Etat palestinien coexistant
dans la paix aux côtés de l'Etat d'Israël.
A propos des concessions qu'il convient
de faire, les attitudes changent d'un camp
à l'autre. Je rappelle qu'en l'an 2000 ,
lorsque Barak avait conçu son plan de
paix - il avait alors évoque la possibilité
d'un retrait territorial de 95 % avec
quelques rectifications de frontière
mineures -, l'opinion publique semblait
soutenir majoritairement ce projet. On
sait que c'est l'intifada qui a ruiné ces
espérances.
*Ancien ambassadeur d'Israël en
France et aux Nations Unies.
Ehud Olmert, Geoges Bush et Mahmoud Abbas
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 17

JUDÉOPOSTALE
UN ENTRETIEN AVEC CLAUDE WAINSTAIN
L'histoire juive par les
timbres et le courrier
Claude Wainstain est médecin. Depuis son enfance,
il collectionne les timbres. L'idée lui est venue d'écrire
un livre où il raconte l'histoire des juifs par le timbre et le
courrier. Il ne s'agit pas seulement cependant d'un
catalogue de philatélie. Claude Wainstain
IJ : Votre livre est une autre façon de
raconter la grande et la petite histoire des juifs.
Comment vous est venue l'idée de raconter l'histoire
par la philatélie ?
Claude Wainstain : Au début, je
collectionnais les timbres comme tout le
monde, en achetant les dernières
parutions de la poste. C'est dans les
années soixante-dix que j'ai imaginé
constituer un petit album de personnages
juifs sur timbres, alignés comme les
effigies de rois ou de chefs d'état dans
toutes les couleurs et toutes les valeurs
faciales. J'ai établi une liste approximative,
et les marchands à qui je l'ai
montrée m'ont orienté vers des
collectionneurs chevronnés. Avec leur
aide, je suis devenu, à mon tour, un
spécialiste de la thématique "Judaïca". J'ai
commencé à rédiger des rubriques sur ce
thème en 1981. Non seulement les
timbres sont beaux, mais ils sont aussi un
prétexte à raconter des histoires. Comme
ils proviennent de pays étrangers, les
personnalités ou les événements qu'ils
commémorent n'ont parfois qu'une
renommée locale, si bien que je fais
découvrir au lecteur des aspects inédits
et insolites d'un monde juif exprimé dans
toutes les langues et tous les alphabets.
Parfois, je tombe sur un sujet énigmatique
: Berkovitch, le cinéaste inconnu, Morris
Cohen, le mystérieux espion soviétique,
Leila Mourad, la diva du Caire, Irène
Cahen d'Anvers et son tableau volé,
Petlioura et son timbre fatal, le couple
Blum des îles Salomon, autant de sujets
passionnants sur lesquels j'ai passé des
mois en recherches journalistiques et
historiques.
IJ : Pourquoi y a-t-il eu un engouement des
juifs pour le timbre poste ?
C.W. : Pour une diaspora, communiquer
n'est pas un acte anodin. Depuis toujours,
les lettres étaient transportées de
communauté en communauté par les
quêteurs, les commerçants, les voyageurs
et les rabbins, et elles maintenaient le lien
entre les juifs du monde entier, de
18 INFORMATION JUIVE Décembre 2007
l'Ukraine au Yémen et de l'Inde aux
Antilles. Elles préservaient aussi l'hébreu,
langue du sacré et garant des échanges,
à une époque où, d'une région à l'autre,
ni l'idiome, ni la monnaie, ni les poids et
mesures n'étaient les mêmes. Cette
correspondance perpétuelle qui circulait
le long du maillage communautaire, sans
souci des empires, des frontières et des
conflits, donnait aux juifs, dans leur vécu
quotidien, la conviction d'être des citoyens
du monde. De là leur tendance à
privilégier l'universel dans tous les
domaines de la pensée, et leur
engouement pour le timbre-poste.
IJ : Les juifs furent-ils vraiment les premiers
graveurs et les premiers collectionneurs de timbres
?
C.W. : Quelques années à peine après
leur introduction en Angleterre, en 1840,
le monde entier collectionnait déjà les
timbres. Des artistes juifs participèrent à
leur création, comme Jacques Wiener, qui
grava le premier timbre belge en 1849, ou
Abraham Staffel, qui grava le premier
timbre de Pologne russe en 1860. Parmi
les grands collectionneurs juifs, Alberto
Bolaffi édita à Turin son premier catalogue
en 1890, tandis qu'Arthur de Rothschild
publia un livre sur l'histoire du Timbre en
1872. Ce jeune homme avait reçu pour
ses dix-huit ans un cadeau très original :
son père, Nathaniel de Rothschild, avait
en effet obtenu de la Poste impériale
l'émission de timbres à l'effigie de
Napoléon III, mais de texture différente
de celle des timbres courants, et qui lui
étaient spécialement réservés ! C'est
émission Rothschild, de 1869, qui est
aujourd'hui excessivement rare et chère.
IJ : Qu'appelez-vous " la Grande Geste des
Juifs " ?
C.W. : Feuilleter ce livre, c'est survoler
- le terme Judéopostale est évocateur - un
univers miniature et splendide qui raconte
l'histoire des juifs dans leur diversité,
toutes origines et langues confondues.
C'est comme la Tapisserie de Bayeux :
l'histoire se déroule, au sens propre du
terme, sous nos yeux. Ainsi ai-je pensé au
terme médiéval de "Grande Geste des
Juifs".
IJ : Les lettres de l'alphabet hébraïque figurent
sur bien des lettres que vous donnez. Il y
a même un mèm sur un timbre…
C.W. : La collection Judaïca comprend
les timbres sur lesquels figurent des lettres
hébraïques, isolées, sous forme de mots
ou sous forme de phrases. J'ai choisi pour
mon livre un timbre de Monaco de 1995
qui montre un mêm. On sait que le mêm
s'écrit sous sa forme ouverte lorsqu'il est
au milieu d'un mot, et sous sa forme
fermée, le Mem final , lorsqu'il est à la fin.
Or il existe dans Isaïe 9-6 le cas unique
Feuilleter ce livre, c'est survoler un univers
miniature et splendide qui raconte l'histoire
des juifs dans leur diversité, toutes origines
et langues confondues.
d'un Mem final qui se trouve au milieu
d'un mot ! Ce n'est pas une étourderie de
copiste, puisque le Talmud enseigne que
"pas un mot, pas une syllabe, pas une
lettre de la Torah ne sont là par hasard."
Quel est le message caché sous cette
anomalie ? Bar Kappara, dans Sanhédrin,
149, y voit un signe messianique, mais
Blaise Pascal en nie la signification
symbolique : "Je ne pense pas que le
Mem d'Isaïe soit mystérieux", écrit-il dans
ses Pensées. Rabbi Hisda, lui, constate
simplement que "la lettre Mem ne tient
debout que par miracle." Et à la réflexion,
n'est-ce pas là notre lot à tous ?

IJ : Qui fut Lucien Bernheim dont la tombe,
au cimetière Montparnasse à Paris, est surmontée
du mot Chalom ?
C.W. : Qui, parmi nous, connaît la vie
aventureuse de Lucien Bernheim ? Voilà
un bel exemple de ce que le timbre peut
apporter à la transmission de notre
histoire. Lucien Bernheim est un jeune
juif de Mulhouse qui, à quatorze ans,
s'engage dans un corps franc pendant la
guerre de 1870. Une fois démobilisé, il
s'embarque pour l'Indochine, vit en
Australie, arrive enfin en Nouvelle-
Calédonie où avec son petit salaire, il
réussit à s'acheter un gisement de nickel
exploitable à ciel ouvert. Le succès est
foudroyant. Il acquiert d'autres mines,
fonde les sociétés "Le Nickel" et "Le
Chrome ", bref, devient un industriel
puissant et respecté, tout en restant un
homme de cœur. Pour épouser sa fiancée,
qui vit en Suisse, il a juré qu'il reviendra
vivre en Europe. Mais avant de partir, il
fait un geste : il offre cent mille francs
pour la construction d'une bibliothèque
à Nouméa. Cette bibliothèque, qui porte
toujours son nom, est représentée sur
deux timbres de Nouvelle-Calédonie,
sous l'effigie du généreux donateur.
Lucien Bernheim meurt à Paris en 1917,
et sur sa tombe, au cimetière
Montparnasse, est inscrit en hébreu le
mot "chalom".
IJ : On apprend grâce à vous
que l'Albanie fut le seul pays
d'Europe occupée où les juifs
ne connurent ni la délation ni
la persécution. Comment explique-t-on
cela ?
C.W. : En me documentant
sur un timbre
albanais intitulé "Holocauste",
en juillet 1999, j'ai
découvert une page
d'histoire lumineuse et
pourtant inconnue en
France, au point que mon
article philatélique a été une
première. Quand les
Allemands succédèrent aux
Italiens, à l'automne 1943,
les Albanais considérèrent
les persécutions antisémites
comme intolérables, et
contrairement aux juifs du
Kosovo, qui furent déportés
en masse, ceux d'Albanie,
mille cinq cents environ,
furent cachés dans les
montagnes, habillés en
paysans et munis de faux
papiers aux prénoms
typiquement musulmans.
Cette attitude s'explique par
le kanoun, la coutume
d'hospitalité qui fait de l'hôte un être
sacré. Quiconque, dans un village, aurait
dénoncé un juif, en aurait été banni et sa
maison démolie. L'Albanie fut ainsi le seul
pays d'Europe occupée où les juifs ne
déplorèrent aucune perte humaine. J'ai
bien failli ne pas pouvoir raconter cette
histoire, car le Bhoutan et l'Albanie sont
les deux seules administrations postales
sur soixante-deux à m'avoir refusé le droit
de reproduire leurs timbres. J'ai mis
longtemps à en comprendre la raison,
mais cela est une autre histoire, une
péripétie surprenante à l'issue heureuse,
et dont vous aurez l'explication dans le
livre.
IJ : Quel est, de tous les documents que vous
publiez dans ce livre, celui qui vous semble
le plus représentatif de cette histoire ?
C.W. : Est-ce la lettre enthousiaste
qu'un jeune couple de Bialystok écrit en
1898, juste après le deuxième Congrès
sioniste de Bâle, ou celle que mon père,
à peine libéré d'Auschwitz par les Russes,
JUDÉOPOSTALE
écrit à ma mère, en 1945 ? Est-ce la lettre
recommandée envoyée de Mazagan en
mars 1900 par la poste privée d'Isaac
Brudo, ou le télégramme reçu d'Ukraine
en 1904 demandant une aide urgente
après un pogrome ? Est-ce le timbre
Voilà un bel exemple de ce que le timbre peut
apporter à la transmission de notre histoire.
consacré à Maïmonide, à Chagall ou à
Einstein, ou celui honorant une
personnalité atypique, un tsar de
Bulgarie, une princesse de Monaco, un
magicien, un cosmonaute, un marchand
de yaourts, ou un aventurier auto- promu
roi de la Terre de feu ? Je trouve pour ma
part très belle cette anecdote sur Else
Lasker-Schüler, la "Muse de Berlin", qui
fut l'égérie de la bohème artistique
allemande et qui s'exila en Suisse en 1933
avant de finir ses jours à Jérusalem. Son
oeuvre mystique et passionnée exalte
l'amour de Sion dans un allemand
expressif qui bouscule la syntaxe et la
grammaire. Un jour, à un écrivain qui lui
proposait de traduire ses poèmes en
hébreu, elle répondit "Mais ils sont déjà
en hébreu !"
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 19

LA VIE DE L’ACIP
Visite du ministre de l'intérieur
Michèle Alliot-Marie
au Consistoire de Paris
Evénement exceptionnel. Le minsistre de l'intérieur s'est rendu le 22 novembre à un déjeuner de
travail au Consistoire de Paris. Le ministre a notamment réaffirmé les liens de confiance
existant entre la République et l’Institution consistoriale.
Le ministre de l'intérieur
Madame Michèle Alliot-
Marie, accompagné de plusieurs
de ses collaborateurs,
s'est rendu mercredi 22
novembre à un déjeuner de
travail au Consistoire de Paris Ile de
France en présence du Grand Rabbin de
Paris David Messas, du Président du
Consistoire de Paris Joël Mergui, ainsi
que des administrateurs membres du
Bureau du Consistoire.
Dans ses propos d'introduction, le Président
Joël Mergui a tout d'abord chaleu-
© Erez Lichtfeld
reusement remercié Madame le ministre
de l'intérieur pour sa venue et pour les
liens très étroits qu'elle entretient avec le
Consistoire. Après un rappel de l'histoire,
de l'importance, des missions et du fonctionnement
de l'institution, Joël Mergui
a présenté les grands projets d'avenir et
a souhaité une écoute des pouvoirs
publics aux préoccupations de la communauté
juive.
Madame Alliot-Marie a tenu à son tour
à remercier le Consistoire pour son
20 INFORMATION JUIVE Octobre 2007
accueil. Le ministre a rappelé " l'importance
qu'attachait l'Etat à l'existence d'institutions
représentatives fortes telles que
le Consistoire ", pour la qualité de ses
relations avec les grandes religions. Indiquant
que l'Homme a besoin de repères
forts et structurés, notamment dans sa vie
spirituelle, le ministre des cultes a tout de
suite tenu à témoigner une nouvelle fois
de toute sa confiance dans le Consistoire
de Paris, notamment dans le rôle central
qu'il joue dans l'organisation et la vie de
la communauté juive, et en déclarant qu'il
fallait continuer de l'aider à remplir sa
mission.
Le ministre de l'intérieur avec le grand rabbin de Paris,
le Président du Consistoire de Paris Joël Mergui et les membres du bureau du Consistoire
Compte tenu de l'importance des questions
financières dans le fonctionnement
de l'Institution, le trésorier du Consistoire
de Paris Joseph Haddad a présenté au
ministre de façon détaillée la situation
financière actuelle en la replaçant en
perspective historique et en rappelant la
transparence qui prévaut dans la préparation,
la publication et l'application du
budget.
Plusieurs thèmes clé concernant le
cœur même de la vie juive, et qui pour
© David ADEMAS / Fedephoto
certains d'entre eux représentent autant
de préoccupations essentielles voire d'inquiétudes
réelles pour la communauté
juive, ont alors été successivement abordés
par les différents membres du Bureau.
On citera notamment les questions liées
à l'entretien et à la rénovation du patrimoine
synagogual du Consistoire - le plus
important de France et d'Europe, à la fiscalité
des dons, à la Cacherout, au projet
du grand centre culturel juif du 17ème
arrondissement, aux places dans les carrés
confessionnels juifs dans les cimetières,
à la sécurité et à l'antisémitisme, au
calendrier des examens pour les élèves
et les étudiants juifs, et plus généralement
aux différents aspects des conditions
nécessaires au bien être de la communauté
juive.
Pour chacun de ces thèmes, le ministre
de l'intérieur a apporté des assurances
de réflexions et d'actions à court terme
en étroite coopération avec le Consistoire.
On retiendra notamment que le ministre
a proposé au Président du Consistoire
de mettre en place un groupe de travail,
en collaboration avec les collectivités locales
et les ministères concernés, chargé
d'une mission de préfiguration du futur
centre du judaïsme dans le 17ème arrondissement
de Paris dont le terrain vient
d'être obtenu par le Consistoire de Paris
et sur lequel devra être construit le plus
grand centre culturel et cultuel juif de
France.
A l'issue de ces débats fructueux, qui
se sont déroulés dans un climat chaleureux
de réelle confiance réciproque et de
profond respect mutuel, rendez-vous a
été pris pour un suivi permanent et un
bilan régulier des actions menées au quotidien
entre l'Etat et le Consistoire et qui,
à entendre la volonté sans faille des deux
partenaires, ne pourront être désormais
que renforcées.
P.M.

© Erez Lichtfeld
L'ENTRETIEN DE MADAME LE MINISTRE
MICHÈLE ALLIOT-MARIE À INFORMATION JUIVE
“Le Consistoire est
un acteur de la cohésion
de la République”
IJ : Vous vous êtes rendue, le 22
novembre, au déjeuner auquel vous a
conviée le Consistoire Israélite de Paris.
Quels étaient les objectifs de cette visite ?
Michèle Alliot-Marie : J'ai répondu
avec grand plaisir à l'invitation amicale
du président du Consistoire de Paris et
du grand rabbin de Paris. Pleinement
à l'écoute des représentants des
différentes religions, je leurs rends
régulièrement visite, dans le cadre de
mes fonctions de ministre chargé des
cultes. L'Etat est aujourd'hui un acteur
dynamique de la liberté religieuse dans
notre pays. A ce titre, je conduis un
dialogue régulier avec les institutions
qui représentent les cultes dans leurs
relations avec l'Etat, et notamment avec
le Consistoire. L'Etat a besoin
d'interlocuteurs institutionnels forts et
représentatifs. Le Consistoire est l'un
d'eux.
IJ : Quelles conclusions avez-vous tirées
de cette rencontre ?
Michèle Alliot-Marie : J'ai proposé
au président du Consistoire que nous
continuions à travailler ensemble sur
plusieurs sujets concrets. Outre les
Madame le ministre accueillie au Consistoire de Paris
par le grand rabbin de Paris David Messas
et le Président Joël Mergui
questions traitées dans le prolongement
de la Commission Machelon,
nous devons réfléchir au cadre
juridique le plus adéquat pour le projet
LA VIE DE L’ACIP
de Centre européen du judaïsme porté
par le Consistoire. Il exigera le moment
venu la mobilisation de très nombreux
acteurs dans le périmètre étatique et
au-delà.
IJ : A l'occasion des vœux de Roch
Hachana que vous aviez adressés à la communauté
juive, vous avez déclaré que "le
Consistoire contribuait à la cohésion de la
République". Qu'entendez-vous par là ?
Michèle Alliot-Marie : Le Consistoire
est responsable de l'exercice
concret du culte juif dans notre pays.
Il permet à nombre de nos compatriotes
de pratiquer leur foi. Il permet à la foi
de s'inscrire dans le cadre du pacte
français de tolérance et de respect des
croyances et des consciences. Il est
donc un acteur de la cohésion de la
République.
IJ : L'année prochaine, les Consistoires
célèbrent le bicentenaire de leur création.
Quelles réflexions vous inspire cet anniversaire
?
Michèle Alliot-Marie : La création
des consistoires, voulue par Napoléon,
a été un acte d'une grande modernité.
Elle permet aujourd'hui à l'Etat
de disposer d'un interlocuteur
institutionnel organisé et
structuré. Ce deux centième
anniversaire marque la
permanence et la force d'une
grande institution,
indispensable pour l'exercice
du culte, incontournable pour
le dialogue avec les autorités
étatiques.
IJ : Avez-vous le sentiment que
les actes de caractère ou d'inspiration
antisémite qui étaient
naguère en augmentation ont diminué
Michèle Alliot-Marie : Les
actes de caractère antisémite
sont en diminution. Il s'agit d'une
réalité objective dont je me réjouis. La
clarté et la fermeté du gouvernement,
le lien de confiance étroit et permanent
Michèle Alliot-Marie
que nous entretenons avec les
différents représentants des institutions
juives, la mobilisation des acteurs
locaux sont autant de facteurs qui ont
porté leurs fruits. Pour autant, nous
devons demeurer vigilants face à une
menace qui n'est pas éteinte.
Le Consistoire, une grande
institution indispensable pour
l'exercice du culte, incontournable
pour le dialogue avec les autorités
étatiques.
Nous devons réfléchir au cadre
juridique le plus adéquat pour le
projet de Centre européen du
judaïsme porté par le Consistoire.
Les actes de caractère antisémite
sont en diminution. Il s'agit d'une
réalité objective dont je me réjouis.
La communauté juive de France,
parfaitement intégrée à la République,
est la plus importante de tous les pays
d'Europe. Elle est dépositaire d'une
tradition religieuse et culturelle plurimillénaire
qui a profondément inspiré
les valeurs de notre République.
IJ : D'une manière générale, quelle perception
avez-vous du fait juif en France ?
Michèle Alliot-Marie : C'est une
donnée importante de la société
française. La communauté juive de
France, parfaitement intégrée à la
République, est la plus importante de
tous les pays d'Europe. Elle est
dépositaire d'une tradition religieuse
et culturelle pluri-millénaire qui a
profondément inspiré les valeurs de
notre République. Les Français de
confession juive ont toujours été de très
grands patriotes. En toutes circonstances,
souvent au péril de leur vie, ils
ont défendu les idéaux de justice et de
liberté et les valeurs de la République.
INFORMATION JUIVE Novembre 2007 21

LA VIE DE L’ACIP
Réunion de travail avec les préfets
de Paris et de la région parisienne
Le président du Consistoire
de Paris, Joël Mergui,
entouré des membres de
son bureau ainsi que du
grand rabbin de Paris
M. David Messas ont reçu le
vendredi 30 novembre pour une réunion
de travail et d'échanges, le préfet de police
de Paris accompagné des préfets des
départements de la région Ile de France.
Cette rencontre entre dans le cadre de celles
que le Consistoire de Paris organise
régulièrement avec les représentants des
pouvoirs publics.
Dans la brève allocution qu'il a prononcée
à cette occasion, le président du
Consistoire a tenu à remercier les forces
de police, devant une centaine de leurs
représentants, pour leur travail mené au
quotidien dans la surveillance et la protection
des lieux de culte de la communanuté
juive. Il a insisté sur le fait que la
vigilance des policiers et des CRS -
notamment lors des fêtes de Tichri - était
digne d'éloges. Par ailleurs, le président
Mergui a tenu à dire que ces réunions
étaient d'une très grande utilité pour les
uns et les autres. " Nous voulons, a-t-il
dit, vous faire connaître les préoccupations,
les soucis et les problématiques qui
VERBATIM
JOSÉ SOCRATES.
Premier ministre portugais :
"Plus l'Europe regardera vers le
Proche Orient et l'Afrique du Nord,
plus il y aura de chances pour la
paix ".
ERIC ZEMMOUR.
Journaliste et essayiste :
"Les enfants juifs sont interdits d'école
publique dans nombre de banlieues
et sont contraints de se replier sur les
écoles confessionnelles".
CLAUDE IMBERT.
Editorialiste au Point :
" Le Nuremberg du communisme
n'existe pas "
22 INFORMATION JUIVE Octobre 2007
sont les nôtres ". Au cours de la réunion,
de nombreux sujets concrets relatifs à la
vie quottidienne des membres de la communanuté
juive en ont été abordés. On
citera notamment l'ouverture le dimanche
de permanences dans les préfectures
en liaison avec le Consistoire pour
traiter les cas des décès, la nouriture
cacher dans les hôpitaux, les systèmes
d'entrées de certains immeubles le Chabbat,
ou la mise aux normes de sécurité
des synagogues et des lieux de culte.
Le préfet de police de Paris et ses collègues
de la région de parisienne ont suc-
ALAIN FINKIELKRAUT.
Philosophe :
" La culture s'éclipse de la société
de la connaissance où nous entrons
joyeusement "
BRAD PITT.
Comédien :
"La tragédie, pour moi, c'est de se
voir piégé à un carrefour parce
qu'on est incapable de choisir son
propre chemin ".
EHOUD OLMERT.
Premier ministre d'Israël :
" Nous avons établi, Mahmoud
Abbas et moi, une forme de
confiance personnelle, une volonté
mutuelle d'écouter les critiques, les
griefs, les soupçons et les besoins
que chaque partie a accumulés en
Les préfets réunis au Consistoire
cessivement pris la parole pour mettre
l'accent sur l'intérêt de telles réunions
entre le Consistoire et les autorités de
l'Etat destinées à reflechir et à travailler
ensemble sur nombre de des sujets de
préoccupation de la communanuté juive.
Avec le directeur du SPCJ, les uns et les
autres ont fait le point des actes d'antisémitisme
constatés dans les villes dont ils
ont la charge.
La réunion s'est achevée par un cocktaildéjeuner
auquel ont été invités nombre
de commissaires de police et de fonctionnaires.
tant que nation depuis des
générations "
BAR REFAELI.
Top-modèle israélien :
" Pourquoi mourir pour son pays ?
C'est quand même mieux de vivre
à New York, non ? " (L'amie de
Léonardo Di Caprio a décidé de se
soustraire à ses obligations
militaires en Israël)
FRANZ- OLIVIER GIESBERT.
Journaliste. Ecrivain :
" La presse, comme l'étourneau,
aime aller d'un arbre à l'autre ".
MOUAMMAR KADDAFI.
Chef de l'Etat libyen :
" Le système démocratique à
l'occidentale est une imposture,
une falsification "

UN ENTRETIEN AVEC LE GRAND RABBIN GUGENHEIM*
Le difficile parcours
de la conversion
Nombre de nos lecteurs se posent la question des délais nécessaires
pour une conversion. Ils s'interrogent également sur les conditions
exigées par les responsables du service des conversions au
Consistoire de Paris pour déclarer valable une conversion.
Nous avons posé ces questions au grand rabbin Michel Gugenheim,
directeur du Séminaire israélite de France.
IJ : On entend souvent dire que les rabbins sont intransigeants
à propos des demandes de conversion au judaïsme. Qu'en est-il en
vérité ?
Michel Guegenheim : En vérité, les rabbins ne font que suivre
ce que leur dicte leur conscience et ce que la loi juive leur
impose. Chacun peut comprendre qu'en la matière la responsabilité
du rabbin est considérable. En effet, il n'a pas droit à
l'erreur. Le risque qu'il court, s'il se trompe, c'est de déclarer
valide une conversion qui ne l'est pas aux yeux de la Halakha
( ce qui signifie que quelqu'un qui n'est pas juif va se considérer
comme juif avec toutes les conséquences que cela peut
entraîner).L'autre implication est que, même si la conversion
reste valable aux yeux de la Halakha, elle peut être dommageable
pour l'individu lui-même comme pour la communauté.
Il faut se rappeler en effet que l'individu non-juif - s'il accomplit
les sept commandements donnés aux enfants de Noé et que
l'on appelle les lois noachides - a droit au monde futur. En revanche,
s'il devient juif et qu'il ne pratique pas les commandements,
cela constitue pour lui un échec et le rabbin y a sa part de responsabilité.
IJ : Que la précipitation ne soit pas de mise en cette matière, on le
comprend aisément mais pourquoi le processus de la conversion estil
si long ? Ne pourrait-on pas le réduire ?
M.G : Ce processus est le résultat de la procédure elle-même.
LA VIE DE L’ACIP
Le Choulhane Aroukh exige qu'une première enquête soit faite
sur le candidat à la conversion. De plus on doit procéder à trois
tentatives de dissuasion. Quand on adapte cela aux
circonstances d'aujourd'hui, on se rend compte qu'on a besoin
de temps quand ce ne serait que pour tester la validité et la
sincérité de l'engagement. Le facteur temps est à cet égard
important :on a en effet observé qu'au bout d'un certain temps,
des candidats se découragent.
IJ : Quels sont les critères retenus par le judaïsme pour permettre à
un non- juif l'accès à la judéité ?
M.G : Il y a deux niveaux .Le premier est souhaité : le
judaïsme place la barre un peu haut si l'on ose dire puisqu'il
exige un engagement totalement désintéressé. Il faut que
l'initiative de la conversion ne soit le résultat d'aucun intérêt
qu'il soit matériel, affectif ou social. Sans quoi la demande est
disqualifiée.
L'autre niveau, qui est rédhibitoire, concerne la pratique juive.
Cela fait partie des conditions de l'acceptation de la candidature.
Il faut que le candidat accepte de pratiquer les commandements
du judaïsme.
IJ : Combien de candidats à la conversion y a-t-il chaque année au
Consistoire et quelle est la proportion que vous acceptez ?
M.G : Le Consistoire reçoit environ 2.000 lettres de
candidature chaque année. A la suite de quoi 300 dossiers sont
ouverts par les services spécialisés, sous la présidence de
Monsieur le rabbin Meyer Malka, qui accomplit là un travail
considérable et à qui je tiens à rendre un vibrant hommage Le
Beth Din de Paris procède à environ 200 conversions par an.
Un niveau spirituel extrême
LE GRAND RABBIN
MICHEL GUGENHEIM
Rappelons que dans le livre qu'il vient d'éditer sous le titre "
Et tu marcheras dans Ses voies " (Association S. et O. Lévy) -
un splendide ouvrage que nous présenterons prochainement
à nos lecteurs - le grand rabbin Michel Gugenheim consacre
un chapitre à ce qu'il appelle " le difficile parcours de la conversion
".Il y écrit notamment : " La position de principe du Droit
rabbinique est de récuser toute candidature inspirée par la
recherche d'un quelconque avantage personnel. D'emblée se
dessine ainsi l'approche juive en la matière : si le judaïsme
jette un regard très positif sur l'acte de conversion, ce n'est
qu'à condition qu'il soit l'expression d'un engagement de très
haute qualité, d'un niveau spirituel extrême "
INFORMATION JUIVE Novembre 2007 23

COMMUNAUTÉS
UN ENTRETIEN AVEC RICHARD HALIMI*
Etre juif à Sarcelles
La communauté juive de Sarcelles est une des plus importantes et sans doute
des plus dynamiques de la région parisienne. Comment est-elle organisée et
quels problèmes se posent à ceux qui la dirigent ?
Nous avons rencontré M. Richard Halimi.
IJ : La communauté juive de Sarcelles
est une des plus connues et des plus importantes
de la région parisienne. Depuis quand
est-elle organisée ?
Richard Halimi : Elle existe depuis
1957 avec l'arrivée de juifs égyptiens
suite à la crise de Suez. Elle a alors commencé
à s'organiser avec la création d'une
synagogue et d'un Talmud torah. Après
l'indépendance de l'Algérie en 1962 un
nombre très important de juifs est arrivé
à Sarcelles.
La communauté a commencé alors à
se structurer avec la création d'une commission
administrative rattachée au
consistoire de Paris.
La construction de la synagogue que
l'on connaît aujourd'hui a démarré en
1964 pour être inaugurée en juillet 1965
par le Baron Alain de Rothschild.
Le rabbin René Guedj a été nommé au
début de l'année 1964 et a œuvré avec les
différentes commissions administratives
pour faire grandir cette communauté en
même temps qu'arrivaient des milliers de
juifs d'autres pays du Maghreb. Le rabbin
Laurent Berros a ensuite rejoint la
communauté de Sarcelles où
il continue l'action du grand
rabbin Guedj en y apportant
toute l'expérience acquise à
Montpellier. Il est devenu rabbin
du Val d'Oise en mai dernier.
Aujourd'hui, Sarcelles
abrite la plus grande communauté
juive de France en proportion
de la population de la
ville, soit environ 12000 juifs
pour 60000 habitants.
Dans l'enceinte même de la
synagogue sont organisés chaque
Shabbat neuf offices différents.
De plus, il existe dans la ville
une dizaine d'autres offices,
répartis dans les différents
quartiers et qui fonctionnent
tous les jours.
24 INFORMATION JUIVE Décembre 2007
Plusieurs écoles juives ont vu le jour au
début des années 70. Le réseau des écoles
d'Otzar Hatorah représente la majorité
des enfants fréquentant des écoles
juives. Il existe également des écoles
représentant d'autres courants comme les
institutions Loubavitch.
Dans le quartier autour de la synagogue,
on compte de nombreux restaurants,
boulangeries, pâtisseries, épiceries cacher
qui permettent à la population juive de
Sarcelles et de ses environs de trouver
tous types de produits cacher.
D'autres institutions au service de la
communauté ont été créées comme des
crèches, des centres d'études de la torah,
des mikvés, centre communautaire.
A l'instar de la communauté nationale,
la communauté juive et en particulier
celle de Sarcelles compte hélas de nombreuses
familles nécessiteuses .Les associations
existantes (Guemilout Hassadim,
ASA, Réseau EZRA ..) apportent dans la
mesure du possible le soutien qui leur est
nécessaire. L'arrivée en septembre 2007
du CASIP COJASOR dans la ville com-
Synagogue de Sarcelles
Richard Halimi
plétera, sans doute, ce dispositif.
La principale force de la communauté
est sa richesse dans sa diversité, une vie
juive intense aussi bien en semaine que
le Shabbat et les fêtes, la multiplication
des endroits où nos fidèles peuvent se
rencontrer, dialoguer et débattre.
IJ : Quelles sont les réalisations dont vous
êtes fiers et les projets que vous caressez ?
R.H : Beaucoup de projets se sont
réalisés an cours de cette année (création
d'un centre d'étude dans la synagogue,
mise en conformité des locaux en matière
de sécurité, agrandissement de la salle
des dames dans le grand office) et
d'autres sont en cours de réalisation mais
le grand projet en passe d'aboutir est
l'agrandissement de la synagogue. Une
extension attenante à la synagogue
contenant plusieurs salles va être créée.
Cela permettra à la jeunesse de se
retrouver et d'avoir des activités dans les
mouvements de jeunesse et les
associations pour lesquels ces moyens
seront mis à disposition.
*Président de la communauté juive de
Sarcelles.

UN ENTRETIEN AVEC ZVI AMMAR*
“La grande vitalité de la
communauté juive de Marseille”
IJ : Qu'est-ce caractérise aujourd'hui la
communauté juive de Marseille ?
Zvi Ammar : Le dynamisme important
d'un segment de la communauté alors
même que paradoxalement l'assimilation
touche, hélas, une part croissante de
la population juive de la ville. C'est une
communauté particulièrement bien intégrée
dans la ville mosaïque qui fut pendant
des siècles la porte de l'Orient. Une
petite communauté ashkénaze ainsi
qu'une communauté de juifs levantins
fonctionnent toujours à Marseille; mais
la majeure partie de la population juive
est originaire des pays arabes et a fortement
revitalisé la communauté entre 1950
et 1970.
IJ : Comment est-elle organisée ?
Z.A : Le Consistoire israélite de
Marseille régit la vie juive depuis près de
deux siècles et représente la plus
importante institution de la communauté.
Le grand rabbinat de Marseille et le Beth-
Din de la ville font partie intégrante de
l'institution consistoriale ; ils encadrent la
vie juive de Marseille et de sa région. De
nombreuses associations, dans les
domaines les plus divers, structurent la
vie juive marseillaise et sont fédérées au
sein du CRIF Marseille-Provence. Le
F.S.J.U. est également représenté et œuvre
parallèlement dans les domaines sociaux,
culturels et éducatifs. Les associations
sionistes à l'exemple du K.K.L. font
également un travail important en
partenariat avec les représentations
israéliennes.
IJ : Quelle en est l'importance numérique ?
Z.A : Il est bien sûr très difficile
d'apporter un chiffrage précis mais des
sources concordantes évaluent la
population juive de la ville aux environs
de 70.000 âmes. La vie juive est
géographiquement localisée dans trois
quartiers de la cité.
IJ : Quel rôle y joue la religion ?
Z.A : Un rôle essentiel ; la vie juive est
foncièrement traditionaliste. La ville
compte 47 synagogues, 17 écoles juives,
des yéchivots et Beth Midrach, ainsi que
de nombreux centres, restaurants et
associations cultuelles et culturelles. Cette
dimension religieuse s'affirme d'année en
année et cela explique la vitalité
incroyable de toutes les actions qui
mettent la Torah au centre de leurs projets.
Il n'y a jamais eu dans l'histoire de cette
communauté autant d'enfants scolarisés
dans les écoles juives, autant de cours de
pensée juive dispensés quotidiennement
et de structures où les juifs de tout âge (de
la crèche à la maison de retraite) peuvent
être accueillis. Il n'est pas rare de
rencontrer des juifs qui quittent une autre
ville de la France pour venir s'installer à
Marseille et pouvoir bénéficier de la vie
juive qui irrigue la cité.
IJ : Quelles sont vos réalisations et vos
projets ?
Z.A : Le Consistoire œuvre
inlassablement depuis 1999 (année de
l'élection de notre équipe) au développement
du judaïsme à Marseille et dans
sa région. Cette politique se concrétise
notamment par un soutien vigoureux aux
associations qui promeuvent l'éducation
juive, formelle ou informelle. Nous avons
aussi fortement resserré les liens qui
unissent la communauté à Israël et nous
avons défendu la population juive contre
toutes les formes d'agression qui ont pu
COMMUNAUTÉS
La communanuté juive de Marseille est la deuxième plus importante de
France. La religion y joue un rôle essentiel à travers une vie juive
traditionnaliste, dynamique et tournée vers l'avenir. Le dialogue inter-religieux
occupe une place centrale dans la vie de la cité. Rencontre avec le Président du
Consistoire de Marseille, Zvi Ammar. Zvi Ammar
© José Nicolas / fedephoto
Synagogue de Yavné à Marseille
survenir. Le devoir de mémoire n'a jamais
été aussi intense avec pour point d'orgue
l'élévation du Mur des Noms, un
Mémorial pour les milliers de juifs de
Marseille déportés.
Le développement d'un judaïsme
authentique est toujours au cœur de nos
objectifs ; il ne peut se réaliser qu'à travers
la multiplication des cadres permettant la
vie juive. Ainsi, le Consistoire veut
favoriser la multiplication des commerces
“cacher” pour qu'une véritable concurrence
puisse exister et ainsi rendre la
consommation accessible au plus grand
nombre.
La jeunesse juive est au centre de nos
priorités. Nous n'avons pas pu finaliser la
création d'un complexe sportif de la
jeunesse malgré l'acquisition d'un terrain
dans le parc des calanques ; mais nous
demeurons attachés à concrétiser
prochainement ce projet ambitieux car il
s'inscrit dans la lutte contre l'assimilation
et la multiplication des mariages mixtes.
IJ : Quels types de projets entretenez-vous
avec nos amis chrétiens et musulmans dans la
ville ?
Z.A : Je pense pouvoir affirmer que les
relations entre les religions sont
exemplaires et qu'aucune autre ville ne
peut se targuer d'une telle harmonie entre
les différentes communautés qui font
Marseille. L'existence de l'association
Marseille- Espérance en constitue la
démonstration flagrante. A titre d'exemple,
je veux signaler que la communauté juive
a rendu un hommage officiel en
organisant, à la fin de l'année dernière,
une réception en l'honneur de Mgr
Georges Pontier qui venait d'être nommé
archevêque de Marseille. Nos liens avec
l'Islam sont d'une égale qualité et le
Consistoire a tenu à participer -
symboliquement - au financement de la
construction de la Grande Mosquée qui
doit enfin être érigée à Marseille.
*Président du Consistoire de Marseille ;
vice-président du Consistoire central.
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 25

BICENTENAIRE
Un notable parisien :
Baruch Weil
( 1780 - 1828 )
Sans doute, le jugement de l'avocat Michel Beer
est-il bien sévère lorsqu'il écrit au sujet de Baruch
Weil : " …il a assurément toute la morgue d'un
parvenu, sans éducation, mais il est entièrement
irréprochable comme négociant et comme
homme privé, et si sa piété est très peu éclairée,
elle est au moins sincère. " Fut-il vraiment orgueilleux et
ambitieux, lui qui refusa de siéger à l'Assemblée des Notables
et au Grand Sanhédrin et qui était l'un des rares à circoncire
gratuitement les nouveaux-nés ?
A étudier de près la communauté à cette époque, il semble
que Baruch Weil ait toujours été très dévoué à la cause juive.
C'est peut-être par modestie qu'il n'a pas souhaité participer aux
grandes réunions napoléoniennes, aux côtés des notables et
des rabbins et qu'il restera toujours un homme discret sur ses
activités que ce soit en tant qu'élu au Consistoire israélite de
Paris ou en tant que bienfaiteur.
Originaire d'une famille alsacienne établie à Fontainebleau
vers 1784, Baruch Weil est né à Paris en 1780, du moins est-ce
ce qu'il déclare en 1808. Cette information peut sembler
douteuse car faute d'obtenir des renseignements d'état
civil avant les mesures révolutionnaires puis
napoléoniennes, les juifs préféraient alors donner le lieu
où ils résidaient. Il est donc fort possible qu'il soit plutôt
né à Niedernai en Alsace. Le milieu est très modeste du
fait que son père est un petit artisan en porcelaine.
D'ailleurs, Baruch Weil, qui n'a pas eu une éducation
poussée, poursuivra l'œuvre paternelle et la fera prospérer
au point de devenir un notable parisien. Breveté par Louis
XVIII, il compte parmi sa clientèle la duchesse de Berry.
En 1827, la croix de Chevalier de la Légion d'honneur lui
sera remise par Charles X pour ses activités
professionnelles.
Auparavant, il s'est marié deux fois suite au décès de
sa première épouse. De ces unions, il aura 8 enfants dont
le pamphlétaire Godchaux Weil (qui signe sous le
pseudonyme Ben Lévi) et l'architecte Moïse (Maurice)
Weil. Nathé, le fils aîné de son second mariage sera le
grand-père de Marcel Proust. Baruch Weil est ainsi l'arrière
grand-père de l'écrivain.
Traditionaliste, Baruch Weil s'intéresse très tôt aux
affaires communautaires et lorsque le Consistoire israélite
de Paris est créé, c'est tout naturellement qu'il est choisi
pour être l'un de ses membres . Il a déjà eu l'occasion de
montrer ses dons d'organisateur en étant l'un des membres
influents de la confrérie du cimetière ashkénaze de
Montrouge. Aussi, dès 1809, devient-il le receveur de la
synagogue rue du Cimetière Saint André des Arts pour
réunir les taxes sur le culte. Comme les autres notables,
il souhaite promouvoir l'ascension de ses coreligionnaires
par l'éducation. Celle-ci constitue pour lui un moyen
d'échapper au paupérisme et de s'intégrer dans la société.
26 INFORMATION JUIVE Décembre 2007
© ACIP - DSI
PAR PHILIPPE LANDAU
Aussi est-il l'un des principaux bienfaiteurs de la première école
primaire israélite de Paris en 1819. C'est lui qui propose David
Drach pour en devenir le directeur. Ce dernier ne lui est pas
inconnu car il fut le précepteur de ses enfants à partir de 1813.
De même, il est dévoué à la Société d'Encouragement et de
Secours fondée en 1809 et dont les tâches sont nombreuses, en
particulier " veiller les malades pauvres " et " suivre en cas de
décès le convoi. " Toutefois, il sait se montrer sévère. Dans un
règlement consistorial, il impose que tout israélite pauvre qui
sera ivre ou en train de jouer aux cartes dans un estaminet se
verra privé des aides communautaires. Régénération oblige !
Bien évidemment, il est l'un des premiers à souhaiter
l'édification d'une grande synagogue parisienne. Il se démène
pour recueillir les fonds nécessaires à la construction de la
synagogue Nazareth dès 1819. Elle sera inaugurée en grandes
pompes le 5 mars 1822. Le grand rabbin Abraham de Cologna
rendra aux administrateurs (dont Baruch Weil) un vibrant
hommage dans son discours d'inauguration.
Baruch Weil repose avec nombre de ses enfants dans le carré
israélite au cimetière du Père Lachaise.
Ordonnance royale du 29 juin 1819, qui autorise la construction de la synagogue
de la rue Nazareth

La synagogue
de la rue Nazareth
Les deux synagogues de la rue Sainte Avoie et de
la rue de Chaume qui subsistent à la fin de
l'Empire sont devenues exiguës suite au nombre
croissant des israélites parisiens soit environ 6 000
âmes. Soucieux de donner au culte juif une image
nouvelle au sein de la cité, les notables
consistoriaux décident alors l'édification d'une nouvelle
synagogue, qui ne serait plus une " schule " selon l'expression
judéo-allemande mais deviendrait un temple.
Dès 1817, le projet germe mais l'institution n'a pas les moyens
financiers pour entreprendre pareille entreprise. Néanmoins,
plusieurs bourgeois dont Olry Worms de Romilly, Baruch Weil,
Léon Lan, Jacques Javal et bien d'autres, réunissent les fonds
nécessaires pour acquérir un terrain dans le VIe arrondissement
de l'époque où se trouve la grande majorité de la population
juive. En octobre 1818, ils achètent enfin une parcelle rue Neuve
Saint-Laurent dans un quartier en expansion, non loin de la
future place de la République. Par ordonnance du 29 juin 1819,
le roi Louis XVIII autorise la construction d'un lieu de culte.
Des titres d'action de cinq cents francs sont alors nécessaires
pour réunir la somme suffisante à l'édification. John Hatzfeld
est nommé trésorier tandis que Worms de Romilly et Baruch
Weil contactent l'architecte Sandrié de Jouy. Pour ce dernier,
l'édifice doit rester discret. Il ne prévoit pas une ouverture
solennelle côté rue. Un sobre pavillon et une cour doivent
précéder le lieu de culte. Le style sera néo-classique, une seule
décoration ornera l'Arche : " Sache devant qui tu te trouves. "
La disposition reste conforme à la tradition avec au centre la
bima où les fidèles lisent la Torah., La galerie des femmes se
trouve au premier étage avec des tribunes grillagées et étroites.
Unique concession à la modernité : une chaire est installée en
face de la bima afin que le rabbin puisse affirmer son autorité
sur les fidèles. Une pièce annexe est cependant réservée aux
Israélites dits portugais qui, en 1851, auront leur propre
synagogue rue Lamartine.
En grandes pompes la synagogue est inaugurée le 5 mars
1822. Le grand rabbin Cologna remercie les notables et les
donateurs puis rend grâce à Dieu et au roi : " Dieu de clémence
et de bonté, répands tes bienfaits sur Louis le juste ! Que la tige
des Bourbons croisse et s'élève ! Accorde à tous les enfants de
notre immortelle patrie d'innombrables années de bonheur et
de paix ! " Le grand rabbin Michel Seligmann officiera en ce
lieu jusqu'à sa mort ; il sera ensuite remplacé par Marchand
Ennery.
Hélas, bâtie avec peu de moyens et à la hâte, la synagogue
présente de nombreuses fissures à partir de 1842 et menace de
s'écrouler. Le Consistoire israélite de Paris envisage dès lors une
reconstruction. Afin de répondre aux souhaits des 20 000
israélites parisiens, il est décidé d'édifier une synagogue plus
vaste et plus fastueuse. Le président de l'époque, le docteur
Moïse Cahen, confie le projet à l'architecte Jean-Alexandre
Thierry. La Ville de Paris entend participer aux frais pour moitié.
L'architecte fait disparaître la cour intérieure et certaines
annexes pour obtenir davantage d'espace car près de 1 200
BICENTENAIRE
places sont prévues. En référence aux douze tribus qui
symbolisent le peuple d'Israël, il décide d'organiser le plan avec
douze arcades. Thierry justifie ainsi son choix : " Ce nombre 12
exprime une pensée religieuse ; il représente les 12 tribus, de
même qu'au premier étage, dans la grande tribune des dames,
les 3 arcades figurent les 3 prophètes… " Il s'inspire aussi des
styles byzantin et de la Renaissance avec des ornements
mauresques pour embellir la synagogue. Ainsi, lorsqu'elle est
inaugurée le 1er avril 1852 en présence du préfet, la synagogue
de la rue de Nazareth est la première à être de style romanobyzantin.
Cette vision architecturale de l'art synagogal définira
l'ensemble des édifices israélites sous le Second Empire. Le
rappel de critères orientaux constituera la principale différence
d'avec les églises. Fromenthal Halévy dirige alors les chœurs
au son de l'orgue puis le grand rabbin de Paris Lazard Isidor
prend la parole. Il rappelle que l'esprit du judaïsme n'est pas
mort et ne mourra jamais. Pour lui, ce majestueux édifice est le
reflet d'un judaïsme moderne et authentiquement français car
" …nous formons une nouvelle génération, et nous apportons
à la société une somme de travail égale à celle de nos frères des
autres cultes… "
Jusqu'à la perte de l'Alsace-Lorraine en 1871, la synagogue
réunit principalement des juifs de souche parisienne, des
Allemands et des Hollandais. Par la suite, elle est davantage
alsacienne. Les parents de Léon Blum la fréquenteront.
Ouverte au public pendant l'Occupation, elle est
victime d'un attentat perpétré par des collaborateurs en octobre
1941 . Le rabbin Joseph Sacks veille à maintenir les offices
malgré les difficultés et les arrestations. Le 6 février 1944, avec
sa femme, il est arrêté, transféré à Drancy puis déporté.
Durant plusieurs années, la communauté de la rue Nazareth
panse ses plaies et accueille désormais des fidèles originaires
d'Europe centrale et de l'Est. A partir des années soixante, même
si elle est consacrée au rite ashkénaze, son public devient
majoritairement séfarade. Elle connaît à nouveau un regain de
dynamisme. Ph. L
© ACIP - DSI
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 27

JUDÉITÉ
Les choix
d'Abraham Drucker
C'est, sauf erreur, la
première fois que
Michel Drucker révèle
ainsi que ses parents
étaient d'origine juive,
venus en France de
Czernowitz devenue Tchernovtsy. Son
père Abraham, médecin de campagne a
élevé ses enfants dans " un milieu de
pudeur, de décence et de discrétion ".
Pourquoi décide-t-il un jour, contre l'avis
de sa femme, de baptiser ses trois enfants
et de leur faire faire la communion ( pas
la bar-mitsva) ? L'animateur de télévision
ne s'explique guère là-dessus si ce n'est
en écrivant que le père avait " la
culpabilité du juif survivant " et que, pour
lui, " après avoir porté l'étoile jaune, il ne
fallait pas la ramener ".Le fils ajoute que,
pour le père, " étudier était la seule façon
de découdre l'étoile jaune ". Michel
Drucker raconte cependant que " pendant
des années, ce baptême a suscité des
engueulades à travers la maison ". " Ma
mère - écrit Michel Drucker - a toujours
soutenu Israël, presque aveuglément, face
© Tracy Martinez / fotolia
28 INFORMATION JUIVE Décembre 2007
à un mari et à des enfants beaucoup
moins sionistes qu'elle ".
Tout cela n'empêchera pas Abraham
Drucker - processus classique -, sans
doute parce qu'il a tenu à garder malgré
tout son prénom biblique, de voir des
confrères antisémites tout faire pour
empêcher son installation. On apprend
au fil des pages que l'auteur ne s'est rendu
qu'une seule fois en Israël, sur le tournage
de Rambo, voir Sylvester Stallone, qu'il
ne va pas à la synagogue, qu'il ne fait pas
kippour mais qu'il a envie " au moins une
fois " de revenir sur les lieux de ses
racines. Michel Drucker ajoute comme
on ferait une confession : " Peut-être
demande-t-on davantage aux enfants des
familles juives, l'inquiétude y est un
penchant naturel…Chez nous l'argent
était sans valeur. Le summum de la
réussite aurait été d'écrire des livres ou
de devenir violoniste - à la maison on
écoutait Isaac Stern, Yehudi Menuhin et
Rostropovitch ". On apprend également
que la mère de Michel achetait les
Michel Drucker
cornichons chez Goldenberg et que le
dimanche soir, à la maison, on dégustait
" l'incontournable strudel ".
Lorsqu'il épousera à la va-vite, à Las
Vegas, entre 11 heures et midi, Dany
Saval, Michel note : " Au fond de leur
Normandie, mes parents n'auraient pas
à découvrir à la une de la presse
populaire la photo de leur fils épousant
une actrice divorcée avec un enfant, goy
de surcroît ". Bien que baptisé, il arrive
que Michel reçoive des lettres
antisémites, que des croix gammées
soient taguées sur le capot de sa voiture
et que des étoiles jaunes tombent de
certaines enveloppes. Et Drucker
d'observer : " Souvent je me dis que si
Internet et les portables avaient existé
sous l'Occupation, la Gestapo aurait
gagné beaucoup de temps. Le devoir de
mémoire dans notre pays reste aussi un
devoir de vigilance " (Mais qu'est-ce qu'on
va faire de toi ? par Michel Drucker.
Editions Robert Laffont 21 E)
J.S

Juifs et Noirs
Il y avait ceux qui considèrent (et
parfois nous l'écrivent) que les juifs sont
plus intelligents que les autres ( un grand
rabbin en Israël a fait une retentissante et
affligeante déclaration dans ce sens il y a
quelques jours ) et ceux qui, comme James
Watson, prix Nobel de médecine en 1962
et co-découvreur de la structure de l'ADN
qui déclarent froidement que les Africains
seraient moins intelligents que les Occi-
Les “versets” du Talmud
dentaux. M. James Watson a indiqué que
" ceux qui ont à traiter avec des employés
noirs savent qu'il n'est pas vrai que tout le
monde soit égal ". Et nous, nous disons que
les deux démarches procèdent d'un identique
racisme. Comme si seuls les uns - et
pas les autres- étaient " créés à l'image de
Dieu "….
Question : les juifs originaires d'Afrique
( Ethiopiens par exemple) sont-ils, en tant
que juifs, plus intelligents que les autres
ou, en tant que noirs, moins intelligents ?
On peut vouloir écrire un livre sur le Christ sans forcément savoir ce qu'est le Talmud
- cela a été le cas pendant des siècles ; on peut être le directeur d'une publication
comme Le Monde des religions et ne jamais avoir eu sous les yeux un des traités du Talmud
: il n'y a pas de mal à ça. Mais pourquoi, au lieu de parler des versets du Talmud
ainsi que le fait Frédéric Lenoir dans son livre Le Christ philosophe ( Editions Plon, page
33) ne pas se donner la peine de se renseigner auprès de tel de ses collaborateurs ou
bien en consultant telle ou telle anthologie ?
Non, M.Lenoir, il n'y a pas de versets ( ni sataniques ni autres ) dans le Talmud. Parler
du verset 43a ou du verset 170b ainsi que vous le faites est simplement grotesque.
Vous avez dit grotesque ? Si vous aviez pris connaissance de l'œuvre de l'humoriste Cholem
Aleikhem, vous y auriez observé qu'il dit ne s'adresser ainsi (en évoquant les versets
du Talmud) qu'aux ignorants, à ceux que le judaïsme appelle " ammé haaretz ".
Les langues juives
Juives originaires d’Ethiopie
Pour marquer le départ à la retraite de Moshé Bar Asher, professeur à l'Université
hébraïque de Jérusalem et président de l'Académie hébraïque, un colloque scientifique
consacré à l'hébreu et aux " langues juives " et réunissant un grand nombre de personnalités
du monde culturel israélien a eu lieu à Jérusalem. Parmi les thèmes abordés
au cours de ce colloque citons " l'hébreu dela Bible ", "la langue des maîtres du Talmud",
"l'araméen dans le Talmud ", " l'hébreu au Moyen Age " et " les langues juives ".
REPÈRES
Sauvés !
Mais à quel prix ?
Le Prix de la Paix a été attribué, à
l'historien israélien Saül Friedlander , le
14octobre dernier, à la Foire de Francfort.
Ce prestigieux prix est traditionnellement
décerné par les libraires allemands. Il est
doté de 25.000 euros.
Friedlander est né en 1932 à Prague de
parents juifs germanophones qui furent
exterminés au camp de concentration
d'Auschwitz. Il s'était installé en 1948 en
Israël. Son livre le plus connu est consacré
à L'Allemagne nazie et les juifs ( Editions
du Seuil )
Moshé Morrovitch
Bernard Morrot, le journaliste qui
vient de nous quitter, avait été directeur de
la rédaction ou rédacteur en chef de divers
quotidiens ou hebdomadaires à Paris.
A France Soir notamment, il avait pris l'initiative
d'une vigoureuse campagne de
presse contre le Front national et son chef.
Dans le livre qu'il a publié en 2000 " France
ta presse fout le camp " ( Editions de l'Archipel),
il raconte que sa chevauchée
contre le FN provoqua dans le journal un
afflux de lettres de protestations. Le directeur
du quotidien M.Chaisemartin lui en
remit un jour une dans laquelle le correspondant
" échafaudait l'hypothèse suivant
laquelle je n'étais peut-être pas un chrétien
pur jus, mais un juif ayant francisé son
nom afin de mieux tromper les vrais produits
du terroir ". Bernard Morrot ajoute :
" C'était, je m'en souviens, un colonel du
cadre de réserve que j'appelai aussitôt pour
lui confirmer qu'il avait vu juste puisque
j'étais connu dans toutes les synagogues
de l'Hexagone sous ma véritable identité
de Moshe Morrovitch (j'épelai). Il parut
rassuré. Je terminai en lui lançant : Mazel
Tov "
La rue
Yehouda Halévy
De nombreux poètes israéliens dont
notre ami HaïmGouri ont organisé à Jérusalem
une manifestation à la mémoire du
poète Yehouda Halévy dans le but de réclamer
de la municipalité de la ville qu'elle
restitue à une des rues du quartier Rehavia
le nom du poète du Moyen Age. En
effet, Menahem Ussishkin avait, en 1930,
décidé de transformer la dénomination de
cette rue et de lui donner son propre nom.
Des poèmes de Yehouda Halévy ont été
lus à cette occasion . En signe de protestation,
ils ont également été collés sur les
bâtiments de la rue.
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 29

DIASPORA
Des synagogues
au pays de la salsa
DCuba, la plus grande île des Caraïbes - 110.861
km2 (1/5 de la France) pour 12 millions
d'habitants - offre aux visiteurs une belle
architecture coloniale espagnole notamment à
Trinidad, dans le Vieux Havane, et à Santiago,
des paysages époustouflants - Vallée des
Mogotes près de Vinalès, Parc Humboldt près de Baracoa -, des
plages et des petits orchestres oeuvrant jour et nuit, le jour pour
accompagner les touristes, la nuit pour le plaisir des autochtones.
Lorsque Christophe Colomb y débarque en 1492, il croit
toucher les terres du Grand Khan qui peuplent ses rêves. La
domination espagnole perdurera, jusqu'en 1898, quatre siècles
d'oppression pour les indigènes et les esclaves importés
d'Afrique. La période qui suit l'indépendance de 1898 n'est pas
moins mouvementée entre les interventions américaines (1906
à 1917) et les dictateurs cubains qui se succèdent. En 1952,
Fidel Castro, jeune avocat de 26 ans issu d'une excellente famille
(fortunée) domiciliée à Biran commence à tenir des discours
révolutionnaires. L'année suivante, le 26 juillet 1953, il lance
l'attaque contre la caserne Moncada à Santiago de Cuba qui se
solde par un échec. Emprisonné, libéré en mai 55, il part au
Mexique où il rencontre Ernesto Che Guevara et programme
son retour à bord du Granma. Nouvel échec et fuite dans la
sierra Maestra d'où sa guérilla s'organise et finit par triompher.
Batista fuit à Saint-Domingue. Fidel entre à La Havane en
janvier 1959 et rapidement s'adjuge tous les pouvoirs :
nationalisations, cartes de rationnements pour tous les cubains
(toujours en vigueur) et double monnaie, le pesos national et
le pesos convertible pour les
touristes, mais aussi gratuité
de l'éducation et des soins
médicaux de base. Mais aussi
embargo américain et fuite
des cubains qui le peuvent.
Le premier juif à poser le
pied sur l'île se nommait Luis
de Torres, sans doute né Yosef
Ben Halévy Haïvri. Il se
convertit à la foi chrétienne
peu avant le départ et
accompagne Christophe
Colomb en qualité
qu'interprète car il parlait
couramment hébreu, arabe et
araméen. Lors du retour de
Colomb le 4 janvier 1493,
Luis de Torres doit rester avec
38 compagnons à La Navidad
fondée sur l'île d'Hispaniola
(aujourd'hui Saint-
Domingue). Fin 1493 lors de
la seconde expédition de
32 INFORMATION JUIVE Juin 2007
PAR ODETTE LANG
Colomb les marins apprendront l'anéantissement de la petite
garnison.
Des juifs et des marranes débarquent avec les colons
espagnols. Leur répit sera de courte durée, les jalousies et les
dénonciations se multiplient avec l'installation de la Sainte
Inquisition sur l'île. En 1613 l'Inquisition confisque la fortune
estimée à 149.000 pesos du richissime Francisco Gomez de Leon
de La Havane : on l'accuse de judaïser en secret et on le livre
aux mains du bourreau. En 1627 ce sera le tour de Luis
Rodrigues et d'Antonio Mendez. Insatiable, l'Inquisition extorque
150.000 pesos à Blas de Paz Pinto, Juan Rodrigues Mésa et
Francisco de Solis. En 1642 on déterre les ossements de l'oncle
du marrane Miguel Nunez de Guerta pour son exécution en
effigie. Les martyres se succèdent : celui de Vincente Gomez
Coello en 1689, de Jacob Nunez Lopez en 1712, de Fray Joseph
Diez Pimienta malgré son retour au christianisme en 1717, de
Juan Rodriguez Mexia et d'Antonio Santaella en 1783.
L'Inquisition est enfin abolie au début du 19ème siècle et les
juifs tolérés depuis 1881. Après l'indépendance, des
coreligionnaires de la Jamaïque, de Floride ainsi que des
vétérans de la guerre espagnole/américaine débarquent. En
1904 est fondée une Congrégation. Dix ans plus tard des juifs
sépharades turcs édifient la première synagogue cubaine -
Chevet Akhim - dans le Vieux Havane (aujourd'hui désaffectée).
A partir de 1925/26 des juifs d'Europe de l'Est transitent par
Cuba dans l'espoir d'un visa d'entrée pour les Etats-Unis. Mais
Façade d'entrée de la synagogue Beth Shalom El Patronato

dès 1930 le gouvernement applique strictement sur son territoire
les restrictions d'immigration. La tragique odyssée du bateau
allemand le St-Louis parti de Hambourg le 13 Mai 1939 avec,
à son bord, 937 réfugiés et quelques espions nazis, interdit de
débarquement et obligé de rentrer en Europe, en est un poignant
témoignage.
En 1959, on compte environ 15.000 juifs. La plupart, suite à
la politique économique mise en place, quittent le pays pour
les Etats-Unis, Israël, le Mexique entre autres. Aujourd'hui il
en reste environ 1.200, 80% à la Havane, 15% à Santiago et
quelques familles dispersées dans d'autres villes.
La Havane
Trois millions d'habitants - 950 juifs - trois synagogues ouvertes
au culte, deux au Vedado la ville moderne, une dans la vieille
ville. Le but de notre voyage, en dehors de l'attrait touristique,
est de mener à son terme une action de bienfaisance en faveur
des juifs locaux, car il y a pénurie de tout. Edifiée au cœur de
l'ancien quartier juif du Vieux Havane, la synagogue orthodoxe
Adath Israël - Picota 52 Esq. Acosta, Habana Vieja - compte
plus de 400 adhérents. Nous y sommes accueillis par Yacob
Berezniak à la fois responsable administratif, hazan et shohet.
Notre visite débute dans un vaste oratoire sur le mur duquel
Yacob nous projette une vidéo retraçant la vie de la communauté.
A côté, dans la salle communautaire, des femmes sont occupées
à des travaux de couture. Au premier étage, nous pénétrons
dans une superbe synagogue pouvant contenir jusqu'à 800
personnes, utilisée pour les fêtes et les cérémonies
exceptionnelles. Au-dessus encore, les classes du Talmud-Torah.
Dans l'immeuble, beaucoup de tableaux religieux et quelques
meubles offerts par des visiteurs de passage, surtout des
Français. Non, il n'y a pas d'antisémitisme sur l'île, nous confirme
Yacob. Il n'y a pas non plus de relations diplomatiques avec
Israël, mais l'alyah est possible par le biais de l'ambassade du
Canada.
Dans la Havane moderne, la grande synagogue Beth Shalom
El Patronato - la Casa de la Communidad Hebrea de Cuba -
Calle i Esq. 13 - Vedado - aujourd'hui Conservative (environ
400 adhérents également) est visible de loin par son arche et
sa splendide façade illustrée des animaux des 12 tribus d'Israël.
Ce vaste ensemble comprend une synagogue de belles
proportions, un centre communautaire/salle à manger et sa
cuisine, les locaux de l'Ecole ORT au premier étage, les classes
du Talmud-Torah fréquentées par 70 élèves ainsi qu'un
dispensaire dirigé par un médecin, qui distribue gratuitement
médicaments et soins aux juifs et non-juifs (nous y laisserons
les médicaments de nos participants avant notre retour en
France). Sa présidente actuelle, Adela Dworin, nous reçoit dans
la bibliothèque qui lui sert de bureau. C'est une femme
dynamique et cultivée dont les parents sont arrivés de Pologne
en 1924. Son père qui fut colporteur a réussi à fonder sa propre
entreprise. Adela est née à Cuba ; son mari a quitté le pays pour
les Etats-Unis, alors qu'elle a choisi de rester. Elle déroule pour
nous l'historique des juifs cubains, s'arrêtant longuement sur "
l'ère Fidel Castro ". Il fut accueilli avec espoir lors de sa prise
de pouvoir, mais la population a rapidement déchanté avec la
fermeture des écoles privées et les nationalisations. Les juifs
qui le pouvaient sont partis. Les années 1960-80 ont été les plus
difficiles pour la communauté juive, avec le départ, entre autres,
du rabbin, guère remplacé, et du mohel. A partir de 1990, la
politique change et aujourd'hui on observe un peu plus de
liberté. Il y a quelques années, Fidel Castro, sur l'invitation
d'Adela lors d'une rencontre inter-confessionnelle, est venu
DIASPORA
Yacob Berezniak dans la synagogue Adath Israël
assister à un office de Hanouka et y prononça un discours de
deux heures. Les photos qui ornent fièrement le hall d'entrée
de l'immeuble ont immortalisé l'événement.
La petite synagogue sépharade Centro Sefardi - Calle 17 Esq.e
- Vedado et son centre communautaire sont situés à quelques
rues du Beth Shalom El Patronato. Jose Levy Tur préside à la
destinée de ses fidèles avec beaucoup de dévouement et de
chaleur.
A Santiago de Cuba, la communauté juive est petite, environ
180 âmes, mais extrêmement soudée. Ses débuts remontent à
1924 lors de la venue de juifs turcs. La synagogue actuelle -
Communidad Hebrea Hatikva - Corona 273 e/Habana y Los
Maceo a été édifiée en 1949. Sa présidente, Eugenia Farin, est
une femme d'une rare efficacité. Nous passerons à Santiago
notre Chabath le plus émouvant, le plus convivial. Durant l'office,
ashkénazes et sépharades prient de concert, avec la même
ferveur. Le repas du vendredi soir pris en commun nous permet
une meilleure connaissance des membres de la communauté.
A notre demande Eugenia évoque elle aussi les difficiles années
Castro, l'expropriation de la synagogue en 1979, la demande,
acceptée, de sa reconstruction en 1995 avec la miraculeuse
retrouvaille de l'Aron Hakodech dans les décombres de l'édifice.
Comment subsistent les synagogues et les communautés de La
Havane et de Santiago ? Financièrement grâce à la générosité
des cubains expatriés, des visiteurs et surtout par les dons
émanant des organisations juives notamment américaines.
Humainement grâce au dévouement sans limite de leurs
responsables communautaires qui se battent pour que, contre
vents et marées, le judaïsme puisse survivre à Cuba.
INFORMATION JUIVE Juin 2007 33

PENSÉE JUIVE
UN ENTRETIEN AVEC BETTY ROJTMAN *
Quand l'âme de Moïse
touche à sa plénitude
Notre amie Betty Rojtman est professeur d'université en Israël.
Elle vient de publier un livre consacré à Moïse, prophète des nostalgies
(Editions Gallimard, 18 E 50 ), un livre qui est écrit sous forme
d'un long poème en prose.
Dans l'entretien qu'elle nous a accordé lors de son passage à Paris, Mme
Rojtman s'explique sur le regard qu'elle jette sur " le plus grand prophète
d'Israël”. Betty Rojtman
IJ : Pourquoi avoir choisi, pour évoquer
la personnalité de Moïse, le poème
plutôt que le récit traditionnel ?
Betty Rojtman : La forme poétique
prise par ce texte n'était pas mon
option de départ. J'avais plutôt songé
d'abord à mener une réflexion théorique
sur la place du monde " d'en bas
" dans la tradition juive. Ce n'est que
peu à peu, dans le travail de l'écriture,
que le choix d'une expression poétique
s'est imposé à moi. Il m'est vite
apparu que le personnage de Moïse,
figure hautement symbolique, et qui
hante l'imaginaire des peuples, méritait
mieux qu'une démonstration
didactique, tout encombrée de savoir.
La langue poétique, par ses raccourcis
et ses métaphores, permettait au
contraire d'aller plus loin vers l'indicible,
d'emporter la lecture vers des
régions intuitives, inexplorées, que la
pure spéculation ne pouvait atteindre.
IJ : Que signifie la formule " prophète
des nostalgies " qui est le sous-titre que
vous donnez à votre livre ?
B.R : Moïse, dans la tradition
d'Israël, fut le plus grand de nos
prophètes. Pourtant, cette proximité
au divin ne fait que creuser plus avant
34 INFORMATION JUIVE Décembre 2007
sa faim de Révélation. Prisonnier du
réel, il ne peut vivre et " voir ", et
s'épuise dans ce désir non comblé. A
la fin de sa longue aventure,
cependant, Moïse se découvre une
nostalgie symétrique : celle de la
Terre, où il n'entrera pas, et qu'il
aperçoit seulement, de loin, du haut
du mont Nébo. Lui, qui n'avait jamais
rêvé que le ciel, reconnaît au moment
de mourir la force spirituelle du
terrestre, sa valeur de vérité, sa beauté
aussi. C'est dans cette tension entre
Moïse, dans la tradition d'Israël, fut le plus grand
de nos prophètes. Pourtant, cette proximité au divin
ne fait que creuser plus avant sa faim de
Révélation.
deux frontières inaccessibles que j'ai
voulu saisir mon personnage et son
cheminement.
IJ : Votre prologue s'ouvre sur l'image
du berceau de Moïse, poussé " au long
d'un Nil initiatique ". En quoi cette scène
est-elle pour vous fondatrice ?
B.R : C'est par l'eau, un peu à la
manière freudienne, que l'enfant
Moïse goûte d'abord à l'infini.
J'imagine cette lente dérive dans la
solitude, loin de tout port, coupé de
toute attache, vers l'inconnu. Moïse
flotte entre deux rives, sans appartenir
vraiment. Il est l'homme de l'exil, d'un
exil métaphysique et essentiel, qui
traduit notre condition humaine, notre
propre condition de voyageurs. Moïse
vit ces mêmes déchirements, mais de
façon plus intense : aspirant au retour,
bercé d'un perpétuel flottement, et
poussé comme malgré lui vers le réel
et vers les hommes.
IJ : Mais au début, cela semble se
passer plutôt bien, puisqu'il est adopté par
la fille du Pharaon, et donc appelé au trône
de l'Egypte ?
B.R : Au palais du Pharaon, il
apprendra le métier de roi, tout ce qui
est nécessaire à sa carrière de chef
militaire et civil. En même temps,
quelque chose lui manque, une
dimension de transcendance, un
souvenir d'eau qui ne le quittera
jamais. L'Egypte du temps, gorgée de
sarcophages et de pyramides, ne lui
offre à cet égard qu'une échappée vers
la mort, un peu à la façon de notre
civilisation contemporaine, fascinée
par le néant.
Au moment où il tue l'Egyptien,
pour sauver l'un de ses frères
Hébreux, Moïse croit avoir trouvé une
première réponse, celle de la solidarité
des opprimés contre le pouvoir. Mais
le lendemain, c'est la catastrophe :
menacé d'être dénoncé, il doit s'enfuir,
déçu du peuple hébreu, et comme
spolié de tout idéal.
IJ : Que représente pour lui Jéthro, le
grand-prêtre de Midian, dont Moïse épousera
la fille ?
B.R : Midian, c'est l'option éthique,
la relation de générosité par rapport à
autrui. Jéthro nous est présenté par le

Midrach comme un sage, revenu de
toutes les idolâtries. " Pourquoi avoir
laissé partir l'étranger ? ", dit-il à ses
filles, " rappelez-le, qu'il partage notre
pain ". Moïse reconnaît dans cette
bonté quelque chose de sa propr e
exigence, et il choisit de rester là, près
de ce philosophe athée qui lui offre sa
fille. Mais le prix à payer est terrible
: un ciel irrémédiablement clos, où
aucune Présence ne réside. Moïse erre
longuement dans cette atmosphère
hospitalière mais stérile.
IJ : Comment interprétez-vous l'épisode
du Buisson ardent ?
B.R : Le Buisson, qui brûle sans se
consumer, constitue pour Moïse un
premier indice. Par cet " étrange
phénomène " qui le fait sortir de son
propre chemin, Moïse comprend pour
la première fois que la réalité
matérielle peut recevoir le feu, qu'elle
peut s'enflammer, sans pour autant en
être détruite. Pour la première fois,
matière et esprit entrent en relation,
sans s'opposer ni s'exclure de manière
irréductible.
IJ : Et la Révélation au Sinaï ?
B.R : Avec le Sinaï, bien sûr, nous
atteignons un sommet. Il semblerait
que l'âme de Moïse coïncide enfin
avec elle-même, touche enfin à sa
plénitude. Quarante jours et quarante
nuits, il reste sur les hauteurs, sans
manger ni boire, ivre de ce vertige. Au
point que Dieu doit lui répéter son
injonction : " Lekh, red ", va, descends,
comme si Moïse n'entendait pas,
comme s'il se faisait tirer l'oreille, pour
rester encore. Et il s'attarde,
effectivement, d'un retard qui oublie
la terre, et qui mène à la catastrophe.
Puisque loin, au-dessous de lui, la
foule inquiète s'apprête à fabriquer le
veau d'or.
IJ : C'est alors que Moïse brise les
Tables ?
B.R : Oui, de sa propre initiative,
incapable encore de conjuguer la Loi
et la faute dans un même ordre de
réalité. Sa première réaction, c'est de
séparer. Mais il y a une suite à au bris
des Tables. C'est l'ordre, intimé par
Dieu, de façonner de nouvelles Tables,
taillées cette fois de main d'homme.
On retrouve ici la grande leçon du
Buisson ardent : les secondes Tables
sont hybrides elles aussi, alliant
paradoxalement la matière première,
tirée du sol, et la Lettre gravée par le
doigt de Dieu. C'est lorsqu'il porte ces
Tables imparfaites, justement, moins
Nous portons en lui,
enfants d'Israël, chacun
d'entre nous,
une étincelle qui
lui ressemble.
éthérées que les premières, que le
visage de Moïse rayonne. Comme si
leur pouvoir d'irradiation était
supérieur à celui des Tables
originelles, par leur mélange même.
IJ : Vous n'abordez guère dans votre livre
le problème qui a divisé depuis toujours
les commentateurs : la question de savoir
pourquoi Moïse n'a pas été autorisé à
entrer en Terre Sainte.
B.R : Quelque chose en lui
appartient au désert, à la nudité sans
bornes du Sinaï. Sa " faute ", qui reste
énigmatique dans tout le texte, semble
avoir surtout valeur de signe : Léon
Askénazi expliquait que Moïse ne
PENSÉE JUIVE
pouvait entrer en Israël, et que la
faute, en conséquence, devait lui être
comptée. La Terre dont rêve Moïse
n'est pas encore, elle est la Terre en
devenir, celle " qui vient ".
En diptyque, le Midrach nous
présente le poignant regret né au
cœur de Moïse, comme une aube
nouvelle : son soudain désir de
passer de Jourdain, en simple
fantassin, sans mission ni rêve,
d'entrer seulement, comme les
autres. Désir de la Terre qui se
réveille en lui, dans son présent
inachevé : comme s'il comprenait,
enfin, par l'interdit même et la
souffrance, le pouvoir spirituel de la
matière, et la vocation salvatrice du
vivant.
IJ : A la fin de cette symphonie
poétique, vous vous adressez à Moïse en
disant : " Tu nous habites aujourd'hui ".
B.R : La Mort de Moïse, avec tout
ce qu'elle comporte d'angoisse
tragique, de grandeur et de
révélation, occupe tout un chapitre
du livre. Moïse meurt, mais dans
l'instant où il se réconcilie avec la
vie. C'est à la fois une résolution, et
un déchirement, tout ce qui se
bouscule dans une âme qui avait la
vocation de l'infini, et s'est trouvée
prise au piège de l'espace et du temps.
Et nous portons en lui, enfants
d'Israël, chacun d'entre nous, une
étincelle qui lui ressemble. Un peu de
son aspiration, un peu de son refus, et
un peu, aussi, de la réponse, qui
consiste à retrouver, sur la terre que
nous foulons, le ciel qu'elle porte en
elle.
Ainsi Moïse nous accompagne, et
avec lui la chaîne des morts qui ont
cru pour nous, et nous ont précédés.
Je ne puis évoquer cette image de
partage et d'enseignement sans
rappeler ici le souvenir de mon père,
le grand rabbin Paul Roitman, qui
nous a quittés cet été, et auquel je
dédie mon livre.
Lui aussi est parti en quête d'une
vérité. Il semble l'avoir trouvée hors
de toute transcendance, dans un pur
rapport de générosité à autrui.
*Professeur et écrivain
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 35

HISTOIRE
Eliezer Ben Yehuda
(1858-1922)
Eliézer Ben Yehuda - ce nom connu jusqu'ici
dans le petit monde des hébraïsants et des
hébréophones - vient d'obtenir une reconnaissance
internationale grâce à la récente
initiative de l'UNESCO. Certes il y a déjà des
années que les villes d'Israël - grandes ou
petites - ont leur rue Ben Yehuda, et plus de deux décennies
que les enfants chantent avec Matti Kaspi :
Eliézer Ben Yehuda, quel drôle de bonhomme !
Il a sorti des tas, des tas de mots de son cerveau fertile;
Qui était ce Ben Yehuda ? Un "fabricant de mots" ? Dans
une certaine mesure, mieux que cela en fait : mehayé ha
lashon ha'ivrit, dit-on de lui, celui qui a ressuscité la langue
hébraïque. Cette appellation soulève au moins deux questions
: quelle langue morte peut ressusciter ? Comment un homme
serait-il capable de la faire revenir à la vie ?
À la première, il sera brièvement répondu que,
de toutes les langues réputées "mortes", seul
l'hébreu a ressuscité. Cela veut dire que, sorti
de l'usage quotidien depuis deux
millénaires (les dernières traces se situent
à l'époque de la révolte de Bar Kokhba
132-135), il est redevenu une langue
dans laquelle les enfants apprennent
à parler, étudient en classe, chantent
avec leurs amis, une langue dans
laquelle une armée donne ses ordres,
une assemblée vote ses lois, des
ministres font des discours, des savants
publient leur recherche, des cinéastes
tournent leurs films. Qui eût parié sur un
tel réveil au milieu du XIXème siècle ?
Pourtant déjà l'hébreu commençait à émerger
de son statut de langue liturgique et sacrée, il se
coulait dans des moules littéraires modernes tels le
roman. C'était alors l'époque de la Haskala, l'ère des Lumières,
née en Allemagne, qui avait trouvé ensuite son terreau
36 INFORMATION JUIVE Juin 2007
PAR MIREILLE HADAS-LEBEL*
L'Unesco vient de décider au cours de sa dernière assemblée générale de rendre hommage à l'œuvre
d'Eliezer ben Yehouda qui a été à l'origine de la renaissance de l'hébreu. Mireille Hadas- Lebel,
professeur à la Sorbonne et auteur d'un livre consacré à " L'hébreu : 3000 ans d'histoire "
(Editions Albin Michel.1992) rappelle ici ce qu'ont été l'itinéraire et l'œuvre de Ben Yehouda.
Eliezer Ben Yehuda
d'élection dans les communautés d'Europe centrale et
orientale, souvent persécutées et misérables mais avides de
s'ouvrir au monde du dehors sans pour autant se renier.
Curieusement, l'usage de l'hébreu dans des genres profanes
avait rempli cette mission, ainsi la presse hébraïque se
multipliait à Vienne ou à Odessa. Grâce à la Haskala, on
savait désormais que l'on pouvait écrire en hébreu à l'époque
moderne sur
toutes sortes de sujets - souvent il est vrai au prix de mille
contorsions et acrobaties verbales. Mais cette renaissance
littéraire pouvait-elle durer ? En 1871, l'un des plus
célèbres poètes de sa génération, Yehuda Leib Gordon
s'interrogeait doulou-reusement :
Qui sait si je ne suis pas le dernier poète de Sion.
Et si vous n'êtes pas mes derniers lecteurs ?
Parler l'hébreu n'avait jamais été au programme de la
Haskala. En s'ouvrant au monde, les maskilim qui jusque
là parlaient le yiddish au quotidien, allaient passer
à la langue du pays où ils vivaient.
C'est ici qu'intervient l'homme
providentiel né en 1858 dans une
bourgade de Biélorussie ; il ne s'appelle
pas encore Eliézer Ben Yehuda mais
Eliézer Perlman. Elève de yeshiva
influencé par la Haskala, puis
anarchiste à l'Université russe,
passionné par la lutte de nationalités
opprimées, il a un jour la révélation
que les juifs font partie de cette
catégorie et peuvent à nouveau
constituer une nation sur sa terre avec
une langue commune. Cette langue
existait, elle pouvait redevenir vivant " si
seulement on le voulait ".
Pour se préparer à vivre dans la terre de ses ancêtres, le
jeune Eliézer veut étudier la médecine à Paris. Il doit bientôt

y renoncer car il a contracté la tuberculose. Mais son projet
le poursuit : en Algérie où il séjourne pour sa santé, il pratique
l'hébreu avec les juifs locaux, dans un café du Boulevard
Montmartre il soutient une longue conversation en hébreu
avec un voyageur venu de Jérusalem.
Déjà il décide de rassembler tous les mots usuels dans un
dictionnaire qu'il veut appeler milon. C'est à Jérusalem où
Eliézer, qui a pris le patronyme de Ben Yehuda, s'installe en
1881 avec sa jeune épouse, que commence véritablement son
action et se crée sa légende. Infatigable défenseur de son
projet, il s'y emploie par tous les moyens à sa disposition. Il
enseigne l'hébreu en hébreu dans l'école de l'Alliance à
Jérusalem. Il publie un journal dans un hébreu puisé à toutes
les couches historiques de la langue, en recourant à des
termes de sa création quand les mots lui manquent. Il
s'entretient en hébreu avec un groupe d'amis et s'efforce de
mettre sur pied avec eux, dès 1890, un Comité de la langue,
chargé de pourvoir aux lacunes du vocabulaire et de trancher
les incertitudes de la prononciation. Il s'attelle à la tâche d'un
vaste dictionnaire historique (sept volumes sur seize seront
publiés de son vivant). C'est surtout son expérience familiale
qui contribue à la création de sa légende. Son fils aîné, Ben
Sion (qui prit plus tard le nom d'Ithamar Ben Avi 1 ), sera le
premier enfant qui n'aura pas entendu parler d'autre langue
que l'hébreu dès le berceau.
Ce petit homme à bésicles, frêle et sec, qui lutta plus de
trente ans contre la tuberculose qui le minait, avait une volonté
d'acier et une ardeur com-municative. Mais que peut un seul
homme ? Il ne suffit pas de vouloir, il faut qu'un projet
réponde aux besoins du moment. Or c'était le cas. Les jeunes
HISTOIRE
pionniers des nouveaux villages agricoles avaient maintenant
des enfants et n'envisageaient pas de les élever dans des
langues qui évoquaient "l'amer exil". L'hébreu représentait la
solution, même si les maîtres manquaient de tout -
Son fils aîné sera le premier enfant
qui n'aura pas entendu parler d'autre
langue que l'hébreu dès le berceau.
d'expérience, de manuels et surtout de mots. Les besoins
s'accentuèrent après 1903, avec la seconde aliya. C'est alors
que le Comité de la langue put commencer à remplir sa
mission. Déjà une nouvelle génération était at tachée à
l'hébreu : en 1914, quand il fut question de créer à Haïfa un
grand établissement scientifique (le futur Technion) où
l'enseignement se ferait en allemand, il y eut des
manifestations de rue.
En 1922, quand la SDN confia à la Grande-Bretagne un
mandat sur l'ancienne Palestine ottomane, l'hébreu était si
bien entré dans l'usage qu'on dut l'admettre comme langue
officielle du pays à côté de l'anglais et de l'arabe.
Eliézer Ben Yehuda mourut le premier jour de Hanoucca
de cette même année. Son rêve avait commencé à se réaliser
de son vivant.
(1) Avi "mon père" est formé des initiales d'Eliézer Ben Yehuda.
*Mireille Hadas-Lebel est professeur à la Sorbonne
INFORMATION JUIVE Décembre Novembre 2007 37

PHILOSOPHIE
D'Emmanuel Lévinas
à Benny Lévy
1. Emmanuel Lévinas : le retour du
pharisien
Paradoxe : que Lévinas dont
l'existence s'est déroulée "entre
l'hitlérisme inces-samment
pressenti et l'hitlérisme se refusant
à tout oubli "puisse être dans
le même temps celui sous la plume
de qui surgit à plusieurs reprises
l'exclamation : "Qu'il fait bon d'être
juif !".
Ce paradoxe exprime l'essentiel du
mouvement de pensée de Lévinas
relativement à l'existence juive : le fait
de pointer ce qu'il appelle, dans un
article capital intitulé " le virement
inattendu de la malédiction en
exultation. "Malédiction : Auschwitz,
"expérience inversée de l'universalité",
expérience de la solitude extrême
d'Israël au moment de la tourmente.
Expérience de l'irrémissibilité de l'être
juif, être rivé à soi, sans issue de secours : voilà la tragédie.
C'est en même temps le lieu de bascule selon Lévinas. L'êtrerivé
du juif à son être juif implique une nouvelle façon de
penser l'être - les lecteurs de Lévinas savent que ce fut là l'un
des efforts essentiels du Lévinas philosophe. Autrement qu'être
: être, non pas au monde, puisque le monde pouvait au cœur
du XX° siècle vomir les juifs, mais être en tant que créature
(là encore une notion centrale dans la philosophie de Lévinas),
c'est-à-dire être sous l'impératif de la création et du
commandement, être-enjoint.
À partir du malheur extrême, ramener
le juif à sa vérité : le pharisien. Que ce
mouvement soit central dans la pensée
de Lévinas ne signifie certes pas que
cette pensée se réduise à lui. Outre des
expériences pré-philosophiques, renvoyant
aux "grandes littératures
nationales " comme à ce que Lévinas
appelait le " sensé biblique ", les sources
de la pensée de Lévinas sont philosophiques
et, plus particulièrement,
phénoménologiques. Et Lévinas est un
grand penseur aussi par le travail qu'il
a imposé aux notions phénoménologiques
héritées de Husserl et de
Heidegger. Lévinas phénoménologue ?
Oui, mais là aussi paradoxe : grand
phénoménologue Lévinas l'est en tant
qu'il perturbe la phénoménologie, en
tant qu'il introduit dans le langage
même de la philosophie le " vent de
38 INFORMATION JUIVE Décembre 2007
Emmanuel Lévinas
Benny Levy
PAR GILLES HANUS*
crise " qui préside aux formulations les
plus typiques de son écriture, celles qui
avaient frappé Derrida par exemple.
2. Benny Lévy : la pensée du
Retour.
Dans le courant des années 70, un
jeune dirigeant maoïste vit une
expérience singulière, inédite :
pour penser sa sortie du gauchisme, il
mène un dialogue long et suivi avec l'un
des plus grands philosophes français du
XX° siècle, Jean-Paul Sartre. Au cœur
de ce dialogue, une remise en question
de la phénoménologie sartrienne par le
biais d'une réflexion sur le retournement
totalitaire de la révolution et des
rapports des hommes entre eux hors
l'espace du pouvoir. Benny Lévy relit
durant les années 77-78 Lévinas. Il le
lit à Sartre. C'est la première rencontre.
Sartre mort, B. Lévy peut mener à
bien son dialogue avec Lévinas. Il en résultera deux livres
importants : Visage continu. La pensée du Retour chez
Emmanuel Lévinas, et Être juif, paru juste après la mort de
B. Lévy. Le premier est une reconnaissance de dette envers
le maître qui le " saisit, au fond de l'embarras, pour [le] projeter
vers les lettres - oubliées, semble-t-il depuis toujours - de
l'Écriture". Le second une lecture exigente des textes du
maître, visant à penser " avec Lévinas en dépit de Lévinas ".
Les deux ouvrages prétendent mettre en œuvre une réelle
fidélité au geste de pensée lévinassien,
ce qui implique de ne jamais réduire sa
pensée à quelque chose de simple, de
remettre en mouvement les notions les
plus célèbres et les moins comprises,
comme l'éthique ou le visage pour
empêcher que la pensée lévinassienne
ne se fige. Pour ce faire, s'installer au
cœur de l'ambiguïté de la pensée
lévinassienne et, de là, surveiller les
tours et détours de sa pensée. Par
ailleurs, ne pas se contenter des
allusions aux sources préphilosophiques
de la pensée de Lévinas,
aller aux textes du Talmud allégués, les
étudier et confronter ce qu'ils disent à
ce qu'en dit Lévinas pour éclairer sa
pensée. Il en résulte une lecture
totalement inattendue de Lévinas,
déroutante, mais toujours stimulante. À
découvrir de toute urgence.
*Professeur de philosophie

Badenheim 1939
Tous les ans, dès l'arrivée
des beaux jours, le
groupe habituel des vacanciers
juifs se retrouve dans
l'hôtel de Badenheim, charmante
station thermale à 200
kilomètres de Vienne. Le
maître d'œuvre du festival
musical de la station, l'impresario
Papenheim se démène
avec son orchestre pour inviter
régulièrement des artistes
de renom. Mais en ce
printemps 1939 une nouveauté
inattendue, l'ouverture
d'un service sanitaire,
laisse perplexe nos touristes.
Bientôt, il va être demandé
aux juifs de s'y faire enregistrer,
ce qu'ils acceptent avec
une certaine fierté, se considérant comme
l'élite de la bourgeoisie. Petit à petit, cette
antenne se transforme en office prônant le
retour des juifs en Pologne. Dans l'hôtel
des vacanciers, les conversations vont bon
train : retour au pays des racines ancestrales,
vie qui ne peut être que meilleure, avenir
radieux, et pourquoi pas ? Les journées
s'écoulent, festives et insouciantes, à peine
troublées par l'annonce d'une barrière gardée
par des sentinelles empêchant maintenant
entrées ou sorties de la station à l'exception
des camions de ravitaillement.
Mais bientôt l'étau se resserre avec
" Notre devoir de mémoire doit être
parfait pour transmettre aux générations
suivantes ce qui nous est arrivé … " écrit
l'auteur dans cet ouvrage consacré à l'histoire
de sa famille durant la Seconde
Guerre mondiale. Son père, Marcel, est
arrivé en France en 1924. Il y épouse la
belle Estelle qui met au monde deux garçons,
Robert, l'aîné et Haïm, le narrateur,
né en 1935. Lorsque la guerre éclate, la
famille vit modestement à Marseille. Elle
échappe miraculeusement aux rafles des
22 et 23 janvier 1943 dans la ville phocéenne
mais tout bascule sans retour lorsque
la Gestapo sonne au domicile, le 20
mars 1944. Paulette Bertrand, la fille des
voisins de palier réussit à soustraire les
deux enfants aux griffes nazies mais les
parents, trop confiants dans les dires d'une
voyante consultée quelques jours auparavant
sont emmenés, enfermés dans la prison
des Baumettes et déportés vers les
Aharon Appelfeld
PAR AHARON APPELFELD
l'arrivée de juifs arrachés de leurs villes
pour compléter le contingent des délocalisés
forcés vers la Pologne, l'arrêt du ravitaillement,
la faim qui s'installe, le soulagement
du départ imminent.
Une description fascinante de la crédulité
de l'homme empêtré dans ses petites
mesquineries face à l'enchaînement
inéluctable du plus grand génocide de
l'Histoire.
(Editions de l'Olivier - 17,50€)
Sauvés ! Mais à quel prix ?
camps de la mort. Robert et Haïm sont
cachés, puis envoyés avec un groupe d'élèves
à Aurillac dans le Massif Central,
hébergés dans un hospice où les nuits de
cauchemar se succèdent avant d'être
recueillis par les familles Laybros pour
Haïm et son cousin et Tête pour Robert.
Après la guerre ils retrouveront leur
Taille 42
LIVRES
PAR MALIKA FERDJOUKH ET CHARLES POLLAK
En septembre 1939, au moment de
la déclaration de la Seconde Guerre mondiale,
Charles Pollak a 11 ans. Son père
Eugène et sa mère Mindel/Marguerite
venus de Hongrie sont installés à Paris. Le
père est un petit tailleur spécialisé dans la
confection des gilets, la mère se consacre
à l'éducation de ses enfants. Comment cette
modeste famille a survécu aux affres de la
guerre, ce récit autobiographique et absolument
véridique va nous le raconter.
Charles, le narrateur, est un enfant timide
- il bégaie souvent - mais poussé par son
instituteur, M. Bloch, il obtient son certificat
d'études à l'âge de 12 ans. Sa vie s'articule
autour des copains, de leurs farces et
titres de gloire, de son frère aîné André, de
Ginette trop tôt disparue et de Madeleine,
les grandes sœurs. Son rêve ? Devenir tailleur,
comme son père. Grâce à des relations,
Eugène trouve un travail de tailleur dans
la Baie de Somme, à Feuquières petit village
à 18 kms du Mur de l'Atlantique où il
fera venir sa famille. Le déménagement, en
juin 1942, est épique. L'emménagement se
fera dans un petit logement accolé à la
Kommandantur et à l'école qui abrite la garnison
allemande. Confection de vêtement
contre faux- papiers, lutte contre la faim
omniprésente, liaison involontaire avec un
officier allemand tailleur dans le civil, la vie
est jalonnée d'astuces pour survivre, survivre
à tout prix.
Ce récit se dévore comme le plus imaginatif
des romans, drôle et émouvant.
(Editions Médium - 9,80 €)
PAR HAÏM MIZRAHI
grand'mère qui les élèvera.
En parallèle à son histoire familiale, l'auteur
développe citations de la Bible et dates
marquantes du programme d'extermination
des juifs durant cette guerre.
(Editions L'Harmattan - 23€)
Odette Lang
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 39

JUDAÏSME
Les chants
du roi David
PAR MAURICE NEZRI*
Notre ami Albert Bouhadana, l'excellent ministreofficiant
de la synagogue Chasseloup-Loubat vient
d'enregistrer l'intégrale des Psaumes dans un coffret
contenant non seulement les textes hébraïques mais
aussi leur traduction en français. Le livret qui
accompagne les CD est préfacé par le grand rabbin de
Paris, M. David Messas ainsi que par le grand rabbin
d'Israël, M.Schlomo Amar.
Nous publions ci-dessous le texte de l'introduction
qu'a donnée à ce coffret le rabbin de la synagogue
Chasseloup-Laubat, M. Maurice Nezri Psaumes
Le Livre des Psaumes est un
recueil de 150 poèmes
religieux composés par
différents auteurs à
diverses époques de
l'ancien Israël. Pour nous,
ils sont les "Psaumes de David" car une
grande partie de ces chants viennent de
ce Roi appelé dans la Bible "Le Chantre
d'Israël". En divisant ce livre en 5
parties, la Tradition a voulu le hausser
au niveau de la Thora, divisée elle aussi
en 5 livres.
Au fil des temps, cet ouvrage est
devenu le livre le plus populaire de la
Bible et ce, pour plusieurs raisons.
D'abord, il doit sa notoriété au nom de
David qui y est attaché. D'autre part,
nous avons là le seul et unique recueil
de piété et de prières que contient la
Bible. Enfin, cet ouvrage a gardé toute
sa fraîcheur au cours des siècles et ne
s'est jamais démodé car il traite d'un
thème d'une actualité permanente :
toutes les émotions que ressent l'homme
devant les événements de la vie.
Ces sentiments qui animent le cœur
du Psalmiste dans la réussite ou dans
l'échec, s'expriment tour à tour par des
cris d'espoir ou de désespoir, par des
clameurs d'allégresse ou par des
40 INFORMATION JUIVE Décembre 2007
suppliques, par des actions de grâce ou
par des élégies.
On comprend dès lors que ce livre ait
servi de véritable répertoire de chant
dans le Temple de Jérusalem. Après le
Temple, les synagogues ont pris la
relève et ont puisé en lui toutes les
Albert Bouhadana
prières tristes et joyeuses de notre
liturgie. Enfin, de tout temps, le
particulier y a trouvé soulagement et
réconfort dans les moments de peine et
de désespoir. Dans la joie également, il
y a puisé des énergies nouvelles en
récitant à l'Éternel ses louanges et ses
actions de grâce.
Ces textes parlent à l'âme du croyant
par leurs mots, mais aussi par leur
cantilation. En effet, nous nous trouvons
face à des textes en prose, mais les
phrases sont rythmées de façon très
particulière. Ils ont donc été
certainement écrits en vue d'être
chantés.
Ils l'étaient dans le Sanctuaire de
Jérusalem, ils le sont toujours dans nos
lieux de prière et leur mélodie
traditionnelle qui nous est si familière
donne une autre dimension à ces
paroles. C'est cette prosodie du Livre
des Psaumes qui a fait pénétrer ces
textes dans notre cœur et qui les a ainsi
conservés dans la mémoire collective et
individuelle du peuple d'Israël.
*Rabbin de la communauté
Chasseloup-Laubat, Paris XV e

Edgard Guedj
(Lynclair)
Fondateur du DEJJ
Edgard Guedj (Lynclair) nous a
quittés. Au cours de notre dernière rencontre,
il y a quelques mois, sa lucidité,
sa sérénité et son regard m'avaient impressionné
une dernière fois, comme il y a
quarante ans. La clarté et la justesse de
son analyse, l'originalité de sa pensée
auront marqué toute une génération.
Si son histoire personnelle commence
au Maroc, au moment de l'Indépendance
de ce pays, c'est en France qu'il réalisera
un projet éducatif, culturel et communautaire
sans précédent. Le DEJJ, créé au
Maroc, constitue pour Lynclair le laboratoire
; la communauté juive de France,
confrontée à l'arrivée massive des juifs
d'Afrique du Nord, devient le champ d'application
de sa conception de l'éducation
populaire.
Sa première démarche est de créer une
équipe d'hommes et de femmes prête à
s'engager dans l'encadrement de ces populations
selon les mêmes méthodes expérimentées
au Maroc, mais avec l'objectif
prioritaire de former, dans l'urgence, des
centaines de jeunes éducateurs sur l'ensemble
du territoire. C'est ce mouvement
de formation de cadres dans l'urgence qui
caractérise l'œuvre de Lynclair.
Dès le début des années soixante, des
centaines de jeunes, issus pour la plupart
des nouveaux immigrants d'Afrique du
Nord, se rassemblent à son initiative pour
apprendre, comprendre et se préparer à
assumer la responsabilité de l'éducation
juive. Cette décennie, marquée entre
autres par mai 68, sera pour Lynclair celle
de la mise en place d'une infrastructure
nationale composée de plusieurs centaines
de cadres - éducateurs. De Paris à Sarcelles,
de Marseille à Pau, de Lyon à Lille
affluent à chaque occasion des milliers
d'enfants, d'adolescents de jeunes adultes
vers les stages, les séminaires les centres
de vacances, pour repartir plus riches
d'une expérience juive et communautaire
unique.
Au cours de ces rencontres le message
de Lynclair trouvera toute sa dimension,
celle d'un judaïsme ouvert, moderne, généreux,
en prise directe avec les nouvelles
réalités sociales, économiques et culturelles
de la nouvelle communauté juive.
La première vague de ces jeunes en formation
constituera le socle de l'action du
DEJJ et des centres communautaires dans
toute la France.
Malgré la précarité des conditions, ce
sont des centaines de jeunes adolescents
qui affluent dans les stages, les séminaires
où ils sont immédiatement confrontés
à la vision et à l'exigence de Lynclair
:construire une communauté par l'éducation.
Cette génération de cadres est immédiatement
conquise par ce message et s'engage
derrière lui avec enthousiasme.
Entouré des meilleurs spécialistes, juifs
et non juifs, Lynclair s'est engagé dans cette
création pédagogique avec un élan et une
clairvoyance qui inspiraient le respect de
tous.
Sa détermination à surmonter tous les
obstacles a eu raison des difficultés matérielles,
humaines ou techniques. Le DEJJ
devient en quelques années une véritable
école d'éducation
à la vie qui forme
de jeunes éducateurs
et de nouveaux
dirigeants
communautaires
dont l'engagement
a contribué
activement à l'essor
de la communauté
juive de
France.
A ce grand
chantier de formation,
Lynclair a
su associer les élites
juives et celles
PAR CLAUDE LALOUM
IN MEMORIAM
Edgard Guedj
de la société française en général, il savait
que son projet reposait sur la capacité du
DEJJ à proposer à cette génération un défi
culturel au moins aussi passionnant que
celui de l'université française, non pas pour
les opposer mais pour les unir.
Ceux qui ont participé à cette aventure
se souviennent, quarante ans plus tard,
qu'ils doivent plus à cette école qu'à l'université,
même si la plupart ont réalisé, par
la suite, des carrières professionnelles
exemplaires.
C'est à lui que cette génération doit la
réussite de son intégration dans la société
française, malgré les affres du déracinement
et les risques de l'assimilation. Il est
difficile aujourd'hui d'évaluer les trésors de
créativité, l'intelligence et la détermination
sans faille d'un homme dont ceux qui l'ont
côtoyé dans cette aventure sont convaincus
qu'il a changé leur destin. Son enseignement
continue d'inspirer des centaines
de dirigeants communautaires et d'éducateurs
en France, en Israël et ailleurs.
C.L.
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 41

COMMUNIQUÉ
M.Goasguen, président
du groupe France-Israël
M. Claude Goasguen, ancien
ministre, député de Paris et premier
vice-président du groupe UMP au
Conseil de Paris vient d'être désigné par
le président de l'Assemblée nationale
président du groupe France-Israël.
A cette occasion, M. Goasguen a
déclaré : “C'est un grand honneur pour
moi, en cette année qui marquera le 60
ème anniversaire de l'Etat d'Israël. L'opportunité
se présente enfin de permettre
le rapprochement entre notre pays et
Israël… J'y travaillerai avec force et
détermination”
Un documentaire
israélien récompensé
Le film Les réfugiés oubliés du
Bar mitsva
Ariel - Dorone
Le fils de nos amis Karen et Gérald
ADDA, collaborateurs au sein du
Consistoire de Paris, célèbre sa Bar Mitsva
lundi 31 décembre 2007 au Temple
Buffault - 28, rue Buffault - 75009 Paris
- Nous lui adressons, ainsi qu'à ses grands
42 INFORMATION JUIVE Décembre 2007
réalisateur franco-israélien Michaël
Grynszpan a remporté le prix du meilleur
documentaire au festival international
du film documentaire de Marbella
qui s'est tenu du 5 au 7 Octobre 2007.
Le film raconte l'historique et la destruction
des communautés juives des
pays arabes et présente des témoignages
de réfugiés d'Egypte, du Yémen, de
Libye, du Maroc, et d'Irak.
Le Congrès américain avait organisé
une projection spéciale des Réfugiés
oubliés en juillet dernier devant une
commission qui discutait du problème
des réfugiés du Moyen-Orient.
Le prix Mémoire
de la Shoah
Le prix Mémoire de la Shoah
pour l'année 2007 a été décerné le lundi
16 novembre à Shlomo Venezia et à
LE CARNET
parents nos félicitations Un grand grand
Mazal Tov à ses parents.
Mazal tov à Eliora, la cousine d'Ariel,
qui aura 5 ans ce jour là.
Netanel, le fils de nos amis Eliane
et Albert Bouhadana, a célébré sa bar
mitsva le jeudi 1er novembre à la
synagogue Chasse-loup Laubat.
Nous présentons à Netanel ainsi qu'à
ses parents, notre ami Albert
Bouhadana, le ministre officiant
de la synagogue Chasseloup
Laubat et son épouse nos très
chaleu-reuses félicitations.
Nécrologie
C'est avec tristesse que
nous apprenons le décès du
Bâtonnier Pierre Michel Dreyfus,
vice Président honoraire du
Consistoire central. Né à Paris en
1923, il entra dans la résistance
en 1942 et fit toute sa carrière
d'avocat au barreau d'Avignon
dont il fut Bâtonnier. Président
de nombreuses asso-ciations dont
la Légion d'honneur, la prévention
routière et d'associations
d'anciens combattants, il fut
égale-ment président de la
communanuté d'Avignon et du
Consistoire régional d'Alpes
Provence. Depuis 1972, vice
Président du Consistoire central,
il continuait à participer active-
Alain Kleinmann.
Le prix Mémoire de la Shoah a été
créé en 1988 pour récompenser un écrivain,
un artiste, un sculpteur, un historien
ou un enseignant pour une recherche
ou une thèse portant sur le génocide
du peuple juif.
COMMUNAUTÉ
La Communauté
OHR HAIM VERCINGETORIX
organise un Oulpan qui débutera début
janvier 2008. Les cours serons dispensés
par Mme Shoula Krief. Une réunion
d'information se tiendra samedi 15
décembre à partir de 19h00 à la Synagogue
Vercingétorix -223/227 rue Vercingétorix
- 75014 Paris - Renseignements :
Mme KRIEF : 06.09.25.34.41
ment aux réunions du Consistoire central
en tant que vice Président honoraire. Forte
perssonnalité du judaïsme français, il avait
su allier l'attachement aux valeurs
républicaines et la fidélité au judaïsme.
Il avait été promu en 2006 Commandeur
de la Légion d'honneur. Il était le père de
Maître Francine Dreyfus-Seligman et beaupère
de Maître Paul-Olivier Seligman,
Secrétaire Rapporteur du Consistoire
central et du Consistoire de Paris.
Notre ami Stéphane Moses, écrivain
et philosophe, ancien professeur à
l'Université hébraïque de Jérusalem, est
décédé le samedi 1er décembre à son
domicile à Paris. Nous lui rendrons
l'hommage qu'il mérite dans notre
prochain numéro.
A son épouse, Liliane Mosès-Klapisch
à Emmanuel, Anne et David Sherman, à
Rachel, ses enfants, Information juive
présente ses sincères condoléances.
Remerciements
Chlomo et Victor Malka ainsi que
leurs frères et sœurs remercient tous ceux
qui les ont consolés après le décès de leur
mère Yaël, survenu à Petah Tikva en Israël,
le 29 octobre dernier.
Mme Yaël Malka était la veuve du grand
rabbin Moshé Malka qui fut le président
des tribunaux rabbiniques de la région de
Petah Tikva et qui avait obtenu le prix
Jérusalem pour ses livres de littérature
rabbinique.