Lire le discours du Président de la communauté, M. Bertrand Weil

Nous sommes réunis ce jour pour la commémoration des crimes racistes et antisémites de l’Etat
français et d’hommage aux Justes.
Comme moi, vous avez pu le constater dans tous les médias, la rafle du Vel d’Hiv et la question de
l’antisémitisme d’hier et aujourd’hui, a occupé une grande place cette semaine, nous y reviendrons.
Je tiens d’abord à remercier la Mairie de Besançon et Monsieur FOUSSERET pour la prochaine
cérémonie de nomination le 7 septembre comme Juste du Docteur Maurice Baigue, fils du Maire Henri
Baigue.
Maurice Baigue décédé en 1953, fut très actif et engagé pour sauver et protéger la famille d’André
Blum malheureusement décédé l’année dernière.
Il me faut aussi remercier les descendants des familles GEORGES, Professeur de l’Ecole normale, et
VUILLEZ, Commerçant, pour avoir caché les frères et sœurs Blum, la famille GRILLOT.
Je dois rappeler que la France après la Bulgarie, malheureusement endeuillée cette semaine par un
attentat ciblant le juif, sont les deux seuls pays où grâce aux Justes, 75% de la population juive fut
épargnée de la shoah.
C’est accablant, mais c’est l’Histoire, seuls 2% des juifs de Grèce ont survécu. Imaginez qu’en 1900,
Salonique, ville ottomane, était la seule ville avec plus de 50% de juifs, soit une communauté de
150.000.
Que s’est-il passé en France pour que cette journée de commémoration soit un jour du plus jamais ça.
Personne le 1 er mai 1940 ne pouvait imaginer une déroute des forces franco-anglaises.
Personne ne pouvait imaginer que le capitaine Marc BLOCH fasse sauter les dépôts d’essence dans
cette débâcle calamiteuse dès le 16 mai.
Un gouvernement qu’il faut appeler de droite pris le pouvoir et il fallut trouver des boucs émissaires.
Dès septembre 1940, le gouvernement de Vichy a mis en place les lois de discrimination des juifs en
zone occupée.
Le premier commissaire aux affaires juives fut un nazillon : DARQUIER DE PELPOIX.
Représentant d’une droite antisémite même si les juifs ne représentaient que 0,7% de la population, il
fallait trouver et accabler les soit disant responsables de la défaite.
Le gouvernement Blum et les 40 h, les ministres juifs influents : MANDEL, Jean ZAY, MENDES FRANCE,
les communistes ou les juifs étaient nombreux et qui avaient cautionné l’épouvantable pacte
germano-soviétique.
Voilà de quoi faire accepter par le peuple français, cette mise à l’index des juifs. Cette acceptation
passive dure un an. Car avant l’opération Barbarossa de juin 41 et le débarquement en Afrique du
Nord des forces alliées le 8 novembre 1942, personne en métropole ne pouvait imaginer ce qui allait
se passer.
Il fallut faire avec l’occupant.
Il y a eu complaisance avec la pensée dominante, soyons lucide avec la complaisance des cagoulards.
Si DARQUIER DE PELPOIX est un salaud, il sera remplacé comme commissaire aux affaires juives par le
préfet BOUSQUET, organisateur de la rafle du Vel d’Hiv.
Ni BOUSQUET, ni PAPON, ne sont des nazillons, ils ont été complaisants. Pris entre des demandes
extérieures et leur jugement personnel, ils ont obéi (argument du hongrois de cette semaine), sachant
que les demandes étaient étranges ou absurdes, cela se termine en criminelle complaisance.
Cette notion de complaisance est importante car la justice s’y perd. BOUSQUET fut amnistié en 1949.
PAPON condamné en 1997.
A Besançon, la rafle eu lieu le 12 octobre 1942.
Nous avons ici Monsieur POULIOS dont la mère fut raflée avec d’autres porteurs de l’étoile juive ce
jour là.
Madame POULIOS était mariée à un chrétien, son fils étant baptisé, elle avait cependant été déclarée
juive et contrainte de porter l’étoile. Elle n’est pas revenue.
Chaque année, je le rappelle : en 1942 en zone occupée, la police française arrêtait les juifs apatrides
(WEINBERGER), les juifs étrangers, les juifs que l’on avait dénaturalisé.
La chasse à l’étranger était déclenchée. Les rafles de 1942, dont personne n’imaginait le destin
n’eurent aucune publicité. En zone libre, cette rafle de 13.000 personnes fut totalement occultée par
Vichy.
Les exterminations en Pologne avaient déjà commencé, mais regardez comment en Syrie en juillet
2012, il est difficile de savoir.

2
Après ces explications de 1942, il faut aborder 1944. Alors oui, on savait et rien ne fut fait pour
stopper les derniers trains de la mort.
Même fin juillet 1944, 28 jours avant la libération de Drancy et de Paris.
Il n’est pas possible en 2012 d’assister à une telle cérémonie sans aborder la situation délétère
actuelle en France.
Le mal être des juifs de France est une réalité grandissante. L’antisémitisme qui apparaît
ouvertement, qui fut la une des magazines n’est qu’une facette d’une confrontation entre des
cultures différentes dans une France plurielle.
Je ne peux pas passer sous silence le rôle joué par les médias. Nous l’avons vu cette semaine avec la
une de Libération où je me demande si ce tabloïd n’est pas aussi critiquable que le je suis partout de
1942.
Avec raisons, nos gouvernements souhaitent plus de patriotisme. Il y a un mois, une avocate française
a réussi à trouver de l’audience auprès de la presse, des télévisions en portant plainte contre la
France pour le soi disant meurtre de MERAH.
Quand j’ai appris que cette avocate Maître COUTANT-PEYRE était la femme de l’abominable terroriste
CARLOS et que l’on ne citait pas qui était cette avocate, je me suis dit : il y a complaisance.
Oui complaisance, mot utilisé dans la première partie de ce discours, complaisance à diffuser de l’info
sans citer l’origine.
Mon patriotisme m’engage à dénoncer ces pratiques.
L’antisémitisme qui apparaît, n’est qu’une facette d’une mutation de certaines écoles de pensées.
L’histoire millénaire de l’antisémitisme doit nous rappeler, car c’est historiquement un symptôme et
un changement de valeurs philosophiques et politiques.
La communauté juive de Besançon remercie à nouveau toutes les personnes ici présentes qui se sont
déplacées à la synagogue pour la cérémonie suite aux crimes de Toulouse.
Mais depuis, on observe une instrumentalisation de l’affaire MERAH.
Ne soyons pas complaisants en laissant politiser une affaire où un tueur a massacré trois soldats de
l’armée française en uniforme pour le symbole de cet uniforme et trois juifs parce qu’il haïssait les
juifs.
Peu importe si des volets sont obscurs, le terrorisme est une plaie où la nation doit être unie dans sa
lutte pour son éradication.
Le grand rabbin de France nous a rappelé quelques définitions que je vous rapporte :
Est fasciste l’idéologue qui fait passer l’Homme après la nature
Est intégriste l’idéologue qui fait passer Dieu avant l’Homme
Est négationniste celui qui fait passer sa vérité en ignorant la réalité.
Cette cérémonie commémore les actes de l’Etat français exécutés il y a 70 ans sous pression du
régime nazi.
Le monde a changé.
La communauté juive de Fribourg en Brisgau se développe grâce à l’immigration, celle de Besançon se
réduit face à une émigration.
C’est factuel. Soyons lucides, de nouveaux défis nous sont lancés par les mutations géographiques.
L’Allemagne n’a pas qu’une réussite industrielle, sa politique étrangère face au monde juif est
exemplaire. Elle y applique aussi la règle d’or. La finalité de cette cérémonie, c’est de se souvenir
que ce qui paraît impensable est arrivé chez nous dans cette France que nous aimons.
Bertrand WEIL, Président de l’Association Cultuelle Israélite de BESANCON, le 22 juillet 2012.