l'aspect confessionnel du projet éducatif de l'école privée dans le ...

L’ASPECT CONFESSIONNEL
DU PROJET ÉDUCATIF
DE L’ÉCOLE PRIVÉE
DANS LE CONTEXTE D’APPLICATION
DU PROGRAMME
ÉTHIQUE ET CULTURE RELIGIEUSE
Comité de travail portant
sur l’aspect confessionnel
du projet éducatif
Octobre 2007

FÉDÉRATION DES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT PRIVÉS
L’ASPECT CONFESSIONNEL DU PROJET ÉDUCATIF DE L’ÉCOLE PRIVÉE
DANS LE CONTEXTE D’APPLICATION DU PROGRAMME
ÉTHIQUE ET CULTURE RELIGIEUSE
Comité de travail portant sur l’aspect confessionnel du projet éducatif
Septembre 2007

2
(…) L’école privée dispose d’une autonomie et d’une marge de manœuvre
lui permettant de répondre rapidement aux besoins de ses usagers et de
s’adapter aux exigences d’une société
en changement. (…)
(…) En lien avec leur tradition religieuse, une large proportion des écoles
privées propose un projet éducatif chrétien ou transmet l’héritage de
valeurs spirituelles. (…)
Déclaration de valeurs
Fédération des établissements d’enseignement privés

TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION ............................................................................................................ 5
CHAPITRE 1
L’implantation obligatoire du programme Éthique et culture religieuse ..............................7
1. Une cause de repli ou une source de défi pour les écoles privées ........................................7
2. Un peu d’histoire de 1995 à 2008 ..........................................................................................8
2.1 La Commission des États généraux de l’éducation (1995-1996) ...................................8
2.2 Groupe de travail sur la place de la religion à l’école (1999) ..........................................8
2.3 Le projet de loi 118 (2000) ..............................................................................................9
2.4 Le projet de loi 95 (2005) ................................................................................................9
3. Le caractère confessionnel des projets éducatifs des écoles privées et l’application
obligatoire du programme Éthique et culture religieuse .......................................................10
3.1 Des questions ...............................................................................................................10
3.2 Des réponses et des précisions ....................................................................................11
3.3 Dans un contexte de déconfessionnalisation des structures, une école privée
peut-elle avoir un projet éducatif ayant une référence chrétienne explicite ? ...............11
3.4 L’école privée a-t-elle l’obligation de développer un service d’animation
spirituelle et d’engagement communautaire ? ..............................................................12
3.5 L’école priée peut-elle offrir un cours d’enseignement religieux de type
confessionnel ? .............................................................................................................12
4. La contribution des cours d’enseignement religieux catholique au cheminement de
foi des élèves .......................................................................................................................13
4.1 L’Assemblée des évêques du Québec : passer de l’enseignement de la doctrine
chrétienne au parcours d’initiation ................................................................................13
4.2 Paul Tremblay : parcours de vie ou cours de religion ? ................................................14
4.3 Itinéraires de croyance de jeunes au Québec : l’impact des activités pastorales
dans la construction d’une identité chrétienne ..............................................................14
4.4 Rapport d’enquête de la FEEP : l’évolution de la croyance en Dieu chez les
jeunes du secondaire ....................................................................................................15
5. Des repères pour une éducation chrétienne attentive à la réalité des jeunes
d’aujourd’hui .........................................................................................................................17
CHAPITRE 2
Le programme d’Enseignement moral et religieux catholique et le programme
Éthique et culture religieuse ...................................................................................................21
1. Orientation confessionnelle du programme Enseignement moral et religieux catholique ....22
1.1 Finalités générales du programme et compétences développées ...............................22
Première compétence : apprécier l’apport de la tradition catholique vivante à
sa quête de sens ....................................................................................................23
Deuxième compétence : se positionner, de façon réfléchie, au regard
d’enjeux d’ordre éthique..........................................................................................23
1.2 Rôle de l’enseignant dans un contexte d’enseignement religieux confessionnel .........24
2. Orientation laïque du programme Éthique et culture religieuse ...........................................24
3

4
2.1 Finalités générales du nouveau programme ................................................................24
2.2 Compétences visées ....................................................................................................25
Première compétence : réfléchir sur des questions éthiques .................................25
Deuxième compétence : manifester une compréhension du phénomène
religieux ..................................................................................................................25
Troisième compétence : pratiquer le dialogue ........................................................26
2.3 Rôle de l’enseignant dans un contexte d’enseignement religieux non
confessionnel ................................................................................................................27
CHAPITRE 3
La marge de manœuvre des établissements d’enseignement privés ................................29
1. Questions, résumé et synthèse de l’analyse de M e José Woehrling ....................................29
1.1 Première question .........................................................................................................30
1.2 Deuxième question .......................................................................................................30
1.3 Troisième question .......................................................................................................31
1.4 Quatrième question ......................................................................................................32
2. Questions, résumé et synthèse de l’analyse de M e Côme Dupont ......................................33
2.1 Première question .........................................................................................................33
2.2 Deuxième question .......................................................................................................34
CHAPITRE 4
Repères pour une actualisation de la dimension chrétienne du projet éducatif dans
le contexte d’implantation du programme Éthique et culture religieuse ...........................35
1. Premier repère : le maintien de l’enseignement religieux confessionnel .............................36
1.1 Comment utiliser la marge de manœuvre prévue au Régime pédagogique pour
offrir un cours d’enseignement confessionnel au primaire ? ........................................37
1.2 Comment utiliser la marge de manœuvre prévue au Régime pédagogique pour
offrir un cours d’enseignement confessionnel au secondaire ? ....................................38
2. Deuxième repère : passer des cours aux parcours .............................................................38
2.1 Comment passer des cours aux parcours au préscolaire et au primaire ? ..................39
Parcours au préscolaire et au primaire ...................................................................40
L’accompagnement des parents .............................................................................41
La préparation aux sacrements ..............................................................................42
2.2 Comment passer des cours au parcours au secondaire ? ...........................................43
Balises dont on doit tenir compte ............................................................................43
Caractéristiques des activités proposées aux adolescents ....................................44
Conditions facilitantes pour l’animation pastorale ...................................................45
CONCLUSION ...........................................................................................................................49
BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................51
ANNEXE A Conditions et modalités de l’enseignement confessionnel dans les établissements
d’enseignement privés
ANNEXE B Précisions relatives à la marge de manœuvre d’un établissement d’enseignement
privé dans l’application de l’obligation d’offrir le programme Éthique et culture
religieuse à compter de l’année scolaire 2008-2009

INTRODUCTION
À la suite de l’annonce de l’application obligatoire du programme Éthique et culture
religieuse pour toutes les écoles primaires et secondaires du Québec, un vent
d’inquiétude a soufflé sur plusieurs écoles membres de la FEEP.
Qu’adviendra-t-il du projet éducatif chrétien dont se réclament plus de 85 %
des écoles primaires et secondaires de la FEEP ?
En mai 2006, devant la pertinence de cette question fondamentale, l’Assemblée
générale de la FEEP a demandé qu’un comité de travail se penche sur cette situation
particulière. Le mandat confié au comité s’est défini autour de deux axes. Dans un
premier temps, cerner la problématique que pose l’application du programme Éthique et
culture religieuse pour les établissements dotés d’un projet éducatif à caractère
confessionnel et, dans un deuxième temps, proposer des balises et des avenues afin
d’aider les écoles concernées à actualiser le caractère confessionnel de leur projet
éducatif dans la société sécularisée et pluraliste d’aujourd’hui.
Afin de répondre adéquatement à la question posée et d’en comprendre certains
enjeux, le comité a réfléchi à partir des quatre angles suivants qui constituent les quatre
chapitres de ce document.
1. L’implantation du programme Éthique et culture religieuse : une cause de repli ou
une source de défi pour les écoles privées.
2. La comparaison entre l’orientation pédagogique du programme d’enseignement
moral et religieux catholique et l’orientation pédagogique du programme Éthique et
culture religieuse au regard du caractère confessionnel de l’enseignement.
3. La marge de manœuvre des établissements privés en ce qui a trait à la possibilité
d’offrir un enseignement religieux de type confessionnel conforme à leur projet
éducatif tout en maintenant l’obligation du cours Éthique et culture religieuse tel que
prescrit au régime pédagogique.
4. Des repères proposés pour une actualisation de la dimension chrétienne du projet
éducatif dans le contexte d’implantation du programme Éthique et culture religieuse.
Les travaux du comité ont commencé le 12 mai 2006 et se sont échelonnés sur une
année, ponctués d’une appropriation du programme Éthique et culture religieuse, d’une
étude des avis juridiques reçus en réponse aux questions posées par plusieurs écoles
et d’une analyse des réponses à la consultation des établissements membres de la
FEEP concernant les modalités d’application du programme Éthique et culture
religieuse.
5

Le contenu de ce document s’inscrit dans un processus de réflexion qui, nous
l’espérons, saura vous accompagner, vous éclairer et vous rassurer quant à
l’affirmation et au maintien de vos valeurs tout en tenant compte de la société
québécoise actuelle, laïque et pluraliste dans laquelle nous évoluons présentement.
La Fédération des établissements d’enseignement privés tient à remercier les membres
du comité de travail pour leur généreuse contribution et leur engagement à la réalisation
du mandat confié.
Coordination des travaux
Guy Bouchard, FEEP
Participation
Jean-Guy Beaulieu, École secondaire de Bromptonville
Lise Bluteau, personne-ressource
Claude Fortier, secrétaire
Alain Gagné, Le Petit Séminaire de Québec
Yvon Lafrenière, Collège Notre-Dame
Claude Lanthier, Externat Sacré-Cœur
Josée Lambert-Chan, personne-ressource
Patrick L’Heureux, École Saint-Louis-de-Gonzague
Paul Boisvenu, FEEP
André Revert, FEEP
Doris Tremblay, FEEP
Collaboration spéciale
Côme Dupont, avocat
José Woehrling, avocat
6

CHAPITRE 1
L’IMPLANTATION OBLIGATOIRE DU PROGRAMME
ÉTHIQUE ET CULTURE RELIGIEUSE
1. UNE CAUSE DE REPLI OU UNE SOURCE DE DÉFI POUR LES ÉCOLES
PRIVÉES
En septembre 2008, l’implantation obligatoire du programme Éthique et culture
religieuse arrivera en conclusion du processus de déconfessionnalisation du système
scolaire québécois. Allant de pair avec une redéfinition de la place de la religion à
l’école, cette implantation obligatoire s’étendra à toutes les écoles primaires et
secondaires du Québec, qu’elles soient publiques ou privées.
Au cours des dix dernières années, cette transformation majeure du paysage québécois
de la confessionnalité scolaire s’est appuyée sur des réflexions, des consultations, des
actions et des législations gouvernementales. Il convient donc de faire un survol de ce
processus de déconfessionnalisation 1 du système scolaire québécois afin d’en saisir
l’incidence sur les projets éducatifs à caractère confessionnel des établissements
membres de la FEEP. Ce survol conduira aussi à un examen des retombées des cours
actuels d’enseignement religieux catholique sur le cheminement de foi des élèves dont
la quête spirituelle va bien au-delà des programmes d’enseignement religieux
dispensés présentement dans les écoles.
1 L’Avis du Comité sur les affaires religieuses intitulé La laïcité scolaire au Québec. Un nécessaire changement de
culture institutionnelle (octobre 2006) présente une synthèse des changements majeurs qui ont touché la
confessionnalité scolaire au Québec depuis 1995.
7

2. UN PEU D’HISTOIRE DE 1995 à 2008
8
2.1 La Commission des États généraux de l’éducation (1995-1996)
Dès le début de ses travaux, soit en 1995, la Commission des États généraux de
l’éducation remet en cause la confessionnalité du système scolaire. En 1996,
compte tenu de l’évolution culturelle et démocratique de la société québécoise vers
une société davantage laïque et pluraliste, le rapport des travaux de la commission
préconise la déconfessionnalisation complète du système d’éducation au primaire et
au secondaire. La déconfessionnalisation vise l’ensemble des structures liées à la
confessionnalité, l’enseignement religieux et l’animation pastorale. C’est en avril
1997 que M me Pauline Marois, ministre de l’Éducation, dépose à l’Assemblée
nationale le projet de loi 109, modifiant la Loi sur l’instruction publique. Ce projet de
loi met fin aux commissions scolaires confessionnelles et oblige la mise en place
des commissions linguistiques au premier juillet 1998.
2.2 Groupe de travail sur la place de la religion à l’école (1999)
C’est au printemps 1999 que s’accentue le processus de déconfessionnalisation du
système scolaire avec la parution du rapport du Groupe de travail sur la place de la
religion à l’école Laïcité et religions. Perspective nouvelle pour l’école québécoise.
Le Groupe de travail recommandait entre autres que la loi instaure un système scolaire
public laïque, à l'éducation préscolaire et à l'enseignement primaire et secondaire, que les
statuts confessionnels actuels des écoles publiques soient abrogés, que les régimes
pédagogiques de l'enseignement primaire et secondaire prévoient, en lieu et place des
enseignements religieux catholique et protestant, un enseignement culturel des religions
obligatoire pour tous, que la Loi sur l'instruction publique autorise toute école à se doter
d'un service commun d'animation de la vie religieuse et spirituelle pour les élèves des
différentes confessions présentes à l'école, et ce, à même les fonds publics 2 .
2 Gouvernement du Québec, Laïcité et religions. Perspective nouvelle pour l’école québécoise, Rapport du groupe
de travail sur la place de la religion à l’école, Bibliothèque nationale du Québec, 1999, recommandations 2, 3, 5 et
8, p. 230.

2.3 Le projet de loi 118 (2000)
En juin 2000, dans la foulée du rapport du Groupe de travail sur la place de la
religion à l’école, l’Assemblée nationale adopte le projet de loi 118 modifiant
diverses dispositions législatives dans le secteur de l'éducation concernant la
confessionnalité. L’application de cette loi entraîne l’abolition des structures
confessionnelles au sein du ministère de l’Éducation et des écoles publiques,
l’abolition des comités catholique et protestant du Conseil supérieur de l’éducation et
l’abolition des fonctions des sous-ministres associés de foi catholique et de foi
protestante. De plus, les services d’animation pastorale (catholique) et d’animation
religieuse (protestant) sont remplacés par un service complémentaire, non
confessionnel, d’animation spirituelle et d’engagement communautaire. Cependant,
le système d’option entre les enseignements confessionnels catholique et protestant
et l’enseignement moral est maintenu.
2.4 Le projet de loi 95 (2005)
Finalement, en juin 2005, le gouvernement du Québec adopte le projet de loi 95
dans lequel il précise son intention de ne plus recourir aux clauses dérogatoires aux
chartes canadienne et québécoise des droits et libertés. En conséquence,
l’application de ce projet de loi entraîne le retrait définitif des programmes
d’enseignement religieux catholique et protestant pour faire place à un programme
unique d’éthique et de culture religieuse pour tous les élèves du primaire et du
secondaire. Ce programme sera d’application obligatoire en septembre 2008.
9

3. LE CARACTÈRE CONFESSIONNEL DES PROJETS ÉDUCATIFS DES ÉCOLES
PRIVÉES ET L’APPLICATION OBLIGATOIRE DU PROGRAMME ÉTHIQUE ET
CULTURE RELIGIEUSE
L’application obligatoire du futur programme Éthique et culture religieuse marque la
dernière étape du processus de déconfessionnalisation du système scolaire québécois.
La perspective de l’application obligatoire d’un tel programme est certes déstabilisante
pour les écoles membres de la FEEP, particulièrement pour la majorité d’entre elles qui
sont caractérisées par un projet éducatif construit selon un référentiel chrétien.
10
3.1 Des questions
L’arrivée de ce programme suscite des interrogations voire même des
appréhensions pour les écoles primaires et secondaires qui dispensent
présentement un cours obligatoire d’enseignement moral et religieux catholique 3 .
Plusieurs questions illustrent cet état légitime de préoccupation (ou tout au moins de
questionnement) de ces établissements sur l’avenir de l’éducation chrétienne ou
religieuse à l’école. Qu’adviendra-t-il de la dimension confessionnelle de notre
mission éducative ? Comment pourrons-nous continuer à véhiculer les valeurs
chrétiennes à la base de notre projet éducatif ? Comment arriverons-nous à
conserver nos pratiques catholiques actuelles comme la prière du matin, les
célébrations liturgiques et les activités d’animation pastorale ? De quelle façon
traduirons-nous le caractère confessionnel de notre établissement ? Aurons-nous la
possibilité d’offrir en parallèle un cours d’enseignement religieux confessionnel ou
d’ajuster le contenu du programme Éthique et culture religieuse pour y intégrer les
valeurs chrétiennes ? Serons-nous en mesure de trouver un espace temps, dans la
3 Selon le rapport d’enquête de la FEEP Portrait des établissements membres de la FEEP au regard des aspects du
vécu confessionnel (mai 2003), 76,2 % des écoles primaires et 92,4 % des écoles secondaires se sont donné un
projet éducatif qui, dans ses orientations, intègre les croyances et les valeurs chrétiennes. Par ailleurs, 66,7 %
des écoles primaires et 92,4 % des écoles secondaires offrent un service d’animation pastorale ou d’animation
de vie spirituelle et d’engagement communautaire. Quant à l’enseignement religieux confessionnel, il constitue
un cours obligatoire dans 61 % des écoles primaires (ensemble des cycles) et dans 86,3 % des écoles secondaires
(1 er cycle). De plus, environ 75 % des écoles secondaires dispensent un cours obligatoire d’enseignement
religieux confessionnel en 3 e et 5 e secondaire, en sus des matières prévues au Régime pédagogique. On se
référera particulièrement aux pages 20, 22, 31, 34, 37, 46, 49 et 52 du rapport.

grille-horaire ou à l’extérieur de celle-ci, pour offrir à nos élèves un cours additionnel
d’enseignement religieux catholique 4 ?
3.2 Des réponses et des précisions
Les questions soulevées par les établissements concernés méritent des réponses
claires. L’objectif premier de ce document est de proposer des pistes d’actualisation
de la dimension chrétienne du projet éducatif dans le cadre de l’application du
nouveau programme Éthique et culture religieuse.
Au préalable, il importe de lever toute ambiguïté ou toute interprétation erronée
touchant le sort réservé aux trois aspects communément associés au vécu
confessionnel d’une école privée au lendemain de la déconfessionnalisation du
système scolaire québécois. Cette clarification nous permettra de nous engager
dans une réflexion fondamentale sur la définition des repères de l’éducation
chrétienne à l’école privée dans le contexte d’un système scolaire laïcisé au sein
d’une société à la fois sécularisée et pluraliste sur les plans culturel et religieux.
3.3 Dans un contexte de déconfessionnalisation des structures, une école
privée peut-elle avoir un projet éducatif ayant une référence chrétienne
explicite ?
Il convient d’abord de souligner que l’abolition des structures confessionnelles dans
les instances ministérielles de l’éducation et dans les écoles publiques n’empêche
pas un établissement d’enseignement privé de se donner un projet éducatif qui,
dans ses orientations et son vécu, se réfère explicitement à des valeurs chrétiennes.
Les articles 36 et 37 de la Loi sur l’instruction publique stipulent que l’école a la
responsabilité de faciliter le cheminement spirituel de l’élève afin de favoriser son
épanouissement, et ce, conformément au projet éducatif de l’école qui doit respecter
la liberté de conscience et de religion des élèves, des parents et des membres du
personnel de l’école.
4
Ces diverses questions ont été recueillies dans le cadre de la consultation qu’a menée en février 2007 la FEEP sur
l’application du programme éthique et culture religieuse en 2008.
11

12
3.4 L’école privée a-t-elle l’obligation de développer un service d’animation
spirituelle et d’engagement communautaire ?
Rappelons qu’en raison de la reconnaissance de la dimension spirituelle de la
personne, l’État québécois maintient un service complémentaire non confessionnel
d’animation spirituelle et d’engagement communautaire en remplacement, dans les
écoles publiques, du service d’animation pastorale. Toutefois, la Loi sur
l’enseignement privé n’oblige pas les écoles privées à se doter de services
complémentaires. Ces dernières ont la latitude voulue pour le faire et peuvent offrir,
selon leur choix, un service d’animation pastorale ou d’animation spirituelle. Dans la
dernière partie de ce document, on décrit comment ce service est appelé à jouer
davantage un rôle de premier plan dans l’actualisation du projet éducatif chrétien et
dans le développement spirituel des jeunes d’aujourd’hui.
3.5 L’école privée peut-elle offrir un cours d’enseignement religieux de type
confessionnel ?
Il faut enfin préciser que l’application obligatoire du programme Éthique et culture
religieuse n’empêche pas un établissement d’enseignement privé d’offrir aussi à ses
élèves un cours d’enseignement religieux confessionnel, dans le respect de la
liberté de religion des élèves non catholiques et dans les limites de la marge de
manœuvre exposée au troisième chapitre de ce document.

4. LA CONTRIBUTION DES COURS D’ENSEIGNEMENT RELIGIEUX CATHOLIQUE
AU CHEMINEMENT DE FOI DES ÉLÈVES
Plusieurs analyses, des études ainsi que des témoignages mettent en doute la
contribution des cours d’enseignement religieux catholique à l’éducation de la foi et au
développement spirituel des jeunes d’aujourd’hui.
4.1 L’Assemblée des évêques du Québec : passer de l’enseignement de la
doctrine chrétienne au parcours d’initiation
En l’an 2000, dans le document d’orientation intitulé Proposer aujourd’hui la foi aux
jeunes, un premier diagnostic sur la pertinence des cours d’enseignement religieux
catholique dans le processus de transmission de la foi a été posé par l’Assemblée
des évêques du Québec (AEQ). Les évêques insistent sur le fait que le paysage
socioreligieux a changé. Les constats sont nombreux : les mentalités se sont
sécularisées, la pluralité éclate partout, la mémoire chrétienne s’effrite et la pratique
religieuse continue de fléchir. On perçoit également les limites de l’école où l’apport
religieux est réduit. L’Assemblée des évêques du Québec se demande comment,
dans ce contexte mouvant, éveiller les jeunes à la foi et les rejoindre. Selon elle,
proposer la foi aux jeunes, c’est passer des cours aux parcours, c’est moins
chercher à leur donner des cours qu’à leur suggérer des parcours de vie.
Dans son document d’orientation, l’AEQ fait le constat suivant : Dans un passé
encore pas très lointain, cette question première était la suivante : comment répartir
la doctrine chrétienne à proposer aux jeunes, au temps de leur enfance et de leur
adolescence ? Quel contenu de foi proposer à chacune des années de scolarité ?
On pensait spontanément à un enseignement, à des cours, à un ensemble doctrinal
à proposer progressivement et complètement. Dans la nouvelle perspective
indiquée, la question devient autre. C’est la suivante : quels sont les chemins ou
parcours d’initiation à proposer aux jeunes ? Enfin, prenant acte des nouvelles
dispositions législatives qui abolissent le caractère confessionnel de l’école,
l’Assemblée des évêques du Québec souligne que, traditionnellement habituée à
13

14
compter sur l’école comme un partenaire dans la proposition de la foi, la population
catholique doit aussi réviser ses attentes vis-à-vis de l’école 5 .
4.2 Paul Tremblay : parcours de vie ou cours de religion ?
Dans son dernier ouvrage, Par-delà l’automne. Essai sur la vie, Paul Tremblay pose
un regard sur la pertinence d’un enseignement religieux confessionnel structuré
pour l’éducation de la foi. Il s’interroge sur la manière de faire découvrir les chemins
de la foi aux jeunes générations. Paul Tremblay évoque l’inquiétude que pose
aujourd’hui la transmission de la foi : il semble bien qu’il faudra renoncer à penser
l’éducation de la foi selon les schémas habituels. C’est-à-dire en misant tout sur les
canaux traditionnels : l’école, les familles, les paroisses appelées à travailler en
convergence. En comptant également sur une formation systématique, soi-disant
indispensable, qui couvrirait l’ensemble des enseignements de l’Église. Dans son
dernier essai, il rappelle l’importance de dialoguer avec les jeunes et d’échanger
avec eux sur ce qui fait vivre et empêche de vivre et sur ce qu’on aimerait vivre. Il
souligne que les jeunes sont plus sensibles aux témoignages qu’aux
enseignements. Plus intéressés aux parcours de vie qu’aux cours de religion.
Jeunes et vieux apprennent ensemble que la transmission de la foi, c’est d’abord
une redécouverte à faire, de génération en génération. Ce n’est jamais une simple
reproduction, une répétition 6 .
4.3 Itinéraires de croyance de jeunes au Québec : l’impact des activités
pastorales dans la construction d’une identité chrétienne
Un troisième constat confirme le faible apport de l’enseignement religieux
confessionnel à la construction d’une identité chrétienne chez les jeunes. Cette
conclusion provient d’une enquête qui a été menée de 2002 à 2004 auprès
d’adolescents et de jeunes adultes de 14 à 35 ans. Cette recherche, commandée et
financée par les Frères des Écoles chrétiennes, a été prise en charge par une
équipe de la faculté de théologie de l’Université Laval.
5
Assemblée des évêques du Québec, Proposer aujourd’hui la foi aux jeunes. Une force pour vivre, Bibliothèque
nationale du Québec, Fides, 2000, p. 10‐11, 16, 18‐19, 23 et 49.
6
Paul Tremblay, Par‐delà l’automne. Essai sur la vie, Éditions Anne Sigier, 2005, p. 126 et 190‐191.

Dans ce rapport d’enquête 7 intitulé Itinéraires de croyance de jeunes au Québec,
Gilles Routhier a analysé de nombreux témoignages de jeunes. S’appuyant sur les
propos recueillis, il en ressort que l’enseignement religieux à l’école a constitué un
facteur moins déterminant pour leur cheminement spirituel ou religieux que les
camps ou les activités de pastorale, le dialogue avec l’animateur de pastorale, la
rencontre de gens croyants, les expériences communautaires ou de bénévolat et
certaines circonstances de la vie comme la maladie ou le décès d’un proche.
La contribution de ces divers facteurs à l’éducation de la foi des élèves est mise en
valeur dans le quatrième chapitre de ce document.
4.4 Rapport d’enquête de la FEEP : l’évolution de la croyance en Dieu chez
les jeunes du secondaire
Il convient de signaler une dernière étude témoignant de l’évolution de la croyance
en Dieu chez les jeunes du secondaire. Pour ce faire, nous nous appuyons sur le
résultat du rapport d’enquête de la FEEP de novembre 2001. Ce rapport analyse le
portrait des élèves qui fréquentent les écoles secondaires 8 membres de la
Fédération. Cette étude a été menée auprès de 35 000 répondants.
À la question Crois-tu en Dieu ?, 49,9 % affirment que oui (50,3 % des filles et
49,2 % des garçons), 17,7 % disent non et 32,4 % baignent dans l’incertitude.
Quand on analyse l’évolution de la croyance en Dieu de la 1 re à la 5 e secondaire, on
constate qu’elle diminue.
Le pourcentage d’élèves qui déclarent ne pas croire en Dieu passe de 12,7 % en
1 re secondaire à 21,2 % en 5 e secondaire, ce qui signifie une augmentation de 40 %
entre le début et la fin du secondaire. Il importe, par ailleurs, de souligner que la
7 Gilles Routhier, Itinéraires de croyance de jeunes au Québec, Anne Sigier, 2005.
8 FEEP, Portrait des élèves du secteur régulier des écoles secondaires de la Fédération des établissements
d’enseignement privés : leur vécu familial, personnel, socio‐affectif et scolaire, Montréal, novembre 2001.
15

16
croyance en Dieu est plus élevée chez les élèves de parents nés à l’extérieur de
l’Amérique du Nord, comme l’illustre le tableau comparatif suivant :
Élèves de parents nés…
Proportion d’élèves qui croient en Dieu
Île de Montréal Ensemble du Québec
au Québec 42,4 % 48 %
à l’extérieur de l’Amérique du Nord 73 % 65 %
Écart de 31,6 % Écart de 17 %
Dans l’Île de Montréal, 35,2 % des pères et 30,4 % des mères sont nés à l’extérieur de l’Amérique du
Nord. Pour l’ensemble du Québec, c’est le cas de 11,3 % des pères et de 9,2 % des mères.
À cette étape, il ressort des analyses et des constats précédents que les
établissements d’enseignement privés ne sauraient se contenter de tout miser, selon
l’expression de Paul Tremblay, sur l’enseignement religieux catholique pour
sauvegarder le caractère confessionnel de leur projet éducatif.

5. DES REPÈRES POUR UNE ÉDUCATION CHRÉTIENNE ATTENTIVE À LA
RÉALITÉ DES JEUNES D’AUJOURD’HUI
L’implantation du programme Éthique et culture religieuse représente une occasion
unique pour les établissements d’enseignement privés, disposant d’un projet éducatif
chrétien, de s’engager dans une réflexion en profondeur sur ce que devrait être une
éducation à la foi inspirante et adaptée à ce que vivent les jeunes d’aujourd’hui. Tout
comme nous, ces jeunes évoluent au sein d’une société québécoise, à la fois
sécularisée et pluraliste sur les plans culturel et religieux.
L’école privée ne peut abdiquer ses responsabilités dans la formation humaine et le
développement spirituel de ses élèves. Elle a besoin de renouveler son projet éducatif à
la lumière de la réalité et des attentes des jeunes qui lui sont confiés. Comme le
soulignait Georges Leroux, professeur associé au département de philosophie à
l’Université du Québec à Montréal, dans sa conférence présentée le 29 novembre 2006
au Forum national sur le programme Éthique et culture religieuse, les communautés
croyantes sont appelées de leur côté à un défi de reconstruction de la transmission
confessionnelle au sein de leurs propres institutions.
Il ajoutait également que le nouveau programme Éthique et culture religieuse constitue
à la fois la réponse de toute une société au défi de la déconfessionnalisation et la prise
en charge d’une responsabilité de formation face aux grands enjeux, moraux et
religieux, qui traversent le monde contemporain.
Dans son récent livre Éthique, culture religieuse, dialogue, Georges Leroux soulignait
aussi que le nouveau programme représente un défi pour les établissements privés.
Selon lui, il est l’occasion de réfléchir en profondeur sur les conditions d’une éducation
confessionnelle renouvelée. On peut attendre de ces institutions qu’elles se montrent
sur ce plan aussi créatives que dans d’autres volets pédagogiques de leur mission. On
17

peut attendre aussi d’elles une interprétation particulière du programme qui pourrait en
révéler des virtualités inédites 9 .
L’établissement d’enseignement privé est convié à relever ce défi 10 et à accepter cette
prise en charge en se tournant avec confiance vers l’avenir et en s’ouvrant à la diversité
religieuse et au dialogue dans la perspective du vivre-ensemble. L’école privée est
appelée à passer d’une situation connue et sécurisante – le maintien intégral et
inconditionnel de ses acquis confessionnels – à une situation inexplorée et interpellante
– l’actualisation de son projet éducatif chrétien dans une société séculière.
C’est à ce renouvellement de la culture chrétienne dans la société actuelle que se
réfère Jacques Grand’Maison quand il écrit : S’il y a une orientation culturelle et
spirituelle du croyant chrétien en devenir, c’est bien celle du risque, du pari d’Abraham
qui partit sans trop savoir où il allait, avec la quête incessante des signes (…) Je me dis
que notre foi de plus en plus aventurée et l’avenir de notre Église de plus en plus
problématique ont beaucoup en commun avec les incertitudes, les questionnements,
les paris à risquer dans notre société séculière et une culture moderne ou postmoderne
qui se cherche. Pouvons-nous penser l’Église de demain sans relier ces deux défis ?
Cela vaut aussi pour l’école, pour les choix collectifs douloureux auxquels nous faisons
face, pour les projets de société à risquer 11 .
Une alternative s’offre à l’école privée au regard de la mise en œuvre du programme
Éthique et culture religieuse : adopter une position de repli et s’accrocher au statu quo
9
Georges Leroux, Éthique, culture religieuse, dialogue. Arguments pour un programme, Fides, 2007, p. 116.
10
Dans un article publié dans Le Nouvelliste (Trois‐Rivières) le 19 janvier dernier, le journaliste Jean‐Guy Dubuc,
bien connu pour ses sympathies envers l’enseignement privé, écrivait à propos de l’impact du nouveau
programme Éthique et culture religieuse sur les écoles privées ayant un projet éducatif catholique : « Il ne
faudrait pas que ces enfants (du privé) soient exclus d’un enseignement utile à la compréhension complexe de
notre univers religieux en ébullition (…) C’est le nouveau défi des institutions confessionnelles. Si elles ne
peuvent le relever, il est évident qu’elles ne sont pas aptes à préparer des enfants à une vie adulte vécue dans la
société pluraliste qui est maintenant la nôtre. »
11
Texte paru en 1997 sur le site Web du Réseau Culture et Foi sous le titre Enjeux de culture et de foi pour l’avenir
de l’Église et de notre société.
18

au nom d’une fidélité à la tradition chrétienne 12 ou accepter de se mettre en route et de
relever le défi de baliser la route de la foi en terrains nouveaux, avec les jeunes (…), de
les rejoindre sur les terrains culturellement inédits et incertains qui sont désormais leur
monde (…), d’explorer avec eux, à travers leurs âges et leurs cultures, les sagesses qui
font vivre et les signes du Dieu qui, depuis le jardin des origines, aime marcher avec les
humains 13 .
12 Être fidèle à la Tradition, croit le théologien Hans Urs Von Balthazar, ce n’est pas répéter et transmettre
littéralement des thèses de théologie, c’est bien plutôt imiter de nos Pères dans la foi l’attitude de réflexion
intime et l’effort de création audacieuse, préludes nécessaires de la véritable fidélité spirituelle.
13 Assemblée des évêques du Québec, Proposer aujourd’hui la foi aux jeunes, p. 75.
19

CHAPITRE 2
LE PROGRAMME D’ENSEIGNEMENT MORAL ET RELIGIEUX CATHOLIQUE ET LE
PROGRAMME ÉTHIQUE ET CULTURE RELIGIEUSE
Résultant du projet de loi 95, le programme Éthique et culture religieuse arrive en
conclusion du processus de déconfessionnalisation du système scolaire québécois. Il
modifie complètement l’orientation pédagogique de l’enseignement religieux jusqu’alors
enracinée dans des repères confessionnels explicites.
Les pages qui suivent proposent une synthèse des différences sur le plan des contenus
et des orientations pédagogiques du programme Enseignement moral et religieux
catholique 14 et du programme Éthique et culture religieuse 15 .
La synthèse présentée ne tient pas compte du programme Enseignement religieux
protestant puisque la grande majorité des écoles membres de la FEEP offre un
enseignement de type confessionnel catholique. Pour les écoles qui ont fait le choix
d’appliquer le programme confessionnel protestant 16 , il pourrait être utile de comparer la
14 Voici nos documents de référence.
Pour le primaire : Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. Direction générale des programmes, Le
programme de formation de l’école québécoise‐éducation préscolaire et primaire, Enseignement moral et
religieux catholique, chapitre 9.3, p. 291‐298. On peut télécharger ce programme à partir de l’adresse suivante :
http://www.mels.gouv.qc.ca/DGFJ/dp/programme_de_formation/primaire/pdf/prform2001nb/prform2001nb.pdf
Pour le 1 er cycle du secondaire : Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. Direction générale des
programmes, Le programme de formation de l’école québécoise‐éducation secondaire, premier cycle,
Enseignement moral et religieux catholique , Chapitre 9.3, p.463‐549. On peut télécharger ce programme à
partir de l’adresse suivante :
http://www.mels.gouv.qc.ca/DGFJ/dp/programme_de_formation/secondaire/pdf/prform2004/chapitre093v2.pdf
Pour le 2 e cycle du secondaire : voir note 4.
15 Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. Direction des programmes et Direction générale des jeunes,
Programme de formation de l’école québécoise, Éthique et culture religieuse, Québec, 2007.
16 Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. Direction générale des programmes, Le programme de
formation de l’école québécoise‐éducation préscolaire et primaire et éducation secondaire, Enseignement
moral et religieux protestant, chapitre 9.4, On peut télécharger ces programmes à partir des adresses
suivantes :
Pour le primaire :
http://www.mels.gouv.qc.ca/DGFJ/dp/programme_de_formation/primaire/pdf/prform2001nb/prform2001nb.pdf
Pour le premier cycle du secondaire :
http://www.mels.gouv.qc.ca/DGFJ/dp/programme_de_formation/secondaire/pdf/prform2004/chapitre094v2.pdf
Notez que pour le deuxième cycle du secondaire, il s’agit du même cours de morale présenté à l’adresse suivante :
http://www.meq.gouv.qc.ca/dfgj/program/pdf/mrlsec2.pdf.
21

synthèse proposée aux spécificités de l’approche en matière d’enseignement religieux.
Il en va de même pour les écoles de confession religieuse musulmane.
Pour une dernière année scolaire, en 2007-2008, le programme d’enseignement moral
et religieux catholique s’applique aux trois cycles du primaire ainsi qu’au premier cycle
de l’enseignement secondaire. Tel qu’indiqué actuellement au régime pédagogique de
l’éducation préscolaire, de l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire, il
n’y a pas de cours d’enseignement religieux retenu à titre de matière obligatoire en
troisième secondaire. Cependant, un programme d’enseignement moral non
confessionnel 17 est proposé pour les quatrième et cinquième années du secondaire.
À compter de septembre 2008, le programme Éthique et culture religieuse concernera
tous les cycles du primaire et du secondaire, à l’exception de la troisième année du
secondaire.
1. ORIENTATION CONFESSIONNELLE DU PROGRAMME ENSEIGNEMENT
MORAL ET RELIGIEUX CATHOLIQUE
22
1.1 Finalités générales du programme et compétences développées
En plus d’approfondir les connaissances culturelles liées à la tradition catholique, ce
programme a pour but de donner du sens, des repères moraux ainsi qu’une
orientation chrétienne aux élèves. Il stimule davantage la croissance spirituelle,
religieuse et morale de ces derniers plutôt qu’un apprentissage systématique des
référents culturels d’une religion. L’interrelation et l’intégration des compétences
développées tout comme l’apprentissage et l’intégration des acquis se réalisent
autour de l’élève en quête de sens. En plus de favoriser l’acquisition de certaines
connaissances théoriques des éléments culturels du catholicisme, ce programme
suscite aussi une réflexion personnelle sur la place du christianisme dans la quête
spirituelle des élèves.
17 Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. Direction générale des programmes, Enseignement moral 081‐
412. Enseignement secondaire. Second cycle, Bibliothèque nationale du Québec, 1986. On peut télécharger ce
programme à partir de l’adresse suivante : http://www.meq.gouv.qc.ca/dfgj/program/pdf/mrlsec2.pdf.

Première compétence : apprécier l’apport de la tradition catholique
vivante à sa quête de sens
Le cadre de référence autour duquel s’articule cette première compétence
demeure celui de la tradition catholique vivante dans ses aspects sociaux,
culturels, spirituels et religieux les plus dynamiques.
L’appréciation de l’apport de la tradition catholique se construit à partir d’un
questionnement personnel sur la vision chrétienne de la personne, du monde
et de la vie révélée afin d’établir des liens avec l’actualité et l’histoire
personnelle de chacun. Pour ce faire, l’élève doit approfondir les récits
bibliques et leurs messages, les éléments culturels du catholicisme ainsi que
la vie de catholiques contemporains et celle d’autres époques. Tous ces
éléments constitutifs du programme doivent être présentés à partir de la foi
chrétienne vivante et non à partir de discours théoriques. L’aspect spirituel et
religieux lié à la dimension confessionnelle de ce programme a comme objectif
d’amener l’élève à se questionner sur ses croyances personnelles et sur la foi
catholique. Mentionnons aussi que les cours doivent favoriser l’ouverture et le
dialogue chez les élèves en présentant la foi des autres traditions religieuses
importantes.
Deuxième compétence : se positionner, de façon réfléchie, au regard
d’enjeux d’ordre éthique
Dans un premier temps, la réflexion éthique mise de l’avant par cette
deuxième compétence repose exclusivement sur la position éthique
catholique. C’est dans un deuxième temps que l’ouverture à d’autres visions
morales est proposée à l’élève, en complément à sa réflexion initiale. Cette
forme de pratique réflexive invite l’élève à développer une compétence éthique
propre au vivre-ensemble. Malgré la nécessité d’ouverture à d’autres cadres
référentiels moraux, le catholicisme demeure la référence de base, ce
programme d’études étant de nature confessionnelle.
23

24
1.2 Rôle de l’enseignant dans un contexte d’enseignement religieux
confessionnel
Dans un contexte d’enseignement confessionnel, le rôle de l’enseignant est
d’éclairer le questionnement de l’élève dans le respect de la liberté de conscience et
de religion. Loin de devoir amener l’élève à la foi catholique ou de l’intégrer à une
communauté de foi, l’enseignant a plutôt pour mission d’éveiller l’élève à un
questionnement. Par la suite, s’appuyant sur la vision transmise par la tradition
chrétienne catholique de la personne, du monde et de la vie, il se doit
d’accompagner l’élève, sans pour autant imposer ses pensées et ses valeurs
personnelles.
2. ORIENTATION LAÏQUE DU PROGRAMME ÉTHIQUE ET CULTURE RELIGIEUSE
2.1 Finalités générales du nouveau programme
Le nouveau programme Éthique et culture religieuse propose un enseignement non
confessionnel des religions en réponse au contexte d’évolution culturelle de la
société québécoise actuelle devenue laïque et pluraliste. Ce programme s’articule
autour de deux axes, c’est-à-dire la reconnaissance de l’autre et la poursuite du bien
commun. Au départ, la reconnaissance de l’autre exige une connaissance de soi.
De cette connaissance de soi devrait émerger l’ouverture nécessaire au dialogue,
dans un esprit d’écoute et de discernement. Reconnaître l’autre ne veut pas dire
accepter ce qui porte atteinte à la dignité de la personne ou ce qui pourrait
compromettre la poursuite du bien commun. Reconnaître l’autre dans sa valeur,
dans sa dignité et dans sa différence nécessite de connaître et de respecter sa
vision du monde. Quant à la poursuite du bien commun, il s’agit de rechercher avec
les autres des valeurs communes, de valoriser des projets qui favorisent le bien
commun et de promouvoir les principes et les idéaux démocratiques propres à la
société québécoise.

2.2 Compétences visées
Première compétence : réfléchir sur des questions éthiques
Cette première compétence permet aux élèves de développer une pensée
autonome, critique et créatrice face à la diversité des valeurs et des normes
que nous retrouvons dans la société actuelle. La laïcité, la démocratie ainsi
que la Charte canadienne des droits et libertés serviront de jalons au
discernement moral. Dans le programme d’enseignement religieux catholique,
la dimension morale a pour seul repère celui de la religion catholique. Le
programme Éthique et culture religieuse, quant à lui, évite de mettre en valeur
un référentiel moral et religieux au détriment d’un autre. Dans le contexte d’un
enseignement déconfessionnalisé, les réponses morales de tradition
catholique sont donc présentées au même titre que toutes les autres puisque
la référence morale est construite à partir des valeurs et des normes de la
société laïque.
Deuxième compétence : manifester une compréhension du
phénomène religieux
Manifester une compréhension du phénomène religieux exige le
développement de certaines connaissances théoriques et culturelles
essentielles à la compréhension des grandes religions. Ce cours ne concerne
donc pas la quête de sens des élèves. Il propose plutôt de faire des liens entre
les différentes manifestations du religieux en les situant dans un univers social
et culturel. Le programme amène également à développer une intelligence du
phénomène religieux tant dans les grandes religions du monde que dans les
nouveaux groupes religieux, sans oublier le phénomène religieux actuel inscrit
au cœur de notre société laïque.
Le christianisme occupe une place importante dans l’enseignement culturel de
ce programme, mais il n’agit pas en tant que repère religieux principal du
programme Éthique et culture religieuse. La place particulière qu’on lui réserve
25

26
renvoie à sa participation majeure dans la construction de l’identité et de la
culture québécoises. Le christianisme est présenté au même titre que les
autres religions du monde. Les élèves doivent s’approprier des connaissances
culturelles et religieuses sur le christianisme sans pour autant que
l’enseignement de cette grande religion devienne un lieu de transmission de la
foi.
Troisième compétence : pratiquer le dialogue
La société québécoise pluraliste actuelle demande de développer un dialogue
basé sur le discernement, l’écoute et la réflexion afin de pouvoir arriver à un
mieux vivre-ensemble. Le développement de cette compétence est un
élément fondamental du nouveau programme. C’est pourquoi la pratique du
dialogue est prescrite dans toutes les situations d’apprentissage et
d’évaluation. Pratiquer le dialogue veut dire s’engager dans la réflexion,
interagir avec les autres et présenter un point de vue étayé. Ces trois
composantes essentielles de la pratique du dialogue pourront être
développées grâce à deux dimensions interactives essentielles : la
délibération intérieure et l’échange d’idées avec les autres.
Cette pratique du dialogue, tel qu’enseignée dans le programme Éthique et
culture religieuse, diffère de celle proposée dans le programme
d’enseignement religieux catholique. Même si le programme d’enseignement
religieux catholique propose un dialogue avec les autres religions et avec
d’autres visions de l’existence, la tradition catholique demeure le référentiel
sur lequel s’élabore toute sa structure pédagogique. Ce référentiel
confessionnel n’existe pas dans le nouveau programme. Ce sont plutôt les
idées, les valeurs et la morale de la société québécoise laïque qui constituent
les critères de discernement présentés dans les situations de dialogue.
Comme mentionné précédemment, il s’agit de présenter la tradition chrétienne
catholique de la même manière que les autres grandes traditions religieuses.

2.3 Rôle de l’enseignant dans un contexte d’enseignement religieux non
confessionnel
Dans ce nouveau contexte, l’enseignant est invité à guider l’élève dans la
découverte et la compréhension de nombreuses expressions religieuses, en incluant
d’autres visions du monde et de l’être humain. Avec délicatesse, il doit maintenant
aborder les expressions du phénomène religieux dans le respect de la liberté de
conscience et de religion, et ainsi éveiller une forme d’intérêt pour l’héritage religieux
de chacun. L’enseignant devient un passeur culturel, c’est-à-dire qu’il doit jeter des
ponts entre le passé, le présent et l’avenir, particulièrement en ce qui a trait à la
culture québécoise.
Le défi majeur lié au rôle attendu de l’enseignant est sans doute sa posture
professionnelle. Il doit faire preuve d’un jugement professionnel empreint
d’objectivité et d’impartialité. Il doit développer une distance critique par rapport à
ses propres convictions, ses valeurs personnelles et ses croyances. Il ne doit plus
être un témoin de sa foi personnelle, mais plutôt provoquer un dialogue entre les
différentes visions du monde présentées dans les cours. La mission de l’enseignant
est maintenant de guider les élèves vers une compréhension neutre et culturelle des
religions.
27

CHAPITRE 3
LA MARGE DE MANŒUVRE DES ÉTABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT PRIVÉS
Compte tenu des enjeux que représente l’implantation du programme Éthique et culture
religieuse dans un contexte où plusieurs écoles se caractérisent par un projet éducatif
confessionnel explicite, la Fédération s’est adressée à deux juristes afin d’obtenir des
avis au regard de questions précises. Il s’agit de bien comprendre la marge de
manœuvre dont les établissements d’enseignement privés disposent pour vivre leur
projet éducatif, dans le respect des chartes et des encadrements ministériels auxquels
les écoles doivent se soumettre.
On retrouvera en annexe les analyses complètes fournies par M e José Woehrling,
professeur à la faculté de droit de l’Université de Montréal ainsi que par M e Côme
Dupont, auteur de la Loi sur l’enseignement privé et de la Loi sur l’instruction publique.
Ce chapitre propose une synthèse des réponses données par les deux juristes aux
questions qui leur ont été adressées respectivement.
1. QUESTIONS, RÉSUMÉ ET SYNTHÈSE DE L’ANALYSE DE M e JOSÉ WOEHRLING 18
Les questions adressées à M e Woehrling concernent la possibilité pour les écoles
privées de dispenser un cours d’enseignement religieux confessionnel conforme à leur
projet éducatif et l’obligation d’en soustraire les élèves dont les parents en feraient la
demande. De plus, nous avons demandé un avis sur l’obligation faite aux écoles
privées de dispenser le cours Éthique et culture religieuse.
18 José Woehrling, Conditions et modalités de l’enseignement confessionnel dans les établissements
d’enseignement privés, Avis juridique demandé par la Fédération des établissements d’enseignement privés,
Montréal, 2006, 18 p.
29

30
1.1 Première question
La disparition des clauses dérogatoires contenues dans la Loi sur l’instruction
publique prévue pour 2008 menace-t-elle la capacité des établissements
d’enseignement privés de dispenser un enseignement religieux de type
confessionnel ?
(…) La disparition programmée pour 2008 des clauses dérogatoires contenues
dans la Loi sur l’instruction publique n’aura donc aucun effet ni conséquence sur
la capacité des établissements d’enseignement privés de dispenser un
enseignement religieux de type confessionnel. Aucune dérogation aux deux
Chartes n’est nécessaire pour permettre à un établissement d’enseignement
privé de dispenser un enseignement religieux confessionnel. Non seulement les
deux Chartes n’interdisent pas de dispenser un tel enseignement, mais au
contraire elles en garantissent le droit. (…)
1.2 Deuxième question
Les Chartes, en particulier la Charte québécoise, reconnaissent-elles le droit
des établissements d’enseignement privés de dispenser un enseignement
religieux de type confessionnel conforme à leur projet éducatif ?
(…) Le droit de créer des écoles religieuses privées et celui d’envoyer ses
enfants dans une telle école ne sont pas expressément reconnus dans la Charte
canadienne. Mais on considère généralement que la Cour suprême a
indirectement fait découler de l’article 2(a) de la Charte canadienne le droit des
parents de ne pas envoyer leurs enfants à l’école publique et de leur faire donner
un enseignement religieux dans une école privée ou à la maison, à condition qu’il
soit «approprié» (le droit des parents d’envoyer leurs enfants dans une école
religieuse privée suppose évidemment le droit de créer et de gérer de telles
écoles). (…)
(…) La Charte québécoise contient un article 42 qui reconnaît aux parents ou
aux personnes qui en tiennent lieu «le droit de choisir pour leurs enfants des

établissements d’enseignement privés, pourvu que ces établissements se
conforment aux normes prescrites ou approuvées en vertu de la loi». En outre,
la Loi modifiant diverses dispositions législatives de nature confessionnelle dans
le domaine de l’éducation (L.Q. 2005, chapitre 20) a modifié la Charte
québécoise afin de remplacer l’ancien article 41 par une nouvelle disposition qui
se lit comme suit : «Les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit
d'assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs
convictions, dans le respect des droits de leurs enfants et de l'intérêt de ceux-ci.»
Calquée sur les dispositions similaires des conventions internationales dont le
Québec fait partie, cette disposition doit être interprétée comme accordant aux
parents le droit d’envoyer leurs enfants dans une école privée où ils recevront un
enseignement confessionnel conforme à leurs vœux ou de les faire dispenser de
l’enseignement religieux ou moral donné à l’école publique.(…)
1.3 Troisième question
Les établissements d’enseignement privés qui offrent un enseignement
confessionnel sont-ils tenus d’en dispenser, sur demande des parents, les
élèves dont la religion n’est pas celle correspondant au projet éducatif ?
(…) La Charte canadienne des droits et libertés ne s’applique pas aux rapports
de nature contractuelle entre une école privée et ses élèves (ou les parents de
ceux-ci). Nous raisonnerons donc à partir des droits garantis par la Charte
québécoise, lesquels s’imposent à de tels rapports.(…)
(…) Si une école privée ayant un projet éducatif religieux accepte en toute
connaissance de cause des élèves d’autres religions que celle correspondant à
son projet éducatif, le fait de leur imposer un enseignement confessionnel aurait
pour effet de restreindre leur liberté de religion et de les soumettre à une
discrimination fondée sur la religion. Le fait de s'inscrire volontairement à une
école religieuse ne constitue pas une renonciation aux droits car la liberté de
religion et la protection contre la discrimination religieuse sont d’ordre public et
l’on ne peut y renoncer. (…)
31

32
(…) L'école en cause serait alors sous le coup d’une obligation
d’accommodement raisonnable consistant à offrir une possibilité de dispense de
l'enseignement religieux aux élèves désireux de ne pas suivre cet enseignement
pour des raisons religieuses. (…)
1.4 Quatrième question
L’État peut-il imposer aux écoles privées de dispenser un programme
d’éthique et de culture religieuse ?
(…) Le droit de créer et de gérer des écoles privées, notamment religieuses, et
d’y envoyer ses enfants n’empêche pas l’État d’imposer aux écoles privées des
normes pédagogiques minimales et, notamment, de les obliger à dispenser
certains enseignements considérés comme devant faire partie du curriculum
commun à tous les enfants. Par conséquent, les établissements d’enseignement
privés devront dispenser, en plus de l’enseignement confessionnel qu’ils
choisiront d’offrir à leurs élèves, le cours Éthique et culture religieuse imposé par
le Ministère. Il n’en irait autrement que si l’on pouvait démontrer que le contenu
de cet enseignement obligatoire a pour effet de porter atteinte à la liberté de
religion des élèves des établissements privés en leur imposant des valeurs ou
des points de vue incompatibles avec leurs convictions religieuses. Une telle
question ne peut être étudiée de façon abstraite et nécessite que l’on connaisse
précisément le contenu de l’enseignement imposé par le Ministère. (…)

2. QUESTIONS, RÉSUMÉ ET SYNTHÈSE DE L’ANALYSE DE M e CÔME DUPONT 19
Les questions adressées à M e Côme Dupont relèvent des modes d’application du
programme Éthique et culture religieuse et de la possibilité ou non d’introduire des
éléments de contenu à caractère confessionnel.
2.1 Première question
Pouvons-nous répartir sur deux ans les quatre unités prévues pour le
programme Éthique et culture religieuse de 4 e secondaire ? Autrement dit,
une école pourrait-elle décider que, dans son organisation scolaire, on
commence le programme en 3 e secondaire (en prévoyant environ 50 heures /
année) et on le poursuit de la même façon en 4 e secondaire, en s’assurant
ainsi que les élèves disposeront du temps requis pour développer les
compétences prescrites ?
(…) Les dispositions du Régime pédagogique de l’éducation préscolaire, de
l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire n’autorisent pas
l’établissement d’enseignement privé à répartir sur deux ans les 4 unités
attribuées au programme Éthique et culture religieuse de 4 e secondaire. En
outre, l’établissement ne peut utiliser en 3 e secondaire une partie des 25 heures
par semaine devant être consacrées aux services éducatifs pour dispenser des
éléments du programme Éthique et culture religieuse de la 4 e secondaire. (…)
19 Côme Dupont, Précisions relatives à la marge de manœuvre d’un établissement d’enseignement privé dans
l’application de l’obligation d’offrir le programme Éthique et culture religieuse à compter de l’année scolaire
2008‐2009, Avis juridique demandé par la Fédération des établissements d’enseignement privés, Québec, 2007,
10 p.
33

34
2.2 Deuxième question
L’établissement à caractère religieux peut-il intégrer des éléments
d’enseignement religieux confessionnel au programme Éthique et culture
religieuse ? Devrait-il plutôt prévoir des périodes distinctes pour
l’enseignement religieux confessionnel afin de bien faire la distinction entre
les objectifs poursuivis par cet enseignement et ceux prévus par le
programme Éthique et culture religieuse ?
(…) L’établissement d’enseignement privé tenu sans but lucratif peut se donner
un caractère religieux et offrir à ses élèves qui se déclarent de la confession
religieuse de l’établissement un programme local d’enseignement religieux
confessionnel pour lequel il peut attribuer un maximum de 4 unités, sauf
autorisation du ministre accordée en application de l’article 33 de la Loi sur
l’enseignement privé. L’établissement demeure toutefois assujetti à l’obligation
de dispenser à tous ses élèves le programme Éthique et culture religieuse établi
par le ministre. L’établissement ne peut formellement intégrer au programme
Éthique et culture religieuse obligatoire des éléments d’un programme local
d’enseignement religieux confessionnel. Toutefois, aucune disposition législative
n’empêche l’établissement de confier à une même personne jugée compétente
l’enseignement du programme Éthique et culture religieuse et l’enseignement du
programme local d’enseignement religieux confessionnel à un même groupe
d’élèves qui partagent la confession religieuse de l’établissement. Partant de
cette possibilité, l’établissement peut prévoir dans l’horaire des élèves les
mêmes périodes pour l’enseignement des deux programmes. (…)

CHAPITRE 4
REPÈRES POUR UNE ACTUALISATION DE LA DIMENSION CHRÉTIENNE DU
PROJET ÉDUCATIF DANS LE CONTEXTE D’APPLICATION DU PROGRAMME
ÉTHIQUE ET CULTURE RELIGIEUSE
Dans un contexte d’évolution culturelle vers une société laïque et pluraliste, comment
peut-on assurer l’actualisation de la dimension chrétienne d’un projet éducatif ? Quel
type d’organisation pédagogique doit-on privilégier pour favoriser le cheminement
spirituel des jeunes dans la foi chrétienne ?
Les pistes énoncées ci-dessous sont largement inspirées des conclusions d’une
enquête menée entre 2002 et 2004 par une équipe de chercheurs de l’Université Laval.
Cette recherche dirigée par Gilles Routhier 20 , professeur à la faculté de théologie et de
sciences religieuses, a permis de cerner certains types d’itinéraires susceptibles
d’engendrer différentes «positions croyantes» chez les jeunes.
La conclusion de cette étude, menée auprès d’adolescents et de jeunes adultes de 14 à
35 ans, nous aide à comprendre les conditions qui favorisent la croissance de la foi
chrétienne. Cette enquête nous révèle également les éléments qui semblent nuire à
l’évolution de la foi. S’il est un constat d’ensemble que l’on peut dégager du rapport
Routhier, c’est le peu d’influences positives qu’auront à cette fin, tant à l’enfance qu’à
l’adolescence, les activités ayant un caractère obligatoire. À cet égard, on mentionne
explicitement la préparation aux sacrements et l’enseignement religieux. Par contre, au
regard de ce qui apparaît incontournable pour contribuer à l’émergence de la foi, on
cible (…) principalement trois déterminants : des personnes signifiantes, des
sociabilités (ou des formes de relations entre les personnes) et des actions (ou
20 Gilles Routhier, Itinéraires de croyance de jeunes au Québec, Le rapport Routhier, Québec, Anne Sigier, 2005,
176 p.
35

activités). À la limite, on pourrait ajouter un quatrième déterminant : des espaces (ou
des lieux) 21 .(…)
Dans le cadre des objectifs que nous poursuivons, nous tenterons de dégager de cette
recherche ce qui est le plus susceptible de servir la cause qui est la nôtre, c’est-à-dire
se donner des repères pour actualiser concrètement la dimension chrétienne du projet
éducatif dans le contexte de l’implantation du programme Éthique et culture religieuse.
1. PREMIER REPÈRE : le maintien de l’enseignement religieux confessionnel
Le Régime pédagogique de l’éducation préscolaire, de l’enseignement primaire et de
l’enseignement secondaire auquel doivent se soumettre les établissements
d’enseignement privés, précise aux articles 22, 23, et 23.1 les matières obligatoires qui
doivent être enseignées au primaire et au secondaire. Les mêmes articles précisent le
nombre d’heures d’enseignement, «à titre indicatif», de chacune de ces matières, que
ce soit par semaine, par cycle ou par année. Le temps indicatif donne une importante
marge de manœuvre aux établissements d’enseignement. Cependant, il est de la
responsabilité de chaque école de mettre en place une organisation pédagogique qui
garantit aux élèves la possibilité d’atteindre les finalités prescrites par les programmes
d’études ministériels.
Malgré l’obligation qui leur est faite d’implanter le programme Éthique et culture
religieuse à compter de septembre 2008, les écoles privées ont la possibilité de
maintenir, parallèlement, un enseignement religieux de type confessionnel. Cette
possibilité est confirmée dans les avis légaux cités précédemment.
Mais, la question demeure : est-ce que le cours d’enseignement religieux s’avère être la
meilleure façon de former des croyants ? Les conclusions du rapport Routhier ont
répondu à cette question de la manière suivante : (…) Ce constat est particulièrement
interpellant quand on pense aux efforts importants de certains groupes pour défendre
21 Ibid. p. 103.
36

l’enseignement religieux à l’école ; quand on pense également aux énergies investies
de façon si massive par les paroisses dans les démarches préparatoires aux
sacrements. En effet, s’il y a un point que notre recherche met clairement en évidence,
c’est que l’enseignement religieux à l’école ne forme pas des croyants et que les
pratiques préparatoires aux sacrements n’ont franchement pas été, au cours des
dernières années, source de rencontre du Christ : une seule personne en a parlé en
des termes qui s’approchent de cette définition 22 . (…)
1.1 Comment utiliser la marge de manœuvre prévue au Régime pédagogique
pour offrir un cours d’enseignement confessionnel au primaire ?
Les établissements doivent consacrer un minimum de 25 heures/semaine aux
services éducatifs. Rappelons que c’est un seuil minimal qu’il est possible de
dépasser. En exploitant la marge de manœuvre dont ils disposent au regard du
temps d’enseignement suggéré pour chaque matière, les établissements
d’enseignement privés conservent la possibilité d’ajouter un cours d’enseignement
religieux confessionnel à la liste des cours obligatoires prévus à l’article 22 du
Régime pédagogique.
À titre d’illustration, à partir de septembre 2008, la grille-matières d’un établissement
d’enseignement privé du primaire pourrait prévoir 45 minutes pour le programme
Éthique et culture religieuse et autant pour le programme d’enseignement religieux
confessionnel que l’école souhaiterait maintenir. La répartition du temps pour
l’ensemble des disciplines relève des décisions qui sont prises localement.
Au primaire, l’exploitation de la marge de manœuvre du temps d’enseignement à
consacrer à chaque programme se trouve facilitée par le fait que l’enseignement de
la majorité des disciplines relève de l’enseignante ou de l’enseignant titulaire.
22 Ibid. p. 101‐102.
37

38
1.2 Comment utiliser la marge de manœuvre prévue au Régime pédagogique
pour offrir un cours d’enseignement confessionnel au secondaire ?
Le nombre d’intervenants spécialistes rend l’exploitation de la marge de manœuvre
plus difficile, mais elle demeure toujours possible.
Certains établissements envisagent de maintenir un cours d’enseignement religieux
confessionnel en réservant une période à leur grille-horaire. Cette période sera
récupérée sur le temps normalement consacré à l’enseignement d’autres
disciplines.
Près de la moitié des 49 établissements d’enseignement secondaire qui ont répondu
au questionnaire portant sur Les effets de l’application du programme Éthique et
culture religieuse en 2008 (janvier 2007) envisagent le maintien d’un cours
d’enseignement religieux confessionnel, en troisième secondaire. Ces écoles
profiteront ainsi des 4 unités disponibles pour les matières à option dans le parcours
de formation générale prévu pour cette classe (article 23.1 du Régime
pédagogique).
2. DEUXIÈME REPÈRE : passer des cours aux parcours
Selon Routhier, les cours d’enseignement religieux donnés à l’école et la préparation
aux sacrements en paroisse ne semblent pas avoir produit les effets escomptés en ce
qui a trait au développement d’une identité chrétienne chez les jeunes. Cependant, la
présence de stimuli religieux durant la période de l’enfance est déterminante et peut
favoriser l’émergence de la croyance dans une phase ultérieure de la vie.
(…) un grand nombre de ceux qui s’affichent aujourd’hui comme chrétiens ont bénéficié
d’un encadrement religieux riche et soutenu au moment de leur enfance, qui va au-delà
de la pratique dominicale ou de la réception des sacrements de l’initiation. Il s’agit de
milieux où les parents et d’autres proches sont engagés dans une démarche de foi
personnelle 23 . (…)
23 Ibid. p. 88.

(…) L’encadrement religieux nourri de l’enfance a parfois trouvé un prolongement à
l’adolescence, de sorte que l’adolescence se situe en continuité avec ce qui fut amorcé
à l’enfance. (…) Ce n’est cependant pas alors le milieu familial qui a joué. Face aux
remises en question de la foi enfantine qui surviennent à l’adolescence
(questionnements, rapports avec la pensée scientifique, effet d’entraînement des amis,
contre-témoignages), la persévérance dans la voie chrétienne n’est pas possible sans
une offre pastorale, qui maintienne, soutienne et stimule la foi 24 . (…)
Le rapport Routhier se situe tout à fait dans la ligne de pensée de l’Assemblée des
évêques du Québec. Les évêques nous rappelaient, dans leur document d’orientation
publié en 2000, que proposer la foi aux jeunes, c’est désormais passer des cours aux
parcours, c’est moins chercher à leur donner des cours qu’à leur suggérer des parcours
de vie 25 .
2.1 Comment passer des cours aux parcours au préscolaire et au primaire ?
Les établissements privés qui souhaitent actualiser le caractère confessionnel de
leur projet éducatif ne doivent surtout pas faire l’économie d’activités ou de
«parcours» qui favorisent l’éveil spirituel et religieux des enfants. Ainsi, dans le
respect des dispositions des Chartes canadienne et québécoise des droits et
libertés 26 , pourra-t-on considérer que certaines de ces activités proposées soient
24
Ibid. p. 92.
25
Assemblée des évêques du Québec : Proposer aujourd'hui la foi aux jeunes : une force pour vivre, Montréal, Fides
(L'Église aux quatre vents), 2000, p. 18‐19.
26
(…) Un établissement d’enseignement privé « exploité » ou « tenu » sans but lucratif peut donc se donner un
caractère confessionnel et faire le choix de l'une ou l'autre des deux attitudes suivantes :
n'accepter que des élèves qui sont de la confession religieuse dont il se réclame;
ou
accepter également des élèves qui sont d'une autre confession religieuse ou d'aucune confession religieuse.
L’établissement qui choisit ne n’accepter que des élèves qui sont de la confession religieuse dont il se réclame
peut alors leur imposer des exigences religieuses qui ont un lien logique et rationnel avec son projet éducatif
confessionnel.
L’établissement qui accepte également des élèves qui sont d’une autre confession religieuse ou d’aucune
confession religieuse doit consentir à ces élèves les accommodements qu'ils réclament, si ces accommodements
sont raisonnables. (…) Côme Dupont, mars 2007, avis légal, cf. section précédente
39

40
destinées à une très large proportion de la clientèle alors que d’autres, selon les
objectifs poursuivis, le soient sur la base d’une libre adhésion.
À l’école privée, l’élaboration de parcours inspirés des valeurs du projet éducatif de
l’établissement est réalisable. Leur définition pourra mettre à contribution les
ressources du service local d’animation spirituelle et d’engagement communautaire
(SASEC) ou celles du service d’animation pastorale, si ce dernier existe toujours
malgré l’entrée en vigueur de la loi 118 en juin 2000.
Voici quelques exemples de parcours proposés pour l’Éducation préscolaire et
l’enseignement primaire 27 .
Parcours au préscolaire et au primaire
Activités élaborées par l’animatrice ou l’animateur de pastorale (ou
l’équivalent) sur la base d’une thématique annuelle imaginée par l’équipeécole.
Bien qu’elles se situent à l’intérieur de l’horaire quotidien des élèves à l’école,
on sera sensible à la remarque de Gilles Routhier qui invite à ne pas calquer
ces activités sur le « modèle scolaire 28 », que ce soit dans les formes, les
modes pédagogiques, l’environnement ou les lieux dans lesquels elles se
déroulent.
Célébration des temps forts de l’année liturgique.
Activités liées à la découverte et à l’appréciation des œuvres de la fondatrice
ou du fondateur de l’établissement, de la communauté dirigeante ou
fondatrice.
27 Voir aussi les suggestions formulées par l’Assemblée des évêques du Québec : Proposer aujourd'hui la foi aux
jeunes : une force pour vivre, Montréal, Fides (L'Église aux quatre vents), 2000, p. 50‐51.
28 Ibid. p.104.

Toujours selon le rapport Routhier, un aspect apparaît déterminant au moment
de la « deuxième enfance », soit de 9 à 12 ans. Si, au cours de la petite enfance,
les apprentissages se font par imitation, ici l’engagement devient une dimension
nécessaire 29 . On privilégiera donc pour ces élèves des activités où ils auront la
possibilité de s’investir eux-mêmes : enfants de chœur, chorale, engagement
communautaire, etc.
La liste qui précède n’a rien d’exhaustif et elle n’a surtout rien de limitatif. On
retiendra l’importance d’imaginer pour les enfants du préscolaire et du primaire
des parcours qui ont le souci de les mettre en contact avec des personnes
signifiantes. Il sera nécessaire de créer des occasions pour socialiser et pour
passer à l’action. Il faut aussi éviter de placer l’enfant en situation de rupture par
rapport à la réalité familiale, sociale et culturelle qui est la sienne.
L’accompagnement des parents
L’éveil à la foi demeure subordonné au rôle déterminant qui incombe aux familles
qui ne doivent pas être laissées seules devant ce défi. Pour jouer leur rôle de façon
adéquate, les familles ont impérativement besoin de soutien et d’accompagnement.
(…) n’est-il pas vain de consacrer beaucoup d’énergie aux enfants sans s’intéresser
d’abord et surtout aux parents de ces enfants ? Il faut sans doute être en mesure de
les soutenir et de les accompagner dans l’éveil à la foi de leurs enfants. Il y a là une
tâche prioritaire 30 .
Les parents qui inscrivent leurs enfants dans nos établissements ont des convictions
religieuses variables et des pratiques qui le sont tout autant. Cependant, il est rare
qu’ils s’opposent à la confession dont se réclame l’établissement d’enseignement de
leur choix.
29 Ibid. p. 104.
30 Gilles Routhier, Itinéraires de croyance de jeunes au Québec, Le rapport Routhier, Québec, Anne Sigier, 2005,
p.90
41

42
L’école privée qui se donne un projet éducatif confessionnel doit-elle aussi avoir le
souci d’accompagner et de soutenir les parents des enfants qu’elle accueille ? Le
peut-elle ? Si l’engagement paraît démesurément exigeant pour les uns, il peut
constituer dans certains milieux, là où des ressources sont disponibles (religieuses
ou religieux retraités à proximité), une action signifiante qui s’inscrit en parfaite
continuité avec la mission de la communauté fondatrice de l’œuvre d’éducation
concernée.
L’accompagnement des parents peut prendre des formes variées. En voici
quelques exemples :
soutien au cheminement de foi des enfants;
activités d’éveil spirituel destinées à la fois aux parents et aux enfants;
conception de guides, de feuillets d’initiation chrétienne en rapport avec les
situations familiales communes et en lien avec l’âge des enfants concernés;
information relative au nouveau programme Éthique et culture religieuse;
etc.
La préparation aux sacrements
Les parcours propres à l’initiation sacramentelle sont désormais du ressort de la
communauté chrétienne paroissiale et nous ne devons pas ignorer le contexte
évolutif qui, au fil des dernières décennies, a confirmé le bien-fondé de cette réalité.
La préparation aux sacrements devient alors l’occasion de vivre en vérité avec les
enfants, les jeunes et leurs parents, accompagnés de la communauté chrétienne,
quelques tranches de vie éclairées par l’Évangile 31 .
Doit-on pour autant éluder la question de la place que pourrait prendre maintenant la
préparation aux sacrements dans le cadre du projet éducatif chrétien d’une école
privée ? L’idée que nous avançons ne vise surtout pas à exclure les jeunes de la vie
31
Assemblée des évêques du Québec : Proposer aujourd'hui la foi aux jeunes : une force pour vivre, Montréal, Fides
(L'Église aux quatre vents), 2000, p. 45.

de leur communauté chrétienne paroissiale de base. C’est plutôt dans un esprit de
complémentarité et de concertation avec les responsables de la communauté
chrétienne locale et les autorités diocésaines concernées que nous suggérons de
considérer cette éventualité. Encore ici, ce qui peut être envisagé et souhaitable
pour les uns, ne l’est pas nécessairement pour les autres, et il appartiendra à
chaque milieu de faire cette distinction en tenant compte du contexte et des
ressources dont il dispose.
La préparation aux sacrements envisagée dans ce contexte précis doit être vue
comme une occasion d’ouverture et non comme un repli pour les parents et les
enfants concernés. Il devrait être possible d’accueillir les enfants de la communauté
chrétienne environnante qui ne fréquentent pas nécessairement l’établissement
engagé dans cette offre de service. La préparation aux sacrements constitue un
moyen privilégié pour rejoindre à la fois les parents et les enfants. (…) Occasion de
faire apparaître la communauté qui se cherche, comme un réseau d’attente et
d’espérance 32 .
2.2 Comment passer des cours aux parcours au secondaire ?
La période de turbulence qui caractérise l’adolescence ne doit surtout pas avoir pour
effet de faire craindre les initiatives qui visent le développement spirituel. Les
données de l’enquête à laquelle nous nous référons en font la démonstration : (…)
c’est la continuité, c’est-à-dire la persistance à amender la terre déjà remuée à
l’enfance, qui est le meilleur gage de succès 33 .
Balises dont on doit tenir compte
Dans les parcours que l’on souhaitera proposer aux jeunes de cet âge, certaines
balises deviendront toutefois impératives. Routhier nous les suggère 34 :
32
Assemblée des évêques du Québec : Proposer aujourd'hui la foi aux jeunes : une force pour vivre, Montréal, Fides
(L'Église aux quatre vents), 2000, p. 46.
33
Gilles Routhier, Itinéraires de croyance de jeunes au Québec, Le rapport Routhier, Québec, Anne Sigier, 2005,
p. 94.
34 Ibid. p. 104‐106.
43

44
Éviter les activités qui ont un caractère d’obligation.
Proposer des lieux et des espaces adéquats.
Être en mesure d’offrir des réponses réelles aux questions véritables des
adolescents.
Assurer la crédibilité des intervenants.
Imaginer des activités pastorales qui, au-delà des occasions de croissance et
du cheminement personnel qu’elles constituent, proposent explicitement la
vie chrétienne.
Si les activités ayant un caractère obligatoire se justifient dans l’environnement du
primaire pour les raisons que nous avons énoncées plus haut, on comprendra la
nécessité de s’inscrire dans une dynamique différente au secondaire. C’est sans
doute cette réalité qui a conduit certains établissements à remplacer les cours
d’enseignement religieux confessionnel, jusqu’à maintenant offerts de façon
obligatoire à tous les élèves, par une offre de parcours élaborée par le service
d’animation pastorale (ou l’équivalent de ce service).
Caractéristiques des activités proposées aux adolescents
Si l’idée d’orienter l’animation pastorale vers des parcours de cheminement adaptés
à la clientèle du secondaire mérite d’être retenue, Routhier nous invite aussi à
considérer les caractéristiques des activités qui seront librement proposées aux
adolescents dans ce contexte.
Les activités doivent être invitantes et signifiantes
o Elles suscitent l’engagement, favorisent largement la socialisation et, très
souvent, le contact avec la nature.
o La présence de pairs apparaît souhaitable. Le jeune ne doit pas se sentir
marginalisé.
o Elles sont des occasions de recherche et de quête de sens qui partent des
questions véritables qui préoccupent les adolescents.

o Elles favorisent grandement le dialogue, autorisent le questionnement et les
remises en question.
Les activités sont conçues dans une certaine continuité
o (…) Il ne faut pas tenir compte simplement de la constance, de la régularité
ou de la durée d’une expérience, mais aussi prendre en considération la
continuité entre différents «points d’eau» ou «haltes» qui représentent autant
de moments d’un parcours 35 . (…)
Les activités sont explicites sur le plan de l’intention poursuivie
o Elles ne doivent pas se limiter à une réflexion sur les valeurs. Il importe que
les activités pastorales proposent explicitement la vie chrétienne, sinon,
toutes les entreprises pastorales ne conduiront jamais à faire naître des
chrétiens 36 .
o Les ritualités sont importantes et le symbolique aussi. La pratique, souvent
plus personnelle et intériorisée, a besoin, pour être soutenue, de dépasser le
conventionnel et a besoin d’expériences fortes. On doit donner accès à un
imaginaire chrétien, celui du Royaume, qui présente des ruptures par rapport
à l’imaginaire social courant 37 .
Les activités peuvent aussi prendre la forme de « mouvements » :
À titre d’exemples : Club 2/3, Taizé, Journée mondiale de la Jeunesse, Jeunes du
monde, Salut-Terre, etc.
Conditions facilitantes pour l’animation pastorale
Pour que l’animation pastorale d’une école développe ces caractéristiques, il est
préférable qu’elle dépasse le cadre des activités parascolaires du midi puisque cette
formule rend très difficile la continuité nécessaire à l’atteinte des objectifs poursuivis.
35 Gilles Routhier, Itinéraires de croyance de jeunes au Québec, Le rapport Routhier, Québec, Anne Sigier, 2005,
p. 105.
36 Ibid. p. 96.
37 Ibid. p. 106.
45

46
De plus, les jeunes qui y participent subissent très souvent une marginalisation par
leurs pairs. Pour éviter ce phénomène et pour rejoindre un plus grand nombre
d’élèves, plusieurs formules sont possibles :
Intégrer la pastorale à plusieurs aspects de la vie sociale de l’école en associant
graduellement la dimension spirituelle dans les activités.
Lorsque c’est possible, insérer des activités qui permettent la libération d’élèves
de certaines périodes de classe (ex. : 24 heures de silence ou camp
« leadership »). Cette formule favorise une participation plus grande et permet
d’amorcer une réflexion qui pourra se continuer dans les activités proposées au
cours de l’année.
Prévoir un temps de réflexion dans l’horaire scolaire (période pastorale
hebdomadaire ou ponctuelle) afin de rejoindre l’ensemble des élèves sur les
questions reliées notamment à la quête de sens et permettre des ateliers au
choix lorsque la dimension chrétienne est explicite. En plus de favoriser la
continuité essentielle à la réflexion pastorale, cette option permet d’offrir des
activités intéressantes et signifiantes pour tous les élèves. C’est une façon
d’atteindre l’ensemble des objectifs propres à la pastorale et d’ouvrir à tous la
démarche déjà amorcée dans le programme Éthique et culture religieuse.
Routhier ne manque pas d’attirer l’attention sur le besoin des adolescents en quête
de sens. Le discours attendu se doit d’être rigoureux et ne doit pas renoncer aux
«savoirs». Au-delà des occasions qu’ils auront d’obtenir des réponses dans le cadre
des parcours qu’ils pourront choisir sur une base volontaire, on comprendra aussi
l’importance de profiter du nouveau programme Éthique et culture religieuse pour
développer les compétences qui contribueront aussi au développement de leur
identité.

Quant aux personnes adultes qui auront pour tâche d’accompagner les jeunes dans
ce contexte, (…) selon qu’elles seront perçues comme témoins ou contre-témoins,
elles contribueront à favoriser la foi ou, au contraire, à s’en éloigner 38 . (…)
(…) Dans l’optique d’un recentrage de l’activité évangélisatrice et pastorale, les défis
posés par les adolescents sont nombreux. La capacité de les relever requiert de la
part de ceux qui côtoient ces adolescents plusieurs habiletés : habiletés
relationnelles, ce qui est le plus grand des défis ; habiletés intellectuelles et
rationnelles pour rendre compte de la foi en termes crédibles dans notre monde
technico-scientifique, face à une population particulièrement critique, mais qui n’est
pas nécessairement outillée pour mener une argumentation philosophique et
théologique rigoureuse ; habileté à exprimer l’Évangile et le Royaume et à proposer
explicitement la vie chrétienne plutôt que de se limiter à une réflexion sur les
valeurs ; habiletés à offrir des activités invitantes et conçues dans une certaine
continuité (ce qui ne veut pas dire un groupe permanent, mais la proposition de
relais articulés dans la durée) ; habiletés à accompagner une recherche et une
quête ; et le tout doit être porté par des personnes jugées crédibles en vertu du vécu
cohérent avec leur discours 39 .
38 Ibid. p. 96.
39 Ibid. p. 96‐97.
47

CONCLUSION
Arrivés au terme de cette réflexion, amorcée au départ par la question portant sur
l’avenir du projet éducatif à caractère confessionnel dans le contexte d’application
obligatoire du programme Éthique et culture religieuse, nous pouvons affirmer que, loin
d’être une cause de repli, ce virage donne accès à un défi extraordinaire d’ouverture et
d’engagement. Comme mentionné au tout début de ce document, une alternative s’offre
aux écoles privées : adopter une position de repli et s’accrocher au statu quo au nom
d’une fidélité à la tradition chrétienne, ou accepter de se mettre en route et relever le
défi de baliser la route de la foi en terrains nouveaux.
Les écoles privées, dont le projet éducatif s’enracine dans des valeurs chrétiennes
explicites, devront être audacieuses dans cette volonté de rechercher l’équilibre entre la
protection et la transmission de l’héritage reçu, et l’ouverture aux exigences de la
diversité provoquée par la mutation profonde et continue de la société québécoise
actuelle.
Quoique tributaires des obligations légales liées aux articles du Régime pédagogique
précisant les matières à enseigner, les écoles privées jouissent également d’une marge
de manœuvre qui leur permet de dispenser un cours d’enseignement religieux
confessionnel en plus du cours Éthique et culture religieuse. Cependant, certaines
recherches donnent à penser que d’autres espaces pédagogiques, tels que décrits
dans le dernier chapitre, peuvent favoriser l’éveil spirituel et religieux des enfants ainsi
que le développement spirituel des adolescents. Les écoles seront maintenant invitées
à passer des cours d’enseignement religieux aux parcours de vie et, pour ce faire,
plusieurs activités développées par le service d’animation pastorale pourront appuyer
cette démarche.
Tout comme le disait Georges Leroux, alors qu’il citait la philosophe Hannah Arendt :
(…) L’éducation est le point où se décide si nous aimons assez le monde pour en
assumer la responsabilité et de plus le sauver de cette ruine qui serait inévitable sans
49

ce renouvellement et sans cette arrivée de jeunes et de nouveaux venus. C’est
également avec l’éducation que nous décidons si nous aimons assez nos enfants pour
ne pas les rejeter de notre monde, ni les abandonner à eux-mêmes, ni leur enlever leur
chance d’entreprendre quelque chose de neuf, quelque chose que nous n’avions pas
prévu, mais les préparer d’avance à la tâche de renouveler le monde commun 40 . (…)
Monsieur Leroux a laissé son auditoire sur cet élan que nous sommes invités à faire
nôtre : Ce n’est pas de la folie, c’est de l’espoir.
40 Exposé présenté au Forum national sur le programme Éthique et culture religieuse, 29 novembre 2006, à
50
Québec.

BIBLIOGRAPHIE
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WOEHRLING, José. Conditions et modalités de l’enseignement confessionnel dans les
établissements d’enseignement privés, Avis juridique présenté à la Fédération des
établissements d’enseignement privés, Montréal, 2006.
52

ANNEXE A
Conditions et modalités de l’enseignement confessionnel dans les
établissements d’enseignement privés
José Woehrling
Professeur à la faculté de droit
Université de Montréal

Conditions et modalités de l’enseignement confessionnel dans les établissements
d’enseignement privés
José Woehrling
Professeur à la faculté de droit
Université de Montréal
Sommaire
LE MANDAT ............................................................................................................................................................... 2
I. - LA DISPARITION PROGRAMMEE POUR 2008 DES CLAUSES DEROGATOIRES CONTENUES
DANS LA LOI SUR L’INSTRUCTION PUBLIQUE MENACE-T-ELLE LA CAPACITE DES
ETABLISSEMENT D’ENSEIGNEMENT PRIVE DE DISPENSER UN ENSEIGNEMENT RELIGIEUX DE
TYPE CONFESSIONNEL? ....................................................................................................................................... 3
II. - LES CHARTES, EN PARTICULIER LA CHARTE QUEBECOISE, RECONNAISSENT-ELLES LE
DROIT DES ETABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT PRIVE DE DISPENSER UN ENSEIGNEMENT
RELIGIEUX DE TYPE CONFESSIONNEL CONFORME A LEUR PROJET EDUCATIF? .......................... 5
A. - La Charte canadienne ................................................................................................................................... 5
B. - La Charte québécoise .................................................................................................................................... 5
III. - LES ETABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT PRIVE QUI OFFRENT UN ENSEIGNEMENT
CONFESSIONNEL SONT-ILS TENUS D’EN DISPENSER, SUR DEMANDE DES PARENTS, LES
ELEVES DONT LA RELIGION N’EST PAS CELLE CORRESPONDANT AU PROJET EDUCATIF? ....... 8
IV. - L’ÉTAT PEUT-IL IMPOSER AUX ECOLES PRIVEES DE DISPENSER UN PROGRAMME
D’ETHIQUE ET DE CULTURE RELIGIEUSE? ................................................................................................. 15
Le mandat
Le mandat qui nous a été confié consiste à examiner les questions suivantes eu égard
aux Chartes québécoise et canadienne des droits et libertés de la personne :
1. – La disparition programmée pour 2008 des clauses dérogatoires contenues dans la
Loi sur l’instruction publique menace-t-elle la capacité des établissements
d’enseignement privés de dispenser un enseignement religieux de type confessionnel?
2. – Les Chartes, en particulier la Charte québécoise, reconnaissent-elles le droit des
établissements d’enseignement privés de dispenser un enseignement religieux de type
confessionnel conforme à leur projet éducatif?
- 2 -

3. – Les établissements d’enseignement privés qui offrent un enseignement
confessionnel sont-ils tenus d’en dispenser, sur demande des parents, les élèves dont
la religion n’est pas celle correspondant au projet éducatif?
4. – L’État peut-il imposer aux écoles privées de dispenser un programme d’éthique et
de culture religieuse?
I. - La disparition programmée pour 2008 des clauses dérogatoires contenues dans la Loi
sur l’instruction publique menace-t-elle la capacité des établissements d’enseignement
privés de dispenser un enseignement religieux de type confessionnel?
La législature du Québec a adopté, le 15 juin 2005, la Loi modifiant diverses
dispositions législatives de nature confessionnelle dans le domaine de l’éducation (L.Q.
2005, chapitre 20). La loi modifie la Loi sur l’instruction publique afin de supprimer, à
compter du 1 er juillet 2008, l’ensemble des dispositions de nature confessionnelle qui s’y
trouvent. Elle modifie également cette même loi afin d’y édicter de nouveau les clauses
dérogatoires à la Charte canadienne des droits et libertés 1 qui cesseront toutefois d’avoir
effet le 1 er juillet 2008, et, à cette même date, d’abroger les clauses dérogatoires à la Charte
des droits et libertés de la personne 2 . La loi contient de plus des modifications de
concordance à la Loi sur l’enseignement privé 3 . Le maintien en vigueur des dispositions de
dérogation aux deux Chartes jusqu’au 1 er juillet 2008 est nécessaire pour permettre le
maintien, jusqu’à cette date, dans les écoles publiques, de l’enseignement moral et religieux
catholique ou protestant, qui pourrait autrement être contesté comme contraire à la liberté de
religion et à l’interdiction de la discrimination fondée sur la religion. À partir du 1 er juillet
2008, cet enseignement confessionnel sera remplacé par un programme d’éthique et de
culture religieuse dont il est pris pour acquis qu’il est compatible avec les garanties
contenues dans les Chartes, les dispositions dérogatoires devenant dès lors inutiles.
Quant à la Loi sur l’enseignement privé, elle ne contient plus de dispositions
dérogatoires aux deux Chartes depuis quelques années déjà. En effet, la disposition
dérogeant à la liberté de religion et à l’interdiction de la discrimination religieuse de la
Charte canadienne, anciennement contenue dans l’article 176 de la loi, a cessé d’avoir effet
le 1 er juillet 1998 et n’a pas été adoptée à nouveau (on sait qu’une disposition de dérogation
à la Charte canadienne, comme l’énonce l’article 33(3) de celle-ci, «cesse d’avoir effet à la
date qui y est précisée ou, au plus tard, cinq ans après son entrée en vigueur»). L’ancien
article 176 se lisait comme suit :
1 La Charte canadienne des droits et libertés (ci-après : la Charte canadienne) est contenue dans la Partie I (articles
1 à 34) de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada,1982, R.-U., c. 11; L.R.C.
(1985), app. II, n° 44.
2 L.Q. 1975, c. 6; L.R.Q., c. C-12 (ci-après : la Charte québécoise).
3 Loi sur l’enseignement privé, L.R.Q., c. E-9.1.
- 3 -

Les dispositions de la présente loi qui accordent des droits et privilèges à une confession religieuse ont
effet indépendamment des dispositions du paragraphe a de l'article 2 de la Loi constitutionnelle de 1982
(annexe B de la Loi sur le Canada, chapitre 11 du recueil des lois du Parlement du Royaume-Uni pour
l'année 1982) et de l'article 15 de cette loi.
Par ailleurs, l’article 175 de la Loi sur l’enseignement privé, qui contenait une
disposition de dérogation à la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, a été
abrogé en 2000 par la Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le secteur de
l’éducation concernant la confessionnalité (L.Q. 2000, chapitre 24). Contrairement à
l’article 33(3) de la Charte canadienne qui limite l’application d’une disposition de
dérogation à une durée maximale de cinq ans, renouvelable, l’article 52 de la Charte
québécoise ne prévoit aucune limitation de durée. Par conséquent, une disposition de
dérogation à la Charte québécoise, à moins qu’elle ne précise une date de cessation d’effet,
continue de s’appliquer jusqu’à ce qu’elle soit abrogée. L’ancien article 175 se lisait ainsi :
Les dispositions de la présente loi qui accordent des droits et privilèges à une confession religieuse
s'appliquent malgré les articles 3 et 10 de la Charte des droits et libertés de la personne (chapitre C-12).
Il faut souligner que les dispositions dérogatoires anciennement contenues dans la Loi
sur l’enseignement privé étaient considérées comme nécessaires pour protéger contre une
attaque fondée sur les Chartes, non pas la possibilité pour un établissement d’enseignement
privé de dispenser un enseignement confessionnel, mais la possibilité pour un tel
établissement, prévue dans l’ancien article 57 de la loi, de demander au comité catholique ou
au comité protestant institué en vertu de la Loi sur le Conseil supérieur de l’éducation
(L.R.Q., chapitre C-60), une reconnaissance comme catholique ou protestant. Cette
disposition, en accordant aux confessions catholique et protestante un privilège, était
susceptible d’être contestée à la fois comme une discrimination fondée sur la religion et
comme une atteinte à la liberté de religion. L’article 57 de la Loi sur l’enseignement privé a
également été abrogé par la Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le secteur
de l’éducation concernant la confessionnalité (susmentionnée).
Comme nous le verrons au point suivant, aucune dérogation aux deux Chartes n’est
nécessaire pour permettre à un établissement d’enseignement privé de dispenser un
enseignement religieux confessionnel. Non seulement les deux Chartes n’interdisent pas à
un tel établissement de dispenser un enseignement confessionnel, mais au contraire elles lui
en garantissent le droit.
- 4 -

Pour ce qui est de la liberté de conscience et de religion, les dispositions de la Charte
canadienne (article 2(a)) 4 et de la Charte québécoise (article 3) 5 ne présentent pas de
différences significatives, si bien qu’il y aura lieu de présumer qu’elles doivent recevoir la
même interprétation. De même, les dispositions des deux Chartes qui portent sur le droit à
l’égalité interdisent l’une et l’autre, de façon expresse et dans des termes comparables, la
discrimination fondée sur la religion 6 .
II. - Les Chartes, en particulier la Charte québécoise, reconnaissent-elles le droit des
établissements d’enseignement privés de dispenser un enseignement religieux de type
confessionnel conforme à leur projet éducatif?
A. - La Charte canadienne
Le droit de créer et de gérer des écoles religieuses privées et le droit d’envoyer ses
enfants dans une telle école ne sont pas explicitement reconnus dans la Charte canadienne,
mais on considère généralement que la Cour suprême, dans les affaires Jones 7 et Adler 8 , a
indirectement fait découler de son article 2(a) (liberté de conscience et de religion) le droit
des parents de ne pas envoyer leurs enfants à l’école publique et de leur faire donner un
enseignement religieux dans une école privée ou à la maison, à condition qu’il soit
«approprié» (le droit des parents d’envoyer leurs enfants dans une école religieuse privée
suppose évidemment le droit de créer et de gérer de telles écoles).
En particulier, dans Adler 9 , les quatre juges qui se sont prononcés sur l’article 2a) ont
souligné que le non financement par l’Ontario de l’enseignement religieux privé ne
constituait pas une atteinte à la liberté d’éduquer ses enfants en conformité avec ses
croyances religieuses dans la mesure où il n’existait pas, dans la loi ontarienne, de
restriction à l ‘enseignement religieux (dans une école privée ou à la maison). A contrario,
une loi qui obligerait les parents à envoyer leurs enfants à l’école publique laïque
restreindrait cette liberté.
B. - La Charte québécoise
La Charte québécoise contient un article 42 qui se lit ainsi : «Les parents ou les
personnes qui en tiennent lieu ont le droit de choisir pour leurs enfants des établissements
4 L’article 2a) de la Charte canadienne reconnaît «à chacun» la «liberté de conscience et de religion».
5 L’article 3 de la Charte québécoise énonce que «Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la
liberté de conscience, la liberté de religion [...]».
6 Charte canadienne des droits et libertés, art. 15; Charte des droits et libertés de la personne, art. 10.
7 R. c. Jones, [1986] 2 R.C.S. 284.
8 Adler c. Ontario, [1996] 3 R.C.S. 609.
9 Id.
- 5 -

d’enseignement privés, pourvu que ces établissements se conforment aux normes prescrites
ou approuvées en vertu de la loi».
En outre, la Loi modifiant diverses dispositions législatives de nature confessionnelle
dans le domaine de l’éducation (L.Q. 2005, chapitre 20) a modifié la Charte québécoise afin
de remplacer l’ancien article 41, qui énonçait «Les parents ou les personnes qui en tiennent
lieu ont le droit d’exiger que, dans les établissements d’enseignement publics, leurs enfants
reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre
des programmes prévus par la loi» par une nouvelle disposition, qui se lit comme suit :
« 41. Les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d'assurer l'éducation religieuse et morale
de leurs enfants conformément à leurs convictions, dans le respect des droits de leurs enfants et de l'intérêt
de ceux-ci.»
Une telle modification, qui était recommandée de longue date par la Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, et que nous avons nous mêmes
fortement suggérée dans notre étude pour la Commission Proulx 10 , avait pour objet de mettre
l’article 41 en conformité avec les dispositions équivalentes des conventions internationales
sur les droits de la personne auxquelles le Québec est partie, en particulier avec l’article
18(4) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques 11 , qui énonce : «Les États
parties au présent Pacte s’engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des
tuteurs légaux, de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants
conformément à leurs propres convictions» 12 , de même qu’avec l’article 13(3) et (4) du
Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels 13 , qui se lit :
3. Les États parties au présent Pacte s’engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des
tuteurs légaux, de choisir pour leurs enfants des établissements autres que ceux des pouvoirs publics, mais
10 José WOEHRLING, Étude sur le rapport entre les droits fondamentaux de la personne et les droits des parents
en matière d'éducation religieuse, présentée au Groupe de travail sur la place de la religion à l'école constitué par la
Ministre de l'Éducation du gouvernement du Québec; publiée comme Étude no 6 en annexe au rapport du Groupe;
Gouvernement du Québec, Ministère de l’Éducation, 1999, 159 p., à la p. 142.
11 Pacte international relatif aux droits civils et politiques, (1976) 999 R.T.N.U. 187; entré en vigueur pour le
Canada le 19 août 1976.
12 La Cour d’appel de l’Ontario, dans l’arrêt R. c. Videoflicks Ltd., (1985) 14 D.L.R. (4th) 10 a souligné la
pertinence de l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques pour interpréter l’article 2a) de
la Charte canadienne. De même, dans R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, aux pp. 336 et 337, le juge
Dickson s’est inspiré de l’article 18 pour définir la portée de la liberté de religion garantie par l’article 2a) de la
Charte canadienne.
13 (1976) 943 R.T.N.U. 13; entré en vigueur pour le Canada le 19 août 1976.
- 6 -

conformes aux normes minimales qui peuvent être prescrites ou approuvées par l’État en matière
d’éducation, et de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs
propres convictions.
4. Aucune disposition du présent article ne doit être interprétée comme portant atteinte à la liberté des
individus et des personnes morales de créer et de diriger des établissements d’enseignement, sous réserve
que les principes énoncés au paragraphe 1 du présent article soient observés et que l’éducation donnée
dans ces établissements soit conforme aux normes minimales qui peuvent être prescrites par l’État».
Dès lors, comme les dispositions similaires en droit international, l’article 41 devra être
interprété comme accordant aux parents le droit d’envoyer leurs enfants dans une école
privée où ils recevront un enseignement confessionnel conforme à leurs voeux ou de les
faire dispenser de l’enseignement religieux ou moral donné à l’école publique, l’État ayant
au surplus l’obligation de s’abstenir de tout endoctrinement dans l’enseignement dispensé
dans les écoles publiques 14 .
Enfin, il faut souligner qu’au cours de l’étude en commission parlementaire de la Loi
modifiant diverses dispositions législatives de nature confessionnelle dans le domaine de
l’éducation (L.Q. 2005, chapitre 20), au moment d’examiner les modifications de
concordance apportées par ce texte à la Loi sur l’enseignement privé, à une question ainsi
formulée par la députée de Taillon, Mme Pauline Marois : « Est-ce que les écoles privées,
qui évidemment continuent parfois de se réclamer de l'adhésion à la foi catholique ou
protestante, pourront continuer d'offrir des cours de religion dans la foi dans laquelle elles
s'inscrivent?», le ministre de l’éducation M. Jean-Marc Fournier, parrain du projet de loi,
répondait ce qui suit :
« La réponse est oui à cette question-là, mais en même temps ce qu'il faut dire, pour ne pas perdre de vue...
parce qu'il y avait un article la semaine passée qui abordait la question, c'est que le cours d'éthique et de
culture des religions sera offert... doit être offert partout, et il y avait une question qui avait été soulevée
sur l'éventuelle dérogation. Alors, il faut savoir qu'avec le nouveau régime pédagogique le régime de
sanction fait en sorte qu'il faudra reconnaître, là, éthique et culture des religions du secondaire V, et la
cohérence nous amène évidemment à ne pas pouvoir permettre de dérogation à cet égard-là, puisque le
régime de sanction fait qu'il faut être capable...» 15 .
14 José WOEHRLING, Étude sur le rapport entre les droits fondamentaux de la personne et les droits des parents
en matière d'éducation religieuse, op. cit., pp. 80 suiv.
15 Commission permanente de l'éducation, Le mardi 7 juin 2005 ― Vol. 38 N° 62 ; Étude détaillée du projet de loi
n° 95 ― Loi modifiant diverses dispositions législatives de nature confessionnelle dans le domaine de l'éducation
- 7 -

III. - Les établissements d’enseignement privés qui offrent un enseignement confessionnel
sont-ils tenus d’en dispenser, sur demande des parents, les élèves dont la religion n’est
pas celle correspondant au projet éducatif?
La Charte canadienne des droits et libertés ne s’applique pas aux rapports de nature
contractuelle entre une école privée et ses élèves (ou les parents de ceux-ci) 16 . Nous
raisonnerons donc essentiellement à partir des droits garantis par la Charte québécoise, en
rappelant cependant que les dispositions des deux Chartes sont largement comparables en ce
qui concerne la protection de la liberté de religion et du droit à l’égalité en matière religieuse
et que, par conséquent, nos conclusions seraient en grande partie transposables à la Charte
canadienne si celle-ci s’appliquait.
La prohibition de la discrimination religieuse, dans les deux Chartes, vise autant la
discrimination indirecte, ou discrimination «par suite d’un effet préjudiciable», que la
discrimination directe. Alors que la discrimination directe est celle qui repose ouvertement
sur un motif prohibé de distinction (par exemple, la prohibition du voile islamique ou du
kirpan sikh en tant que symboles religieux), la discrimination indirecte découle d’une règle
«neutre», qui s'applique de la même façon à tous (par exemple, la prohibition des armes ou
encore celle de « tout signe distinctif » à l’école, ou encore l’obligation pour tous les élèves
de suivre un enseignement religieux), mais qui produit néanmoins un effet discriminatoire
sur un seul groupe de personnes en ce qu’elle leur impose des obligations ou des conditions
restrictives non imposées aux autres membres de la société (en interdisant aux musulmanes
de porter le voile et aux Sikhs de porter le kirpan, ou encore en obligeant certains élèves à
suivre un enseignement confessionnel d’une religion autre que la leur).
Qu’il y ait discrimination directe ou indirecte, celui qui en est à l’origine (sous le
régime de la Charte québécoise il importe peu qu’il s’agisse d’un organisme de l’État ou
d’une personne ou entité privée) est alors sous le coup d’une «obligation
d’accommodement» (ou d’adaptation), c’est-à-dire du devoir de prendre tous les moyens
raisonnables pour soustraire les victimes de la discrimination aux effets de celle-ci, en
adaptant les normes à leur situation particulière. L’accommodement pourra souvent
consister à dispenser purement et simplement les intéressés de l’application de la règle
contestée. Ainsi, par exemple, si le règlement d’une école interdit le port de tout vêtement
distinctif ou la possession de toute arme, à moins qu’on ne puisse démontrer qu’il s’agit
d’une contrainte excessive (la preuve de ce caractère excessif étant à la charge de celui qui
(1). On pourra retrouver le compte rendu des débats de la commission à l’adresse internet suivante :
www.assnat.qc.ca/fra/37legislature1/DEBATS/journal/ce/050607.htm.
16 Par contre, elle s’applique évidemment aux lois adoptées par la législature du Québec, notamment celles sur
l’instruction publique et sur l’enseignement privé.
- 8 -

cherche à se soustraire à l’obligation d’accommodement), l’accommodement consistera à
prévoir un régime d’exception permettant aux musulmanes de porter le voile et aux Sikhs de
porter le kirpan. De même, dans le cas d’une école dispensant un enseignement religieux
d’une confession donnée, l’accommodement consistera à en exempter les élèves d’autres
confessions et ceux n’ayant aucune conviction religieuse.
Si le comportement d’un établissement d’enseignement privé pouvait être considéré
comme restreignant la liberté de religion, l’école pourrait se défendre en invoquant la
disposition limitative de la Charte québécoise contenue dans l’article 9.1 qui se lit ainsi :
«Les libertés et droits fondamentaux s’exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l’ordre
public et du bien-être général des citoyens du Québec.
La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l’exercice».
Si le comportement d’un établissement d’enseignement privé pouvait être considéré
comme entraînant une discrimination fondée sur la religion, l’école pourrait se défendre en
invoquant le premier alinéa de l’article 20 de la Charte québécoise qui se lit ainsi :
«Une distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes ou qualités requises par un emploi, ou
justifiée par le caractère charitable, philanthropique, religieux, politique ou éducatif d’une institution sans
but lucratif ou qui est vouée exclusivement au bien-être d’un groupe ethnique est réputée non
discriminatoire».
En pratique, la démarche d’équilibrage (ou de «pesée des intérêts») qu’implique la mise
en oeuvre de l’article 9.1 recoupe largement le « test » de l’article 20 ou encore celui de
l’accommodement raisonnable.
Le premier alinéa de l’article 20 comporte deux volets, le premier qui vise les qualités
ou aptitudes requises par un emploi et qui ne s’applique donc qu’aux relations d’emploi, le
second, qui vise toutes les distinctions qui sont justifiées par certains caractères d’une
institution sans but lucratif et qui s’applique donc à toutes les relations d’une telle institution,
y compris les relations de celle-ci avec ses employés, mais également les relations avec, par
exemple, sa clientèle ou son «public». Dans l'affaire Brossard 17 , la Cour suprême a jugé
qu'il fallait interpréter le premier volet de l'article 20 (l'exception relative aux aptitudes ou
qualités exigées de bonne foi pour un emploi) de façon restrictive, puisqu'il supprime des
droits qui autrement recevraient une interprétation libérale. Par contre, la seconde exception
(relative aux institutions sans but lucratif), tout en imposant des limites aux droits de certains
individus, confère des droits à certains groupes; en effet, elle est destinée à promouvoir le
droit de s'associer. Par conséquent, l'interprétation restrictive n'est pas indiquée dans ce cas.
17 Brossard (Ville) c. Québec (Commission des droits de la personne), [1988] 2 R.C.S. 279.
- 9 -

Le fait pour une école privée religieuse de dispenser un enseignement confessionnel
obligatoire sans permettre aux élèves qui, pour des raisons religieuses, ne veulent pas le
suivre, d’obtenir une exemption, entraîne-t-il une atteinte aux droits garantis par la Charte
québécoise?
Si l’école n’accepte que des élèves qui professent la religion de l’établissement, des
catholiques par exemple (ce qui constitue une discrimination directe, laquelle serait
cependant clairement justifiée par le deuxième volet du premier alinéa de l’article 20), il
semble qu’il n’y aurait ni restriction de la liberté de religion, ni traitement discriminatoire
dans le fait d’exiger que tous les élèves — catholiques par hypothèse — suivent
l’enseignement catholique. Si par contre l’école accepte en toute connaissance de cause des
élèves d’autres religions, le fait de leur imposer un enseignement confessionnel catholique
aura pour effet de restreindre leur liberté de religion et de les soumettre à une discrimination
fondée sur la religion. On pourrait alors être tenté de rétorquer qu’en s’inscrivant
volontairement à l’école, les élèves non catholiques — ou leurs parents — ont renoncé à
l’exercice de leurs droits. Mais, comme la Commission des droits de la personne nous le
rappelle, la liberté de religion est d’ordre public et l’on ne peut donc y renoncer (la même
chose étant sûrement vraie pour la protection contre la discrimination fondée sur la religion)
18 .
Prenant pour acquis qu’il y a discrimination fondée sur la religion, l’école pourra-t-elle
invoquer avec succès le deuxième volet du premier alinéa de l’article 20 pour se défendre?
Il s’agit alors de se demander si l’imposition, sans dispense possible, d’un cours
d’enseignement religieux est objectivement justifiée par le caractère propre de
l’établissement, c’est-à-dire son caractère religieux. On devrait tenir compte, là encore, du
degré d’authenticité et de cohérence du caractère religieux de l’établissement concerné. Un
établissement qui accepte des élèves professant d’autres religions a-t-il encore le même
caractère que celui qui n’accepte que des élèves catholiques? Le fait d’imposer, sans
dispense possible, un enseignement religieux est-il justifié de la même façon dans les deux
cas? En fin de compte, le deuxième volet du premier alinéa de l’article 20 donne le droit à
des individus de se regrouper entre eux (en fonction de la religion dans notre cas) et
d’exclure ceux qui ne partagent pas leur trait distinctif. Mais si le groupe ou l’institution
n’utilise pas son droit d’exclure conféré par l’article 20 et décide librement d’admettre des
18 Les contraintes vestimentaires d’ordre religieux applicables au personnel de certaines écoles privées. Aspects
juridiques, par Me Pierre Bosset, conseiller juridique, Direction de la recherche; Commission des droits de la
personne du Québec, document adopté à la 388e séance de la Commission tenue le 21 décembre 1994, par sa
résolution COM-388-6.1.4 (Cat. 120-4), aux pp. 9 et 10. Le même texte a été publié à nouveau dans un document
intitulé Le pluralisme religieux au Québec: un défi d’éthique sociale, Commission des droits de la personne du
Québec, document adopté à la 389e séance de la Commission, tenue le 3 février 1995, par sa résolution COM-389-
4.1, pp. 43-51.
- 10 -

individus qui ne partagent pas sa religion, peut-il encore prétendre leur imposer ses
croyances religieuses? Si une école catholique décide librement d’admettre des non
catholiques, elle ne devrait pas leur imposer un enseignement catholique et l’on doit plutôt
considérer qu’elle a l’obligation de leur offrir un accommodement raisonnable, prenant la
forme d’une dispense de l’enseignement confessionnel?
Admettant cette fois-ci qu’il y a atteinte à la liberté de religion, il faudrait tenter de la
justifier en appliquant la disposition limitative de l’article 9.1 de la Charte québécoise. Les
choses sont plus simples dans ce contexte, dans la mesure où l'opération de pesée des intérêts
en présence y est plus transparente que dans le cadre de l’article 20. Les intérêts qu’il s’agit
d’équilibrer sont, d’une part, le droit des catholiques de se regrouper pour créer une école
dans laquelle l’enseignement respecte un projet confessionnel, d’autre part, celui des non
catholiques de ne pas se faire imposer une religion qu’ils ne professent pas. Si les
catholiques créent une école dont ils excluent les non catholiques (ce qui leur est permis par
l’article 20), ils devraient avoir le droit d’exiger le conformisme religieux de leurs propres
coreligionnaires. Si l’un de ceux-ci cesse d’être en accord avec la religion catholique, sa
liberté consistera à quitter le groupe, non pas à y rester pour réclamer le bénéfice de la
liberté de religion. Par contre, si les catholiques admettent des non catholiques dans une de
leurs écoles, leur droit de mettre en oeuvre un projet éducatif religieux ne devrait pas
l’emporter sur celui des non catholiques d’obtenir une dispense.
Pour prendre les choses sous un angle complémentaire, si une école religieuse est
intensément imprégnée de confessionnalité (ce qui suppose presque nécessairement que tous
les élèves et enseignants partagent la religion de l’établissement), la possibilité d’une
dispense de l’enseignement religieux risquerait de porter atteinte au caractère de
l’établissement; l’article 20 justifierait donc le refus d’une possibilité de dispense. Si, par
contre, dans les faits, l’école est largement sécularisée, la finalité religieuse n’ayant plus
qu’une importance secondaire (ce qui se marquerait notamment par le fait qu’une partie de la
clientèle ne professe pas la même religion), la possibilité d’une dispense ne porterait pas
objectivement atteinte au caractère de l’établissement; la défense de celui-ci ne justifierait
donc pas le refus de l’accommodement et le maintien de la discrimination.
La Cour d’appel du Québec, dans une décision de 2001, rendue dans l’affaire Collège
Notre-Dame 19 , est venue préciser les modalités d’application de l’article 20 de la Charte
québécoise à propos d’une situation mettant précisément en cause une institution
d’enseignement privé. Le Collège Notre-Dame avait refusé d’admettre une enfant souffrant
d’un dysfonctionnement des membres inférieurs, ce qui l’empêchait de marcher et de courir
d’une façon normale, pour des raisons tenant uniquement à son handicap. En effet, le
collège estimait qu’elle ne répondait pas aux exigences physiques nécessaires pour suivre le
programme d’éducation physique de l’établissement, qui consistait en des cours quotidiens.
19 Québec (Commission des droits de la personne) c. Corp. du Collège Notre-Dame du Sacré-coeur, [2001] J.Q. no
6014 (C.A.).
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En Cour supérieure 20 , après être parvenu à la conclusion qu’il y avait discrimination
indirecte fondée sur le handicap, le juge Denis Lévesque s’était demandé si celle-ci était
justifiée aux termes du deuxième volet de l’article 20 de la Charte québécoise. La
Commission des droits de la personne faisait notamment reproche au collège de ne pas avoir
offert à l’élève des aménagements au programme d’éducation physique, c’est-à-dire de ne
pas s’être acquitté de son obligation d’accommodement. Le juge Lévesque s’est exprimé
comme suit :
«Le Collège est une institution d’enseignement sans but lucratif dévoué à l’enseignement. Dans son
programme éducatif, il impose entre autres l’enseignement religieux catholique et un programme
d’éducation physique applicables à tous ses étudiants sans exception et sans aménagement par rapport au
handicap physique d’un étudiant en particulier. Il s’agit d’une exclusion basée sur le caractère éducatif.
Lue et appliquée à la lettre, cette exclusion prévue à l’article 20 doit être réputée non discriminatoire. Le
texte de l’article 20 est clair et sans ambiguïté». 21
Le juge Lévesque semblait donc vouloir dire qu’un accommodement consistant à
dispenser l’élève handicapée des cours d’éducation physique, ou de certains d’entre eux (la
preuve révélait qu’elle aurait pu participer aux cours de natation), aurait remis en cause le
projet éducatif de l’école, centré sur l’activité physique, et que, par conséquent, l’article 20
permettait de repousser l’obligation d’accommodement.
La décision du juge Lévesque a été renversée par un jugement unanime de la Cour
d’appel. Celle-ci, par la voix de la juge Rousseau-Houle, a souligné que l’interprétation
donnée par le juge de la Cour supérieure au deuxième volet de l’article 20 de la Charte
québécoise était fautive. Cette disposition appelle une analyse en deux étapes, la première
concernant son applicabilité, la seconde se rapportant à la justification de l’exclusion.
En ce qui concerne la première question, la juge Rousseau-Houle a rappelé les motifs
du juge Beetz, de la Cour suprême, dans l’affaire Brossard 22 à l’effet que, pour pouvoir
invoquer l’article 20, une institution doit avoir pour objectif premier la promotion des
intérêts et du bien-être d’un groupe identifiable de personnes partageant une des
caractéristiques énoncées à l’article 10 de la Charte québécoise (c’est-à-dire les motifs
prohibés de discrimination : la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle,
l'état civil, l'âge, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou
nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce
handicap). Ainsi pour le juge Beetz, une université, par exemple, qui serait normalement
considérée comme une institution sans but lucratif ayant un caractère éducatif, ne saurait
20 Collège Notre-Dame c. Commission des droits de la personne du Québec, [1994] R.J.Q. 1324 (C.S).
21 Idem, p. 1334.
22 Précitée.
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invoquer le second volet de l’article 20 pour justifier des distinctions, des exclusions ou des
préférences discriminatoires à moins de compter, parmi ses objectifs premiers, la promotion
d’un groupe identifiable de personnes caractérisées par l’un des facteurs énumérés à l’article
10. En l’espèce, la juge Rousseau-Houle a considéré qu’il était peu probable qu’on puisse
conclure que le programme particulier d’éducation physique du collège lui permettait
d’invoquer l’exception du second volet de l’article 20 23 . En effet, le programme éducatif du
collège visait globalement trois objectifs : la formation intellectuelle par l’enseignement des
matières académiques, la formation de l’âme par l’enseignement religieux et le
développement du corps par les cours d’éducation physique. Tenant compte du
fonctionnement réel du collège, et notamment du fait que les examens d’admission ne
portaient que sur les aptitudes intellectuelles, qu’aucune évaluation n’était faite de la
capacité physique des futurs étudiants et qu’on ne connaissait pas de cas où des élèves
auraient subi des échecs pour les cours d’éducation physique, la juge est arrivée à la
conclusion que la vocation première du collège demeurait la formation académique de ses
étudiants et qu’il ne possédait donc pas une vocation particulière liée à un des motifs de
discrimination de l’article 10. Soulignons que cette conclusion semble impliquer (bien que
la question n’était pas soulevée sous cet angle) que l’enseignement religieux, qui était
également un des objectifs du collège, n’était pas davantage que l’éducation physique son
objectif premier et ne lui aurait pas davantage permis d’invoquer l’exception prévue par le
deuxième volet de l’article 20 pour justifier des distinctions ou exclusions fondées sur la
religion.
Cet aspect du jugement confirme l’idée que nous avons développée précédemment, à
savoir qu’une école privée ne pourrait refuser des accommodements en matière religieuse
que dans la mesure où ils remettraient véritablement en cause son projet éducatif premier. Et
pour cela, il faudrait que ce projet soit véritablement centré autour de la confessionnalité. Le
refus d’un accommodement en matière religieuse ne pourrait donc être justifié dans le cas
d’un établissement véritablement imprégné de confessionnalité, mais ne le serait pas dans le
cas d’un établissement religieux en titre, mais dans lequel la finalité religieuse ne jouerait
objectivement qu’un rôle secondaire par rapport à l’objectif éducatif.
Par ailleurs, la Cour d’appel a également jugé que, dans l’hypothèse où le collège aurait
pu invoquer l’article 20, il aurait encore fallu qu’il démontre que sa politique discriminatoire
était objectivement justifiée dans les circonstances, ce qui aurait exigé notamment que « la
norme est raisonnablement nécessaire à la réalisation de son but ou objectif en ce sens que le
défendeur ne peut pas composer avec les personnes qui ont les mêmes caractéristiques que le
demandeur sans que cela lui impose une contrainte excessive ». Autrement dit, même si le
23 Précité, paragraphes 28 suiv.
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deuxième volet de l’article 20 s’était appliqué, le collège aurait encore été soumis à une
obligation d’accommodement raisonnable, dont il ne s’était pas en l’occurrence acquitté 24 .
Pour nous résumer, si un groupe désire appliquer, dans son fonctionnement interne, des
règles qui auront l'effet, en pratique, d'exclure les adhérents d'une ou de plusieurs religions, il
doit être cohérent et les exclure formellement et nommément. Une école catholique doit
choisir entre deux politiques : n'admettre que des catholiques désirant vivre le projet
confessionnel de l'école ou admettre des élèves d'autres religions, mais en étant alors tenue
de respecter leurs convictions et, à cette fin, de leur offrir des accommodements. Par contre,
admettre des non catholiques et refuser de respecter leurs convictions, en refusant les
accommodements, ne devrait pas être considéré comme possible.
Une fois qu'on est arrivé à la conclusion que l'obligation d'accommodement raisonnable
existe, le deuxième volet du premier alinéa de l'article 20 ne la faisant pas disparaître, l'école
qui est sous le coup de cette obligation peut encore se défendre en démontrant que
l'accommodement entraînerait des coûts insupportables, des difficultés de fonctionnement
considérables ou des atteintes aux droits d'autrui. Le fait d'offrir une possibilité de dispense
de l'enseignement religieux n'entraînerait manifestement aucune conséquence de ce genre.
Un document récemment publié par la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse vient appuyer l’analyse que nous venons de faire de la décision de la
Cour d’appel dans l’affaire Collège Notre-Dame 25 . Le document résume comme suit la
portée de cette décision :
«En somme :
En l’absence d’une vocation particulière à l’égard d’un groupe identifiable de personnes partageant une
caractéristique énumérée à l’article 20 de la Charte, une institution sans but lucratif ne peut se réclamer de
la protection de l’article 20.
Les institutions sans but lucratif auxquelles l’article 20 s’applique sont de toute façon tenues de prévoir un
accommodement raisonnable, sans contrainte excessive, dans leurs normes mêmes, de façon à tenir compte
24 Ce faisant, la Cour d’appel semble bien considérer que les défenses contenues dans le premier et dans le second
volet de l’article 20 de la Charte québécoise incluent implicitement une obligation d’accommodement raisonnable.
25 Réflexion sur la portée et les limites de l’obligation d’accommodement raisonnable en matière religieuse (par
Me Pierre Bosset, directeur de la recherche et de la planification), Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse du Québec, document adopté à la 497 e séance de la Commission, tenue le 10 septembre 2004
par sa résolution COM-497-5.1.2 et révisé à la 502 e séance tenue le 4 février 2005 par sa résolution COM-502-
5.1.5.
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des caractéristiques des groupes touchés par ces normes. Les dispositions de l’article 20 ne modifient
donc pas, quant au fond, l’obligation d’accommodement raisonnable qui incombe à ces institutions» 26 .
IV. - L’État peut-il imposer aux écoles privées de dispenser un programme d’éthique et de
culture religieuse?
Comme on l’a noté plus haut en examinant le droit de créer et de gérer des écoles
privées, notamment religieuses, et d’y envoyer ses enfants, la reconnaissance d’un tel droit
n’empêche pas l’État d’imposer aux écoles privées des normes pédagogiques minimales et,
notamment, de les obliger de dispenser certains enseignements considérés comme devant
faire partie du curriculum commun à tous les enfants, ceux qui fréquentent une école privée
autant que ceux qui fréquentent l’école publique. Par conséquent, les établissements
d’enseignement privés devront dispenser, en plus de l’enseignement confessionnel qu’ils
choisiront d’offrir à leurs élèves, le cours d’éthique et de culture religieuse imposé par le
ministère. Il n’en irait autrement que si l’on pouvait démontrer que le contenu de cet
enseignement obligatoire a pour effet de porter atteinte à la liberté de religion des élèves des
établissements privés en leur imposant des valeurs ou des points de vue incompatibles avec
leurs convictions religieuses.
En tenant compte, par analogie, d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, dans lequel
celle-ci a défini les critères qu’un enseignement religieux de type culturel doit respecter pour
pouvoir être rendu obligatoire à l’école publique sans contrevenir à la liberté de conscience
et de religion des élèves (pareille conformité à la liberté de religion permettant logiquement
de le rendre également obligatoire à des établissements privés), voici les conditions qu’un tel
enseignement doit notamment remplir 27 :
- l’enseignement doit viser l’étude, non la pratique des religions;
- il doit présenter aux élèves toutes les religions, mais n’en imposer aucune;
- l’approche doit être académique et non confessionnelle;
- le but recherché doit être de rendre les élèves sensibles à l’existence de toutes les
religions et non pas de leur en faire accepter une en particulier.
En ce qui concerne les conditions que doit remplir l’aspect éthique de l’enseignement
rendu obligatoire par le ministère, on peut s’inspirer, là encore par analogie, d’une étude
26 Idem, p. 14.
27 Canadian Civil Liberties Association c. Ontario (Minister of Education), (1990) 71 O.R. (2d) 341; 65 D.L.R.
(4th) 1 (C.A. Ont.), autorisation d’appel en Cour suprême refusée.
- 15 -

portant sur le droit américain rédigée par Carol Stephenson 28 . L’auteur note que, pour
échapper aux reproches, l’enseignement moral devrait transmettre des valeurs religieusement
neutres, c’est-à-dire qui ne soient ni religieuses ni anti-religieuses, le simple fait que certaines
valeurs morales (comme la prohibition du vol ou du meurtre) correspondent aux principes de
certaines religions ne suffisant évidemment pas à entraîner une violation de la liberté de
conscience et de religion. L’auteur souligne également que l’enseignement moral laïque
risque d’entraîner une situation paradoxale. Pour éviter le reproche d’inculquer des valeurs
religieuses, l’enseignement tendra à présenter les valeurs morales de la façon la plus neutre
possible et à souligner la pluralité des opinions à leur sujet. Certains parents pourraient alors
trouver qu’un tel enseignement véhicule un relativisme moral incompatible avec les
convictions religieuses qu’ils cherchent à transmettre à leurs enfants. Dès lors, ils pourraient
prétendre que l’enseignement moral donné à l’école viole leur liberté religieuse. Un autre
argument, similaire, pourrait consister à prétendre que l’«humanisme laïque» qui est véhiculé
par l’enseignement moral constitue lui-même une «religion».
Il est difficile de se prononcer sur une telle question de façon théorique et il faudrait
examiner précisément le contenu de l’enseignement éthique et de culture religieuse, une fois
qu’il sera connu, pour pouvoir dire s’il est susceptible d’être contesté comme contraire à la
liberté de religion.
Au cas où l’on viendrait à la conclusion qu’il y a effectivement restriction de la liberté
de religion, il faudrait vérifier si celle-ci est justifiable et raisonnable en appliquant les
critères découlant de l’article 9.1 de la Charte québécoise, c’est-à-dire vérifier si le
législateur, en imposant aux établissements privés de dispenser un enseignement d’éthique et
de culture religieuse jugé contraire à certaines croyances religieuses, poursuivait un objectif
légitime et, dans l’affirmative, s’il y a proportionnalité entre cet objectif et les moyens mis en
oeuvre. Le but du législateur est manifestement d’assurer que les écoles privées participent à
la transmission de valeurs morales et éducatives. Ce but est légitime et important. Resterait
alors à vérifier que l’intervention ministérielle ne va pas au-delà de ce qui est requis pour
atteindre ce but et qu’elle ne constitue pas une immixtion indue dans la liberté de religion. Là
encore, une telle question ne peut être vidée de façon abstraite et nécessite que l’on connaisse
précisément le contenu de l’enseignement qui sera imposé par le ministère.
Enfin, il faut mentionner qu’un cours d’enseignement religieux adapté de manière à
concilier le projet éducatif confessionnel de l’école privée et le programme d’éthique et de
culture religieuse imposé par le ministère pourrait peut-être être jugé équivalent par ce
dernier et faire l’objet d’une dérogation tel que prévu par certaines dispositions de la Loi sur
l’instruction publique. De même, le ministère serait peut-être ouvert à permettre aux
établissements privés de procéder à des aménagements dans le nouveau programme, compte
28 Carol A. STEPHENSON, «Religious Exercises and Instruction in Ontario Public Schools», (1991) 49 University
of Toronto Faculty of Law Review. 82, pp. 98 suiv.
- 16 -

tenu que le temps prévu dans la grille-matière au primaire et au secondaire l’est à titre
indicatif. De telles hypothèses demandent à être vérifiées auprès des autorités du ministère.
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- 17 -

Synthèse et résumé
1. La Loi sur l’enseignement privé ne contient plus de dispositions dérogatoires aux deux
Chartes depuis quelques années déjà. La disposition dérogeant à la liberté de religion et à
l’interdiction de la discrimination religieuse de la Charte canadienne, anciennement contenue
dans l’article 176 de la loi, a cessé d’avoir effet le 1 er juillet 1998 et n’a pas été adoptée à
nouveau. L’article 175 de la loi, qui contenait une disposition de dérogation à la Charte des
droits et libertés de la personne du Québec, a été abrogé en 2000 par la Loi modifiant
diverses dispositions législatives dans le secteur de l’éducation concernant la
confessionnalité (L.Q. 2000, chapitre 24).
2. Les dispositions dérogatoires anciennement contenues dans la Loi sur l’enseignement privé
était considérées comme nécessaires pour protéger contre une attaque fondée sur les Chartes,
non pas la possibilité pour un établissement d’enseignement privé de dispenser un
enseignement confessionnel, mais la possibilité pour un tel établissement, prévue dans
l’ancien article 57 de la loi, de demander au comité catholique ou au comité protestant
institué en vertu de la Loi sur le Conseil supérieur de l’éducation (L.R.Q., chapitre C-60),
une reconnaissance comme catholique ou protestant. L’article 57 de la Loi sur l’enseignement
privé a également été abrogé par la Loi modifiant diverses dispositions législatives dans le
secteur de l’éducation concernant la confessionnalité.
3. La disparition programmée pour 2008 des clauses dérogatoires contenues dans la Loi sur
l’instruction publique n’aura donc aucun effet ni conséquence sur la capacité des
établissements d’enseignement privés de dispenser un enseignement religieux de type
confessionnel. Aucune dérogation aux deux Chartes n’est nécessaire pour permettre à un
établissement d’enseignement privé de dispenser un enseignement religieux confessionnel.
Non seulement les deux Chartes n’interdisent pas de dispenser un tel enseignement, mais au
contraire elles en garantissent le droit.
4. Le droit de créer des écoles religieuses privées et celui d’envoyer ses enfants dans une telle
école ne sont pas expressément reconnus dans la Charte canadienne. Mais on considère
généralement que la Cour suprême a indirectement fait découler de l’article 2(a) de la Charte
canadienne le droit des parents de ne pas envoyer leurs enfants à l’école publique et de leur
faire donner un enseignement religieux dans une école privée ou à la maison, à condition
qu’il soit «approprié» (le droit des parents d’envoyer leurs enfants dans une école religieuse
privée suppose évidemment le droit de créer et de gérer de telles écoles).
5. La Charte québécoise contient un article 42 qui reconnaît aux parents ou aux personnes qui
en tiennent lieu «le droit de choisir pour leurs enfants des établissements d’enseignement
privés, pourvu que ces établissements se conforment aux normes prescrites ou approuvées en
vertu de la loi». En outre, la Loi modifiant diverses dispositions législatives de nature
confessionnelle dans le domaine de l’éducation (L.Q. 2005, chapitre 20) a modifié la Charte
québécoise afin de remplacer l’ancien article 41 par une nouvelle disposition qui se lit comme
- 18 -

suit : «Les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d'assurer l'éducation
religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs convictions, dans le respect des
droits de leurs enfants et de l'intérêt de ceux-ci». Calquée sur les dispositions similaires des
conventions internationales auxquelles le Québec est partie, cette disposition doit être
interprétée comme accordant aux parents le droit d’envoyer leurs enfants dans une école
privée où ils recevront un enseignement confessionnel conforme à leurs voeux ou de les faire
dispenser de l’enseignement religieux ou moral donné à l’école publique.
6. La Charte canadienne des droits et libertés ne s’applique pas aux rapports de nature
contractuelle entre une école privée et ses élèves (ou les parents de ceux-ci). Nous
raisonnerons donc à partir des droits garantis par la Charte québécoise, lesquels s’imposent à
de tels rapports.
7. Si une école privée ayant un projet éducatif religieux accepte en toute connaissance de
cause des élèves d’autres religions que celle correspondant à son projet éducatif, le fait de
leur imposer un enseignement confessionnel aurait pour effet de restreindre leur liberté de
religion et de les soumettre à une discrimination fondée sur la religion. Le fait de s'inscrire
volontairement à une école religieuse ne constitue pas une renonciation aux droits car la
liberté de religion et la protection contre la discrimination religieuse sont d’ordre public et
l’on ne peut y renoncer.
8. L'école en cause serait alors sous le coup d’une obligation d’accommodement raisonnable
consistant à offrir une possibilité de dispense de l'enseignement religieux aux élèves désireux
de ne pas suivre cet enseignement pour des raisons religieuses.
9. Le droit de créer et de gérer des écoles privées, notamment religieuses, et d’y envoyer ses
enfants n’empêche pas l’État d’imposer aux écoles privées des normes pédagogiques
minimales et, notamment, de les obliger à dispenser certains enseignements considérés
comme devant faire partie du curriculum commun à tous les enfants. Par conséquent, les
établissements d’enseignement privés devront dispenser, en plus de l’enseignement
confessionnel qu’ils choisiront d’offrir à leurs élèves, le cours d’éthique et de culture
religieuse imposé par le ministère. Il n’en irait autrement que si l’on pouvait démontrer que
le contenu de cet enseignement obligatoire a pour effet de porter atteinte à la liberté de
religion des élèves des établissements privés en leur imposant des valeurs ou des points de
vue incompatibles avec leurs convictions religieuses. Une telle question ne peut être étudiée
de façon abstraite et nécessite que l’on connaisse précisément le contenu de l’enseignement
imposé part le ministère.
Montréal, le 22 février 2006 José Woehrling
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ANNEXE B
Précisions relatives à la marge de manoeuvre
d’un établissement d’enseignement privé
dans l’application de l’obligation d’offrir le programme
Éthique et culture religieuse
à compter de l’année scolaire 2008‐2009
Côme Dupont
Avocat

Québec, le 3 avril 2007
Monsieur Guy Bouchard
Fédération des établissements d'enseignement privés
1940, boulevard Henri-Bourassa Est
Montréal (Québec)
H2B 1S2
OBJET: Précisions relatives à la marge de manœuvre d’un établissement
d’enseignement privé dans l’application de l’obligation d’offrir le
programme d’éthique et de culture religieuse à compter de l’année
scolaire 2008-2009
______________________________________________________________________
Monsieur Bouchard,
L’établissement d’enseignement privé étant tenu d’offrir le nouveau programme
d’éthique et de culture religieuse à compter de l’année scolaire 2008-2009, vous me
demandez un avis juridique sur sa marge de manœuvre dans l’application de cette
obligation. Plus précisément, vous me demandez de répondre aux deux questions
suivantes:
- l’établissement pourrait-il répartir sur deux ans les unités prévues de 4 e
secondaire : commencer le programme en 3 e secondaire (en prévoyant
environ 50 heures / année) et le poursuivre de la même façon en 4 e
secondaire en s’assurant ainsi que les élèves disposeront du temps requis
pour développer les compétences prescrites ? ;
- s’il est à caractère religieux, l’établissement peut-il intégrer des éléments
d’enseignement religieux confessionnel au programme d’éthique et de
culture religieuse ? ; devrait-il plutôt prévoir des périodes distinctes pour
l’enseignement religieux confessionnel afin de bien faire la distinction
entre les objectifs poursuivis par cet enseignement et ceux prévus par le
programme d’éthique et de culture religieuse ?
1. L’enseignement du programme d’éthique et de culture religieuse en 3 e
secondaire
Il ne fait aucun doute que la section VI du Régime pédagogique de l’éducation
préscolaire, de l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire (L.R.Q., c. I-
13.3, a. 447, r.3.1) comprenant les articles 23.1 à 27 relatifs à la répartition des
matières s’appliquent à l’établissement d’enseignement privé qui dispense le deuxième
1

cycle de l’enseignement secondaire (voir l’article 8 et le paragraphe 1 du premier alinéa
de l’article 25 de la Loi sur l’enseignement privé, chapitre E-9.1).
S’appliquent également à cet établissement les dispositions du régime
pédagogique sur le calendrier scolaire et le temps prescrit (voir le paragraphe 3 du
même article).
Ces dispositions du régime pédagogique établissent le cadre général
d’organisation des services éducatifs tout en laissant à chaque établissement le soin de
définir concrètement sa propre organisation scolaire sous réserve des éléments
obligatoires du cadre général.
Pour chaque année du deuxième cycle de l’enseignement secondaire, les
éléments obligatoires du cadre général d’organisation des services éducatifs sont les
suivants:
- un minimum de 180 journées par année scolaire consacrées aux services
éducatifs (l’article 16 du régime) ;
- un minimum de 25 heures par semaine consacrées aux services éducatifs
(l’article 18 du régime);
- la liste des matières obligatoires et le nombre d’unités attribuées au
programme d’études pour chacune de ces matières (le deuxième alinéa
de l’article 23.1 du régime);
- le nombre total d’unités attribuées pour les matières à option.
Le régime pédagogique comporte également des éléments du cadre
d’organisation des services éducatifs qui ont un caractère facultatif. Ces éléments sont
les suivants:
- le nombre d’heures annuel prévu pour chaque matière obligatoire est
indicatif (le deuxième alinéa de l’article 23.1 du régime);
- le nombre d’heures annuel prévu pour les matières à option est indicatif
(le deuxième alinéa de l’article 23.1);
- le nombre d’heures annuel de services d’enseignement prévu pour
chacune des unités attribuées à un programme d’études peut être
inférieur si les objectifs et le contenu obligatoires de ce programme
peuvent être atteints dans un temps moindre (l’article 26 du régime).
En principe, le temps prévu pour les matières à option est utilisé par
l’établissement pour offrir à ses élèves les programmes d’études établis par le ministre
dans les matières à option qu'il choisit parmi celles figurant sur la liste établie par le
2

ministre. Le nombre d’unités attribuées à chaque programme d’études d’une matière à
option est celui déterminé par le ministre (voir l’article 463 de la Loi sur l’instruction
publique, chapitre I-13.3).
Toutefois, sous réserve des dispositions du troisième alinéa de l’article 23.1 qui
fait obligation à l’établissement d’offrir aux élèves du parcours de formation générale
appliquée les matières à option particulières à ce parcours si ces matières figurent sur
la liste des matières à option établie par le ministre, l’établissement peut utiliser le
temps alloué aux matières à option pour d’autres fins indiquées au quatrième alinéa de
l’article 23.1. Il peut ainsi utiliser ce temps à des fins de rattrapage, comme prolongation
du temps alloué aux matières obligatoires, pour donner des services complémentaires
ou pour offrir des programmes d’études locaux. Aucune unité n'est reconnue pour les
activités de rattrapage, la prolongation du temps alloué au matières obligatoires et pour
les services complémentaires. Sauf autorisation du ministre (voir l’article 33 de la Loi
sur l’enseignement privé) un maximum de 4 unités peut être attribué à un programme
d’études local (voir l’article 25 du régime pédagogique).
Il appartient donc à chaque établissement de déterminer le temps qu’il alloue par
année à chaque matière obligatoire prévue pour chaque année du deuxième cycle de
l’enseignement secondaire en s'assurant toutefois de l'atteinte des objectifs obligatoires
et de l'acquisition des contenus obligatoires prévus dans les programmes d'études
établis par le ministre (ce pouvoir est spécifiquement accordé au conseil
d’établissement de l’école publique par l’article 85 de la loi sur l’instruction publique,
chapitre I-13.3). Il lui appartient également de déterminer quelle utilisation il fait du
temps alloué par le régime pédagogique pour les matières à option. Le cas échéant, le
nombre d’heures annuel qui n’est pas alloué à une matière obligatoire ou aux matières
à option doit être consacré aux services éducatifs prévus par le régime pédagogique (le
minimum de 25 heures par semaine prescrit par l’article 18 du régime pédagogique).
Dans la mesure où il s’assure de l’atteinte des objectifs obligatoires et de
l’acquisition des contenus obligatoires prévus dans le programme d’éthique et de
culture religieuse de la 4 e secondaire établi par le ministre, l’établissement n’est pas
tenu d’allouer à cette matière les 100 heures par année scolaire prévues à titre indicatif
à l’article 23.1 du régime. Mais peu importe le temps alloué par l’établissement à
l’enseignement du programme d’éthique et de culture religieuse, le nombre d’unités
attribué à ce programme demeure celui prévu par l’article 23.1, soit 4 unités.
L’établissement qui choisit ainsi d’allouer à l’enseignement du programme
d’éthique et de culture religieuse de 4 e secondaire un nombre d’heures annuel inférieur
à celui indiqué à l’article 23.1 du régime pédagogique peut-il, pour s’assurer de l’atteinte
des objectifs obligatoires et de l’acquisition des contenus obligatoires de ce programme,
offrir des éléments de ce programme aux élèves de 3 e secondaire, par exemple à
raison de 50 heures par année scolaire, et leur accorder la moitié des unités attribuées
au programme pour la 4 e secondaire, soit 2 unités ?
3

Selon le quatrième alinéa de l’article 23.1, le nombre d’heures annuel prévu à
titre indicatif que l’établissement choisit de ne pas allouer à l’enseignement des
matières à option prévues par le ministre pour la 3 e secondaire doit obligatoirement être
consacré à l’une ou l’autre des fins suivantes: à des fins de rattrapage, comme
prolongation du temps alloué aux matières obligatoires, pour donner des services
complémentaires ou pour offrir des programmes d’études locaux. Cette nomenclature
ne laisse aucune possibilité à l’établissement de consacrer tout ou partie de ce temps à
l’enseignement d’éléments du programme d’éthique et de culture religieuse de 4 e
secondaire.
En effet, la notion de rattrapage réfère explicitement à la notion de récupération
et se dit d’un service qui consiste à aider un élève à combler un retard dans une
matière obligatoire ou dans une matière à option déjà prévue par le régime
pédagogique pour la 3 e secondaire. La notion de prolongation du temps alloué aux
matières obligatoires s’applique nécessairement aux matières obligatoires prévues pour
la 3 e secondaire et ne peut s’appliquer à une matière qui est obligatoire en 4 e
secondaire. Enfin, on ne peut considérer l’enseignement d’éléments du programme
d’éthique et de culture religieuse de la 4 e secondaire comme un service
complémentaire ni comme un programme d’études local (soit un programme élaboré
par l’établissement).
Reste la possibilité pour l’établissement de ne pas consacrer à l’enseignement
des matières obligatoires prévues pour la 3 e secondaire la totalité du nombre d’heures
annuel prévu à titre indicatif (soit un total de 800 heures). Le nombre d’heures annuel
que l’établissement choisit de ne pas consacrer à l’enseignement des matières
obligatoires prévues pour la 3 e secondaire doit obligatoirement être consacré à des
services éducatifs (le minimum de 25 heures par semaine prescrit par l’article 18 du
régime). Cependant, aucune disposition du régime pédagogique ne détermine
spécifiquement à quels services éducatifs le temps ainsi soustrait doit être consacré,
ainsi que le fait le quatrième alinéa de l’article 23.1 pour le temps attribué aux matières
à option.
Toutefois, l’article 23.1 établit clairement un cloisonnement entre chacune des
années du deuxième cycle de l’enseignement secondaire. Pour chaque année, l’article
23.1 établit une liste fermée des matières obligatoires qui doivent être enseignées et
des matières à option qui peuvent être enseignées, ainsi que le nombre maximal
d’unités qui peuvent être allouées pour les matières obligatoires et pour les matières à
option, sous réserve de l’autorisation du ministre accordée à un établissement
d’attribuer plus de 4 unités à un programme d’études local. Si le quatrième alinéa
l’article 23.1 permet à l’établissement d’utiliser le temps alloué pour les matières à
option à des fins de rattrapage, à la prolongation du temps alloué à l’une ou l’autre des
matières obligatoires de la 3 e secondaire ou à l’offre de services complémentaires ou
de programmes d’études locaux, il doit en être ainsi quant à l’utilisation du temps qui
n’est pas consacré à une matière obligatoire.
4

Le texte de l’article 23.1 du régime pédagogique ne laisse donc aucune
possibilité à l’établissement de dispenser en 3 e secondaire à l’intérieur des 25 heures
par semaine devant être consacrées aux services éducatifs des éléments du
programme d’éthique et de culture religieuse obligatoire en 4 e secondaire.
Les dispositions du deuxième alinéa de l’article 30 de la Loi sur l’enseignement
privé, qui permettent à l’établissement, sous réserve des règles de sanction des études
prévues au régime pédagogique, de déroger à la liste des matières de 3 e secondaire
dans les cas et aux conditions déterminés par règlement du ministre pris en application
de l'article 457.2 de la Loi sur l'instruction publique ou sur autorisation de ce dernier
donnée selon les mêmes règles que celles prévues à l'article 459 de cette loi, ne
peuvent fonder la possibilité pour l’établissement de dispenser en 3 e secondaire des
éléments du programme obligatoire d’éthique et de culture religieuse de 4 e secondaire.
L’enseignement en 3 e secondaire d’éléments du programme d’éthique et de culture
religieuse de 4 e secondaire ne pourrait être assimilé à un projet pédagogique particulier
tel que prévu par le Règlement concernant les dérogations à la liste des matières du
Régime pédagogique de l'éducation préscolaire, de l'enseignement primaire et de
l'enseignement secondaire (L.R.Q., c. I-13.3, a. 457.2, r.0.01.4).
2. L’intégration d’éléments d’enseignement religieux confessionnel dans le
programme d’éthique et de culture religieuse
Selon l’article 32 de la Charte canadienne des droits et libertés (annexe B de la
Loi sur le Canada, chapitre II du Recueil des lois du Parlement du Royaume-Uni pour
l’année 1982), celle-ci s’applique au Parlement et au gouvernement du Canada, pour
tous les domaines relevant du Parlement, ainsi qu’à la législature et au gouvernement
de chaque province, pour tous les domaines relevant de cette législature. Ainsi, pour
que la Charte canadienne puisse être invoquée, l’État doit avoir pris une mesure qu’on
attaque. La Charte canadienne ne s’applique donc pas à l’établissement
d’enseignement privé, même à celui qui est agréé aux fins de subventions puisqu’il
n’est pas un organisme gouvernemental, en raison du degré peu élevé de contrôle du
gouvernement et du ministre sur son fonctionnement (McKinney c. University of
Guelph, 1990, 3 R.C.S. 229).
La Charte québécoise des droits et libertés de la personne (chapitre C-12) est
une loi ordinaire de la législature du Québec. Comme telle, elle s’applique d’emblée aux
activités de nature privée. D’ailleurs, selon l’article 54 de la Charte, celle-ci s’applique
également à la Couronne. Il s’ensuit donc, a contrario, qu’elle s’applique aux activités
de nature privée. L’établissement d’enseignement privé est donc assujetti à la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne.
Or l'article 10 de la Charte québécoise interdit l'adoption d'une mesure
établissant une distinction, exclusion ou préférence fondée sur un motif énuméré, tel la
religion, ayant pour objet ou pour effet de détruire ou de compromettre le droit de toute
personne à la reconnaissance et à l'exercice, en pleine égalité, des droits et libertés
5

garantis par la Charte. L'article 12 de la Charte interdit une telle discrimination dans la
formation d'un acte juridique, tel que le contrat de services éducatifs. L'article 16 ajoute
que nul ne peut exercer de discrimination dans l'embauche, l'apprentissage, la durée de
la période de probation, la formation professionnelle, la promotion, la mutation, le
déplacement, la mise à pied, la suspension, le renvoi ou les conditions de travail d'une
personne ainsi que dans l'établissement de catégories ou de classifications d'emploi.
En principe donc, un établissement d’enseignement privé ne peut être
confessionnel.
Toutefois, en vertu de l'article 20 de la Charte québécoise, une distinction,
exclusion ou préférence est réputée non discriminatoire si elle est fondée sur les
aptitudes ou qualités requises par un emploi ou si elle est justifiée par le caractère
charitable, philanthropique, religieux, politique ou éducatif d'une institution sans but
lucratif ou qui est vouée exclusivement au bien-être d'un groupe ethnique. Il s’agit ici
d’une présomption absolue et aucune preuve ne peut lui être opposée (c’est une
présomption jure et de jure et non une présomption juris tantum, voir l’article 2847 du
C.C.Q.).
Le premier volet de l'article 20 permet à tout employeur de justifier une mesure
discriminatoire s'il peut démontrer que cette mesure est fondée sur des aptitudes ou
des qualités qui sont réellement nécessaires à l'exercice d'un emploi ou d'une fonction.
Quant au deuxième volet de l’article 20, il a pour objectif la promotion des
intérêts d'un groupe identifiable de personnes partageant une des caractéristiques
énoncées à l'article 10 de la Charte, notamment la religion. Ce deuxième volet traduit la
volonté du législateur de reconnaître la primauté des droits de certains groupes sur les
droits individuels en raison de points de vue particuliers épousés par ceux-ci. La Cour
suprême du Canada dans l'arrêt Ville de Brossard c. Québec, (1988), 2 R.C.S. 279,
332 à 335 donne l'exemple suivant: "une école catholique pourrait invoquer le second
volet de l'article 20 pour justifier une préférence accordée aux catholiques dans sa
politique d'embauche d'enseignants....La protection de l'article 20 lui est accordée de
manière que les catholiques puissent s'associer librement pour promouvoir les valeurs
et les croyances de leur religion".
Dans l'arrêt Brossard, la Cour suprême du Canada établit que le premier volet
de l'article 20 de la Charte doit être interprété de façon restrictive puisqu'il vient
restreindre le droit à l'égalité dans l'embauche, lequel doit normalement avoir une
application large et libérale. Quant au deuxième volet, il ne doit pas être interprété de
façon restrictive car il a pour but de donner priorité à des droits collectifs sur les droits
individuels. Sous le second volet, le critère de justification d'une mesure discriminatoire
n'est pas aussi sévère que sous le premier volet. Sous le second volet, il n'est pas
nécessaire de démontrer que la mesure discriminatoire est réellement nécessaire; il
suffit de démontrer qu'il existe un lien logique et rationnel entre la discrimination
pratiquée et le caractère de l'institution. La justification de l'exclusion par exemple d'un
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élève aux services éducatifs doit être objective, c'est-à-dire fondée "non pas sur une
discrétion plus ou moins capricieuse de l'institution mais sur des faits qui font de
l'exclusion une conséquence logique et rationnelle du caractère religieux ou éducatif de
l'institution". Ainsi, il n'est pas suffisant de simplement affirmer que l'établissement
d’enseignement privé est de telle ou telle confession religieuse. Encore faut-il qu'il se
donne un projet éducatif qui intègre concrètement les croyances et les valeurs
particulières de la religion dont il se réclame.
Un établissement d’enseignement privé "exploité" ou "tenu" sans but lucratif peut
donc se donner un caractère confessionnel et faire le choix de l'une ou l'autre des deux
attitudes suivantes:
- n'accepter que des élèves qui sont de la confession religieuse dont il se
réclame ;
ou
- accepter également des élèves qui sont d'une autre confession religieuse
ou d'aucune confession religieuse.
L’établissement qui choisit ne n’accepter que des élèves qui sont de la
confession religieuse dont il se réclame peut alors leur imposer des exigences
religieuses qui ont un lien logique et rationnel avec son projet éducatif confessionnel.
L’établissement qui accepte également des élèves qui sont d’une autre
confession religieuse ou d’aucune confession religieuse doit consentir à ces élèves les
accommodements qu'ils réclament, si ces accommodements sont raisonnables.
L'obligation d'accommodements raisonnables implique plus qu'un effort minimal.
Elle exclut les contraintes excessives mais elle exige des mesures raisonnables
(Central O’Kanagan School Districts No 23 c. Renaud , 1992, 2 R.C.S. 970). Il
appartient à la personne qui prétend être victime de discrimination de le prouver et à
l'auteur de la mesure de démontrer que les mesures d'accommodement demandées
constituent une contrainte excessive, compte tenu des coûts, des ressources, de la
santé et de la sécurité publique et du respect des droits et libertés des autres élèves.
L’auteur de la mesure qui refusera les accommodements raisonnables sera
responsable d’une discrimination indirecte par suite d’un effet préjudiciable
(Commission scolaire Saint-Jean-sur-Richelieu c. Commission des droits de la
personne du Québec, C.A., 1994, J.E. 94-925).
L’établissement d’enseignement privé "exploité" ou "tenu" sans but lucratif qui se
donne un caractère confessionnel peut donc élaborer un programme local
d’enseignement religieux confessionnel pour lequel un maximum de 4 unités pourront
être attribuées (sauf autorisation du ministre accordée en vertu de l’article 33 de la Loi
sur l’enseignement privé). L’établissement qui choisit de n’accepter que des élèves qui
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sont de la confession religieuse dont se réclame l’établissement peut rendre ce
programme local obligatoire pour tous les élèves.
L’établissement d’enseignement privé qui se donne un caractère confessionnel
demeure toutefois tenu d’enseigner à tous ses élèves le programme obligatoire
d’éthique et de culture religieuse à compter de l’année scolaire 2008-2009.
Je partage l’avis de Me José Woerling, selon lequel le droit accordé aux parents
ou à ceux qui en tiennent lieu par l’article 42 de la Charte des droits et libertés de la
personne (chapitre C-12) de choisir pour leurs enfants des établissements
d’enseignement privés à caractère religieux n’empêche pas l’État d’imposer à ces
établissements des normes pédagogiques minimales et, notamment, de les obliger à
dispenser un programme non confessionnel d’éthique et de culture religieuse. L’article
42 ne précise-t-il pas que ces établissements doivent se conformer aux normes
prescrites ou approuvées en vertu de la loi ?
À la lumière des principes établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R
c. Jones (1986) 2 R.C.S. on peut certainement affirmer qu’une disposition législative,
telle que le premier paragraphe du premier alinéa de l’article 25 de la Loi sur
l’enseignement privé, habilitant le gouvernement à imposer à tous les enfants qui
fréquentent un établissement d’enseignement privé à caractère religieux le curriculum
pédagogique imposer à ceux qui fréquentent un établissement d’enseignement public,
est conforme aux dispositions des chartes canadienne et québécoise des droits et
libertés. Il importe toutefois qu’aucun des éléments de ce curriculum ne porte atteinte au
droit aux libertés de conscience et de religion garanti par l’article 2a de la Charte
canadienne et par l’article 3 de la Charte québécoise.
L’établissement d’enseignement privé à caractère religieux qui élabore un
programme local d’enseignement religieux confessionnel peut-il intégrer les éléments de
ce programme local dans le programme obligatoire d’éthique et de culture religieuse ?
On ne peut formellement parler ici d’intégration d’éléments du programme
d’enseignement religieux confessionnel dans le programme d’éthique et de culture
religieuse. Le programme local d’enseignement religieux confessionnel est un
programme élaboré par l’établissement et comporte ses propres objectifs et contenus
notionnels. Le programme d’éthique et de culture religieuse est un programme établi par
le ministre; ce programme comprend des objectifs et un contenu notionnel obligatoires et
peut comprendre des objectifs et un contenu notionnel indicatifs qui doivent être enrichis
ou adaptés selon les besoins des élèves qui reçoivent les services (voir l’article 461 de
la Loi sur l’instruction publique).
Toutefois, aucune disposition législative n’a pour objet ou pour effet d’interdire à
un établissement d’enseignement privé de confier à une même personne jugée
compétente l’enseignement des deux programmes à un même groupe d’élèves, en
s’assurant toutefois que tous les élèves du groupe sont de la confession religieuse de
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l’établissement. Partant de cette constatation, rien n’empêche l’établissement de prévoir
l’enseignement des ces deux programmes par cette personne au même groupe d’élèves
durant les mêmes périodes de l horaire des élèves.
CONCLUSION
Les dispositions du Régime pédagogique de l’éducation préscolaire, de
l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire n’autorisent pas
l’établissement d’enseignement privé à répartir sur deux ans les 4 unités attribuées au
programme d’éthique et de culture religieuse de 4 e secondaire. En outre, l’établissement
ne peut utiliser en 3 e secondaire une partie des 25 heures par semaine devant être
consacrées aux services éducatifs pour dispenser des éléments du programme
d’éthique et de culture religieuse de la 4 e secondaire.
L’établissement d’enseignement privé tenu sans but lucratif peut se donner un
caractère religieux et offrir à ses élèves qui se déclarent de la confession religieuse de
l’établissement un programme local d’enseignement religieux confessionnel pour lequel
il peut attribuer un maximum de 4 unités, sauf autorisation du ministre accordée en
application de l’article 33 de la Loi sur l’enseignement privé. L’établissement demeure
toutefois assujetti à l’obligation de dispenser à tous ses élèves le programme d’éthique
et de culture religieuse établi par le ministre. L’établissement ne peut formellement
intégrer au programme d’éthique et de culture religieuse obligatoire des éléments d’un
programme local d’enseignement religieux confessionnel. Toutefois, aucune disposition
législative n’empêche l’établissement de confier à une même personne jugée
compétente l’enseignement du programme d’éthique et de culture religieuse et
l’enseignement du programme local d’enseignement religieux confessionnel à un même
groupe d’élèves qui partagent la confession religieuse de l’établissement. Partant de
cette possibilité, l’établissement peut prévoir dans l’horaire des élèves les mêmes
périodes pour l’enseignement des deux programmes.
En terminant, je veux attirer votre attention sur les dispositions de l’article 22 du
Règlement d'application de la Loi sur l'enseignement privé (L.R.Q., c. E-91, a. 111, r.1).
Le premier alinéa de cet article prévoit que tout établissement d’enseignement privé
peut être exempté de l'application du premier alinéa de l'article 32 (qui fait obligation à
l’établissement d’enseigner les programmes du ministre pour les matières obligatoires),
pourvu que l'établissement offre des programmes jugés équivalents par le ministre de
l'Éducation. Quant au deuxième alinéa du même article, il établit qu’une organisation ou
association à caractère religieux sans but lucratif peut, si le ministre de l'Éducation
l'autorise, être exemptée notamment de l'application du paragraphe 1 du premier alinéa
de l'article 25 (soit de la liste des matières à enseigner).
En vous remerciant de la confiance que vous me manifestez, je vous prie de bien
vouloir accepter l’expression des mes meilleures salutations.
Côme Dupont, avocat
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