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Phèdre de Jean Racine mise en scène Patrice Chéreau

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L'inceste : une innovation <strong>de</strong> <strong>Racine</strong> (49 ss.)<br />

Le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s dramaturges 1...1 a évolué dans le même s<strong>en</strong>s que le nôtre. Si l'on compare, par<br />

exemple, la <strong>Phèdre</strong> d'Euripi<strong>de</strong> et celle <strong>de</strong>s prédécesseurs français <strong>de</strong> <strong>Racine</strong> - Gilbert ou Bidar -on<br />

constate que le thème <strong>de</strong> l'inceste a disparu chez ces <strong>de</strong>rniers, effacé par la règle <strong>de</strong>s bi<strong>en</strong>séances.<br />

Pour retrouver ta tragédie, <strong>Racine</strong> doit rev<strong>en</strong>ir, du même mouvem<strong>en</strong>t, à Euripi<strong>de</strong> et au thème <strong>de</strong><br />

l'amour interdit. Comme nous, il doit oublier le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>t, ranimer un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t passé. Voici<br />

ce qu'écrit Knight : "... la conception fondam<strong>en</strong>tale <strong>de</strong> sa pièce - cet amour à la fois involontaire et<br />

criminel - est auth<strong>en</strong>tiquem<strong>en</strong>t anci<strong>en</strong>ne... c'est <strong>en</strong> tournant résolum<strong>en</strong>t le dos à l'exemple <strong>de</strong> ses<br />

compatriotes que <strong>Racine</strong> l'a retrouvée. Hardiesse que pouvait seul se permettre un poète sûr <strong>de</strong> son<br />

goût et <strong>de</strong> ses moy<strong>en</strong>s : il s'agissait d'imposer un thème que tout le mon<strong>de</strong>, <strong>de</strong>puis l'introduction <strong>de</strong>s<br />

bi<strong>en</strong>séances (1645 à peu près), jugeait inacceptable au théâtre : un amour déf<strong>en</strong>du" (<strong>Racine</strong> et la<br />

Grèce, p. 338).<br />

<strong>Phèdre</strong> : image <strong>de</strong> la passion incestueuse ; Hippolyte : souillé/coupable (52 ss.)<br />

L'angoisse <strong>de</strong> culpabilité que ta fable fait éprouver à <strong>Phèdre</strong> est bi<strong>en</strong> celle que suscite le désir<br />

incestueux. Mais si la fable était déjà, dans l'Antiquité, un dérivé atténué, nous pouvons présumer<br />

que <strong>Phèdre</strong> représ<strong>en</strong>te le désir incestueux qu•Hippolyte refuse d'éprouver. Nous rejoignons notre<br />

conclusion précé<strong>de</strong>nte : <strong>Phèdre</strong> n'est pas aimée parce qu'elle est l'image <strong>de</strong> la passion. Nous ajoutons<br />

dès lors : parce qu'elle est l'image <strong>de</strong> la passion la plus coupable.<br />

Notons combi<strong>en</strong> la fable <strong>en</strong> <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t plus claire. Car, après tout, chez Euripi<strong>de</strong>, c'est Hippolyte<br />

qu'Aphrodite-Vénus veut punir ; c'est lui qui ta méprise et refuse tout commerce avec les femmes.<br />

Elle lui <strong>en</strong>voie donc l'image <strong>de</strong> <strong>Phèdre</strong>. Il. la repousse avec horreur. Mais <strong>Phèdre</strong> morte t'accuse par<br />

la tablette qu'elle ti<strong>en</strong>t dans sa main : c'est toi qui m'as désirée, c'est toi qui es coupable. Traduisons :<br />

"Tu me refuses consciemm<strong>en</strong>t ; mais man image peut v<strong>en</strong>ir te hanter.- Or, dans l'imaginaire comme<br />

dans le magique, le contact du néfaste r<strong>en</strong>d néfaste. Hippolyte s'éprouve souillé. Telle est bi<strong>en</strong> la<br />

v<strong>en</strong>geance <strong>de</strong> Vénus. Car le père, à son tour, ne distingue pas la souillure <strong>de</strong> la culpabilité.<br />

Extraits <strong>de</strong> Chartes Mauron<br />

<strong>Phèdre</strong>, chapitres I à VI<br />

N. B. : les chiffres r<strong>en</strong>voi<strong>en</strong>t aux pages du 2ème tirage, Paris, José Corti, 1978.

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