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annales zéro - sujet 7 - Académie de Nancy-Metz

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Annales <strong>zéro</strong><br />

Éléments <strong>de</strong> corrigé et commentaires<br />

<strong>sujet</strong> 7<br />

Sources <strong>de</strong> la page :<br />

• Commentaires : Ministère <strong>de</strong> l'Éducation nationale − Eduscol : Direction <strong>de</strong><br />

l'Enseignement Scolaire − février 2002.<br />

• Les quatorze <strong>sujet</strong>s : CNDP − 15 novembre 2001<br />

Les nouvelles épreuves anticipées <strong>de</strong> français ont été définies dans le B.O.N° 26<br />

du 28 juin 2001<br />

Sommaire<br />

Séries générales − Sujet 7.<br />

Objets d’étu<strong>de</strong> : La poésie ; convaincre, persua<strong>de</strong>r, délibérer<br />

Sujet 6. Commentaires et éléments <strong>de</strong> corrigés<br />

TEXTES<br />

Séries générales<br />

Objets d'étu<strong>de</strong> :<br />

La poésie ; convaincre, persua<strong>de</strong>r, délibérer<br />

A. Victor HUGO (1802−1885), « la Victoire », Histoire d’un crime, 4 décembre 1852 (publié en 1877 – 1878).<br />

B. Victor HUGO, "Souvenir <strong>de</strong> la nuit du 4", Les Châtiments, Jersey, 2 décembre 1852 (publication novembre 1853).<br />

C. Victor HUGO, Lettre à Hetzel, Jersey, 6 février 1853.<br />

Annexes<br />

1. Catherine Salles, Le Second Empire, 1852/1870, collection "Histoire <strong>de</strong> France illustrée", n° 12, © Librairie Larousse, 1985.<br />

2. Guy Rosa, Chronologie historique (extraits), Édition <strong>de</strong>s Châtiments, Le Livre <strong>de</strong> Poche,1973.<br />

Texte A<br />

Victor HUGO, Histoire d’un crime, 4. La victoire 1851, 1852.<br />

[Un enfant <strong>de</strong> sept ans et <strong>de</strong>mi est tué le 4 décembre 1851 par l’armée. Victor Hugo, qui était présent aux côtés <strong>de</strong>s insurgés,<br />

raconte...]<br />

1 E.P… s’arrêta <strong>de</strong>vant une maison haute et noire. Il poussa une porte d’allée qui n’était pas fermée,<br />

puis une autre porte, et nous entrâmes dans une salle basse, toute paisible, éclairée d’une lampe.<br />

Cette chambre semblait attenante à une boutique. Au fond, on entrevoyait <strong>de</strong>ux lits côte à côte, un<br />

grand et un petit. Il y avait au−<strong>de</strong>ssus du petit lit un portrait <strong>de</strong> femme, et, au−<strong>de</strong>ssus du portrait, un<br />

rameau <strong>de</strong> buis bénit.<br />

La lampe était posée sur une cheminée où brûlait un petit feu.<br />

Près <strong>de</strong> la lampe, sur une chaise, il y avait une vieille femme, penchée, courbée, pliée en <strong>de</strong>ux,<br />

comme cassée, sur une chose qui était dans l’ombre et qu’elle avait dans les bras. Je m’approchai.<br />

10 Ce qu’elle avait dans les bras, c’était un enfant mort.<br />

La pauvre femme sanglotait silencieusement.<br />

1


E.P…, qui était <strong>de</strong> la maison, lui toucha l’épaule et lui dit :<br />

− Laissez voir.<br />

La vieille femme leva la tête, et je vis sur ses genoux un petit garçon, pâle, à <strong>de</strong>mi déshabillé, joli,<br />

avec <strong>de</strong>ux trous rouges au front.<br />

La vieille femme me regarda, mais évi<strong>de</strong>mment elle ne me voyait pas ; elle murmura, se parlant à<br />

elle−même :<br />

− Et dire qu’il m’appelait bonne maman ce matin !<br />

E.P… prit la main <strong>de</strong> l’enfant, cette main retomba.<br />

20 − Sept ans, me dit−il.<br />

Une cuvette était à terre. On avait lavé le visage <strong>de</strong> l’enfant ; <strong>de</strong>ux filets <strong>de</strong> sang sortaient <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />

trous.<br />

Au fond <strong>de</strong> la chambre, près d’une armoire entr’ouverte où l’on apercevait du linge, se tenait<br />

<strong>de</strong>bout une femme d’une quarantaine d’années, grave, pauvre, propre, assez belle.<br />

− Une voisine, me dit E.P…<br />

Il m’expliqua qu’il y avait un mé<strong>de</strong>cin dans la maison, que ce mé<strong>de</strong>cin était <strong>de</strong>scendu et avait dit :<br />

"Rien à faire".<br />

L’enfant avait été frappé <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux balles à la tête en traversant la rue "pour se sauver". On l’avait<br />

rapporté à sa grand−mère "qui n’avait que lui".<br />

30 Le portrait <strong>de</strong> la mère morte était au−<strong>de</strong>ssus du petit lit.<br />

L’enfant avait les yeux à <strong>de</strong>mi ouverts, et cet inexprimable regard <strong>de</strong>s morts où la perception du<br />

réel est remplacée par la vision <strong>de</strong> l’infini. L’aïeule, à travers ses sanglots, parlait par instants : – Si<br />

c’est Dieu possible ! – A−t−on idée ! – Des brigands, quoi !<br />

Elle s’écria :<br />

− C’est donc ça le gouvernement !<br />

− Oui, lui dis−je.<br />

Nous achevâmes <strong>de</strong> déshabiller l’enfant. Il avait une toupie dans sa poche. Sa tête allait et venait<br />

d’une épaule à l’autre, je la soutins et je le baisai au front. Versigny et Bancel lui ôtèrent ses bas.<br />

La grand−mère eut tout à coup un mouvement.<br />

40 − Ne lui faites pas <strong>de</strong> mal, dit−elle.<br />

50<br />

Elle prit les <strong>de</strong>ux pieds glacés et blancs dans ses vieilles mains, tâchant <strong>de</strong> les réchauffer.<br />

Quand le pauvre petit corps fut nu, on songea à l’ensevelir. On tira <strong>de</strong> l’armoire un drap.<br />

Alors l’aïeule éclata en pleurs terribles.<br />

Elle cria : – Je veux qu’on me le ren<strong>de</strong>.<br />

Elle se redressa et nous regarda ; elle se mit à dire <strong>de</strong>s choses farouches, où Bonaparte était mêlé,<br />

et Dieu, et son petit, et l’école où il allait, et sa fille qu’elle avait perdue, et nous adressant à<br />

nous−mêmes <strong>de</strong>s reproches, livi<strong>de</strong>, hagar<strong>de</strong>, ayant comme un songe dans ses yeux, et plus<br />

fantôme que l’enfant mort.<br />

Puis elle reprit sa tête dans ses mains, posa ses bras croisés sur son enfant, et se<br />

remit à sangloter.<br />

La femme qui était là vint à moi et, sans dire une parole, m’essuya la bouche avec<br />

un mouchoir.<br />

J’avais du sang aux lèvres.<br />

Que faire, hélas ? Nous sortîmes accablés.<br />

Il était tout à fait nuit. Bancel et Versigny me quittèrent.<br />

2


Texte B<br />

Victor HUGO, "Souvenir <strong>de</strong> la nuit du 4", Les Châtiments, Jersey, 2 décembre 1852.<br />

[En 1853, Victor Hugo publie Les Châtiments, recueil <strong>de</strong> poèmes consacré à la dénonciation <strong>de</strong> celui qu’il considère comme<br />

un usurpateur.]<br />

1 L’enfant avait reçu <strong>de</strong>ux balles dans la tête.<br />

10<br />

Le logis était propre, humble, paisible, honnête ;<br />

On voyait un rameau bénit sur un portrait.<br />

Une vieille grand−mère était là qui pleurait.<br />

Nous le déshabillions en silence. Sa bouche,<br />

Pâle, s’ouvrait ; la mort noyait son œil farouche ;<br />

Ses bras pendants semblaient <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s appuis.<br />

Il avait dans sa poche une toupie en buis.<br />

On pouvait mettre un doigt dans les trous <strong>de</strong> ses plaies.<br />

Avez−vous vu saigner la mûre dans les haies ?<br />

Son crâne était ouvert comme un bois qui se fend.<br />

L’aïeule regarda déshabiller l’enfant,<br />

Disant : – Comme il est blanc ! Approchez donc la lampe.<br />

Dieu ! ses pauvres cheveux sont collés sur sa tempe ! –<br />

Et quand ce fut fini, le prit sur ses genoux.<br />

La nuit était lugubre ; on entendait <strong>de</strong>s coups<br />

De fusil dans la rue où l’on en tuait d’autres.<br />

– Il faut ensevelir l’enfant dirent les nôtres.<br />

20 Et l’on prit un drap blanc dans l’armoire en noyer.<br />

L’aïeule cependant l’approchait du foyer<br />

Comme pour réchauffer ses membres déjà roi<strong>de</strong>s.<br />

Hélas ! ce que la mort touche <strong>de</strong> ses mains froi<strong>de</strong>s<br />

Ne se réchauffe plus aux foyers d’ici−bas !<br />

Elle pencha la tête et lui tira ses bas,<br />

Et dans ses vieilles mains prit les pieds du cadavre.<br />

– Est−ce que ce n’est pas une chose qui navre !<br />

Cria−t−elle. Monsieur, il n’avait pas huit ans !<br />

Ses maîtres, il allait en classe, étaient contents.<br />

Monsieur, quand il fallait que je fisse une lettre,<br />

30 C’est lui qui l’écrivait. Est−ce qu’on va se mettre<br />

A tuer les enfants maintenant ? Ah ! mon Dieu !<br />

On est donc <strong>de</strong>s brigands ! Je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> un peu,<br />

Il jouait ce matin, là, <strong>de</strong>vant la fenêtre !<br />

Dire qu’ils m’ont tué ce pauvre petit être !<br />

Il passait dans la rue, ils ont tiré <strong>de</strong>ssus.<br />

Monsieur, il était bon et doux comme un Jésus.<br />

Moi je suis vieille, il est tout simple que je parte ;<br />

Cela n’aurait rien fait à monsieur Bonaparte<br />

De me tuer au lieu <strong>de</strong> tuer mon enfant ! –<br />

40 Elle s’interrompit, les sanglots l’étouffant,<br />

3


Puis elle dit, et tous pleuraient près <strong>de</strong> l’aïeule :<br />

– Que vais−je <strong>de</strong>venir à présent toute seule ?<br />

Expliquez moi cela, vous autres, aujourd’hui.<br />

Hélas ! je n’avais plus <strong>de</strong> sa mère que lui.<br />

Pourquoi l’a−t−on tué ? Je veux qu’on me l’explique.<br />

L’enfant n’a pas crié vive la République. –<br />

Nous nous taisions, <strong>de</strong>bout et graves, chapeau bas,<br />

Tremblant <strong>de</strong>vant ce <strong>de</strong>uil qu’on ne console pas.<br />

Vous ne compreniez point, mère, la politique.<br />

50 Monsieur Napoléon, c’est son nom authentique,<br />

Est pauvre et même prince ; il aime les palais ;<br />

Il lui convient d’avoir <strong>de</strong>s chevaux, <strong>de</strong>s valets,<br />

De l’argent pour son jeu, sa table, son alcôve,<br />

Ses chasses ; par la même occasion, il sauve<br />

La famille, l’église et la société ;<br />

Il veut avoir Saint−Cloud, plein <strong>de</strong> roses l’été,<br />

Où viendront l’adorer les préfets et les maires ;<br />

C’est pour cela qu’il faut que les vieilles grands−mères,<br />

De leurs pauvres doigts gris que fait trembler le temps,<br />

60 Cousent dans le linceul <strong>de</strong>s enfants <strong>de</strong> sept ans.<br />

Texte C<br />

Victor HUGO, Lettre à Hetzel, Jersey, 6 février 1853.<br />

[Dans cet extrait d’une lettre qu’il écrit en réponse à son éditeur Hetzel – lui−même exilé en Belgique – , Victor Hugo précise<br />

le rôle que doit jouer, dans Les Châtiments, l’écriture poétique.]<br />

"Ce livre−ci sera violent. Ma poésie est honnête mais pas modérée.<br />

J’ajoute que ce n’est pas avec <strong>de</strong> petits coups qu’on agit sur les masses. J’effaroucherai le bourgeois peut−être, qu’est−ce<br />

que cela me fait si je réveille le peuple ? Enfin n’oubliez pas ceci : je veux avoir un jour le droit d’arrêter les représailles, <strong>de</strong><br />

me mettre en travers <strong>de</strong>s vengeances, d’empêcher, s’il se peut, le sang <strong>de</strong> couler, et <strong>de</strong> sauver toutes les têtes, même celle<br />

<strong>de</strong> Louis Bonaparte. Or, ce serait un pauvre titre que <strong>de</strong>s rimes modérées. Dès à présent, comme homme politique, je veux<br />

semer dans les cœurs, au milieu <strong>de</strong> mes paroles indignées, l’idée d’un châtiment autre que le carnage. Ayez mon but présent<br />

à l’esprit : clémence implacable."<br />

Annexe 1<br />

Catherine Salles, Le Second Empire, 1852/1870, collection "Histoire <strong>de</strong> France illustrée", n° 12, © Librairie<br />

Larousse,1985.<br />

Jusqu’en 1860, la France connut un régime autoritaire. Aux pouvoirs considérables que lui reconnaissait la Constitution<br />

<strong>de</strong> 1852, Napoléon III ajouta <strong>de</strong> nombreuses restrictions <strong>de</strong>s libertés publiques. Le suffrage universel fut limité par d’habiles<br />

découpages électoraux et par l’instauration <strong>de</strong> la candidature officielle. Pour permettre aux électeurs <strong>de</strong> "faire le bon choix", le<br />

gouvernement soutenait ouvertement l’un <strong>de</strong>s candidats, qui recevait l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’administration locale (…).<br />

La liberté <strong>de</strong> la presse était profondément compromise. Pour paraître, les journaux <strong>de</strong>vaient avoir obtenu l’autorisation<br />

préalable et étaient contraints <strong>de</strong> faire figurer dans leurs pages les communiqués du gouvernement. Ce fut surtout le système<br />

<strong>de</strong> "l’avertissement", institué par décret en février 1852 sur l’instigation <strong>de</strong> Persigny et <strong>de</strong> Rouher, qui pesa lour<strong>de</strong>ment sur la<br />

presse française : un journal qui avait reçu un avertissement du préfet était suspendu pour <strong>de</strong>ux mois et, en cas <strong>de</strong> récidive,<br />

disparaissait définitivement. Un tel système <strong>de</strong> contraintes permit aux seuls journaux gouvernementaux, le Moniteur et le<br />

Constitutionnel, <strong>de</strong> paraître régulièrement. Malgré leur pru<strong>de</strong>nce, le Siècle et la Presse, <strong>de</strong> tendances libérales, l’orléaniste<br />

Journal <strong>de</strong>s débats et l’ultramontain Univers <strong>de</strong> Louis Veuillot connurent en revanche <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s difficultés <strong>de</strong> publication.<br />

Dans le pays entier, une administration toute−puissante limitait les libertés fondamentales. Les fonctionnaires, qui<br />

<strong>de</strong>vaient prêter serment à la Constitution et à l’empereur, pouvaient être révoqués ou rétrogradés par les ministres. La police<br />

exerçait sur tous les citoyens une surveillance rigoureuse, et <strong>de</strong> simples propos subversifs pouvaient être passibles<br />

d’emprisonnement. Les personnages les plus redoutés étaient les préfets, qui jouissaient dans leur département <strong>de</strong> pouvoirs<br />

4


considérables. Véritables représentants <strong>de</strong> l’empereur dans leur circonscription, ils surveillaient l’opinion publique, décidaient<br />

<strong>de</strong>s élections, dirigeaient la police. Et leur rôle dans la vie mondaine n’était pas moins important, car chaque préfecture était<br />

tenue <strong>de</strong> reproduire à l’échelon local la vie brillante <strong>de</strong> la Cour.<br />

Annexe 2<br />

Guy Rosa, Chronologie historique (extraits), Édition <strong>de</strong>s Châtiments <strong>de</strong> Victor Hugo, Le Livre <strong>de</strong> Poche, 1973.<br />

1851<br />

2 décembre. Coup d’État <strong>de</strong> Louis−Napoléon Bonaparte. Par affiches, le prési<strong>de</strong>nt (1) annonce qu’il dissout l’Assemblée,<br />

proclame l’état <strong>de</strong> siège et rétablit le suffrage universel. Plusieurs députés et les généraux républicains sont arrêtés. Les<br />

députés <strong>de</strong> droite se réunissent à la mairie du Xème arrondissement, proclament la déchéance <strong>de</strong> Louis−Napoléon, puis sont<br />

arrêtés. Les députés <strong>de</strong> gauche appellent à la lutte armée et forment un Comité <strong>de</strong> résistance clan<strong>de</strong>stin. La police ne trouve<br />

pas Victor Hugo à son domicile.<br />

3 décembre. Hugo et les autres membres du comité, malgré la passivité évi<strong>de</strong>nte du peuple parisien que l’Assemblée a<br />

combattu en juin 1848 et qu’elle n’a cessé <strong>de</strong> décevoir, poursuivent la résistance. Le peuple élève quelques barrica<strong>de</strong>s. Hugo<br />

multiplie les proclamations.<br />

4 décembre. Saint−Arnaud, commandant, et Magnan, ministre <strong>de</strong> la Guerre, font donner l’assaut aux barrica<strong>de</strong>s. Dans<br />

l’après−midi, la troupe mitraille la foule <strong>de</strong>s promeneurs et <strong>de</strong>s curieux sur les boulevards Montmartre et Poissonnière. Les<br />

exécutions sommaires commencent à Paris et dans le reste <strong>de</strong> la France.<br />

11 décembre. Avec le passeport d’un camara<strong>de</strong> : Lanvin, V. Hugo part pour Bruxelles.<br />

14 décembre. V. Hugo commence la rédaction <strong>de</strong> ce qui sera l ’Histoire d’un crime.<br />

21 décembre. Un référendum ratifie le coup d’État.<br />

1852<br />

9 janvier. Décret expulsant du territoire V. Hugo et soixante−cinq autres représentants.<br />

17 janvier. V. Hugo écrit qu’il a rencontré Hetzel, éditeur comme lui proscrit. Il songe à "construire une cita<strong>de</strong>lle d’écrivains et<br />

<strong>de</strong> libraires d’où nous bombar<strong>de</strong>rons le Bonaparte".<br />

31 juillet. V. Hugo quitte Bruxelles pour Jersey, via Anvers et Londres.<br />

14 juin. V. Hugo abandonne l’Histoire d’un crime.<br />

22 octobre. La rédaction <strong>de</strong>s Châtiments commence, ininterrompue jusqu’en juin 1853.<br />

1853<br />

21 novembre. Publication <strong>de</strong>s Châtiments à Bruxelles.<br />

1. Louis−Napoléon avait été élu en 1849 Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République.<br />

É C R I T U R E<br />

I. Après avoir lu les textes qui vous sont proposés et pris connaissance <strong>de</strong>s annexes 1 et 2, vous répondrez à la question<br />

suivante (4 points) :<br />

Que dénonce V. Hugo dans les textes A et B ? Quel est celui <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux textes qui vous paraît le plus<br />

susceptible d’émouvoir et d’indigner ses lecteurs ? Justifiez votre réponse.<br />

II. Vous traiterez ensuite un <strong>de</strong> ces <strong>sujet</strong>s (16 points) :<br />

1. Commentaire<br />

* * *<br />

Parlant <strong>de</strong>s textes A (Histoire d’un crime) et B ("Souvenir <strong>de</strong> la nuit du 4"), le poète Louis Aragon a affirmé :<br />

"Je ne crois pas qu’il y ait <strong>de</strong> leçon <strong>de</strong> poésie plus valable que la comparaison <strong>de</strong> ce récit en prose et <strong>de</strong> ce<br />

poème. Il y a mille chose à dire <strong>de</strong> cette prose et <strong>de</strong> ces vers comparés".<br />

Montrez les plus importantes <strong>de</strong> ces "choses", en comparant et commentant les lignes 22 à 46 du récit en<br />

prose et les vers 20 à 48 du poème.<br />

5


2. Dissertation<br />

Dans sa Lettre à Hetzel (texte C), Victor Hugo propose <strong>de</strong> "réveiller le peuple". Les poètes, les écrivains, les<br />

artistes en général, vous paraissent−ils pouvoir, mieux que d’autres, remplir cette mission ?<br />

Vous répondrez à cette question en un développement composé, prenant appui tout à la fois sur les textes<br />

qui vous sont proposés, ceux que vous avez étudiés en classe et vos lectures personnelles.<br />

3. Invention<br />

Vous choisirez un <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux <strong>sujet</strong>s :<br />

♦ En 1853, malgré les interdits et la censure, Les Châtiments sont diffusés clan<strong>de</strong>stinement en<br />

France. Un journaliste du Moniteur écrit et publie un article dans lequel il attaque, critique et<br />

condamne le poème "Souvenir <strong>de</strong> la nuit du 4".<br />

Rédigez cet article.<br />

♦ En 1853, malgré les interdits et la censure, Les Châtiments sont diffusés clan<strong>de</strong>stinement en<br />

France. Après avoir lu le poème "Souvenir <strong>de</strong> la nuit du 4", un journaliste prend le risque d’écrire et<br />

<strong>de</strong> faire circuler un article dans lequel il salue le courage <strong>de</strong> Victor Hugo et rend hommage à son<br />

talent. Il est convaincu que le combat ainsi mené contre Napoléon III sera utile et aboutira.<br />

Rédigez cet article.<br />

* * *<br />

6


Commentaires et éléments <strong>de</strong> corrigés<br />

A. Présentation du <strong>sujet</strong><br />

Il n’est sans doute pas nécessaire <strong>de</strong> démontrer la cohérence du corpus : un auteur unique, une circonstance historique très<br />

délimitée, une conception et une manifestation <strong>de</strong> la poésie explicites. L’intérêt <strong>de</strong> la confrontation entre les <strong>de</strong>ux textes <strong>de</strong><br />

Hugo − le récit en prose, le poème − apparaît d’emblée. La comparaison entre les <strong>de</strong>ux pages permet en effet <strong>de</strong> travailler<br />

sur <strong>de</strong>ux versions d’un même épiso<strong>de</strong> douloureux, <strong>de</strong> confronter <strong>de</strong>ux moyens d’expression différents, <strong>de</strong> travailler sur la<br />

spécificité <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux textes, comme y invitent les nouveaux programmes <strong>de</strong> la classe <strong>de</strong> première (voir le <strong>sujet</strong> du<br />

commentaire). Chacun voit bien encore combien il est aisé sur un pareil corpus <strong>de</strong> rendre sensibles les élèves à la singularité<br />

du texte poétique, à la qualité <strong>de</strong>s moyens qu’il met en oeuvre, aux effets qu’il produit. La lettre à Hetzel situe les <strong>de</strong>ux récits<br />

précé<strong>de</strong>nts, « paroles indignées », dans une vision plus large <strong>de</strong> la poésie et <strong>de</strong> l’écriture hugoliennes (voir le <strong>sujet</strong> <strong>de</strong><br />

dissertation). L’ensemble <strong>de</strong>s documents fournis en annexe démontre aussi la nécessité <strong>de</strong> situer les textes dans un contexte<br />

− en l’occurrence historique, biographique et politique − pour en apprécier la portée et l’enjeu.<br />

On aura noté que ce <strong>sujet</strong> se situe au croisement <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux objets d’étu<strong>de</strong> obligatoires dans toutes les séries : « La poésie» et<br />

«Convaincre, persua<strong>de</strong>r, délibérer ». Les trois textes <strong>de</strong> Hugo, avec <strong>de</strong>s moyens et <strong>de</strong>s visées différents, procè<strong>de</strong>nt en effet<br />

<strong>de</strong> l’argumentation. Les <strong>de</strong>ux récits − en prose et en vers − non seulement prononcent <strong>de</strong>s réquisitoires contre Napoléon III et<br />

son régime, mais fonctionnent dans leur totalité comme <strong>de</strong>s actes d’accusation. La mort <strong>de</strong> l’enfant <strong>de</strong>vient un exemple <strong>de</strong> la<br />

barbarie <strong>de</strong> ce régime et sa dénonciation à elle seule <strong>de</strong>vrait pouvoir réveiller les consciences, persua<strong>de</strong>r les lecteurs <strong>de</strong><br />

l’ignominie <strong>de</strong> l’Empereur honni et <strong>de</strong> ses métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> gouvernement. La lettre à Hetzel est celle d’un «homme politique » −<br />

c’est ainsi que se désigne Hugo − ; elle sonne aussi comme un manifeste, une profession <strong>de</strong> foi qui proclame la fonction du<br />

poète, les missions d’une poésie « honnête mais pas modérée ». C’est la dimension argumentative <strong>de</strong>s textes du corpus qui<br />

donne aux élèves les moyens d’amorcer la réflexion à laquelle les invite le <strong>sujet</strong> <strong>de</strong> dissertation.<br />

La question et le commentaire portant sur une comparaison entre les <strong>de</strong>ux pages, il nous paraît utile <strong>de</strong> proposer ci−après<br />

quelques−unes, selon le mot d’Aragon (voir <strong>sujet</strong> du commentaire), <strong>de</strong>s « mille choses à dire <strong>de</strong> cette prose et <strong>de</strong> ces vers<br />

comparés ».<br />

Eléments <strong>de</strong> corrigé pour le professeur<br />

"Souvenir <strong>de</strong> la nuit du 4" est un <strong>de</strong>s plus bouleversants poèmes, polémique et lyrique, <strong>de</strong> Hugo. Aragon l’a par ailleurs<br />

magnifiquement commenté. En raison <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>nsité et <strong>de</strong> sa puissance, le poème apparaît curieusement comme une<br />

réécriture du récit en prose, alors même qu’il est antérieur. En effet dans la « quatrième journée » d’Histoire d’un crime (La<br />

Victoire, I, « Les faits <strong>de</strong> la nuit. – La rue Tiquetonne », chapitre écrit en 1877− 1878), Hugo précise : « J’ai raconté ailleurs<br />

cette chose tragique » et précise en note « Châtiments ». Il nous invite ainsi lui− même à lire les <strong>de</strong>ux textes en les<br />

confrontant. Loin <strong>de</strong> prétendre épuiser les éléments <strong>de</strong> comparaison, nous nous contentons ici <strong>de</strong> suggérer quelques pistes<br />

<strong>de</strong> lecture analytique <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux textes.<br />

Les similitu<strong>de</strong>s sont nombreuses. Les mêmes événements historiques servent <strong>de</strong> cadre à la même « anecdote » dramatique :<br />

ce sont <strong>de</strong>s « choses vues » par un témoin direct, journaliste <strong>de</strong> talent et visionnaire puissant, rapportées par un narrateur qui<br />

maîtrise les procédés <strong>de</strong> la prose et <strong>de</strong> la poésie pour faire éprouver à son lecteur <strong>de</strong>s émotions puissantes. Le<br />

narrateurtémoin note les mêmes éléments <strong>de</strong>scriptifs qui évoquent un décor et un univers marqué par la simplicité et<br />

l’humilité. Se met en place un tableau pathétique qui appelle la comparaison avec les piétà : la grand−mère porte le corps <strong>de</strong><br />

l’enfant mort, tout comme Marie soutient le corps <strong>de</strong> Jésus à la <strong>de</strong>scente <strong>de</strong> la croix. Le même mouvement soulève les <strong>de</strong>ux<br />

récits : on passe d’une veillée funèbre à la condamnation d’un régime politique. Les <strong>de</strong>ux textes articulent les registres<br />

tragique et polémique.<br />

L’analyse du récit en prose révèle quelques traits d’écriture particuliers qui le distinguent nettement du poème.<br />

Le récit est localisé avec précision (Rue Tiquetonne). Il indique la présence d’autres témoins i<strong>de</strong>ntifiés. Ainsi il répond à<br />

l’objectif que s’assigne Hugo dans l’Histoire d’un crime : « J’(…) ai déclaré que j’avais un <strong>de</strong>voir, celui <strong>de</strong> faire l’histoire<br />

immédiate et toute chau<strong>de</strong> <strong>de</strong> ce qui vient <strong>de</strong> se passer. Auteur, témoin et juge, je suis historien tout à fait. » ou encore dans<br />

la Préface <strong>de</strong> 1877 : « Le proscrit s’est immédiatement fait historien. Il emportait dans sa mémoire indignée ce crime, et il a<br />

voulu n’en rien laisser perdre. De là ce livre ». Mais l’historien se fait procureur et son récit se construit comme un acte<br />

d’accusation.<br />

Soulignant un mouvement dramatique, il suit une progression chronologique et spatiale régulière : le lecteur suit l’action <strong>de</strong> la<br />

rue obscure à la maison, <strong>de</strong> l’entrée à la chambre ; le regard se focalise sur les objets, enfin sur le corps <strong>de</strong> l’enfant dont on<br />

détaille les parties : le front, les yeux, la tête, l’épaule, les pieds… Ce mouvement est souligné encore par un effet <strong>de</strong><br />

dramatisation intense : « Une chose qui était dans l’ombre » amène « Je m’approchai » qui conduit à fixer le regard sur le<br />

corps : « Ce qu’elle avait dans les bras, c’était un enfant mort ». Mais le mouvement se prolonge encore, rapprochant le<br />

7


egard et le corps du narrateur <strong>de</strong> l’enfant ensanglanté : « <strong>de</strong>ux trous rouges au front », « <strong>de</strong>ux filets <strong>de</strong> sang», «J’avais du<br />

sang aux lèvres ». Ce mouvement lent, inexorable, éprouvant, traduit l’horreur qu’éprouve le narrateur et produit sur le lecteur<br />

un effet <strong>de</strong> pathétique violent.<br />

Le discours « farouche » <strong>de</strong> l’aïeule est rapporté essentiellement en discours indirect à l’exception <strong>de</strong> quelques cris d’autant<br />

plus désespérés : « Je veux qu’on me le ren<strong>de</strong> ». La douleur et la colère <strong>de</strong> la grand− mère sont marquées encore par<br />

l’éclatement du discours narrativisé dont on entend <strong>de</strong>s bribes, dont le texte souligne les exclamations, les interrogations.<br />

Le récit en prose apparaît comme un texte narratif d’une gran<strong>de</strong> sobriété où apparaissent <strong>de</strong>s insistances puissantes : le motif<br />

du sang, le thème <strong>de</strong> la fragilité (« enfant », « petit » aux multiples occurrences, « vieille »). Il présente dans le même tableau<br />

dramatiquement construit l’impuissance <strong>de</strong>s « misérables » <strong>de</strong>vant les horreurs d’un régime, l’impuissance <strong>de</strong>s témoins<br />

<strong>de</strong>vant la douleur et le scandale <strong>de</strong> la mort, la révolte latente.<br />

Le poème se construit en <strong>de</strong>ux parties (un tableau dramatique / un discours politique), mais l’unité <strong>de</strong> l’ensemble est<br />

fortement marquée par la construction en boucle : le <strong>de</strong>rnier vers fait écho au premier, mettant sous les yeux du lecteur le<br />

spectacle affligeant d’un enfant tué.<br />

Dans la présentation <strong>de</strong> la scène tragique, Hugo a effacé l’inutile, l’accessoire : pas <strong>de</strong> localisation précise, aucune<br />

i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s témoins, un « nous » sobre et général (« <strong>de</strong>s nôtres ») inclut le narrateur sans que son rôle soit mis en<br />

évi<strong>de</strong>nce. Un groupe humain indéfini, tel un choeur tragique, <strong>de</strong>vient le témoin <strong>de</strong> la douleur pathétique d’une aïeule.<br />

I<strong>de</strong>ntiquement, les interventions du narrateur− témoin résonnent comme les commentaires du choeur <strong>de</strong> la tragédie antique :<br />

« dans la rue où on en tuait d’autres » ; « Hélas ! ce que la mort touche <strong>de</strong> ses mains froi<strong>de</strong>s… ». La mise en scène focalise<br />

l’attention du lecteur sur l’essentiel, objet <strong>de</strong> douleur et <strong>de</strong> scandale : l’enfant mort. L’effet saisissant obtenu par le premier<br />

vers est ainsi soutenu dans la totalité d’un poème.<br />

Le fait−divers dramatique – comme souvent chez Hugo – se transforme en symbole. Cette élévation est sensible dans le<br />

discours <strong>de</strong> l’aïeule rapporté « directement ». ce n’est pas la seule différence avec le récit en prose. Le discours est plus long<br />

et plus organisé. Dès lors, sa puissance et sa véhémence s’en trouvent accrues. L’interpellation (« Avez−vous vu saigner la<br />

mûre dans les haies ? », les métaphores, les comparaisons (« comme un bois qui se fend ») cherchent à exprimer l’indicible<br />

et permettent <strong>de</strong> détourner l’attention <strong>de</strong> la vision insoutenable (« saigner la mûre ») ou au contraire <strong>de</strong> suggérer la violence<br />

brutale du choc (le crâne qui se fend, puissance <strong>de</strong> la rime « fend/ enfant »). Le rythme <strong>de</strong>s vers contribue à créer le climat <strong>de</strong><br />

tension et le registre pathétique. Par exemple l’enjambement <strong>de</strong> « Sa bouche / Pâle, s’ouvrait » accroît la force <strong>de</strong> l’adjectif<br />

placé en rejet et associe le mouvement du détail pictural à l’ouverture <strong>de</strong> la voyelle [a].<br />

Le discours politique adressé à l’aïeule frappe par la violence <strong>de</strong> la diatribe et son ironie grinçante. Dans un effet admirable <strong>de</strong><br />

polyphonie énonciative, Hugo fait entendre la voix officielle <strong>de</strong> Napoléon III. Les citations <strong>de</strong> ses discours − programmes (« Il<br />

sauve / la famille, l'église, la société » met en place un alexandrin avec une diérèse fortement ironique) s’opposent<br />

antithétiquement à la réalité <strong>de</strong> sa politique : crimes, assassinats d’enfants, répression sanglante, déni <strong>de</strong> justice. Une<br />

articulation logique (« C’est pour cela que… ») met en parallèle les préoccupations futiles, le goût du luxe, l’orgueil <strong>de</strong> la<br />

société impériale et la tragique réalité. La visée polémique et satirique du poème retrouve celles <strong>de</strong> l’ensemble du recueil Les<br />

Châtiments.<br />

B. Question<br />

On notera que la question posée prépare à la fois au commentaire, à la dissertation et au second <strong>sujet</strong> d’invention.<br />

Les analyses suggérées dans la présentation du <strong>sujet</strong> offrent <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> comparaison et d’interprétation suffisants pour<br />

répondre à la question. On n’attend pas <strong>de</strong>s élèves le même travail. La réponse à la question impose toutefois que soient<br />

présentés :<br />

• l’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong> l’acte d’accusation que dresse Hugo dans les <strong>de</strong>ux textes : mise en cause d’un régime autoritaire,<br />

violence <strong>de</strong> la répression, scandale d’une situation qui condamne à la mort <strong>de</strong>s enfants ;<br />

• quelques−uns <strong>de</strong>s choix qui distinguent les <strong>de</strong>ux textes. Certains élèves peuvent être plus sensibles à la<br />

dramatisation du récit en prose ; d’autres au climat pathétique qu’instaure le texte poétique. On ne saurait ici imposer<br />

une quelconque hiérarchie entre les <strong>de</strong>ux textes, même si le poème s’avère d’une puissance émotive prodigieuse.<br />

C. Commentaire<br />

Le libellé du commentaire n’est pas orthodoxe. Chacun comprendra que son originalité n’enlève rien aux exigences qui<br />

prévalent dans ce type d’exercice : qualité <strong>de</strong> la lecture, respect <strong>de</strong> la consigne, maîtrise d’une organisation. La citation<br />

d’Aragon est une invite au commentaire comparé, exercice désormais explicitement prévu dans la définition <strong>de</strong> l’EAF et<br />

illustré dans les <strong>annales</strong> 0 par <strong>de</strong>ux <strong>sujet</strong>s, le 5 et le 7. Il porte ici sur <strong>de</strong>ux extraits qui se répon<strong>de</strong>nt en écho. Dès lors, ce ne<br />

saurait être le référent seul qui doit faire l’objet d’une analyse, mais bien les moyens spécifiques <strong>de</strong> sa mise en scène, non le<br />

seul signifié, mais bien le signifiant.<br />

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La démarche peut emprunter <strong>de</strong>s voies plus ou moins complexes. On ne saurait décrier une métho<strong>de</strong> qui s’intéresserait<br />

d’abord aux similitu<strong>de</strong>s, pour ensuite distinguer les moyens mis en oeuvre. On peut cependant souhaiter un principe<br />

d’organisation plus élaboré qui permettrait <strong>de</strong> comparer les procédés et <strong>de</strong> distinguer les effets produits :<br />

• une scène <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil : dramatisation / théâtralisation ;<br />

• les paroles rapportées : bouleversement / réquisitoire organisé ;<br />

• la con<strong>de</strong>nsation du poème.<br />

D. Dissertation<br />

Les nouveaux programmes <strong>de</strong> français ont instauré <strong>de</strong>s objets d’étu<strong>de</strong> obligatoires dont l’intitulé est désormais rappelé en<br />

tête <strong>de</strong>s <strong>sujet</strong>s <strong>de</strong> l’épreuve écrite. Les élèves ont <strong>de</strong>s connaissances sur les notions ou les problématiques imposées, et ils<br />

doivent être évalués à la fois sur leurs connaissances, leur faculté à mobiliser arguments, références et exemples, sur leurs<br />

capacités à ne pas « réciter une leçon », à reformuler, à concevoir une organisation qui ren<strong>de</strong> compte à la fois <strong>de</strong> leurs<br />

savoirs et <strong>de</strong> la spécificité du <strong>sujet</strong> donné. On peut penser que sur l’objet d’étu<strong>de</strong> « poésie », les professeurs ont conduit les<br />

élèves à réfléchir à la fonction du poète ou aux missions que s’assigne la poésie. Dès lors, en prenant appui sur l’ensemble<br />

du corpus et en réinvestissant les acquis <strong>de</strong> leur travail <strong>de</strong> préparation, les élèves ne doivent pas avoir <strong>de</strong>s difficultés<br />

majeures pour traiter le <strong>sujet</strong> posé.<br />

La définition <strong>de</strong> la mission <strong>de</strong> la poésie est récurrente dans l’oeuvre <strong>de</strong> Hugo. Pour mémoire, on peut rappeler ces vers<br />

extraits d’« Amis un <strong>de</strong>rnier mot » (Les Feuilles d’automne, novembre1831) :<br />

« Alors, oh ! je maudis, dans leur cour, dans leur antre,<br />

Ces rois dont les chevaux ont du sang jusqu’au ventre !<br />

Je sens que le poète est leur juge ! je sens<br />

Que la muse indignée, avec ses poings puissants,<br />

Peut, comme au pilori, les lier sur leur trône<br />

Et leur faire un carcan <strong>de</strong> leur lâche couronne,<br />

Et renvoyer ces rois, qu’on aurait pu bénir,<br />

Marqués au front d’un vers que lira l’avenir !<br />

Oh ! la muse se doit aux peuples sans défense.<br />

J’oublie alors l’amour, la famille, l’enfance,<br />

Et les molles chansons, et le loisir serein,<br />

Et j’ajoute à ma lyre une cor<strong>de</strong> d’airain ! »<br />

Ce que l’on attend ici dans le traitement du <strong>sujet</strong> relève <strong>de</strong> plusieurs compétences :<br />

• la définition explicite <strong>de</strong> la mission <strong>de</strong> l’art exprimée par Hugo : il doit « réveiller le peuple », c’est à dire le sortir <strong>de</strong> la<br />

torpeur où le maintiennent le mensonge, la propagan<strong>de</strong>, la peur, la lâcheté, la compromission, la facilité, l’art officiel;<br />

• l’illustration <strong>de</strong> cette thèse par <strong>de</strong>s exemples précis et pertinents : la poésie engagée, celle <strong>de</strong> la Résistance (voir<br />

<strong>sujet</strong> 4), la majorité <strong>de</strong> l’oeuvre <strong>de</strong> Hugo (Les Châtiments, Les Misérables, l’extrait <strong>de</strong>s Feuilles d’automne « Amis, un<br />

<strong>de</strong>rnier mot » <strong>de</strong> 1831, le poème « Fonction du poète » in Les Rayons et les ombres <strong>de</strong> 1839), mais aussi les<br />

«philosophes » <strong>de</strong>s Lumières ;<br />

• l’organisation d’une démarche qui permette <strong>de</strong> répondre à la question posée : pourquoi et par quels moyens les<br />

artistes s’acquittent− ils <strong>de</strong> cette mission « politique » ? Le poète, l’artiste ont à la fois un pouvoir et un <strong>de</strong>voir <strong>de</strong><br />

subversion ;<br />

• l’élargissement <strong>de</strong> cette problématique : qu’est ce qui confère aux artistes le pouvoir et le <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> « réveiller le<br />

peuple » ? On peut ici encore solliciter Hugo et <strong>de</strong>s poèmes tels que « A Alfred Dürer » in Les Voix<br />

intérieures (1837).<br />

E. Invention<br />

• Le libellé du premier <strong>sujet</strong> et la posture qu’ils conduiraient l’élève à prendre ont été remis en cause ici ou là.<br />

Deman<strong>de</strong>r à <strong>de</strong>s adolescents <strong>de</strong> prendre la plume d’un journaliste du Moniteur <strong>de</strong> 1853 a pu choquer. Au nom <strong>de</strong><br />

quoi, si ce n’est au nom d’une idéologie réactionnaire, peut− on condamner le poème « Souvenir <strong>de</strong> la nuit du 4 » en<br />

effet ? On peut présenter autrement la problématique d’un tel libellé. Rédiger cet article, c’est reconnaître la force <strong>de</strong><br />

conviction du poème, la puissance persuasive <strong>de</strong> son propos, la charge explosive <strong>de</strong> sa dénonciation, c’est<br />

s’inquiéter face à sa force et reconnaître donc, par une voie détournée, le génie du poète. Imaginer qu’un journaliste<br />

du Moniteur remette en cause les procédés employés par Victor Hugo appelle donc l’analyse <strong>de</strong> ces procédés. On<br />

prendra ici pour exemples l’ironie finale et l’attaque frontale (« Vous ne compreniez point… ») succédant au<br />

pathétique, ou la généralisation opérée dans les trois <strong>de</strong>rniers vers du poème : « les vieilles grand− mères »… « <strong>de</strong>s<br />

enfants <strong>de</strong> sept ans »…<br />

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• Il convient <strong>de</strong> rappeler que si « L’épistolaire » est un objet d’étu<strong>de</strong> réservé aux seules séries L, l’écriture d’une lettre<br />

doit être une compétence partagée. Le libellé impose ici un émetteur doté <strong>de</strong> caractéristiques propres : un journaliste<br />

engagé dans le soutien au régime en place ou au contraire un journaliste qui partage les idéaux politiques <strong>de</strong> Hugo.<br />

Il impose en outre un registre : critique, polémique dans le premier cas ; enthousiaste, louangeur dans le second. Le<br />

blâme comme l’éloge peuvent porter aussi bien sur les qualités stylistiques et les effets émotionnels du poème que<br />

sur son contenu politique et polémique.<br />

Ministère <strong>de</strong> l’éducation nationale – Direction <strong>de</strong> l’enseignement scolaire<br />

Inspection pédagogique régionale <strong>de</strong>s Lettres,<br />

académie <strong>de</strong> <strong>Nancy</strong>−<strong>Metz</strong><br />

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