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Toutes les opinions sont-elles tolérables - Académie de Nancy-Metz

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<strong>Toutes</strong> <strong>les</strong> <strong>opinions</strong> <strong>sont</strong>-el<strong>les</strong> tolérab<strong>les</strong> ? (corrigé <strong>de</strong> dissertation, fait par I. Smadja)<br />

Voici la problématique <strong>de</strong> ce sujet (qui ne doit pas apparaître dans le <strong>de</strong>voir qu’intégrée à l’intro cf ci-<strong>de</strong>ssous):<br />

D’un côté, nous savons bien que la liberté d’expression est un droit fondamental <strong>de</strong> l’être humain, qu’interdire à<br />

quelqu’un <strong>de</strong> s’exprimer, <strong>de</strong> dire son opinion, c’est en quelque sorte lui refuser le droit d’avoir un statut dans le<br />

mon<strong>de</strong>, c’est quasiment lui refuser le droit d’être. Bref, nous savons qu’il est <strong>de</strong> notre <strong>de</strong>voir d’être tolérant. D’un<br />

autre côté pourtant, il y <strong>de</strong>s <strong>opinions</strong> que nous voudrions interdire parce que nous savons qu’el<strong>les</strong> favorisent<br />

l’intolérance.<br />

Et voici une introduction : La tolérance est souvent présentée comme un <strong>de</strong> nos <strong>de</strong>voirs essentiels. Il faut être<br />

tolérant, nous répète-t-on sans arrêt. L’intolérance mènerait au fanatisme, serait une forme <strong>de</strong> refus <strong>de</strong>s autres, <strong>de</strong><br />

tous ceux qui n’ont pas la même peau, pas <strong>les</strong> mêmes idées, pas la même culture. Certes, tout cela est vrai. Et<br />

pourtant, il y a <strong>de</strong>s <strong>opinions</strong> tellement odieuses qu’il est, semble-t-il, tout autant dans notre <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> réagir face à<br />

el<strong>les</strong> et <strong>de</strong> ne pas <strong>les</strong> tolérer. Dès lors, la question se pose : doit-on tolérer y compris ce que nous pensons être<br />

intolérable ? Comment peut-on concilier le <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> tolérance avec le sentiment qu’il faut réagir face aux<br />

<strong>opinions</strong> racistes et ne pas <strong>les</strong> tolérer ? La tolérance est-elle réellement, comme on l’entend parfois dire, la valeur<br />

<strong>de</strong>vant laquelle toutes <strong>les</strong> autres valeurs doivent s’incliner ou ne peut-on penser qu’au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> la tolérance, il y<br />

a un <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> responsabilité qui nous oblige à ne pas accepter ce qui met en péril ou bafoue <strong>les</strong> droits <strong>de</strong><br />

l’homme ?<br />

I - S’il faut tolérer <strong>les</strong> <strong>opinions</strong>, c’est, dit-on, parce que leur refus remettrait en cause une <strong>de</strong>s bases<br />

essentiel<strong>les</strong> <strong>de</strong> la démocratie, la liberté d’expression :<br />

* Si moi, je ne tolère pas l’opinion d’autrui, pourquoi <strong>de</strong>vrait-il tolérer la mienne l’intolérance aboutirait à la<br />

longue à l’absence d’écoute <strong>de</strong> l’autre, à l’absence d’ouverture sur l’autre et sur ses idées et à plus ou moins<br />

longue échéance à la xénophobie, au rejet <strong>de</strong> l’étranger. De même, au niveau politique, qui nous prouve que la<br />

raison essentielle pour laquelle on censure certaines <strong>opinions</strong> n’est pas le refus d’un gouvernement d’être critiqué<br />

? La censure <strong>de</strong> certaines <strong>opinions</strong> ne serait que le début d’une dictature.<br />

* Et <strong>de</strong> fait, qui est à même <strong>de</strong> juger <strong>de</strong> ce qui est ou n’est pas tolérable ? Pourquoi moi plutôt que l’autre ? Car,<br />

on peut très bien penser que ce qui pour moi est intolérable ne l’est pas pour d’autres. Et inversement, ce que moi<br />

je veux dire, d’autres peuvent tout à fait le penser comme intolérable. Bref, il n’y aurait pas d’intolérable<br />

absolument, mais il y aurait <strong>de</strong>s gens intolérants qui trouvent intolérable qu’on puisse penser autre chose qu’eux.<br />

* Tolérer n’est pas admettre comme vrai. Tolérer, c’est tout en étant conscient <strong>de</strong> la stupidité voire <strong>de</strong> la gêne que<br />

peuvent entraîner certaines <strong>opinions</strong>, <strong>les</strong> accepter faute <strong>de</strong> mieux, faute <strong>de</strong> pouvoir <strong>les</strong> interdire. La tolérance est<br />

un pis-aller : il faut bien tolérer car ne pas le faire entraînerait une atteinte à la liberté d’expression. (c’est ce que<br />

soutient Spinoza, philosophe qui s’est révolté au XVIIème contre la censure que <strong>les</strong> gouvernements faisaient<br />

peser sur <strong>les</strong> citoyens : ce qu’on ne peut interdire, il faut le tolérer. Exemple <strong>de</strong> Spinoza : tout le mon<strong>de</strong> sait que<br />

l’ivrognerie est un mal. Pourtant, dans la mesure où on ne peut interdire <strong>les</strong> gens <strong>de</strong> boire sans mettre un policier<br />

dans chaque maison, on est bien forcé <strong>de</strong> tolérer l’ivrognerie.)


* Enfin, parler, discuter, échanger <strong>de</strong>s idées, y compris avec <strong>de</strong>s gens qu'on juge intolérants et défendant <strong>de</strong>s<br />

points <strong>de</strong> vue inacceptab<strong>les</strong>, est le seul moyen <strong>de</strong> modidier <strong>les</strong> mentalités. En revanche, ne pas permettre à <strong>de</strong>s<br />

gens <strong>de</strong> développer leurs idées, même intolérantes, c'est <strong>les</strong> amener à exacerber leurs positions, à <strong>de</strong>venir d'autant<br />

plus virulents et haineux. On pourrait penser que la parole, tant qu’elle ne se transforme pas en action, doit être<br />

tolérée, qu’après tout chacun est libre <strong>de</strong> s’exprimer et que l’on ne doit réprimer que <strong>les</strong> actions et non <strong>les</strong><br />

discours.<br />

Transition : Et pourtant est-ce si simple ? d’un autre côté, on admet bien qu’on ne doit pas, qu’on ne peut pas<br />

tolérer <strong>les</strong> meurtres, <strong>les</strong> violences... Pourquoi ne pourrait-on pas considérer que certaines paro<strong>les</strong>, particulièrement<br />

b<strong>les</strong>santes, peuvent faire mal autant que <strong>de</strong>s actes ?<br />

II – Mais alors faut-il mettre <strong>de</strong>s limites à la tolérance et quel<strong>les</strong> <strong>sont</strong> ces limites ?<br />

* On peut réfléchir aux effets <strong>de</strong> certaines <strong>opinions</strong> qui incitent à la haine raciale : ne peut-on pas penser que<br />

certaines <strong>opinions</strong> induisent, entraînent <strong>de</strong>s actes ? Même s’il est très difficile <strong>de</strong> savoir quels <strong>sont</strong> <strong>les</strong> effets exacts<br />

d’un discours sur une foule <strong>de</strong> personnes, on peut admettre qu’il ne faut pas tolérer tous <strong>les</strong> discours qui incitent à<br />

la haine et à la violence. On est alors amené à distinguer l'échange d'idées entre personnes privées, échange<br />

nécessaire, et le discours public qui, lui, n'est pas tolérable s'il est incitation à la haine.<br />

* Au nom <strong>de</strong> quel (faux) principe <strong>de</strong>vrait-on tolérer toutes <strong>les</strong> <strong>opinions</strong>, y compris cel<strong>les</strong> qui humilient la<br />

personne, qui ébranlent la dignité d’un homme ou d’un groupe d’hommes ? <strong>les</strong> linguistes admettent que le<br />

langage a parfois valeur performative (= qu’il est dans certains cas une action à part entière) : que répandre, par<br />

exemple, <strong>de</strong>s rumeurs concernant telle ou telle personne, même s’il ne s’agit que d’une opinion, peut avoir <strong>de</strong>s<br />

effets sur cette personne tout aussi désastreux qu’un acte ;d’ailleurs on puisse attaquer en diffamation une<br />

personne qui répand <strong>de</strong>s rumeurs non fond<br />

* <strong>Toutes</strong> <strong>les</strong> <strong>opinions</strong> ne <strong>sont</strong> pas donc tolérab<strong>les</strong> : mais ne pas <strong>les</strong> tolérer, qu’est-ce ? En fin <strong>de</strong> compte, est-ce si<br />

terrible qu’on veut le dire que d’être intolérant envers un certain nombre d’<strong>opinions</strong> extrêmement ciblées qui <strong>sont</strong><br />

toutes <strong>les</strong> <strong>opinions</strong> racistes ou qui remettent en question le droit d’une personne ou d’un groupe <strong>de</strong> personnes à<br />

exister ? Ne pas <strong>les</strong> tolérer, c’est alors refuser qu’on <strong>les</strong> dise publiquement.<br />

Conclusion : On peut refuser <strong>les</strong> <strong>opinions</strong> qui veulent contredire le seul fon<strong>de</strong>ment qui pourrait <strong>les</strong> justifier :Ce<br />

qui justifie qu’on tolère toutes <strong>les</strong> <strong>opinions</strong>, c’est l’idée que tous <strong>les</strong> hommes se valent, que tous <strong>les</strong> hommes <strong>sont</strong><br />

égaux en droit et <strong>de</strong> ce fait que tous ont le droit d’exprimer leurs <strong>opinions</strong>. Or <strong>les</strong> <strong>opinions</strong> racistes tentent <strong>de</strong><br />

saper ce principe <strong>de</strong> la tolérance : el<strong>les</strong> disent que tous <strong>les</strong> hommes ne <strong>sont</strong> pas égaux, n’ont pas <strong>les</strong> mêmes droits.<br />

De ce fait, on est en droit <strong>de</strong> <strong>les</strong> refuser.

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